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http://bibnum-bu.univ-artois.fr/files/original/a2d6bde3937baa207121bda5f787284b.pdf
e16d186d03a59377e6df59051e00828c
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Bibliothèque virtuelle des instituteurs
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A partir du Catalogue des bibliothèques des écoles normales datant de 1887 souhaité par Jules Ferry et essayant de proposer les ouvrages de référence que chaque école normale d'instituteurs devait avoir, nous avons reconstitué une partie de cette bibliothèque idéale pour la formation des instituteurs
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A name given to the resource
Histoire générale de l'Europe par la géographie politique
Subject
The topic of the resource
Europe
Géographie politique
Description
An account of the resource
1 vol. au format PDF (745 p.), 22 cm. Les planches sont contenues dans un autre ouvrage.
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Freeman, Edward Augustus (1823-1892)
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Armand Colin et Cie, Editeurs
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1886
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2013-01-18
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
Lefebvre, Gustave (1879-1957) - Traducteur
Lavisse, Ernest (1842-1922) - Préfacier
Rights
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Domaine public
Relation
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Format
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Language
A language of the resource
Français
Type
The nature or genre of the resource
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MAG DD 92 081
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Ecole normale de Douai - Fonds Delvigne
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Université d'Artois
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HISTOIRE GÉNÉRALE
DE L'EUROPE
�12901. — PARIS, IMPRIMERIE A. LAIIURE 9, rue de Fleurus, 9
�HISTOIRE GÉNÉRALE
DE L'EUROPE
PAR LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE Edward A. FREEMAN
re honoraire du Collège de la Trinité à Oxford
THADUIT
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L'ANGLAIS
Par Gustave liKFKBVKK
Avec une Préface de
M. ERNEST LAVISSE,
directeur d'études pour l'histoire à la Faculté des lettres de Paris
TEXTE
PARIS
ARMAND COLIN ET c/°, ÉDITEURS
1, 3, 5, RUE DE ME ZI
1886
Tous droits réservés
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��AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR
L'ouvrage dont nous présentons aujourd'hui la traduction au public français a paru en Angleterre il y a déjà quelques années. Notre intention était tout d'abord de n'en donner que le texte, la publication de l'Atlas devant entraîner à des dépenses assez considérables. Mais de nouvelles réflexions et les conseils d'hommes compétents nous ont amené à penser qu'un ouvrage comme celui-ci ne pouvait pas être tronqué, et le bon vouloir de notre éditeur s'est chargé du reste. C'est donc bien dans son intégrité que nous le publions aujourd'hui, et si nous instruisons nos lecteurs de ce fait, c'est afin d'expliquer l'une des causes qui ont retardé l'apparition de notre travail. Un seul mot maintenant sur les motifs qui nous ont déterminé à faire connaître à nos concitoyens l'ouvrage de M. Freeman. Cet ouvrage est, à proprement parler, l'histoire de tous les changements qui peuvent figurer sur la carte politique de l'Europe depuis les commencements de la Grèce et de Rome, et elle se poursuit à travers les siècles jusqu'à ce qu'elle nous montre les divers événements qui ont engendré les États de l'Europe moderne, et qui ont contribué à leur donner l'étendue géographique qu'ils occupent actuellement. Il y avait donc un sérieux intérêt à faire connaître
a.
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AVANT-PROPOS.
