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f0609dca4818099d13ef1c8d9bae96e8
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A name given to the resource
Ouvrages remarquables des écoles normales
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Title
A name given to the resource
Morale professionnelle
Subject
The topic of the resource
Morale
Instituteurs (enseignement primaire) -- Déontologie
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Augé, Louis
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Librairie Delagrave
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1935
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2017-06-09
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
1 vol. au format PDF (249 p.)
Language
A language of the resource
Français
Type
The nature or genre of the resource
Text
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MAG DD 37 053
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Ecole normale de Douai
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Université d'Artois
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�BIBLIOTHÈQUE
~omans Nouvelle.r Variétés
Les ouvrages qui composent cette nouvelle collection sont choisis armi ceui: que préfère a jeunesse
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LA llEINE DES NEIGES par Andersen FllANÇOIS BUCHAMOll
par A. Assollant
LE COLONEL CHABEllT par H. Je Bal{a& HISTOillE Df: MA 13" ANNtE par S. T. Aksako/f CONTES CHOISIS par Boccace LA CASE D:E L'ONCLE TOM P"' H. Beecher-Stowe
�JUVENTA
Chaque volume J 2x 18,5, . illustré, se vend broché, couverture couleurs, ou relié rouge.
par N. Brunel et
J~AN DE LA FONTAINE
J.
Morlins
LE PETIT LO}lD
par F. H. Bumett
LES CHEI(CHEUllS D'ÉPAVES
par M. Cltampagne
JEAN PACIFIQUE
par M. Cltampagne par
LE PETIT FAUCONNIE!\ DE LOUIS XIII
J.
Cltancel
LE DE}lNIEll DES MOHICANS
par F. Cooper
��MORALE
PROFESSIONNELLE
�A LA MÊME LIBRATR IE
DU MÊME AUTEUR
Pédagogie générale. Un vol. in-16, cart. Manuel du C. A. P. Épreuve écrite, 28 sujets étudiés.
Un vol. in-16, broché ou carl.
Pédagogie spéciale (avec M. DE PAEMELA111111). Un vol. in-16,
cart.
Législation scolaire (ave,c la collaboration de M. oe PAEMBLAERE). Un vol. in-16, cart.
Pages choisies de Pédagogie contemporaine, par C. SAvA11T. Un vol. in-16, broché ou cart.
�BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES NORMALES
MORALE
PROFESSIONNEI~LE
PAR
Louis AUGÉ , . "
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PARIS
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Médiathèque ,t,, Site de Douai 161 , rue d'Esquerchin / B.P. 827 . f 58508 DOUAI Tél.0327935178
15
DE LAGRAVE
SOU.PLOT,
1936
�Tou• droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Copyright by Librairie Delagrave, 1932
�CHAPITRE PREMIER
La culture professionnelle. L'éducation de !'Institu-
teur doit se prolonger toute la vie. Rôle des Conférences Pédagogiques. Nécessité de lutter contre les -retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement.
L'exercice de toute profession suppose des connaissances techniques et l'aptitude à les utiliser. La ça[eur des resultals se lie à leur deçeloppement: en s'elargissant, la theorie façorise le succès de la pratique: en retour, un meilleur ajustement de celle-ci aide à mieux comprendre la portee des principes. Quelle que soit l'œuçre, la culture professionnelle apparaît necessaire : l'obligation de l'elendre et de la rehausser est d'autant plus imperieuse que se multiplient les diffecultes.
= 1.
La culture professionnelle de rtnstituteur doit se prolonger toute la vie. = Que
doit être cette culture, au regard de la profession d'Instituteur, d'une complexité si délicate? Tout dépend du but qu'on veut lui assigner. S'agit-il, simplement, d'enseigner les éléments du langage, de la lecture, du calcul, de l'écriture et quelques menus rudiments qu'il n'est point permis d'ignorer (sciences, géog1·aphie. histoire, etc.)? La technique peut se limiter à l'acquisition de ces notions et des procédés intéressant la façon de les enseigner. La pratique viendra vite d'une éducation à peu près bornée à des mécanismes, et elle se maintiendra d'autant plus ferme que ses progrès seront très limités .
�JJOIUl, E PROFESSIONNEUE
Mais une telle conception ne s'harmonise guère av ec la Constitution d'un pays où chaque citoyen est appelé à participer à la vie politique. La fonction de << maître d'école » doit y prendre plus de relief el s'él:irgir, par dèlà les ~ode~'t~~ ''acqaisitions de l'inte]!ig~nce, j~~~u'à l' ~~µc~HP ~ qes ~sprits et q~s cœurs : << Nous ne refusons• pas au plus modeste petit )f \ \ , ., VH l ,r pay~an 1~ c91t~re do~~ q ~§~ c:rna~le, car c'est Bé(;!hé HF hi~~!!r volontair~rnent µne inte\lig!!nce en friçpe. Toute facu\t~, ~9µ~ :;e11timent inconscient doit être cherché, éveillé, développé avec un soin pieux 1 • » En outre, un rôle social qui dépasse, et de beaucoup, le souci de débrouiller les enfants, incombe à l'instituteur : on attend de lui qu'il agisse sur ses semblables po\Jr les aider à mieux vivre, comme individus et comme citoyens. Les occasions d'intervenir ne manqu~nt cettes pas ·: conseils sQr la maniêre d'élever les enfants, f orienter leµrs aptitudes; indications discrètes sur les 'r épercussions de tel :\Cte, · de telle CO!~duite ; avis sur les r èg lements d'affaires litigieuses embrouillées; médiations adroites dans les querelles entre voisins, les brouilles de famille. Encore ce peuvent ê'tre : le's commentaires sagaces dès faits de la vie politique et économique, souvent méconnue, déformée par l'ignorance ou l'esprit de parti; l'ai~e généreusement !ion.née pour 1 ieux faire ·c omprendre 'n la portée d'éVéne'men!s 'su~·venus en pays ét~angers, les effets qu~ peuvent avoir, sur la vie n·a t~onale, les revendicatibhs ~ présentées par certaines catégories de citoyens, et tant d'aut~es questions, nées dû bouleversement économique consécutif à la guerre. « L'éducateur doit avoir égard aux besoi.c1s de son époque,
1. R. T11AMJN. Lecon d'ouverture du Cours de Science de l'Education. {R.evue Pédagogique, i88i. l
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�LA CULTURE PROFESSIONNELLE
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aux niœurs de ceux qui l'entourent. S1non, il ressemble à un élément éfranger à l'orgadisme et que le travail de la vie isole et repousse nécessairemen l I. » Tenir uri tel rôle avec autorité supposé bien des conditÎOÎls : un Sal'Otr lJ"énéral étend.u, bien assimilé, sâhs cesse accru et rat1.vé par les reclierches et les inéditatfons d'un esprit compréhensï'f, assôùpli, toujours en haleine; des connaissances techniquès précises, tfuari t aux progi-amJ11es d'enseignement et aux instructions qui les accon1pagnent, aux, mé~liodes et procédés 1 à la psychologie et à l'hygiène in.fantiles, à l'orientation professionnelle, aux i·èglements; 1'aptitud'e à enseigner, persuader, convaincre; par-dessus tout, un désir très çif âe réagir contre tout asse,·vissem'ent à la tâché habituelle, d~ ia do~iner, d'en sortir, 1nême, pour éviter « ce toUt pédâ,1t et étroit qu'on a reproché tant de fois à l'Îhstil'uteur et (JL;i tient à l'air renfermé qù'il respire 2 ». <( L'homme ciui ne sort pas de sa profession, dit 't rès justemerit BLACKIE, est toujours un esprit étroit. Pis qu.e cela: il est, dans ùn " ce'rtâin sens, un ~trè arlificiel, l'étrange prodüit de la spéaialité l~ch~tque, également fermé à la pleine vérité de la nâtÜre èt à la salutaire influence du commerce avec lés horrimes 3 • » Beaucoup de jeunes înaîtres pensent qu'ils en sa~ront toujoürs assez poùr exercer dans une classé élémentaire. Lebrs études, les èxaméns subis ~'affirment.ils 'point ùhè supéricfritê - écrasante - de ce qu'i}§ ?nt âppri's sùr ce qu'ils devront enseig~èr? S~n~ doùte. Mais qui se flatterâit de conserver intactes des cohn'âiss'a nces tôuchânt aux disciplines les pius <li verfait, l'exarhëi:i ses, Mtivèrûent acquises souvent?
En
2.
1.
DtESTERWEG.
OEuvres choisies (P. GoY) ..
T1u,;1N. Reyue Pédagogiqu~, 15 avril 1907. 3, J.-S. BucK111, Education de soi-même.
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MORALE PROFESSIONNELLE
subi, le savoir s'estompe, un lourd déchet se produit. Or, si le danger d'un tel amoindrissement n'apparaît point dans une classe de débutants, dès que le maître exerce dans les cours élevés, la nécessité de raviver ses souvenirs, de consolider et d'étendre ses connaissances, se manifeste avec une force de jour en jour croissante; s'il n'y satisfait, les flottements, les erreurs, même, apparaissent. Bien vite, les élèves remarquent ces insuffisances. Ils jugent sévèrement qui reste court dans ses explications ou s'en évade par une échappatoire. Pour être à l'aise dans un enseignement, pour lui assurer toute sa valeur éducative, il le faut dépasser, et de beaucoup. De même, comment se faire écouter, obtenir l'adhésion aux mesures prises dans l'intérêt de l'école, aux suggestions commandées par les circonstances, sans en imposer par l'autorité du savoir et du jugement? Or, cette autorité résulte d'un long et patient effort, d'un souci constant de s'élever au-dessus de la sécheresse des manuels et du terre à terre de la vie quotidienne, en se tenant au courant des publications nouvelles et des grands événements. Surtout, elle prend sa force dans la volonté de se perfectionner, d'exercer son jugement, de reconnaitre ses erreurs et de les méditer, pour en éviter le retour et en dégager les enseignements . Une telle formation ne s'acquiert ni en quelques mois, ni par tous au même degré. Minutieux labeur, que chacun produit à son heure, au gré de ses loisirs, et qu'il pousse plus ou moins loin, selon ses capacités, ses goûts, et les tendances de son esprit! Le champ d'action s'accroît sans cesse: tous les jours, le savoir se complète, s'élargit, se renouvelle; des progrès s'accusent dans la connaissance de la psychologie enfantine et, par là, apparaît la nécessité de retouches dans les méthodes et procédés pédagogiques. Il n'est aucune exagéra-
�U CULTURE PROFESS/ON!\'f;llE
t
tion à prétendre que l'éducation de l'instituteur lloit se poursuivre toute sa vie : toujours, en quelque endroit, se révèle la nécessité et la possibilité d'une perfe.ction.
= II. Comment se cultiver. = Les éléments de la culture professionnelle, pour l'instituteur, peuvent se ramener à la lecture et à la méditation, aux travaux personnels, aux voyages, à la fréquentation des gens instruits et des collègues expérimentés, aux conférences pédagogiqnes. a) La lec.t ure. - L'usage existe, dans certaines Ecoles Normales, d'encourager les élèves-maîtres sortants à constituer nne bibliothèque par l'attribution de quelques livres, de préférence des « ouvrages de fond, prose ou vers, qui seront souvent lus et médités et qui accompagneront !'Instituteur ou l'institutrice dans leur vie de travail1. » Mince bagage! Mais le jeune maître peut trouver, sans trop de frais, d'autr~s aliments pour ses lectures. D'abord la bibliothèque pédagogique, établie, parfois, au chef-lieu de canton, souvent dans l'arrondissement, presque toujours dans la circonscription d'inspection primaire, lui consent, moyennant une minime cotisation annuelle, des prêts aussi fréquents qu'il le désire. Les livres prêtés - et qui n'intéressent point la seule pédagogie, mais les arts et les sciences, l'histoire et la géographie, la littérature - circulent en franchise à l'aller et au retour'. Ensuite, la bibliothèque circulante du Musée pédagogique 8 lui offre, toujours gratuitement, un choix d'ouvrages d'allure
1. C. du 19 novembre 1912. 2. Loi du 30 mars 1902, art. 29, modifiée par la loi du 13 juillet 1925, art. 169. 3. 29, rue d'Ulm, Paria,
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MORALE P~OFESS/ONNELL-e
plus sévère : ils ont été, en principe, choisis pour les candidats aux exa_g1ens supérieurs de l'e1:seignement primaire. Occasiom~ellement, les biblio~h,èques scolaires présentent des livres distrayants. En dehors de ces organismes officiels, les divers catalogues des libr~iries 1 per~~ttent d'étendre heureusement le choix de~ lectures. De m~me, l'échange èle · re vues, d'ouvcages, organisé par quelques l!laisons d'édition. La ma_ti&~~ ne manq11e qonc pas. L'important est de savoir choisir. Quel genre de livres convient le mieux pour préparer l'In~ütuteur à sa ~âche? D'abord, ceux q1Ji (ont connaître l'homme, la cc;>mp,lexité, le~ difficultés qe son existence, !~s problèmes qu'elle pose ei qui développent la conscience du devoir, le sentiment de l'idéal à poursuivre. )je ce noi;ubre sont les moralis.tes, observateurs de la nature hu~}aine ou maîtres de la vie intérieure, ces experts en huo;i.açiité : MoNTAIGNE, L~ Bn,uYÈRE, ];>AsCAL, LA RocHEFoucAuLo, ces belles âll).es, à l'énergie morale vive et puis~ante: MARc-AuRÈLE, EPICTÈT~, N1coLB, E~rnnsoN, PÉc:AuT ... Sans doute, leur commei;ce su_ ppose-t-il, déj~, une certaine mat.u rité. Pour s'y. élever, que ne commencerait-on par les romaas, où l'on s'initie à la connaissance de l'homme et de la vie? Certes, il co,uvient d'écarter les relations d'aventures piqualiltes, les récits niais ou destinés à exciter les sens, comme il ne s'en trouve que trop dans la littératµre con.tempo1. Certaines publient des collections d'ouvrages dont le prix varie de 3,5.0, ~ 5 l:ran.cs, pa l' exemple : PLO!'l-NouRRIT. Les Editions cosmopolites, etc. Voit· également les collections NELSON et JuvENTA: à 7 f. 50 et les très intéressantes publication_ de la collection PALLAS, chez DE LAGRAVE (anthologiQs s réunissant les plus belles pages d'un auteur, d'une littérature, d'un genre littéraire. Prix 12 fr.).
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dnruÎ:i'E PROFESSIONNELLE
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raine. :Mais quel profit ne tirer_ait-rin d'1;1ne ie~ture attentive de BALZAC, de MÉRIMÉE, voire d'ûcTAVE FEUILL~T et de CHE111;ULIEZ; pl~s encore d~ cet analyste profond ' des passio,ns et, de ~eurs d~tours : PAU~ BouRGET, dont, a~ surplus, l~s d~rniers ou_ rage.s prév sentent l'avântage de faire réfléchir suries p~oblème~ les plus complexes et les plus délicats de la vie c~n~ temporairle 1 l Viendrô~t ensuite lés œuvres 7iistori~ue_s, m~ttant en relief !es lJ.pes les pl~s div_e~~ d'huma~Îté2, et _ le.~ nombreux documents tconfess10ns ou mémoires, autobiographies, correspondances) où l;aùte!lr ~e raconte lui-même ,dans sa vie intim~ ~t ses pensées, non dan: ses aventures ou ses exploits 1. L'histoù:e peut, avec l'econ~~ie p'ôl/Îiq~e, co~sti~ tuer un vaste chaml? d'.expérience , op, sans qu'?A puisse, à coup sûr, déterminer des lois füçes et immuables, s_io~serverit les éfféts que tè~â.~~i à pr~<lt:iir~ mœurs, institutioi:is, _ mesures légi~la.tive_ , l?tte~ d,e s classes ou de nations, phénomènes économiques. Il ne s_ 'agit point de së Ïipé_ ialiser, mais, de se doc~c menter de façon à veriir sûremént en àide aui igri~..:
1. Parmi l11s écriva.i ns de. notre ép,o,que, ,cf. .les œhvres. de L. I;lÉMOj'I, EsTAU,N~É, Alain FouRNIER, ~te., et celles., si .savoureuses, aes r~gionalistes : F. FAsRÊ, E. LE RoY, G. BÊAUMÉ, MosKLLY, ,GË,rnvorx, ,CJIATEAUBRIANT, P. DEVOLUY, î'EsQu11ioux, etc. On ,trouvera, dans beaucou.p de romanciers .. àhglais : '{11ACKERAY, CH. B110t"1TE, Mm? ,Çi-ASKELA, G. EuoT, WELLs; Kh~ LING, etc., un admirabl~ se.os sJe_ réalités humaines. De même; s en Espagne, avec BLASCO LeAi'i.Ez • . 2. T1TF,-.L1vE, Histoire romaine;. les trop légendaires Vies des hommes illustres, ,de ,PLU'l'I\.RQUE; Gu1zor : la, Révolution d'Angleterre; THIERS : Histoire du Consulat et de l'Empire, etc. 3. RoussEAU : Confessipns (extraits),; CHATEAUBRIAND : M.é-"!Oires d'Outre-Tombe; Qu1NèT : l;lisloire de 11ies idées; AM· PÈR,1! : .faurnq,l et Corresppndanee; les Journaux intimes d'AMIEL et de MARIE BAsHKIRTSEFF, etc.
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�MORAL& PROFBSSIONNF!tLE
ranls de bon sens et à décider des questions que pose la vie de chaque jour; encore, de dégager, des événements, les leçons qu'ils comportent. Les exemples sont nombreux d'obstacles venant heurter les réfor, mes les plus nécessaires, de répercussions in attendues déjouant les plus habiles. De ces indications et avertissements, il y a lieu de tirer profit, donc, de se persuader que : 1° les réformes sociales présentent de terribles difficultés, d'où défiance envers ceux qui croient tout conjurer, apaiser ou créer par le verbe; 2° les lois dominant les faits sociaux ne laissent point toujours prise à la volonté humaine : il ne faut point adhérer, sans réflexion, à un système de réforme sociale; 3° le passé mérite justice, il a construit le présent, et ce que l'on y condamne fut souvent inévitable, ou, même, bon en son temps. Cette documentation peut se poursuivre à l'aide de trois sortes d'ouvrages : ceux qui exposent quelque vaste période de l'histoire d'une nation 1, étudiée dans la complexité de son aspect; ceux qui embrassent l'histoire entière d'un peuple, aux fins d'en dégager les causes les plus profondes 1 ; enfin, ceux qui essayent de formuler des
1. Cf. l'un des dix-huit tomes de !'Histoire de France, publiée sous la direction de LAVISSE (Hachette). Pour comprendre le jeu des révolutions : Origines de la France contemporaine (TAINE); la politique des nations européennes : L'Europe et la Révolution française (A. SOREL); la naissance et l'expansion d'une religion: Origines du Christianisme (RENAN); la vie sociale d'un pays à un moment donné : Grandeur et décadence de Rome (G. FERRE KO), où se trouve, décri le de façon saisissante, l'agonie tumultueuse de la République romaine et l'éta·biissement du principat d'Auguste; L'Allemagne au
temps de la Réforme ( hNNSBN), La Renaissance en Italie
(BuaCKHARDT), etc.
2. MoNTEsQUIEV : Considérations sur là Grandeur et la Décadence des Romains; FusTEL DE Cou LANGES : La Cité antique; SisMONDI : Les Républiques italiennes; LucHAIRE : Les Démo-
�U CULTURE PltOFESSIONNELLE
13
lois générales, en comparant les histoires, au risque de ne rencontrer que des hypethèses 1 • Quant à l'économie politique, il suffira de lire et d'étudier, dans un grand traité ( LEROY· B HAULrnu-Ch. GrnE-CoLSON), les chapitres essentiels sur la propriété, le travail, le salaire, pour se préparer à l'étude d'ouvrages spéciaux où est discutée la réorganisation · sociale 2 • Par la suite, on pourra s'attacher à quelques-unes des questions particulières en lesquelles se décompose la question sociale : salaires, syndicats, possibilité des entreprises collectives, fonctionnement des industries d'Etat, étudiées tant dans leurs principes que dans leurs applications. Même limitées, de telles lectures amènent vite à cette double conclusion : 1° on n'improvise pas une opinion sérieuse sur les questions d'ordre politique, social ou religieux; 2° en l'nLsrnce de vérité définitive, on doit affirmer ses opi 1. :ons avec modestie, prudence, désir d'accepter la contradiction et de reviser ses décisions. De telles lectures · seront vraiment fructueuses si elles sont conduites avec une sage lenteur, en notant lès points qui méritent d'être retenus et médités, avec une réflexion et un sens critique sans cesse en
craties italiennes; CROISET : Les Démocraties antiques; PrnENNE: Les Démocraties des Pays-Bas; DrnLH : Venise, Byzance, etc. 1. A. COMTE : Cours de philosophie positive (trois derniers volumes); SPl!NCER: Principes de la Sociologie; BAcKLE: La Civilisation en Angleterre, etc. 2. Histoire des théories socialistes au x1x• siècle, telle que l'ont tracée E. FouRNIÈRE (Alcan) ou PAUL-LOUIS (Fasquelle); Exposé de l'organisation sociale par MENGER dans son Etat socialiste; de la question ouvrière par Lu10 BRENTANO. Cf. également : la Quintessence da socialisme par ScuAEFFLE (Bibliothèque socialiste de Ricdcr); les ouvrages <le PROUDHON :
Mémoires sur la Propriété, Co11tradiclions économiques; de BouHGUIN : Les Systèmes socialistes et l'evolution économique; de Fou1LLÉE : Le Socialisme et la sociologie ré[ormi.ste etc
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MORAU: PROFESSIONNELLE
évèii. L'exêÜ énerve l'esprit, comrri~ le désordre èohsaèré la fo~iné, la plus dange~êus~ de ia pare~s.e ihtellectuêlle : l'important est d'éviter Î'épa~pillemerlt ae l'attl:ihtion, de savoir concentrer ses acquisitions autbÙr tl'iqées-repè}e~, qui t'acili~ent i:~ss\milation j êt rêsuhfor Une appréciation générale, donnaiH plus de ~récÎsion ~u souveniî·. . . il) Les th1Paüx persônhels . -::- Quelques m~îtres y irouveht un heureilx Îndyen dJ ré~ction éo~tre Ï'inIlUence déprimante de l'isolement. D'auc~.n~, . i-i;iê~ e, y réussisséni hcellemment, des pr~grès ndtables ont éfé réalisés, daris ies recherch~s ~io,logitju~s ~u lîistoriqriês, par l'effort admirable de modestes institüteurfi r~raûx 1 • Parifii lés lJ!oyens qu'il indique aux rnaitr't.s <lésÎrèux de se c~liiver, DrnsTERWEG place l'étude de la nature : la èonnaissance de ses lois, mys~~ \·es d~ jad~s, coritribue à développer la raison, à éloigner de danf f / gereuses superstitions; elle donne, au maître, le respect de son entourage, q~i voit ên .l~i un, cen,!r~ d'instrûctidn et de culture. Le champ des recherches ne mânqu~ point d'ampl~ur,: la position de lt lçc;lité; éii relation avec les Î aits historiques et écono!Uiques.;, .sa géologie; sa flore, sa faunè; l'étude tlê son climat, de son ciel, etc. Une rti~nô~raphie préë~se, perit1diqti~mê.i;it re~isé~ èt qoÎnp,lJJ1/, rend~~jt excellërits sèrviËês et occ~pe~ait , qtil,ement le,s loisirs. D'autres voies s'ouvrent à qui veut étendre sa
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1. L'ûb il'eüx b'a-î-if poin't imaginé u~ perf~c{ionne~ept dé 1; technique sans-filiste, qJl a permis la ~ulg~h~.iqciu rnpic;le de_s appareils? ~ Tel àütrë a acquis, dans l'ét ude_dé .l~, préhistoir~, üne fl8tciriété universelle . Celui-ci a fourni une hon,o rable con".' tributiliri au progrès de la classification bot,aniq~e; ,ce,lui-là, grand dééhiffreur de chartes, a, heureusement, aidé à l'histoire du drdil français.
�LA CULTURE PROFESSIONNELLE
1a
vie iutellectuelle : l'étude des archives, les observat~?n'i? ~nétforologiqu~s, etc. · ' Ou o)?j(l2t~ra l'absence de pré_paratiou ~ çes études e~ le~ rpéè~rp,p~es nés d'une initiation ius~lli~a.nte à l.1 techni'!u!J. üutl'~ <{u 'il est d~s gpides et_ des ~auuels de pl!!~ en p,lus µombreux, cl~u·s et hie~ fa(ts, d~~ bibliothèques qui s' ouvren~ facilement aux c,l1e_~cbeurs laborie!}X, l'!~O[é p_eut, le ijlU~ S~UVeut, CO~npte_r SUf l'aide d 'ai~és expérimentés, anciens mai~res de l'Ecole t\on111le et, mème, ~pécialistes en exercice dan~ les facult~s. Seu!ement, c 'est c!e lui que <lépendront les résultats, p}us· que de ée concou1·s occas10nnel : « La vé~llé ~e. do~ne à qui la cherche; mais, pour la trouver, il faut être ~aillant, agile et tort. >> (.tseruard PALISSY.) \i fau~ don.c aimer el savoir travailler, c' esta-dire : tra vaiUer pour soi, pour le plaisir de la découverte iuteUectuelle, si modeste soit-elle; songer d ' avance à ce qu 'on fera et comm~nt ou le lera; « démaner » avec vigueur; ne faire q u'uue chose à la fois, mais bien, en mépt:isau~ tes sugge.stious de la paresse; réserver peu d 'heures aq 1abeur vrai, mais les consacrer entiereu;ieut au travail créateur, non aux p~tites besogues; le resle <lu temps, mûri,r qqelques idées essentielles, autour desliJuelies se g~·oupernut let, connaissances; se do.cu,menter par la cousultaüon d'ouvrages généraux, de périodiques, re· vues bibliographiques, comptes rendus des congrès, jou.,rnaux et th~ses, en prenant pour directive qu'e les recherches bibliographiques se l'o.u t par voie àsc~ndaute. U.u ordre rigoureux est indispensable dans le classemeu L <les fiches et notes 1. c) Les· voyages. _;_ Ils « étendent les idées et
' . ... 1. On trouvera d'utiles conseils dans l'ouvrag.e du. Dr p. CnA• vtGN: : Organisation ,du tr~1·ail intellectuel (pela,~1ç~ve) et da,_~s
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he Travail rntellectuel et la volonté (Àlc~n),
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,\IUIULE PJWFESSJONNELLE
rabattent l' amour-propl'e » - et, à ce titre, ils sont précieux . Malheureusement, ils coûtent cher. Toutefois, il en est de relativement bon marché et faciles à entreprendre autour de sa résidence, à pied, à bicyclette ou par quelque moyen de transport rapide et peu onéreux (autobus ). On ne saurait trop conseiller aux maîtres d'explorer, avec une sage lenteur, la région qu'ils habitent, de se documenter sur les centres attractifs dont dépend leur village, de s'interdire l'ignorance des priucipales agglomérations du d épartement et des départements voisins, afin de pouvoir répondre aux questions des élèves et donner une allure concrète, une précision vivante, aux enseignements in!é ressant la vie locale. Des groupements universitaires se forment, parfois, pour entre prendre des voyages dans les r égions les plus pittoresques de la France ou de l' étranger. Les dépenses sont, généralement, modestes et assez in férie ures à celles qui incomberaient à un voyageur isolé . D'autre part, si ces caravanes pass ent un peu trop rapide.ment dans les endroits où il y aurait intérêt à s'attarder, elles présentent les sérieux avantages d'une orgai:iisation expé rimentée; l'essentiel est vu, le temps économisé; les frais accessoires, souvent ruineux, sont réduits au minimum. Enfin, au cours de ces déplacements, des relations se nouent, des idées s'échangent; la révélation des caractères, la nouveauté des mœurs qui apparaissent permettent de réaliser de fructueuses observations. Tout est matière à étude et à réfl exion . De quels souvenirs ne revienton point chargé, et de quels documents (cartes pos: tales, guides, notes diverses), dont l'utilisation permettra de donner du relief, un puissant intérêt à maintes leçons! · d) Les conyersations. - Le commerce d'un esprit
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cultivé, celui de collègues avisés, heureux de rechercher les occasions de « parler métier», sont d'excellents moyens de lutte contre l'isolement. Certes, il est rare de trouver, dans beaucoup de villages, des personnes d'une instruction au-dessus de la moyenne ou de goûts artistiques développés. Par malheur, tl'op souvent, quand il s'en rencontre, l'instituteur et ellesmêmes croient devoir s'éviter, parce que de croyances ou de convictions différentes ou hostiles. C'est un tort. Pourquoi l'Institute'"ur, nouveau venu dans la commune, ne verrait-il point . le Prêtre, sans rien renier de lui-même? Pourquoi renoncerait-il à fréquenter tel médecin, tel artisan ou agriculteur. cultivés, qui, en matière de foi ou de politique, ne pensent point comme lui? Sans doute est-il prudent de compter avec les jugements simplistes de la masse, qui font, rapidement, naître la suspicion et condamnent sur des apparences. Mais, avec du tact, de la patience, de la fra11chise dans les allures et le langage, ne peut-on venir à bout de préventions illogiques? Sans compter qu'il y aurait, en maintes circ_ nstances, un bel exemple de tolérance à donner ..• o Ces entretiens, de par la nature même des in terlocu·teurs, élèvent au-dessus du terre à terre habituel; ils aident à assouplir la pensée, à élargir l'esprit par la confrontation des opinions, l'excitation en laquelle ils l'entretiennent. Une question s'éclaire à être vue sous un jour différent; les jugements se modifient et, avec eux, les opinions, parfois outrancières et injU!!tes. Du point de vue professionnel, la recherc}:ie des conversations entre collègues est à recommander : tantôt ce sont des « recettes et procédés » qu'on se communique et dont on discute, ou bien lies livres et revues, nouvellement parus;. tantôt, encore, ce sont des diffiC'ultés examinées en commun, les ennuis qu'on
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MORALE PROFESSTUNNELLE
essaie de combattre, ~e petites réunions où l'on fait un peu de musique, de lequre. Ces échanges de vues fou rn issen ~ d'instructives observations, des occasions de fortifier et d'affiner son esprit, v~ire t,~n goùt et ses sentiments. Encore, ils font naître de cordiales pensées. l\~ais c'est surtout dans ces réunions élargie~ de « gens du métier », appelées conférences pédagogiques, que qnstituteur trnuvera, s'il le veut, un adjnvaot puissant de sa formation professionnelle. e) Conférences pédagogiques. . . .:. . ~lies n~quirent du souci d.e soustraire le personnel enseignant « à celle influence de l'isole111ent qui paralyse peu à peu les volontés les pl us fermes 1 ». · 1° But et caractère. - Voilà bientôt un siècle (1837) que furent instituées c~s réunions périodiques d'instituteurs, appelés à <( conférer entre eux sur les diverses matières de l'enseignement, sur les méthodes et les procédés qu'ils emploient, sur les principes qui doivent diriger l'éducation des enfants ~t la conduite des maîtres 2 ». E lies ont survécu aux changements de régime et aux Auctqations de notre organisation sc"olaire. N'est-ce point !a meilleure démonstration cle leur excellence? C'est que \eur destinée s'éleva :apidement vers des fins hautement morales. «Ens~ rl}pprncl,l,ant en des conférences périoJiques 3 , les instituteurs n'apprendront pas senlerne1!l à discuter e[I, commun les questions de méthode, les points de doctrine, les procédés et les livre~, tous les détl!iis d~
t. C. du 10 août 1880. 2. Art. 1•• du ~èglement du !0 f~vrier 1~~7. CeHe qéfinition des Conférences pédagogiques a ëté maintenue dans so'n esprit lors de la réorgauisation de 1880 (Arrêté' du 5 juin ' êt C. du 10 août) et de la réceute réforme de 1925 (A. du 9 février), S, C. du 10 août 1880.
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LA CULTURE PROFESSIONNELLE
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l'orga,iis,ation scolaire; ils y trouveront, par si:Jrcroi~, l'occasion de nouer ensenible de bonnes relations de confra_ ternité et de multiplier leurs rapports avec lezti-s chefs hiérarcliiques, c'est-à-dire de créer entre eux, libre1i1eht 1 cette communauté d'esprit et cette solidarité protessionnelle qui fait la puissance et la digrritë du corps enseignant. >> Avec raiso,1, les instructions officielles ont Soti ligné, à maint es reprises, que lés sujets étudi és doivent l'être cc à un point de vue essentiellemenl pratique ». Trnp souvent, les questi@ns d'é d ucation ont servi de tlièn1e à de vaines 8.éclamations. lJes plans chii11ériques, des théories ambitieuses et viLles ont, parfois, compro~is plutôt qt.i'avancé le progrès . Or, la pédagogie est une science positive, qui s'appuie sur l'action. cc Mettre en commun le fruit de l'expérience scolaire quotidienne, se communiquer mutuelle ment les pet iles découvertes pratiques ciue chacun a faites danJ sa classe, s'éclairer par la discu ss ion, non sur des vants systèmes, mais sur les réalités de l'école primairé, c'est là le véritable but des Conférences. » Des questions d'administration scolaire peuvent, également, y être traitée s. A l'ori gi ne, elles étâient trimestrielles; par la suite, elles sont devenues bisannbelles, puis annuelles. Eii principe, on les organise dans chaque canton; cependant, deux ou plusieurs cantons peuvent êt re réuni~. L'inspecteur d'Académie accorde, sur demànde mdiivée, des dispenses individuelles . 2° Organisation el fônëiionnement. - Là datè, le lieu et l'ordre du jp!]r ,d~s Confér~nces s,ont fix és par l' Inspecteur d'Académie 1 • La présidenc è lui en revient
1. Précédemment, les Coriférenèes arrê~aient èlles-mêmes leur ordre du jour. La néc essité de metll'e plus d'homogénéité dans le choix des sujets, de mieux faire r esso rtir à eflet déli-
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MORALE PROFESSIONNELLE
ou, à son défaut, à l'I~specteur Primaire. Les membres de la Conférence choisissent, parmi eux, chaque année, un vice-président et un secrétaire. Cette organisation libérale permet à chaque Conférence de délibérer en toute indépendan ce, sur les questions soumises à son examen. En fait , trop souvent, à cette délibéra lion se substitue un ex pos é dq président, coupé de rares et brèves tentatives de discussion. Trop peu de maîtres éprouvent le désir de participer sérieusement à un échange de vues. D'oii, d 'indifférents acquiescements, d'incous équents bavardages, des d éclamations ou des outrances, vite anéanties par l'examen des faits. Timidité et crainte paralysent d'incontestables bonnes volontés, et, parfois, la prudence avisée : à quoi bon contredire un chef, indisposer un coll ègue ? Ainsi, cette institution, qui pourrail jou e r un rôle si fécond dans la vie de l'école, perd d~ son eJticacité. Le remède? Revenir à la règle primitive qui fit de la Conférence une discussion, dirigée par le président, préparée par chacun des assistants, tenu de condenser en un mémoire ses recherches, et appuyée de démonstrations pratiques (leçon, interrogation, etc.). Alors, vraiment, s'effectuerait la mise en commun des fruits de l'expéri e nce et des méditations de_ chacun; leur confrontation, leur examen critique, bienfaisants à tous, conduiraient à l'estime et à la sympathie réciproques. L'obligation de se pré pare r à la discussion, par un labeur sérieux, la nécessité de se mettre en mesure de soulever des objections ,
bérations et résolutiou11 et d'eu faciliter l'application, par une mise au poiut dans le cadre départemental , a fait confi er à l'i. A . le choix de l'ordre du jour.
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de les justifier, de répondre à celles d'autrui, contribueraient à rendre chacun plus sûr de sa pensée et de sa parole. Ce serait d'un grand profit pour l'enseignement, où l'introduction réfléchie des résolu1 tions arrêtées en conférence créerait une féconde 'unité, sans annihiler l'esprit d'initiative, et fournirait des moyens d'action efficaces contre l'emprise insidieuse de la routine.
= Ill. =
Nécessité de lutter contre les retours de ia routine et d'améliorer, sans cesse, la méthode et le contenu de son enseignement.
On peut d'autant plus la craindre que même les bons maîtres risquent d'y succomber, gagnés par une ambiance défavorable au travail élevé de l'esprit, ou insensiblement entraînés au mécanisme par les difficultés et le poids d'une classe hétérogène et chargée. A répéter les mêmes leçons, des gestes analogues, on se donne l'aisance d'une facilité toute en surface. Peu à peu, on en vient à ne plus se prémunir contre . les négligences, ni discerner les insuffisances. Certes, ce n'est encore point la paresse : l'horaire est scrupuleusement suivi; la tâche quotidienne, ponctuellement accomplie. Mais la vie et, avec elle, l'intérêt, l'efficacité, la valeur éducative, disparaissent d'un enseignement stabilisé, que ne rajeunit point l'apport d'éléments nouveaux, le souci d'en varier la substance et de mieux adapter méthodes et procédés. Les élèves se renouvellent : il convient de tenir compte des changements qu'apportent les entrées aussi bien que les départs. Les sciences et les idées progressent : n'est-ce point à l'école d'en favoriser la <liffusion? Donner toujours la même pfilure, Lribes d'instruction portées comme un fardeau, servilement
�MORÀLE PROFESSiONNELl,t
transmises, ruminées, mais non digérées, sans se soucier d'atteindi·,e les ëlèv,é s hu vif de leur esprit, ni l s'ingénier à facililêr le jêu des initihtivês, è'èst une tâche qui peut otfrir, parce qi.Ïe régulière, l'illusion de l'~ctivité : eilé n'ep reste pas moi?~ fu~didcr_ e. Peu~-o_ sorl_qil_r ~~ ëveill.er 1~. g?ût él.e l'étu,~e, n dési~ de l effort personnel s1, so1-mêine, on n eprouve m enthousiasme pour la tâche qu~tidiènhë, ~i désir ~e se per~e~tiop[!el', ~e /accorpmodf~ .~e 1 mieux e_ n mie_ ~,l'âme des enfants, en s'eff9_ ux rçant à une qo,mpréhension t?µs les jours plus p~éc\se et pé,nétrante,? D'autre par,t, .c'est u~ deyoir strict de s'astreindre a11 sévère respect d<: cette ,règlè, essentiell~ pour p.e:, él,è ves dont la scolarité,. três . coqrte, est trop souvent contr,ariée oq dérangée par les caus_ s les plui? e divei;ses : é11iter . toute per_te de temps. Or, , c'est en gaspiller que d'être contraint à revenir sur des exr.lications I mal assimilées ou . génératrices d'erreurs, parce que présentées sans méthode, en hât~, inexactement ou mal liées 1 • La co~statation est fréquente que, pa,r le défaut d'une préparation sérjeuse ou d'une mi~e. aµ poipt. précise, des erreurs pu des confusions s'établissent ,<l,ans l'esprit des élèves et favorisent les divag1~tion~ 1du jugement\ . Enfin, cette nécessité d'un effort constant de réaction c?,1tr~ Îa ro~.tin,e s'1 justifie pa~ l'~bligation de conJolider et d'étendre l'autorité du maître. Sa ferm~té, ~~n ~ssurance, Îe relief que prend sa parole,
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1. Encore, combien de tâtodnements s'avèrént nuisibles, qu'ud loyal souci de relie!- sa tâche à celle du prédécessel.lr eût pe_rmi~ d'évite,r ! 2. Cf dans ,le Cours de prem,ière année : Pé,dagogie Gén4rale, le ch . VI. Prépara/ion de la classe : ~ 1. Nécessité de la préparation : acquisition et cornpl.i ment des ponnaissanèes; leur adaptation; construction de la leçon; éviier les pel'tes de temps; renforcer l'autorité du maître (p. 72-7~).
�tA crnTURE l>IIOFESSTON.Vl!l.LE
en dépendent étroitement. Un travail mis au poin~ le préserve des obstacles contre lesquels buterait cette autorité et s'y userait, si elle ne parvenait à les vaincre ou, même, si elle les rencontrait trop souvent. Jl donne à son esprit la quiétude et le repos qni lni permettent d'atteindre, sans à-conps, les étapes qn'il s'est trac~es. $urto!J!, iJ l,ui peri,net d_ mieux tenir e en bride ses déîauts et de faire rayonner ses qualité9. Ainsi se développe, entre lui et ceux qui l'environnent, une confüincc propi,ce à son action. Car l'en fant, exçelleut observateur, laisse rl)rei:nent échappel' une faiblesse, une hési1ation, et il modèle son attitude sur l'expérience qu'il a de son maître.
= Conclusion.= L'œuvre d'éducation commande, donc, ui;i perfectionnement ininterrompu de l'éducateur. Sans cesse, il doit se préoccuper de maintenir sa vigueur d'esprit, d'é largir et de renouveler ses connnissances, de perfectiQn.n~r ~~s méthod{)_~, de mieux compr~J;!qr~ ses élèves. Ai,usi, il renfoJ"ce.ra le rayonnemei;it c!~ l'éçole : si misérable ou déshérité que soit le vWage Q,l.1., le conduisit le destin, i,L cloi1 vise\· ~ êtr~ (( le centre intellect1J.,e\ de son entoura.g;e, en de~eryir un principe d'impulsion, un facteur vivau t )~ . (Qq;:sTERWBG.)
�CHAPITRE Il
La conscience professionnelle. De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne.
Une culture professionnelle solide fa11orise l'instituteur dans l'accomplis.~ement de sa tâche. Des qualités d'esprit et de cœur accentuent l'efficacité de son action. Cependant, ni celle-ci ni celle-là ne suffis ent à fonder le bon éducateur. De quoi ser11iraient-elles si une conscience professionnelle toujours en é11eil et sensible a/lx scrupules, ne les mettait en 11alellr, en disciplinant leur jeu en µue d'obtenir le max imum d'effets?
= 1. La conscience professionnelle. = Voir, avec justesse, le but à atteindre, les moyens d'y parvenir; produi1'e un effort régulier pour accomplir sa tâche du mieux possible; ne jamais éluder les obligations, même les plus in signifiantes, qu'elle crée; réagir courageusement contre la lassil11de et les défaillances; se dire, à tout instant, qu 'on peut et doit s'élever à une plus grande perfection; en définitive, placer sa profession au-desslls de soi, s'y consacrer de toutes ses forces, l'aimer autrement que pour ses avantages, tels sont les fondements de la conscience professionnelle. Le moindre de ses fléchissements entraîne une imperfection, donc une conséquence nuisible au corps social. Si le dommage peut être lége r et restreint, causé par la négligence rl'un menuisier ou d'un chaudronnier, voire d'un musicien ou d'un sculpteur, il
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devient dangereux s'il résulte d'un édue;ateur apathique. On peut suivre à la trace les bons et les mauvais maitres dans les diverses communes où ils passèrent: parfois, dans le même village, ou entre deux villages pourtant très proches, apparaissent de choc1uantes diffé1·ences dans la valeur intellectuelle de générations, que séparent à peine quelques années . . Le maunis pli de l'enfance se retrouve tout au long de l'existence, et, avec lui, les insuffisances d'une scolarité mal employée. Devenus hommes, les écoliers mal instruits n'ont eu ni le désir ni la possibilité de combler les trop grandes lacunes de leur éducation. Quelle responsnbilité pour qui en eut la charge: paresseux prétendant « en faire pour l'argent qu'on lui donne »; routinier incapable de sortir des vieilles et déprimantes habitudes; brouillon, toujours prêt à « rattraper le temps perdu » sous divers prétextes (indisposition, visite à rendre ou à recevoir, travaux pressants du secrétariat de la mairie, etc.), laborieux, par périodes, mais avec quelle fantaisie déconcertante! C'est que, pour une bonne réalisation de la tâche quotidienne, deux conditions sont indispensables : la régularité et l' ém,rgie.
=
II. Accomplir sa tâche avec régularité.= a) Avant tout, il faut s'astreindre à bien régler son temps. Il incombe, à chaque Instituteur, de dresser, au début de l'année scolaire, « le tableau de l'emploi du temps par jour et par heure 1 ». Cette mesure d'ordre
permet au maître de bien régler son effort; aux élè1. A. O., art. 18. Voir Pédagogie générale, ch. VIII, Répar. tition des exercices, p. 98 et s.
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Af'o'nALË PROFESSIONN ELLE
ves, d 'éviter àe perdre leur temps ou de mal l'e mployer ; à tous, de poursuivre avec r égularité l' étude dès programmes. On s'y conf orme dans toutes les classes. Malheureus ement, l'h ôraire établi ne r éalis e pas toujours, ni partout, l'ex,act équilibre d es le çons et d evoir s ; en pai'lièûlier, dans les clàs~e s plusieurs colirs, la maladresse est fr équ ente de saci·ifier les débutants , trop longtemps occup és à des travadx écrits ou livrés à eux-riîê més. De t ell es erretl rs s' êvit eraient si l'on soumettait l'emploi c temps à l'inspecteur Primaire, lu aux fins d 'approbation. Une faute plu_ grave cotlsiste à ne point suivre s exactèmènt cël horaire. tertàines leçons déplaisent, celles de morale, par exèniple : ori le s abr ège si , même, on ne les supprime pas . D'autres con viennent: on les étend outre mesure, sans se soucier d e la répercùs's ion sur l'exercice suïvant. Pa.r fois, sous prétext e d'ûn_ malaise ou, simp\e'm ent, c ru'ôn n 'est pas en t rahi, la 1eçon fait place à un éxercice écrit; en d'autres moments, une r evision opportune suppl ée l'exposé nori prépar é, quand ce n'est pas un long 1.'etour sur la leç on pr écé dëhte, bien compris e cependant. Tous ces flott e me nts, ces arrêts, ces lenteurs nuis ent à la bonne marche des études. Sans doute ne p ê ut-o_ coricliire qu e le maÙre a perdu son temps; n mâis de l'avoir mal employé, n'est-ce point une faute ? Le mal est plus grave lorsque l'instituteur gaspille sciemmèô.t lê teinps précieux de la scolarÏt é . Pour certains n~aitres l'entrée et la sortie à heures fixes restent des im possibilitës : cependant, une dizain.e de minutes par séance de classe constituent, à la longue, d es heures perdues sans retour. Quelques-uns allongent volo-ntiers les récréations, nori sans trouver des excuses : tous les élèves n'ont pti sortir en même
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temps, faqt~ 4'avoir fini ensemble les c:\evoirs; la !~çon d'éd~ca~io~ .physjqqe a dépas§~ l' h~ure ·p révue, etc. Aveu déguis é que ce besoin de ju~Lification ! b) Par~i ~ ~ faits qui q; vèlent le ~échissep1ent de !l l~ conscienc~ professiqnne\!~, l' abus c{e§ c9ugés copstitu ~ l'un des p 9s s~gqificat~fs . Po\lr ui;_ie ~ndi~pgsition ~ é~ère, <:(P¼ R'arrêterait p,qint l'!>uvri !,'l !' pay~ à 1~ jopmée, on ~'abs~ient alj~r e n classe, squvegt p\y~i~urs jou.rs ~ura11t. Fut-~~ guelq~e p!,'ll.J p.ia\ade ? ~a ?Onv~lescence s·e pr'o lopge saqs nécessi~é. D'auîr~s f~'i~, I' ~t3:t d'un proc~·e c< or,Fge » à qne présenc e, éiue pe jµstifi~nt. point les craü1tes d ' une cornP~ication grave. Ê'>: q~i yeut ~'ab~e11tH, t0ut prétexte ~st pon. Lit-o~, dans un qup~idien, l'annonce qlle {es bureaux de l'adq1inistratio~ centrale seront fermé~, tel jour déterminé, ep ·l'hoqneur d'un évé\1err!C!1~ !ocalr Aussi\ôt, on f;iit bén é~cier de l'aubaine uq e ~cole rurale, sise à de ~ c~ritaines de kilom èlqis qe lij. Un jol\r çle copg~ !,'lS~-il ac?prq é aux m~itres qui &e renc:\ront à \'asse~qlée géné r ale de leur ~yndicat, de !a Mutualité, cle la êqçi~té ~~ Secqurs M11t\le\~ ! S:pu\ pésiter, o!1 transfopne eµ qroi ~ ab ~glu ce Ç ~st con{ll\ qitionn ~l : \e pongé est pris, p~ais la ré union, ~vitée. c ). Volontier ~, qp qonqe le Pf\ S aµx ir*rê ts 1rnrsons. ~els sur les devoirs de la p,rof@ ioJI, § oµ~ le prétexte q'all er voir sa f?mille, çle r égler d ~s affair~ , pu, simp.l~p1ent 1 d'assister~ qq spectacle inhabituel, les heures 1e classe sont dep,lacé~s et que,qµefois, même i fes Jo itrs de clas~e. Avep n~îvet ~, on met e11 pa\x sa co11s c~ep c~ : que la cl~s~ r ~ i~ He~ ~e midi ~ troi s ~ew~s 1 ~" le jeudi au !~eµ q~ samedi, importe p!'lu, puisque « le compte y e~t ». ~a:ps dgute. Mais l!sti!llet-qn pour r,~n l'p~pitl!à ~ cçiptr;ictée cl' un ~~lâchement et l'inadmissible subordinatio11 d'un servi ce public â des fins égoïstes? Contre elles s'~!~ye !OI ·
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mellement le Règ·lement scolaire 1 , qui interdit les absences et les interversions de jours de classe non autorisées. _ d) De même, de fréquentes libertés sont prises avec l'obligation de résider au lieu où s'exerce la fonction. Demander à l'instituteur d'habiter là où il enseigne n'est point brimade, mais nécessité commandée . par l'intérêt du service ; le contact fréquent des parents facilite sa tâche, l'aide à consolider son autorité, grandit son influence. Vivre en passager au milieu d'eux suscite des commentaires défavorables, provoque des méfiances, peut-être même de l'hostilité, presque toujours des froissements : « Il est fier, dira-t-on, et nous méprise ... » Ou bien : « Qu 'y a-t-il sous ces allées et venues si fréquentes? ... » Là-dessus, cancans de renchérir. Qu'un incident se produise, ce sera l'occasion d'un assaut d'amertumes, d'hostilités, de médisances, d'autant plus dangereux que rien ne le faisait prévoir. Même s'il n'en était ainsi, le seul fait que, dans l'intérêt de la fonction, la loi oblige à la résidence, devrait interdire toute infraction, sauf cas exceptionnels dûment autorisés. Le public, pour qui la fonction fut instituée et qui la rémunère, a le droit d'exiger qu'elle soit ponctuellement remplie. Il ne peut subir le contre-coup d'événements étrangers au service, évités ou, tout au moins, réduits dans leurs effets par la résidence dans la commune. Que de fois arrive-t-on tardivement à son poste, et dans des dispositions d'esprit peu favorables à un bon travail! Le mauvais temps a entravé les communications ... le train, l'autobus ont été manqués ou en panne ..• la veillée se prolongea ... une indisposition survint, subitement, au moment de
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partir ... il a fallu assister un parent malade, recevoir un visiteur inopiné, etc. Que de raisons pour s'estimer victime d'événements malencontreux, échappant à toute emprise, aux plus attentives prévisions! Ne serait-il pas plus juste et loyal de s'en prendre à soi-même? e) Ces faits se répercutent fâcheusement sur la tâche quotidienne. Il importe, donc, de s'en garder et, avec eux, de tout ·ce qui risquerait de détrnire la régularité de l'effort : le désordre, qui fait perdre du temps, énerve l'esprit et le met en désarroi; le laisser-aller, la malpropi·eté dans l'entretien des locaux, qui rendent sans attrait le séjour à l'école : le plaisir éprouvé à vivre dans un cadre agréable agit à la façon d'ùn stimulant; la négligence dans la tenue et l'emploi des liYres, source d'erreurs et de retards : une page déchirée ou arrachée empêche d'achever un devoir, de saisir ou d'apprendre une leçon. D'autre part, comme les parents rechignent à renouveler des dépenses, évitables aveè un peu de soin, des atermoiements nombreux surviennent, nuisibles au travail scolaire. ·
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III. Accomplir sa tâche avec énergie. = Ces fâcheux résultats ont pour commune origine le manque d'énergie. a) Tout fiéchissement conduit à des retours regrettables : cesser de poursuivre sa culture, de méditer sur l'emploi des méthodes et procédés, de « se tenir au courant», ouvre la porte à la routine et enlise rapidement dans une dangereuse paresse. L'habitude de la technique, dit-on; en facilite l'usage. Sans doute, mais elle tend, aussi, à rendre l'effort mécanique, partant, à diminuer l'activité et à détruire l'esprit d'initiative. On prétexte qu'avec des enfants d'un
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MORALE PROPESSIONNELLE
niveau intellectuel peu relevé et destinés à vivre aux champs, tant d'instruction ni d'hapije~é ne sont point nécessaires. Pour s'assurer dans cette conviction, on affirme, volontiers, qu'aux popula~ions frustes, d'es· p rit lourd et de langag e grossier, il suffit des élé' 1 µ t ~ Ul , meuts de la lecture, de l écriture et ctu calcul, nécessités par les relations sociales. La mauvaise f'réquentation, l'apatpj~ des autorités lqcales sont déplorées, mais, prévenant l'objection, qn s'écrie : (( Il n'y a rien à faire >>, en énumérant, aussitôt, les motifs de désespérer : ambiance indiŒ'érente, mauvais état des locaux, difficultés c:Je fa vie dans un poste déshérité et maints' autr~s 'désagréments. Faibles raisons - et coupab\es, parce qu'endormeuses d'énergie! Vraiment, il est trop aisé d'abriter sa mpllessc derrière aes circonstances, dont aucune ne résisterait à une action tenace. Si les jeunes ruraux paraissent moins ouverts que leurs camarades citaqins, n'est-ce poi~t, pour une par·t , notre faute? A la pauvreté de 1eur vocabulaire, pourrruoi opposer un langage, des Jivres trgp savants? La lenteur de leurs esprits vient, peut-être, de ce· qpe nos méthodes les surprennent et les dépassent. Vouloir les pénétrer, r~cqercp~r Jes mqyens d'ep prpvqquer le jeu et ~ccroître \a capaci~é, ~st, sans cpnteste, une tâche ardue, décevante parfois 1 111~!!\, toujours, plus fécon~e qu'une f~9ile résig?~tiqn. - La fréquentation ~e manife~te-t-elle mauvaise, l'autorité municipale inqiQ'érente? A-t-on tep.té l'améliorer, en luttant contre q'anc!'lstrales néglig~µces, le mauvais vou!oir, l'ignorance? Il suffit, souv~nt, de mon!r~r le so4ci qe s'adapter aux ç:irconstances1, de donO
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1. Par exemple, après eaiente avec la municipalité, obtenir, de l'administration académique, le déplacement' des heures de classe, l'jpstitution d'écoles de demi-\emgs, ~!Ç•
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net· · un témoignage d'inlérèl et de bonne volonté aux populations pour que cessent préventions et erre ments. Constater une situation, ·risquer une réaction timide, et se consoler d'un insuccès, en l'imputant à 11utrui, c'est d'une trop grande indulgence pour soi. On ne peut parler d'indifférence et d'hostilit& , si rien n'a ét( fait pour être bien compris, aider l'enfant à faire effort et obtenir l'appui des familles. b) Trop souvent, le lir,re et, plus encore, le journal pédagogique, sont de captieux ennemis de la volonté. Ils oll'rent une documentation étendue et variée, séd~isanté par sa présentation. Il serait difficile, au maitre isolé, même avec beaucol,l.p de peine, de réunir un tel choix de notions et d'exercices. Pourquoi refusera~t-il l'appui et le soulagement d'une << partie scolaire », d'un manuel, à coup sûr excellents, puisque dus à des spécialistes? Ce sera tout profit pour ses élèves, qu'engourdit la monotonie du retour _ périodique des mêmes notions et exercices. Sa,is doute - à condition, toutefois, que s'éveille la préoccupation de savoir si cette pftture leur convient. Car eile présente un caractère forcément génér,a l : ellè s'adresse aux multiples écoles d'un pays, dont l'unité d'organis.ation }colaire doit se plier aux circo11staüces les plus di{1:érentes. Tel exercice intéres. sarit une école urbaine laisse froids des élèves ruraux et chez ceux-ci, montagnard, habitant de la pla~ne o~ riverain de la mer, n'attachent point une égale ~tte11tion aLÏ même thèm~ d'étude. D'autre part, un auteur réussit rarement à bien adapter son effort aux moyens, aptitudes des élèves d'un cours donné, clans un rriilieu déterminé. Seule, une préparation de classe sérieuse permet d'obtenir ce résultat. Cette considération suffirait à détourner de suivre, aveuglément, périodique ou ma~uel. Il en est une
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MORALE PIWFESSJONNELLE
autre, et de valeur. Les lois de la concurrence perfectionnent, sans cesse, les publications scolaires : ce serait un bien, si ne dominait le souci d'éviter le plus possible d'efforts à la clientèle et de l'entretenir dans l'usage passif du labeur d'autrui. A ce jeu, l'esprit perd son ressort, et le jugement, son indépendance. La défaillance ne passe point inaperçue : pour la masquer, ici encore, on s'évertue à trouver des justifications. Pourquoi s'astreindre 'à une mise au point précise de son enseignement? La présence de trop peu d'élèves ne commande pas une pr é paration de classe régulière - ni, encore moins, approfondie! Au surplus, denière soi, s'étend tout un long passé d'expérience, parfois, même, sanctionné de flatteuses appréciations et d'honorables récompenses. Que vaudrait d'enchaîner une liberté dont on fit, jusqu'ici, un si fécond usage? Enfin, on le sait bien, entre gens du métier : remplir un cahier de notes repose autrement que de se démener dans une classe! Les actes, seuls, importent. Le reste, c'est« poudre aux yeux» : quel paravent commode, pour masquer la médiocrité ou la paresse! - D'aucuns vont encore plus loin. Braves gens, mais hâbleurs, désireux d'étaler ce qu'ils estiment une indépendance de bon ton, ils affirment: « Aucun règlement ne prescrit la préparation écrite de la classe. Seuls, les timides, . les obséquieux, ceux qu'animent de mesquins soucis d'ambition, se l'imposent. C'est leur affaire! Pour nous, pas de zèle 1 ! » Ces pauvres argum ents ne résistent pas à l'examen. Tous les élèves ont droit aux mêmes soins : un faible effectif n'est point un titre à moins de sollicitude. Piètre excuse, au surplus, qu'arguer d'un moindre
1. Voir Pédagogie générale : La Préparation de la classe, p. 75, « quels documents employer•.
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PROFESSIONNF,Lf,"t
t ravail pour s'autoriser à réduire son effort! - Expé· rience, dit-on, passe science? D'accord. Mais faute de science, elle progresse peu et mal, diminue en efficacité. - Enfin, nul inspecteur ne se laissera prendre au mirage d'une préparation copieuse, à cette duperir d'un effort, apparemment intense, mais de très médiocres résultats. Quel Instituteur honnête, conscient de sa dignité, se courberait sous un 1:i<licule « respect humain .», pour adhérer à des affirmations coupables, dont les auteurs, le plus souvent, se soumettent aux bienfaisantes exigences d'une organisation méthodique de leur travail? c) Ainsi, de séduisants sophismes, si on n'y prenait garde, risqueraient d'amoindrir, peut-être même de détruire, cette énergie constante, si nécessaire à l'Instituteur. Plus qu'à d'autres, les occasions de dé couragement ne lui manquent pas. Tous les jours, n'a-t-il point à se défendre contre les impatiences, de brusques sautes d'humeur, de légitimes ressentiments? Les enfants se montrent si mobiles, si désobéissants! Quant à leurs parents, trop. ignorent la bienséance, quelques-uns se révèlent malintentionnés, injustes: ils apprécient les résultats d'un point de vue .égoïste, inspiré pas leur vanité; s'ils s'estiment lésés, si, par inadvertance, un geste, une parole les indisposent, leur . rancune prend libre cours. Tour à tour bruyante et sournoise, toujours tenace, elle ne r ecule point devant la médisance. Que lui opposer sinon le calme d'une inaltérable patience, la ferme volonté de songer à l'avenir, de voir la collectivité par d elà les familles, d'attirer à l'école la sympathie et la considération qui en facilitent l'essor, en renfo rcent le prestige? Ce n'ira point sans engager, contre soi-même, une pénible dépense d'attention et de volonté. Mais il en résultera :une maîtrise de soi
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Lous les jours plus affirmée et, aussi, une meilleure aptitude professionnelle. Mieux armé contre les imperreclions et les défaillances, .plus expert à les découvrir, on s'affranchit de défauts, mén_us en apparence, mais influant sur la discipline et l'éducation : réflexes exaspérants (tics, bâillemeqts), gestes_et jeux de physionomie exagérés; éclats ridièules, dont les enfants ne sorit ni dupes ni complices. Rien d'insignifiant, en matière d'éducation. Ainsi se justifie la nécessité d'une conscience professionnelle attentive, scrupuleuse, saps cesse en action. Lutter contre les petites capitulations qu.t s'ac,cumulent et paralysent la volonté, contre d'insidieux sophismes, néfastes à la lucidité du jugement et à l'exercice de la volonté; s'examiner sincèrep1ent après chaque défaillance\ pou1: en démêler lès vraies causes, apr~s chaque résultat, pour estimer s'il est tel qu'il aurai~ dû être; se créer_une règle de travail et la suivre strictement; enfin, s'appli_ uer, de jour en jour, à mieu~ remplir q sa tâche : telles doivent être les préoccupati~ns d'un maître, qui sent en luh profondément établies, la né~essité de se renouve ler et l'o bligation de tendre vers une perfection toujours plus grande.
= Conclusion. =
�CHAPITR,E Ill
Lij ~eutr11-qte {!Cplaif!l; s;i défi~i tio~: Qu'elle est un
d~yoir p~~f l'Etat égucateur ~~ p~ur pnst!tu~eur, :;;on rewes~nt~~t.
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! = II.
I. Définition de la neutralité scolah•c. I Le mot de ·« neuli~lité » 1 ; en matière ' scolaire; · fut pour la première· fois en usage cbe~ ')'~~ ·pr~!eit~11t~ anglo-saxoney d'Europe et d'A~érique\l / ~l indiquait qu'u n e épole ne dép e11dait point d'une sect~ religieuse, np is s'ouvrait à tous, même au~ enfants d 1incroyants, Par la suite, et en ' France p!us qu'ailleur~, lé sens dl) ce mot s'est précisé : il exprime l'indépendance absolue de l'Ecole a!( reg ard, d~s · Egli~fS. Ainsi entendue, la neutra{ité n'est ni plJ,ilosoRhique, n{ Roli-;. ti:f!!e, mais, e:i;clusiremen t, ' 'flig~·euse. L'Ecole ne p~ut, en effet, s'interdire d'ensèignèr le devoir, la famille, la propriété, la patrie, les ipstitutions que 1~ pays \ . s'est libre!°ll f nt tlopn~es? J?~l· f?Dtre, !e re~pect fie~ \ri~d~~iops, ~es ~r()yance~, ' des pratiques cu'lf uell~s, tou~ ~~ g?i Î!]léresse la lib~rté de~· èonscience~, sé ?~"!;)OP,f- ~~ s'aP'ermÎt ~n r~paranr l'é~u catÎon morale, ~ C~ /~111!:!):~ ~) ~pus, de )a fo~ .lfl~~i?!1 re)igie~se, particuj~ re ~ clia~~~ fami~!e. ~ ·
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La neutraJilé devoir de l'Etat. =a) En guai c~n;ist~, lçi, . neuù-'a lz'ié.-:_ Cette sépri'ration s'impose av~c 'cf'a~tant plùs de for~e que ·« l'i nstruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux
1. Du latin neuter: ni l'Lrn, ni l'aut r e . « !.fi°i i j a'm ~ s~h8ol I' : é~ol~ . n··~p.pai:!e~ant pas à P.ne 1 secte; école non confessionnelle. '
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sexes, âgés de six ans révolus à treize ans révolus 1 ». En conséquence, l'Ecole doit s'ouvrir gratuitement à tous et ignorer les convictions et croyances de chacun. Jusqu'alors, les lois organiques de l'enseignement primaire avaient intimement lié morale et instruction religieuse, en classant. par catégories les élèves; logiquement, elles conféraient aux ministres des cultes un droit de contrôle sur cet enseignement et la faculté de vérifier si rien, dans l'instruction donnée, ne s'opposait aux dogmes de leurs religions respectives. Depuis 1882, l'Ecole ne s'inquiète plus des croyances de l'enfant. Elle ne voit en lui que l'homme- et non l'adepte -à former. A tous ses élèves, elle donne un même enseignement, assigne un même idéal : éviter ce qui divise, rechercher ce qui unit, développer le cœur et l'esprit, par les seules ressources de la raison et de la conscience. A cette base commune, le père de famille a toute liberté d'ajouter - mais hors de l' Ecole - les affirmations doctrinales qu'il veut. Cette doctrine a conduit aux conséquences suivantes :
1° Indépendance de l'École ris-à-ris de l'Église. Nul enseignement confessionnel n'y est donné et, par suite, les ministres des cultes n'y pénètrent point; ses locaux ne peuvent servir à aucune cérémon.ie religieuse; les emblèmes religieux, de quelque nature qu'ils soient, n'y doivent figurer; l'Instituteur n'enseigne ni ne fait répéter le catéchisme; il lui est interdit de participer, du fait de ses fonctions et à la tète de ses élèves, aux manifestations extérieures du culte, notamment aux processions, et de conduire ses élèves au catéchisme 2 •
1. Loi du 28 mars 1882, art. 4.
2. Les enfants qui prennent leur repas de midi à l'école produi1ent une autorisation écrite de leurs parents pour se rendre
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2° Admission des élèves, sans distinction de croyances: ils sont traités sur le même pied d'égalité, avec un respect identique de leur liberté de conscience. L'Ecole ne les aide plus dans l'accomplissement de leurs devoirs religieux (conduite et surveillance aux offices, répétition du catéchisme, etc.), mais s'interdit d'y porter obstacle. Ainsi, pour permettre aux pères de famille de faire donner l'instruction doctrinale à leurs enfants, « les écoles primaires publiques vaquent un jour par semaine , en outre du dimanche 1 »; pendant la semaine qui pr écède la première communion, les élèves peuvent<< quitter l'école aux heures où leurs devoirs religieux les app ellent à l'église'»; enfin, dans les internats, on consulte toujours les parents « sur la participation de leurs enfants aux exercices du culte. Toutes facilités sont données aux élèves de se conformer, sur ce point, aux volontés des familles 8 ». 3° Laïcité du personnel enseignant. - Dès 1886, les religieux des écoles publiques ont été progressivement r emplacés par des maîtres laïques. Vis-à-vis de ceux-ci, dans l'attribution des titres de capacité~ comme dans celle des emplois, l'Etat ne s'enquiert jamais de leur religion ou des pratiques cultuelles : un Instituteur israélite ou mahométan peut avoir mission d'instruire
au catéchisme. Ils sont considérés comme rendus à la famille pendant leur absence : l'instituteur n'en est plus responsable. (R èglem ent scolaire modèle , ·art. 9) . 1. Loi du 28 mars 1882, art. 2. 2. R ègle ment scolaire du 18 janvier 1887, art. 5. 3. Art. 5 du R èglement du 29 déc. 1888. 4. Le 20 juin 1837, M. DE SALVANDY , ministre de l'instruction Publique, approuva une décision du Conseil royal de l' Université, refusant le brevet à un postulant qui avait déclaré n'.apparle nir « à aucun des trois cultes reconnus " . • Ce candidal n'ayant pu salisfaii:.e à une partie essentielle de l'examen, disait-il, le brevet ne doit pas lui être délivré, »
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MO/lALE PROFESSION 1 €LLE \'
des catholiques et yice yersa. Dans l'exercice de celte charg!!, rien Q'e?'ige, au surplus, 1~ m<?indre renonciation de sa consêience: usant d~ Ja lib~rtég;ir:inlie à tous le!? citoyens, « il den~eure li~re d~ satisfaire, à titre privé, et s'il le juge à p~opos 1 à tous les de,,oirs de la réligion à laquelle il appartient 1 )), 4° enfin, neutral(fé de l'ensei;p~emenl. -A l'instruction morale e! religieuse a été substituée l'instruction morale et ciYiq11e 2 • Ainsi, l'Ecole s'abstien! de pénétrer dans le domaine des croyances religieuses et s'interèFt tout p1·osélytism~, co~1me toute propagande agressive. En'~or~, eHe conserve sa pleine liberté d'appréciation à l'égard des faits scientifiques, _ i~toriques, h ~oljtiques ou socia~x et n'~ p~int ~ le~ ignorer, parce qüe tômb~s sous le cqup de cqf!damnalio11s doctrirli:d~s 3, ou ~n pés~ccord avec b politique passée ou p~fs~!'lt,e d'qp pa~ti poJitiqu~.
1. C. du 9 ayi:il 19.03. ~- Loi ~q 2~ mei:~ 1882, f 0'. 3. Le Syllahu ~, encycliqµe de P1E !l (~~p~), sig11al~ au~ ~~~hplicrie~ !~~ '!lquv~m.e~ts de la een~~e ~?~er~e qu'ils ~oiveni considérer Mmme incompatibl es avec les dogmes de l!Eglise. Entre autres, -~lie frappe d'a nath~me )es « d-i:oits d~ }tlii:!!DIPe & gar;in~i~ P.~r À~II ip11ti~HPA11 ~ P.§P.l~!lf!!tique~ ~~ co~7 damne expressément la liberté de conscience et la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les encycliques de LfoN XII î précisent ,,ette condamnation : « B·ien qué, -dtin~ l~s conditions extra"~rdiàaire~ de be temps, l'Eglise acquiesce ordinair~~ent à è~~taines libertés modei:n'e s, f ~· elle ne le fajt pas parce qu'elle les préfère en elles-mêmes, mais parce tju'eïle pypôrt1111; de les tolérer i11sq1t'~ cé iu'elle Pf!,(sse, en meilleµrs jotirsi CIS§llrer ~'} P.rPf"e {ib er~l. ~ (Enëyclique Lib, ~rla~1 1~88.) « L'flulor!té de l'Église est lq. ~lus l1aifte de (out~s les autorités; ~lie ne pent pas être reg'a , êiée cpmme inférieure au pouvoir civil ni, e!J ·~uéuue IT! ~D ière, COllllI!e c!épendante de lui.» lncyclique 'Immi; rtq(~ JJëi; 1~85.) - ' « La justice intèrdît, et la rai sou aussi interdit, que l'Etat
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b) « L'erreur » Je la ne_ulralité. - Une àttitutle aussi sage et prudente; aussi justifiée et nêcessair·.e dans notre pays, tant éprouvé par les discordes religieuses, devait, semble-t-il, obtenir l'approbatidp de tous les citdyens, hommes<< é:le bonne volonté i>, heureux d'y trouver un gage assuré de paix sociale. Il n'en fut rien. Aujbut·d'htli, ehbore, «l'erreur» de la neutralité est aussi vivement combattue que jadis, par cel1x qui voudraient continuer la tradition dè i;ubotdomier les lois de l'Etàt à cehes dë l'Eglise. Périodiquement, la é:liscussion se rouvre; les objèfl:. tions se presseht, acerbes, hostiles; l'assaut èst mené contre « l'Ecole sans Dieu il. Au droit souveràin de l'Etat sur l'éducation, affirînë par RoussBAU dan$ l'E,nile, les doctrinaires opposent celui de la Famille et de l'Eglise. « A rie considérer que ses orlginès historiqiieg, disent-ils, l'Ecole est, de sa nature, une inst'il1!tion auxiliaire el compléméntaire dè la Fa,ftillé et de l'Eg-lise; partant, en vertu d'nné nécessité logique et morale; l'Ecdle doit, noil seulemènt nè pas se mettre en contradiction; màis s'harmoniser positivement avec les deux autres n1ilietix, dans l'unité moralë la plus parfaite pbssiblcj de façbn à constituer, avec la
soit satis Dieti dtl qu'il agisse comme /;';I ~_ tait sanii Dlèil., Î:'esl~ à-dire qu'il trai ta de ,iiême les divërses >·eligiolis et l!!Ùr dbh111! les mêi:bes droits et privilèges. Puisqb'il est nécessairë que l'Etat professe une religion, il doit professer la seule vraie » (c'est-à-dfre, la religion chlb!:ilique) : (.Encyclique Lîbertds.) « L'Eglise cl le pouvoir civil doivëiit être cliacbrl souveraU dans sa pi'QpM: sphère, étant 1:iien ent~il81.t qu'il y ail cciutâct entre eux et que dans les matières de commun intérêt, le pou:
vôir sécitlitîr se sbninetli-a avec jbie et de Von cœu,· an pouv'oi-r céleste. » (Encyclique Arcanunt, 1880.).
« Si la loi de l'Etàl viole l'autorité de Jësus-Christ, dont le Souverain Pontife est in,:e,ti, c'est uù devoir positif de lui résister, uu crime de lui obéir. » (Encyclique Sapientiœ, 1890.)
�MORALE PROFESSIOSNElLE
Famille et l'Eglis.,, un seul sanctuaire consacré à l'éducation chrétienne. Faute de quoi, elle manquera à sa fin pour se transformer, au contraire, en œuvre de destruction 1 • » 1° Si les parents ont l'impérieux devoir de nourrir -et d'élever leur enfant, en retour, ils jouissent du droit imprescriptible de lui donner « la formation morale et intellectuelle qu'en leur âme et conscience ils estiment la plus capable de le préparer à poursuivre utilement sa véritable destinée » et de « choisir librement, eux-m êmes, les auxiliaires qui leur sont nécessaires dans l'nccomplissement de leur mission 2 ». - « Les écoles doivent être regardées comme le pro-· longement de la famille 8• » - « Ce que nous demandons, c'est qu'en toutes les formes de ses initiatives et de ses concours, l'Etat ne perde jamais de vue le droit primordial de la famille~. » Car la famille a sur lui le triple privilège de l'antériorité, de l'universalité, de l'influence. Sou droit est issu de la nature elle-même et il se renforce d'un devoir de protection continue. « C'est à vous, pères et mères, que les enfants appartiennent, puisqu'ils sont l'os de vos os et la chair de votre chair; et c'est vous qui, a près leur avoir donné la vie du corps, avez le droit imprescriptible de les initier à la vie de l'âme 6 • » A tort, donc, s'est produite la mainmise de l'Etat sur l'école publique, puisque dans la formation spirituelle des
i. Encyclique de PIB XI sur l'Education chrétienne de la jeunesse, 31 décembre 1929. ~- R. P. CouLET. L'E!Jlise et le problème de la Famille, t. IV, L'Ecole et le Foyer. 3. AueÉ CaozAL. Essai sur les devoirs de la Famille et de l'Etat en matière d'enseignement et d'éducation. t,. Déclâration de ['Episcopat français, i908. 5. Lettre collective des Evêques de France, 14 septembre 1909.
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enfants, aucun compte n'est tenu de la volonté des parents et qu'à ceux-ci, ou à leurs mandataires, nul droit de contrôle n'a été reconnu sur les enseigne• ments dispensés par le maître laïque, 2° Quant à l'Eglise, dépositaire, interprète, organe de c< la vérité et de la parole de Dieu », il est légitime qu'elle subordonne à son autorité le droit des parents. Elle a pour devoir<< de Yeiller à l'édùcation religieuse des enfants, de rappeler aux parents les obligations qui, de ce chef, leur incombent, de les suppléer, s'ils viennent à y manquer ou à défaillir, de surveille1· et, au besoin, de compléter l'enseignement que les enfants reçoivent, et de dénoncer aux parents tout ce qui, dans cet enseignement, serait de nature à compromettre l'avenir spirituel de leurs enfants ... , de les défendre, donc, contre la contagion des idées fausses et des erreurs dangereuses 1 ». Plus, encore: « Elle a le droit d'enseigner par elle-même toutes les vérités religieuses, ainsi que les matières philosophiques, historiques; sociales, apparentées au dogme et à la morale ... de communiquer à autrui ce qui est vrai (quant aux autres connaissances) et, à cette fin, de fonder des écoles de tous les degrés ... de s'assurer que l'enseignement des matières apparentées au dogme et à la morale, et même des matières profanes, lorsqu'il est donné par des maîtres qui ne relèvent pas de son choix, ne porte aucune atteinte aux vérités religieuses dont elle a la garde'. » D'où, à un degré plus élevé encore que pour les parents, droit de contrôle sur l'Ecole (surveillance et inspection) et droit de direction d'enseignement, dans cette même Ecole, pour toute matière intéressant
1. R. P . CouL11T, op. cit., pp. 42, 43. 2, Union internationale d'études sociales, Code social. E1•. quisse d'une synthèse socî'ale catholique.
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dogme, - toutes prétentions détruites par la loi de 1882. · D?autre part, si, en droit, une altitude dlabstention et d'independance à l'égard des confe~sions religieuses est ~dmtssib)~, en fait, elle p'est pas, du point ~e vue ca\holique, sans prése~ter de graves dangers : « eu elle-même, elle demeurerait un mal, parce que, en principe, on n'a pas le droit de rester neutrr entre tà vérité et l'erreur!. » le s~ul f"l!~t que la science humaine « refuse de sr frononcer entre les dive.rse? religions ne peut mangper de suggérer ~ l'enfant qu'aux yeux de cette s'cience t!)ut~s les religions se valent, ou bien qu'elles u·e v~lert peul-être ~ien ni les unes ni l es aµtres. Et la pçutralité scolaire, même scrupuleusemeqt respèctée, et e!1 dépit des intentions les meilleures, tend, de la sorte, à faire des indifférents ou même des sceptiques 11 ». Par suite, tout enseignement est ü·u- atteinte à la neut'r alité, qui se dégagç de « toute e ~'réf~renc·e confes,s ionn.e lle et, même, de toute idéf r'è'ligi'euse » : doctrine · ou simple discipline d'esprit, là'. h1'cité· « n'e tend rien moins qu'à substituer peu à p-tu; ·,~ans les éspri'ts, un idéal lai'que, une morale hn:qite, llh'e'Conception lai'que de la vie ~t du devoir, ë\:l5C étrnceptions religieuses et chrékiennes, la foi t,fi'qtlt! à la foi tout court 3 ••• ». Ainsi, rnê!Ile loyale, la n 'éÙtralité constitue un mal et un danger. ~n réalité, ce mal et ce danger s'aggravenl du fàit que, malgré son ~pu vo!1loir, ses scrupules, soî! désir d'être sin0
1. R. H. CouLET, op. cit ., p. 9'i. 2. A maintes reprises, les p~p ~~t c\ nolamme1it :i:.,iiol'\ XJl\: 0!11 dénoncé cc « système mensonger et désastreux dans un fige si tE:11drc, puisqu 'il ouvre Îa portç à !'~théisme et la feqpe à la religion '». ' · 3. R. P. CouLET, op. cit., p. 124 el sui Y, .
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cè re et impartial, l'instituteur ne peut éviter l'iniluence de ses convictions sur la niàriièrè de penser èt ,le sentir d_ ses élèv~s. Cela est _ e vrai, surtout, quand il enseigné les matières « à opinion » : la morale, les scienées e.t ,l'histoire, si riche en événelnents de touté nattlre où l'Eglise se trouva mêlée. Dd moment qu'il ne ./ abstient point de tout ce qui, mê me de loin, risque ,l'atteindre les Idées chères à celte Eglise, par exemple: faire conrialtre et justifier la libei-té de conscieilce ou la valeur du mariage civil, son enseignement est, pour ellé, une offense et urle attaque d'autànt plus dangeréuse que la forme en serâ modérée. c) Justification de la neutralirn. - Ces critiqties ne h1anquertt point d_e force. Que valent,elles? 1°) Le droit de la Famille SUI' l'enfant est irlconteslable, non absolu. L'Eglise, elle-mêine, ne le placet-elle point sous sa dépendance et sdn contrôle, eri vue d'assurer l'intégritê et la propagation de sà doctrine? Or, tout comme elle voit en l'enfant l' élé ment destiné à as-surer la perpétuité tle celle-ci, l'Etat doit; lui aussi, considérer que ce 1ùême enfant sera le continuatebr de la Nation. Dans un pays comme le nôtre; où règnent la liberté de conscierlce, l'égalité civile ét politique; où le plus humble participe, par soh vo_te; aux affaires publiques et peut attèindre à là pluli hâute fonction de l'Etat, où le citoyen vaut par luimême et rion par son ascendaifoe; la ptQsp~rité et_ l:t gfandeùr nàtionales dépendent, plùs qu'ailleill's, de~ irldividLis. D'où la pécessité de pqursuivre l'éducation civique et sociale du futur citoye~. _ D'autre part, peut-on dénier à l'Etat le droit de s 1inquiéter des mœurs en tant qu'elles intéressent la prospérité natibbale et son devoir de tutelle envers les faibles? Sur ces points particu liers, qui lui contes· terait la faculté d 'agir, sous prétexte de respecter ·le
�MORALE PROFESSIOl'NELLE
« droit » du père de famille, lorsque celui-ci se désintéresse de l'éducation de son fils? Notre Code intervient, en matière de négligences graves, de sévices (coups violents, privation de nourriture mettant la vie eu danger, etc.) imputables au père, à qui, cependant, il a dévolu un droit de correction; , il va même jûsqu'à prononcer la déchéance paternelle, non ·s eulement en cas de crimes ou délits contre l'enfant, mais en raison d'une « inconduite notoire et scandaleuse » qui risque de « compromettre la moralité » de ce) u i-ci 1 • Pourquoi ~ier que, dans un même but de préservation sociale, l'Etat doive intervenir en matière de sévices d'ordre intellectuel? Peut-on encore contester la légitimité de son rôle, lorsqu'il tend à assurer, entre tous les citoyens, un_ e communauté d'idées et de sentiments fidèle aux traditions nationales, propice aux aspirations du pays et au maintien de l'unité morale de la nation, par ailleurs si divisée? Le fait est incontestable : depuis la fin du xv111• siècle, non seulement en France, mais dans toute l'Eu~ope, l'éducation tend de plus en plus à devenir un service d'Etat, sans qu'il en résulte une abusive restriction de l'autorité paternelle. Les parents français n'ont, avec la laïcisation, rien perdu de la liberté de donner à leurs enfants, avec ou sans le concours de l'école publique, la formation morale qui leur paraît la meilleure . Nul n'a jamais songé à leur défendre de les instruire dans leur foi. L'Ecole n'est que le prolongement <le la Famille, elle ne la subordonne point à son autorité, en réalisant une mainmise absolue sur le cœur et l'esprit de l'enfant. Enfin, la création d'écoles publiques, gratuites et laïques, n'entraîne aucunement l'obligation de les
t, Cf. la loi du 24 juillet 1889.
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fréquenter, si une formation intellectuelle et, spirituelle différente paraît désirable. Ces mêmes lois qui ont fondé la laïcité laissent aux parents toute latitude de renoncer à l'usage de l'école publique et de faire élever leurs enfants dans des établissements et par des maîtres de leur choix. Il ne semble -guère possible d'aller plus loin dans la conciliation du droit familial et des devoirs de l'Etat. 2°) Le droit de l'Eglise à veiller sur la formation religieuse de ses fidèles I est aussi fondé, aussi imprescriptible que celui du père sur son enfant. Nul 11 'a mieux qualité qu'elle pour l'exercer, choisir et contrôler ses mandataires. C'est pourquoi, du point de vue strict de l'éducation religieuse, la neutralité scolaire apparaît comme un bienfait: de l'instituteur, peu compétent, tiède ou indilfé rent en matières de croyance, elle la remet et confie au Prêtre, à tous égards mieux qualifié et plus sûr. Le devoir de l'Eglise, aussi incontestable que son droit, est de rappeler aux parents leurs obligations religieuses touchaq.t les enfants, de les suppléer s'ils y manquent, de s'opposer à tout ce qui pourrait compromettre l'avenir spirituel des jeunes fidèles. D'aucune façon, l'Etat ne doit en gêner l'accomplissement : à juste raison, la loi de laïcité a libéré un jour par semaine, én dehors du dimanche, pour l'instruction religieuse, et elle a légitimé les absences causées par les cérémonies préparatoires à la première communion. Rien n'empêche, d'ailleurs, les familles d'instruire et de faire instruire dans leur foies enfants en dehors des heures de classe : ne dist. « L'Eglise ne s'arroge aucune juridiction sur les Infidèles; eeuls, les baptisés font partie du corps de l'Eglise et, comme tels, sont soumis à l'autorité ecc lésiastique. » (M1cuEL. La Question scolaire et les principes théologiques.)
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MORAU; PROFESS1'0firNELLE
posent-elles point de plus de tenlps que l'école qui on ne le considère pdiht assez - ne retient les ëlèves, pendant environ neuf mois l'an, que cinq jours par semaine et six heures par jour? Pour assurer sa perpétuité; l'Eglise revendique le droit de prosélytisme -=- et, partant, celui de lbuder des éçoles. Ici encore, nul ollstacl~ de l'Etat laïque : n'admet-il poin_ là liperté d'enseigr1ement, è'est-àt dire l'existence d:«H:oles entièrérhetlt libres da~s le choix dès méthodes; programmes, livfes, màîtres, voire nJême des élèves, - avec cette seule réserve, bien légitime, d'un contrôle justifié par la nécessité de maintenir l'ordre social, à savoir que rierl n'est edseigné de contrai~e à la moralé, à la Constitution et ;iux lois 1 ? On bbjectera la défense faite d'en corifier Ili direction et l'enseignerrient à tles congréganistes 2 • Mais l'excE:ption se justifie par le fait que les v_ œux monastiques comprennent le triple engagement de renoncer au mariage, à la propriété et à l'autbnoinie individüelle, principes fondamentaux de hotre société. !Ja loi qui consacre le droit d'association ne peut assimiler celle qui est fondée sur l'annipilation de lâ persohi1e ham~ine à un groupement 1-espectueuf de la liberté et de ta responsabilité inaividuelly des côntractants : la première condition à requèrir d'un maître n'e11t-ellé pdint qu'il ne substitue, à sa proprè p~rsonhalitë 1 cëll~ de chefs spirituels ; auxquels il â fait setrrient d'obéir pn j sivément? On remar,quera ; au i;urplus 1 tfile l'intérdictidn vis é le meinbre de la Con, grégation ét non la personne, puisque, sécalariséèelle tombe dans le droit commun à tous les citoyens. Reste le droit de contrôler l'enseignement public,
1. I.,. O:; art.
!j.
2. Loi du 7 juillet 1904.
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NEU1'RALl1'Ê
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reve!]diqué pâr les parents sa.os l'inspirat~on ~u clergé, et par 11Eglise elle-mème, gardienne de l o(• t~odoxie. Si notre législation scolaire SE: préoccupe davantage de rendre inutile ce controle que d'en assnrer le fonctionneme~t 1 1 du moins faut-il recoD:naître le sérieux des précautions pri~es, dès l'orig ine, rour 3 paiser les inquiétudes : obligation stricte faite au personnel, et souv~nt rnppel~e, de respecter la neutràlité; enquêtes prescrites et suivies de sancti ons, le cas échéant, ~ur les faits dénoncés p~r le~ famill~s; réglementation d~ choix de~ marr~els sc9laires, ~te. Suprême garai:itie, le C(?nsei! d!Etat teste ouvert à tout r'e cours contre une décision administraiive estiméè violatrice de la neutralité : ie's associations catholiques des p~res· de· famille en usèrent en maintes occasions 2 • Ces garanties, loyalement appliquées, suffisent à assurer le respect des croyances familia!es. perm~ttre le contrôle direct de l'enseignement par les familles ne l aug!11enterait ~ucunt:ment. !l4ême; ce n'irait [>Oint sans ~anger. 'Frop souvent! la compétence ferait ~éfaut, et, encore, la volont~ de rester da[!~ les lir~1ites tracé~s, d 1agir. sa11s ar~ièrepensée, !'lvec le seul dé(iir d 1 a1der l'Institat~ln. Quant à l'Eglise, si elle est fondée à t::bm~aè~tp tout ce qµt risque d'ébranler sà doctri1ie et à considérer comme ~!! strict devoir d'y ramrnt~r ceux qui ~'en éloig~enl, d'y cqnduir~ ceux qni Fignorent, l'Etat ne peut, sans manquer à s~ missîot~ efsenti~ll~, qui es,t d'assµrer la paix sociale, lui concé'der ~n droit de re g~ rd sur l'èc ole nalionale. Toutes les r~ligions se coî1sidèi:cn~ 9on1me seules vrai@s, - mais, todtes trai1. B~ Cil. ~lll1S M. Gt1+,llOî a fl\1 qire dP. l'é~ole publique qu '. eJle p1.1blic <,>ù ·I~ PSBHR n'~ r~ep à voir» . ~- Cf. c~. IX, Rapports avec les 1!:a,!Li!Jes, § Ill. Les Pan,il-. · les et le contrôle Je l'éducation;
plait« !Jll service
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JfOR,iLE PROFESSfONNELLI!.
tant de l'inconnaissable, à quel critérium de cette vérité l'Etat pourrait-il s' arr ê ter ? Du reste, si on admettait que son rôle est de discriminer, parmi les croyances des citoyens, quelles sont les vraies, la question ne se poserait plus, puisque, soucieux de l'intérêt général, il devrait les imposer à tous. Dans l'incertitude, la seule attitude rationnelle et tutélaire est de laisser à chaque religion sa pleine indépendance envers l' Etat, de les soumettre toutes à une commune mesure : un respect absolu, garantissant leur libre exercice, mais aussi réalisant la séparation d'avec l'organisation politique . Cela paraît d'autant plus nécessaire, du point de vue social, que les événements historiques montrent quel trouble p1·ofond apportèrent, dans la vie de l'Etat, nos longues luttes religieuses.
= III. Le devoir de l'instituteur : respect scrupuleux de l'enfant.= En définitive, la règle
que doit s'imposer l'Etat éducateur apparaît très nette : c'est, a près avoir organisé la n eutralité, de veiller à ce qu'elle soit scrupuleusement observée et d'exiger de ses maîtres le respect absolu de l'âme si f aible de l'enfant. En ce s_ ens, la thèse : « ouvrir la porte aux objections, les provoquer, les suggérer, en toute impartialité », séduisante du point de vue philosophique, introduirait un grave danger à l'école primaire. · Nul ne soutiendra qu'on puisse tout dire et faire lire à des enfants, à fortiori, tout leur enseigner. D'.iutre part, sans cesser de rester tolérant et impartial, avec de jeunes esprits, suggérer, provoquer l'objection en des matières touchant à la · foi, même de très loin, constituerait plus qu'une maladresse, la pire des mauvaises actions. L'enfant n'appartient point à l'Ecole : par cela même qu'il est faible, elle
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doit redoubler de scrupules à l'égard de sa personnalité. Peu apte à penser par lui-même, inexpérimenté et maladroit dans la conduite de ses idées, très accessible aux influences du dehors, souvent craintif devant ses maîtres, il n'accepterait leurs assertions que trop aisément et sans réaction aucune. Qui en garantirait l'orthodoxie? L'instituteur doit, donc, se garder attentivement de tout enseignement tendancieux qui, entré de force dans l'esprit ou· par surprise, détruirait, pour l'avenir, la !iberlé d'examen, de comparaison et de choix. C'est affaire de tact et de probité. S'y résoudre ne revient aucunement à restreindre la valeur de l'action éducatrice. Ce respect scrupuleux de l'enfant, les fondateurs du laïcisme n'ont point manqué de le souligner comme une obligation stricte de la conscience. « Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille, disait JULES FERRY aux Instituteurs, dans 'admirable lettre qu ' il leur adressait le 17 novembre 1883; parlez donc à son enfant comme 1,1ous 1,1ou'dric~ 7·1 'on parlât au 1,1Ôtre: avec force et autorité toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune; a1,1ec la plus grande réser1,1e dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge. Si, parfois, vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourriez vous tenir. A.u moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve à votre con naissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi, refuser son assentiment à ce qu'il vous
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MORALE PJWl'ESSIONNEl,L'F,
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entend!·ait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire; si non, parlez hardiment! ... Si étroit que voµs semble, peut-être, un cercle d'action ainsi tracé, faites-vous un devoir d'honneu!" de n'en jamais sortir, de rester en deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à la franchir : vous ne toucherez jamais avec trop de s~·rupule à cetteclîose délfralë et sacrée qu'est la conscience de l'enfant. » Les Instructions de 1887, reprises par celles du 20 juin 1923, relatives au nouveau plan d'études des écoles primaires élémentaires, aHimées du même souille, 's oulignent, elles aussi, le respect dû à la foi de l'enfant. « L'instituteur devra éviter comme une mauvaise action tout ce qui, clans son lçuigage et dans son attifude, blesserait les croya nce.s religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porMrait le tro1ible dans leur esprit, tout ce qui trahirait, de sa part, envers une opinion quelconqfle, un manque de respeci ou de réserve. » Ces croyances expriment « les n~tions fondamentales de la morale éternelle et universelle, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les homm~s civ.ilisés » : Pinstituteur a po'ur mÎs!>ior de les (( fortifier )) ' de les !< enrt1cinèr aans !'~me de ses élèyes, pour toute leur vie, en leri faisant passe~\ dans la pratique quotidiirnne ,,. Aver. énergie, les Instructions affirme~t que « l'enseignement moral !aïqne se rVi~ting11e de l'en~eignement religieux sans Ce contre.dire>> et lracent la voie à suivre, droitement : « L'lnstiluteur ne se substitlle ni au Prê~re, ni au Père de Famille; il joint §es effprts au1 leurs pour faire de chaque enfant un honnête homrpe. Il d~it insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes et non sur les dogmes qui les divisent. Toute discussion théologique et philosophique lui est manifestement interdi:te par le caractère même de ses
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NEürnAtirt scbtATRE
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/onctions, par l'âgë de ses éfüres; JjOI' la 'confiance d:es (amilles et 'de l'Etat : il coricentre tolls ses efforts stir un problèihe d'uilé autre rialure; ihais iion m!:lid\; ardu, par celd mêmè qu'il est êxchisivérhent pratique: c'est de faire faire à tôüs les lMfarits l'apprèntissage de là vie morale. Pllls lard, de edus cithyèhs ; lis se ront peut-être séparés par des opiiiions dogihàti!.. ques, hiàls du mdirîs ils sérdrlt d'accord, dans la pdtique, pdur plaêér lé bu[ de la vié adssi haut que possil:ile, pour avoir la ni ~me horréur de tout ce qtîi est bàs 'ët vil, là mêril 'e admiration de ce qui est iioüle et géhérètix, la thêrrie délicatesse d::ihs l'appréciatiop du devoir, pour aspirer au perfectionnement mqr::il, quelqu~s effoi'ts qu'il colite, pour se sentir unis dans ce culte général dh bien, du beali et du vrai, qui est aussi une form~, et non la moins pure, du sentiment r eligieux. »
= L,a neatralitê facteur d'union Pourquoi de si belles 'espérances ea sont-elles erl.core à se réaliser? Pourquoi faut-il qué l' Ecole, tèrraih neutré, soit dévenue champ ciè comb:it? C'est que l'opposition âè l'Eglise ét èle sès pariis ~ fa tiëlltralité intéresse moins lë que la sap,:'é~ matie de l'E g lise : « Sous la qhéstion; fort seconclaiti~ de savoir qui approchera de l'enfant pour lui enseî..: grtér la: lecture, l'èci-iluré, lë greè bLl le latiri, se cache, eri dernière analyse, un~ qi.leslion d~ SO\I\' ! raineté. La férule du maitrê est lê sceptré du monde.~ (Mgr GAùME.) '.( Celui qui a l'~nséignerh ll nt ::iusst l'~venit. >S (Mgr Hudf.) Ainsi, lë d ~lfat sê èircorisct·it: e ntt~ i'ancien principe de droit di~ih ; rclyal ét sa ei-: dotal, et le principe démocratique, libéral et neutre, entre ceux q·ui s'eri remettent à lâ libèrté morale ·et
Conclûsion.
n'alfori,ale. -
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MOIIALE PROFESSIONNELLE
ceux qui s'en défient ou la nient. Conflit vieux de plusieurs siècles, puisqu'il naquit vers le milieu du moyen âge, quand, affirmant son . indépendance à l'égard de l'esprit ecclésiastique, l'Etat voulut se dçvelopper en opposition avec les institutions religieuses qui prétendaient l'absot'ber ou le limiter. L'Eglise y persévère dans une intransigeance inébranlable, sans aucun profit pour ses dogmes et au détriment de son autorité. Elle fut, cependant, au cours de notre histoire, dès les temps lointains des invasions barbares, comme aux sombres moments de l'an mille et après la redoutable épreuve de la Réforme, la grande éducatrice nationale. Dans une société saine et bien réglée, son clergé pourrait, naturellement, prendre place au rang des conducteurs du peuple : comment hésite-t-il à se mettre e n tête du mouvement démocratique et pourqüoi, depuis longtemps, a-t-il faibli sous la peur de la liberté politique, de la liberté scientifique et, mê me, de la liberté religieuse? Avec plus de confiance dans les forces naturelles de l'âme humaine et dans les lois de l'histoire, ses dirigeants se fussent gardés de tirer en arrière: « C'est un grand malheur pour la France que l'Eglise dominante n'ait pas, jusqu'à présent, embrassé cordialement la cause de la liberté et mis à son service l'immense influence dont elle dispose. »
(F.
PÉCAUT 1 .)
La conciliation pourrait, cependant, se produire. Il sulfirait que, strictement fidèle à sa mission et à la doctrine de son fondateur, l'Eglise, « rendant à César ce qui est à César », n'exerçât son ministère qu'en matière spirituelle, après avoir r~connu la suprématie de l'Etat dans l'ordre civil et politique.
1. Etudes aujour le jour sur l'Education nationale.
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Nf:UTRALITÉ SCOLAIRE
Des pays très croyants : Etats-Unis, Hollande, Angleterre, Suisse, ne laissent-ils point aux seules fa milles et églises le soin de l'instruction religieuse ? Ainsi cesseraient de s'affronter foi civique et foi religieuse ; ainsi disparaîtraient, entre citoyens, ces pro. fo ndes démarcations qui, de l'enfance, se prolongent jusqu'au terme de la vie. « La lo~ d'amour, on ne la gravera jamais trop dans le cœ ur des e nfants. Mais ce n'est pas en parquant les élèves de religions di{fé.c re ntes dans des écoles différentes qu' on leur apprendra à s'aimer ... Séparer les enfants d ès le jeune âge, c' est se mer dans leurs âmes d élicates les germes de ces funestes préventions qui se développent chez les ètres humains quand ils vivent dans l'ignorance les un s des autres 1 • )> (E. BoNNE.) L'école neutre « libéra le , hospitalière et vivante, deviendrait, alors, la maison où pourraient, au moyen des concessions les plus légères et les plus raisonnables, se rencontrer et s' accorder tous les citoyens qui veulent que la patrie soit plus qu'une étiquette, une pensée commune et une commune volonté :i. » (B. JAcos.)
1. E.
BoNNB , Défens e et illustration de l'école laïque. 2. B. JAcoe. Pour l'école Laïque.
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Cl-IAPITRE IV
Autre devoir de Î'Etai êtlubatéür: il ne doit rièri èiisei:. gner qui soit contraire â ses principes jtiridiqués êt moraùx. Accepter il'être instituteur, c'est acéepter cette restriction à la liberté d'opinion.
Vers le milt:eq du siècle dernier, à la rieille tradition individ1_ talisle de l'éducation : dérelopper au plus hat1t degr§_ les facultes, selon les ressources de chaq,ie nature, ÎHIERS aj9utait le droît de l'Etat : éterer « l'enfant d'uÎie manière conforme à la 'Constftulion d1t pays 1 », comme membre 'd' u~ie société politique. Çelle conception sbciale de l'éducation est allée s'affermissant. « L'éducation, dit DunKHEfM 2, est l'action e.i:en:ée par les générations adultes sitr celles qui ,te sont pas encore mûres pour la rie sociale. Elle a pour but de susciter et dérelopp'er citez l'enfétnt un certain nombre d'états physiques et mentaux que réclament de lui, et la société politiq1te dans son ensemble, et le miliell social auquel il est particulièrem[J.n t cle_stiné. >> Par suite, « l'éducation doit réaliser l'homme, non tel que la nature l'a fait, mais tel que la société reut qu'il soit, tel que le réclame son économie inférieu re». Car !a société ne peut exister s'il n'y a p as, entre ses membres, une homogénéité s1tffesante, nécessaire à son organisation, et, pour chacun d'eux, une spécialisation -lui permellant d'y 11i11re.
1. Rapport de 1844. - TmERs ne faisait que sui"re les révolutionnaires : Talleyrand, Condo rcet, Lakanal, el c. , dont la grande préoccupation fut de concilier les mœurs naliouales avec l'esprit des institutions nouvelles.
2. Education et Sociologie.
�AUTRt;; DEY()Ifl P.§ L'$TAT ÉDUCATEUR
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Or, l'e.xistence de chaque peuple repose sur un fond d'usages, de sentiments et de principes dont le respect concou rt au mafn{ien de celle homo3·énéité, - et, par ailleurs, la stabi/ilé du régime politique, qui règle cette ex istence, dépend de sa conformité à ce même fond. !Vi lois, ni décrets ~e p e11 11ent créer un tel accore/; l'action est nécessaire d'une édu cation appro-. priée. Elle poursuù,ra, en mêm e temps que la cnhure des facult és communes 4 tous les hommes, la prepa' alipn à la Fie en sociét!, par~iculière à chaque 01·ga· nisatio1 politique. « Les lois de ?'éducation, écri11ail i 1,Iowrn~QU1Eu dans so,~ Esprit des Lois\ doiFent être relatif'es aux frinc[pes du gou11ernement. >)
= L Princjpfs i•n·idiques et moraux de J'F. tat. Il ne •loit 1~ien enseigne1• q~Ii Jéur soit c onlcah·e. = a ) Ces princ1j1es sont de deux
cspèc~s : les uns, crol'dre juridique, constituent la base de toute qrganisation sociale; les autres, morau.x, se trou vent être, à la fois, les 1•égulatcurs et les stimuJants de la vie nationale. 1° Principes juridiques. - Les plus anciens et les plus tiniyersels dérivent du droit izaturel, fondé sur le bon sens et !!équité : ass ur er la yie et la lib er té des ho mmes; protégèr leur travail et leurs biens; reconna ître aux' époux et p~rents leurs droits et ~evoirs ré ciproques, etc. En quelque sorte, ils expriment la règle 'de la vie en ~ommt)ID, N9rmalement s'y rattachent ceux, d' es~ene:e politique, qui déterminen l la modalité de celte -vre à une épojt-ie donnée, ~elon l'idée cp1'on se fait : des relatiqns a é~ablir eµtre le:' part icu li ers; de la volonté supérieure destinée à maintenir l'ordre; des sanctions dont elle doit dis1. Ch. IV.
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MORALE PROFESSIONNELLE
poser et des moyens à employer pour rendre ces san ctions efficaces. Peu d'hommes sont, en effet, capables cle se résoudre, en toute occasion, à leur devoir, uniquement pour obéir à !'abstraite loi du bien : qu' adviendrait-il d'un Etat qui se confierait à la seul e force déterminante des lois, libérée de toute sanctio n positive? - Parmi ces principes apparaît, d'abord , celui de l'indépendance et de la souveraineté de l'Etat, avec; pour corollaire, la sécularisation des institutions civiles. 4'ient, eusuite, la nécessité de maintenir l'unité de la Nation. D'où : l'égalité devant la loi; le droit de suffrage; l'admission aux dignités, places et emplois publics suivant le mérite et non par droit de naissance ou capacité d'achat; la liberté des opinion s et des croyances, « pourvu que leurs manifestatiou s ne troublent pas l'ordre établi par la loi »; celle d u travail, la loi n ' ayant « le droit de d"éfendre que le s actioµs nuisibles à la société», etc.; bref, tout ce qui , à un degré quelconque, exprime les « Droits de l'Homme et du Citoyen » d'un pays libre. 2° Principes moraux . - Ils complétent ce fondement juridique de l'Etat moderne. La solidarité ne se limite plus aux générations successives : elle se crée entre contemporains, plus impérieuse avec le bouleversement économique issu de la guerre . Producteurs et consommateurs vivent dans une étroite dépendance, - et les relations sociales s'en ressentent; savants et ouvriers, bourgeois et paysans, rencontrent maints points de contact dans des existences jadis étrangères les unes aux autres. Lajustice s'est étendue aux relations intellectuelles : le respect des convictions, de la science, de la raison se manifeste sous une forme de plus en plus rigoureuse. Mieux encore : de jour en jour, cette même justice tend à se substituer à la charité; le droit à l'assistance se fonde; l'entr'aide
�AUTRE DEVOIR DE L'ÉTAT ÉDUCATEUR
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devient obligation légale • Elle pénètre, même, les relations économiques : la coopération transforme de plus en plus les conditions de production et d'échange, eu faveur du travailleur et du consommateur. Longtemps individualiste et préoccupé d'assurer le res.pect de la propriété , notre Code avait négligé l'organisation et la protection du travail : la reconnaissance du droit de grève, l'institution de l'arbitrage, <lu repos hebdomadaire, de la journée de huit h eures, etc., signifient que l'Etat, avant tout pacificateur, travaille à rechercher les conditions d'un Jus te équilibre entre les diverses forces de productio n et tend à substituer l'accord des efforts et des Întér êts à leur opposition. Dans l'organisation même de ses services, le principe d ' autorité absolue fléchit deva nt celui de collaboration : des droits reconnus aux fonctionnaires, les plus importants les associent à l' œuvre d'administration et les préservent de 'l'arbitraire 1. Enfin, de plus en plus triomphe l'idée que « la civilisation suppose une coopération, non seuleme nt de tous les membres d'une société, mais encore de toutes les sociétés qui sont en rapport les unes avec les autres » ( DunKHEIM 9). Au pauvre droit xénophobe
1. Lois sur les Accidents du travail. les Assurances sociales, etc. , destinées à prémunir les travailleurs contre les risques d'ac cident , chômage, maladie ; loi sur )'Assistance judiciaire, pe rmettant au moins fortuné de d é fendre ses droits; institution d'u n régime des bourses, é tendu aux trois ordres d'enseigneme nt, e n faveur des écoliers et étudiants pauvres, etc . 2. « Le gouvernement estime né cessaire à la bonne marche des services et à la paix sociale que les chefs des administrat ions et les représentants de la majorité de leurs collaborateu rs , au lieu de s'enfermer, les uns vis-à-vis des autres, dans une attitud e d 'ignorance ou. d'hostilité, entretiennent des rapports confiants.,, (C . du 25 septembre 1924.) 3. Education et Sociologie .
�MORALE 1,noFES:j_(JJNJy_F._UB
de 1804 s'oppose le dcl1e ensemble de ltiis, convc11tions, traités; jui' isph1dencès et coutumes tant nationales qu'internatio1iales, - preuve que les peuples se sentent liés par des intérêts conimuns, tenus à d1 , obligations réciproques et ,désireux de rehlplacer ! violence par la ri1édiation ! La Cour permanente d'arbitrage de la Haye et la Société des Nations réalisen t l'essai, pléin d'espérânces, d'une véritable orgnnisation d'arbitrage dans les rapports internationaux . Ainsi s'étendent, par tlelà les frontières, la Justice et la Fraleri1ité. b) L'Etat éducateur v.e doit rien enseigner de contr'aire à ses 7Jrîhcipés. - On ne saurait contester qu e le premier devoir de l'Etat soit d'assurer l'e:x:istence des jJrinéliJes qui lui donnent « corps et âme ». Ln contradiction serait pour lui ftrneste de laisser enseigner des doctrines qui tendraient à leur anéaotissemeht èt «d'assister, indifféreht, à lute propagande qui précdnisë le recours à la viole_ l1ce, pour lui substituer un régime qui, sous le nom de dictature du prolét~riat, a.boutit à la suppression du suffrage universel, de toute représen1ation nationale et, par conséquent, de la liberté 1 >i. Certes, chacun demeure libre de ses appréciations, en tant que citoyen, sur l'organisation e~ l'a(?tioll gouvernen~entales; la valeur ou l'opportunité des lois. Cependant, nul ne saurait prétendre à s'âfftaùèhir d'.ùn respe~t abiJo!it à l'égard des principes ét)'nstitutifs dé l'Etat: c'est le propre de l'édu:.. caliou 1e ,,créer et d,e, inàij1tenir ce rèspect, !>ans lequel la Natiori se désagrégerait en groupemênts et individualités hétérogènes; voire hostiles, rendant impossible toute vië en commun. Le cÎevoir de l'Etàt s'étend encore plus loin..: il v12
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1. C , du 18 mai 1921.