un livre que nous ne croyons pas avoir jamais été fait sur un plan aussi vaste1, et cela d'autant plus qu'il constitue à lui seul une branche spéciale dans l'étude de l'histoire. Notre traduction aura aussi, nous l'espérons, le mérite de faire connaître comment le sujet a.été traité par un étranger, qui est en même temps l'un des premiers historiens de son pays. Pour ne citer que quelques-unes de ses grandes compositions historiques, les Essais historiques, la Conquête de l'Angleterre par les Normands, le Développement de la Constitution anglaise ont acquis à M. Freeman une grande et légitime réputation. Aussi les quelques modifications que nous nous sommes permises dans l.e cours de notre traduction se réduisent-elles à fort peu de chose. C'est ainsi que nous avons remplacé le titre de l'ouvrage, qui est textuellement en anglais : Géographie historique de l'Europe, par cet autre : Histoire générale de l'Europe par la géographie politique, qui ne fait que le compléter et le préciser davantage. Nous avons cru devoir également couper le livre par des titres généraux d'alinéas, au lieu de reporter en marge, comme cela a lieu dans l'original, tous les faits et toutes les idées principales contenues dans le livre. Nous avons aussi intercalé toutes les dates à la place qui leur était marquée dans le texte, car nous avons trouvé que le système employé avec l'auteur, qui consiste à mettre chacune de ces dates en marge de la ligne qui s'y rapporte, et sans aucune spécification', amène parfois quelque confusion. Enfin, çà et là, nous avons glissé quelques notes, mais ce sont bien plutôt des notes explicatives, destinées à faciliter la lecture du livre par le rappel de certains faits mentionnés ailleurs ou simplement sous-entendus par l'auteur Nous avons eu la même manière de voir pour i Atlas ; mais de ce côté nous avons été amenés à des changements en apparence plus importants. C'est ainsi que, sans parler de certaines modifications apportées au format des cartes,
1. L'ouvrage de M. Himly ne s'applique en effet qu'à une partie de l'Europe, eelle d'ailleurs où ces changements ont été les plus importants et les plus compliqués. Il va sans dire que ce remarquable ouvrage, où l'auteur retrace dans tous ses détails, et avec l'autorité d'un maître, la formation territoriale des états de l'Europe centrale, a été souvent consulté par nous et qu'il nous a servi aussi à contrôler une bonne partie du livre de M. Freeman.
�AVANT-PROPOS.
e
nous avons cru devoir adjoindre à la plupart d'entre elles une légende destinée à condenser en quelques lignes les transformations importantes qui se sont opérées entre leurs différentes dates. C'est en quelque sorte un résumé du livre, avec cette différence que les faits suivent non plus l'ordre des divisions établies par l'auteur, mais l'ordre chronologique. Enfin il nous a semblé nécessaire de combler une lacune qui existait dans cette seconde partie de l'ouvrage de M. Freeman. En effet, soit parce que la dimension des cartes n'était pas toujours suffisante, soit parce que l'édition anglaise n'a pas voulu augmenter le nombre de celles-ci, soit pour toute autre cause, plusieurs noms de régions, de pays ou de villes, cités dans le texte, ne figurent pas à leur place dans l'Atlas. Aussi n'avons-nous pas craint, chaque fois que nous l'avons jugé nécessaire, d'augmenter le nombre des cartes. C'est ainsi que nous avons fait figurer dans l'Atlas français une carte de l'Allemagne au seizième siècle, une de l'Italie à la même époque, une autre des Pays-Bas au dix-septième siècle qui permet de suivre les fluctuations de la frontière septentrionale de la France, cinq autres cartes enfin pour les iles Britanniques et les colonies des différents états européens. Qu'il nous soit permis, en terminant, de remercier des excellents conseils qu'il ne s'est pas lassé de nous donner, leminent professeur qui a bien voulu mettre en tête de ce livre la préface vraiment magistrale où il a su si bien exposer toutes les idées que lui suggérait le sujet.
Gustave
LEFEBVRE.