�AUTRE DEVOIR DE L'É1'AT ÉIIUCATEUII
jusq1t'à rendre plus conscients ses princ1 j1e.s fondamen ta ux, afin d'en accrotLre le respect et d1c11 faciliter le jeu. L'e< éducation civique ·ll est donc le ço111pl~mcnl ué cessaire de la (( d~îense civique )). p:11e est de ~-ègle cla ns les écoles publiqu~s 1 qui reç_ oive11t la 111ass~ des en fants, - mais facultativé dans les établissements q u' ii la faveur de la liberté d'eu~eig11ep1ent, l'J,:tat ln isse aux particuliers la facqlté d?orgqni~er. Cepen: dant, par ses examens qui, seuls, ouvrent l'ijCCèli! aq~ fo nctions publiques et déterminen~ la cQllatiqp des g rade~, il lui est possible d'obtenir que soient cori-: n us se.i; p1·incipes constitutifs, au moins dans leu1: expression essentielle. P ai: ailleurs, le con tro le qu 'i 1 exercé sur l'enseignement libre pour cc vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, a la Constitntion et 11ux lols 1 » s'oppose à toute action systématique contre le ur in.tég:rité. Fondé à se tenir en g11rd~ contre les manifestations individuelles des tendances antisociales, l'Etat rest~, encore, le protecte1tz: naturel des indiPidus. P ar suite, il lui incombe de les garantir contre le r isque q'ig~orance et )'emprise de danger.eux sophismes, tels C{lux de BAKOUNINE faisant p.e « l'Etat, de l'E glise, de la Forme Juridique, de la Banque, de l' Université, de !'Armée et de la Police, les fortere sses du llrivilège contre le Prolétariat ll, et déclarant i< l'aulqrité nuisible pour ceux qui l'exerce~t i).ussi bien que pour ceux contr.e qui elle est exercée»; tels aussi, ceux de JEAN GRAVE, KnoroTKINE, E . REcLus : « l'individu doit être laissé libre de se g rouper selon ses tendances, /jeS affinüés l l , « de chercher ceux qui peuvent s'accorder avec ses aptitudes s;i.ns êt1·e entravé par aucune considération
1. Loi du 30 octobre 1886, art, 9.
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politique déterminée par des considérations géographiques »; l'idéal à réaliser est <( l'individu libre dan s l'humanité libre » ..• Car · il est aisé de déduire, d e tels principes, que chacun doit pouvoir satisfaire 1 1 son gré tous ses besoins, physiques, intellectuels et moraux, - ce qui couduit à des théories séduisantes pour des esprits peu affermis, mais d'autant plus dangereuses, par exemple : au communisme absolu des biens; à la destruction fréquente de la famille, le mariage n'étant q~'une association dont le maintien est subordonné à la volonté d'un seul; à la négation de toute loi, forcément arbitraire dès qu'elle gêne le moindre désir de l'individu le plus fermé au jeu de l'intelligence et de la conscience, etc. Autant vou. loir la destruction de toute organisation sociale. Enfin, l'Etat, en fait comme en droit, n'a rien d'immuable : c'est, encore, l'une des prérogatives de sa mission éducatrice de préparer les réformes sociales par la moralisation des masses. Sur ce point, son . intervention éclairée et prudente, inspirée du respect de la légalité et du souci de concilier l'expérience des traditions et la légitimité des espérances, s'oppose aux passions des particnliers. L'éducation par lui dispensée, fondée sur la culture de la raison, des sentiments de justice et de solidarité, tend à prémunir contre les excitations à la haine et les désordres de la violence, à combattre tout ce qui risquerait de troubler le rythme social. L'esprit de parti a perdu la Révolution : l'Ecole de la République ne réagira jamais assez contre ses erreurs, en montrant ce qu'il a d'inintelligent, d'injuste et d'antisocial.
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Il. L'Jnslilnlcur et la liberté d'opinion.
Accepter _ participer à la mission éducatrice <le Je l'Etat implique, logiquement, une adhésion sans
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ré serve à ses principes constitutifs ainsi que l'engage ment de les enseigner et d ' en assurer le respect· Par là, « il n'est pas douteux que la profession d'ins-
tituteur public crée, à celui qui l'embrasse, des obli{Jations spéciales et limite. d'une façon p4rticulière sa liberté 1 ».
On objectera: l'éducateur, chargé de « former des citoyens » dont la prérogative essentielle sera la liberté, surtout celle de la pensée, peut-il devenil' un « citoyen diminué » en renonçant, si peu soit-il, à sa liberté d'opinion? Poser ainsi ·la question, c' est se mé prendre « sur les conditions mêmes de la vie en société. La liberté n'est pas un absolu. Toute liberté es t relative. Et toute liberté est limitée par cela même que l'individu qui, lui non plus, n'est pas un absolu, vit au milieu d' êtres, vivants ou non, dont il dé pend. A mesure que se complique la vie sociale, à mesure devient plus dense le réseau d'obligations q.ui · nous enserre. Et, si nous demeurons libres de nous affranchir de certaines d'entre elles, si notre liberté grandit en ce sens que les sociétés dont nous fa isons partie dépendent elles-mêmes de plus en plus de notre volonté, du moins, une fois que nous avons sollicité notre admission dans l'une d ' elles, sommesnous liés par le r èglement qui la régit. Un citoyen fr ançais qui s'inscrit dans une société musicale accepte, outre ses devoirs de citoyen, des devoirs spéciaux de musicien : il doit jouer sa partie même dans de s morceaux qui ne sont pas de son goût : est-il pour cela un citoyen diminué ?- En aucune façon. De mê me, l'instituteur n'est pas un citoyen diminué pa rce qu'en demandant à devenir l'éducateur d es enfants de la communauté des citoyens, il s'est engagé
1. C. du 30 septembre 1920.
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MORALE PROFESSlONNELLÈ
à remplir certains devoirs spéciaux qui limitent sa liberté de parnle et sa liberté d\ction 1 • )) Bien tenir cet engagement constitue un strict devoir de loya11lé. L'instituteur /lont la conviction serait que la loi symbolise l'arbitraire, la Batrie, une idéologie p érimée, et l'Etat, l'adversaire irréductible des individus, trahi rait la con fiance de ses conpitoyens, qui l'ont chargé d 1enseignE;r la fiOumission aux lots et le respect de lem: organisation sociale. De même, le maître aux convictions royalistes, bonapartiste~, cléricales 2, est mal venu d'accepté de la R~publique la charge d 1e n faire connaître et respecter la Constjtuiion. 'Honnêtement, il devrait s épargner un rôle qui le place e~ perpétuelle contradiction avec lui-m ê me, µne attitude que la conscienpe réprouve. - De ce point de vue, l'indifférence, même, constituerait une déloyauté cc impossible à justifi~r » de la part d 1 un éducateµr qui se placerait ainsi cc en dehors du pays et de ses . institutions ,,. « Dans une démocratie biep ordonnée ... ce serait un abus de demander à des fo11ctionnaires d'un ordr~ quelconque un 1node de concours incomp~tible avec " ses attribution~; mâis
1. C. du 30 septembre t92p. 2. Entendons-nous sur ce mot. Le clér,icalisme veut la ~upi·émiti~ ~~ ti1Hw·i~ê ;e/igie'iisi s,,i'F ·!~ P.~~v~ir 11 est dr toutes, /es re ligions et n'1:f' rie.11 Ù voir a~ec la cz·oyance. l..a ;rair reli ~ion vit ' dans et par l'esprit: so~ royaume n'est pqint ile ce monde. . Dans le tpê!!)El qrdrll d'jd~e~, <rn t tJl!m 7r, coµiqie IJ!P.W quant ~u p lul! ~Jén)~nt~jre Pfv?ir d 5 lqy~ut,~'. /'act[o'.l è!~ g,'.ôuPf mr nii; d Ip ~~!)~ll'IC es pu~!1_que~, ~~ pr!nci CO~§trtues 'lJ?lll' l~ ~o~~ ~~va tiop ~t le d éve loppement des croyances religieùses, rna1s qui, in se nsiblement, eu sont >enus à violer, plus ou moîns · ouve;·teriient, la n·eut~nlité de l'école, et à d·i~ r rédit e~ l'œ uvre politique et · sociale de la Révo lution fran ç aisP.. "Preudre contre son p ère le parti de ses pères» (E. Ps1cHAa1) est, eu l'occurrence, une excuse 'de mauv&ise foi.
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c'en sèrait uh autre et pltis grhve èhcol·e de leur iaisser croire qu'ils peuvent afficher le dé cl:iin pour ll OS institutiol1S; se retra1:1cher dans une sorte de fa usse impai-tialité professionnelle èt revertdiquer lè droit de tenir tubliquement la l:lalance égale entre la République et ses eiiiitimis. De tons les serviteurs de l'Etat, lès éducateurs de la jeunes~e seraient les der niers à qui l'on pûi reconnaitre un pareil droit; eux-mêmes s'étonneraient qu'aprës les avoir chargés de l'instruction civique, on les autotisât à démentir
lea>·s leçons par leul· exemple 1 , »
D'aulré part, cëi engngemerlt implique un respect de l'enfance d'autant plus nécessaire ~u'elle à di·dit, de par sa faiblesse et son impressiortilal:lilitê, aù:t ' gards les plus scruplileux 2 • « L'Université, disait Jo uFFROY, a toujours rèfusé de considére,: la p'ohtiguè
comme àne philosophie qui ~e baisse pb1u· prendre les enfants. » L'él:lucateur Serait indigne s'il usait du man.:
dat confié par la Natidn autrement que polir des fins légitimes, en évitant d'dpposei' cè qu'apprend l'ehfant à ce _ qu'ils serà tehu d 'il.cèomplir devenu homme: il risquerait de fotmet ,des citoyens étrangers à un Et::it qu'ils ne pollrrrilerlt ni comprendt·e; ni respecter; cl dd nt ils fini1;aieni par troubler fatalement le ryth111e. Le s conséquenceè ne laisseraiebt point d'être très g raves pour èèux qui, se révélant antisociaux, con::. traindraient la cité à se d éfendre, Quel édûcateu,: voudrait d'un tel destin pont ses élèves? Enfin, en présence deé grands intérêts de l;exis~ tènce, que définissent les prirlcipes juridiques et mbraux de l' Etat, la dignité et le souci de niciintenà· entière une a1itôrité nécessairè au bon exercice de sa
1. C. du 20 août 1889. 2. Cf. le ch ap itr e précédent: la Neritralité
scolaire.
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MORALE PROFESSIONNELL E
mission commandent à l'éducateur de faire abstraction de ses préférences. L'obligation est stricte, pour lui, ·de se préserver des jugements abs.o lus et des sentiments passionnés pour ne songer qu'au bien général , et à l'élévation de la conscience collective vers plus de liberté et de fraternité. S'il l'estime bon, qu'il se montre catholique pratiquant ou calviniste rigide, mais non artisan fougueux de la subordination du pouvoir civil à l'autorité religieuse; que son patriotisme vibre aux grands événements de !'Histoire, mais ne se montre ni agressif, ni haineux, ni injuste: l'amour de l'Humanité n ' a rien d'incompatible avec celui de la Patrie; qu'il affirme la nécessité de résister à l'oppression, en soulignant que ce doit être dans les formes légales; et, s'il lui arrive de déplorer la misère de certains travailleurs, que ce ne soit jamais par l'opposition au patron « qui possède sans travailler », au prolétaire « qui travaille sans posséder » : il est meilleur, et de beaucoup, de montrer que la « libération du travailleur » doit venir de la loi et non de la violence et de la haine. Sa mi~sion éducatrice est toute de paix, ce qui ne signifie aucunement: de résignation. L'étude de l'histoire ne permet-elle point de montrer que les bienfaits présents sont issus de longs et douloureux efforts, - et que la violence n'a jamais rien produit de stable ni de satisfaisant? Dans cet esprit, à maintes reprises, sont intervenues les instructions officielles pour rappeler que l'école neutre doit être fermée aux excitations des partis et que !'Instituteur a le strict devoir de bien user de l'autorité qui lui a été dévolue. « L'Etat français répuhlicai'!- 1 n'entend certes pas professer des doctrines
1. Circulaire du 17 mai 1921.
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qu'il imposerait aux maîtres chargés- de l'instruction de la jeunesse, mais il est coutrain~ de s'opposer à la , ropagation de celles qui tendent à sa propre destruction ... » Il est « inadmissible que les membres de l'enseignement public fassent servir à une telle propagande l'autorité qu'ils tiennent de leur titre et de leur foncti~n, d'autant plus que l"Etat se verTa parfo is obligé de sévir contre des citoyens qui auront été entraînés par les conseils et les excitations des propagandistes. Aussi serait-il illogique et injuste que toute licence fût laissée auxdits fonctionnaires de cré er ou de favoriser des mouvements que l'Etat aura, par la suite, le devoir de réprimer ... De·s obligations particulières et singulièrement strictes incombent sur ce terrain aux membres de l'enseignement. Leur mission même et le prestige qui s'y attache facilitent leur action dans la vie publique et leur donnent crédit devant la nation : leur responsabilité s' en trouve accrue. Aussi bien, ils ne doivent jamais perclre de vue que leur titre et leur qualité les suivent, qu'ils le veuillent ou non, dans toutes les circonstances de la vie sociale. Telle attitude, tel langage, qui n'engageraie nt qu'eux-mêmes, s'ils étaient de simples citoyens, peut nuire gravement à l'Ecole ou à l'Université qu'ils rep r ésentent et à l'enseignement dont ils sont chargés.» Plus récemment1, les instructions ministérielles ont condamné, avec une force encore plus pressante, toute propagande politique à l'école : « Je vous invite à ne tolérer parmi vos effectifs scolaires ni création de secteurs, ni désignation de subdélégués mandatés par aucune organisation, ni remise de buvards commu nistes ou de programmes électoraux ... Aucune excuse tirée de l'excellence d'une cause et de la
1. C. du 28 avril t!l'l5 et du 21 janvier 1931.
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liberté des jeunes esprits ne doit être valable pou •· justifier cette préparation volontaire ou involontaire à une sorte de guerre civile des enfants. »
Conclusion.= Nulle hésitation n'est possible en présence d'instructions aussi nettes : à s'affranch ir du devoir qu'elles tracent, l' éducateur trahit le mandat qu'il a, librement, accepté de remplir. Elles consacrent la tradition instaurée dans l'école nationa1'c depuis un demi-siècle 1 , tradition qui en fait la force , consacre la valeur, assure le rayonnement : l'instituteur, chargé de pouvoir de l'Etat, s'est engag·é au service, non d'un parti, mais de la Nation tout entière. Aussi doit-il bien se pénétrer de cette idée que so autorité ne viendra point du dehors mais de -lui-m ê me , de son attachement scrupuleux à son devoir, de sa conscience à le remplir exactement, de sa foi in te'rieure en la grandeur de sa mission : préparer, en chacun de ses élèves, le citoyen épris de liberté et de tolérance, désireux de progrès et fermement attaché ' à l'ordre établi par la loi. cc Il est facile de fonder la République, dit justement. H. MANN2, mais non cl e former des ·républicains. » C'est une œuvre délica t;e et de longue haleine. Elle réclame plus qu'un long et patient dévouement : le don de ~oi, sans restrictions .
1. Çf,, G\1. précét;l,ent, Nrrntralité scolaire : Lettre de J, Ferry aux Instituteurs de France. 2. L'Ecole et le Progrès social.
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�CHAPITRE V
Du choix des livres de classe: avec quelles pr~cautions il doit être fait.
Responsable des résultats de son enseignement, l' Instituteur doit, en retour, jouir d'une large indépe,idance dans la recherche et l'usage des moyens secondant son action, notamment dans le choix de ces constants auxiliaires : les liYres de classe. Toutefois, sa liberté ne saurait être absolue. L'achat des ma· n uels, très souYent laissé à la charge des familles, le ur occasionne des dépenses parfois lourdes : il est j uste qu'elles en puissent demander l'allégement; par aillellrs ne sont-elles point fondées à exiger, dans les textes, un strict respect de la neutralité scolaire? De son côté, l'Administration académique a mission de veiller à l'application des règlements et programmes; elle est, aussi, l'arbitre natllrel des désaccords s' élevant dans le personnel ou aYec lès familles. D'où, une réglementation à la fois libérale et prudenie,. so ucieuse de ménager les intérêts en présence et de f a1•oriser le progrès par un discernement rationnel des nouYeautés destinées aux élèYes.
1. La réglementation du choix des livres d e classe 1 • ' Chaque département étab lit la liste des manuels destinés à ses éco les publiques.
Un choix commun à tous les élèves de la France ou, même, d'une académie, leur eût mal convenu. L'éd ucation d'un citadin ne peut ê tre en tous points icle nt;que à celle d'un l'lll'al et, touchant celui-ci, des
1. Décret du 21 février 1914.
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variantes s'imposent, selon qu'il s'agit d'un montagnard, d'un habitant des plaines ou du fils d'un pêcheur. D'autre part, l'enseignement du français, celui des sciences et, surtout, de l'histoire et de la géographie, présentent, selon les localités, des difficultés différentes, des exigences particulières : seule peut les réduire une adaptation exacte de l'enseignement aux ressources du milieu, aux possibilités et aux besoins des élèves. D' où, la nécessité de manuels variés et l'obligation de les choisir en conséquence. La liste départementale est préparée et, tous les ans, revisée, par les instituteurs et institutrices de chaque canton, réunis en conférence pédagogique, sous la présidence de l'I nspecteur Primaire. Les livres . dont l;i radiation ou l'inscription sont demandées_provoquent la lecture et la discussion de rapports écrÏts, pré sen tés par les maîtres qui ont cru devoir prendre ces initiatives. A la requête des assistants, désireux de s'éclairer, sur les propositions présentées, par la lecture des ouvrages, le renvoi à une prochaine séance peut être ordonné. Le droit de la conférence est de simple initiati11e : elle ne peut prendre de déci11ion exécutoire . L'accord établi, les propositions, motivées, transmises à l'inspecteur d'Académie, sont examinées par une Commission siégeant au chef-lieu. Elle comprend l'inspecteur d'Académie, président, les Inspecteurs Primaires, les Directeurs et Directrices des Ecoles Normales, les délégués des Instituteurs et Institutrices au Conseil Départemental, et deux Délégués Cantonaux, désignés par ce · Conseil : ainsi se réalise la représentation des familles, du personnel et de l'administration 1 •
1. Dans les Ecoles Primaires Supérieures, la liste des livrei,
�DU CHOIX DES LIVRES DE CLASSE
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La Commission contrôle le premier choix, l'arbitre, en cas de désaccord, et le met au point, en une liste d éfinitive, soumise à l'approbation du Recteur. Si celuici admet les choix arrêtés, la liste vaut pour un an . S'il estime devoir refuser son assentiment, il en réfère au Ministre, qui statue après avis de la Section permanente du Conseil Supérieur de l'instruction publique 1 • Il peut arriver que les parents jugent contraire à la neutralité un manuel scolaire : ils sont en droit de demander au Ministre d'en prononcer l'interdiction dans les écoles publiques 11 • Si le ·Ministre refuse de statuer ou de leur accorder satisfaction, ils peuvent se pourvoir en Conseil d'Etat pour excès de pouvoir. Après avis de la Section permanente, s'il s'agit <les écoles publiques, ou du Conseil Supé rieur, si les écoles libres sont en cause, le Ministre prononce l'interdiction des ouvrages d'enseignement qu'il juge contraires à là morale, à la Constitution et aux lois. Tout livre interdit doit immédiatement dispar(lilre d e l'école, mais en ce qui concerne les ouvra g es dont la radiation est prononcée, un certain délai est accordé à !'Instituteur pour le retirer d'entre les mains de ses élèves 3 •
es t revisée, avant la fin de chaque année scolaire , par le c;,onseil des professeurs et soumise, en cas de modifications, ù l'approbation du Recteur , qui s lalue quinze jours, au plus tard , avant la re ntrée. (A. du 18 janv . 1887, modifié par l' A. du 18 août 1920. 1. Par applica tion d e l' art. 4 de la loi du 27 février 1880. 2. Id., art. 4 et 5. - Loi du ao octobre 1886, art. 35. 3. C. du 7 oct. 1880 , in fine. A remarquer qu'un livre non ins• crit ou qui n'est pins inscrit sur cette liste officielle n'est pas un livre interdit.« Nul n'a le droit, les instituteurs ne l'ignorent pas, de fe rmer la porte des écoles à un livre qui n'est pas lé galement interdit. » (Lettre ministérielle <lu 30 nov . 1902.) C'est, simplement, un livre que l'administration académique et les communes ne peuvent inscrire sur la liste des fournitures scolaires gratuites (art. 9 du D. du 29 janvier 1890).
�.IIOlW,i PitOFESS10NNBLtE
- Il. Les livres obligatoires 1 • = Dans toute école, les élèves doivent obligatoirement posséder : au cours élémentaire, un premier livre de lecture; au cours moyen, un livre de lecture courante, une grammaire élémentaire avec exercices, un~ arithmétique élémentaire, un petit atlas él·émentaire de géographie, un livre d'hi~toire de France; au cours supériéur, uri livre de lecture courante approprîé au programme, une grammaire française avec exercices, une arithmétiquè', un livre d'histoire de France ou d'histoire générale, un atlas de géographie, un livre d'instruction ri1orale et civique. En fait, ces limites sont dépassées : on ne trouve point d'école où les élèves du coùrs préparatoire sont dépourvus de livres, où ceùx du cours élémentaire possèdent, pour tout bàgage, le seul livre de lecture, où, enfin, dans les cours moyen et supérieur, divers manuels (sciences, puériculture, musique, travaux manuels, etc.) ne s'ajoutent à ceux prescrits par le règlement. A tort ou à raison ? Tout dépend du rôle assigné aù livre 2 • L'un des meilleürs et des plUf sagaces, parmi les organisateurs de l'ét:ole primairè 1 J. F1rnnv, le déterminait ainsi, dans ~a Lettre au.t lnstituteurs 3 : « Ce qui importe, ce n'est point l'ac, tion cln livre, c'est la vôtre. Il ne faudrait pas qui le lù 1 l'r Plnt, en quelque' ~orle, s'interposer entre Vl~ élèi,es et vous, refroidù· .·votre parole, en émousser l'impression sur l'âm e de vos élèves, vous réduire a11 iÙnple rôle de répétiteur. Le livre est fait pour vo11s
1. Décret âu 29 janvier 1890. 2. Voir, dans le c'ours de 1_e année, PÉ0 ,,0001E GÉNÉRAL~, r ch. IX, la Leço,i § 2. Dans quelle ,hesare faut:..il a11lr de lapa· ,·ale et du livre? 3. 17 novembre 1883.
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et non pour l'élève. Il est votre conseiller ·et votre guide, mais c'est vous qui devez rester le guide et le conseiller par excellence de vos élèves. » Malheureusement, maintes fois, les hommes et les circonstances en décidèrent autrement. En présence de lourds erl'ectiîs, ou dans les classes formées de gl'oupes dissemblables quant au savoir et au développement intellectuel, le manuel est deYenu un auxiliaire constant. Il a permis au maître de mieux équilibrer son effort : g rfice à lui, lés élèves qui ne pouvaient ou devaient suivre unè leçon, furent occupés à des exercicês écrits ou à des études individuelles. La discipline y a gagné et, encore, l'instituteur qui a bénéficié d'intervall_s de repos et évité de pénibles c répétitions. Demeurée dans des limites raisonnables, celte légitime utilisation du manuel eût été excellente. Mais la valeur et l'agrément des sei-vices rendus ont {itè èonduit à l'abus, au détriment des résultats : l'excès des exercices écrits, fastidieux et point toujours propices à l'essor du jugement, la longueur ou l'inopportu~ité de résum és appris par cœur, le développement du verbalisme, daris certaines classes, en sont Jè vivant témoignage. Par surcroît, des préoccupations mercantiles ont 'a ggràvé la situation : non seuleincrit, pour chaqu~ cours; le nombre des manuels a crû d'unè façon inquiétante, rnais des subdivisions ônt été établies - poûî· lâ lcciü:-e par exeîùple - en (( années )) et « degrés», dans chacun de ces cours. Si le ri1àître y a trouvé un élément va~ié et commode ,pour la préparation et la èond11ite de sà tâche, l'àpplication des programme~ a p~ti d'une tellë trituratI~~ de leurs matièr~s . . Ilésu I lat : de graves déformations et, ce qui est r.tus regrettable encor~, l'oubli des sages instrucilo11s qi1i assurent la netteté dè 1eur trait et la
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prudente organisation de leur équilibre 1 • « Il est rare de trouver aujourd'hui, dans une classe, un livre qui réponde à l'esprit et à la lettre du pro gramme officiel ; les manuels écrits pour les sections enfantines - d'où ils devraient, d'ailleurs, être bannis - sont du niveau du cours élémentaire; ceux que leurs auteurs destinent aux cours élémentaires suffiraient pour les élèves du cours moyen, et, s'ils possédaient les connaissances énumérées dans les livres faits pour le cours moyen, on pourrait féliciter de leur savoir les él èves des cours supérieurs'. » Pressés par les sollicitations des maîtres, leur désir de faire œuvre utile et les suggestions des éditeurs, les auteurs de manuels dévient, parfois, dans leur tâche. Jadis, la CONVENTION avait mis au concours la rédaction des livres élémentaires destinés à aider parents et instituteurs. Non sans raison, elle estimait que, seuls, « les hommes supérieurs daus une science, dans un art » dont ils ont « sondé toutes les profondeurs, reculé toutes les bornes », sont capables « de faire des éléments où il n'y ait plus rien à désirer'». Depuis, de rares spécialistes se sont consacrés aux ouvrages élémentaires. Les « praticiens » semblent se défier de plus en plus des « autorités », et opposer les données de l'expérience à celles du savoir. Les manuels y ont perdu en hauteur d'inspiration . mais sont devenus plus accessibles à des er.lants, et pl us commodes pour les maîtres : i:s y retrouvent le reflet des procédés familiers.
1. La valeur des programmes de notre enseigne.ment p!'imai1 e est telle que l.'é.r anger (Italie, EH pagne, Amérique latine, etc.) nous les a empruntés dans ln1.r majeure partie. 2. lnstructions relatives au nouveau Plan d'études des Écoles primaires élémentaires (20 juin 1923). 3. Projet de décret d'AasoGA~T (24 septembre 1792).
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= III. Précautions a prend1·e dans le choix des manuels scolaires.= a) Principes généraux.
- Fidèle au conseil de J. FERRY, l'instituteur doit éviter de munir ses élèves de trop de manuels : il risquerait de fournir, à leur attention si mobile, de nombreuses occasions de ·s'éparpiller, et, surtput, de diminuer la portée de son action sur leurs esprits. D'autre part, le livre ne peut remplacer le maître : il le supplée et par occasion. Aussi, l'efficacité de son concours est-elle liée à l'absence de tout mécanisme : un manuel où abond.ent les longs exercices qui commandent un effort passif, doit être résolument écarté. Par exemple : tel « vocabulaire » dont le s devoirs, établis sui· un plan uniforme, comprenne nt une dizaine de p)lrases rattachées à une idée (les coiffures, les métiers, etc.). Le travail de l'élève se borne à placer, dans chacune d'elles, le mot adéquat (képi, bicorne, mitre ... ). La tâche est d'autant p lus machinale qu ' un exercice préparatoire collectif a indiqué le terme convenable et . que, souvent, ce même exercice revient dans le courant de l'année. Résultat : le devoir « d'intelligence » se déguise en un e copie ennuyeuse et de médiocre valeur 1 • Le concours du manuel ne peut ressortir à plein effet si son choix ne s'harmonise avec les capacités et besoins des élèves, c'est-à-dire s'il ne correspond exactement aux programmes et au nù>eau de leur cours. Une telle préoccupation ne s'impose pas toujo urs avec assez d'insistance à l'esprit d'un auteur : in tei:.prète des textes, il lui arrive de se mal défendre CO!_ltre des vues personnelles, qui en font dévier l'esprit. D'ailleurs, par le seul fait que son œuvre
L Il n'est ,point rare de f'OQ.stater, sur les livres, que les élèves poussent leur souci du moindre effort jusqn'à iudiquer, par des numéros, le terme ccn-respo11dant à chaque phrase.
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s'adresse à toutes les écoles primaires, n'est-il pas entraîné à composer un « cours » idéal? D'otl, erreurs d'adaptation et lacunes. b} Qualités à rechercher. - L'exactitude dans fa présentation et l'interprétation des programmes doit avoir pour complément indispensable des qualités de .rédaction qui facilitent l'usage et la compréhension du manuel, contribuent à éveiller et soutenir l'inlérêt, excitent à l'effort personnel. 1° Fond. - L'ordre, . la clarté, la sobriété sont des qualités essentielles. Il n'est point rare de rencontrer un inconcevable désordre, même dans les manuels en faveur auprès des maîtres. Tel livre de calcul mélange, à la faveur d'une répartition men"Suelle, les notions d'arithmétique, de système métrique ·et de géométrie appliquée : il abandonne l'addition pour le rectan'gle et celui-ci pour Tes mesures de poids ou, encore, passe des nombres complexes à la sphère, pour revenir à l'intérêt simple. Ses nombreux exercices d'application ne graduent point toujours les difficultés et, parfois, ne se lient pas, aux notion~ étudiées, avec toute la précision désirable. L'intention est manife-ste : par de nombreux exercices, ressassant de traditionnelles mais inept~s difficultés1, l'auteur a voulu plaire aux maîtres que hante le cauchemar du Certificat'd'Etudes. Collec'tionner assez de «trucs'>> pour déjouer les embûches d'une épreuve, importe davantage que meubler les esprits de connaissances utrles et donner souplesse et vigueur aux intelligences. Fort heureusement, de têls errements deviennent rares. Pour les voir disparaître, il suffirait de s'en tenir aux instructions définissant le caractère de l'enseignement mathématique à l'école
1, Mélanges, alliages, etc.
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primaire : « Calculer, calculer rapidement et exaclcmeht, tel est l'objectif principal. .. La théorie ne doit intervenir que dans la mesure 0L1 elle est nécessaire pour justifier la pratique du calcul, là rendre plus agréable à l'enfant qui cherche a s'expliquer cc qu'il fait, la rendre plus féconde en ln rendant plus intelligible. » Autre fait, d'importance : considérer ce que pe~t et i,eut l'esprit de l'enfant. Sous prétexte de simplicité, que de niaiseries lui présente-~-on ! L'erreur naît de croire que sa psychologie est·, en raccourci, celle dè l'adulte, alors qu'il a des manières propres de percevoir, d'organiser ses perceptions; de së~tir et de réagir. Pour avoir méconnu cette vérité élémentaire, la plupart des livres de lecttlre courante se révèlent d'une indigence et d'ûbe maladresse surprenantes. Nomb re de textes absurdes ofl'reht d'inconcevables récits de fàits, hi naturels, ni vraisemblables, ni !otiques : le chien Poppy chute dans un seau de peintùre prise podr de la creme ( où avait-il son odorat, si fin?); Sidonie exige que son cousin mange des petits pois trop sâl~s et la tante Isabelle oblige le paÙvre Gaston à absorber la saum~~~ (une correètion bien appliqùee n'eût-elle pas été de circonstance?). Ef oien d'autre fariboles : Berthe aide l'aiguille â pénétrer dans son doigt crispé pat· la douleur, dont elle s'affranchit par un : « Entrez, mlgridnne, )) qu'aucun enfant ~e prononça jamais; le Soudanais perdu dans Pai·is, à demi mort èle froid, se réchauffe, le jour de l'an, à la t'àveur d'un jeu qe mots (il achète èles graines dè (( soleil )) : tournesol); Ptitim et Linè, èt leurs nombreux cousins et cousines littéraires, deviennent stupides à force de vouli',ir être spirituels (Edouard, le .p oisson rouge, se précipite vers Line parce qu'elle l'appelle d'une voix
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« caressante et douce » !), etc. Sans doute, l'enfant aime-t-il les fictions; encore ne faut-il point qu'elles heurtent son instinct de logique, sa confiance, son désir de savoir et de comprendre. Il est, dans nos contes du terroir, des récits qui renferment une philosophie, une manière populaire de concevoir un idéal (ceux de Renard, par exemple) : ils préparent à l'intelligence d'un LA FONTAINE, séduisant par la forme des obser vations psychologiques, le naturel de l'action, le rythme des vers, en dépit d'une expression relevée, parfois incomprise. Mais pourquoi emprunter aux brumes du Nord ces récits illogiques qui présentent la vie comme une succession de fantasmagories sans lien? Bien à tort, on juge l'enfant insensible à l'expresaion. Pourquoi, sans doute, de malencontreuses négligences émaillent maints manuels : les insupportables qualificatifs de G. DRoz, appelant Bébé son « cher petit homme », son « vieux camarade », son « gros chéri »; les clichés dont la vétusté n'a point entamé la résistance : le drapeau « qui s'enfle commn un sein », quand « tonne l'airain »; messire l'hi, ver, « chevalier à barbe fleurie >>; la locomotive, « coursier de flammes »; les platitudes et les exagé• rations : Bébé sent son petit cœur « gros d'une met de douleur » ;, la tante Quette reçoit « comme uu coup de poignard », à l'idée que Bébelle lui avait menti; le bris d'un jouet produit « un orage de douleur, une tempête de désespoir 1 ••• ». Et comment qualifier ces négligences de style qui émaillent nos livres de lecture courante : « on se rembrasse » : -« la vache a bramé »; « le coq cocorique »; «· elle.le
1. Cf. la très intéressante étude de M. Maurice S.t.RSONNE dans la REVUE PÉnAGOGtQUE (n° de décembre 1923) : Lecturu ,t manuels à l'école primaire.
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tisana »; « les baleines gambadaient »; « pendant cet entretien, les cent mètres en avaient fait deux cents»; « il pépie d'un bec tendre»;« l'âne sentait ses dents jaunir»; « Polichinelle a deux fardeaux qui lui font une rondeur d'aile » ?... Une langue simple, claire, accessible à de jeunes intelligences,-ce qui n'exclut ni correction, ni pureté, - contribue à séduire l'esprit, tout en faisant aimer la lecture. Autre erreur : l'abus de l'explication. Elle ne va point sans dangers. En lecture, notamment, à force de vouloir commenter, disséquer, catéchiser, on a désappris d'accorder à l'expression les soins qui lui reviennent et de goûter un délassement agréable. Il semble, même, qu'inconsciemment, on ait détourné l'enfant de cette distraction intellectuelle, la seule qui reste à la plupart de nos élèves après leur scolarité. Certes, donner à l'enseignement du français la base vivante des téxtes est pratique excellente; encore faut-il se garder de tuer l'intérêt et créer le dégoût. La solution serait dans le choix de deux manuels, mais à partir du cours moyen seulement. L'un, plus spécialement consacré à l'étude du langage par les textes, resterait <l'un usage discret. L'autre servirait à la lecture proprement dite : récits dans le genre de la série des PÉROCHON 1, ou recueil de fragments épisodiques, compre·nant plusieurs pages d'extraits bien choisis, de peu d'étendue, mais sans coupurès fâcheuses 1, qui amoindrissent ou détruisent l'effet d'art voulu par l'auteur. 2° Forme. - Avant tout, rechercher la solidité de
1. Au point d:,1, jour (cours prép.); les Contes des 101 matins (cours élém.); le LiYre des quatre saisons (cours moyen et sup.). Delagrave éditeur. , , 2. Par exemple, réduire à 4 les 6 strophes d'Oceano Nox, ou à t2 lignes la Nuit du 4 août, de M1c0BLBT. •
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la couverture. et du papier. Un manuel bien relié, revêtu d'un fort cartonnage, dure plusieurs ann ées, avec de menues précautions ( enveloppe de papier fort, désinfection au formol, etc.). Il faut songer aux dépenses qui pèsent lourdement, parfois, du fait de l'obliaation scolaire, sur le budget d'un modeste travaille~r, ou, à l'~ccasion, se mont1·er attentif à bi en ménager les r~ssources de.s Caisses des Ecoles. II n'est point exagéré de vouloir que le même manuel serve à plusieurs enfants d'une famille ou à quelques générations d'élèves.
Comme une bonne présentation frappe l'attention, on rechel'l; hera une impression nette (en caractères d'autant plus gros que le lecteur sera moins avancé), sut pa.pier légèrement teinté, reposant pour la vue. Les illustrations charment les enfants. Longtemps, elles furent rares et médiocres. Depuis quelques années, on en a mis partout, même là où elles paraissàient hors de propos : grammaire, arithmétique et, même, solfège. On n'a, donc, que l'embarras du choix. Raison de plus pour éliminer les productions médioc1·e,s, trop chargées pour ressortir nettement au tirage, ou caricaturales, sous prétexte de simplicité. De même, sont à rejeter les gravures tendancieuses, excitatrices des bas instincts. Du livre d'histoire d~vr~ient disparaître les compositions, d'ailleurs conventionnelles et si pénibles pour la sensibilité, de scèqes de violence, inspirées par l'intolérance, l'esprit batailleur, le désir de vengeance, etc. (massacres, combats), ou susceptibles de satisfaire une curiosité malsaine (tortures, ex écutions ). Sans: doute, leur a-t-on donné pour justification d 'être facilement accessibles à de jeunes intelligences et de stimuler l'intérêt en impressionnant le_ esprits. Une s trop belle imaÇ)e, il est vrai, laisse l'enfant indiffé-
�DV CllOIX DÉS LIVRES DE Ci,ASSÉ'.
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rent : elle dépasse sa compréhension ou n'alimente\1 pas le jeu tle son imagination, ne répond point à son goût de mouvement. Mais est-il impossible de trouver, clans les constructions du passé, dans les muséès et collcclions, de vifs stimulants de l'intérêt, soit par la reproduction de monuments, d'objets dive1:s, de monnaies et documents, soit pflr la compositioû de thèmes seyants, élégamment décoratifs, ou de s~ènes sim pies, et vrais.emblable s? ·
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IV. Conclusion. = Trop de soin ne saurait donc être donné au choix des manuels scolnires : de sa valeur peut dépendre, pour une pflrl appréciable, l'importance des résultats. Compagnons du labeur . quotidien, les livres qe classe seconclen t efficacement l'action du maître. Dans les familles, des opinions se précisent ou se rectifient, parfois, d'après un livre 1euillelé, oü s'est deviné le souci de plaire aux enfants, d'écartu tout ce qui peut irriter, de rendre q1oins lourde une dépense nécessaire. Or, rien n'est à négliger pour obtenir, des parents, la sympathie et la confiance, d'oü vient l'auU>rité. Qui sait y par-· veni1· se montre cligne de sa tâche. M ~is, il y a mieux encore : cet hommage de l'écolier, deveri\l homme, heureux de relire les manuels emportés de l'école, parce qu'à l'évocation émue des souvenirs d'enfance_. s'éveille l'écho lointain, encore bien vivant, d'une rarole aimée et vénérée. .
�CHAPITRE VI
Devoirs envers les élèves; respect de leur personnalité naissante; équité; bonté; soins et visites aux élèves malades.
L'en/ant réagit mal ou peu contre ses impressions; la suggestion le trouve toujours docile; il incline volontiers à l'imitation, sans se soucier de ce que vaut son modèle. Aussi a-t-on pu se demander jusqu'à quel point se légitimait l'action de l'éducateur : dans ses interventions, ne pouvait-il se méprendre sur les vrais carn clères de certains devoirs, sur l'orientation à donner aux facultés et l'ordre à adopter dans leur subordination? On l'a dit, non sans raiso'n : « Il est surprenant avec quelle. facilité nous croyons que les autres pensent par eux-mêmes, quand nous croyons qu'ils pensent comme nous. » (BouTRoux.) Excessifs scrupules! Ils aboutiraient à livrer l'enfant à l'abandon dans une société qui évolue vers plus d'instruction et l'affinement de la moralité. Loin, donc, de vouloir restreindre le rôle de l'éducateiir, il convient, dans l'intérêt de l'enfant, des familles, du groupe social, d'en accroître l'importance et d'en faciliter l'exercice. En retour, .de pressants devoirs lui incombent: aborder, avec une discrétion extrême, l' éducation des consciences, et s'efforcer d'éclairer les esprits, d'en assurer le libr,e jeu, le plein épanouissement. La personnalité naissante de l'enfant exige un respect absolu.
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1. La personnalité de l'enfant. = Longtemps, on n'a vu, dans l'e,nfant, qu'un homme en rac•
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courci. « On ne connaît point l'enfant, disait Rot,sSEAU. Les plus sages s'attachent ii ce qu'il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que les enfants sont en état d'apprendre . Ils cherchent tou- _ ;ours l'homme dans l'enfant, sans penser à ce qu'il est avant que d'être homme. » Or, il diffère de l'a:lu lte par la nature de ses facultés, aussi bien que par les modalités et degrés de leur développement. En lui, certaines fonctions sont assez balbutiantes, qui rédominent à l'âge adulte; d'autres donnent le ton, dirigent son existence : par la suite, elles passent au !lecond plan et, même, s'effacent. A ignorer ces faits, on risque de lourdes erreurs : lui demander plus qu'il ne peut; é tablir le désaccord entre l'action éducatrice et :;es besoins, ses inclinations, ses aptitudes; surtout, le mal juger. « Nous nous trompons souvent en attriuant aux actions des enfants_ parce qu'elles sont , analogu es aux nôtres, des motifs semblables à ceux qui nous guident nous-mêmes. » (Gu1zoT.) Il importe, donc, de bien démêler les éléments de sa p e rsonnalité·. On peut en former deux groupes: les uns se rencontrent chez tous les enfants, sauf de rares exceptions, dues à des causes diverses (anomalies nerveuses, maladies, etc.); les autres s'offrent communs à l'adulte, arnc, bien entendu, les variantes cru'impose un développement moins avancé : ils cons· tituent le caractère propr.e de chaque enfant 1 • Les p1·emiers, surtout, méritent de retenir notre attention. a) Çaracleristiques de la seconde enfance (7-13 ans): 1° vitalité intense : avide de sensations et de mouvements, poussé à dépenser les forces acquises pendant la croissance, l' enfant, dans le plein épanouissement
1. Cf. 1•• partie. L'Elève, § 2. Diversité des types intellectuels et des caractères, pp. 33 et sq.
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ùe son corps, éprouve le besoin d'en user la surabon• dante activité. Cependant, comme son organisme est en voie d'évolution et que les éléments musculaires et nerveux se révèlent particulièrement instables, 0 11 lrnuve, en lui, une plasticité extrême. Elle va de pair avec une certaine élasticité, qui accroît la force de l' ésistancc. Le fait est d'observation courante : sau f en période de dépression, due aux troubles de la croissance ou à l'incubation de quelque maladie, l'en· font se montl'e !oujours plein de ressort et d'entrain, très endurant à la fatigue. 2° aclirilé orientée rers l' e.x lérie11 r : l'enfant manifeste une vive curiosité du r éel. Comprendre l'embar· rasse peu : l'important est de voir, toucher, entendre, etc., bref, de constater. Lès fins le préoc cupent beauurnp plus que les origines et les causes. Pour lui, le maximum d'intérêt se tourne vers ce dont il peut user . Il met moins d'activité à questionner sur l'origine et la constitution d <' s mondes qu'à p énétrer le secret d'un mécanisme, surtout si celui-ci satisfait son goùt de l'activité (cinéma ) où lui permet un e dépense agréable de sa force (bi cyclette) • . Autre forme de celte tournure d'esprit : son goût très vif de l'arenture. L'ancestrale passion d e la guerre et de la rapine se révèle par son ardeur à pêoher ou à se livrer, non sans habileté ni ingéniosité, à de passionnantes poursuites de gibier, à des· Lravaux de destruction qui nous choquent, à l'organi-. sation de bandes guerrières ou exploratrices 1 • Pal'. !{1 même occasion s'affirme un goût très vif de l'indéf! Cndance, un ard ent besoin d e manifester sa person11alité, ~ une personnalité bruyante, toute en gestes· et en cris, exubérante au possible.
f. Cf. Loui~ Pn11'ci uo·. La, Guer1:e des boutons .
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3° inaptitude à peit près générale à la l'ie intérieure : orientée vers le dehors, toute en surface, l'activité enfantine répugne au repli sur soi, à l'introsp ection, à la méditation. Ses nctes sont de véritables r éflexes, plutôt nés des objets que de lui-même. Il vi t, vrniment, hors de lui. Tout lui semble possible; le s difficultés de r énlisation lui éc hap pe nt: d'où, ses r êves déconcertants (il veut ê tre , successivement, un audacieux aviateur, un explorat e ur aux merveilleuses aventures, un policier plus clairvoyant que Sh. Holmes, etc .). Rien d'étonnant, par suite, à ce qu'il témoigne d'une médiocre sympathie pour autrui et dédaignè tout calcul de prudence. On sait, au surplus, combien il manifeste peu de goôt'pour l'étude réfléchie et d'initiative dans le travail intellectuel. Le plus souvent, il ne s'y livre qu'obligé, non sans rusek A de rares exc eptions près, le labeur volontaire résulte d'une contrainte, exercée des années durant : la volonté cè de plutôt à la peur ou à l'intérêt qu'à la considération du devoir. Dans le même ordre d'idées, on peut noter, aussi, que l'e nfant montre peu de goût pour la con templation esthétique : en matière de sens . artistique, il étale des inclinations et témoigne de conceptions vraiment surprenantes. 4° Enfin, à certains égards, le jeune écolier se ré.:. vèle médiocrement sociable. D'ailleurs, il communique trè s indirectement avec la sob é té , et, souvent, à son in su. Ses sy mpathies vont à ceux dont les occupatio ns se rapprochent le plus de sa propre activité. On le voit fréquenter volontiers les ouvriers , les chasse urs et p êcheurs, les soldats. Ses aspirations ne vont · point vers eux, mai~ vi3 rs leur mode d' existei1 ce : ce c1u i lui plaît, c'est de d é velopper son activité dans la
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5° A ces traits généraux s' ajoutent les apports. des.
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caractères particuliers, très divers et changeants 1 , le legs de l'hérédité, les empreintes laissées par les circonstances ambiantes. Il est des sensitifs, impressionnabl~s à l'excès; des actifs, toujours en mouvement, optimistes, gais, entreprenants; des apathiques, insouciants et paresseux, prompts à se dérober, d'une indifférence exaspérante. Sous la poussée d'influences d'ordre physiologique, des réactions et suggestions du milieu, d'oscillations de la sensibilité, des changements surviennent, brusques et imprévus, inexplicables de prime abord, chez le même enfant. On conçoit, dès lors, combien complexe se présente la personnalité enfantine à l'action de l'éducateur et quelles difficultés on éprouve à la pénétrer : « li en est qu'il faut savoir deviner et qui, sous un extérieur presque ·stupide, cachent un esprit pénétrant ou une sensibilité profonde. » (TH. BAnRAu.) · b) Nécessité d'une observation attentive et sympatliique. - Depuis des siècles que QUINTILIEN' a donné pour premier soin au maitre « de s'attacher à connaîfre à fond l'esprit et le caractère de l'enfant», de nombreuses observations ont été recueillies sur la personnalité enfantine. Cependant, pour si documentés que soient les maîtres, ils ne parviendront jamais à bien connaître leurs élèves sans une observation précise de chacun d'eux. Le meilleur moyen de se renseigner sur leur nature, c'est« de la saisir sur le 11if, en action» (LIAno) 3 • Rien n'est à négliger : une réponse déconcertante, une question d'allure saugrenue peuvent ouvrir des horizons sur le jeu d'un esprit; la tenue (propreté,
1. Cf. Pédagogie générale, pp. 39-42. 2. 42-120 après J .• 3. Allocutiou prononcée à la séance annuelle de la Société
c.
pou,· /'Etude psJ·cholo{lique de l'E11(ant, 15 noTembre 1903.
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politesse) révèle l'ambiance familiale et sa valeur, l'aptitude de l'enfant à se laisser discipliner, à vouloir demeurer soigneux, empressé à suivre des recommandations. Une réflexion, un geste, au cours des récréations, traduisent une nuance de caractère, dévoilent un penchant, une aptitude 1 • Dans l'ardeur du jeu, l'enfant se montre au naturel, alors qu'en classe, la discip·line l'oblige à ·se surveiller: c'est, encore, un excellent sujet de méditation que d'examiner comment chacun réagit contre la ri!gle. En récréation, également, apparaissent certaines manifestations inquiétantes : la rêverie mélancolique, l'accessibilité aux suggestions malsaines, qui témoignent d'une sensibilité maladive ou désorientée. Enfin, au cours de conversations discrètes, mais précises, des répliques, des confidences peuvent être amenées, qui éclairent sur une mentalité apparue jusqu'alors ondoyante. Il ne . s'agit point, certes, de pousser aux racontars sur les camarades, de provoquer de dangereuses comparaisons, d'inciter à prendre figure « d'intéressant », mais d'entretiens bienveillants, où l'âme se laisse pénétrer et se devine, bien moins par l'intelligence que par le cœur. Pout· aller au fond d.e l'enfant,« pour y toucher les ressorts les plus intimes, pour y découvrir les premiers linéaments de son individualité naissante, pour les faire épanouir, il faut ce sens tout personnel qui est le don des meilleurs maîtres, cette bonté perspicace devant laquelle s'ouvrent les clôtures des'. âmes » ( LIARD 1 ). . .
c) Comment respecter la personnalité naissante de l'enfant. - Avec un seul élève, l'attitude à prendre(
serait aisée : les traits du tempérament détermÎnés,
1. Cf. Pédagogie générale, pp. 175-182, ch. XIV. A. Les Récréations. 2. Op. cit.
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l'ëdbcateur réglerait à coup sùr son aclion. On ne saurait prétendre à tout respecter, indistinctement, dans la personnalité enfantine : le but est de former un « homme », c'est-à-dire un être capable de se gouv~rner, et un homme « de son temps », apte à vivre dans le milieu social auquel il est destiné. Par suite, dai1!1 les traits généraux de sa personnalité comme dans les particularités de son caractère, un départ s'impose, entre ce qu'il faut conserver, améliorer ou anéantir. On le servirait mal n le laisser se développer insoeiable, ignorant des ressources de la vie intérieure, soumis ~ la sensibilité bien plus qu'à l'intelligence et à la volonté. Quel insensé oserait prétendre que le scrupule de respecter sa personnalité devrait conduire à s'abstenir de combattre ses défauts ou ses vices? Les difficultés s'affirment avec l'éducation en commun. Dans une classe, les tendances les plus diverses s'opposent ; les natures les plus dissemblables s'agitenl; aux apports individuels s'ajoutent ceux de la masse, les influences et réactions de cette foule en miniature qu'est un groupement d'élèves 1 • L'habileté consisle à régl~r, tout d'abord, son action sur les caractères communs à !a grande masse des enfants : besoin de dépenser üne activité intense, propension à fa vie sensible, etc. EnsJite, au regard de chacun d'eux, vient l'ajusterrient aux divers tempéraments. 1) Dans la mesurè cori~patible avec les nécessités de la disciplin~ et de l'en~eignement, le maître doit s'efforcer de satisfaire au besoin d'agir, si vif chez la plupart des éèoliers. Le~ occasions abondent: participation a~tive aux leçons, provoquée par une interro1. Cf. Pédagogie générale, ch. Ill et IV. Psychologie de la i:lasse. La Contagion mentale dans la classe, pp. 116 et sq.
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galion adroite, l'évocation de souvenirs, des comparaisons, etc.; appel à l'observation pour rendre sensible, préciser, accroître la matière d'un exposé, recherche d'exercices d'application; suggestion,; destinées à constituer cl à classer les éléments d'un musée scolaire; indication de reclierèhes à entreprendre, de croquis à établir, etc. Ainsi, le travail devient aLLrayant, car il sollicite l'activité. Mais gardons-nous de ce faux intérêt qui présente tout à l'élève « sous une couche de sucre 1 » et ménage ' par trop son effort! Vite Llasé, celui-ci. oriente vërs d'fotres fins l'activiLé qui bouillonne en lui 2. A s'appuyer sur ses pouvoirs spontanés, sur son besoin de réaliser ses propres impulsions, on obtient, au cobtraire, « cette attention, éellc concentration du moi vers un but défini, qui 1 produisent l'habitude soli Je et permanente de mettre sa personnalité tout éntière aù service de fins éle~ées. » (J. DEWEY) . 2) Qu'il s'agisse de ruraux ou de citndins, l'Insti.:. tuteur satisrail leur vivP. curiosité àu réel, par l'utilisaLion des ressources du milieu. Vallure livresque ·de l'enseignement conduit vite à l'ennui, détourne de l'effort et, trop souvent, aboutit à d'inutiles acquisitions. Quelles déprim~ntes leçons de choses que celles d'où les choses sont bannies! combien peu stimulatrices ces notions de géométrie, interposées èntre l'écolier et l'objet à dessiner! Par surcroit, si celui-ci n'a rien d'usuel, il rend impossible tout jeu de là scnsibiliLé et .de l'imagination. Que l'enfant voie, touche,' èonstate et, de diverses façons, pénètre l'uniYcrs qui l\ ntoure ! A observer les êtres vi~ants, il y découvre les caraètéristiques, qu'il comp_ avec c~Î.Ies are
DEWEY. L'Ecole et ['Enfant. 2. Cf. Pédagogie générale. Ch. X. § l[l el IV, pp. 128-135, l'enseignement par l'action. Les méthodes attrayantes.
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de sa propre nature. Par là, s'établit le contact avec le milieu social, dont il n'est qu'un élément. A sentir sa dépendance, il compose avec ceux qui l'entourent, respecte leur liberté et développe son activité, non dans la leur, mais parallèlement; ainsi, - s'achemine il vers la collaboration qu'implique la vie en société. En même temps, le repli sur soi, déterminé par les corn· paraisons avec autrui, aboutit à la création d'une discipline intérieure, nécessaire à l'autonomie morale, but de l'éducation. Enfin, si l'on sait répondre à son intérêt pour le mouvement, à son inclination, si vive, d'œuvrer de ses doigts, le travail manuel constitue un excellent moyen d'éducation. Orienté vers des fins éducatives (aHinemen_ des perceptions, du jugement) ou vers des t buts pratiques (acquisition de la dextérité, accomplissement d'actions utiles : coudre un boulon, préparer un paquet, etc.), il contribue à réaliser l'évolution de l'enfant vers l'homme. 3) Surtout, c'est dans l'ajustement de son acti11ité aux di vers caractères in telÏectuels et moraux, que l'éducateur affirme son souci de respecter la personnalité enfantine. Sans doute, l'effort en commun oblige· t-il à une certaine uniformité dans l'emploi des moyens d'action. Mais celle-ci ne doit point détruire en chacun ce qu'il y a d'original. Le but manquerait d'ampleur à stimuler l'esprit assez pour le dégager de l'apathie. et de l'ignorance, mais trop peu pour qu'il accentuât son originalité par un viril déploiement de toutes ses facultés. Il suffit de bien peu, souvent, pour que soit facilité l'effor! de chacun. Tel est sensible aux représentations graphiques : qu'il dessine! Tel autre s'accommode mal de longues explications, alors que de trop brefs exposés désemparent l'esprit lent de son camarade. Ce turbulent, doué d'une mémoire
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fidèle, ne s'~ttarde pas à réfléchir, mais son voisin, imaginatif, se complait dans les associations d'idées: dégageons, pour chacun d'eux, de l'action d'ensemble, les efforts particuliers qu'il réclame. Glisser une remarque, questionner ou suggérer, formuler un conseil, demande peu de temps et de peine : quel stimulant, pourtant, des inclinations particulières! De même, un peu d'attention ingénieuse assure à chaque écolier cette liberté qu'à maintes reprises les Instructions d e 1923 prescrivent de respecter, qu'il s'agisse « de favoriser, par tous les moyens, l'instinct qui pousse les enfants à dessiner » ou de les « guider dans le choix et la marche de leurs observations », ou, encore, de les entraîner à traduire · leurs impressions : « Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites, c'est refouler leurs pensées personnelles, dont nous avons le devoir de favoriser l'éclosion; c'est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder'. » 4) Plus vifs encore doivent se montrer les scru pules dans l'éducation morale. La stricte application des règles uniformes aboutit à de cruelles méprises et mine l'autorité'. La justice requiert une perspicacité vigilante qui, pénétrant jusqu'au fond des cœurs, permet une exacte appréciation des pouvoirs et intentions de chacun. Opposer à la volonté la sévérité rigide d'une règle
1. § Langue fran çaise. 5° Exercices de composition. 2. LA BuuvÈ1rn l'a dit, et depuis longtemps : « C'est perdre toute confiance dans l'esprit de!J enfants que de les punir de fautes qu'ils n'ont point faites, ou, même, sévèrement, de celles qui sont légères. Ils savent précisément et mieux que personne ce qu'ils méritent, et ils ne méritent guère que ce qu'i ls craignent_: ils connaissent si c'est à tort ou avec raison qu'on les châtie, et ne se gâtent pas moins par des peines mal ordonnées que par l'impunité. •
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uniforme revïent à s'interdire« d'exercer · sur le dével·oppement moral de l'enfant une action féconde >>. (GnÉARo .) Mais, démêler la part de l' étourderie et de l' ignorance dans ce qui apparut comme méchanceté, prévenir contre les penchants mauvais, aider à les combattre, contribue à rendre l'enfant meilleur dans le cadre même de sa personnalité. Pour y parvenir, une attention v.igilante et éclairée resterait insuffisante sans ces deux inspiratrices : la bonté et l'équité.
= II. Être bon et équitable. - L'enfant ne se discipline pas comme l'ani111al : le dres sage déforme le naturel par n'i!llporte quel moyen; l' éducatioq l'utilise pour modeler le caractère et s'interdit toute atteinte à la per.sonnalité du sujet, dont il importe de se concilier l'afiection et la confiance. Or, comment l'affection pourrait-elle naître, sans les sollicitations de la bonté, et la confiance régner, sans le ~ecpurs d'une bienveillante justice qui se garde d'attribuer « aux actions des enfants, parce qu'elles sont analo-, gues aux nôtres, <les Jnotifs se1pblables à ceux qui nous guident nous-mêmes » ? (;\l m Gu1zoT 1 . ) • a) Bonté. On connaît le mot de SocnATE à un père de famille: « Reprenez votre fils: il ne m'aime pas. » Autrement que la crainte, l'affection établit, de maître à élève, des liens solides et durables; surtout, elle aide à bien comprendre les enfants: « On les devine bien moins par l'intelli~en~e que par le cœrir. )) (Mm• NRcKEll DR SAUSSVf\.E 2 .) Par elle, s'obtient plus de régularité dans l'effort: le désir de plaire au maître, la crainte de le peiner, d'encourir ses reproches, de perdre son estime stimulènt beaucoup d'enfants.
1. Lettres sur L'Ed11cation. , 2. Education progressive.
�OEYOTllS ENVERS LES tLÊYES
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1° Bon, le maître éPite de blesser la dignité de l'enfa nt, de froisser sa susceptibilité délicate. L'ironie ·et la moquerie, les épithètes malsonnantes ou injut· ie uses («vaurie n», «imbécile» ... ), les jugements vexants ( « tu es bouché à l'émeri», « ll'1 fainéant de lon esp èce ne vaudra jamais rien » ... ) d émoralisent ou révoltent. De même, les punitions accablantes (lignes, verbes, etc.) d égoûtent de l' é lude , engendrent la rancune. Par surcroît, elles déterminent de regrettables habitudes : lire sans attention, n égliger l'écrit ure, eté. 2° L' égalité d'hum eur, le calme qui s'y allie, en i mposent aux él èves et les mettent en confiance. Les considérer comme des suspects ou des coupables, se « ronger de soin et de vigilance 1> pour les bien « brider » conduit à « mettre chacun en sentinelle 1 1> contre soi. Les éclats de voix, les gestes exagérés, les menaces outrée s, troublent, d'abord, puis couvrent leur auteur de ridicule. De même, passer d ' une faiblesse excessive à une sévérit é exagérée et l'ice Persa ou prendre des décisions contradictoires, tel Arle• quin, arrivant « sur la scène avec un paquet de papiers sous chaque bras : « Que portez-vous sous le bras droit ? - Des ordres, répond-il. - Et sous le bras gauche ? - Des contre-ordres. » Riei_i de plus énervant que cette sorte d'anarchie 2 • » 3° Bien entendu, la symp a thie n'exclut point la f ermeté. P ËsTALozz1 lui-même, cependant si scrupuleux quand il s'agit de resp ec ter la personnalité enfantin e, admet qu 'il se trouve « des cas pre~sants dans lesquels la liberte de l'enfant ferait ·s a perte, et que, m ê me
·J . MONTAIGNE. De l'A/fection des p ères aux enfants (Es sais, 1. II, ch . vm). 2, J. P. RicuTEn. Cité par O. GRÉA.Rn. L'E sprit de dis cipline dans l'éducation. Revue Pédagogique, 'nov. 1883.
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JIOIULE PIIOfESSIO.VNELLI!.
dans les circonstances les plus favorables, il est parfois nécessaire de contrarier sa volonté ». De lâches complaisances détruisent la discipline. Les élèves, eux-mêmes, sentent la nécessité d'un stimulant pour leur volonté chancelante. Ils voient dans la colère un aveu d'impuissance, mais subissent l'emprise du calme : le joug s'accepte d'autant mieux qu'il se fait moins sentir. b) Equité. La bonté ne se suffit point à elle-même: il lui faut d'être inspirée par l'équité. 1°) Tous nos élèr,es méritent intérêt : l'instituteur doit se ·p rémunir contre la tentation, bien naturelle, de seconder, surtout, les efforts des laborieux ou des bien doués et de répondre à l'amabilité des parents, par une plus grande sollicitude pour leurs enfants. Même, le devoir est de tendre à rétablir l'équilibre rompu par la Nature, en aidant, avec patience, les médiocres de bonne volonté. Nul maître ne peut s'irriter d'insuffisances indépendantes de l'effort. Il doit considérer la faiblesse de l'enfant, se garder de trop vouloir lui. demander et placei' son espoir dans l'action du temps et du travail : de soudaines éclosions ont récompensé de longues patiences. 2°) L'équité commande, encore, d'apprécier l'effort plutôt qùe le résultat. Celui-ci ne dépend pas exclusivement de l'élève: une leçon bien sue, un bon devoir, ne représentent pas, toujours, la plus grande somme de labeur; l'estimation extrinsèque risque de masquer le mérite propre et es sen Lie!. Cependant, le désir d'encourager ne doit point cw·_:luire à dépasser la mesure. La louange perd de son prix à être prodiguée. MONTAIGNE dit, avec raison, de ces « loyers d'honneur », qu'il « n'est, pour les anéantir, que d'en faire largesse ». En l'occur-
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rence, l'abus est corrupteur : la conscience se rend vite complice d'une louange trop fréquente; sa sensibilité aux scrupules s'émousse; le ressort de l'émulation intérieure se brise. Pis encore : rien n'incline plus de mollesse et à une exigeance croissante envers qui loue. Ainsi s'obscurcit le sens de la justice. Dans ses entretiens avec les James de Saint-Cyr, i\fAoAME DE MAINTENON revient, souvent, sur le danger (( des récompenses continuelles dès qu'on a fait la moindre partie de son devoir ». En éducatrice prudente et avertie, elle désapprouve « les empresse ments » à louer les élèves : (< c'est par cette conduite qu'on les a gâtées et qu'elles croient qu'on leur en doit de reste, quand elles fout leur devoir. Dites-leur donc, simplement, que l'ouvrage va bien et rien de plus.» Si tel est l'effet d'un simple excès de louange, combien plus grave se révèle la répercussion d'une récompense imméritée! Elle déconcerte l'élève, ébranle sa confiance, l'incite au ressentiment, parfois même à la révolte, et, presque toujours, éveille en lui une dangereuse jalousie. Si elle prend son origine dans un manque de réflexion ou de sagacité chez le maître, il se déconsidère; mais, si sa décision s'inspire d'un calcul personnel, il se rend odieux. Les enfants ont un sens très aigu de. la justice; les plus apathiques témoignent d'un esprit fort en éveil sur tout ce qui trahit un privilège ou consacre une prérérence. Ils ne manquent point de le remarquer avec une véhémence qu'accentue la vivacité de leur imagination et leur défaut de pondération. Aussi faut-il « se garder des distinctions qui élèvent trop les uns et découragent les autres » (MADAME DE MAINTENON). Et encore : se préserver , des distractions, des oublis; qui laissent sans récompense un effort méritoire. Avec plus de force, peut-être, l'équité s'impose en
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matière de punitions. Tout ne mérite point répression dans la conduite de l'enfant. Sa constitution et la faiblesse de sa volonté causent bien des légèretés, qui ne troublent guère l'ordre de la classe . D'où, corn.me pour les récompenses, la nécessité 1l'agir avec tact. Un conseil, une exhortation suflisent à des fautes vénielles; au pécheur accidentel, l'indulgence est nécessaire, mâis un surcroît de sévérité s'impose pour !'obstiné. Ici encore, ni faveurs ni préférences: l'enfant, qui admet fort bien l' indulgénce ou la sévérité, s'insurge contre des adoucissements ou des aggravations immérités. C'est, alors, le ressenti ment sournois, l'ébranlement de la confiance et du respect, jusqu'au moment où, sans qu'on s'y attende, éclate la révolte. Poussé par ses rancunes, exalté par son imagination, tacitemertt soutenu par quelques camarades , prêts à l'admirer, le rebelle s'entête à résister, se laisse aller à un geste malséant, à une réplique injurieuse. Que faire, alors? A user de sa force, on compromet sa dignité, et céder revient à saper son autorité. Le mieux est de dédaigner l'insulte et laisser s'abattre la colère pour, le calme revenu, en appeler au cœur et à la raison : généralement, quelques mots suffisent à éveiller la sensibilité du coupable et provoquer ses regrets. Cependant, mieux eût valu, par plus d'équité et moins de rudesse, éviter de se trouver aux prises avec une situation dangereuse pour l'autorité.
=III.Soins et visites aux élèves malades.=
Un excellent moyen de consolidêr et d'étendre cette autorité , consiste à témoigner, en toutes circonstances, une solLicitude éclairée aux élèves et à leurs familles. a) On ne comprendrait point que l'instituteur se désintéressât du bien-être des ecoliers : un travail
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fructueux n'est-il point, souvént, lié à des conditions d'ordre matériel? Tel grelotte au fond de la classe qui, près du poêle, produira un effort meilleur et plus soutenu. Eloigné du tableau, le myope éprouve une fatigue inutile; malgré ses efforts, il commet de~ confusions génératrices d'erreurs et de mauvaises habitudes. Son infirmité réclame des égards : place bien éclairée; plumes larges, obligeant à écrire gros; encre foncée; livres à impression bien nette et espacée; surveillance attentive pour l'empêcher de trop se pencher sui· les livres et cahiers. Cc distrait paraît d'une incorrigible paresse : adénoïclien 1 , il entend et respire mal, ce qui contrarie les fonctions du cerveau. L'intervention auprès des parents s'impose; ils ne sauraient s'en formaliser : tout témoig1rnge de sollicitude les touche, qui émane d'une bonté attentive à ne point froisser les susceptibilités. Ecrire aux parents de faire tailler les cheveux de leur enfarit « par crainte des poux », ou en laissant entendre la présence de ces parasites, constitue, sans doute, une marque d'intérêt, mais blessante. De même, commenter l'insuffisance du déjeuner apporté à l'écoJe ... qu'on réchauffe et complète : la vraie délicatesse oblige sans froisser. · b) Hors de l'école, les· témoignages de bonté prennent plus de rcli.ef. E~ récréation, un enfant se blesse~t-il? Le soigne1· avant de le renvoyer révèle, déjà, une sollicitude que les parents apprécie~t, ~ moins d'être malintentionnés. Qu 'après viennent des visites, des demandes sur les progrès du mal, des conseils discrets, mais opportuns, voilà q~i ne peut manquer de les loucher. Certains maîtrés profitent de leurs loisirs pour se rendre chez leurs élèves indis1. Les « végétations adénoïdes » sont des excroissances sises entre le nez et la gorge.
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posés. Excellente pratique : leur venue apaise et réconforte, parfois même, sauvegarde. A la campagne, on use de remèdes empiriques, d'effet souvent dangereux : qui, mieux que l'instituteur, déconseille'ra leur emploi? D'autre part, l'éloignement du médecin en fait différer la venue. D'où, de dangereuses imprudences, qu'évitent un conseil, une suggestion formulés à propos. Certes, du tact s'impose : un Instituteur serait mal venu à s'ériger en conseiller impérieux, hautain, prompt à se formaliser d'une hésitation, d'une décision contraire à celle qu'il souhaite. Sa qualité, le désintéressement de sa démarche, le mobile affectueux qui l'inspire ne peuvent que donner du poids à sa parole. Il gagnera en prestige s'il reste avenant dans sa conversation et s'interdit toute apparence de surprise, à voir la tenue de ceux qu'il visite ou celle de leur logis; plus encore, s'il sait user d'une charité discrète ou, par sa situation de secrétaire de mairie, alléger les charges des malheureux.
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Conclusion. = L'action de l'éducateur dépasse ses heures de travail et les murs de son école. Par del~ l'intelligence, elle s'adresse au cœur et, grâce à lui, se fonde en durée et en profo.n deur : « l'enseignement est une amitié ... » (M1cRELET.) Aimer les élèves conduit à s'en faire aimer : nul guide ne vaut l'affection pour toucher les cœurs et s'imposer aux esprits, nul fondement de l'autorité n'est plus sûr ni plus solide. « Ce n'est pas par la crainte, c'est par l'affection que le maitre obtient le travail le plus régulier et le plus productif!. » Et c'est, aussi, par elle qu'il s'attache de plus en plus étroitement à son œuvre, en raison même des soins qu'elle réclame et des efforts qu'elle exige .
1 lostructioos du 20 juin 1923.
�CHAPITRE VII
Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints.
Les Instituteurs constituent une corporation importante, dont l'action disc1jJlinée a pris, en peu d'années, une infiuence certaine sur la vie nationale. Jusque dans les moindres cités, d'ardents adversaires les conzbatlent, qui Yoient, en eux, les héritiers de la Ré110/ution et les ennemis irréductibles des régimes déchus'. Sur11ient-il quelque défaillance P L r, corps entier et l'école qu'il sert en sont, aussitôt, rrnd!rs responsables. Cette hostilité a noué des liens de solidarité entre les maitres et créé des devoirs particuliers : le moindre conduit à é11iter tout fait préjudiciable au bon renom de l'œu11re scolaire. Par ailleurs, n'est-il pas naturel qu'entre tous les ser11iteurs d'un même idéal s'établisse une sympathie secourable, se manifeste une absolue loyn uté, l'une et l'autre propices au succès de l'effort communP
I. Obligations envers les autres maîtres. Politesse. - Dans le village où il s'installe, !'Instituteur trouve, souvent, des collègues. Il ne peut les ignorer, ni exiger d'eux les premières ouvertures. Après sa 11isite d'arri11ée au maire, - avant, même, si les circonstances le veulent, - il se dirige vers eux et en toute confiance. Dans ce premier entretien, il montre une cordialité de bon aloi, évite de trop parler de lui et se garde bien de vouloir en imposer. Dans les renseignements donnés sur la population,
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les ressources du pays, les personnalités locales, il voit un témoignage de bonne camaraderie et se garde, à leur sujet, de toute appréciation, de toute réserve laissant croire qu'il en dédaigne ou suspec.te la valeur. Si, par la suite, il reconnaît des erreurs, même volontaires, il doit avoir le bon esprit de ne point s'en formaliser, encore moins, d'en témoignc1· de l'humeur ou d'élever des récriminations 1 . Peutêtre y eut-il erreur d~ jugement, ou désir mal venu de lµi éviter des ~nnuis, imaginés à plaisir, ou, encore, quelque vague besoin de sa sympathie, obtenue au prix d'une exagération. Les relations quotidiennes gagnent à s'inspirer d'une ser~ine cordialilé plutôt qu'à s'envelopper d'une politesse stricte, mais froide. Un « bonjour » reste distant, sans sourire ou poignée de mains. Un salut cérémonieux indispose : ne peut-on s'enqu érir de la santé, de la famille, etc.? Certes, il y faut de la discrétion : on jugerait mal un bavard questionnant à tort et à travers, ou un jeune maître se montrant trop familier avec l'institutrice, sa voisine. L'empressement dans la politesse met en relief une bonne éducation. Le débutant qui, sous le prétexte d'une dignité mal · comprise, évite de saluer le premier son collègue, fait preuve, non seulement de grossièreté, mais d'une ridicule sottise, - et, si ce collègue est une femme, d'une inexcusable goujaterie. De même, s'il accueille avec hauteur le salut et les avances d'un maître, parce que moins titré ou non
1. «' Le désacc~rd entre les hommes provient de ce qu'en les blessant on les porte à se séparer de nous et de ce qu'étant blessés, nous venons nous-mêmes à nous éloigner d'eux. Donc, l'unique moyen d'éviter ces divisions, c'est de ne point blesser les hommes et de ne pas s'en sentir blessé. » ('N1coLE. Traité
sur les moyens de conserver la paix parmi les hommes .)
�OBUGAT/ONS ENVERS Ü:S AUTRES J!AITRRS
élève de l'Ecole Normale. Encore, s'il se plaît à traiter les menues questions de service en d'impératifs billets, remis aux collègues maintes fois rencontrés dans la journée. Volontiers, les jeunes gens se montrent railleurs et s' ingénient .aux suggestions qui abusent les naïfs. Dans les réunions de camarades, on rencontre, parfois, quelque brave garçon servant de cible à d'anodines plaisanteries. Certes, il n'y a aucun mal à se distraire, donc, à lancer, occasionnellement, une pointe divertissante, quitte à subir, de bon gré, la riposte ou l'attaque. Le mal, c'est de harceler toujours le même camarade et de s'appliquer à lui faire · sentir son infériorité; c'est, surtout, de l'inciter à des sottises, dont on le raille méchamment, de donner une allure acerbe ou inconvenante aux propos qu'on lui adresse, et si, par hasard, survient une discussion, de se montrer rageur et grossier. Le succès que peut valoir, auprès de certains, l'allure de boute-en-train ne compense point l'impression défavorable laissée par le manque d'éducation dans l'esprit des spectateurs sens és et réfl échis. <( Il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer. » (LA BRUYÈRE 1 .) b) Modestie. - 1° Il advient qu 1on succède à un Pieu.x maître, qui exerça longtemps daus la commune et s'y fixe. Avec lui, les relations ne peuvent se borner à la simple visite d'arrivée : son âge, la durée de ses services, la considération dont il jouit, méritent mieux. D'autre part, sa situation dans la commune, surtout s'il a conservé le Secrétariat de la Mairie, peut servir utilement l'école. Par suite, il est adroit tle s'en faire un allié. La maladresse demeure inexcu~able de le froisser par des comparaisons désoblii. Les Caractères. Ch. De la Société et de la Conversation.
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geantes, d'ironiques oppositions de méthodes et de procédés, ou, encore, par des critiques acerbes sur ses choix de livres, sa conception de la discipline, les manifestations de son respect envers les autorités. N'est-ce point sottise que de repousser brutalement les conseils qu'il peut aimer à donner, comme toute personne d'âge, confiante en son expérience? et coupable orgueil que de vouloir s'élever en le d énigrant auprès des familles? A peu près toujours, le brave homme a fait ce qu'il a pn, avec une persévérante bonne volonté. Il ne s'embarrassait pas de savantes théories : sa formation, ancienne, n'allait point snns ·lacunes; mais il apporta sa pierre à l' édifice: pourquoi vouloir l'en ôter? Est-on sûr de mieux rebâtir, de ne point compromettre la so.lidité des assises, par un remaniement intempestif ? Lui aussi peut trouver que « ça ne va pas», et le dire, sous le coup de l'irritation ou, simplement, de son regret pour une tâche prenante, abandonnée sous la contrainte de l'âge. Alors, loin de lui en témoigner du ressentiment, on va s'expliquer avec lui, dans un large esprit de conciliation et en toute déférence, avec, même, le désir de satisfaire son humeur conseillère. Rien d'humiliant dans cette démarche, mais un souci louable de dominer les mesquineries pour bien servir l'école. 2° Au demeuran,t, qui peut prétendre à une connaissance parfaite de sa tâche et des moyens de la bien remplir? Chaque jour apporte l'occasion d'apprendre à mieux œuvrer: plus qu'on ne le pense, on peut tirer profit d'indications empiriques. C'est pourquoi il faut s'astreindre à observer cette même attitude de modestie accueillante enYers tous, même à l'égard de collègues inférieurs par !'fige ou la culture. Rien, donc, de tranchant dans les conversa\ÏODI : les jugements absolus et sommaires, plus
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sujets que d'autres à l'erreur, révèlent, par surcroît, une irritante étroitesse d'esprit. Par ailleurs, quoi de plus sot et malséant que de mettre un puéril amourpropre :l imposer son point de vue, non sans témoigner un blessant dédain des conceptions d'autrui? « Il ne faut presque rien, dit LA BnuYÈRE1, pour être cru incivil, méprisant, désobligeant; il faut encore moins po_ être estimé tout le contraire. » u-r c) Loyaute. Le mépris de ce sage avis expose à créer des froissements et d'irritantes complications de la vie en commun. 1° A-t-on des lorts enPers un collègue? Il n'est point d ' autre attitude que de les reconnaître et de s'en excuser en toute sincérité. Avouer ses erreurs ne consacre pas une diminution : on se rehausse à vouloir en éviter le retour. Si l'on échoue dans sa démarche, de s'être montré loyal résultent la paix de la conscience et l'estime des gens de bonne foi. Mauvaise tactique que l'emploi de piteuses habiletés : dénaturer . les actes et paroles d'autrui; lui prêter des intentions; feindre la méprise dans l'interprétation de ses propos; ergoter, se livrer à d' oiseuses chicanes et diversions, pour tenter d'établir quelque réserve, au demeurant, de pure forme. Les situations nettes sont les meilleures : le moindre doute laisse la porte ouverte au ressentiment. Au · surplus, rien n'est irritant comme de reprendre une affaire réglée et de remâcher sans cesse les mêmes g riefs. 2° Se renfermer dans un silence hostile ne vaudrait guère mieux, mais la faute serait lourde de se livrer à des manifestations impertinentes ou injurieuses contre un collègue, et, surtout. de l'atteindre sour1. Op, oit,
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noisement, par le jeu perfide des insinuations et des médisances. On risque d'aller très loin : dans la population la plus rustique, on rencontre, toujours, quelque finaud, expert à exciter les adversaires, pour mieux en rire; d'où, des commentaires, lancés à tort et à travers, sans aménité ni sincérité, envenimés d'inopportunes et dan gereuses confidences. On perd vite la tête, on s'excite aux pires affirmations, dam cette « guerre à coups d'épingle ». Chacun a ses partisans et ses adversaires, tous disposés à l'outrance et peu délicats sur le c~oix des moyens de combat. Spectateurs curieux, mais fidèles aux rancunes de .len-rs parents, les enfants méprisent l'autorité des m-aîtres lancés dans de telles luttes. La confiance de tous s'altère . .. et l'Administration, contrainte par les événements, sépare, non sans dori1111age parfois. <les antagonistes ridicules et malfaisants. d) Vivre en bonne harmonie. Est-il donc si difficile de bien vivre avec ses collègues? Nullement. C'est affaire de bon sens, de ·tact et de bienveillance. 1° Bon sens . Première règle à s'imposer : vouloù· conserver son indépendance. Des relations trop suivies, agréables au début, finissent par peser. Les concessions deviennent de plus en plus lourdes; bientôt, on les estime trop fréquentes et sans contre-partie : finalement, on s'évite, pour finir par une brouille. La guerre commence et, avec elle, les pires ennuis. Ceux-ci peuvent, encore, résulter d'une amitié aveugle, qui fait épouser les préférences et les partis pris. L'animosité conduit à dénaturer faits et paroles; elle ôte tout discernem e nt et crée des ressentiments qui pèseront sur l'existence. Vienne, avec la lassitude, une volte-face : l'animosité des amis (l'hier se manifeste avec une ardeur d'autant plus. dangereuse qu'elle clispose de comprometta,nteii' confidences .
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Il ne faudrait point déduire de ces faits que la sagesse consiste à s'isoler. On peut sauvegarder sa 1 iberté d'allures sans se condamner à la solitude, et il est bon de frayer avec ses C'ollègues, në serait-ce c1ue pour leur éviter de croire au dédain. On ne peut, tl'ailleurs, que gagner à se fréquenter, entre gens de même vocation et d'aspirations communes. Au surplus, l'exemple de l'union impressionne favorablement les familles et renforce, à leurs yeux, la situation de chacun. En second lieu, on ne doit jamais craindre l'opinion de collègues médiocres ou malintentionnés. Certains d'entre eux se complaisent à raill,er ceux qui, disent-ils, « font du zèle », c'est-à-dire se dorinent à leur tâche avec conviction et entièrement, se montrent stricts à suivre les règlements, quelquefois, même, adroits à les appuyer d'intelligentes initiatives. Ces mauvais ouvriers - rares, heureusement - font de leur paresse et de leur routine un niveau à ne point d é passer, sans qu'ils y discernent un acte d'hostilité personnelle. Osons les braver et lès remettre à leur place, fût-ce au prix de quelques ennuis! Le bon sens ne perd jamais ses droits : le su·ccës de ces mécontents reste éphémère. Qu'on leur dise sans ambages la vérité : aussitôt, s'égaille la cour des apathiques, des gobeurs ou des aigris, qui leur don.:. nait une apparence d'autorité. 2° Tact. Hormis ce cas, on doit garder en soi, coqstant, le désir d'éviter tout conflit. C'est facile, pour peu qu'on veuille agit· avec tact. Un désaccord se 'produit-il sur une question de service?' Manifester cl~ la mauvaise humeur, se renfermer dans une botidE,lrie agressive, n'aboutit pas à le réduire : ne vaut-il pas mil)ux rechercher la solution équitable, qui demandera à chacun un léger sacrifice? Un peu de doig\é
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amène les esprits à composition. La discussion close, rien n'en doit parvenir au dehors. En desservant un · collègue, ou, simplement, en permettant à des profanes d'apprécier l'attitude de chacun dans une affaire de service, on nuit à tous et à soi-même. Le souci du bon renom de l'Ecole exigerait, même, qu'on défendît publiquement un maitre imprudent ou maladroit, fût-il indigne de cette marque de solidarité 1 • Si, par aventure, il se trouvait coupable d'une action répréhensible, ce serait montrer un tact louable que d'éluder toute conversation le concernant et de laisser sans réponse tout feint témoignage d'intérêt, tout hypocrite apitoiement, destinés à soutirer des confidences ou à surprendre une opinion. 3° BienPeillance. Que de conflits seraient évités si, après avoir examiné les faits à la lumière du bon sens, on les jugeait avec bienveillance! Rien ne rend compréhensif comme la bonté : une parole maladroite, un geste inopportun, appréciés avec indulgence, méritent, tout au plus, un sourire. S'en offusquer, conduit à une voie périlleuse. Alors, « les moindres · coïncidences sont notées et interprétées, les inférences fausses se multiplient et se groupent au gré de la passion haineuse; on perd tout esprit de saine appréciation des faits 1 ». On est stupéfait de constater à quel degré de stupidité parviennent d'excellents esprits, des maîtres bien doués et d'un dévouement sûr, lorsqu'ils se laissent aller à de tels excès.
1. J. PAYOT (..4ux Instituteurs et aux Institutrices) dit justement : « Parmi toutes les règles de conduite supérieures à tous les cas particuliers, comptez celle de toujours soutenir vos collègues, même s'ils ne vous soutenaient pas, et de ne jamais .vous répandre en récriminations contre eux. • 2. Id.
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Trop souvent, des jalousies féminines inspirent les dissentiments qui s'élèvent entre maitres d'une même (·cole : aigreur de la femme d'un adjoint pour celle du directeur, ou le directeur lui-même, mieux payé (on ne l'estime guère plus capable que l'adjoint, quand on ne l'affirme pas inférieur); envie a l'égard du ménage qui perçoit deux traitements; rancune de ménagère désordonnée, apathique, maladroite, envers la voisine, experte à bien tenir son intérieur; mécontentement soupçonneux contre la débutante d'allure (!aie, habile à confectionner des toilettes simples et sf:yantes; enfin, jalousie pour tout ce qui offre des t: omparaisons estim ées désavantageuses pour soi. Le séjour côte à côte dans le 'même établissement contribue à rendre plus tendue la situation : l'exécution d'un morceau de musique est jugée vacarme intolérable; des cris d'enfants, des portes qui claquent, les divers bruits du ménage, provoquent des réflexions outrancières et malsonnantes; de menues questions de nettoyage ou d'usage (buanderie, bassin d'arrosage pour le jardin, etc.) déterminent d'épiques conflits. Pourtant, peu de chose suffirait à les éviter : la volonté de se montrer bienveillant, le désir de rester ra isonnable. A la femme irritable, envieuse, aigrie, peut-être, de voir durer une situation subalterne, le mari oppose sa préoccupation constante d'examiner les faits froidement et dans un large esprit de tolérance et de bonté. Il remontre que nul n'est parfait ni à l'abri de la critique et que la paix, dans la vie en commun, dépend de la tolérance et du souci de se montrer obligeant. Pourquoi . s'émouvoir de peccadilles? Mieux vaut n'y point prêter attention, pour en éviter le renouvellement et l'e_ xagération. A tout prendre, il est meilleur de désarmer les préventions naissantes par des concessions opportunes, de la
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bonne humeur et un peu de patience, que de les exaspérer par de rigides exigences ou de malencontreuses répliques. Au demeurant, à ces faits déplorables s'oppose, ·en maints endroits, l' exemple de maîtres soucieux de s'encourager mutuellement à bien remplir une tâche pénible. Le succès n'est-il point lié au concours de toutes les bonnes volontés? Ainsi se créent, entre Instituteurs, de fraternelles amitiés, parfois plus durables et plus solides que certains liens de parenté . Et quel réconfort, que cet exemple de maitres déjà âgés, s'appliquant à une protection discrète de leurs jeunes camarades : il les aident à mieux travailler, à lutter contre un pénible isolement, à réagir contre le découragement et les difficultés inévitables dans un milieu déshérité! N'est-ce point la meilleure des solidarités professionnelles?
=
II. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints. = Aux relations d'ordre g é néral qui viennent d'êt1·e défi.nies s'ajoutent les obligations particulières concernant directeurs et adjoints. a ) La fonction de directeur. - Jadis, le titulaire d'µne école pren~it à gages un auxiliaire, tel · un domestique : cet c< adjoint )) - on disait: « le sousmaîlre » - était nommé et révoqué par lui, avec l'agrément des autorités d épartementales. Aujourd'hui, tout comme le titulaire, l'adjoint reçoit sa nomination de l'inspecteur d'Académie ou du Préfet. Il y a gagné en dignité et en liberté, sans, cependant, s'aITranchir de toute dépendance envers le directeur. Mais cette subordination, assez étroite à l'origine, tend à se libérer d' une r églementation née des circonstances et de l'interprétation de textes vagues et insuffisants. La Loi Organique, en effet, ne défini.l
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aucunement les relations d'adjoint à directeur; elle énonce, simplement, que dans toute école comprenant « plus de deux classes», le titulaire « prend le titre de directeur 1 ». Ce silence surprend d'autant plus que, d é-jà, la loi sur l'obligation scolaire chargeait le directeur, pour toutes les classes de son école, des opérations destinées à contrôler la fréquentation : réception des listes d'enfants envoyées par le maire et des motifs d'absence donn és par les parents; envdi mensuel des extraits des registres d'appel au Maire et à l'inspecteur Primaire, etc. Les Règlements Organiques, à leur tour, ne traduisent guère le souci de faire, du directeur, un chef de service aux attributions précises et aux responsabilités nettement déli- ' mitées. Ils lui confient : 1° de recevoir les élèves internes\ ce qui est peu fréquent; 2° de répartir les· élèves dans les classes des trois cours, sous le contrôle de l'inspecteur Primaire 3 ; 3° d' é tablir l'emploi du temps de l'école, affiché dans les classes, a près approbation de l'inspecteur Primaire ~. En somme, il tient un rôle d'int erm édiaire entre celui-ci et -le personnel, en vue d'assurer l'organisation générale et la marche de l'école. Pourtant, de ce rôle est sortie une fonction '.rendue de plus en plus importante et délicate par les événements. Dans l'impossibilité de demeurer en contact étroit avec le personnel d'une grande école, - dans les villes importantes, surtout, où son activité est sollicitée de façons si diverses, l'inspecteur Primaire a été
1. L. O., art. 23. L. O . = Loi du 30 octobre 1866, sur
l'Organisation d e l'Enseignement primaire.
2. D. O., art. 15. - D. O. Décret du 18 janvier 1887. 3. Id., art. 13. . 4. A. O., art. 18. - A. O.= Arrèté du 18 janvier 1887. Décret et anêté complétant la Loi de 1886.
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conduit à demander au directeur de lè renseigner sur l'effort de chaque maître. De là à lui confier l'in spection des classes, avec rédaction d'un« bulletin» semblable au bulletin d'inspection, le pas fut vite franchi 1 • Les événements démontrèrent qu'une telle organisation, pour si commode qu'elle fût, ne pouvait subsister longtemps, parce que sans base légale et en opposition avec nos mœurs démocratiques. Le certificat d 'aptitude p édagogique exigé, à l'origine, des directeurs, péniblement obtenu et assez tard quelquefois, a été rendu nécessaire pour la titularisation : on y parvient dès vingt ans. Par suite, aucune supériorité de titre n'assure plus celle ·de la fonction. Pis , même : beaucoup d'adjoints possèdent le brevet ,sup érieur' et, parfois, d'autres diplômes, alors qu'on rencontre des directeurs pourvus du seul brevet élémentaire. Enfin, à l'ancienne et juste pratique du début dans les écoles importantes, aux fins de parachever le stage sous une direction éprouvée, s'est substituée la tradition des « convenances personnelles » : les emplois des villes sont très recherchés des maîtres las de vivre à la campagne, soucieux de bien faire éduqu r. r leurs enfants ou d'assurer plus de confort à leur famille. Résultat : souvent, des directeurs commandent à des maîtres plus âgés et aussi expérimentés qu'eux. D'où, évolution dans l'idée des droits du directeur et des rapports avec ses adjoints. Un principe nouveau s'est fait jour: l'autorité d'un seul ·1 s'efface de,,ant la collaboration de tous. « L'Ecole est une, quel que soit le nombre de ses maîtres, e t tout enseignement est une collaboration : collaboration •des »1.aîtres entre eux, en vue de la formation intel1. C . du 1~ janvier 1895. 2. Leur nombre ira croissant, puisque la législation actuelle a posé en principe que nul ne serait titulaire sans B. S.
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lectuelle et morale de l'enfant; collaboration des maîtres et des familles . Il n 'est pas de conception plus fausse, plus étrangère à nos principes d'égalité et de bonne confraternité que celle qui maintiend!'ait le directeur et ses adjoints dans un isolement mutuel, le premier concentrant en sa personne toute la vie administrative et pédagogique de l'Ecole, les seconds réduits à une obéissance étroite et bornant leur activité à enseigner suivant des méthodes et des principes accept és sans discussion et sans foi et imposés d'autorité. L'unité ainsi obtenue frapperait par avance l'enseignement de stérilité : pour être féconde , l'harmonie doit être faite de l'accord de toutes les bonnes volontés s'employant à faire œuvre commune 1 • » b) Rôle du directeur . .....: 1° Marche générale de l'Ecole . - Il doit: établir l'unité et en assurer le maintien; coordonner les efforts, pour que l'enseignement reste une collaboration ; veille1 à la continuité des méthodes et s'efforcer d'atténuer les ·effets des mutations qui se produisent dans le personnel. Il lui appartient de provoquer les améliorations qu'il estime désirables et les mesures nécessaires à la bonne marche de l'établissement, dont il surveille l'application : horaires à suivre; entrée et sortie du personnel, des élèves; surveillance des récréations; organis.ation du service de l'interclasse; remplacement d'un maître absent, en attendant l'arrivée d'un suppléant, etc. 2° Attributions p édagogiques. - Une tâche délicate lui est dévolue : « celle de parache11er l'instruction de ses adjoints 1 ». Responsable de la bonne organisation pédagogique de l'enseignement,« il a le devoir, et par conséquent le droit, de guider les maîtres, surtout
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1. Circulaire du 15 janvier 1908. 2. Id.
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ceux qui débutent, de coordonner leurs efforts vers le but commun 1 • A l'école primaire, plus qu'ailleurs, . peut-être, il importe de ménager avec un soin jaloux' le temps des élèves, de leur épargner le tâtonnement des méthodes, de prévenir ou de combler les lacunes résultant du manque de concordance entre les diverses classes qu'ils ont à franchir. Rien ne serait plus 1 ,1aturel, de la part du directeur, que de laisser au besoin, à chacun de ses adjoints, des notes et des directions précises, coupant court à tout malentendu et à toute omission, permettant à l'inspection ellemême de voir d'un coup d'œil si la marche de l'enseignement a été méthodiquement arrêtée et est exactement suivie de la première à la dernière classe. l> L'action du directeur, en ce sens, très souple, varie selon l'âge et les capacités de chacun des maîtres. Il lui revient, encore, de contrôler l'application des programmes, de la répartition mensuelle, et de veiller à ce qu'il n'y ait point, dans les classes parallèles, des différences de niveau trop sensibles. Aussi ne sauraiton lui contester le droit de se rendre dans les classes et, à l'occasion, d'y accompagner l'inspecteur Primaire2. Enfin, il doit se tenir au courant du mouvement et des nouveautés pédagogiques, savoir pro. 1. « Un instituteur qui croit ne relever que de son propre jugement ne peut pas prétendre au rôle d'éducateur. » (SruLLRR. Discours prononcé au banquet de l'Association des anciens élèl'es de l'E. N. d'Jnstîtuteurs de la Seine. Revue Pédago• gique, décembre 1887.) 2. « Les directeurs et directrices sont qualifiés pour accomcompagner l'Iaspecteur Primaire dans les classes tenues par leurs adjoints.» (Réponse ministérielle. J.O. du 22 juin 1929. Df. 2161.) - Le refus de faire classe devant le directeur constitue « une faute grave de service ... Les Directeurs, qui ont la responsabilité du bon fonctionnement de leur école, doiven& pouvoir suivre ce fonctionnement dans toutes ses manifestations ». (C. du 14 janvier 1930.)
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voquer et diriger les initiatives, être toujours prêt à fournir une indication touchant le choix d'un livre ou l'àpplication d'une méthode. Pour mener à bien cette partie de sa tâche, le directeur trouve une aide précieuse dans le Conseil des Maîtres, dont se précisent 1 ainsi le rôle et les attributions : « Il doit se réunir au commencement et à la fin de l'année scolaire, et, dans l'intervalle, au moins une fois par trimestre ... » Ses attributions embrassent tout ce qui a trait à « la vie pédagogique de l'école », notamment « l'élaboration du règlement intérieur de l'école, en conformité avec les règlements généraux arrêtés par le C. D.; la répartition des élèves cfüns les classes, suivant leur âge et leur degré de préparation, fe pàssage des enfants de l'école maternelle ou de la classe enfantine à' l'école primaire en dehors des époques réglementaires », la « répartition des maîtres dans les classes », sous rëserve de l'approbation de !'Inspecteur 'Primaire. Si, en pareille matière, en effet, il faut tenir compte des convenances des maîtres, on doit « se préoccuper, avant tout, dès intérêts de l'enfant, qui priment les autres ». Le Conseil des maitres s'occupera, également, il'exercer 1 ll ne action disciplinaire sur les élèvls : féliciter ns bons, réprimande1· les mauvais et les ràmerier dans la bonne voie, proposer l'exclusion en bs de 'faute grave ... Mais, « ce SOl~t surtout les questions d'orcD-e purement pédagogique qui animeront ces réunions et leur donneront leur intérêt : emploi du ' temps, application et adaptation des programmes, choix des livres d'après la liste départementale, étude des méthodes et des procédés d'enseignement, entretien et recrutement de la bibliothèque, etc, »,
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1. C. du 15 janvier 1908.
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3° Attributions administrati11es. - Le direclenr réunit et préside le Conseil des Maîtres; il en établit l'ordre du jour, résume la discussion en résolutions, fait rédiger le procès-verbal el l'envoie à l'inspecteur Primaire, avec ses observations, s'il y a lieu. Il traite, avec les autorités académiques ou municipales, les questions intéressant la vie scolaire, les locaux, les œuvres annexes de l'école. La transmission de la correspondance administrative doit s'effectuer avec son visa et, s'il l'estime nécessaire; ave.c son avis. Il reçoit et convoque les parents, vise ·les documents à leur envoyer (bulletin d'absence, carnet de correspondance, etc.), leur notifie les décisions du Conseil des Maitres et les siennes touchant la discipline, etc. c) Dans quel esprit doit-il exercer son autorité? - Longtemps maître absolu dans son école, ses avis étaient suivis strictement par l'administration : c'eût été dangereux d'entrer en conflit avec lui. De la précaire fon~tion de sous-maître avait subsisté le souvenir d'une autorité brutale, tracassière et, parfois, pleine de morgue. Tel ne recevait son personnel qu'après une demande d'audience; tel autre, irrité d'une objection, répliquait qu'on « ne discute pas avec ses adjoints ». Ce caporalisme a fait son temps. L'horizon s'est élargi; un heureux libéralisme a pénétré les relations qu'établit le dévouement quotidien à la même œuvre. Peut-être, même, par un excès contraire, la « largeur de vues » conduit quel-' quefois à une débonnaireté nuisible aux intérêts de l'école. Il ne faut ni autorité absolue, ni faiblesse coupable, mais de la bienveillance, une politesse qui n'empêche point de parler net, le souci constant d'inspirer une affectueuse confiance, sans, cependant, devenir dupe de mauvais esprits ou de trop habiles manœuvriers. Comment y parvenir?
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1° La première condition du succès est que le directeur exerce ses attributions « avec tact, mesure, et, pour tout dire, bonte. Il lui faut ménager des susceptibilités légitimes, parfois ombrageuses, et désarmer les défiances que fait naître, chez quelques-uns, l'apparence d'une sujétion. Il doit surtout se garder, par des critiques inconsidérées et présentées sans aménité, de paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage de l'école et de décourager les initiatives qui, bien dirigées, peuvent porter d'heureux fruits 1 ». Point de réflexions désobligeantes, surtout devant les collègues, encore moins en présence des élèves : l'humiliation pousse à la révolte. Conseils et observations gagnent à être présentés avec courtoisie, en soulignant l'intention d'être utile. Un ton violent provoque : l'impolitesse appelle la grossièreté. D'ailleurs, en peu de temps, les éclats n'émeuvent plus : ils laissent, cependant, l'amertume du souvenir. Et si, par malheur, au calme répond la violence, quelle supériorité de conserver son sang-froid, de persévérer à convaincre plutôt que de contraindre! Au cas où la gravité du dissentiment nécessite l'intervention administrative, le directeur ne doit jamais la solliciter sans épuiser les moyens de conciliation dont il dispose et prévenir de sa démarche le maître intéressé : la « collaboration » ne s'harmonise guère avec la pratique des sournoises dénonciations. Sa démarche pr-endra le caractère d'une demande d'arbitrage. Chacun des intéressés exposera sa façon de voir par écrit et aussi objectivement que possible. Le geste manquerait de mesure et d'élégance, chez le directeur, d'utiliser l'avàntage qu'assure la transmission de la correspondance pour laisser ignorer ses griefs
1. Circulaire du 15 janT. 1908.
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à son adjoint ou jeter la suspicion sur les dires de celui-ci, par un commentaire tendacieux . Bien entendu, il s'agit, là, d'affirmations véridiques : sinon, une rectification, mesurée, mais nette, serait de mise, après avis à l'intéressé. 2• Il importe, aussi, que le directeur er,,ite de s'imposer par la force, d'être ' subi : une tutelle déprimante paralyse les initiatives, énerve les esprits et conduit vite, selon le naturel, à la résistance ou à l'indifférence. L'autorité « doit être la justice, et toutes ses manifestations doivent s'inspirer du respect sincère de la personnalité d'autrui». (J. PAYOT 1 .) Piètre système que réduire les adjoints « à une obéissance passive ll, borner « leur activité à enseigner suivant des méthodes et des principes acceptés sans discussion et sans foi, et imposés d'autorité 2 ll . En Conseil des Maîtres, chacun conserve la faculté d'exprimer entièrement sa pensée, « ·de faire preuve de recherches et d'initiatives personnelles, de produire des idées nouvelles 3 », bref, de contribuer à cette collaboration qui assure la forte unité de l'école. Nul directeur ne d·o it l'oublier, pour jouer au« gendarme». S'assure-t-il que la tâche a été mise au point? De minutieuses exigences prennent vite une allure vexatoire. S'il traverse une classe, qu'il évite toute suspicion, des réflexions déplacées ou brutales. En cas de défaillance ou d'erreur, pourquoi apprécier les faits dans le sens le plus défavorable? « Se garder, par des critiques inconsidérées et présentées sans aménité, de paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage de l'école et de décourager des initiatives
1. Aux Instituteurs et aux Institutrices. 2. C. du 15 janvier 1908. 3. Id.
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peuvent porter d'heureux früits >>; persuader, en s'adressant à la raison, au cœur; négliger les menus faits pour diriger son effort sur ceux d'importance; ne se montrer ni hautain, ni méprisant, mais doux et charitable; - .en somme, diriger sans le faire sentir: c'est le seul, le décisif moyen de rendre l'autorité acceptable P,t de réaliser, autour d'elle, le plein accord des bonnes volontés. 3° Un directeur intelligent se garde, encore, de · l'étroitesse du jugement qui, procédant parfois d'une aveugle fidélité aux traditions, se traduit en id ées préconçues. Tel manifeste des préférences absolues dans le choix des manuels ou ne conçoit que « sa » manière de préparer la classe, d'enseigner le dessin ou les travaux manuels, malgré l'évolution intervenue dans ces disciplines au cours de ces dernières années. Quelques-uns témoignent une hostilité systématique aux initiatives des jeunes, trop près des« théories>> ou imprudents novateurs, disent-ils. D'autres déclarent « qu'il n'y a rien à faire », en présence d'indolents ou d'indisciplinés, comme si le mérite d'un directeur ne procédait de son habileté à obtenir « quelque chose >> des natures les plus ingrates, à démêler ce qu'il peut y avoir d'originalité, de zèle à orienter dans une « forte tête»! Sa rectitude de jugement et la largeur de ses vues contribuent à le faire apprécier quand il documente ses chefs sur des traits de caractère, des nuances, qui échappent à l'inspection, mais ressortent dans la collaboration quotidienne. Juger autrui sans aménité ni intelligence, ou renseigner tendacieusement ne sera jamais à son avantage. 4° L'important, en effet, est un sens très net de la justice. En manque qui ignore, par système, l'effort
1. C. du 15 janvier 1908.
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des adjoints, le dénigre ou masque les résultats, pour s'en attribuer le mérite. Une autre erreur consiste à manifester partialités et préférences : pour certains adjoints d'incessants rappels à l'ordre, de fréquentes sévérités; à l'égard d'autres, les encouragements abondent, les défaillances demeurent inaperçues. La justice commande de reconnaître tous les mérites' _ ême quand leur vue déplait, et de les mettre en m relief. Ce vaut mieux que de récriminer sur les difficultés de la tâche, le mal qu'on s'impose parce que « mal secondé », ou solliciter des« encouragements» : on gag?e davantage à demander pour autrui que pour soi. 5° Enfin, qui dirige doit prêcher d'exemple. L'action convainc mieux que les conseils, les critiques ou les remontrances. Par la confiance qu'elle crée, elle consolide l'autorité : si, dans l'art, se rencontre la même aisance que dans la critique, celle-ci n'en devient que plus acceptable. Au surplus, on peut espérer beaucoup de bonnes volontés à qui le chemin est montré. Par contre, qui abuse de sa fonction pour s'alléger d'une part de sa tâche doit s'attendre à des résistances et au mépris. L'abus s'aggrave s'il vient d'un déchargé de classe : le souci de sa dignité doit lui interdire toute paresse alors que peinent ses collaborateurs. Ce sont là, d'ailleurs, faits d'exception. Dans l'ingi;ate fonction de directeur, beaucoup savent s'imposer par leur valeur morale et leurs qualités intellectuelles. Ils marquent si fortement leur empreinte que les familles, devançant une sanction administrative posthume, désignent l'école par leur nom. N'est-ce point le plus bel éloge de leur action éducatrice? d) Les adjoints. - Leurs obligations envers les directeurs découlent de ce qui précède.
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1) Déférence. - Un défaut fréquent chez les débutants, l'orgueil, résulte de leur inexpérience, de leur tendance aux jugements tranchants Pt passionnés, de leur impatience à supporter des lisières. La réaction des faits détermine, heureusement, de salutaires améliorations. Mais, dès l'abord, combien auraient tiré profit à méditer d'élémentaires vérités : ils « n'abordent leurs difficiles fonctions qu'après un sommaire et insuffisant apprentissage »; le directeur est << un aîné » qui a fait ses preuves et, par suite, mérite considération; il a réduit bien des difficultés particulières à la tâche : n'est-ce point un droit à quelque sympathie? Sans doute est-il prudent et réservé, évite-t-il de céder au mirage de nouveautés séduisantes, de théories captieuses. Mais en quoi ce bon sens exprime-t-il incompréhension et sottise d'esprit timoré? Dès lors, pourquoi recevoir avec humeur ses conseils, opposer, de parti pris, à sa bienveillance souriante, la mine renfrognée ou l'air narquois de gens « à qui on ne la fait pas » ? Les débutants ne peuvent que gagner à « rechercher les conseils des maîtres plus âgés, se féliciter de pouvoir profiter de l'expérience d'ainés, qui ont passé avant eux par les mêmes chemins et leur en aplanissent les diflicultés, et ne pas voir dans des observations amicales et prudentes, je ne sais quelle entreprise contre leur indépendance et leur libre arbitre .1 ». Par là, s'aflirme la valeur de la personnalité, plutôt que dans l'admiration « d'anciens » au caractère ombrageux, à l'esprit frondeur, figés dans une attitude qui, trop souvent, masque leur insuflisance ou leur mauvaise volonté. Ils sont à plaindre, non à imiter, encore moins à exciter par de naïfs témoign~gcs tl\1pprobation.
t. C, précitée.
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Le souci de se montrer déférent doit être poussé jusqu'à s'interdire tout ce qui atteindrait l'autorité du directeur, en particulier les interventions auprès des familles, de la municipalité, des inspecteurs, pour régler des questions de service (manquements à la discipline, chauffage, nettoyage, etc. 1 ). 2) La loyauté, de règle entre collègues, s 'im pos~ avec une nécessité encore plus forte dans les relations de directeur à adjoints. L'erreur serait coupable cl· u tiliser les dispositions libérales qui régissent le Conseil des Maîtres pour s'y montrer absolu, grossier,· hostile à toute conciliation. « Ces débats, quelqug vivacité que chacun y apporte à soutenir ses opinions, conserveront, toujours, le caractère de discussions amicales; on y discutera pour s'instruire, pour échanger ses vues, pour s'éclairer mutuellement 2 . ·» Il faut savoir, à l'occasion, se dégager des préférences et se rallier, avec bonne grâce et sincérité, à la thèse adverse, si elle paraît plus favorable au bien de tous, maîtres et élèves. A aucun prix, on ne doit « transformer ces réunions pacifiques en autant d'assemblées délibérantes : on risquerait d'y faire pénétrer du même coup l'esprit de brigue, de coalition et d'intrigue et d'ouvrir la voie à des divisions qui conduiraient à une véritable anarchie scolaire ». · Même si le directeur avait des torts, ce serait déloyal d'user de 1·eprésailles en lui créant des difficultés dans l'école ou au dehors. Pour résoudre les conflits, il est des arbitres tout désignés : les
1. Est-il besoin d'ajouter que l'exactitude eat une forme du respect? Un maître qui n'est point ponctuel gêne la bonne marche du service; il cause des ennuis à ses collègues pour le trouble qu'apporte son sans-gêne aux entrées et serties, récréations, etc. 2. Même circulaire.