Mai 1885
�PRÉFACE
DE L'ÉDITION FRANÇAISE
C'est une difficile entreprise que d'écrire une histoire de la carte politique de l'Europe. Combien d'événements, en effet, invasions, conquêtes, révolutions, se sont passés à la surface du continent qui a nourri la partie la plus vigoureuse de l'humanité, celle qui est en possession, depuis des siècles, du privilège de faire l'histoire ! Quels contrastes entre les pays méditerranéens, où le soleil a pour ainsi dire allumé les premiers foyers de la civilisation, et la région océanique, si longtemps ignorée; entre l'Orient qui a reçu de l'Asie tant d'immigrants de races et de civilisations diverses, et l'Occident, habité par des peuples d'une même race, dont la civilisation a pour caractère principal de développer l'énergie par la liberté ! Comment trouver un ordre dans cette multitude de faits et des cadres pour ces contrastes ? Un coup d'œil jeté sur la table de ce volume montrera comment M. Freeman a construit son édifice. Sur la large fondation de l'empire romain, divisé à la fin en empires d'Orient et d'Occident, il a bâti l'histoire des États occidentaux et celle des États orientaux; les ailes du monument sont formées par l'Angleterre, qui n'est entrée dans l'empire d'Occident que pour en sortir presque aussitôt, et par la Russie, dont une très petite partie seulement a été comprise dans l'empire d'Orient; toutes les deux, enveloppant le
�Il
PREFACE
monde de leurs conquêtes, se rencontrent aujourd'hui et semblent près de se heurter au pied de l'Himalaya. Les lignes de l'édifice sont simples et l'aspect en est imposant ; aussi l'objet de cette dissertation n'est-il point de critiquer l'architecte ni de proposer un autre plan. Je voudrais seulement préparer le lecteur à la sérieuse lecture qu'il va faire, en lui présentant l'histoire générale de l'Europe, non plus dans des divisions géographiques, mais dans ses périodes chronologiques. Pour cela, je ferai plus d'un emprunt, mais aussi plus d'une addition au livre de M. Freeman, sans l'accuser d'ailleurs d'avoir rien omis : il n'a entendu faire qu'une synthèse de géographie historique, et je vais essayer de dessiner sur la carte de notre continent la marche tantôt simple et tantôt compliquée du courant de l'histoire.
I
L'ANTIQUITÉ
I. Caractères généraux de cette période. — Il ne suffit point que des peuples vivent pour qu'ils aient une histoire : il faut qu'ils aient une vie active et féconde. Tous les peuples historiques ont trouvé les règles d'un état social et d'un gouvernement. Tous ont cherché une solution aux problèmes que l'esprit humain s'est posés dès le premier jour et qui l'occuperont jusqu'à la fin des siècles, si les siècles doivent finir : ils se sont donné une religion et une morale. Tous ont travaillé à mettre la nature au service de l'homme, pour rendre la vie plus heureuse ou plus belle : ils ont inventé ou perfectionné l'industrie et l'art. Tous ont eu l'ambition d'agir sur les autres peuples et de les faire servir aux fins qu'ils se proposaient : ils ont été commerçants ou conquérants, ou les deux à la fois. Aujourd'hui, plusieurs peuples réunissent les conditions nécessaires pour mériter la qualité d'êtres historiques; les efforts de chacun d'eux et la concurrence qu'ils se font constituent l'histoire. Mais, plus on s'éloigne des temps modernes, en remontant le passé, plus rares sont les êtres historiques : il n'y en eut d'abord qu'un seul, les Grecs; un seul après
�l'IlÉt'ACE.