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chefs. Qu'on leur soumetle les griefs et ::ittende avec confiance leur décision 1 ! Mais, avant d'en arriver là, ne vaut-il p::is mieux s'expliquer, avec le désir de dissiper tout malentendu et la volonté de s'interdire t_ ute mesquinerie? Rien ne prévient contre une o cause, si bonne soit-elle, comme l::i révélation d'actes minutieusement notés au jour le jour : l'allure d'espionnage impressionne péniblement. Mieux vaut succomber les mains nettes, que triompher par de vils moyens. L'indulgence n.e se refuse pas au coupab le qui force l'estime. Qu'un accord mutuel ou une décision arbitr::ilc règle le conflit, le devoir est de s'incliner et de se taire : donc, nulle allusion impertinente ou rageuse, point de v::intardises ridicules ni de récriminations excitatrices. On doit se défier des grognons, experts à « jeter l 'hui le sm le feu ». Céder à leurs suggestions rés erve souvent de pénibles surprises : dès qu'appar::iît le danger, viennent de brusques revirements et des protestations de zèle ... ! Conclusion; « L'Ecole est une » : cette unité ne peut s'établir et subsister que par l'accord des volontés en un e confiance et une bienveillance réciproques. Si les bons directeurs font les bons adjoints, nombre d'adjoints ont les directeurs qu'ils méritent. A chacun d'y mettre du sien, de se montrer tolérant et sincère, soucieux de satisfaire aux exigences de la solidarité corporative : l'Ecole y gagnera en nleur et en considération, et les maîtres, en estime et en tran• quillité.
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1. Jusqu'à son arrivée, les indications du directeur, respon• sable devaut ces chefs, seront suivies exactement.
�CHAPITRE VIII
Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs).
L' Instituteur de pend de nombreuses autorités, les unes, placees dans son voisinage immediat, les autres, · jamais ou rarement rencontrées. Avec les premières, il entretient de fréquents rapports, soit qu'elles le contrôlent ou règlent les détails de la vie scolaire, soit qu'elles participent à la surveillance de l'école et de sa fréquentation. Les occasions de contact avec les secondes s'offrent peu : il n'est point rare qu'un instituteur parvienne au terme de sa carrière sans avoir jamais eu de relations avec les autm·ités supérieures.
= I. ,unistre. Inspecteurs Généraux. Recteurs. = A la tête de celles-ci lie place le Ministre.
Il assure le fonctionnement, le contrôle et la haute direction de l'enseignement public à tous ses degrés. Tous les ans, il assigne à des Inspecteurs Généraux, ses délégués, des groupes de départements, dont ils visitent les établissements publics ou privés. A la tête de chaque Académie, un Recteur veille au maintien des méthodes et à l'exécution des règlements d'études ; dans toutes les écoles primaires publiques de son ressort; il peut les inspecter, ainsi que les écoles libres. En fait, Recteurs et Inspecteurs Généraux visitent rarement les écoles primaires\ absorbés · qu'ils sont
1. Cette lacune dans le contrôle vient d'être heureusement iomblée par la création de quatre emplois « d'Inspecteurs Généraux des écoles primaires élémentaires », chargé• de lea
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par les exigences d'un service complexe. Généralement , les ch efs immédiats, Inspecteurs d'Académie ou Primaire, les accompagnent et les renseignent, pour faciliter leur contrôle . Il se peut qu'à la suite de ces visites l'instituteur croie devoir présenter des expli cations ou formuler une requ ête. Plus souvent, il lui arrive de saisir l'autorité sup é rieure d'une affaire qu'il estime mal r égl ée par l' administration départementale (avancement, sanction disciplinaire, admission à la retraite, etc .) , ou dont la solution définitive d épend du Ministre. Dans tous ces cas, il doit s'interdire d'agir à l'insu des autorités interm édiaires. « Tout fonctionnaire 1 a l-e droit de recourir au Ministre , et personne n'a qualité pour emp êcher la requêle la pins humble de parvenir jusqu'à lui , mais la seule voie à suivre est la l'oie hiérarchique. » S'en affranchir nuit à la bonne marche du service. Le Ministre reçoit-il directement une requête? li la transmet, après un délai plus ou moins long, à l'inspecteur d'Académie , pour instruction; celui-ci la communique aux mêmes fins à l' inspecteur Primaire. D'où, premier inconvénient d'un retard. Un deuxième, plus grave, résulte de l'incorrection qui laisse ignorer aux chefs immédiats l'appel adressé à leurs supérieurs. Cet acte produit une impression pénible : ne traduit-il pas défiance et hypocrisie? Par surcroît, on peut supposer que son auteur a voulu éd er de gênants témoignage'- et surprendre la bonne foi d'une autorité éloignée, peu ou point renseignée. Si celte maladresse intéresse des chefs équitables ou, même, indulgents, le recours, formulé contre eux dans l'ombre, apparaît d'une déloyauté blessante. La
« inspecter » et • d'y contrôler l'application des programmes el des instructions » (D . du i•r juin 1930). 1. C. du 20 décembre 1892.
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révélation qu'ils apporteront des motifs de leur décision, des preuves de leur patience et de leur mesure, desservira le pétitionnaire. D'où, échec et, en plus, une suspicion qui pèsera sur l'avenir.
= li. Préfet. Dans le cadre départemental, il assume le « gouvernement de l'intruction primaire», avec l'assistance de !'Inspecteur d'Académie: il nomme et révoque les instituteurs titulaires, dans les formes établies par la loi; il préside .Je Conseil Départemental, dont il règle l'ordre du jour, instruit les affaires, convoque les membres, fait exécuter les décisions; il a le droit d'entrée dans toutes les écoles publiques du département, intervient auprès des communes, pour satisfaire aux divers besoins du service scolaire, etc. En principe, les instituteurs n'ont point de rapports directs ayec lui: ordres, instructions, demandes d'explications, etc., leur viennent de !'Inspecteur d'Académie. Mais, en contact permanent avec les municipalités, le Préfet peut, à bon droit, accueillir leurs démarches intéressant fe personnel. « J'attacherais un grand prix, lui dit le Ministre 1 , à ce que, toutes les fois qu'il vous paraît que la situation d'un Instituteur ou d'une Institutrice risque de deveuir difficile dans une commune, Yous mettiez l'inspecteur d'Académie au courant des renseignements que vous aurez recueillis et que vous l'invitiez à s'entretenir de laquestion avec les intéressés. Cette intervention, qui n'aura aucun caractère officiel et où les instituteurs verront seulement la preuve de l'intérêt vigilant qu'on leur porte, permettra de leur faire, s'il y a lieu, les obserralions nécessaires, de leur donner d'utiles conseils
1. C. du 6 avril 1906.
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et, aussi, de recevoir d'eux les éclaircissements qui vous mettront à même d'apprécier Justement les faits. Vous pourrez , ainsi, prévenir des conflits regrettables, en mê me temps que cette manière d 'agir fortifiera certainement la confiance du personnel à l'égard de ses chefs . » Il advient que le Préfet croie devoir s'adresser à l'Instituteur sa ns en r éférer à !'Inspecteur d'Académie : il lui écrit, le fait mander par le Sous-PrMet, ou, m ême, le convoque. Dans ces cas, quelle conduite tenir ? Remarquons , tout d'abord, que si le SousPréfet a un droit d'entrée dans les écoles publiques de son arrondissement', il ne peut« intervenir comme fonctionnaire compétent dans la question d'administration et de direction des établissements primaires 2 ». Avec politesse, mais fermeté, !'Instituteur lui refusera renseignements ou justifications concernant son service : seul, !'Inspecteur Primaire peut, en cas de n écessité exceptionnelle, donner un avis verbal sur des questions purement scolaires. Au regard du Préfet, en droit strict, !'Instituteur serait fondé à décliner toute invitation à s'expliquer ou à comparaître. Ce pendant, son refus pourrait indisposer comme un manque d'égards. Or, le Préfet est parfois appelé à soumettre au Ministre des éléments d'appréciation autres que ceux de l'inspecteur d'Académie ou des conclusions inspirées d'un point de vue différent. Mieux vaut, donc, éviter de le froisser. Mais, avant de r épondre à sa convocation, on doit en aviser l'lnspecteur Primaire et l'inspecteur d'Académie; également, on leur fait part de l'entretien et de ses résultats. Défenseurs naturels de l'instituteur, con1. D.O.,art.146. 2, C. du 26 mai 1876.
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seillers expérimentés au~ informations variées, l'efficacité de leur intervention, en cas de conflit, se lie à l'étendue et à l'exactitude de leurs renseignements. L'inspecteur d'Académie, notamment, doit pouvoir, par une documentation sûre, dissiper préventions et malentendus, mettre exactement au point actes et paroles: ainsi, il prépare le terrain à la conciliaLion, ou, si elle est impossible, à une solution équitable. Si un conflit s'élève, l'instituteur agira sagement en prévenant les représentants du groupement corporatif auquel il appartient : il leur demandera de voir le Préfet, de l'entretenir de « son affaire », pour « dissiper les malentendus que des points de vue très différents peuvent faire naître entre les fonctionnaires et l'administration 1 ». Il est recommandé aux Préfets de mettr:e à profit cette « source précieuse d'information » qui pourra « confirmer ou rectifier » leur opinion « et servir de manifestation à la vérité et à la justice » : nul ne peut, donc, s'étonner des interventions corporatives, prévues et recommandées par les règlements. L'expérience prouve qu'elles ont souvent réussi à balancer des influences politiques, dont le~ fins, étroites et personnelles, s'accordaient peu avec la justice et les intérêts scolaires. Est-il nécessaire d'ajouter qu'une attitude déférente, la correction du langage, la modération de la pensée, la sincérité et l'objectivité dans l'exposé des faits, ne peuvent que bien servir une cause intéressante . ou, en cas de iaute, inciter à la bienveillance?
= III.
Inspecteur d'Académie. :: Se11 attril.iutions intéressent les trois ordres d'enseiguement,
1. C. du 6
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mais les plus importantes se rattachent à l'enseignement primaire. Da ns chaque département, il en est le chef, sous l'autorité du Recteur, en ce qui concerne l' écol e normal e et les écol es primaires supérieures, sous celle du Préfet pour tout le reste. a) Jadis, l'instituteur rural le voyait rarement. Les rencontres sont devenues plus fr équentes avec le développement des moyens de communication . Si bien qu'à tout propos, - et même hors de propos, le jeudi, on fait volontiers antichambre dans ses bureaux. Est-ce un bien ou un mal? Ni l'un ni l'autre, mais les deux. Le chef d ' un service aussi vaste que celui de l'instruction publique tire profit de connaître le plus grand nombre de ses collaborateurs. A s'entretenir avec eux, il se renseigne · sur leur caractère, leurs aspirations , la conception de leur devoir, leur situation familiale, etc., - et c' est un bien : il n 'a point toujours le temps 1 d'aller, dans toutes les communes, glaner ces indications, qui lui permettront d'orienter son activité et de cr éer, entre lui et ses collaborateurs , cette atmo s phère de sereine confiance , sans laquelle tout effort fécond demeure impossible. Mais,
1. Le développem e nt des nombreuses œuvres post et périscolaires enl ève à l'inspecteur d 'Académie beaucoup de temps e t le pousse à gouverner de son bure au . Dans l'intérêt du ser,•ic e, on doit souha it e r qu 'il se mêle le plus possible à la vie du personnel et le voi e à l'œuvre. Sa visite prouve aux maîtres qu'il tient à les connai · ,·e. Au cours de ses déplaceme nts, souvent accompagné d e !'Inspecteur Primaire, il se rend compte, mieux que de son bureau, des difficulté s du service et peut les régler rapid ement. Ainsi, la correspondance administrative est all égée. D'autre p art , il met de l'uniformité dans la façon d'apprécier des Inspecteurs Primaires et, par là, assure une répartition plus équitable des récompenses et des postea d'avance~ meat.
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en regard, quels inconvénients résultent de visites trop rréquentes ou sans motif sérieux! D'abord, le temps que l'on perd et, surtout, celui que l'on fait perdre à un chef très occupé. Ensuite, les complications nées des maladresses commises au cours de ces démarches. Vient-on se renseigner sur une question d'ordre scolaire? L'inspecteur Primaire pourra, sans montrer une susceptibilité inopportune, manirester sa surprise de se voir ignorer. D'autant que, trop souvent, les faits sont présentés à travers des tendances particulières, sous l'aiguillon de désirs qui empêchent l'impartialité : la solution sollicitée s'oppose, alors, à celle que commandent les intérêts du service, par lui prise, prévue ou proposée. Maladresse, encore, que demander à l'inspecteur d'Académie le règlement d'affaires dépendant de l'inspecteur Primaire (autorisation d'absence de moins de huit jours, répartition des maîtres dans les classes, approbation d'emplois du temps, etc.,) sans en avoir déjà saisi celui-ci! A de rares exceptions près, qu'explique la nécessité d'une solution rapide', l'Inspecteur d'Académie renvoie à se pourvoir devant l'inspecteur Primaire, ou lui transmet l'affaire « pour règlement ». Celui-ci ne se formalisera point, a priori, d'une erreur de destination, due à l'ignorance ou au désir d'aller vite, mais on ne doit, en aucun cas, oublier que l'ordre et la discipline, à défaut des convenances, interdisent de lui laisser ignorer tout fait de son service. b) Une loyauté scrupuleuee est de règle quand on 'demande à l'inspecteur d'Académie de réformer une décision de l'inspecteur Primaire. On peut estimer
1. Une administration constituée d'empiétements et de déci• aions s'iînorant aboutirait vite au pire désordre.
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s~vère un rapport d'inspection, dur, le refus d'un congé, ou penser qu'un changement de circonscription, des inspections espacées, retardent l'avancement, etc. Quel que soit son motif de mécontentement, l'instituteur se doit d'en aviser son chef immédiat, soit verbalement, soit (c'est préférable) par écrit, en lui faisant connaître son intention d'en appeler à l'arbitrage de leur supérieur commun. Il détaille ses raisons d'un ton poli, aussi objectif que possible. Ainsi, nul malentendu. Peut-être objecterat-on qu'on amoindrit ses arguments à les révéler à un «adversaire» bien placé pour répliquer. D'abord, peut-il y avoir des << adversaires » quand il s'agit de gens de bonne foi, en d ésaccord momentané sur des faits d'importance relative? Ensuite , l'avantage d'une position ne prévaut point contre le bon sens, la vérité, la justice. Au demeut·ant, les doléances formulées re_vie~dront, « pour renseignements et avis », à l'inspecteur Primaire : alors, le malentendu s'alourdît de la défiance témoignée; le rôle de l'arbitre en devient plus délicat. Qu'on se le dise bien : placer la franchise à la base des relations administratives en facilite le jeu.
= IV .. Inspecteur Pt•imaire. = Chef immédiat., le plus souvent rencontré, il juge sur p\ace, conseille et suggère, aide et encourage. Chargé _ d'un service à la fois pédagogique et administratif, il renouvelle tous les jours son expérience par ses visites d'écoles, ses entretiens avec les maîtres. Vivant près d'eux, au courant de leurs efforts, il est leur défenseur naturel. Chacun lui doit de montrer bonne volonté et loyauté dans l'accomplissement du labeur quotidien. a) Le maître, arrivé dans son service, lui rend Pisite. Cette démarche de déférence amorce un juge-
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ment il faut, par suite, la rendre brève et s'interdire tout oiseux bavardage, l'apologie de ce qu'on estime ses mérites, d'indiscrètes questions ou des réponses réticentes. Par la suite, quelque cordialité s'introduit dans les relations : on aurait tort de s'en prévaloir pour faire trainer la conversation, affecter une familiarité déplacée ou se livrer à d'inopportunes confidences. L'inconvenance serait grave, après avoir obtenu, à force d'indiscrètes questions, quelques renseignements intéressant le service, d'en faire état, auprès des collègues, pour se prévaloir d'un crédit imaginaire ou se donner le rôle d'indispensable ou, encore, affe.cter une intégrité de surface, plaisante aux sots : certains qui affirment avoir refusé les ,, faveurs », ou ne les accepter que contraints, les obtiennent par de piteux moyens. En tout cela réside un véritable abus de confiance, qui, d'ailleurs, déconsidère vite : quelle excuse donner au chef dont la bonne foi a été lrahie? et comment espérer le retour d'une confiance si nécessaire au bien du service? b) Si des difficultés surgissent dans la tâche quotidienne, il convient d'en aviser l'inspecteur Primaire, surtout si l'on prévoit des retours qui rendront la situation désagréable. Les faits doivent être exposés avec netteté et sincérité; on n'excnse point ses torts en les avouant à demi et, moins encore, en les dissimulant. Le temps n'est plus où l'intervention du chef immédiat déterminait, presque toujours, des sanctions pénibles, même pour d'excusables maladresses. Aujourd'hui, « faute avouée est plus qn'à moitié pardonnée » : reconnaître ses torts, les regretter en tonte sincérité, désirer en éviter le retour, vaut une large indulgence. · c) L'inspecteur Primaire ne doit rien ignorer touchant S(!n service : il faut lui signaler, -sans retard,
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les incidents qui peuvent déterminer une plainte, toute modification dans la marche du travail, les accidents survenus aux élèves!, etc. Un cas embarrassant se présente-t-il? on lui demande conseil; ainsi, s'évitent des maladresses et s'acquiert la sécurité. Cependant, il ne siérait guère de solliciter des instructions à tout instant : on doit savoir prendre ses responsabilités et se mettre au courant des questions de service par la lecture du Bulletin dé.partemental et du Règlement scolaire. · d) Autre principe : se montrer exact et precis dans la correspondance. Périodiquement, renseignements statistiques ou comptes rendus doivent être fournis : un retardataire empêche le dépouillement de l'enquête à la date fix ée. L'envoi de notes de rappel constitue un surcroît de besogne irritant; de même, le retour des documents inexacts ou incomplets. Estil donc si difficile, deux ou trois fois l'an, de se conformer à des instructions clairement données? La correspondance administrative bannit toute formule de politesse : économie de temps, simplicité, disparition d'expressions surannées et vides de sens, autant d'heureux allégements dans des écritures destinées à relater, sans longueur~, les divers faits du service. Cependant, il ne faudrait point tomber dans le regrettable excès d'une négligence impolie : écrire sur un bout de page détachée d'un cahier, ou au verso d'un imprimé (bulletin d'absence , listes pour bibliothèques, etc.) ou, enfin, sur du papier d'une excessive
1. L'intérêt des maitres commande de procéder, sans retard, à l'enquête administrative destinée à déterminer les responsa• bilités. L'inspecteur Primaire avisé, on constitue le dossier à lui remettre (relation précise et sincère des faits, déposition des témoins, plan des lieux, etc. Cf. II• partie. Législation scolaire . Accidenta).
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« fantaisie ». De te11es libertés frisent l'impertinence . De m~me, surveillant sa plume, on n'écrit point : « Je vous avise que je quitterai ma classe, tantôt, pour une affaire personnelle .. » « Je vous fais savoir que j'ai renvoyé X. parce que sa mère m'a outragé hier au soir ... » « Recevez l'assu.rance de ma considération très distinguée », ou« mes salutations empressées», ou « mes sentiments les meilleurs ,,. Tel se risque à des ordres : il transmet son enwloi du temps et en demand e le renvoi «d'urgence», encore, il exige« sans retarcJ. >> une carte à demi-tarif. Tel autre ne se re lit même pas: d'oü, fautes grossières de syntaxe ou d'or• thographe, qui impressionnent fâcheusement. e) . A l'occasion des inspections, des maîtres croient hapile de se faire renseigner, par les moyens les plus rapides, sur le passage de leur chef dans la région. Aussitôt, il couvrent d'encre rouge les cahiers, éten dent outre mesure leur préparation de classe et multiplient les recommandations à leurs élèves. Ces précautions donnent rapidement l' évei l : comment n'éprouverait-on pas de prévention contre un tel calcul pour surprendre le jugement? Les appréciations s'en ressentent, d?autant que les résultats antérieurs les confirment. JI n'en faut point davantage pour persuader à !'Instituteur qu'il est jugé avec partialité : il lui manquera, simplement, l'indulgence que le chef le plus sévère ne refuse jamais aux maîtres sincères et de bonne volonté. D'oit, récriminations et amertume ... Tout maître reçpit communication intégrale dés notes qui expriment l'appréciation de son chef direct. On lui recommande d'én prendre copie 1 : ainsi, il se
1. O. du 12 juin i894. Recommandation est faite aux inspec• teürs de ne point se limiter à une note chiffrée (C. du 8 sept. 1925), « qu'on a, généralement, trop de tendances à ajuster presque automatiquement à l'anciennelé des services ».
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trouve avoir, par devers lui, le duplicatum de · son dossier, où, après qu'i,l les a contresignés, les rapports le concernant so11t class és. D'aucuns croient que le refus de viser un bulletin d'inspection en évitera l'introduction dans leur dossier. Grave erreur: la signature atteste non qu'on approuve le contenu du bulletin, mais qu'on l'a« vu et pris note». Liqre, ensuite, à chacun, s'il se croit lésé, de présenter à l'inspecteur Primaire ou à l'Ipspecteur d'Académie les explica,tions estimées uti}ei, à Sij justification et à la défense .de ses intérêts. Mais il faut éviter l'emploi d\rn ton violent et agressif: en toutes circonstances, politesse et mod é ration aident à se faire écouter. Dans l'émotion provoquée par l'arrivée du chef on a pu oublier de lui présenter toute la documentation servant à préparer la classe ou de lui expliquer la nécessité 3iccidentelle de répéter certains exercices. Aµ cours de la conversation qui a suivi la, visite, on n'a poin~ osé développer ses explication~, on a perdu pied, nié contre l'évidence, ergoté ... Pui!l, la réflexion est venue. Pourquoi ne point s'expliquer, loyalement, reconnaître ses torts, assurer qu'ils ne se reproduiront plus, et aflirmer sa bonne volonté à suivre les instructions données? Si Îe conflit persiste, si, pour d'autres raiso.n s, il ~'aggrave, l' inspecteur d'Acad é mie l'arbitre. Même, le Ministre peut être appelé à en connaître. En ces circonstançes, l'Institut!3ur sollicite, d'ordinaire, l'appui qe son Association. Nul ne songe à lui contester Ge droit, mais, pour lui et ses représentants, le devoir est d'agir avec sinc érité, en évitant manœuvres obliques et moyens de pressioµ (interventions de la presse, de politiciens, etc.), destinés à ma:.quer l'insuffisance dés argùmehts.
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JIOIULE PROFESSIONNt:LlE
= V. !Haire.= De jeunes maîtres croient devoir l'ignorer ou lui témoignent une indifférence voisine du dédain. Pourtant il constitue une « autorité scolaire», dont les attributions offrent maintes occasions de contact : il installe l'instituteur dans ses fonctions et récole, avec lui, mobilier, livres de la bibliothèque, matériel d'enseignement; il lui en donne décharge en cas de mutation; il jouit d'un droit de regard sur les écoles de la commune, veille à leur installation, à la fréquentation, etc. Toutefois, ce n'est, à aucun degré, le supérieur hiérarchique de l'instituteur : nul pouvoir d'apprécier l'enseignement ne lui revient, et il ne peut, soit de lui-même, soit par le Conseil Municipal, blâmer un maître pour son service 1 • a) L'instituteur lui doit sa première 11isite : entrevue courtoise, sans affectation de supériorité ou de déférence, au· cours de laquelle la prudence commande de parler peu et de beaucoup écouter. Des renseignements sont ainsi recueillis sur la commune, ses ressources, les mœurs des habitants; peut-être, même, des confidences dépeignent les principaux notables, l'état des partis politiques, leurs luttes, les adversaires à éviter. En tout cela, il y a matière à profit : on acquiert une première connaissance du milieu. D'où, la nécessité de ne manifeste·r ni étonnement, ni humeur, ni marque d'acquiescement ou de désapprobation : on veille, jalousement, à conserver sa liberté d'action. A qui devient pressant, on n'oppose pas un refus cassant, mais la simple et légitime volonté de se consacrer entièrement à sa fonction. Des occasions viendront de mettre au point les résultats de ce premier entretien. Quelle que soit
1. Toute délibération prise dans ce sens devrait être annulée en vertu des art. 63 et 65 de la loi du 5 avril 1884 (le · C. M. sortirait de ses attributions légales).
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l'opinion arrêtée, jamais on ne cessera de se montrer déférent et d'exiger des élèves le respect du « premier magistrat de la cité ». On en sera plus fort pour lui faire comprendre que ]'Instituteur n'est ni un employé communal, ni, encore moins, l'homme lige d'un parti contre une fraction du village. Ainsi s'éviteront des conflits que l'ignorance, un sens erroné de l'autorité, la rusticité, risqueraient de créer. b) Le Maire se rend-il à l'école pendant les heures de classe? On ne doit en manifester ni surprise ni mauvaise humeur. En le cantonnant dans son droit : veiller à l'état des locaux et du matériel, à l'hygiène et à la tenue des élèves, on lui signale les insuffisances du mobilier, la nécessité de certaines réparations, les améliorations souhaitables ( éclairage, chauffage, etc.); on lui suggère des initiatives favorables à la fréquentation, à la tenue des élèves ( enfants nécessiteux, parents négligents à voir, etc.). Si, pnr extraordinaire, il s_ risquait à formuler un avis sur e les méthodes ou les résultats, loin de l'interrompre brutalement, mieux vaudrait le détourner de la voie irrégulière où il s'est engagé en lui indiquant des laborieux à féliciter, des appliqués à encourager, etc. Puis, lentement, mais avec sûreté, on accentuerait le retour à ses attributions. c) Savoir refuser est habile : la manière dont on le fait évite les froissements . Au souci de se montrer poli s'ajoute le désir de justifier une attitude conforme aux règlements. Celui-ci commet à !'Instituteur la garde de la maison d'école. « Il ne permettra pas qu'on la fasse servir à aucun usage étranger à sa destination, sans autorisation spéciale dn Préfet, après avis de l'inspecteur d'Académie 1 • » Or, souvent, le
1. Règlement scolaire modèle. Art. 3 modifié par L'A. du 9 février 1925.
�AiORJlE Pil.OfESS!ONNEI,iE
Maire disposé de l'école: il y àutori!le réunions, bals, soirées récréatives; dans les dépendances inoccupées, il laisse entreposer du matériel corrimunal (pompe à incendie, brouettes, etc.). L'lnstitut(mr met à coùvért sa responsabilité en demandant que soit requise l'autorisation réglementaire. Dans deux cas, seulement j il peut s'en dispenser : 1° logement ét cantonnement des troupes 1 ; 2° adjudications dirigées par un notaire, à condition que ce soit en dehors des heu1·es de classe et que la Câisse des Écoles reçoive uue rétribution (5 ou 10 fr. pour une adjudication inférieure où supé· rie ure à 1000 fr., plus 5 fr. pou rie nettoyage du lofai!).
- VÎ. Délégtiê cant~nal. = « Il h'eJl pas l'lns.: pccieur de l'eriseignèmeJt primdtre : •g n podrhiii l'appeler, plutôt, l'insji ~c te111· iîe t'éduc'àtio'n ... èntre aaiis Üne èÎasse; lui qql vièrit âü l:lehor~, il ësl imros,si~lë qu'il ~e ,soit :t>~s r~appë, cl~ c~r tâihs ~k'.~t~ gue, peut-être, m 1 Instituteur m l tnsfecteur ne re!Darryu~nt plus. Plus sûre~eiit gùe per~onne, i~ préciera ia tenue des élèves, l'ertlrâin dè classè, Vardeur ou i'in ertie qui s'y t rahit, W. 4ahitddp a.'al tentiori, d'ordre, de ponctuaHté, l'a~ction el la cod.., ~ance ~Ù-e le maîtr~ a su ij1spil·~r 1 Î'esr,rit, ~nfl.h, glî, i regne à l'école, et q~1 se lh parfoüt, les visages •I ' l l"' a . et d ans 1es ca h iers 1 . » « Il d'on, ;auss1 1 s ' emp , oyer ' favorisér le défàire entretenir les locâux scolaires ~eiopperrient de~ œ~v~es corriplémenlàires cfe l'école \ ca~sse des école~, cantines scolal~ès, coui·s d'àclhllés; ~onférences, mutuiiliiés, amicale~, pâl~oiiagés, bibiiè>- . thèques scolaires 3 ».
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1, Sauf dans les éqolj!s 9~ filles, à rppin11 quq !~~ IQgjlll\fl}td l!f s,oient biep. ~1ear#s du ; ,e st~ d,E\ l'~_ o!e, (Règlement d'admli c ni stration pubh~ue du 23 novembre 1886.) 2. C. du 26 mars 1887. 3. C. du 5 juillet 1920.
.
�RAPPORTS AVEC LES AUTORITÉS
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Ses dr~its étant analogues à ceux d~ ~aire, Ofl observe à son égard la même attitucfe qu'e9vc;rs celui-ci. Si le Délègué interroge les élèves, examine et apprécie les cahiers, ou, encore, pou~se zèlf jusqu'à proposer des « composhions », ['Instîtute4r lui rappellera, avec une courtoisie souriant~, qu'il « n'a pas à formuler d'appréciation sur le~ m~tholles, ni sur les résultats de l'enseignement, nt sur l'organisation pédagogique de l'écolè 1 ». L'Inspecteµr P'rimaire, informé de ces empiétements, mehra les choses au point, en ~ontrant au Délégué ~ue beaucoup d'autres objets sollicitent son activité :. h'es~-il poin"t bien placé pour intervenir auprès des familles et de~ munieipalités, en vue d'améliorer la fréquentrtion, d 1obtenir plus de bien-être pour les élèves, de rehausser l~ crédit ~es maîtres et le prestige de leµr enseignement? Ami dévoué, appui sûr, il concourt ~ réduire bien de menues mais ennuyeuses diflic~!tés. Aus si con~ient-il d'entretenir avec lui des relntioqp cordiales et de lui faciliter sa mission, désintéressée, mais non exempte de tracas.
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VII. Autorités diverses. = Dans certains dér• • ~ ~" - partements fonct10nnent des Inspectrices Primaires êt des inspectrices Départementales des Ècçles M;t~;.:nelles. Dès maîtres ho1·s de leur service peuvep.t être, à l'occasion, par elles invités à fournir des I'ensèîgn~ments ou à tenter une démarche. Un refus, qu~l~ue mauvaise volonté à leur répondre, constitueraient une inconvenance sans excuse. Accidentellement, des rapports peuvent s'établir entre personnel et quelques autres autorités: membres du C. D., désignés par cette assemblée pour conl • •
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1. D. O., art. 140, modifié par D. du 31 décembre 1921.
�MORALE PRO/i'ESSIONNÈLLJI!
trôler, dans les écoles publiques ou privées, l'état des locaux et du matériel, l'hygiène, la tenue des élèves; Medecins inspecteurs, communaux ou départementaux, dont l'action s'exerce sur la santé des élèves, la salubrité des locaux, l'observation des règles sani~aires; Inspecteurs et Sous-Inspecteurs des en(ants assistes, chargés de vérifier la fréquentation des pupilles. A tous, l'instituteur réservera un bon accueil et montrera un empressement éclairé à faciliter une tâche bienfaisante à ses élèves.
Conclusion. = Par là, il affirmera le souci de maintenir le respect de sa fonction et d'en développer la portée. Peu de chose suffit à en accentuer le relief ou à en diminuer le prestige. La vieille observation de LA BRUYÈRE n'a rien perdu de sa justesse et trace, pour les relations administratives, une ligne de conduite sûre, aisée à suivre : « Avec de la vertu, de la cap;icité et une bonne conduite, dit-il1, l'on peut être insupportable. Les manières, que l'on néglige comme de petites choses, sont soupent ce qui fait que les hommes decident de Pous en bien ou en mal: une légère attention à les avoir douces et polies prévient leurs mauvais jugements. Il ne faut presque rien pour être cru fier, incivil, méprisant, désobligeant; il faut encore moins pour être estimé tout le contraire. »
1. De la Société et de la Conversatiora.
=
�CHAPITRE IX
Rapports avec les familles.
Bien des parents n'accordent qu'un souci médiocre
à l'éducation de leurs enfants : c'est, disent-ils, « le
métier de l'instituteur ». Sans doute; mais que peut-il de profond et de durable, si les familles se désintéressent de son action ou, même, la contrarient, par ignorance ou irréfiexion? « La meilleure éducation, disait DuPANLOUP, sera toujours profondément défectueuse si elle se fait sans .la légitime et nécessaire infiuence des parents. » L'intérêt des enfants et celui de la Nation, qui s'y lie étroitement, exigent que maîtres et parents unissent leurs efforts. L'importance de leur collaboration, les difficultés qu'elle présente, ses modalités, les résultats à en espérer, ont été étudiés dans le cours de première année'. Il reste à préciser ce que doivent être les relations de l'instituteur avec les familles en général et, dans ce qui intéresse les seuls parents d"élèves, d'une part, à détailler les ressources favorables à l'action éducatrice qu'offre le contact quotidien; d'autre part, à examiner le délicat problème de leurs droits sur l'école.
l. Relations avec les familles en général. a) Le; ,i cones maîtres s\solent volontiers, soit par goût ou timidité, soit par désir de ne point compro-
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=
1. PiioAGOGJE et des Mattres.
PRATIQUE,
ch. XV. Àction combinée des Parent•
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MORALE PROFESSIONNELLE
mettre leur prestige en frayant avec des personnes d'éducation inférieure. Cette attitude ne va point sans de fâcheux inconvénients. D'ignorer le milieu, l'enseignement perd en intérêt et en puissance. Se confiner chez soi fait manque~ des occasions de s'instruire, de former son opinion et de rectifier ses erreurs. Comment orienter, par exemple, vers des fins à la fois pratiques et éduca,tives, l'enseignemeqt scientifique ou celui des mat.h ématiques, si l'on ignore les aspects, ressources et besqins généraux du pays? De Jnême, la, formation des élèves gagne en profondeur ~ se régler ~ur les tendances, les aspirations, les pabitud~s, voire les traditions qui constituent comme l~ « fond» social de la région. Pour agir sur ce fond, l'amender et le relever, la nécessité se révèle d'une connaissance précise des ri1œurs et coutumes, des cnractères, <;les attitudes : seul, le contact quotidien avec les familles permet de l'acqu~rir. D'autre part, s'isolei;- attire la defi.ance et fait mal juger. Qui se montre <listant est tenn pour un orgueilleux, porté à mépriser autrui. Des froissements se produisent; on s'exagère volontiers et réciprqquement la valeur des intentions. De là, sourde malveillance et tehace animosité. L'occasion aidant, - il est si facile de la faire naître! - elles prennent corps sous les aspects le,s plus variés : irritantes provocations, taquineries insupportl'bles, insinuations venimeuses, annonciatrices de plaintes auprès des chefs. Certes, une · enquête mettra les choses au point et les malveillants à leur place. Elle n'en cr{era pas moins, avec des ennujs, unf atmosphère pénible. Le ressentiment, la crainte, l'énervement, finiront, un jour ou l'au!re, par conduire à de regrettables maladresses : viendra, alors, le déplacei;nen,t commandé far l'intéht dû service. bonc, point d'inutile et rrialaclroite
�R,4PPORTS ,!VEC LI}§ F1M!f.LES
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« fierté ». Elle serait particulièrement déplacée chez pnstituteur : d'humbfe origine, il sait cdmbien vive se révèle la défiance du travailleµr manuel pour l'int~llectuel. A lui de désarmer les préventi~'ns par la bi~nveillapce, la cordialité, la volonté de témoigner~ tous QUe bonté cqmpréhensive. b) En maints endroits, dans nos campagnes, l'usage du patois prévaut sur celui du francais : rarement l'instituteur ig~~re cet idi~me, vraim;?t « materµel ~; ·pour lés p~ysans. Certes, il sè doit de ne poidt l'employer ~ans ce!is~ dans ses relations avec eux; mai~, èn certaines circonstances, refuser de s'en servif risnue d'êtr~ imp,uté à du dédain ou de. causer un~ è1 • gên'e pénible à l i~terlocuteur, fort se~sibl~, ~u de: fueura~t, à une concession qui prend allu~e de prévenance. S'il s'en tie!1t au français, l'instituteur doit s'e~primer én un langage simple, familier, bon enfant~ très accessible à s~s intèrlocuteurs. ' c). P~éoccupé de bien servir l'intérêt gén~ral, l'lnstitµtew se qonn~ poµr mission de re;tër énvers tous le camarade sûr, le bon conseiller, empres!ié à se montrer 1,1,lile e~ serPial;ie, tout en deqie~tant discret éi mod~ste vis-k-vis des résultat; obtenus 1• « Brave homme l> d!l~~ toµte !;acception çlµ terme, il s'éloignè des commér~ges et ~'interdit de sollici~er d~~ con6.:.
1, Cf. la C. du 1•• avril 1911 : « D'une façon générale, un Inetituteur passionnément dévoué à ses devoirs; attentif a~ développement du progrès i'!clividue) de ses élèves, devient aisément, cjans !a commune, !ln con~e,illgf !l~t~rif1 ~( éCO!fié qes parei:its j \'11!~!itptri~~ P~\1~, de son cô té, p~r g n!? ~?picitucje discrète et nieée vis -à-vis des enfants qu'elle a sous sa gardè, acquJ,![r très vite, sur les mères de fartlille, ÎlÔe précieuse autorité. Nulle meilleure façon de diesiper lee préjugés qui séparent parfois les maîtres et les familles, que de faire naître enti;:r, ep~ qes lie'!s !!<: confia11~e mµtuelle ~} qe ~impat~iq~e estime. • ·
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MORALE PROFESSIONNELLE
dénces le regret de les lui avoir faites, son indiscrétion, pourraient faire naître la gêne, peut-être, même, des ressentiments. Avec un soin extrême, il se montre prudent dans ses jugements, évite les ambiguïtés du langage, les outrances. A plus forte raison élude-t-il les discussions qui imposent de prendre parti sur des faits d'ordre personnel : trop de risques de mécontentement en dérivent. Quant à se trouver, de son initiative, engagé dans une altercation, lourde serait la maladresse : la dignité commande de s'éloigner dès que toute conciliation apparaît impossible, de par l'excitation des vanités et l'aigreur des partenaires. Au reste, trop souvent, à se mêler aux conversations de cette espèce, le prestige se dégrade : une familiarité s'établit, qui aétruit le sens des nuances et donne cours à des plaisanteries de mauvais goût ou à des libertés gênantes. En outre, la sagesse commande d'éviter, dans les entretiens, tout ce qui risque de donner prise aux rancunes, notamment : railler les opinions et les croyances d'autrui, se moquer cle ses travers ou lui prêter des ridicules, voire des intentions malveillantes. En somme, l'instituteur doit manifester à tous une égalité d'humeur, de courtoisie et d'attention qui groupe les sympathies autour de lui. S'il veut être respecté et écouté, qu'il traite ceux qui l'entourent avec considération, jusque dans leurs erreurs et préjugés; qu'il s'inierdise de répondre à des actes malséants ou à des paroles déplacées par un oubli de la civilité. Son autorité v.iendra d'un constant souci de demeurer digne, de son habileté à se montrer persuasif et d'une cordialité qui n'exclura ni la fermeté, ni la prudence. ·
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IL Relations avec les parents d'élèves.=
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Si, en règle générale , l'isolement constitue une maladresse, il devient une faute lourde quand il éloigne les parents d'élèves . a) La prétention est inadmissible d'attendre leur venue et de s'interdire d',;iller à eux. Ils n'osent pas, toujours, se rendre à l'école . . Pendant les heures de classe, l'accès leur en est interdit; après, ils craignent de déranger Je maître, rentré chez lui. Souvent, quelque appréhension, la conscience de leur gaucherie, les retiennent; encore, l'ennui de faire toilette, de procéder à une visite en forme, que rend pénible leur ignorance <les choses de l'enseignement 1. A tous égards, mieux vaut que l'instituteur prenne les devants, les mette en confiance et, simplement, noue avec eux des relations cordiales. C'est, et de beaucoup, préférable à leur écrire : une lettre risque d'intimider quelque peu les braves gens mal entraînés à en rédiger et qui en reçoivent si rarement. D'autre part, on ne peut tout écrire; on s'explique moins bien dans une missive que dans une conversation; surtout, on se fait plus malaisément comprendre; d'où, le risque de laisser s'établir erreurs· et malentendus : que de fois faut-il se répéter, présenter faits et idées sous divers aspects, créer la confiance par la netteté QU langage et la cordialité du ton, avant de déterminer une adhésion, d'obtenir un concours, de convaincre des indifférents ou de réduire des préventions ! Encore, on n'y fait point assez attention, les maîtres sont, auprès des parents, ce que les représentent les enfants. Les jugements des familles s'établissent trop vite sur
1. D'une enquête menée dans une 6cole urbaine recevant 512 enfants de 442 fa~illes, il résulte que, pour une période allant du 1 •r octobre au 31 décembre, 16 parents répondirent à la convocation du Directeur, 3 s'informèrent des progrès de leurs enfants, 4 vinrent se plaindre sous divers prétextes.
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MORALE PROFESSTONNEUE
des incidents de la vie scolaire, gestes ou paroles insignifiants, mal rapportés, grossis, déformés, même, par le jeu de la sensibilité et de l'imagination enfantines. A fortiori un redressement d'opinior!s s'impose-t-il quand les écoliers, pour masquer leur paresse, ou mus par la rancune, essayent d'accréditer, par d'habiles mensoqges, une partialité malveillante, une excessive sévérité, ou trompent les parents par le maître et celui-ci, en s'abritant derrière ceux-là. b) Il faut, donc, voir les familles, aussi souvent qu'on le peut. L'habileté est de savoir profiter des circonstances, et, au besoin, de les créer. A moins de faits exceptionnels (faute grave, paresse persistante, accident ou maladie), mieux vaut, au village, éviter la « Pisite »: elle intimide quelque peu, gêne, parfois, dans les occupations, risque de susciter des jdlousies et des commentaires hostiles. Les occasions de ren. contres ne manquent certes point : le hasard de la promenade dominicale, d'une Course à travers champs, le jeudi, d'une station chez une relation commune, permet de lier conversation. A la ville, elles s'offrent plus rarement : les distances à parcourir pqur se rendre à sa tâche, le fait que les parents travaillent pendant les heures scolaires et n'ont guère de liberté en dehors du dimanche, constituent de sérieqx ob~tacJes. Toutefois, un maître connaissant la vie fam;!jale qe ses élèves peut les provoquer sans trop de rpal, à moins de vivre dans des agglomérations importantes, hors du quartier où il exerce. En ce cas, il lui ei;;t loisible de recevoir, à l'école même, les parents avec qui un entretien semblerait nécessaire ou qui demanderaient à le voir. c) Au cours de ces conpersations, J'I.nstituteur ne doitjanrn/s perdre de vue qu'il ne peut ni se substituer, ni se subordonner aux familles. Tout accord disparaît
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dès que se manifeste, avec l'insincérité, la prétention de se régenter les uns les autres. Donc, nulle flatterii: à l'égard des parents, ~ul souci de servir leur utili..: tarisme souvent étroit et aveugle, nul encouragetnen~ à viser des carrières a111bitieuses, oü échoueraient leurs enfants. Une préoccupation l'emporte sur toutes : serrù· l'intérêt de l'enfant. Or, cet intérê t command«t que les parents soient exactement renseignés sur le travail et la conduite des élèves, et sur l'orientation à donner aux diverses aptitudes. Il est, encore, servi par une exacte compréhension des règlements scolaires et la mise en garde contre des préjugés tenaces : croyance à la nécessité de nombreux livres; impossibilité d'être un « bon maître », si l'on n'accable les élèves de le çons et devoirs , etc. 1 • Bien e nte ndu, la sincérité n'exclut, d'aucune fa çon,, ni le tact, ni la bienveillance. Toute susceptibilité mérite ménagement: la fable de« !'Aigle et du Hibou» traduit une yérité éternelle. Un peu d'adresse assure le succès : d'en montrer n'oblige ni à dissimnler, ni à s'abaisser. A-t-on sujet de se plaindre? Pourquoi révéler brutalement ses griefs, les accompagner é:le commentair es sévè res et blessants? Si mauvaise que soit une nature, elle présente, touj<_ rs, un aspec:t m intéressant: à le mettre en évidence, à commencer pàr dire un peu de bien du garnemept dont on se plaint, la sympathie des parents s'éveille, et, avec elle, la volonté de seconder tout effort destiné à rendre meihleur leur enfant. Ils ne marchanderont guère leur con cours s'ils ne discernent aucun parti pris et reconnaissent un e bienveillance si~cère, dégagée de toute fin égoïste. Plaindre un élève est bien plus àdroit ·que
1. Cf. le cours <Je 1•·• année, pp. 192-193. Les ditficulté~ ·ae la coopération a1•ec les familles. . . ,·d
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de s'en plaindre, surtout si la récrimination se produit devant l'enfant : il y démêle une sorte d'aveu d'impuissance ou s'en irrite. Comment, alors, espérer de salutaires retours sur lui-même? Ainsi portent sou".ent à faux les appréciations humiliantes formulées en classe et les menaces d'en appeler aux parents, -soulignées, suprême maladresse! d'une lamentation sur leur trop grande indulgence. De même, les critiques faites devant les voisins, des parents ou amis en visite, indisposent. Le maître parti, la famille, excitée. par la malignité des commentaires, se hâte de conclure à une sévérité intempestive, à un manque de patience, voire, d'éducation. Le blâme et l'aigreur se montrent d'autant plus prompts qu'elle se sent atteinte par les remarques du maître : la mère ne témoigne-t-elle pas, habituellement, d'une faiblesse regrettable, elle qui, les jours de congé, plaint l'enfant d'être occupé à de trop longs devoirs, à d'interminables leçons? Le père assure-t-il toujours une bonne fréquentation, lui qui, malgré ses récriminations habituelles contre les vacances, à l'occasion d'une foire, d'une fête, d'une visite, ou sous tout autre prétexte aussi peu raisonnable, provoque une absence? Tous deux usent-ils de fermeté contre les défauts, les écarts de leur enfant? Qu'ils s'en rendent compte, cela ne les offusque guère, mais quelle source d'irritation envers qui souligne maladroitement leur manque d'autorité ou de vigilance! d) Autre difficulté : trop se montrer avec les mêmes parents éveille de jalouses défiances. Les esprits simples voient, rapidement, dans de fortuites coïncidences, des préférences accusées. D'où, une suspicion qui peut créer les pires difficultés, tout acte, toute parole étant interprétés dans le sens qui sert le mieu). le11 rancunes. Celles-ci ne tarderont point à devenir
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acerbes si des liens plus étroits semblent s'établir avec certains parents, par l'effet d'inr,,itations ou de cadeaux en nature. La plupart du temps, ce sont témoignages de sympathie, difficiles à repousser sans mécontenter. Pourtant, à les accepter trop facilement, on risque d'aliéner son indépendance et de se créer des ennuis. Le Règlement scolaire 1 interdit aux Instituteurs de recevoir de leurs élèves « aucune espèce de cadeaux». Sa prescription, très nette, trahit la crainte que l'usage ne déterminât des abus et qu'à accepter des dons, l'instituteur ne diminuât son autorité : heureu:i. de faire conualtre la générosit é de ses parents, tel élève escompterait faveurs et indulgences; tel autre, vexé d'une punition, imaginerait d ' en trouver la raison dans l'absence de dons, ou encore, couscient de sa pauvreté, souffrirait dans son amour-propre; puis, croyant à une moindre sollicitude, il sentirait s'éveiller la jalousie. - Quant aux invitations, la prudence et la dignité commandent de les décliner, à n~'lins de s'astreindre à les rendre : le rôle de pique-assiette ne convient point à l'Instit!-lteur. D'autre part, le laisser-aller d'un déjeuner permet des familiarïtés inopportunes; il donne prise à l'observation maligne, d'où peuvent naître des critiques désobligeantes; il conduit à des comparaisons parfois désava!ltageuses, à de menues médisances, à des confidences souve11t regrettées le lendemain. Plus souvent qu'on ne le pense, un« bon repas» devient une source d'ennuis : il faut savoir mettre de la délicatesse à préserver son autorité.
= III.
Les familles et le contrôle de l'édn ..
1. Art. 18.
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MORALE i>ROFESSIONNElL'E
cation. =Avouons-le: l'Ecole, service public, reste
à pei, près fermée au public, même aux familles de ses élèves. Le contrôle qui s'exerce sul· ses enseignements relève des seuls chefs de !'Instituteur. Si un droit de regard a été dévolu à certaines autorités chargées de représenter les parents et de les seconder : maire, délégués cantonaux, médecin inspecteur, etc., il a pour horizon l'organisation matérielle, l'hygiène, la fréquentation et la tenue des élèves. L'important leur échappe. Depuis quelque t.e mps, une réaction se dessine contre cette herméticité de l'Ecole. De jour en jour, apparaît plus nette la volonté des familles d'exercer un controle sur l'écluc::ition des enfants et de veiller a son orientation. Dans le courant qui se crée, les uns s'inspirent de préoccupatiohs d'ordre social, les autres veulent se préserver des périls d'une neutralité mal obsi:irvée. · a) Du point de vue social, la question fut posée p.o ur la première fois en 1908, par la Confédération Général du Travail1. Estimant que les plans d'études scolaires avaient été dressés par la bourgeoisie, soucieuse d'assurer le règne de ses principes, le triomphe de ses intérêts et le maintien d'un régime politique tout dévoué à sa puissance, les travailleurs réclamèrent le droit et les moyens d'élever leurs enfants dans un sens plus favorable à leurs aspirations et à letlrs besoins, et, par là, de s'affranchir d'un enseignement dirigé contre la classe ouvrière, vers des fins câpitalistes. Si on ne pouvait créer des écoles « syndicalistes », au moins devait-on, dans les programmes : accorder une grande place aux exercices physiques; donner une allure concrète à l'enseignement ~ciehti- '
1. 16• Congrès national corporatif, tenu à Marseille. ,
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fiqu e , orienté vers l'adaptation au milieu 1 ; r éformer l'ens eignement de l'histoire et celui de la morale : 1imposant à l'enfant des idées toutes faites, il tue, en ' lui, l'impartialité et ~'indépendance d'espri~, ou par~lyse sa raison par la crainte du surn dturel; enfin, limiter l'instruction civique à un simple « tableai1 de l'organisation de la sodété actuelle sans commentaires politiques ». b) Du point de vue religieux , la première r~vendication apparut un peu plus tôt, en 1905, avec l'organisation /l'une « Association de Pères de Famille pour maintenir dans l' école le culte du patriotisme et des traditions nationales et le respect de la n~utra: lité religieuse inscrit dans la loi 2 n. « Nous ne sommes d'aucun parti et n'en servons aucun, disaient-il~, et tout parti qui prétendrait nous servir nous desser: virait. » Ainsi, sous ce double caractère, laïcité et autonomie, se constituait une organisation de~ti.n ée à consacrer le droit des parents au contrôle de l'éducation nationale, dans le cadre même tracé par la loi. L'idée fit rapidement son chemin. Le développement des Associations amena la création d ' un sec'rétariat central 3, suivie d'une organisation méthodique, étendue à tout le pays et destinée : 1° à « veiller aux intérêts moraux , se rattachan t à la vie scolaire des
1. Les représentants des familles rurales ont , éga lement, i;_écl amé l'adaptation de l'école aux besoins de l'agricuHure, la revision des programmes généraux, encyclopédiques et livresques , en vue de leur donner « un caractère a gricole très prononcé et de ramener à l'agriculture toutes les parties qtii e n sont susceptibles » . (MÉLINE. Cf. la controverse qui, sur ce sujet, s'esf é levée dans le Manuel Général de novembre-décembre 1908.) 2. Foncfée à Saint-Rambert-en-Bu g ey (Ain) par M. L. BOis. 3, A Paris, sur l 'initiative de M . GuRNAuo, avoçat à la Cour d'Appel.
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enfants qui fréquentent les écoles publiques » : neutralité religieuse, culte du patriotisme, respect des institutions et traditions nationales; 2° à fonder « la collaboration des parents et des maîtres, en vue de l'œuvre d'éducation qu'ils doivent poursuivre de concert ». Rien de plus légitime, de plus naturel, de plus raisonnable que cette préoccupation. Elle n'eût rencontré aucun obstacle si le clergé catholique n'avait voulu l'asservir à ses fins : après lui avoir donné une bruyante approbation, il prit prétexte d'un incident malheureux I pour entrer en campagne contre l'école publique, accusée de pervertir l'âme de l'enfant. Des Associations de Pères de Famille catholiques, placées sous l'autorité des évêques, furent aussitôt_ fondées pour « exiger de l'instituteur le respect de la Religion, de l'Armée, de la Patrie~» . Plus encore que la véhémence des anathèmes lanc és contre l'école nationale, le rapprochement de ces trois mots et la prétention affirmée par le clergé d'être seul juge du choix et de l'emploi des livres scolaires, donnent le sens de l'action projetée et n'en dissimulent plus les arrière - pensées politiques. De fait, les incidents furent nombreux et les interventions provoquées des tribunaux et du Conseil d'Etat montrèrent bien - et établissent encore aujourd'hui- que le clergé s'attaquait au principe même de l'Ecole « démocratique », contraire à ses visées.
1. Affaire MoR1zoT : des poursuites furent intentées contre cc maître pour propos inconvenants tenus à ses élèves au sujet d e leur origine . 2 . Mandement de Mgr TuRINAZ, évêque de Nancy. A la même é poque, MBr ÜELAMAIRR, coadjuteur de Cambrai, demandait « aux fidèles rich es et indépendants d'organiser les protesta·· tions, de provoquer les répressions, de faire les frais des poursuite• »,
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Ainsi, le mouvement si respectable, déterminé par le légitime désir des familles de participer au fonctionnement de l'Ecole nationale échappait à leur direction : des chefs très avisés et capables de s'en servir pour des fins d'ordre politique et social s'en emparaient sans scrupules. c) Pourtant, quelle belle, quelle féconde tâche de (aire de la famille une « meilleure éducatrice 1 » ! N'at-elle point l'avantage de la priorité, de la continuité et de la durée de l'action? N'offre-t-elle point la force d'un exemple permanent, d'une autorité solide, d'une hérédité longuement constituée? L'éducation par la seule école ne peut suffire, tant à cause du grand · nombre des élèves que de l'inégalité des esprits. Qu'elle donne une formation générale, développe l'esprit de progrès, pratique la méthode de libre examen, en vue du rôle à jouer dans la société, soit; -,mais à la famille revient d'assurer le respect de ses traditions, de poursuivre une formation appropriée aux facultés de l'enfant et à ses intérêts, de maintenir une soumission qui prolonge en lui les vertus des ancêtres. L'expérience prouve combien fut, combien, dans certaines familles, est demeurée féconde la continuité des relations entre l'Eglise enseignante et les Parents : pourquoi ·l'Ecole se refuserait-~lle, de parti pris, à bénéficier de cet exemple? d) Enfin pourquoi craindre de la faire connaître, en laissant pénétrer les regards dans ses classes? A coup sûr, la bonne foi, guidant une curiosité légitime, mettrait fin à des préventions injustes et à des conflits regrettables, dont l'enfant fut, trop souvent, la victime. Sans doute, faudrait-il se prémunir contre
t. Programme de l'Union des Parents et Educateurs fondée, en avril 1899, par M. BIDART, professeur à l'Ecole N ormaie de Dax.
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des erreurs néfastes à l'accord des bonnes volontés . Jadis, la Constituante voulut la libre entrée dans le s écoles publiques 1 • L'idée, généreuse, mise en pratique sans ménageqients, aboutirait aux pires maux : elle ruinerait la discipline, créerait le désordre el détruirait cette indépendance si nécessaire à !'Instituteur pour bien orienter son action. Toute réussite lui demeurerait interdite, sans une garaµtie absolue contre les méfaits de l'ignorance et ceux, autrement redoutables, de la malveillance et du sectarisme. A chacun son métier. Il ne viendra à personne l'idée de s'immiscer dans une tâche qui lui ~st étrangère . comqient accepter l'intervention d'un incompètent dans celle, si d~licate, d'enseigner? Quant à ceux qui estiment avoir à se plaindre des programmes et des méthodes, qu'ils s'adressent au législateur I L'École ne saurait, sans faillir à sa mis$ion, se transformer en champ clos, ouvert aux discussious ardentes et aux récrimin?tions passionnées. Sa tâche est d'inspirer la confiance, d'intéresser et de conquérir les familles par la probité de son labeur et la consçience scrupuleuse de ses maîtres.
'
Conclusion. Réduite à ses seuls moyens, l'École ne peut parvenir à remplir exactement toute sa mission. Le concou~s des parents lui est indispensabtç. Encore ne vaut-il que par l'habileté de l'Institut~ur à le provoquer, à le 'maintenir et à l'étenqre. Par ailleurs, quelle que soit cette habileté, pour si grands que se manifestent le bon vouloir et le zèle du maître, ils sont impuissants à créer les ressources néçessaires au rajeunissement des méthodes, à la transformation des procédés, commandés par les exigences de la vie
1. Cf. le Gours de première année, p , 191,
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�RAEPOB1'S AVEC LES FAM/lLES
contemporaine : faute de moyens, l'œdvre éducat~ice, stabilisée dans des formes périmées, detneüre à dèmi , paralys ée dans son effort. Fort heureusement, depuis quelques ahnées, soù!i le vocable« Les Anils de l'Eâole »; se sottt êonstithés des groupements dont l'effet t en d à la rendr e plus gaie, a munir son personnel des h10yens de doliiier un enseign ement plus viva11t et fructûeux, à tirgh niser d es distractions sainès et insthictives pour les élèves, 1uivis avec sollicitude àprès leur scolarité. Ce gériéreûx programme, réalisé àvec l'aide de cotisâtioils, dohs et subventions , a produit les plus heûi·eux résultats ; notamment dahs les centrès Urbàins, ou la nie a vite fait de dévoyer l'enfant . Par nialheJr , beaucoup trop d'écoles sont demeurées e ii dehors de celtè bienfaisante action de l'initint1ve prlvêe. Il est des milieux trop pauvres, trop peu propièès, aüssi ; à une action soulenue, toute de sacrifices désÜitéressés. D'autre part, malgré leur allùi'e prospère, ces orgànisations dei11eurent bien fragiles, puisque leur vie dépend d'u~ accord des bonnes volontés, èt qu'elles n'oht po!dt à leur service la force que bî·ée l'obligation légat J: L'exemple n'est point rare dé les voir ldtighit, phis disparaître, après av6ir brillé d'un vif ëclât M sefvi admirablement les dedtinées dè l'Écôle . Il fâtxirait que folietionnât, auprès de chàqtie école, un organisme chargé d'en gérer les intérêts ini~lléètuels et moraux. Sans doute, la Caisse des Ecoles f11t-ëlle renlldè obligfo>irè d*hs ~hJquë ~ÔrrirrÎunè 1,
1. L . du 28 mars 1882, art. 17, En 1925, on eu comptait · 15,251. Les 61 °/0 de nps cJnnmune.s en sont aètuelleme-Îll dépourl'ues (22,712 sur 37.963). Privées d'un règlement d'ensemble précis qui détermine, surtout, leur comptabilité, elles apparaissent à beaucoup d'amis de l'école comme condamnées à une action sans portée .
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mais combien l'ont instituée ! Au surplus, son but se ,limite à encourager et à faciliter la fréquentation scolaire. C'est beaucoup, non assez. On a fini par s'en !rendre compte. Une récente proposition de loi vise à créer, auprès de chaque établissement, un Conseil de l'Écolei. Souniis au contrôle de l'autorité acadé mique, il comprendrait des pères et mères .de fa mille, le d élégué cantonal, des bienfaiteurs de l'école, un ou plusieurs représentants de la municipalité et le personnel enseignant. Investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière, il disposerait d'un budget dont les recettes seraient assurées par : 1° des subventions obligatoires de l'Etat et des communes, les unes intéressant l'entretien et l'aménagement des locaux scolaires, les autres proportionnelles au nombre d' élèves; 2° des dons et legs, produits de cotisations, fêtes, souscriptions et collectes, jardins et champs d'expériences, etc. A coup sûr, assurer des ressources à !'École contribuerait à en renforcer l'action et étendre l'influence, à en garantir la sécurité et l'indépendance. Mais, associer étroitement à son existence les familles qui ont l'intérêt le plus direct à l' éducation des enfants, serait en accentuer le caractère social et, par là, « rendre encore plus populaire cette maison de l'enfance qui n'appartient à personne parce qu'elle est à tous' ».
1. Propositîon de loi déposée le 29 décembre _1925 sur le bureau de la Chambre des Députés. Le rapport la concernant a été publié par le Journal Officiel, n° 444_ , en annexe au procè s. 7 verbal de la séance du 24 mai 1927. 2. Exposé des motifs du projet de loi,
�CHAPITRE X
Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'Ecole.
Au cours de sa scolarité, l'adolescent est soumis à la bien/ais ante influençe de maîtres dont la fermeté, jointe à une sympathie désintéressée, se montre attentive à le guider et à poursuivre fa formation morale. Dès sa sortie de l'Ecole, il se trouve isolé, dans un milieu où les dangers abondent . « Tous les hasards du voisinage, du quartier, de l'atelier, de la rue, semblent se conjurer contre la petite conscience .encore hésitante; les tentations, les mauvais exemples se succèdent, effaçant chaque jour un peu de l'empreinte reçue. Et du fragile édifice que le maître a. élevé avec tant de patience et de dévouement, si une action vigilante ne vient pas, presque constamment, en consolider les assises, en protéger les accès, il ne reste, bient6t, qu'une lamentable ruine. » (LtoN BouRGEOIS 1 .) Cette action vigilante, il n'est, trop souvent, guère permis de l'espérer des familles : ou elles se désintéressent de l'éducation de l'adolescent, après être demeurées indifférentes à celle de l'enfant, ou la sévérité paternelle, se relâchant à l'égard du jeune homme en train de s'émanciper, incline vers de regrettables indulgences. L'Ecole peut-elle rester impassible devant ces 0 1 dé/aillances? Son œuvre serait bien éphémère, si elle se refusait à suppléer au manque ou aux insuffisances d'une direction morale, si nécessaire à des adolescents.
1. L'Education de la Démocratie française.
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JIOIIA.LE PROFESSTONNEllE
Elle se doit, donc, de leur continuer sa bien(aisante tutelle, en l'adaptant aux circonstances nourelles, qui ·déterminent ce double aspect de ses œurres : les unes, d'éducation, approprient aux adolescents les moyens de for~àf{on i~t~l{(}c;tuelle et mpr~lf! ( c;ov,rs d' a~foltes, conférences, lectures P,QJJlflafres, bibliothèques, etp.) ; les autres, d'assistance et de préservation, · luttent contre le{ da;1fgers c{~ la nfe, de l'isol~r:ze,y, de~ ma~adies ( amicales d'anciens élère~, patro,nages, mutuq.lil1f, cpl~11ies de rqcances, etc.). objeCff3ra, feut-étre? qu'il est qbusif d'efmpose,:- à l'fnstituteu,r, ~ans le rém1~nérer, l'e!fo,rt fourent _pénib(e qu'e.xigent l'orgarâsatio,n et {a bonne marche dP,, s œuvres post-scolaires. En toute conscience, ~a classe acherée, ":'a-t-il point dro{t ~u repos? Sa~~ doit te. Aussi bien, nul règlement n'impostt·i. la participa;lia.n l aux œurres post-scolaires. Mais, homme de bonne rolonté, sui~dnt ?es inspirations çiun cœur attç,,ché ~ ses élères, il ne peut ·s~ résigner à s'en séparer sp,ns retour, dès leur sortie de l'Ecole. Pénétré, au surplus, de l'importancr de ~a miss;·rn, 4u bien qu'en ~spère11;t la Patrie et la Société, il ne doit point éprourer une 1 • ; f . " 1 • l indifférence préjuaiciabf~ 4 l' œurre dont [l a J(j té les qas(!s et 9ui (Zè se confine pas dans l' espace étroit d'une salte de clas;e, << C,e but de !'École n'est pas fins• truçtion de l1eniqnt, ~'qst 11,ne instruc(i<?l'l; de ['f!;,,(ant iui serr(! ~ (J~·omni,~: 4 '?'~ter brusquement ?'œif rre ~d//C atripf 4 u~ ;zo'11_ent_ où e}{e (l'a _enco re f(I° a~te[nfi'{ . un .en~ànt~ .c est-,a-1~re un esprtf non ~nco,re (or~ne 'H fi,xe, é ~st P,Ouer a to,utes les chances de destruction des !~rm.~s A peinè déposés J -jf,eur de sçl, qui n'ont pas iJris racf~è, qu'un · souffle peut emportèr; c'est une ùnpréroyance sans nord : c'est, de la part d'une société, le plus impardo_nnablr! gaspillage de son capital humain. » (F. B'u1ssoN.)
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�ROLE DE L;JNSTJTUTEUR D,INS LE:S OÊUVRES
1.55
L'lnstitllteur sait fol'l bien que, sans son concours , lirect ou, simplement, sans son inspiration, en maints enàroits, les œ1wre's }Jost-scolaires ne pollrraient Yoir le jour ou, si elles élaient créées, n'au raient guère de chances de YiYre. Aussi, quoi qu'il lui en ait cocîlé, i'I, n'a poînt la'îssé à d'autres le soin d'y répondre : pâ tiencè, ï,ig-énfosiléJ déYouement o,i~ su longuement s'àdajJter aux âiYers aspects et aux exigences multiples de la post-sc'oldrité.
= A. Œuv1•ês d•êdueation. a) 'Cours d'A'flultJs. - C'est la plus ancienne, puisque J.-B. DE LA SALLE (1651-1719) institua, au XVIi~ siècle, des cours destinés (( aüx garçons apprentis des divers métiers». L'idée, reprise el amplifiée pàr CoNOOIICET, le condhisH à ~oncèvoir une « seoohdè irlst1 uction d'autanl riécèssairê qlie celle de .l'ênrant a été resserrée dans des bornes plus étroites >> : le décret du 22 frimaire a~ 1er institua cie~ codh puliiics a Î'risal?;ë des citoyens et citoyennes de tout âgè. DepJi~, à travers le ~ vicissitudes des divers régimes poFtiques, aprè§ des fortuiies diverses, tantôt brillants (1827-30), tantôt rrlégués à l'arriHë-plàn des l'r~occupâliohs officielles (1850), pour resplenctir d'un iibuvel éclà~ :iveë lii libéralisme de Du11uy (18ô7), les Cours d•Adulté!\ sous la troisième République, connu une périofle de pr8~përité rematqùablè. Oè plus èn plus s'affil'ine cett~ vérité, vérifiée èlahs tofls les p::lys èl'lnslrûèlioû obligatoire, malgré la diver~ité des constilutiori~ politiqües : le lendemain de l'Ecole e~t ce qui coritHbue lé plus à sa prospérité. Aussi envisage-t-on de rendre oliligâtoii·e jl.isqû'à tlix-huit ori vîngt ans cet enseigném~nt posi-sc~lâire: il porpprend~·üh, aveè des compléments de savoir général, des notions intéressant la profession et les nécessités communes de
1
=
~lus
onJ,
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MORALE PROFESSIONNELLE
la vie sociale (éducation civique, économie domestique, éducation physique•). L'objet assigné aux Cours d'Adultes, au d ébut, s'est amplifié et transformé. A la vieille et peu intéressante revision des rudiments du français et du calcu 1, acquis au cours de la scolarité, s'est substituée, peu à peu, une spécialisation qui met les connaissances en rapport avec les besoins professionnels : arpentage, établissement de factures et de lettres d'affaires, enseignement agricole, nautique, etc. L'enseignement ménager, l'éducation physique, l'hygiène sociale ont pris une place importante dans les préoccupations des maîtres. Certains même, répondant heureusement aux aspirations de leurs auditeurs, ont entrepris de les initier à la littérature, à l'art, à la musique. De l'ingrat mais bienfaisant enseignement des illettrés et retardés, de la rééducation des mutilés et des veuves
1. La loi AsTIBR (25 juillet 1919) a organisé et rendu obligatoire l'enseignement professionnel « pour les jeunes gens et jeunes filles de moins de 18 ans, employés dans le commerce et l'industrie » (art. 38). - La loi du 21 août 1918 a établi l'enseignement post-scolairë agricole : peuvent seuls le donner les professeurs pourvus du certificat d'aptitude à l'enseignement agricole délivré par le Ministre, et les Instituteurs ou Institutrices comptant au moins trois ans d'exercice dans l'en· seignement public, titulaires du brevet agricole ou agricoleménager, délivré par le Ministre de !'Agriculture. Le projet de loi sur !'Éducation des Adolescents, en instance devant le Parlement, envisage deux périod es dans la fréquentation post-scolaire : 1° de 13 à 16 a~s (filles) ou 17 ans (garçons); 2° jusqu'à 18 ans (filles) ou 20 ans (garçons). Pour la première période, le nombre d ' heures d'enseignement s'élèverait, par an, à 300, et pour la deuxième, à 200 . L'éducation physique e t la pré paration militaire s'ajouteraient aux programmes. « Dans la France de demain, où la tache sera double et l'équipe incnrnplète, la qualité des travailleurs devra suppléer à leur nombre : or, leur qualité ne saurait être !améliorée, ai leur éducation demeure ÏDachnée. » (Exposé des motifs,)
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de guerre, jusqu'aux élans vers la beauté et la bonté, toutes les initiatives ont mis en œuvre, avec une ingéniosité sans pareille, les moyens les plus variés, des plus classiques aux plus modernes : leçons, causeries, lectures, projections fixes et animées, auditions musicales (phonographe, T. S. F. ), etc. P:1rtout et toujours, l'instituteur a su créer, animer, rendre attrayante cette œuvre aux multiples aspects. Certes, sa tâche ne fut point toujours aisée. En beaucoup de villages, jadis privés de distractions, les plaisirs ont pénétré; l'amélioration des moyens de communication permet, aujourd'hui, de fréquentes visites à la ville, où se rencontrent de nombreuses réjouissances; la discipline familiale s'est relâchée, tandis que s'affirmait un besoin de plus en plus vif de rechercher le plaisir : quels obstacles pour l'éducation post-scolaire, librement acceptée et suivie! Des. dévouements intelligents et soutenus les ont réduits. Le succès est venu de savoir se plier aux circonstances : besoins locaux, goûts et désirs exprimés par les adultes. D'où ces règles : 1°) La classe du soir ne ressemblera en rien à celle du jour. Même si des compléments d'enseignement général y sont donnés, - à fortiori, s'il s'agit de notions professionnelles, - il importe de se dégager d'une méthode et de procédés excellents pour de jeune·s enfants, mais médiocres, quand ils.ne sont pas rebutants, pour des adolescents. Ceux-ci, fatigués par une journée de travail, limités dans leur temps, d'esprit plus affermi, règlent leur assiduité d'après l'intérêt éprouvé à l'étude et la convictiop de son utilité. D'où -1a nécessité d'une orientation en rapport avec ces tendances et le souci de ménager l'amour-propre, en un moment où il se révèle particulièrement sensible. De les traiter en éco-
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liers contribue, souvent, à éloigner maints jeunes gens. 2°) Faire aux notions d'ordre pratique une large part : études de procédés culturaux, élémehts de droit usuel, lecture dù cadastre, dessin inâustriel, lettres d'affaires, premiers principes de comptabilité, etc., et, pour les filles, couture, enseignement ménager et puériculture. 3°) Adoucir l'austérité des séances de pur enseignement par ·quelque distraction d'uli caractère éducatif : lecture récréative, projections, causeries sur les événements récents, avec documentation, si possible (gravures,. photographies ... ), audition de phonographe ou de T. S. F., eto. A l'occasion, des chants, des chœurs peuvent tetminer agréablement la soirée. Débordé par la tâche quotidienne et des besognes annexes (secrétariat de mairie), l'instituteur n'a point -toujours le temps d'organiser des classes attrayantes. Pourquoi n'utiliserait-il pas le concours des meilleurs pnrmi ses anciens élèves du des personnalités dévouées à l'école? Chacun, dans sa spécialité, apporternit l'air vivifiant du dehors : le Juge de Paix, sa con naissance du droit; le Percepteur, des clartés nu sujet de l'établissement et de la perception des impôts, etc. Si le maître a su inspirer quelque sympathie,. avec un peu de tact et de bonhomie, il obtiendra d'intéressants concours. Ainsi, l'Ecole deviendr;i. vraiment « la maison de tous, le rendez-vous où l'on se retrouve à tout âge poùr étudier, lire, éclrnnger des idées'», la créhtrice d'un [déal commun favornl:ile au rapprochement des cœurs par l'ùnion des esprits. b) Conférences et lectures populaires. - 1°) Venues
l. C. du tO juillet 1895,
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longtemps après les Coqrs d'Adultes, les popférrpce~ sont apparues, en beaucoup de centres, <;oqime l~ seul mode d'éducjltion populaire. Leur faveur montre bien qu'elles répondent au besoin de se distraire en s'ins'Lruisant. Leur nombre, la durée, varient selon les milieux. En règle générale, on ne doit point les rendre ni trop fréquentes, pqur -leur laisser l'attr~it de l'intermittence, ni trop longues, pour éviter la lassitude. Il es~, d'ailleurs, malaisé de les multiplier quand le poids de leur préparation retqmbe - c'est ainsi l;i plupart du temps - exclusivement sur !'Instituteur. Dans le choix des sujets, l'essentiel est de rester simple, avec le souci de plaire aux auditeurs et d'eµ être compris sans effort. Les ;thèmes d'entretien n~ manquent certe~ pas dans la littérature nationale, l'histoire et la géographie, les applications scientifiques, voire l'actualité; mais, pour celle-ci, tout ce qui, heµrtant les convictions, risquerait de tourner à la réunion publique doit être évité. On n'y saurait trop songer quand, d'aventure, on utilise le concour~ de collègues voisins ou de personnalités étrangères à l'enseignement. Toutes les fois que possible, il ya intérêt à illustre la conférence de proje9t{o{ZS lumineuses. L'usage qµ cinéma se répand de plus en plus : on troqve, à bon compte, de petits appareils ro~ustes et des filp1s intéressants. La constitution, dans chaque cJ~partement, d'offices de « Cinéma-Educateur » 1 Jpµaqt l~s vues à bas prix, rend de grands services. Dans cet ordre d'idées, il serait bon de former, pour chaque école, ou en groupant les écoles d'une même régi6n, ou eµcore, auprè~ qe c~aque ~ibliothèque péqagogiqH~, µne cinémat\1-~que, dqpt lt;s fîJms circuieraient selon la rµodalité adop~ée par le Mqsée péda-
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gogique', qui adresse gratuiteti'i1mt et en franchise les vues qu'on lui demande. On objectera, sans doute, le manque de ressources, dans la plupart des communes. Ici encore, c'est affaire d'initiative et d'ingéniosité : certains savent obtenir l'aide des municipalités, de personnalités locales, des auditeurs; d'autres, se souvenant qu'il faut commencer_par s'aider soi-même pour se rendre le Ciel propice, trouvent, dans le fonctionnement des coopératiyes scolaires 2, . des ressources régulières et suffisantes pour l'achat d'appareils et le renouvellement des films. 2°) Bien que plus modestes dans leur fonctionnement, les lectures populaires poursuivent avec bonheur un but analogue. Elles empruntent leur thème aux grandes œuvres de nos écrivains, ou même à cellei des littératures étrangères. Tantôt elles alternent avet les conférences; le plus souvent, elles terminent agréablement le Cours d'Adultes. Leur préparation demande peu d'efforts : il suffit d'une présentation rapide de, l'auteur, de ses principales productions, de l'œuvre qui fournira la matière de la lecture. Quelques mots, sans prétention, préparent à comprendre, et la lecture commence. Certes, on ne peut, sans un long apprentissage, prétendre à une diction impeccable, nuancée et vivante; au moins faut-il s'appliquer à une prononciation correcte et expressive, qui mette en relief les beautés du texte. Une déclamation théâtrale rendrait ridicule. Que le
1. 29 , rue d'Ulm, Paris V•. 2. Associations scolaires administrées par les élèves; leur actif est constitué par des cotisations, des dons, les produits des fêtes et de la vente des vieux papiers, plantes médicinales, etc. Pour leur organisation, consulter l'Office central de la Coopération à l'école, au Musée pédagogique.
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maître lise ou reçoive la réplique de collaborateurs bénévoles, les efforts doivent tendre à obtenir une compréhension exacte et à éviter une emphase extravagante. Au reste, l'expérience le prouve, les audi toires populaires goûtent mieux qu'on ne l'estimerait de prime abord les hautes leçons d'un Corneille, d'un Molière ou d'un Hugo : ils en retirent la plus saine et la pluii réconfortante des récréations. c) Bibliothèques. - Quelle récompense si, de cette initiation, sort le désir de prolonger le contact ave1, les chefs-d'œuvre ! Des suggestions adroites orienteront les choix d'esprits neufs et de cœurs enthousiastes. Ce sera, avec le désir d'apprendre stimulé, l'intérêt suscité pour les bons livres .: ainsi, les longues veillées d'hiver, agrémentées de lectures en famille, s'écouleront moins vides et ennuyeuses. Un des premiers soins de l'instituteur devrait être de constituer une Bibliothèque scolaire, ou de développer celle qu'il a trouvée dans son école. Les livres ne furent point toujours choisis avec le désir de satisfaire le goût des lecteurs. Au hasard des concessions ministérielles et des achats, des fonds se sont consti· tués, sans intérêt pour des populations peu entraînées. à l'effort intellectuel, et vite rebutées par des sujets dépassant les préoccupations habituelles. Or, il convenait de donner la plus grande place aux œuvres qui distraient sans, cependant, s'interdire les livres instructifs (vulgarisation scientifique, étùdes sur les grands faits historiques ou géographiques, etc.). Pour les premiers, notamment en ce qui concerne les romans, nouvelles, pièces de théâtre, il appartient à l'instituteur de s'appliquer à · choisir des productions moralisatrices, et dégagées de la vulgarité, des livres si1~ples et sains, conçus dans un esprit de tolérance et d'impartialité, afin d'éviter tout froisse- ·
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ment ou toute excitntion mauvaise des sentiments. Quant aux seconds, la sagesse commande d'adapter le choix au mode d'activi.té et aux goûts prédominant dans la régi.on. Au reste, en cette œuvre encore, l'ampleur de l'action est subordonnée à la· bonne volonté de l' 1ns-tituteur. La Bibliothèque est plaoée· sous sa surveillance1; il- fait partie, avec le Maire, ·un Délégué can.tuna.l e'\ trois membres choisis par ~u·x et lui, du conseil d'adminisüation, dont it est le secrétairetrésorier. Al' ordinai.re, il dresse le règlement, établit le budget et le compte de g'estio11; id. propose le!J ouvrages à acheter, vendre ou échanger,, et organise fêtes el oollettes; i,l tient le catalogue e~ 1es registres d'entrée et de sortie. Le plus souvent, les initi,ati:ves lui incombent :. e,11,gagier les clépeuses, r·e lancer les né.glrgents e,t ta1acer les dés0rdonRés,,:rég,ler avec les oommqn.es, vpisines la fondation d'n»e biblfothàque intercgn1munale ou le fon ctionnemefrt cl'ul'le bibliothèq,ue circulante,, provoquer dffs imbventions \ etc. Uue tâcht aussi absorbante De trouve point sa récompense dans ane rétribution min.imé, mais dans la s,atisfactiQn de voit· les aneiens élève& dem.ander à
1. A. dû 15' décembre 1915. La commune doit obligatoirement fournir les registres et l'armoî,re-llibtiotllèque (D. du 29 janvie,c 1890). Les ouvrages sont prê tés sur plaQe ou à domicile, co,ntre l'eogageme11t de le~ rendre en bon état ou d'en restituer la valeur. 2. L'inspecteur d'Académîe, sur le rapport des Inspecteurs Primairès, dFesse, en Conseil Départemen'taJ, pEtr ordre d'urgence, la liste des bibliothèques e ntre lesquelles le Préfet l'é· partit les créd,its alloués par le Miuistre, 3. Le p. du 1t décembre '1923 prévoit, pour l'Instituteu,r gérant une biblioth èque intercommunal e , une indemnité fixée pat· le Ministre, sur la proposition de !'Inspecteur d'Académie. Elle ne peul excéder 150 francs.
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l'Ecole les moyens de se clistrair-e et de s'améliorer. d) Cours aux soldats illettrês. - La loi du 29 juillet 1900 prescrit un examen pour les recrues dépou!'vues de diplômes ou certificats d'inst!'uction primaire ou secondaire. Elles le subissent dès l'arrivée au corps\ Tout soldat qui n'obtient pas, au moins, la note cinq, suit un cours d'instruction organisé par l'autorité militaire. En principe, ce cours a lieu d'octobre à Pâques, au moins deux fois par semaine, dans un établissement scolaire, désigné après entente avec l'administration académique. Généralement, il est confié aux instituteurs de l'endroit, rémunérés au taux de 10 francs par séance~. Ils peuvent être secondés par leurs collègues incorporés.
= 13. Œnvres de préservation et d'assistance. = o) Patronages. - « Il est nécessaire q.ue )es instituteurs fassent tous leurs efforts pour que leurs él èves ne soient pas entièrement livrés ~ eux-mêmes en dehors des heures de classe, non plus que leurs anciens élèves durant la p ériode qui sépare l'école du régiment. Il y va du succès définitif de leur action éducatrice : leur influence ne tarderait pas à être neutralisée si le jeudi et le dimanche, pendant les congés et les vacances, leurs propres élèves étaient confiés à d'autres, ou si l'éducation de leurs anciens élèves était reprise par d'aufre& 3 • » Pour répondre à ces légitimes préoccupations, les patronag ;,s ont été con stitué.s par des notabilités
1. L'examen comport~ 3 épreuves écrites et 3 questions orales, très élém e ntaires. 2. Dans les villes pourvues d'une Ecole Normale, les éièvesmaîtres y participent, sous le contrôle du Directeur. - Les fournitures scolaires sont à la charge de l'autorité militaire, 3. Circulaire du 13 oct . 1924.
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amies de l'Ecole. Leur but est de rassembler et d'occuper, quand chôme l'école, les enfants dont les parents travaillent au dehors toute la journée. Quelquefois, même, on les reçoit l'après-midi du dimanche, afin de les préserver de la rue et de ses distractions grossières ou dangereuses. Sous la direction de membres de l'enseignement ou de personnes dé~ vouées, ils trouvent, dans la cour, le préau d'une école ou sur le terrain de jeux, de multiples occasions de se divertir. Des séances récréatives ( cinéma, lectures, auditions, etc.) les reposent heureusement des dépenses d'activité. A l'occasion, une promenade à la campagne, la visite d'un musée, d'une usine, etc., joint à la distraction un élément récréatif. Dans le même ordre d'idées, on a corn pris, . de bonne heure, qu'il fallait aider l'adolescent à utiliser ses loisirs. D'où, des soirées hebdomadaires, des réunions dominicales, ramenant à l'école jeunes gens et jeunes filles. Les amitiés contractées pendant l'enfance se renouent, s'étendent, se renforcent, au gré des causeries et des jeux, des lectures et des promenades. L'éducation morale se parachève, par le concours prêté aux œuvres d'assistance et de solidarité, tandis que chants, auditions, visites de musées, etc., affinent la culture esthétique. Jeunes gens et jeunes fillés perfectionnent leur éducation physique par des exercices gymniques, auxquels les premiers ajoutent le tir; les secondes, la danse. Bref, c'est un renou-' veau de vie scolaire, mais sans contrainte : l'adolescent y prend conscience de sa personnalité et s'instruit sur les meilleurs moyens de la développer et de Ia préserver. En cette action, le rôle de l'instituteur peut prendre un singulier relief. Sans doute, le patronage réclame-t-il d'autres concours et convient-il, dans l'in-
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térêt même de l'œuvre, que ces concours demeurent au premier plan. Mais n'est-ce point à l'instituteur que revient, le plus souveut, d'en déterminer le choix, de suggérer ou d'effectuer les démarches destinées à obtenir des adhésions et des subsides, de s'interposer en arbitre écouté, pour dissiper les malentendus, les conflits nés de rivalités d'influence? A lui, encore, incombe, la plupart du temps, le soin d'organiser un programme d'action, de veiller à sa mise en pratique, de varier le choix des moyens, comme, aussi, d'intervenir auprès des familles et des anciens élèves pour rendre l'assiduité plus soutenue. Enfin, qui, mieux que lui, peut orienter l'activité des membres du Comité vers l'assistance à prêter aux pupilles? Guider les adolescents dans le choix d'une profession, faciliter leur placement, les soutenir par de bons conseils, des encouragements, au besoin, même, par l'attribution de secours : quel vaste champ ouvert aux initiatives! b) Associations d'anciens élèves. - Elles recrutent leurs adhérents parmi les seuls adolescents sortis de l'école et se donnent pour but de développer et fortifier les liens de bonne camaraderie. Leur administration est l'œuvre des adhérents euxmêmes : groupés autour de l'école, devenue leur maison fraternelle, ils se forment, par la pratique du « self-government», à l'exercice de la liberté disciplinée et réfléchie. Ils élisent, parmi eux, un président et un comité, composé de membres aux fonctions spéciales : trésoriers, secrétaires, commis.sion des fêtes, etc. Plusieurs fois dans le mois, ils se réunissent en causeries amicales, revoient leurs anciens maîtres ou maîtresses et leur demandent conseil, en exposant leurs projets. Ils partagent les mêmes distractions,
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s'encourage_ t mutuellement, s'associent en des mon ments difficiles. Ainsi naissent des sentiments de solidarité et la oonviction qu'on ne pe~t ni ne doit vivre dans l'isolement. D'autre part, l'Association s'intéresse aux élèves actuels de l'école; elle leur distribue des prix, des secours en nature, les aide à poursuivre leurs études, à choisir un mé tier ou se placer en apprentissage. Elle remplit. à leur ég'ard, !e rôle- bienfaisant d'un patron éclairé et affectueu·x. Défenseurs-nés de l'école laïque, fidèles à ses principes, ses membres en servent avec ardeur l'idéal de tolérance et de solidarité. ils contribuent à faire d'elle, dans la commune ou le quartier, « la maison d'nmitié », gaie et accueillante. Réunions et fêtes se succèdent pour l'agrément de tous : concerts, matinée~ ou soirées, excursions, voyages d'études, . concours et démonstrations de gymnastique, institution de salles de lecture, de bibliothèques, de cours, l'action ùes Amicales prend les aspe9ts les plus divers. Pre~que toujours, l'initiative de créer une Association d'anciens élèves est venue de l'instituteur. li ~n a groupé et organisé les éléments, leur a donné l'impulsion première. Sa,gement, il n'a ~u garde ~e solliciter ou d ' accepter Ja présidence effective : il a voulu, à la fois, éviter tout risque d'évoquer une étroite dir,cipline scolaire et donner aux adolescents à.es occasions de faire montre d'initiative, de se familiariser avec l 'exercice de la liberté et de prendre contact avec les 'r esponsabilités. Conseiller d'au~ant plus écouté qu'il agit avec discrétion, il , assure le succès par ses avis expérimentés et l'opportunité de ses interventions . .. c) Unions sporliYes. - Socjet_és d' Education physique et de Préparation militaire. - De plus en plus, les adolescents participent aux exercices d' éducaticm
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physique ou à la préparation militaire, organisés par des associations communales ou cantonales. Celles-ci sont, habituellement, pourvues d'instructeurs militaires; celles-là ont, d'ordinaire, pour directeurs, des jeunes gens récemment libérés du service. En général, !'Instituteur y joue un rôle moins actif que dans les autres œuvres post-scolaires, mais il lui reste de devenir, selon le cas, l'animateur adroit ou le conseiller écouté, qui mettra en garde ses anciens élèves contre les initiatives décevantes ou, même, dangereuses, notamment dans la pratique des sports, d) La Mutualité scolaire. - Créée en 1880, dans l'un des plus populeux quartiers de Paris, par M. CAvÉ, juge au Tribunal de Commerce, elle S'il répandit très vite dans toute la France. Président d'une société de secours mutuels d'adultes, M: CAVÉ avait constaté qu'à l'attribution de secours convenables, lors des maladies, s'opposait, au moment de la vieillesse, l'insuffisance des pensions servies aux adhérents. Dès lors, il pensa qu'il fallait commencer tôt l'application des principes mutualistes et tirer parti, à cette fin, de l'école primaire. L'expérience n'allait point sans difficultés : à trop demander à des enfants peu fortunés, on risquait d'échouer. M. CAVÉ imagina un mécanisme très ingé-: nieux et très simple : l'enfant verserait 10 centimes 1 par semaine; la moitié servirait à constituer un livret personnel de retraite, majoré de tibéraiités de l'Etat; l'autre moitié, mise à un fonds çommun, permettrait de délivrer UI1 secours à la fàn'Ii:l{e du sociétaire malade (50 centimes par jour pendant 1 mois et 25 pen1. ~a coti~atioµ a été rel evée, ces defnières années (pour les adhérents de moin3 de 13 ans, 0 fr. 20 par semaine; pôu,r ceux d'au-dessus, 1 fr. par mois),
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dant le mois suivant ). Ainsi, la Mutualité, dans l'emploi de ses ressources, s'orientait à la rois vers la prévoyance et la solidarité; de plus, elle montrait, « tout ensemble, à l'enfant, la puissance de l'épargne et celle de l'association, qui lui apprend, à la fois, la prévoyance pour soi, forme , de l'intérêt bien entendu, et la prévoyance pour autrui, forme de la fraternité » (Po1NCARÉ). On peut ajouter qu'elle développe en lui le sentiment de la dignité : indemnités de maladie et retraite ne sont pas une aumône, mais le fruit de ses efforts. Dans la pratique, l'instituteur, toutes les semaines, recueille les cotisations des adhérents. Une part, versée à la caisse de la Société, sert au paiement de l'indemnité de maladie. Rarement, ce paiement absorbe les fonds disponibles : les familles ne le réclament pas toujours. L'excédent, accru des cotisations des membres honoraires, des subventions de l' Ela t, du département, de la commune, placé à la Caisse des dépôts et consignations2, constitue le « fonds commun », inaliénable : il sert à payer les pensions de retraite des sociétaires parvenus à cinquante-cinq ans, après quinze ans, au moins, de pat'licipalio'n ·. Une deuxième part est affectée à l'établissement, pour chaque sociétaire, d'un liYret individuel de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse. Des versements supplémentaires peuvent être effectués, en vue de relever le taux de cette retraite. Ainsi, chaque sociétaire voit se former, parallèlement, deux pensions· en sa faveur : l'une provenant du fonds com1. Actuellement, l'indemnité journalière s'élève à : 1° pour les sociétaires de moins de 13 ans, 2 fr. (1•• mois) et 1 fr. (2• mois); - 2° pour ceux de plus de 13 ans, 3 fr. et 2 fr. 2. Elle sert un intérêt de 4,5 °/o, d'après la loi du 1•• avril 1898.
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mun inaliénable; l'autre, de ses versements sur le livret personnel 1 • A sa sortie de l'école, il peut être admis à continuer ces versements aux mêmes fins d'assistance et de constitution de retraite. Le fonctionnement de la Mutualité _ dépend pour beaucoup de l'Instituteur. Propagandiste, secrétairetrésorier, répartiteur des indemnités, intermédiaire entre les cotisants et l'Etat, il supporte le gros de l'effort matériel qu'exige la marche de l'œuvre. Mais son dévouement prend une forme autrement éducatrice s'il a su créer, entre les divers adhérents, ce courant de solidarité qui les pousse à l'entr'aide, à l'abandon de leurs droits en faveur des plus malheureux et, surtout, quand il les a convaincus que l'aumône atteint la dignité, fût-elle donnée par l'Etat, et qu'on se doit à soi-même d'être l'artisan de sa sécurité et de son bien -être. e) Caisse d'épargne scolaire. -Imaginée en France dès 1819, elle fut en grande prospérité de 1874 à 1886. On y a vu, à juste titre, « un exercice d'éducation sociale et morale, dirigé et animé par l'instituteur. Elle enseigne la sage économie comme on enseigne une vertu, en la faisant pratiquer » !!. Malheureusement, depuis 1890, sa fortune va décroissant : elle a préparé la voie à la Mutualité, qui l'a vite éclipsée. Son fonction.ne ment est des plus sim pies : toutes les semaines, les élèves apportent à l'Institu-' teur un ou plusieurs « sous »; on les échange cont1·e des timbres de cinq centimes, aussitôt collés sur un
1. Dans certaines sociétés, le fonds commun inaliénable n'existe pas : la somme restant en caisse après le paiement de toutes les indemnités de maladie, répartie entre les divers adhérents, est inscrite aux livrets personnels. 2. Da MALARIE. Guid_ e-manuel des Caisses d'épargne scolaires. Hachette, 18911
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carnet ou une feuille spéciale. Quand la valeur des tirpbres atleint un franc, on l'in sc)·it au livr<Ct du ,déposant. Dans certaines éco le s, en vue de susciter l 'ému lation et d'encourager l'épargne, des bons points-centimes sont offerts aux élèv es les plus méritants et décomptés de la mêR-1e manière. L'usage du timbre-épargne a disparu; l'idée d'économie a survécu. Les instituteurs ont estimé plus p1·atique, mieux en harmonie avec les conditions économiques actuelles, de substitu er la Caisse d'épargne à la Caisse d'épargne scolaire. Les versements les plus modiques sont admis : il sulfit de déposer un fra ne pou l' ohte~1ir ua livret . On ne saurait trop inciter les élèves à pratiquer cette forme de la prévoyance : ils trouveront dans la lenle mais sûre constitution d'un liv,ret, des ressources intéressantes quand, devenus adultes, ils songeront à s'établir. Loin de s'exclure, Caisse d'épal'gne et Mutualité se eomplètemt et s'harmonisent. f) Caisse cles écoles. - fmpfrs<ée à toutes les communes par la loi sur l'olYligatio n sce>laire1, elle a pour objet d'encourager et de faciliter la fréquentation de l' école ,pu.b.lique pàr des récompenses aux élèves as~idus et des secours a,u.x élèves indigents. Ses 1 ,essources se composent de c0tisations volontaires, de subventio,ns de la commune. du départemel.'lt et de l'Eta,t, de r eclevaa,ces duo'S ,pour les a€1.judications publ.iq,nes faites à l' éco le, d,e d&l'ls et legs, eLc . E~1 Cai-t, peu cle communes., au moiÏ:lls pamni celles de la campagne, en. possèdent - et c'es t regrettable. 'l?(!)ùt maître de·vrait en provoque!' ·l'in st'Ït utron 2 ; si faibles que soient les i'essources, elles aideraient la
il.. 28 rnar~ 1882. 2. Une délibération du Conseil Municipal suffit.
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,·réquentation des enfants pauvres dont, trop souvent, hélas! une raison d'ordre vestimentaire motive l'absence. Au surplus, en bien des cas, un appoint sérieux vient de fêtes, tombolas, quêtes, etc. En maints endroits, l'rngénios'ité et le dévouement des maîtres ont, ainsi, permis de distribuer gratuitement des :·ournitures scolaires, des vêtements et des chaussures, parfois des repas chauds aux écoliers indigents. g) Cantines scolaires. - Ces repas sont préparés et servis, durant une bonne p;trtie de l'hivér, pa; les cantines scolaires. Habituellement, le matériel pi·o 7 vient de la Caisse des écoles, des municipalités ou des Associations d'anciens élèves, qui rétribuent aussi la femme de service. Le budget s'équilibre par des subventi'ons, des dons en nature ou en argent et la contribution des élèves : ? moins d'indigence absolue, il convient que chacun paie, si pecr que l'on voudra, le repas consommé, afin d'ôter au bienfo,H reçu le caractère humiliant d'une aumône. La création des Cantines scolaires mérite d'être encouragée dans toutes les communes rurales, où J'écble reçoit des enfants venus de fermes éloignées. Si la préparation de repas complets n'est point toµjours pqssible, maîtres et maîtresses peuvent, tout au moins 1 réchauffer les aliments apportés PV les enfant:, 1 et tenter d'obtenir qu'une soupe châuae leur soit servie. A ces témoignages de sollicitpde 1 les parents app,récieront souvent la valeur de !'Instituteur. ' h) Colonies de vacances. - Se préoccupèr de don1. Nul ne peut les y conlraïndre. - Le po êle de la salle de classe ne doit « contenir ni four ni chauffe-plats " (Instruction du 18 janvier 1887, art. 26). Ce serait uqe faµte que d';iutoriser l~s «j_)èves à faire réchauffer leur repas sur le poêle (e~ .. cas d'accident, responsabilité de l'instituteur).
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ner aux. écoliers chétifs, logés dans des appartements malsains ou dans des villes à l'atmosphère impure, les moyens de fortifier leur santé, d'entrer en contact avec la vraie nature, de s'ébattre dans un milieu aux influences nouvelles et, à tous égards, bienfaisantes, n'est-ce point développer d'heureuse façon le rôle tutélaire de l'école? Le grand air et la liberté, une nourriture abondante, vivifient des enfants mal disposés à résister aux influences morbides; l'instruction se développe par l'acquisition de connaissances que les livres n'enseignent point; l'éducation s'étend et s'élève : l'existence en commun développe l'esprit d'initiative, les habitudes d'ordre et de bonne tenue, le sens de la sociabilité (concessions mutuelles, services rendus, correction du langage et des manières à l'égard des étrangers, etc.); la vie parmi les Raysans aide à les mieux connaître et contribue à ~étruire le dédain qu'ont pour eux bien des citadins. ,A tous égards, la « Colonie de vacances » est digne de fa ,sollicitude des Caisses des écoles et associations jiiv.erses, des municipalités et départements, des initiatives privées sympathiques ·à l'école. Grâce à ces concours, moyennant une rétribution minime ou, a·uelquefois, gratuitement, des enfants malingres, d é;hérités du sort, goûtent le bien-être réparateur de vacances agréables et tonifiantes. Leur choix se fait parmi les moins fortunés : un médecin y procède, généralement aidé par l'instituteur, qui le renseigne sur les antécédents, les habit11dcs, la situation familiale, etc., avec une prudence éclairée et une scrupuleuse sincérité. Très souvent, un Instituteur dirige la colonie. Groupés dans un vaste loGal, ou répartis chez quelques habitants, lès enfants constituent, pendant un mois environ, comme une vaste famille. Le maître
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établit l'horaire des jeux et promenades, des distractions intellectuelles; il veille sur leurs ébats, leur santé, leur éducation. La répartition des colons dans des familles complique quelque peu sa tâche , du point de vue éducatif surtout,_car la surveillance est plus difficile. D'autre part, les enfants, éloignés de leurs parents, quelque peu privés du con tact de leurs cumarades, risquent d'e souffrir de leur isolement. Ces inconvénients ne sont point irréductibles : l'ingénieux dévouemeut des instituteurs a, pour beaucoup , contribué au succ ès des colonies de vacances. i) Sociétés de tempérance . - Les sacrifices que s'impose la collectivité pour instruire et élever enfants et adolescents, risqueraient de demeurer inutiles si, éloignés de l'écol e, ceux-ci se laissaient aller à la séduction meurtrière de l'alcool. Il est apparn que, de bonne heure , les t erribles mé faits de l'a : ,: oolisme devaient être mis en lumière. Par des arrê tés et une circulaire ministérielle de 1897, l' enseignement ofltciel de l' antialcoolisme a été introduit dans les programmes scola_res, d'où il est naturellement passé i :inx cours d 'adultes, associations et patronages. Parallèlement, des Sociétés de tempérance se constituaient et faisaient appel aux membres de l'enseignement, en vue de créer des sections cadettes , grnu pant les écoliers dès 9 ans et les adolescents jusqu'à leur majorité. Elles eurent un plein succès aux enviroris de 1900 1 • Depuis, les activités se sont orientées vers d ' autres buts : au demeurant, par les
1. Principales associations de tempérance : Ligue nationale contre l'alcoo lisme: 34, bou le vard B ea umarchais, Paris; Union f,·an çais e antialcoolique : 5, rue de Latran, Paris ·; Association de la Jeun esse fran çaise tempérant e : 115, rue du FaubourgPoissonniè1·e, Paris; La Prospérité, 15, boulevard du Temple, Paris,
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MOR.ILE PROFESSIONNELLE
clisfractions saines offertes aux jéunes géns, e!Ies concout'ent au même t'ésultat. Quelques sections existent èncore. Elles demandent à leurs adhérents l'alislention dës boissons dites spirittieuses (alcools de clistillalion), sauf prescription médicale, et l'us·age modé1,é des boissons fermentées (vin, cidl'e, bière). A juste titre, elles se défient de l'oqtrancê çlans le bût à pour's uivre comme dans les moyens a émployer: donner dans l'excès d'abstinence, exposeratf toniber dans le ridicule et à heurter . des intérêts vitaux pour le pays. « Dans un pays comme la France, fiëre âes vi:gnes dont elle est couverte, il y aurait impolitesse à ne pas rendre justice au vin, au bon vin généreux, richesse nationale 1 • ,, Une habile prudf'.nce conduit à des résultnts sûrs et durables. L'important est d'éduquer l'adolescence. Au mo.:; rlient où l'apprenti, livré à lui-mème, sollicité par de douteuses fréquentations, se montre désireux d'affirmer sorl indépendance en pénétl'ant au cabaret, la nécessité élevien t impérieuse cl' ëclairel' et de sou tenir sa volonlé vàcillante. Si l'Instituteur ne voit point la possibilitê d'organisei', à cehé fin, des associations de tempér:ince, au moins doit-il s'applique/·, darls les cours d'adultes, patrohages et associations d 1éleves, à mène!' rul:lë ef bonne ~uerre cohtre l'alcocrl.
a
= Conclusïott. =
Le bienfait des œtivres post-scolaii•es est immènse : qu elles s'occupent d'instruction ët d'ëducatioit poplllaites ou dë préservation et d'assistance, elles aboutissent à ces résultats admirables : dévelbpper dans le!f cot1scienëes tê s~rldment de la prbtèction due à l'enfance; permettre a l'initiative prjvée, voloptairement disciplinée, 'de s't1ffirmer à côt~
1. BhÊT. OiHours prouoncé à la Fê[è de
la Tempérance, le
19 mai 1898.
�Jwu; /JE L'JNSTITU1'EUR DANS LES O EUVRES
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de l'organisation administrative; lancer hardiment l'école dans le courant des idées de solidarité dont se réclame la soci été contemporaine. En même temps, le développement d~s sentiments de prévoyance, de dignité, de fraternit é, dès l'e_n·Pance, n'est pas le moindre des services rendus par l'Ecole : la rude foi et l'ardent dévouement de ses maîtres gngent la prospérité d'un~ riche ·floraison d'œuvres., honneur de nptre t!lmps et ç!e nQt!:e _pays.
�CHAPITRE XI
La vie privée de l'Institutenr. Educateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs.
L'opinion publique se montre beaucoup plus exigeante à l'égard de l'instituteur que des autres fonctionnaires de son rang. On le rapproche, (lolontiers, du Prêtre et du Magistrat, pour qui respect et considération s'affirment daPantnge, mais de qui, en retour, on Peut une Pie priPée exempte de critiques. Non sans raison, on estime que, pour être « égaL à sa tâche », l'instituteur doit se montrer « lui-même ce qu'il enseigne qu'on doit être » (BouTRoux); sinon la c11nfian ce se réserve. Certes, l'existence ne Pa point sans difficultés quand elle s'écoule parmi des populations rustiques, portées à se défier, malPeillantes, parfois, et promptes à la critique et au blâme e,wers tout « étranger ». Rn bien des cas, il suffit de peu pour fonder un jugement dé(avorable, précurseur d' hostilité sournoise ou de mépris agressif. Aussi conPient-il de se montrer prudent, et, par une ferme Pigilance, de préserPer tenue, langage et conduite des atteintes de la critique.
I. La tenue. = a) Mise. - L'instituteur d'il y a un demi-siècle se montrait austère dans sa toilette : redingote et chapeau haut de forme, éléments décoratifs, lui valurent de l'autorité. Aujourd'hui, la cul-
=
�LA VIE PRlVÉE DE L'lNSTITUTEUR
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ture donne plus de considération que l'habit : pourtant, l'erreur serait lourde d'apporter un som médiocre à la tenue. Simple et correcte, elle ne doit ni détonner avec le milieu ni subir l'influence du laisser-aller des populations ouvrières ou rurales. Un travailleur manuel, au moins à ses heures d'effort, s'expose à des con tacts sali.,ssants : quoi de plus naturel qu'il revête de vieux habits, pas toujours très propres? Dans leur classe, instituteurs et institutrices recueillent des taches d'encre, des traces de craie, maintes poussières. Aussi, ne leur demande-t-on point d'exercer en toilette; mais on s'étonnerait d'un manque de soin: effets élimés, boutons arrachés, coutures défaites. La crainte des souillures ne doit point conduire au désordre malpropre : une blouse, un tablier, laissés au vestiaire, la classe achevée, suffisent à préserver un cos tu me simple et en bon état. En fait de mise, tout détail prend de l'importance. Des maîtres habitant l'école se rendent en classe sans col ni cravate : quelle autorité prendront leurs conseils de bienséance? D'autres, par temps chaud, enlèvent leur veste, <l i '. c;: lonnent leur gilet, mettent de vieilles savates. A la campagne,-:-- les chemins sont si boueux, les routes, poussiéreuses! -:- on cire rarement les souliers : à la· longue, pas mal d'instituteurs se plient à l'ambiance. Et le spectacle est vraiment regrettable, en quelque endroit isolé, d'un maître jeune encore, à la b~rbe hirsute ou à la figure mal rasée, aux cheveux embroussaillés, aux ongles longs et sales : en quoi un tel 111épris de la correction sertil « l'idéal démocratique »? et pense-t-on se hausser en esprit à afficher une telle indifférence pour la « matière »? Trop souvent désordonné, fort sensible aux suggestions, l'enfant imite bientôt un tel sans-
gêne.
�MORAte PROFESSIONNE-llE
Au.tant que ta négl-ig;e,n ee, une coqueblerie exl\gé-rée rndispose. Dans les vill-age,s, oil chacun se mon,t,re s:.trict ,sur la moralité d'autn-ti, elle constitue un éJément décisif des jugements. Plus que l,oors collègues masculins, les institutr.i,ees risquent de heurter l'opinion par l'absence de discernement dans le choix de leurs toilettes. Les modes pénètrent lentement da1ls le-s campagnes et, encore, après déformation. Aussi faut-il tenir compte de la me,n talité des parents, dans la mesure où elle paraît ra.isonnable. Donc, nulle exagération dans le désir, légitime en soi, de « suivre la mode » ou de se dégager de la rusticité; nulle hâte intempestive à .modifier la coupe des vêtements, la couleur des tissus, la forme d'une coiffure. La coquetterie est acceptable si elle se montrn discrète et de bon aloi. Une tenue séduisante, sans apprêt ni recherche, plaît aux enfants el à leurs parents; elle les incide à la déférence et, par là, contribue à fonder l'aulorité. Au contraire, l'abus des fards, des parfums et autres accessoires d'une toilette compliquée provoque des réflexions i;lésobti.gea.ot,es et des j ugemeu ts s:évères. b) Attitude. - Egalement, on doit s'interdire tout ce./CipUi, dans l'attitude et les geste.s, risquerait de tradu~ire un manque d'éducation. Un Instituteur qui siffie dallil la TUC ou chante à tue-tMe dans sa chambre; uneil-m,tirtmtrice <!J'1,1i, en classe, ,s'assied, jambes étenclue:s, &u.T unr chaise, se montrent incorre• e cts. Ce·u tes, il smait ii-nopportun d'afficher une allur.e .gourmée, d'exagér~r les règJ.es du bon ton et du savoir-vivre, à com,m encer p'<lr « l'accent » artificiellement donné au langage @li l'affectatioa dans la poign ée de main : la pr:é<teetion glace ou- é·l0-igne. Au« monsteur », à la <Mlie.n1ois.ellre » «..fie·1·s », 001. rend en mépni,s le,ur indif.. férence ironique. Confinés dans un isolement host.i.Le~
�U VJE PRirÉE DE L'JNSTJTUTEUR
ils s'aigrissent et s'attirent les pires ennuis: bien des plaintes envoyées à l'administration académiquè n'ont point d'atltre origine . Cependant, une trop grande familiarité conduirait à l'irresp'e'ct. L'attitud'e à prendre est' fa1tè de calme et de modér.ation, exempte de brusquerie, mais non de fermeté! Une physionomie voilée de gravité, mais toujours accueilla'nte, une voix sympathique et cordialê, achèvent de fonder la déférence. La surveillance attentive des gestes s'impose, en classe surtout, devant ces observateurs perspicaces et malicieux que sont les élèves. On doit savoir réprimer un tic, d'intempestifs bâillements - et, encore, èonserver le contrôle de soi: le nonchalant, vissé à son bureau, se montre aussi bHimable que l'agité, courant d'une table à l'autre; les gestes de colère et de brutalité, odieux, rèndent ridicule; de mêm·e, la mimique exagérée qui, sous prétexte d'ordres ou à l'occasion de fautes, se compose de gestes démesurés, signes de menace, rictus grimaçants. Res~er, toujours, maître de soi assure la dignité de la tenue.
= Il. Le langage. = cc Parle, afin que je te connaisse, » disait PLATON: à ne point surveifler son langage, on risque de se faire mal juger. a) Le temps est révolu de la préciosité dans la r~cherche des mots et l'emploi des tournures subtiles. Toute affectation du langagP- indispose et rend l'idiéulé. Dans le milieu peu cultivé où, très souvent, le sort l'a placé, l' Institùteur verrait fondre sur lui afltlp:.ithies et moqueries s'll abusait de son savoir pour ~·e~pri1ner !'ln .\errIJe~ p.Qmpe11x ~! diflicq~~ , à fOm prendre. Rien n'irrite plu~ quç la manie q~ tp\Qll~J'~ en mots savants des idées cqurantes; rien n'est plui sot ni insupportable qu'ùrte ignorance ptétentieus'i!I
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abritée derrière des vocables sonores 1 • Le moins cultivé des auditeurs se dégage vite de cette « piperie des mots », pour se gausser d'un vaniteux, ridicule à l'excès. b) Au reste, ce défaut se présente rarement chez les instituteurs, plutôt portés à s'exprimer sans recherche par l'effet de l'ambiance. Malheureusement, r'habitude prise d'uu langage terre à terre conduit, souvent, à des incorrections. Les négligences courantes, les idiotismes locaux, s'introduisent dans le .langage : « on s'en rappelle · » ... « on se sucre » (prendre du sucre pour son café) ... « on est tout trempe » (mouillé), etc. L'argot(« bécane », « p!nmard, >> «tacot» ... ), les mots parasites («ovationner», « émotionné » ... ) 1suppléent - à l'insuffisance des idées; des usages déplorables de la syntaxe s'érigent en règles (« ne m'en r,,eux, ne m'en r,,oulez pas >> ! ) De telles erreurs en disent long sur l'indiscipline d'esprit - ou l'ignorance - de ceux qui s'y abandonnent. c) Il y a pis encore : Ile débraillé du langage, qui correspond à un relâchement d'àttention. Le bouleversement de la guerre a introduit, dans la conversation, nombre de mots vulgaires et, même, grossiers. Certains ont vu, dans leur usage, tantôt l'expression de sentiments égalitaires, tantôt la marque d'un affranchissement envers le pédantisme ou un signe d'originalité, de puissance dans la pensée ! Mais que gagne 1,me affirmation à être ponctuée de jurons? quelle indépendance ou originalité acquiert- on à donner le verbe « foutre» pour support à sa syntaxe? à exprimer ennui, aversion, rancune, surprise, trouble,
1. « Quand la faiblesse des hommes n'a pu trouver les véritables causes, leur subtilité eu a substitué d'imaginaires, qu'ils ont exprimées par des noms spécieux qui remplissent les oreilles et non pas l'e_ prit,,. (PASCAL, Préface d'un traité du vide.) s
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satisfaction et maints autres sentiments par un terme « ignoble », répété à satiété? Qui se respecte s'en préserve comme d'une souillure. d) Ces considérations morales se complètent de cette règle visant la tenue « matérielle » du langage : s'efforcer à une bonne prononciation, afin d'être exactement compris et d'offrir un exemple. D'où, nécessité de bien articuler, pour ·d onner aux consonnes toute leur valeur et permettre à la voix de porter au loin, distinctement; d'où encore, obligation d'effectuer un judicieux emploi des différents registres ( notes hautes:· voix de tête; notes basses : voix de poitrine), de dépister et corriger les fautes locales de prononciation (confusion entre on et an, accentuation des nasales, etc.). Un débit monotone, sans vie et sans charme, rend la conversation pénible et languissante. Il engendre l'ennui, favorise l'inattention et influe fâcheusement sur les enfants, qui ont tant besoin d'être façonnés à parler! En les aidant à s'exprimer avec simplicité, d'un ton naturel, en les reprenant sans affectation, par la vertu de son propre exemple, )'Instituteur les conduit à délaisser les manières de parler malséantes,-et ce ton nasillard, si désagréable, dans la récitation des leçons.
= III. La conduite. = On entend, parfois, de jeunes maîtres, épris de liberté, revendiquer le droit de « vivre leur vie,,, sans nul souci des contingences. Un instant de réflexion suffirait à les convaincre que, professeurs de morale, ils se doivent, sinon à la logique, d'en respecter mieux que qu"iconque les règles. Malheureusement, à la sortie de l'E. N., ces règles _n'apparaissent point, toujours, avec une force suffisante. Pour une majeure pa1·1, la faute en revient aux circonstances. A la vie ordonnée jusque dans les
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moindres détails (heures fixes des repas, du ~oucher, du travail personnel et des cours, etc. ), succède une existence de grande liberté. Et combien différ~nt le milieu! Hièr, travail en commun avee des camarades aux mêmes aspirations, aux goûts semblables ~ à la culture identique; aujourd'hui, isolement parn'lf des populations indifférentes au jeu de l'esprit, mai~ sensibles aux résultats pratiques ef immédiats, préven·u es, au surplus, contre le « monsieur » au.x mains blanches et la« demoiselle», suspecte de par ses études et sa liberté d'allures. Pàr surcroît, H1 jal~usie s'excité, contre le fonctionnaire bien rerit~; travaillant au chaud l'hiver, et l'été, à l'apri du soleil, bénéficiaire de fréquèt:ttés vacances. Comment vivrè sans dommages en un tel milieu? a) Choi.-r: d',ine pension. - La première question à régler - source parfois féconde d'incidents et de soucis - intéresse le logement et la nourl'itul'e. Généralement, l'école offre un gîte au nouveau venu; quelquefois, il se trouve contraint d'aller ailleurs. Dans une petite coll?-mune, auberge ou hôtel convenables sont rares. Non sans se faire prier et exagérer la valeur du service rendu, le patron d'un café consent à héberger « le maître>>. Même en payant bien c~er, ?~ n'obtjent guère de confort. L'adresse consiste à sé montrer accommodant, - mais, aussi, à user de prudence : une promiscuité, à l'abord amusante 1 peut créer des relations bientôt importunes. Une réserve souriante et, à l'occasion, énergique, s'impose envers qui se montte par trop familier, au repàs servi en commun ou dans la salle du cabaret. Bien entendu, il ne s'agit point de s'afficher hautain ou dédaigneux à l'égard des maladroits bieri intentionnés, mais, en évitant toute attitude déplacée ( boir~ au comptoir, jouer aux cattes, t>tc.), de I"éagir contl'e ·
�~A VIE PRIV&E DE L'JNS'l'ITUTEUR
les ge~tes mals éants on les paroles grossières. Une querelle, la présence d'un ivrogne ou toute autre inconvennnce doivent fom·nir prétexte à denrnnder l'isolement. Si !'Instituteur y gagne, a fortiori, l'Institutriqe . Cuisiner ses repas, si désagréable que ce soit, vaut mieux pour celle-ci que fréquenter l'auberge rurale, - ou , même, la table d'hô-le du restaurant achalandé. Pensionnaires et clients de pnssage, à l'ordinaire polis , se lais·sent volontiel'S aller à d'équivoques niaiscI;Ïes, en présence d'tme jeune füle. Habiles à nouer la conversa·t ion, à la fave- d'un lapsus, ur d'une inadvertance, ils se ri--sque~t à de gênantes familiuités- La timidité empêche-t-elle une saluiaire . réaction.? Us y voient un etl'Coura·gement. D'où, risques d'ennuis. 2° J~dis, pour une rétriàution modique, le directeur recevai.t à sa table l'adjeint célibataire: prot égé contre les surp,rises du dehors, celui-ci vivait en compagnie de « gens du métier ». Cependant, la situation n'allait pas toujours sans ennuis : le directeur s'avéuait 11utorita,ü :e; la ménagère, regardante; les jeunes Il'llH)quaient de partience, se moubiaient difficiles, incompréhensifs. On se séparait et venait la guerre. Aujourd'hui, le relèvement d.es traitements a, de part et d'a• ,t re, accru le désin1'indép-endanc-e. Mais la H pension familiale se retrouve aiLice.urs. La je1rne Institutrice y vit mieux -et plus libre qu'à l'a1Ube1·ge; le débutant y évite de-s oocasio,.fls d.e bmire, de n,oH,e:r des relations suspectes. Auprès -de leuirs hôtes, t1ms deu,x bénéfioieint de calme, de sympathiesiplu,s sûres, d'effi-_ caces re:cours contre l'ennui d'une mo,r ne r6-sidenc'e et de s·oi.ns dévoi;rés en c:ms de ,mabdie. Sa-Ms - oute, là ~ comme ailleurs, trouve-l-on des inconvônients. Certains méritent peu d'attention: le père peUlt être serviable, _ ma~s bo\llg0n; la ménagère, pcéve1rnute, ma-is
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indiscrète; les enfants, bruyants et, en classe, d'au" tant moins disciplinés qu'ils escomptent, sournoise" ment, un traitement de faveur. D'autres deviennent inquiétants si, à la présence du commensal, se lie une possibilité de calcul ou de critique ( fils ou filles de la· maison en âge d'être mariés, par exemple). On voit combien se révèle nécessaire la prudence dans le choix. Si, par tradition, une famille héberge les ins" tituteurs, inutile de changer. Dans le cas contraire, on recherchera une famille de réputation assurée, paisible, vivant hors des querelles locales, aux enfants établis ou de même sexe que le pensionnaire. Le temps, une bonne humeur patiente, la volonté d'apprécier le ser" vice rendu, de se montrer accommodant et serviable, feront le reste. b) Entretiens et relations. - 1° Savoir prendre gaiement son parti des circonstances et vivre en toute simplicité, c'est la sagesse même. Rester à l'écart provoque une froide réserve; elle tourne à la défiance, puis à l'hostilité, si on se livre au jeu maladroit des récriminations, dans les entretiens. Le paysan aime profondément son terroir, l'horizon qu'il a modelé, dans une certaine mesure : mille liens inconscients l'attachent au sol, aux bêtes, à ceux qui l'entourent. Des comparaisons diminuant son village le blessent, comme le dédain pour ce qu'il chérit. En retour de leurs sentiments paisibles et conciliants, bien d'in" suffisances sont pardonnées à des maîtres médiocres : ils surent se faire adopter _par le milieu. Sa situation vaut, quelquefois, à l' Instituteur, des confidences. Qu'il évite de s'en rendre le propagateur étourdi et maladroit! Prêter l'oreille aux cancans et, plus encore, les répandre, serait, pour lui, une ins" piration malheureuse. Son rôle consiste à décourager les imaginations malveillantes, à mettre au point les
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menus inciden_s grossis par l'oisiveté, le désir de t paraître mieux renseigné, la rancune ou l'envie. Agir en pacificateur ne laisse aucun regret, mais non se mêler des affaires d'autrui, m,al à propos 1 • Il jouit d'une entière liberté en matière d'opinion et de croyances. Nulle critique ne doit s'élever à le voir suivre les cérémonies de son culte. En retour, parce qu'il doit l'exemple et enseigne le respect de la conscience, il lui revient de s'interdire toute raillerie provocante, toute manifestation contraire au principe de neutralité accepté avec sa fonction. Sa règle de conduite apparaît très nette: ni abdication, ni sujétion, mais du tact et une ferme volonté de sauvegarder l'indépendance nécessaire au respect de sa dignité 2. 2° Choisir ses relations ne demande pas moins- de tact que régler ses entretiens. En principe, point de préférences entre les familles 3 : elles attisent les jalousies et rendent suspects désintéressement et dévouement. D'autre part, à moins de malhonnêteté avérée, personne n'est à fuir. S'ériger en censeur messied à !'Instituteur : souvent, une compréhensive bonté, quelque parole d'encouragement, suffisent pour ramener au bien. Donc, bienveillance pour tous, nulle sollicitation d'avances : on craindra moins de froisser les susceptibilités, si les circonstances conduisent à nouer des relations plus précises avec quelques notables de la commune. Encore, se gardera-t-on de ces rapports qui tournent à la sujétion; viennent les rel~chements, une demi-rupture : les
1. Cf. ch. XIII: L'instituteur Sec_rétaire de Mairie, § V, Discrétion. 2. Cf. ch. IV : L'instituteur et la liberté d'opinion'; - ch. XII : L'lnstitute11r et la vie pul,liq11e. 3. Cf. ch. IX : Rapports avec les familles .
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aigreurs se manifestent jusqu'au jour où dépit et rancunes stimulent les amis d'hier à se nuire. Cette règle se précise, pour· les institutrices, par la nécessité plus étroite où elles se trouvent d'éviter tout soupçon contre leur moralité. Il leur apparlicnl de rester très réservées dans leurs relations et discrètes dans leur allure. Les «dames» qui jugent avec indulgence les écarts d'une jeune villageoise s'offusqueraient d'un léger manquement aux bienséances chez une Institutrice. Seule et jalous ée, saus la force et la sécurité que donne la prése nce d'un père, d ' un grand fr è re ou d'un mari, on lui fait grief de la moindre étourderie ou d'insignifiantes apparences par exemple, des sorties fréqu c n tes à la ville voisine, en vue de se distraire ou de retrouver une camaraà~ d'E. N. Certaines heures d'e loisirs se révèlent si pesantes! On lit, brode, rend, des visites .. . mais quel mal fait-on 11 changer d'atmosphère, de temps à autre ? Rien n'est mei lieur pour l'esprit - et le mor;il - que de visiter les collègues du voisinage, d ' assister à une réunion corporative ou de se rendre à la bibiiothèque pédagogique : les idées se renouvellent, la tristesse se dissipe, d"intéressantes relations se nouent. Précisément, parce que ces déplacements n'offrent rien de répréhensible, on n'a point à eu faire mystère. ~ais il faut éviter de les rendre trop fréquents et d ' aiguiser les curiosités. c) Payer comptant. - Avoir et conserver un vif souci de sa dig1\ité préserve des erreurs et défaillances. En voici de multiples preuves. Des négligents se préoccupe11t pe~ « de' fairn honneur » à leurs affaÎres : ils vivent au jour le jour, contractant des d·ettes, régl ée s en bJoo à la fin du mois. Des vanit eux s'engagent dans de lou1·des d épenses : jadis, la, bicyclette s' achetait à crédit; aujourd'hui, c'est la moto
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ou l'automobile ; à des conditions onéreuses, on sousçrit l'achat d'un phonographe, de livres dépourvus de fraicheur, d'un trousseau élégant. Ainsi, l'avenir s'hypothèque. Qu'une circonstance imprévue fasse différer le rè g le me nt d'une traite, ou d'un compte de fournisseur, les e nnuis commencent : ~es bavardages indiscrets pr écède nt les réclamations sans aménité. Au surplu,s, combien lour~e , à l' usage, devient une acquisition de médiocre utilité! Les « séries complètes » de romans , achetées à cause d ' une « prime », de?ieurent sur les étagères : avec le temps, leur vµe accentue les regrets ... d) Le marir;1,ge. - Le mpment est venu d 'aborder un _point délicat : le mariage. Un éducateur qui se respecte ne s'y d éc id e pas sans mûre r éflexion. Or, l'âge du début est, aussi, celui de la liberté et des passions naissantes. L' opinion, sév ère au moindre écart d 'une jeune fill e , se montre indulgente aux flirts de l'adolescent. Ri en, cependant, de plus indélicat. A ce sujet, on ne saurait trop méditer ,c e lte belle page de Sil11io P ellico 1 : « La plµs faible apparence, dit-il, suffit pour ravir l'honneur d ' qn e jeune fille, éveiller contre elle la ,c,a lomnie el lui faire, p e ut- ê tre, mariqu e r un mariage qui l'aurait rendue heure,q se. Si vous vous sentez ,épris d'.arnour pour une ,jeµne fille, et que vous ne puissiez aspirer à sa main, ne laiss·ez point para 1 tre votre Damme ; cachez-la, plu tôt, avec toute esp~ce de soin. Sachant qu'elle est aimée, elle pourrait s' ~morvoir à son tour, et devenir, ainsi, victipie d' une pa<;'s ion malheureuse. Si vous vpus -apercevez avoir in5piré de l'amour à une jeune fille que vous ne vouliez ou ne puissiez épouser, ayez une égale considération
1. Des l)evoirs des Ho111111e6.
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pour son repos et pour sa position: cessez entièrement de la voir. Se complaire dans l'idée qu'on a excité, dans le cœur d'une pauvre innocente, une passion qui ne peut produire que la douleur, est la plus coupable des vanités. » Il ne faut point songer trop tôt au mariage, encore que le retarder n'aille point sans inconvénients : la venue tardive d'enfants accumule les soucis sur une période de l'existence plutôt destinée au repos, et risque de les laisser prématurément sans appui ni ressources. Cependant, une certaine maturité d'esprit s'impose pour fonder un foyer vraiment sérieux et bien remplir les devoirs qu'il crée. D'autre part, ne faut-il point disposer de ressources suffisantes? Le traitement d'un débutant lui assure une existence modeste : deux personnes - ou davantage : on doit compter avec la naissance d'enfants - auront peine à en vivre. Qu' on réfléchisse, donc, avant de se lier à une jeune fille dépourvue de ressources ou aux moyens d'existence insuffisants. Plus que leurs collègues masculins, les jeunes institutrices le doivent avant d'agréer les hommages de désœuvrés, séduits par leur traitement plus que par leurs charmes. Mieux vaut l'union avec un collègue - ou tout autre fonctionnaire. Sans doute en résulte-t-il quelques difficultés pour l'Administration, tenue de rapprocher les conjoints. Elles s'aplanissent vite et les avantages subsistent : la similitude des proîessions concourt à fonder celle des goûts, des pensées; elle détermine une aide réciproque féconde, chacun mettant au service de l'autre son expérience, ses lectures, le fruit de ses méditations; enfin, une honnête aisance apporte la quiétude. Toutefois, ces considérations ne peuvent faire oublier que les époux doivent se convenir et é prouver, l'un pour l'autre, affection, estime et confiance.
�LA VIE PRIVÉE DE L'INSTITUTEUR
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e) Savoir s'éloigner. - Une dernière indication : elle vise le désir bien légitime, mais pas toujours heureux, qu'ont les débutants d'exercer dans leur village
ou à proximité. Pensent-ils que leur autorité, si fra• gile, sera facilement acceptée par leurs com patriotes? Connus, depuis l'enfance, ils subiront une ·familiarité importune, rendant les écoliers moins dociles. S'agi· ra·t-i_ d'appliquer une règle? quelle gêne à vouloir y l soumettre, également, amis et indifférents! Ils n'accorderont guère de crédit aux avis relatifs à la conduite, la fréqueulation, la paresse. Indulgence ou sévérité engendreront des conflits d'autant plus vifs que, depuis longtemps, on connaît le maître et sa famille, leurs sympathies, leurs aversions et leurs défauts. D'autre part, comment espérer de lui une réaction contre l'« esprit de clocher», à transformer en patriotisme éclairé? Enfin, on peut craindre que le souci d'intérêts particuliers, plus nombreux el importants là qu'ailleurs, ne le détourne de son service. Une propriété à faire exploiter, quelque entreprise à surveiller, - occasionnellement, un« coup de main » à donner, pour assurer la marche d'un commerce : autant d'occasions, même pour les meilleurs, de défaillances, d'abord menues, puis plus graves, avec l'accoutumance.
= IV. Pourquoi les opérations commerciales (sont interdites aux Instituteurs. =
Dans l'intention d'en préserver les maîtres, la L. 0. 1 leur interdit « les professions commerciales et industrielles ». « Ils doivent toute leur actù•ité au service de l'Etat. Ils ne pourraient que perdre une partie de leu1· autorité dans cette confusion de leurs fonctions
1, Art. 25.
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avec les affaires commerciales; ils s'exposeraient à être accusés de subordonner leurs devoirs profession· nels à des préoccupations personnelles et à être suspectés d'employer l'autorité qni l eur est déléguée "à favoriser des intérêts particuliers et à créér au commerce un·e concurrence facile 1 • » a) La fonction absorbante, pénible, délicate, de l'instituteur réclame toute sa sollicitude, tous ses instants et ses efforts. Obligé de servir ou de renseigner des clients, aux divers moments de la journée, il serait conduit à prendre, avec son service, des libertés répréhensibles. Les préoccr pa tions causées par un commerce ou une industrie diminueraient sa lib erté d'esprit. Enfin, la fatigue résultant de travaux multiples ne risquerait-elle point d'amoindrir son aclù.,i"té scolaire? b) Au surplus, l'autorité pâtit du voisinage de labeurs si différents d'inspiratiop : l'œuvre d'éducation exige un d évouement dfsintéress é, ce don de soi que rien ne parvient à payer, mais le sens des affaires prend pour guide la recherche des bénéfices. Presque toujours, le commerçant profiterait de la considération açcordée à l'Instituteur; l'éducateur, jamais de f'habÜeté du négociaQt rompu aux affaires . D'ai1leurs, combien de circonstances rendraient péni~le sa situation! Un client mécontent se plaindrait avec _plus d'amertume de lui que de tout autre. Inévitablement, viendrait la réflexion : « Pour un professeur de morµle ! ... J> De telles allusions, appuyées de i:palveilla1)ts commentaires, atteindraient son prestige, - paJl'S_ e0mpter la maligne envie, toujours en action po9,r dénaturer les faits, la jalou.sie des concul'l'eflts, les récriminations fielleuses contre l'in,sa1. C. du 29 juin 1897.
�LA l'/B Pli/VÉE DE l'li'1ST/1'UTEU/I
tiable « budgétivore », qui n eprouve aucune h0nte « d'ôter le pain aux pauvres gens ... ». Quelle pToie pour les rancunes! On ne manquerait point de prétendre qu'il iutimide les parents pour obtenir leur clientèle et qu'il se consacre, de préférence, aux fils des bons acheteurs ... S'il réclamait son dû avec insistance ou voulait convaincre un payeur de mauvaisœ foi, malgré sa loyauté et sa bienveillance on le repTésenterait insensible à la misère des pauvres gens. Avec une telle réputation, comment enseigner la: charité? c) Quelques dérogations - assez rares - ont été introduites, dans l'interét public, au p1,incipe posé par la L. O. Sont permises à !'Instituteur : 1°) Les opérations d'arpentage, à l'occasion d'un' règlement de succession, d'une vente', « exceptionnellement» : le géomètre habite au loin et son déplacement revient cher. ,2°) La vente de livres et fournitures scolaires, là, oi.1 il n'existe pas de libraire, et après affichage d'un prix courant, visé par !'Inspecteur Primaire : école et familles gagnent à se procurer le nécessaire sans dérangement, avec célérité et :aux mêmes prix que· dans des librairies souvent éloignées. 3°) La rédaction accidentelle d'actes sous-seing priv(: elle évite l'intervention, onéreuse, d'un notaire, qu'il faut, parfois, aller trouver à une grande distance: Bien entendu, si des abus se produisaient, l'instituteur serait. immédiatement invité à cesser de telles opérations. Nulle autre dérogation ne lui est consentie; maintes fois, l'Administration a rappelé qu'il ne devait ni être agent d'assurances ou recouvrer des primes, ni exercer la profession de géomètre-expert, ou, même, distribuer des récompenses de caractère commercial.
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d) Ces prescriptions ne visent en rien sa famille. Aussi advient-il que sa femme - ou ses enfants s'établissent commerçants dans le village où il exerce. La situation, délicate, ne va point sans embûches : pourra-t-il ne jamais pénétrer dans les locaux du commerce? s'interdire de donner conseil et, au besoin, aide? On ne manquera point de dire que sa fonction favorise les intérêts du négoce familial. Malgré une prudence soutenue, son autorité se ressentira des incidents inhérents à tout trafic. Si, par hasard, les « affaires » périclitent, que de tracas et d'avanies! En somme, une telle dépencfonce nuit à sa fonction. Les circonstances (héritage, mariage) peuvent la lui imposer : qu'il s'applique, alors, à éviter toute critique, en attendant d'échapper, par une vente ou une location, à des répercussions dangereuses pour son autorité et sa tranquillité. ·
= Conclusion. =
Puisque l'ascendant moral de l'instituteur dépend, pour une très large part, de sa vie privée, il doit maintenir à celle-ci une très grande dignité. Professeur de morale, il lui revient de mettre son attitude « en harmonie avec les préceptes qu'il donne en classe, avec les principes et les bonnes habitudes qu'il essaie d'inculquer à ses élèves. » ( E. CAZES 1 .) Ainsi, il crée le respect qui entraîne les cœurs et soumet les esprits.
1. Bulletin départemental des Bouches-du-Rhône. Ja :i l"i ,, r 1888.
�CHAPITRE XII
L'instituteur et la vie publique. Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime hors de l'école? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux instituteurs.
Aux termes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public, établi par la loi». (Art. 10.) En conséquence, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen peut, donc, parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi». Il semble que cette double f acuité: librement penser'et répandre ses _ opinions, doiYe être reconnue à l'lnsti. tuteur autant, sinon plus, qu'à tout autre : sa mission n'est-elle point de former des citoyens? Les aYis, cependant, différent. Certains admettent la plénitude du droit défini par la Déclaration; d'autres, au CO!f,• , traire, estiment des restrictions nécessaires, par le fait même de la fonction : il ne saurait y aYoir, pensentils, désaccord entre l'enseignement donné et les. opinions exprimées hors de l'école.
=
1. L'attitude de l'instituteur dans la vie publiq11e. = a) Les partisans de la première thèse
n'acceptent point que l'instituteur puisse être « diminué » dans sa liberté de pensée et de propagande: il_s
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exigent celle-ci comme un droit absolu, inhérenl à sa qualité de citoyen, sauf à répondre des abus réprim és par les lois (par exemple : la provocation, par des discours publics ou dtJs ~crits mis en vente, affichés, distribués, à offenser les bonnes mœurs ou le ch e f du Gouvernement, à dése1·ter, se révolter, etc.). Ils n'entendent poiqt protéger la pens ée en elle-même, invisible et insaisissable, mais sa manifestation, qui lui donne une valeur : que servirait de s'arrêter à une opinion, s'il demeurait impossible de la révéler, propager, défendre? Interdire à un éducateur de manifester ses vues sur la structure sociale, par exemple, ou sur les décisions intéressant la vie nationale, les relations entre pàys, ou, encore, sur la , néc.essité d'empêcher le retour des guerres, de tendre au rapprochement de peuples longtemps enneh1is chose permise à tout citoyen - constitue la pire des atteln.tes à un droit imprescriptible. De plus, c'est entraver sa mission et en avilir le caractère : n'est-cc point l'obliger à d'hypocrites silences, peut-être , même, à une attitude opposée à ses convictions? Quel ironique illogisme : peser sur son jugement et sa conscience ef lui confier la formation des citoyens, libres de pensée, de parole, d'action! b) En droit, cette thèse parait fobdée : nul ne ve~t d'un « citoyen diminué » pour édirnateur. En fait , est-il possible d'accepter que sa mission s'àmoindrisse d'un désaccord entre son enseignement et spn attitude P , 1° Au regard de l'Etat, il se trouve dans Pobligation stricte de témoigner un absolü loyalisme, c'està-dire, non seulement d 'en respecter, mais d'en accepter les prineipes moraux et politiques. TAINE, r~fusant le serment de fidélité à l'Empire et résignant ses fonctions, estimait logique et probe de ne pouvoir· servir deux maîtres à la fois . Le spectacle serait,
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en effet, choquant d'un Instituteur qui exposerait, dans sa classe, l'organisation du régime républieaiu et en justifierait la légitimité, mais, au dehors, aflirmerait ses convictions bonapartistes ou royalistes el 1!mploierait ses loisirs à les répandre 1 • 2° Plus délicate se présente la question de savoir si, libre de penser ce qu'il lui plaît, l'Institnteur né se trouve point tenu au tact, à la mesure , en matière de p1'opagande. Sur ce point, la doctrine administrative, t:lèttément formulée, vise tous les fonctionnaires, - on ne l'a point assez remarqué - et non les seuls membtes de l'enseignement : « Les fonction,!aires, précise-t-elle, ont l'entière liberté de leurs opinions, hrnis ils ont le devoir de ne point compromettre, dans des luttes et des polémiques étrangères à leurs fonctions, l'autorité dont ils ont besoin pour l' aceomplissement de leur mission 2 • » - Interprète d'une grande personne morale qui le dépasse : la Nation, !'Instituteur a reçu d'elle, avec sa fonction, une certaine autorité, qu'il a pour devoir de maintenir intacte, tou·t au moins . Elle se renforce de la confiance des parents, des notabilités locales, de tous ·ceux qui, groupés autour de lui, sont en mesure d'apprécier la dignité dans la tenue, une latg~ et tolérante compréhension des cœurs et des espl'its, la perspicacité d'un bon sens servi par la prudehee et la modération du langage. Parmi ceux qui l'entdurent, quelques-uns, d'esprit faible, ou peu portlls à la critiqu~, sè laissent séduire par les formules simplistes d'ingénieux bavards et de joui·naux insinuants, ou par les attaques passionnées d'un véhément discoureur, habile à flatter les mauvais instincts. L'lnstituteur qui se joindrait à
1. Ce point a été spécialemenl examiné dans le cl:! . IV, § Il : Restriction à la liberté d'opînion de l' lnstitltteur. 2. Journal Officiel, 29 septembre 1922.
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eux pourrait plaire, un instant, aux malheureux qui l'environnent, - mais ne trahirait-il point leur confiance à soutenir de son autorité d'irréalisables espoirs? Qu'il indique, à l'occasion, comment améliorer les lois, rien de plus conforme à son rôle : éveiller le sens critique et montrer que, dans une démocratie, il n'y a aucune place pour le droit « divin », absolu et définitif, puisque la Constitution est revisable 1 • Mais, fidèle au respect des lois, en bon ouvrier d'une discipline nécessaire à la vie et au salut du pays, qu'il ne se départe jamais d'une prudente modération : à qui prêche la résistance, les représailles, les moyens dilatoires ( refus de l'impôt, par exem pie) pour manifester contre une loi déplaisante, il doit opposer la fermeté de conseils conformes à son enseignement. 3° Par aill~urs, la nation lui conféra l'autorité attachée à sa fonction avec cette condition absolue : en user pour le seul bien général. ll ne peut, par suite, la détourner de cette fin pour le service d'un parti. Au surplus, en matière d'opinions ·politiques, la discussion est de règle, d'autant plus agressive, acerbe et injuste, que de profonds dissentiments séparent les citoyens. Or, en classe, l'instituteur enseigne que la Constitution admet toutes les opinions à se manifester dans le choix de la représentation nationale : par suite, et au même degré, elles demeurent dignes de respect et de la protection des lois 2 • Il affirme que cha~un est tenu de voter selon sa
1. Art. 8 de la loi du 25 février 1875. L'initiative de la revision appartient au Président de la République et aux Chambres . La décision doit être prise à la majorité absolue dans chaqu e Assemblée, délibérant séparément . 2. La loi pu~it d'amende et d'emprisonnement la corruption et la contrainte auprès des électeurs (art. 109 à 113 du Code
pénal),
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conscience, de rester calme et de bonne foi, de s'incliner devant le suffrage rendu, si décevant soit-il. A cette sage doctrine, conforme à l'intérêt national, pourrait-il, sans se déjuger et se condamner, opposer, sous prétexte de liberté d'opinion, les manœuvres tortueuses et les violences passionnées d'un partisan? « Notre personnalité ne se dédouble pas au gré de nos fantaisies. L'homme qui se sera fait connaître hors de l'école comme un militant ne retrouvera pas, à sa volonté, dès qu'il en aura franchi le seuil, l'autorité nécessaire à ses fonctions. » ~A. CaotsRT',) Le devoir, c'est de conserver son indépendance et sa dignité, par suite, « de s'interdire tout ce qui dépouillerait sa personne de l'autorité morale indispensable à l'exercice de ses fonctions, et notamment, tous les excès de parole et d'action incompatibles avec son caractère d'éducateur ». (F. Bu1ssoN 2 .) A se mêler d'élections, l'fnstituleur altère sa fonction et la compromet: les attaques d'adversaires injustes et violents le ridiculisent ou créent la défiance; dans l'ardeur du combat, il se laisse aller à des paroles ou à des actes répréhensibles, ou . néglige sa classe au profit d'œuvres parasites (visites ou conversations de propagande, organisation de réunions, envoi de correspondances, etc.) . Il ne lui convient point de « s'asseoir sur la ~anquette d'un café, d'écouter les raisons de chacun et d'y répondre. Son attitude doit avoir un cachet de délicatesse et de .distinction morale, d'éloignement pour la vulgarité 8 ». Au temps où des serviteurs maladroits et peu scru1. Pour les Instituteurs. DxLA.GRAVB. 2. La Foi laïque, ch. Les droits civiques du Professeur. HACHKTTB.
3. Jules PAYOT. Aux Instituteurs et aux Institutrices , ch. Situ1tio11. de l'ID1tituteur e11.ven les grands intérêts de la vie,
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prtleux de };idée républicaine, excilés par la violence des assauts livrés cont!'e le gouvernelnerit âc leurs vœux, avaient voulu faite des institlltents cc ee ciu'il y a de plus triste au mondê : des .agents d'élection », la voix pressante et griive de J. FERRY tléfihi~sait ainsi le devoir : « Dites at1x In s tltU teul's qll'ils ne doi11enl être ni les servil.eul's ni les chefs d'nn parti; dites-leur que leu!' ambitio,1 doit viser plus haut qu'au:t petites luttes des petits milieux dahs lesq1tels ils sont jelés. Ils ne doi11 en.t pas falre de polîtiq11e, non! Ils doivent être eh dehors de la politique. Pourquoi? Parce qu'ils doivent êtl'e, parce que hoLis voulons qu'ils soient éducateurs 1 ... » << Restez, Messieurs les Instituteurs, là oû hos lois et iios mœurs '\rous ont placés, restez avec vos petits enf::lhts clans les régions sereines dê l'école! Cette abstention de l'instituteur est d'autant plus nécessaire que le régime sous lequel nous vivohs est plus profondément aémocratique. Oui, si le gouverhemer1t démocratique est nécessairement èlestiné à voir de fréquents changements de personnes, si ,cette mobilité du personnel gouvernant est la force de ce gouverneme11t, si elle fait sa sécurité contre les révoltHions, en même temps ,qu'elle est un gage de la honhe conduite des affaires, ·à côté de cette admirtistrâtlon chadgeah le, il faut qu'il existe un. cbrps enseigt1ant digne, stable, clura·ble, 11eillant d'un œil jalollx sur le JJlus gl'antl ét le plus pel'lnaneht des intéi·éls publics, l' etisefgne,it!mt national, sur la chose la plus sacrée et la plus respectable ctui soit dabs le monde, l'âme de l'enfant~. >) Il serait difficile de souligner avec plus de force et de vérité cette incompatibilité entré la fonction d' é1. Congrès pédagogique de 1880. 2, Congrès pédagogique de 1881,
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duGatenr et le rôle d'agent électoral. Celui-ci, pat opinion ou, plus souvent, par intérêt, d éfend une causa étrangère à la généralité et à la sérénité des théories, soqmise aux influences les plus diverses et les moins avouables (combinaisons étroites et mesquins calèuls, jeu des ambitions personnelles, haines de~ rivalités, etc.). Celui-là « ne fait pas des élections, mais des électeurs » (Jean MAcll); il s'occupe, non des actes politiques, mais de « développer les dispositions qui les inspirent: l'esprit d'humanité, l'attachement au bien général, la lutte Gontre l'étroitesse, la sécheresse, l'égoïsme 1 ». Son intervention dans les querelles locales doit se déterminer par le souci d'amener la paix. Car la raison d'être de l'école na-tionale, c'est de pacifier les citoyens : comment servil!ilit-il ce dessein, l'éducateur qui, dans la manifes. tation publique de ses opinions, par son absence de tact et de mesure, exciterait les rancunes et pousserait à la défiance? c) Ainsi se dessinent des règles pratiques de conduite : 1) Voter selon les indications de sa conscience, sans . forfanterie ni démonstrations thédlra/es (jadis, à bulletin ouvert; aujourd'hui, que le passage à l'isoloir est obligatoire, en annonçant son choix, par exemple). 2) Se refuser, simplement, mais avec fermeté, à touM sollicitation de politicien : du moment que le principe même du Gouvernement n 'est plus en jeu, l'activité dépensée ne profiterait qu'à des personnes, de semblable nuance politique, parfois. Epouser leur cause enchaîne à leur fortune. En cas cl 1échec, avanies et traGasseries de toutes sortes ne manqueront point; vienne le succès : pense-t-on se préserver de l''.1mer1, P4YoT. Op, cii.
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turne des vaincus? Jadis, J. FERRY constatait, avec indignation : « Les Instituteurs sont devenus, en quelque sorte, des pions qu'on faisait mouvoir sur je ne sais quel échiquier _ lectoral, menteur et frelaté. é On les a déplacés, on les a frappés, inquiétés ... » Aujourd'hui, on n'exige plus d'eux des« ser~ices électoraux »; tout au contraire, on leur prescrit d'éviter tout risque d'aliéner leur indépendance. Ils « ne doivent répondre, en aucun cas, aux demandes de renseignements de nature politique, soit sur des personnes nominativement désignées, soit sur la situation électorale, soit sur l'influence respective des journaux, soit sur des candidatures éventuelles 1 »; ils sout invités à « redoubler de Yigilance et à prohiber dans les écoles primaires la distribution de tous écrits, brochures, circulaires ou prospectus constituant un acte de propagande en faveur d'un parti, d'une ligue ou d'une association politique quelconque. Cette règle est générale : elle ne doit souffrir aucune exception 2 ». Les garanties obtenues par l'action corporative contre l'arbitr11ire administratif ont valu à l'instituteur une grande indépendance. Il doit s'en montrer jaloux et fuir toute occasion qui risqQerait de l'entamer. 3° Conserver une attitude digne et prudente dans les réunions publiques : pour peu que son intervention se produise dans une atmosphère passionnée, elle apparaît, . pour certains, agressive et inopportune. Ils crient à la pression officielle et reprochent à l'instituteur d'être « aux gages du Gouvernement ». Son droit, cependant, est incontestable de participe!' aux discussions : que ce soit avec courtoisie et dans
1. C, du 2 mars 1893, 26 novembre 1904, 8 décembre 1904. 2. C. du ~ avril 1901, 29 mai 1920, 19 juin 1920, 28 avril 1925.
�L'INSTJTUTEUII E1' LA VIE PUBLTQUE
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le seul but d'aboutir à la clarfé. Alors, se prolonge, hors l'école, une influence salutaire, qui ne veut ni pervertir les opinions, ni seconder un prosélytisme politique, mais, uniquement, éclairer les consciences'.
= II. L'instituteur et les fonctions administratives.= L'art. 25 de la Loi Organique interdit
les « fonctions administratives » aux « instituteurs e·t institutrices public~ de tout ordre », en exercice. En aucun cas, !'Instituteur ne peut accepter le mandat de maire ou d'adioint : la prohibition, totale, ne se limite point à la commune où il exerce, comme pour la fonction de conseiller municipal2. De même, lui demeurent fermées les délégations cantonales, commissions administrati11es des bureaux de bien/aisance, etc. La plupart de ces fonctions touchent à la « politique » locale: ainsi s'explique l'interdiction formul~e. Toutefois, dans l'iritérêt public, une exception est consentie pour le Secrétariat de Mairie 5 et les œuvres qui s'y rattachent dans les petites communes (Caisse d'épargne, secrétariat du Bureau de Bienfaisance, etc.). Encore, l'autorisation du Conseil Départemental est-elle requise et, depuis longtemps', de pressantes recommandations aux préfets insistent sur le devoir d'éviter tout relâchement des obligatiops professionnelles. « Vous devez veiller à ce que les instituteurs communaux, autorisés à remplir les fonc1. Il est formellement interdit aux instituteurs publics de « conduire leurs élèves aux réunions et conférenc.es offrant un caractère politique» (C. du 18 novembre 1883). 2. Il peut être élu ailleurs; mais, si on le désignait pour maire ou adjoint, il devrait être mis en demeure d'opter entre ee mandat et sa fonction.
3. Cf. ch. XIII : l'/nstituteu1' Secrétaire de mairi~. 4. C. du 24 juillet 1875.
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MOif.ALE PROFESS/ONNELLt
tions de Secrétaire de mairie, s'acquittent de cette tri che sans nuire à l'accomplissement de leurs devoirs professionnels ... Si des maîtres encouraient quelques reproches à cet égard, vous ne devriez pas hésiter à proposer au Conseil Départemental de leur retirer l'autorisation qui leur aurait été primitivement ac. cordée . » Fait digne de remarq,ue : les lois du 10 aoC1t 1871, des 2 aolÎt et 30 novêmbre 1875, ne tnentionnent point les institutetus parmi ~es inéligibles, dans le ·département où ils exercent, comme conseîl/e,·s généraux, députés et sénateut·s. Est-ce un oubli? ou bieb les promot eurs de ces lois 0nL-ils estimé qu'un Instituteur n'aurait aucune chance de se voit· confier de tels mandats 1 ? ou encore, ont-ils pensé que, le cercle de la commune franchi, son intervention dans les luttes politiques, lointaine et d'un caractère relevé, resterait sans répercussi011 dangereuse sur sa fonction? Quoi qu ' il én s0it, il est difficile d'admettre que cette fonction ne p f1tira jamais des vicissitudes d'une campagne électorale~, des critiques qui s'attachent à , la personne d ' un élu, surtout dans l'e11-ercice du man<lat de Conseiller G éné ral, puisqu'il est p ermis à l'Ins· -tituteur de le remplir sans cesser d'ens'eigner .
. 1. Les communications, la press e étalent moins développées qu 'au jourcal'bui, les sentim ents « éga litaires » aussi; surtout,
l'aut ori té gouver nemental e se , ontrait dislante et rude pour m le personnel enseignant. 2. Le fonctionnaire candidat aux élections législatives dans des conditions ne lui pet·tnettant pas d'assurer, en même temps, son service, est ri:iis en congé p enda nt la période élec~ torale (temps qui s'écoule entre la publication du décret con:voquant le collège électoral e t la proclamntion des résultats· définitifs par la Commission de Hecen,;cmcnt général des rntes). JI n'est point remplacé dans sdn emploi, qu'il reprend s'il n' es t point élu (C. du 27 janvier 1925) ,
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Conclusion. = Préserver sa dignité, parler et agir avec prudence et courtoisie : telle doit être la règle suivie par !'Instituteur clans son contact avec la vie publique. Citoyen, il jouit du droit de penser librement : nul gourernemenl ne peut lui imposer une orthodoxie. Mais, d é positaire, dans une large mesure, des grandes traditions républicaines, il reste, par là même, sous la dépendance de l'opinion publique. D'où, l'obligation de veiller jalousement sur les intérêts qui lui sont confiés et, par suite, de s'interdire toute manifestation qui, au regard des familles, du public, de ses chefs, risquerait de compromettre l'autorité nécessaire au bon exercice de sa fonction.
=
1 ,·
�~CHAPITRE XIII
L'instituteur Secrétaire de Mairie.
Dans la pr13sque totalité des petites commun;s rurales, le Maire ne peut, faute d'instruction, assurer le travail administratif inhérent à sa charge. Si, par aventure, il montre des capacités suffisantes, absorbé par ses occupations ou désireux d'éYiter une besogne ingrate et d'un médiocre intérêt, il se décharge Yolontiers, sur un tiers, du trayail d'écriture. Ce tiers ne peut être un / onctionnaire spécial : la commune est trop pauYre et de peu d'importance. La plupart du temps ce rôle échoit à l'1nstituteur : n'offre-t-il point toutes garanties de savoir et de sécurité? La tradition est _ telle qu'en maints endroits, dès son entrée en fonctions, l' Instituteur devient Secrétaire de Mairie.
=
I. Les inconvénients du Secrétariat de Hail'ie pour l'lnstituteul'. = La situation ne va,
certes, point sans désagréments. L'accepter, c'est aliéner ses heures de loisir, sa liberté du jeudi et même celle du dimanche, sacrifier pour une bonne part le repos des vacances. En dehors des travaux d'écriture accomplis à la mairie, il faut, en effet, recevoir un public qui choisit son heure : sans aucun souci des convenances, mais d'après ses seules commodités, il se présente tantôt de grand matin ou fort avant dans la soirée, tantôt au moment des repas ou pendant la classe 1 • Encore, le Sect·étaire doit, de temps à
1. Voir dao• l'ouvrage d'E .
PtROCHON :
L'instituteur, au
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autre, accompagner le Maire, en visite auprès des diverses autorités administratives, ou aller se renseigner auprès d'elles. Pour une rétribution souvent mediocre,, il est appelé à connaître toute l'organisation administrative : état civil, comptabilité corn. munale, étrangers, police, biens et travaux communaux, contributions, affaires militaires, élections, etc. Les lois sociales de la 3• République, les répercu~sions de la guerre, l'évolution économique et démographique qui suivit, ont considérablement alourdi sa tâche. Par surcroît, lè public, impatient, mal au courant des formalités administratives, peu compréhensif de ses droits et du rôle véritable du Secrétaire, trop souvent le considère comme un domestique, se montre, à l'occasion, d'une inconcevable exigence ou d'une injustice révoltante. Lettres à écrire pour affaires personnelles , démarches à entreprendre, renseignements à procurer, etc., tout est prétexte à de pressantes demandes, et, parfois, sans le moindre témoignage de reconnaissance. Au contraire : ne va-t-on pas jusqu'à se plaindre amèrement, en cas d'échec, d'une négligence ou d'une incompétence, voire d'une · trahison, gratuitement supposée·s? D'autre part, les spécialistes des diverses administrations de qui dépendent les affaires communales·, tatillons, rel.è vent san~ aménité la moindre irrégularité, le · plus léger retard. Ennuis nombreux; travail fastidieux, s'ajoutant à l'effort de conduire une classe, si pénible dans une école à un seul maître; rémunération médiocre : n'est-ce point assez pour justifier des maîtres décidés à « ne jamais accepter le Secrétariat de la Mairie •? D'autant que rien ne les y a préparés et
ch. VI, l'instituteur rural, une amusante scène (pp. 62 -65) SUl' ce sujet (HACHETTE. Collection Le& Car(l.ctères de ce Temps].
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MORALE PROFE"SSTONNELLE
qile s'y adapter demande pas mal de temps et d'efforts 1 •
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II. Pourquoi l'instituteur doit être Secréta.ire de iHairie. = L'fnstituteur qui, nouveau venu dans un poste, re('useraii le service du Secréta-
riat, assumé par son prédécesseur, commettrait une grave maladresse. a) Tout d'abord, il froisserait et indisposerait une municipalite dont il aura besoin en. maintes circonstances. Elle peut faciliter son contact avec la popula-tion et,, pa11 la suite, Paidér à éviter ou à aplanir des difficultés dangereuses pour son autorité. Non - seulement le Maire représente la population parmi laquelle la tâche quotidi e nne s'accomplit, mais il a de nombreuses attributions en matière d'enseignement primaire 1. Vivre en bons termes avec lui, avec . le Coaseil Municipal «'{Ui l'assiste, ne peut que bien . servir les intérêts scolaires. A fortiori, se trouver en contact quotidien avec eux et collaborer à la tâche qu'ils ont acceptée : pour obtenir les crédits nécessaires aux réparations des locaux, du logement, surtoet, qu'on tend à trouver toujours satisfaisant, à l';ichat du matériel scolaire, etc., nul n'est mieux . placé ,qu'un Instituteur Secrétaire de Mairie. D'autre part, bien qu.e moins directement intéressée, la po.pulati:on tiendrait rigueur d'un refus qu'elle jugerait 4ésobEge- nt : q-uel.s que soient ses efforts, l'1unénit_ a é ·de son ca,r actère, son désir de bien faire, le nouveau ·venu a,urait du mal à effacer c·e tte fâcheuse impression. b) Tout au contra--rn, le Secrétariat lui permettra de i
1. D;ms que~qu,es ,Écq)es N ormaies, une pr,é paration à ces fonctions a été organisée. Il est à souhaiter que cette heureuse .jnitia-tive s_ généralise. e · ' · _ 2, Ç(. cl;,. VlJ.I, Rapp-;o,rts avec les autorités.
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se faire apprécier et estimer par les services rendus. On juge d'abord - et vite - !'Instituteur comme Secrétaire : le prestige du c< greffier » rejaillit sur les «régent». Il est, même , arrivé qu'à force de tact el d'obligeance , se seient dissipées la froideur et l'hos'tilité témoignées à l'instituteur laïque. Des municipalités, adversaires de l'enseignement neutre, mais ne pouvant se dérober aux légitimes demandes d'un Secrétaire estim,é, ont fit1i par cdnsacrer au .service scolaire plus que les dépenses jusqu'alors impo~ées d'office, et par consentir aux maîtres d'intéressants avantages en nature. Cette« victoire» toute pacifique n'est-elle tJoint là meilleul·e? c) Corn bien différerHe la situàtion si, après avoir essuyé un refus, le Maite sè rabat sur un Sect·étaire de fortune! Les erreurs, les tâtonnements, inévitables pour tout débutant, mais plus nombrènx et q.urables quand, avec l'instruction, manque la souplesse d\t• daptation, créent un mécontenteinent général, a~gui~ë d'une pointe de rancune contre !'Instituteur. Par l.:l ·suite, parvenu à une c rtaine assurance, grâce à U rn pratique, le « remplaçant >l ne manquèra. poitit, · ~alou~ d'une situation à laquelle il ne saurait préi tendre, de critiquer l'instituteur, de lè rabaisser par des comparaisohs désobligeantes et des affirmation~ tendancieuses. De là à s'estimer son égal," voird même son supérieur, le pas sè franehit ·vitê. P'où :_ conflits, à l'occasion du nettoicrhe'n t, au: chauffage, de l'éclairage, de l'eniretie11 des lop11u~, ,e t disparition des menus arnntages du poste. Ce sera l'a1110ihdrisse~ ment d'une situation qu'on doit avoir à e,œ ur de trans J mettre intégrale, sinon améliorée, à son successe.LÏr,. t ) ' • Enfin, comme les conflits s'ënve·ni111ent vite,_surt~µt si le Secrétaire, très susceptible _ q~ant à soq. ·prestige, ile double d'un ennemi de l'écolei ln positidh devient
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JtORALE PROFESSIONNELLll
:vite intenable. Il ne faut, donc, point fuir c·e poste de Secrétaire de Mairie, d'où l'on peut mieux faire aimer .l'Ecole et servir son idéaP.
= Ill. Situation légale de l'instituteur Secrétaire de Uairie.
= a) Pour ces raisons, la Loi Organique, formelle dans l'interdiction faite aux instituteurs de se livrer à une profession commerciale ou industrielle, ou d'accepter une fonction administrative, a prévu l'exception du Secrétariat de Mairie Il, Mais, soucieuse d'entourer de garanties cette dérogatio-n au principe : l'instituteur se doit tout entier à son école, elle a prescrit qu'une autorisation du Conseil Départemental serait nécessaire. Par la suite, et à maintes reprises, il a été rappelé que cette autorisation, donnée à titre précaire, donc, révocable, ne devait nuire en rien à l'accomplissement du devoir professionnel : en aucun cas, elle ne peut « permettre aux instituteurs de s'occuper, pendant les heures de classe, de traYaux étrangers à l'enseignement 3 ». Si l' lnstitu leur prête son concours aux médecins vaccinateurs, c'est sous réserve que les opérations vaccinales aient lieu, sauf circonstances exceptionnelles, dûment justifiées et approuvées par les Préfets et Sous-Préfets, en dehors des heures de classe•. Dans le cas., seulement, de l'intérêt supérieur de la défense nationale, la règle fléchit : l'instituteur Secrétaire de Mai:rie èst tenu de « coopérer aux travaux des com1. « Il est important, pour l'école et pour les maîtres, que, partout où on le lui demandera, le directeur de l'école accepte ces fonctions. o (C. du 17 mars 1927.) 2. Voir ch. L'instituteur et la Vie Publique, § Il, L'institu-
teur et les fonctions administratives, 3. Art, 25 . . ft, C. du 24 juillet 1875. • 5, C, du 7 avril 1905.
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missions de cla.s sement des animaux de réquisition, a lors même que les opérations auraient lieu pendant les heures de classe 1 • » En dehors de ces espèces, le maitre qui subordonnerait sa tâche d'éducateur à celle de Secrétaire s'exposerait, non seulement au retrait de l'autorisation donnée par le Conseil Déparlemenfal, mais à une sanction déterminée par la gravité des abus commis. b) Le Maire nomme le Secrétaire de Mairie i, le suspend ou le révoque 5. Comme le Conseil Départemental ne se réunit point à dates fixes, le Préfet accorde une autorisation provisoire. Avant d'entrer en fonctions, l'instituteur doit provoquer un arrêté municipal le nommant Secrétaire, et adresser au Préfet, président du C. D., par la voie hiérarchique, une demande d'autorisation à soumettre à cette assemblée~. La possession d'un arrêté de nomination garantit l'avenir, e~ cas de brusque congédiement. Un recours en Conseil d'Etat est possible contre tout renvoi injustifié, ou non accompli dans les formes réglementaires ( communication du dossier).
1. C. du 30 avril !895. 2. « Rieo ne s'oppose à ce que la fonction de Secrétaire de Mairie soit remplie par les Institutrices; il existe déjà plusieurs combinaisons de ce genre, et je sais que diverses municipalités s'en félicitent. » (C. du 24 juillet 1905.) 3. Loi du 5 avril 1884, art. 88, modifiée par la loi du 23 décembre 1919. 4. Modèle : Je sollicite du Conseil Départemental de l'En• seigoemeot primaire l'autorisation d'exercer les fonctions de Secrétaire de Mairie dans la commune de •.• , en remplacement de M... qui a cessé ses fouctions le ... La population actuelle estJde ... ; l'indemnité prévue s'élève à ..• En attendant qu'intervienne la décision du C. D., je vous serais très reconnaissant de vouloir bien me délivrer une autorisation provisoire, Agréez, etc,
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La multiplicité des affaires rend la tâche du 'Secrétaire difficile; les erreurs ou les négligences qu'il peut commettre engagent sa responsabilité. Aussi doit-il, avant tout, bien se renseigner et se documenter. a.) Le débutant trouvera des conseils éclairés au prés des collègues déjà en exer_cice : à coup sûr, ils ne lui r e fuseront point, avec leurs avis, les lumières de leur expérience. Sa bonne volonté, une étude attentive des textes administrati1s, l'examen des registres des délibérations du Conseil Municipal et des arrêtés du Maire, celui des budgets, compléteront rapidement cette init~ation. b) Dès la prise <Je service, commencera l'inventaire de la bibliothèque administrçtive de la commune. ,Trop souvent rédqite, elle se présente dans un grand désordre. Or, il est des publicatjdus dont la consultation est fréq11ente, par exemple : le Recueil des Actes administr'atifs de la préfecture; la Loi municip_ du 5 a~rjl_1fül4 et ses modifications 1 ; un Comale mentaire sérieux qe_Il! q1.ê1fül lPi; !'Annuaire départem en tal, un bon manuel et un formulaire détailléj; enfin, quelques ouvrages spéciaux qui aideront à comprendre le mécat1ish1e des lois plus importantes et d'une application fréquente 8 ; Î'abonnement à des
• 1. lï:dition de BERGER-LEvRA\JLT, Naney. Com~entaire de Léo Mo11GAND. 2. DuBA/l/lY, Le Secrétaire de Mairie. Le Formulaire des Ir/aires, Publications administr:)tives, 22, rue Cambacérès, Parie 8•. Pour les actes cÎe l'état civil : le Formulaire général des , actes de l'état civil, BERGER-LEVI\AULT, Nancy. · 3. Le Budget communal de PLfoT e t EsrissE. Bureaux de la l\jajrie pratique, 50 1 cgur!I Berriat, Gr_euoble1 Les Chemins ruraux; par MoNTSAHHAT 1 ~2,.XU{l Cambacérès, Pads;
= IV. Nécessité de se documente1•. =
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publications périodiques com piétera cette docutnen~ talion et, pa1· là, donnera le moyen d'aborder et de résoudre bien des difficultés 1 • c) Enfin, l'étude de particularités locales, rendue poss ible par des archires bien class ées, tenues exactement à jour, permettra de réduire rapidement et à coup sùr les contes tations qui s'élè1rnnt journellement dans l'administration des propriétés, leur bornage, partage, etc. Bien qtrn n'appartenant point, de par son origine, à la commune, le Secrétaire doit être en mesure d'en connaître, aussi exactement que possible, la vie passée et présente pour renseigner et conseiller utilement les administrés. De la sûreté de ses interventions dépendra son influence.
= V. Qualités essentielles du Secrétaire de iHairie. = Pour mener it bien une tâche aussi complexe, il importe d'acqnérir certaines qualités ou de les développer, si on les possède déjà. a) En premier lieu, l'ordre. li faut s'astreindre à classer sans retard et méthodiquement pièces et documents. On évite, ainsi, de perdre du temps en recherches inutiles, et des disparitions aux conséq1,1ences ennuyeuses. La tenue d'un répertoire permet d'aller droit au document nécessaire. Celle d'un
Guide des victimes de la guerr.e, de
Pag~, 5, r~e Littré, à BQ1'rg (Ain);
Ci.AMBARn,
chez Louis
DictiQn'!fZire des comptes (i,e g~stio11v par CASSAN, Poul-deVaux (Ain), e~c. . 1. Journal des Maires, 22, ru~ Cambaçérè,;,, Paris. Mairie pratique et Répertoire administratif, 50, cours Beri riat, Gre.noble. Journal des Communes , 8, rue de Nesles , Paris.• L'Ecole des Communes, lt, rue de Bouloi, Paris. La Vie municipale et départementale, 15, rue Guénégaud, Paria.
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MORALE PROFESSIONNELLE
registre d'entrée et sortie, pour la correspondance, fournit des arguments décisifs pour se justifier, au regard du Maire et de l'administration départementale. En aucun cas, il ne faut se fier à sa mémoire : des oublis, des erreurs peuvent se produire, souvent graves d'effets, notamment pour les actes de l'état civil, dont, seuls, les tribunaux peuve·nt ordonner la rectification, ou l'établissement, s'ils n'ont point été dressés en temps utile. La prudenee commande de noter toute demande verbale et de classer la fiche établie dans un dossier adéquat, afin d'éviter, non seulement les reproches consécutifs à un oubli, mais les con· séquences résulta!}t de l'inobservation de délais fixés. b) Ensuite, l'exactitude. Ce doit être une règle stricte de ne rien laisser t,raîner : l'accumulation du travail grossit les difficultés; elle paralyse l'effort, en diminue la qualité et le rendement : la bousculade produite au moment du règlement de nombreuses affaires place l'esprit dans de mauvaises 'conditions de travail. Au surplus, puisqu'une affaire doit être traitée un jour ou l'autre, à quoi bon tarder? S'en débarrasser au plus tôt est sagesse. Une prompte réponse laisse, d'ailleurs, une impression favorable; à l'occasion, elle incite à la bienveillance, à la patience. Enfin, elle libère l'esprit d'un souci. Sous prétexte de rapidité, il ne faut point se résoudre à l'à peu près. Tout renseignement engage la responsabilité de qui le transmet : c'est un véritable abus de confiance que de le donner incomplet ou erroné. Bien souvent, en matière de statistiques, on se montre volontiers coulant sur la valeur des éléments fournis. A tort 1 : le souci d'exactitude doit être
1. On l'a bien vu, en des temps difficiles où le pain devait être rationné : de sévalnations optimistes, touchant ensemence• ments et récoltes, amenèrent d'irritante• déconvenues.
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pouss~ jusqu'au scrupule. Se relire, même collationner, devient de première nécessité pour les actes importants, tels ceux de l'état civil. Si, malgré toute l'attention dépens ée à les rédi ger, quelque erreur s'est produite, il convient de s'e n tenir, strictement, aux presc.riptions légales : éviter les surcharges; mentionner, en marge, des renvois dûment approuvés. On ne saurait trop insister, touchant ces actes, sur la nécessité d'une tenue matérielle irréprochable, de l'exactitude parfaite des renseignements à y consigner\ d'un choix précis de formules renfermant les énonciations exigées par la Loi et de la signature immédiate par les témoins. En cas de difficultés ou d'hésitation, ne rien trancher par soi-même, mais prendre l'avis de personnalités autorisées, en l'espèce, du Procureur de la République. c) Vouloir être exact entraîne la constante préoccupation de rester prudent. En .toute occasion, quelque pressantes que soient les sollicitations il faut se refuser à admettre, à couvrir des irrégularités. Ainsi, la validité d'un mariage dépend d'un certain nombre de conditions : entre autres, qu'il doit être célébré par le Maire, ou un Conseiller municipal, spécinlement délégué_, Longtemps, une pratique assez fréquente, dans les campagnes reculées, voulait que le Maire fût remplacé par le Secrétaire : nul ne se doutait qu'un tel mariage était entaché de nullité. De même, dans la vérification des mémoires, des comptes, dans l'ordonnancement des dépenses, il faut refuser d'accepter
1. En particulier, il importe de s'attacher à bien orth-ographier les noms et prénoms, de v~rifier les dates et de les écrire en toutes lettres, de faire signer chaque acte dès achèvement de la rédaction. Un oubli, une erreur, ne peuvent être rectifiés qu'après une longue et coûteuse procédure devant le tribunal civil.
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des « arrangements », de fer1ner les yeux sur les exagérations des devis. Le maniement de fonds communaux par toute autre personne que le Receveur municipal - la ic gestion occu lte » - est irrégulier, même pour des sommes minimes, et s'il en résult.iit des simpHfications. Encorn, toucher les mandats destinés à un tiers expose à des ennuis, quand on a remis l'argent saas exiger de re.çu. A fortiori ne doit-on point simuler des dépenses, pour rendre des sommes d, sponibles (c'est le {< faux en écriture publique », i relevant de la Com· d' Assises); même si .cet argent est dépensé avec l'assentiment du Conseil Muniçipal, l'acte n'en reste pas moins répréhensible. Le mieux est d'opérer régulièrement ~ faut-il solder des dépenses pour lesquelles n'existe aucune recette au budget? On demande, par délibération, l'ouverture d'un crédit supplémentaire'. d) La discrétion est, enco1·e, l'une des qu3:lités maîtresses du Secrétaire. Il doit savoir ,,ester à sa place. Or, la tentation est trop forte, pour certains, de se substituer au Maire. Une telle attitude crée des ennuis : d'abord, l'hostilité des mécontents; ensuite, · Ja critique acerbe des jaloux; enfin, la méfiance de la muni«ipalité, le ressentiment du Maire, atteint dans sa dignité, et exposé à des responsabilités résultant de faits qu'il ignore. Un SecFétaire loyal l'évite scrupu1. Pllns certains départeme!lts l'aµto,i té préf~ctorale a étab li d~s tarifs d es tinés à réaiunérer quelques-uns des trnaux d'é· ·criture demandés par les particuliers (déclaration pour l'impôt cédulaire sur le revenu, d emande d 'allocation militaire, de dé. g1·èvements i .copie de .certificats et diplômes, etc.). - 1-,e produit des relevés d'actes de l'état civil doit être versé dans la caisse municipale, à moins qu'une délibération ne l'allribue au Secrétaire, à titre u q'émoluments complément~ires » (C. du 16 ~oûl lSllO). Les conserver sans cette décision constituerail un dé1 tournement pouvant exposer à des poursuites.
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· leusement. Assiste-t-il aux délibérations, bien que la loi prévoie la désignation d'un Conseiller municipal comme Secrétaire? Il ne se mêle pas à la discussion, se bornant à lire, sur l'invitation du Maire; pièees et documents, et à donner les renseignements demandés. Si le Maire le pousse dans le débat, qu'il y prenne une part aussi impersonnelle que possible: à mal soute_ celui-ci, il le méeontente; s'il lui fournit des arnir guments trop eonvaineants CJU froissant des susceptibilités, il risque d'indisposer des adversaires. Le mieux est, donc, de « faire parler » les pièces d'un dossier, en les sortant au moment opportun. Sollicité de faire connaître sa façon de penser, provoqué, hors séance, à des eonfidenees, il observe une discrétion d'autant plus jttstifiée qu'on ne manquerait _ guère d'imputer à grief ses appréciations. Témoin « muet» des débats, il en demeure, aussi, le témoin « inconscierü ». En rédigeant le procès-verbal de la séance, qu'il n'y mentionne aucune trace de discussion orageus(l : l'important est la décision prise. Celle-ci, rédigée dès après la délibération et. signée sans retard, c'est la porte formée à tolite contestation, l'apaisement assuré. Des dissentiments peuvent s' élever entre ;11aire et Adjoint ou Conseiller municipal. En de telles circonstances, une absolue discrétion est de rigueur. Se refuser à accueillir des confidences, encore moins à en provoquer ou à en faire; fournir, à tous, les renseignements qu'ils réclament, mais avee circonspection;· éviter de donner prise à des empiétements sur les attribµtions dévolues à chacun; prévenir les conflits, les dangers qu'entraîPeraient ·c ertains actes; se dé .. gager de to-- 1e emprise, s'écarter des intrigues : telles sont les divel'ses modalités de l'attitude à adopter. A l'égard <!es hçibitant-:;, cette discrétion doit se,
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MORALE PROFESSIONNELLE
manifester d'aussi stricte manière. De par sa situation, le Secrétaire connaît bien des faits qu'on ne se soucie guère de voir livrer à la publicité; il peut être amené à donner des conseils : que ce soit avec modération et un souci réel d'être utile, d'amener le calme, de provoquer la couciliatioo. Rapporter à tort et à travers, avec des commentaires inexacts ou désobli. geants, de menus faits appris dans l'exercicê de sa profession; vouloir forcer des secrets à se révéler, dans un but de curiosité malsaine, l'exposerait à des ressentiments dangereux. Si, par malheur, les circonstances en font naître, loin de s'en offenser, il s'emploie à les détruire. A fortiori, évite-t-il de s'asservir à des rancunes et d'oublier qu'appelé par la Cité à un poste de confiance, il se doit à tous, avec une égale impartialité : aux demandes d'attestations de complaisance, il opposera un refus formel, dans la crainte qu'elles ne deviènnent la source de passedroits ou de conflits regrettables. e) Enfin; l'exemple d'une politesse constante, sans morgue ni froideur, simple et cordiale, donnera du relief à ces qualités. Quelle que soit l'impression produite par le Maire : rusticité, ignorance, manque de franchise, etc., il ne faut jamais oublier que, représentant de l'autorité civile, il a droit au respect et à des égards. Maître et élèves doivent le saluer. A l'occasion d'événements importants, de dates consacrées, le Secrétaire ne peut manquer de lui rendre visite. Ceci n'exclut point le refus courtois, mais ferme, de se rendre régulièrement chez lui pour la signature des pièces : elle a lieu à la mairie. L'instituteur-Se- · 'crétaire n'est ni le domestique du Maire ni celui de la population. On doit le sentir dans la bienveillance qu'il témoigne à tous, dans sa patience à répéter des explicationa incomprises et sa fermeté à faire res•
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pecter les lois et règlements, les décisions prises par le Maire, aussi bien que dans la correction de ses relations avec les divers services. Sur ce dernier point, qu'il demeure toujours convenable, se montre ménager du temps d'autrui et surveille strictement sa plume. Des conflits irritants naissent, souvent, de malentendus, d'écarts d'expressions, d'insignifiantes blessures d'amour-propre. Rester de bonne foi et digne, s'élever au-dessus des mesquineries,c'est mettre de son côté l'estime et, en cas d'erreur, l'indulgence: on ne tient jamais rigueur d'une opinion soutenue honnêtement. La sympathie va vers qui se montre conciliant 1 •
= VI. Son attitude au point de vue politique.= La situation de l'instituteur Secrétaire de
Mairje rencontre un écueil dangéreux: les luttes politiques locales. Ce sont les plus ardentes, les moins inspirées de principes et d'idéaux: mettant le plus en cause les personnalités, elles se trouvent les plus décevantes et les plus cruelles d~ns leurs résultats. Tel adversaire d'hier devient l'allié d'aujourd'hui, au gré des comb.inaisons, des appétits, des courants du moment. Dans ces conditions, comment accepter de s'inféoder aux chefs d'une politique versatile, d'un idéal terre à terre et dont, trop souvent, l'ambition se borne à brimer d'irréductibles adversaires? Certes, la position du Secrétaire de Mairie devient difficile quand il subit une pression destinée à en faire l'homme lige du parti au pouvoir. Mais, doit-il renoncer à se défendre? Exiger sa loyauté est normal; quant à vouloir une soumission absolue, qui pourrait y prétendre ? - Et quel Maire, satisfait d'un Secré1. Par exemple, refuser d'écrire une lettre incorrecte, réplique d'un maire vexé à un chef de bureau.
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taire, doqt il s~nt la n~ctssit~ et éprouve la valeur, se laisserait aller, par dépit, à 1.1n acte d'autprité qui, loin de sej'vir sa fortune, risquerait de l'atteindre en soulevant des mécontentements? Si le Secrétaire de Mairie doit compter avec le Maire, la réGiproque est plus souv~nt vraie qu', n ne c1'oit . Qui a su s'attirer o des sympathies dan$ tQUS les partis est très fort pour résister aux pressions d'ordre électoral. Ce qlli est vrai de !Il politique locale l'est, encore, des electionl; departemenl(l,les ou legisl(l,tives : au demeµrant, ne prolongept-elle.s pas les luttes municipales, puisqiie les par~is lpcaux se dénombrent sur les noms des candidats? En ces circonstances, le Secrétaire surveille strictement ses propos, son attitude: les malintentionnés ne rnanqu13raiirnt point q.e tirer argument, contre lui, de faits insignifiants, de le lancer vers un parti, de l'affirmer hostile à tel autre. En se montrant, dans ces circonstances encore plus que d'habitude, dévoué et serviable pour tous, discret et prudent à l'égard de tous, il maintiendra intacte la dignité de sa modeste fonction . « Un maître, dans une commune, ne doit être le serviteur dégradé de personne. » (GuizoT.)
= Conclusion. =
Puisque le Secrétariat de Mairie est un mal nécessaire, il faut se résQudre à l'accepler et de bon cœur : ne permet-il pas « une action impo!'tante et bienfaisant,e 1 » pour « l'École elle-même autant que pour la Commune »? Indépendant et libre de tout intérêt local, à l'écart des rivalités de partis, uµiquement soucieux de l'intérêt commµn, grâce aux méthodes de travail qu'il a apprises à l'Ecole Normale, l'instituteur peut acquérir.
' 1. C. du 17 m;us 19~,.
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rapidement l'expérience administrntive nécessaire; il ·d evient, pour la municipalit é , un collaborateur de confiance &t, pour les habitants, tin conseiller sûr et apprécié. Il y gagne une considération et une autorité dont l'école publique profite largement. Hier en tutelle, celle-ci tend; aujdurd'hui, il devenir le centre moral de l'agglomération rurale: la participation de l'instituteur à la gestion des inté1;êts collectifs et à l'administration communale ne peut qu'aider à cette heureuse évolL1tion.
�CHAPITRE XIV
Les droits des Instituteurs. Leur statut, Conseil Départemental. Garanties contre l'arbitraire.
Jadis, on considérait l'instituteur comme un serviviteur à gages. Il se plaçait lui-même; mal payé, il s'astreignait à des travau.x étrangers à sa charge (chantre, sacristain, voire fossoyeur), en rétribution desquels il quêtait à domicile. Dépendant de l'auto, ité locale, - c'est-à-dire, presque toujours, du Curé, dont il devenait le craintif factotum, - il ne jouissait d'aucune garantie de stabilité. Aujourd'hui, il ne reçoit plus de gages, mais un traitement, fixé par la Loi et payé par l'Etat, variable avec la durée et la valeur des services, suffisant pour assurer une existence cl,écente. Il dépend de chefs compétents pour diriger et apprécier ses efforts. Des règlements précis le protégent contre l'arbitraire : sa nomination, son a1,1ancement, les mesures qui peu1,1ent l'atteindre, au titre disciplinaire, relè1,1ent d'une . procédure destinée à garantir sa sécurité et le respect de sa dignité . .Ce bienfaisant statut l'affranchit des sujétions locales et limite son acti1,1ité au seul service de l'école, de1,1enue nationale.
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1. Nomination. = a) Les conditions à remplir pour obtenir un emploi sont les mêmes pour tous . Le privilège de la lettre d'obédience 1 a disparu : nul ne
1. Ordre donné à un congréganiste, par son supérieur, d'aller ense igner dans une comlllune. En affiliant à l'Université le• Frères des Ecoles chrétiennes, le décret du 18 mars 1808 ·stipula qu'il• seraient « breveté• et encouragés par le Grand
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peut enseigner « sans être pourvu du brevet de capacité de l'enseignement primaire 1 ». Et la Loi Organique2 a posé ce principe, applicable à tous les degrés de l'enseignement primaire : « Nul ne peut être nommé, dans une école publique, à une fonction quelconque d'enseignement s'il n'est muni du titre de capacité correspondant à sa fonction. » Ces titres indiquent l'aptitude aux fonctions de titulaire ( Certificat d'aptitude pédagogique), de maître de cours complémentaire (Brevet supérieur), de professeur <l' Ecole Primaire Supérieure ou d'Ecole Normale (professorats divers), etc. b) En principe, la formation du personnel enseignant revient aux Écoles Normales. En fait, dans maints départements, les besoins du service conduisent à recruter des maîtres en dehors de ces établissements. Toutefois, en conséquence de l'engagement qui les lie à l'Etat, normaliens et normaliennes ont droit aux premiers emplois qui, à.leur sortie, se trouvent vacants -dans le département. c) Les stagiaires, nommés par l'inspecteur d'Académie, effectuent, au minimum, deux ans de stage 3 • L'obtention du Certificat d'aptitude pédagogique en marque le terme : elle entraîne la titularisation au 1er jan~ier suivant, sauf retard par mesure disciplinaire. Deux conditions sont, alors, nécessaires : la proposition de l'inspecteur d'Académie, communiquée
Maître ». On discuta : chaque frère recevrait-il le brevet ou serait-ce la Congrégation en bloc? FONTANES résolut la qu estion dans le sens favorable à celle-ci. La lettre d'obédience ·résulta de ce privilège : la désignation du supérieur attesta la capacité. Elle subsista de 1819 à 1881. 1. L. du 16 juin 1881, art. 1••. 2. Art. 20. 3, Pour les élèves d'E. N,, les années d'études comptent, ·dans la réalisation de ce stage, à partir de 18 ans.
�Motl.ALE i>ROFtSSJONNELLE
à l'intéressé, àihsi que son dossier, s'il le detrlande; l'avis du Cdnseil Déparlementail, où siègent les représentants élus du personnel. d) La nomination des titulaires revient aù Préfet, sous l'autorité du Mitilstre et sui· la propdsition de l'Irispecteur d'Académie, écrite et motivée, apres avis du Comité consultatif2 • Des règles précises, destinées à sauvegarder tant les droits de l'ëcole que ceux dt1 personnel, régissent la. nomination à des eh1plois spéciaux : dans les écofes Jnaternefles, la préférence va aux maitresses qui ont obtenu, au B. S., la mention prévue pour ces établissements; quant aux directrices, leur désignàlion ptésuppose cinq ans d'exercice, au moins, en qualité de maîtresses maternelles; - les di>·e'cieurs d'écofes primaires doivent àvoir, au moins, 21 ahs, ou, s'ils reçoivent des internes, 25; dans les Cours cd'm plémentaires, la limite d'âge : 25 ans, se complète d'un minimum de cinq ans de services et de la possession du brevet supérieur ( de même, pour diriger une école pourvue de ce cours); . - les maitres des Ecoles de perfeclionnément pour arriérés sont choisis, d'abord, parmi les candidats pourvus du certificat d'aptitude à l'enseignemeht des enfants arriérés ·(stage pré a labl.e d'un an dans une classe éle pedectionnemerlt, d'aveugles ou de sourdsmuets); - les instituteurs-adjoints délégués dans une E_. P. S., âgés de 21 ans, possèdent le B. 5.; - enfin, dans les Ecoles annexes et d'application, ce même titre est requis; pour les premières, en plus, la délég:1lion en qualité de directeur est subordonnée à dix ans de services effectifs dans .l'enseignement public, et celle d'adjoint, à cihq ans.
1. Of. 2° partie. Législation. Le Conseil Départemental. 2. Voir ci-après, Avancement;
�LE DROIT DES JMS f lTUTE URS
II. Avan~e1uent. = Plus encor e que pour les nominations, en mati è re d 1avan ce ment, les garanties accordées au personnel se r é vèl e nt d ' une lib érale bi e nveillance. Cet avancement s' effectue par prom otion à la classe sup é rieure ou par changem ent de residence . a) Promotion . - Les titulaires se r épartu;sent en six classes. lis prennent rang, par ordre d 'an G ienn e té, sur un tableat1 d'avan cem ent departemental, é taLli pour chaque classe et chacune des catégories. Une commission, présidée par !' Inspecteur d 'Académie, dresse ce tableau : elle comprend les Inspecteurs Primaires, le Dire cteur et la Dir ec trice des E. N., deux délégués du Conseil Départemental élus par ce conseil. Ainsi, tout maitre connaît exactement sa situation administrative. En cas d'erreur, il lui appartient de provoquer une r cctificption. L'avancement par promotions de classe des instituteurs et d es institutrices a lieu pljrtie au choix partie à l'ancienneté. Peuvent ê tre promus au choix les fonctionnaires ayant au moins 3 ans de service dans leur classe. Le nombre des promotions au choix est égal à 30 °fo du nombre des promouvables.. Les promotions de la 2° à la pr e mière sont égales . au nombre des fonctionnaires de la 2° dasse ayant 5 ans et plus d'a1rnienneté augmenté de 30 °/o du nombre des fonctionnaires ayant au moins 3 ans et moins de 5 ans d'ancienneté . Par cette disposition le législateur a impltcitement indiqu é que tous les maîtres qui ont 5 ans et plus d'ancienneté en 2° classe doivent être promus à la 11·e class(l sauf insuflisanc~ professionnelle constat ée 1 • Sont promus à l'ancienneté à la classe sup érieure t. Circulaire du 2i. novembre 1982,
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MORALE PROFESSIONNELLE
les fonctionnaires qui n'auraient pas été promus au choix et qui ont accompli 4 ans de stage en 6• et 5° classes, 5 ans en 4• et 3• classes. L'avancement à l'ancienneté peut toujours être retardé d'une année, sur la proposition de !'Inspecteur d'académie après avis du Conseil départemental. Cet avis doit être pris à la majorité de~ deux tiers des voix. Pour les promotions au choix, !'Inspecteur d'académie dresse pour chaque classe et sur le rapport des inspecteurs primaires une liste de mérite 1 qu'il . présente au Conseil départemental. Celui-ci l'arrête définitivement; il peut modifier l'ordre de présentation, non ajouter ou supprimer un nom. « Le mérite de chaque maître détermine son droit à une promotion au choix, et l'ordre de présentation doit être un ordre de mérite >> mais, « entre des services de valeur semblable, l'ancienneté peut être un élément de choix >>. « Lorsque des maîtres son l sensiblement de valeur ég'a le )), des<( considérations d'autre nature » peuvent intervenir, avec la durée des services, pour « fixer leur rang respectif >> : situation de fa mille, serPices de guerre, etc. Il appartient aux délégués du personnel, dûment renseignés par leurs collègues, de mettre en relief leur valeur. b) Mutation. - Un même souci _ d'équité s'accuse dans la réglementation ·d es changements de résidence : pour beaucoup, ils constituent un sérieux avancement. 1° Dès 1911, classement des postes et publication des emplois Pacants ont été prescrits en vue d'en assurer une équitable attribution. Le tableau des postes les présente (< en un petit nombre de séries, suivant les avantages qu'ils confèrent au point de vue des indemnités et émoluments accessoires, et, aussi,
1. L'usage s'est établi d'arrêter ces listes en comité consultatif,
�LES DROITS DES INSTITUTEURS
au point de vue des avantages de situation». On « y distingue les postes d'adjoint et ceux de directeur d'école« sans que cette distinction implique ql!'il soit péccssafrè d'épuiser la première série avant d'accéde1' à la seconde ,,. l-,a publication doit avoir lieu de manière que tous les intéressés puissent adresser à l'Inspecteur d'Académie, en temps utile, une demande indiquant leurs préférences. 2°) Cette mesure entr11ÎTJait l'obligation de« dresser le tableau de classement du personnel d'après les années de services généraux et de services dans la fonction, en distinguant les années de stage et de titularisation >). lVIentiou est faite « des charges de famille et des vœux des fonctionnaires,,, - non de la « notation chiffrée » représentant la valeur « professionnelle» : celle-ci « peut résulter de qualités infiniment variables et diversement appréciées suivant les lieux, les circ·onstances et l'estimation de chefs diITérents ,, . Con signée dans chaque dossier, elle constitue un élément d'appréci;1tion important, non exclusif. L' In~pec:tcur d'Académie ne peut s'en tenir aux seules cc consi<lérations tirées de l'âge, des services, des grnLles, des charges d- famille,,. La convee nance au poste - c'est-à-dire l'intérêt du service domine toute préoccupation. c< Un poste important et Llifficilc s'accommodera mal d'une activité amoindrie; il réclamera plus d'énergie et de jeunesse, le goût de l'initiative et de l'action ... Il n'est pas ju~te que des qualités éminentes, des talents pleins de promesses demeurent, par scrupule mal compris d'é<\µité, paralysés trnp longtemps et souvent stérilisés pour l'avenir dans des postes inféri e urs... Les directions lourlles et difficiles ... ne doivent être confiées qu'à des maîtres ayant fait leurs preuves dans des direc• lions moins chargées. »
8
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JIORAT,F: PROFESSIONNELLE
3°) Quelques années plus tôt I avait été posé le principe de l'intervention des délégués du personnel dans les mutations, jusque-là réglées par l'inspecteur d'Académie, après avis des Inspecteurs Primaires. Il ne s'agissait pas « de créer un rouage administratif nouveau l>, mais « de rendre l'autorité accessible à tous èeux qui ont besoin de recourir à elle » et de « mettre à profit une source précieuse d'information ». Celle-ci pourra confirmer ou rectifier une opinion, « servir à la manifestation de la vérité et de la justice»,« dissiper les malentendus que des points de vue très différents peuvent faire na-ître entre les fonctionnaires et l'administration ». Les heureux effets de cette innovation conduisirent les associations d'instituteurs à demander que soit défini et étendu le pouvoir d'intervention de leurs délégués. Elles proposèrent d'organiser, à côté de l'inspecteur d'Académie, (( un Conseil composé des Inspecteurs Primaires du département et d'au moins deux des représentants du personnel au C. D. 1 » : il aurait eu pour mission d.' arrêler les propositions de mutations, que ratifierait le Préfet.Dans la pensée de ses promoteurs, l'institution devait mettre obstacle à <( toute influence extérieure ou étrangère », - c'est-à-dire aux interventions politiques, alors si fréquentes et décisives. Mais, les nominations incombant « au Préfet, sous l'autorité du Ministre et sur la proposition de l'inspecteur d'Académie » 1 , l'Administration estima qu'il
1. C. du 6 avril 1906, à l'occasion des déplacements d'office. 2. Plusieurs associations s'étant, parfois, constituées dans un même département, il a paru logique de confier aux Conseillers Départementaux, chargés de représenter tous leurs collègues, la défense des intérêts individuels, sans cousidfratio.n de groupement, 3. L. O., art. 27, § 2.
�LES DIWJTS DES J.YSTTTPTTWRS
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fallait leur laisser toute liberté d'appréciation et de décision. Cependant, elle retint la préoccupation, naturelle et légitime, qu'exprimaient les groupements professionnels d'éclairer cc aussi exactement que possible !'Inspecteur d'Académie sur les intérêts, les besoins et aussi les titres et les mérites corn para tifs des fonctionnaires ». Elle prescrivit donc cc de réunir en conseil les Inspecteurs Primaires, une fois l'an, au moins, avant les mouvements généraux du personnel ». Quant aux représentants des instituteurs, ils ne pouvaient « participer dans la même forme à cette consultation. Ils n'ont pas qualité pour comparer et apprécier la valeur pédagogique de collègues qui sont leurs égaux; il serait d'une incorrection et, parfois, d'une indiscrétion intolérables de leur communiquer des notes et des dossiers qui appartiennent aux administrateurs et ne doivent être ouverts qu'aux. intéressés, dans le.s formes fixées par la loi. » Toutefois, la faculté fut laissée aux Préfets et Inspecteurs d'Acadé- . mie, (( s'ils le jugent à propos», <l'interroger« à litre priYé » lesdits représentants, afin de cc compléter auprès d'eux les informations dont ils ont besoin pour bien connaître les convenances et les désirs de chacun ... Ils y gagneilt de dissiper parfois des défiances imméritées et de conquérir une confiance sans laquelle leur action resterait le plus souvent inefficace 1 ». 4° Progressivement, tout en évitant « un déplacement de l'autorité qui serait fatal à la t!isciplinè et à la bonne marche du service 2 », la nécessité d'une collabora-lion plus précise et moins aléatoire se fit jour. « Vous ne sauriez, disait le l\Enistrc aux Inspecteurs
'I. C. du 15janvier 1908 sur le Conseil des Inspecteurs Pri1nai1·<'~.
2. C. du 31' octobre 1911.
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MORA[,E PROFESSIONNELLE:
d'Académie, Yous entourer de trop de précautions et vous munir de trop de renseignements. Il e"n est qui peuvent échapper aux sources officielles et que vous trouverez plus sqrement auprès des intéresEés. Vous recueillerez donq leurs observations et en apprécierez' fa valeur. Vous leu_r signalerez même les mutations par nécessité de service ou d'office que commande lf,, bon ordre d~ l'école , et vous leur en ind\querez le & raisons. J'estime qu'il n'y a pas d'inconv é nient à ce que les règles de votre action administrative· et les principes qu_i président à vos choix apparaissent aux instituteurs sous le ur véritable jour, - à ce que nos maîtres aient là certitude · qu'en toute circonstance vous avez la volonté d'être scrupuleusement juste et de servir les intér êts de l'école ... » En 19251, enfin, la création du Comité COn$(tltatif réalisait la conciliatjon des droits de l'autorité responsable et des int érêts du personnel: l'inspecteur d'Académie conserverait « la d éc ision réelle, puisqu'il a la responsabilité ~éelle ,>, mais après avoir, obligatoirement, consulté les délégués du personnel, sous une forme qui « respecterait leur liberté J>. Le Comité est constitué « sous la pr ésideqce de !'lnspecteur d'Académie, par la réunion des Inspecteurs Primaires et des Conseillers Départementaux, yeprésentants élus du personnel2 ». Il est convoqué
1. C. du 24 mars, du 20 juin, du 8 septembre et du 29 novembre . . 2. Le Directeul' e t la Directrice de l'E. N. peuvent y être a_ppelés. Les représentants des groupements corporatifs n'y figurent. point : ils n'o nt point, comme les C. D., « été choisis par la majorité de le urs collègues, da:1s une é lec lion à laquPlle t'ous ont été convoqués ». En fait , la discipline imposée à si,s adhérents pa1· le Syndicat National aboutit, dans ln pres que totalité des départ e ments, à l' é lec tion, comme C. D., des membres appartenant au burea u de la section local e.
�lES DR OITS DES INSTITVTEl"R S
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« avant la tin et au J ébuL d e l'atrn ée sc'o lair e » et, « si besoin e n est , fin d éce mb i-e e t fin mars ». Avant chaqu e r é union, « tous les post es vacants e t, autant que possibl e, tous ce ux qui peuvent le devenir » sont portés à la connaissanc e du personn el « dans des conditions telles que tous les int éressés » puissent produire leurs d e mandes. Le rel evé de celles-ci s' effectue en un « tableau r écnpitulntif »; les membres du Comité en obtie nnent commuuication, afin de pouvoir ém e ttre << un avis étudié ». En séance, il leur est loisible de « demander tous renseignements complémentaires, présenler des suggestions et donner lrur avis » ; ils ont qualité pour produire d'intéressants él é ments d 'appr éciàtion : charges de famille; nécessité d e r ésider dans un centre aux ressôlitces vari ées pour l' éducation des enfants; durée des services dans un poste déshé rité ou rendu pénible par la concurrence d' é tablissements libres; aptitudes déterminé es par d es é tudes spéciales, etc . Encore, ils peuvent, à l'occasion , expliquer et àtté nuer certaines défaillances, qui risqueraient d' ê tre appréciées justenient, mais avec trop de sé vérité. Cependant, la préparation du mouvement reste, toujours, « l'affaire personnelle de l'inspecteur d'Acadé mie, qui pèse, avec une scrupuleuse exactitude, tous les titres des candidats aux divers postes» : le « m érite pe>·sonnel » reste « l'élém ent essentiel ». En maintes circonstnnces , ies groupements profes.a sionnels ont demand é qu'uri ba}·ème déterminât lé classement des cà ndidats : Ùne valeur numériqùè / attribuée au mérite, serait ajoutée à des nombres repr és entant l'àncienn é të dés se rvices , tes titres universitaires , les charges de famille, etc. L'ordre de présentation s' effectu e rait d'après les totaux. Sans interdire expressément celte ~nanière de procéder,
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MORALE PROFESS/0,VNELLE
le Ministre a prévenu les lnspecleurs J' .\.c'a<lémie contre le fait d'admettre « que l'inrériorité du mérite pourrait être compensée par une supériorité dans les autres éléments 1 •• . li convient d'étudier avec attenlion quels éléments d'appréciation doivent intervenir, quel coefficient d'importance mérite chacun d'eux et quelles conséquences pratiques en résulteront. Un barème sera bon quand, dans l'application aux cas particuliers, il donnera satisfaction aux sentiments de jt1slice qui inspirent les membres du Comité. Tous doivent revendiquer le droit et le devoir de soutenir, en certains cas, contre la brutalité ac,eugle des chiffres, les solutions de justice ou d'humanité. De même, quand il s'agit d'aptitudes spéciales ou d'intérèts gôoér~ux supérieurs à toutes considérations individuelles, en aucun cas, l'arithmétique ne peut justifier une proposition contraire au bien du service. L'im11ortant est que le Comité ne soit pas une simple machine à calculer. Cc rôle ne convient ni aux chefs ni aux représentants du personnel ». Ces sages prescriptions concilient les droits de l'autorité responsable, le devoir de bien servir l'Ecole, les intérêts légitimes des maîtres. III. Récompenses. = Elles comprennent la mention honorable et les médailles de bronze ou d' argent. Elles sont décernées, le 14 juillet, après avis du C. D., statuant sur les propositions arrêtées par l'inspecteur d'Académie en conseil des Inspecteurs Primaires, pour les deux premières, ou, pour la dernière, par la commission qui établit le tableau d'avancement du personnel2. Pour chaque récompent<e,
1. C. du 28 avril 1926. ~ A. O., al'l, '127 modifié par l'A. du 1°' jnnvier 1922.
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�LES DROITS DES INSTITUTEURS
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le nombre des présentations est le double de celui des récompenses : il appartient au C. D. de fixer leur · ordre. Une procédure identique règle l'attribution des récompenses accordées au titre des œuvres complémentaires de l'école. Elle traduit l'intention d'aboutir à des solutions équitables, d'une autorité telle que nul n'en puisse discuter le bien fondé.
Les sanctions disciplinaires. = a) Plus encore que dans les espèces précédentes, notre législation scolaire accuse, en matière de sanctions, la volonté de « donner des garanties solides à un personnel soucieux de sa dignité professionnelle et que l'inquiétude d'un arbitraire possible prive du calme d'esprit indispensable à l'exercice de ses fonctions 1 ». Ces garanties comprennent : 1° la communication du dossier; 2° le droit de se dé(endre ;_ 3° dans les cas graves, celui d'interjeter appel. 1° La communication du dossieri a lieu dans les bureaux de l'inspection académiqut, ou, en cas de trop grandes difficultés de déplacement, chez l'inspecteur Primaire. Elle ne se limite point aux seuls faits motivant une sanction, mais « à toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant le dossier 3 » : la défense peut trouver, dans le passé, même sans relation avec les faits présents, des arguments de quelque intérêt. - Cette communication est « personnelle » et « confidentielle ». En proscri,ant toute copie de documents (pour les livrer à la publicité, par exemple), la loi a voulu que l'af1. C. du 6 avri l 1906. 2. Prescrite par la loi du 22 avril {905.
= VI.
�MORALE PR OF'ESSIO.YNELLE
faire restât strictement administrative. Sa restriction n'e ntrave en rien la défense: toutes racilités sont lai ssées pour aboutir à une cc connaissance complète» du dossier. 2° La defense consiste chns la présentation d'explications écrites. b'Habildtle, l'lnstituten r incriminé chargê le bureau de son Association d'appuyer sa défense. Plus libres d'esprit et désintéressés claHs le débat, les manJataires peuvent, mieux que l'intéressé, disculei· les charges qui pèsent sur lui et, en cas de torts grave s, mettt·e en lumi èl·e les circonstances àÜénuantes. 3° Enfin, toute sanction ouvre, en pridcipe, un droit de recours auprès du Minislre ou dei; juridictions compétentes, Conseil Supérieur od Conseil d'Etat. Il est prescrit de doriner àu personnel (( les moyens pratiques d'en user». Tous les documents de nature i1 éclaire 1 lè Ministre lui sont transmis. Le 1'eéours hd C. Supét- iel!r vise les jugeri1ents du C. D. Quant au Conseil d ' Etat, il todnaît des décisions prises C< en excès de po11voir », è'est-à-dire, en violation des lois et règlements'. b) L'exa 1 11en des dir,,erses peines disciplinaires permcttÎ'a de préciser iès garadties accordées pour chacdue d'elles : 1°) Déplacement d'office : l'intéressé est prévenu par écrit de la !nesürc qui le vise; on lui en fait connaître les motifs, en lui assi g nant cinq jours pour prendre connaissance de son dossier et se justifier pa1· écri t; la décision, précédée d'une enquête si les renseignements recueillis s'opposent, est prise par le Préfet2, d'accord avec l'inspecteur d'Académie. Elle
1. Par exemple, s'il n'y a pas eu communication du dossier. 2. En Algérie, par le Recteur, investi des pouvoirs du Préfet, ~?l!f eo ce qui co ncerne le C. D,
�l,[.'i Df:()/TS nEs /.YSTITUTEUns
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pèut être suivie d'un recours au .Ministre : toute mcsure d'exécution est suspendue en attendant sa réponse. 2° !iéprimande : !'Inspecteur d'Académie la prononce, àprès avo:r suivi l:t même procédure. Peine très légère, exclusivèmetil morale, elle ne comporte ni publicité ni faculté d'~ppel. 3° Censure : réprimàbde accentuée, elle peut s'àggraver de la ptibllcatidri au Bulletin des Actes administratifs. Aussi, l'aPis motiPé du C. D. est-il obligatoire, sans lier l'lhspecteur d'Académie, dont la décision resté définitive. 4° RéPocation : le préfet statue : 1° s111· fo propos ilion de l'inspecteur d'Académie; 2° après avis motipé du C. D. En cas de conflil entrè Préfet et Inspecteur d'Acatlémie sur le point de savoir si un fonctionnaire doit être traduit devant le C. D., le Ministre décide. Cinq jours, au moins, à l'avance, no : :fi cation est faite à l'intéressé de la date et de l'heure de la séa~ce, du droit qu'il a de comparaître en personne et de prehdre, au secrétariat du C. D., communication, sans déplacement, des pièces de l'instruction. La désÎsion du C. D. 1 n'oblige point le Préfet : « motlvé ii ne sighifie pas << conforme ». Vingt jours sont laissés pour eri appeler au Ministre, à partir de la notification de la décision préfectorale. Le pourvoi n'est point suspensif. - La révocation s'applique aux seu ls titulalres. Les stagiaires exercent en vertu d'une délégation de l'inspecteur d'Académie : il peut la retire!' sur avis écrit et motivé de l'inspecteur Prin-îalre. Lès garanties prévues pour le déplacement d'oflîce entourent cette mesure.
'I. Cf. ci-ap1:~s, au § Interdiction d'enseign er, la procédure suiv i e en C. D.
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MORALE PROFESSIONNELL&
5° Interdiction d'enseigner : 11011 seulemeut elle déchoit l'instituteur de sa fonction, mais encore, elle le prive du droit d'exercer, temporairement (cinq ans au plus) ou à toujours, même dans l'enseignement libre. Véritable incapacité, semblable aux déchéances prononcées par le Code pénal, elle résulte d'un jugement du C. D. Un principe fondamental domine les règles de la procédure : les formalités constitnant des garanties doi11ent être strictement accomplies; le Conseil ne peut ni les abréger ni les simplifier, même sur la demande des intéressés. L'inspecteur d'Académie le saisit par un mémoire évocant les faits incriminés, avec indication de la peine demandée; les pièces de l'affaire ( rapport d'enquête, déclarations diverses, etc.) y sont jointes. Le secrétaire du Conseil les en registre. Le Préfet désigne, alors, un rapporteur pris parmi les membres de l'assemblée. Celui-ci instruit l'affaire et convoque, s'il y a lieu, l'inculpé, pour l'entendre en ses moyens de défense. En séance, il expose les faits, résume la défense et donne lecture d'un projet de décision. Dans les huit jours précédents, l'intéressé est cité par le Préfet à comparaitre en personne et avisé qu'il a le droit : 1° de prendre connaissance de son dossier, sans déplacement de pièces; 2° de se faire assister par un défenseur. Pour la révocation, d'ordre strictement administratif, la loi n'admet point l'intervention d'un avocat; il en va autrement de l'interdiction qui prive le citoyen d'un droit. Si l'inculpé se présente, le président l'interroge, après lecture d_µ rapport. Ainsi que sori défenseur, il assiste à toutes les opérations du débat. L'appel est porté, non devant le Ministre, mais en Conseil Supérieur : la décision du C. D. est un jugement que, seul, un autre tribunal peut connaître. Le
�LES DROITS DES INSTITUTEURS
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délait (viugt joul's) cuurL de la signification de ce jugement. Une réglementation bienveillante concède le droit d'appel au seul maître frappé . Il l'exerce par simple lettre, enregistrée au secrétariat du C. D. et transmise , aussitôt, avec le dossier , au Ministre, qui en saisit le Conseil Supérieur. La commision d es affaires contentieuses et disciplinaires in s truit l'affaire et dresse un rapport écrit. Un jour franc av ant la d élib é ration, dossier et rapport sont tenus à la di sposition de l'intéressé et de son conseil, qui peuvent demander à être entendus. La décision doit être pris e à la majorité des deux tiers, - autre prescription d'un libéralisme éclairé 1 • V. Conclusion. = Ainsi, des garanties nombreuses, équitables dans leur précision, règlent la carrière de l'enseignement. Elles se justifient par la dignité de la tâche et la nécessité, pour bien la remplir, de vivre dans une sécurité constante. Cependant, le progrès des mœurs républicaines a pu les faire estimer insuffisantes . Les groupements professionnels s'élèvent, périodiquement, contre la dé pendnnce du corps enseignant à l'é g ard du pouvoir politique, - contre le droit laiss é au Préfet de passer outre soit nux propositions de !'Inspecteur d'Acad émie, nssisté du Comité consultatif, soit aux avis du Conseil Départemental. Ils r éclament la transfurmation de « l'a11is » en « décision ». Ainsi serait
1. Daus les cas graves et urgents, s ' il juge qu e l'intér êt de l' é cole commande celle mesure, !'Insp ecte ur d'A cad é mi e prononce la suspension provisoire pendant la durée d e l' e nqu ê le . Me sure de pré caution, comm andé e p a r la na lnre d e s faits , non san ction disciplinaire, elle n' entra îne a11 c uu e pri va tio n d e lraite meu t et cesse av ec la fin de l' e nqu è le . Le C. D. doit ê tre sai si dans sa plus prochaine ses · ; , :i (il se réunit. de droit , au moins une fois par trimestre).
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MORAL& PROFESSIONNEllR
supprimée toute intervention « politique>> et fortifié'e l'autorité des chefs, rendus plus ((indépendants» dans leur action et moins (( discutés », les résolutions prises l' étant avec les d élégués du personnel. Celte revendication se lie à celle , qui voudrait assurer au personnel enseignant le droit syndical reconnu aux travailleurs 1. Qu estion vivement controversée et qui détermine l'opposition du gouvernement, car il estime cette revendication contraire à la doctrine d e notr e clrnit public et à l'intérêt supérieur de l'Etat : une grève dans les services publics ne produirait- e lle point de g raves perturbations dans la vie national e? La qu es ti on ne p eut ê tre ici discutée. Remarquons, simplement, que l'obje c tion n'a rien d ' irréductible, du point de vue juridique . Le droit n'existe pas en soi : il est relatif, conventionnel, et, quoique l entement, évo lutif. La Révolution a créé un droit civil et social incli11iâualiste : la reconnaissance du droit à l'association en a commencé l'émiettement. Il en est r ésulté des rapports nouveaux entre les individus et l'Etat, jadis maître souverain. Une brèche apparaît
1. Par la loi du 21 mars 1S84. L'art. 6 de cette loi recounaît aux syndicats professionnels le droit d'ester en justice; d 'employer les cotisations ; d'acquérir les immeubl es nécessaires à le urs réunions, bibliothèques, cours d 'instruction profe tsionuelle; d e constituert entre leurs membres, des caisses spéciales de secours mutuels et de r e traites; d e créer et d'administrer des offices de rens eignements pour les offres e t demandes de travail; d' être consultés sur tous les différends et toutes les questions se rattach ant à le ur spécialité ... L'art. 5 perme t l'union des SJndicats p o u,· là défense et /l'étude d e leu rs intérê ts , sans l e ur reconnaître la personnalité ' civile (ac tion en justice, achat d'immeubles, e tc.) . En Go, l'art. ter abroge l'art. 416 du Code pénal, réprimant« l'atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail », c'es l-i1-dire, le droit de g rève.
�LES DROITS DES INS1'/TUTEU/lS
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· dans la doèl1·ine : quelques jul'isles distinguent les fonctionnaires d'autorité et ceux de gestion, ceux-ci pouvant participer à la plénitude du droit syndical.· Le jour n'est pas loin où le Code, refoit pour le groupement, se plicrri, sous la conlrninte des {'aits, aux exi-1 gences de la solidarité socirile. Alors, le droit de grève, seul et née!!ssriire correctif de l'isolement économique du travailleur, fera place à l'arbitrage 1 • Les l\Ssociations d'instituteurs qui, depuis 1887, ont tenté de prendre la forme syndicnl c, ne s'en éloignent gu è re. La vigueur de leur action a déterminé des résultats remarquables contre le favoritisme et les ingérences politiques; elle a aussi développé la compétence technique de leurs membres. Depuis 1909, leur Fédération a pris contact avec la classe ouvrière, en vue d'adapter les programmes scolaires à ses besoins2. Il en est résulté l'affiliation à la Confédération Générale du Travail et une orientation vers l'autonomie professionnelle. Déjà s'émousse la résistance des pouvoirs publics : ils envisngent de donner aux fonctionnaires un cc stritut » qui, sans leur conférer le droit syndical, leur reconnaîtrait la capacité des organisnlions syndicales, mais leur interdirait, avec toute grève, d'adhérer aux associations dont les intérêts corporntifs di'Œèrenl des leurs. Il préciserait les règles de leur recrutement, de l'avancement (tableau, conseil spécial), de l'npplication des peines disciplinaires (conseil de discipline,
1. Acluellemeut, l'opinion publique Lient le rôle d'arbitre. Bien que démunie <le sanctions positives, elle n'en a pas moins quelque inAuencc : ne fil-elle point, en 1920, échouer , en Fra nce , la grève des chemins de fer, après une deuxième grèvé postale ? Plus r écemm e nl, en Angleterre, même échec po111· la grève générale, issue de la grève charb-onnièrc, malgré la ténacité el la ,·aleu,· des moyens employés. 2. cr. c1,. I\, ~ 111.
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JIOR .11.E PROFESSWNNEUE
assistance d'un défenseur ). Enfin ~ le droit serait reconnu aux groupements de saisir les ministres des · questions se rattachant aux intérêts pro(essionnels de leurs membres et de déférer aux juridictions compétentes tout fait, toute mesure, préjudiciables aux intérets corporatifs. Le Parlement n 'a point encore examiné ce projet. Il n'en reste pas moins que s'affirme la nécessité de garanties de plus en plus précises et complètes. Quel chemin parcouru, cependant, depuis le temps où le « régent » s'engageait à la louée, et, même, depuis l'époque, bien plus récente, où « l'instituteur ne pesait pas lourù d:rn s )a n1::in d'un Préfet >> !
�TABLE DES MATIÈRES
CuAPITRB PRrMIER.
La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. Rôle des conférences pédagogiques. Nécessité de lutter coutre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement........................ La conscience professionnelle. De la régularité el de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne .. ..••.......... . .......... La neutralité scolaire; sa définition. Qu'elle est uu devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur, son représentant ..•........•.....••.. Autre devoir de l'Etat éducateur : il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes ju1·idiques et moraux. Accepter d'être Instituteur, c'est accepter cette restriction à la liberté d'opiuion...... Du choix des livres de classe : avec quelles précautions il doit être fait. Devoirs envers les é lèves : respect de leur personnalité naissante; équité; bonté. Soins et visiles aux élèves malades......................... Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et Jes adjoints...................
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CuArtTH& VIII.
TABLE /JES MAT!E:RES
Rapports avec les autorités préposées à la surveill ance e t à la diri:clion des écoles publiq11 es (municipalit és, insp ec te urs ). . ...... ... . .. ... . . . Rapports avec les famill es . . .. ,,... . Rô le de !' Institute ur dans les œuvres co mpl é mentaires de l'Ecole ... ,., . La vi e privée de lînstilute ur . Edu cate ur, il doit p1·ècher d'exempl e : obli ga tions qui çp résultent e 11 ce qui concerne sa teµ ue, son la ngage, sa coQduite. Po11rquoi les op é rations commercial e~ sont interdites au x instituteu rs .. , • . , ....... .. .. . L'instituteur e l la vie publique. Peutil y avoir désaccord entre l'ens eignement qu'il donne à l'école el les opinions qu'il exprim e en d ehors de l' éco le? Pourquoi les fonctions a dmini s tratives soqt inte rdites aux Institute ur s . . . ... , . .. , . . . . . . . . . . . L'In s titute ur Sec rétaire de Mairie... Les droit s des Instituteurs . Leur s tatut. Conseil départemental. Garanties co ntr e l'arbitraire .•.. , ·. .. ....
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1|TABLE DES MATIÈRES|243
2|CHAPITRE PREMIER. La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. Rôle des conférences pédagogiques. Nécessité de lutter contre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement|9
2|CHAPITRE II. La conscience professionnelle. De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne|28
2|CHAPITRE III. La neutralité scolaire ; sa définition. Qu'elle est un devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur, son représentant|39
2|CHAPITRE IV. Autre devoir de l'Etat éducateur : il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes juridiques et moraux. Accepter d'être Instituteur, c'est accepter cette restriction à la liberté d'opinion|58
2|CHAPITRE V. Du choix des livres de classe : avec quelles précautions il doit être fait|71
2|CHAPITRE VI. Devoirs envers les é lèves : respect de leur personnalité naissante ; équité ; bonté. Soins et visites aux élèves malades|84
2|CHAPITRE VII. Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints|101
2|CHAPITRE VIII. Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs)|124
2|CHAPITRE IX. Rapports avec les familles|141
2|CHAPITRE X. Rôle de l'Instituteur dans les oeuvres complémentaires de l'Ecole|157
2|CHAPITRE XI. La vie privée de l'instituteur. Educateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs|180
2|CHAPITRE XII. L'instituteur et la vie publique. Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime en dehors de l'école ? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux Instituteurs|197
2|CHAPITRE XIII. L'Instituteur Secrétaire de Mairie|208
2|CHAPITRE XIV. Les droits des Instituteurs. Leur statut. Conseil départemental. Garanties contre l'arbitraire|224