m
les Grecs a occupé la scène, qu'il a élargie : c'est le peuple romain. L'histoire de la Grèce et de Rome forme une première période, l'antiquité, qui se termine au rve siècle de l'ère chrétienne, au moment où de nouveaux acteurs, les Germains et les Slaves, entrent sur le théâtre pour y jouer leur rôle, et compliquer l'histoire, si simple jusque-là. II. La Grèce. ■— Il était naturel que l'histoire de l'Europe commençât au sud-est, tout près du berceau des premières civilisations. La Grèce recueillit les bénéfices de l'expérience acquise par les peuples de l'Euphrate et du Tigre, de la côte du Liban et de la vallée du Nil; mais la civilisation grecque se distingua de celles qui l'avaient précédée par deux vertus qu'on peut nommer européennes, la liberté et l'activité. Il était naturel aussi que le premier de nos peuples civilisés révélât tout de suite le caractère de la civilisation européenne, car la Grèce, qui reçoit la mer dans les plis et replis de son rivage et pousse dans la mer ses promontoires, péninsule entourée d'îles et découpée en vallées que dominent des plateaux, est comme une réduction de notre continent péninsulaire, au littoral développé, aux articulations variées et nettes. La Grèce, c'est l'Europe réfléchie et condensée dans un miroir. La première domination fut donc celle des Grecs, mais ils étaient morcelés en petits peuples, enfermés dans de petites cités, et si deux ou trois cités exercèrent une hégémonie, elle ne fut jamais ni étendue ni durable. Aussi n'y eut-il pas vraiment de conquête grecque. La Grèce avait su organiser dans l'enceinte sacrée de ses villes un gouvernement et une société; elle excellait dans tous les genres du travail humain, philosophie, sciences, arts, industrie et commerce; elle acquit ainsi de grandes forces qu'elle répandit au dehors. Elle fonda sur toutes les côtes méditerranéennes, de l'Euxin aux colonnes d'Hercule, des cités, filles des siennes ; mais de même qu'elle ne s'est jamais réunie en un Etat, elle ne réunit point ses colonies en un empire. Lorsqu'elle eut achevé son histoirè, et qu'elle tomba sous la domination d'un, peuple militaire, les Macédoniens, des États grecs furent fondés, mais les plus importants furent en Asie, ou en Égypte : sur l'Europe, la Grèce n'a régné que par son esprit, dont l'empire est impérissable. Il était réservé à un autre peuple d'établir sur notre continent une domination territoriale.
�iv
PRÉFACE.
III. La domination romaine. — La péninsule italienne ne ressemble pas à la péninsule hellénique : elle est plus rigide; le développement de ses côtes est moindre, et les îles ne foisonnent point autour d'elle. Ses ouvertures ne sont point, comme celles de la Grèce, tournées vers l'Orient ; mais, pour racheter ces désavantages, elle est située au centre même du monde méditerranéen, et la Sicile la prolonge jusqu'en vue de l'Afrique. Beaucoup plus que la Grèce, l'Italie est continentale. Son histoire est celle de populations indigènes visitées sur les côtes seulement par des marins étrangers, et qu'une cité de laboureurs a réunies sous ses lois. Rome, qui a employé ses premiers siècles à grossir et arrondir son territoire comme fait un paysan de son domaine, a donné à sa domination la continuité territoriale. Comme tous les conquérants, elle a continué de conquérir, parce qu'elle avait commencé. Ses premières guerres en ont amené d'autres ; ses premiers succès ont rendu les autres à la fois nécessaires et faciles, et elle a fini par croire qu'elle avait mission de soumettre les peuples : la conquête est devenue pour elle une profession. Elle a beaucoup agrandi en Europe le champ de l'histoire, en y faisant entrer la Gaule, l'Espagne, la Bretagne et tout le pays situé entre les Alpes et le Danube qu'elle a dépassé. Pour exploiter et gouverner les territoires soumis, elle a inventé la province. Son administration a détruit les peuples anciens et fondu les vieilles divisions, historiques ou naturelles, dans l'unité de Vorbis romanus, c'est-à-dire de la belle région méditerranéenne, au centre de laquelle s'éleyait (i l'immobile rocher du Capitale ». Les cités grecques, chacune pour son compte, avaient semé des colonies grecques : Rome s'est agrandie jusqu'à devenir un monde ; fiebat oi-bis urbs, a dit Varron. II y avait eu un monde grec, mais point d'empire grec : il y eut un empire romain. L'action de Rome a été profonde : elle a transformé des peuples, mis l'ordre à la place de l'anarchie, enseigné aux vaincus sa langue, ses mœurs, sa religion et ses lois. On ne peut qu'admirer une puissance si extraordinaire ; mais il est douteux que tous les effets en aient été bienfaisants. Toute éducation uniforme est dangereuse, car la variété des individus est nécessaire au progrès de l'activité humaine. Plus il y a d'individus concurrents, plus fécond est le travail universel. L'uniformité immobilise ou force
�PRÉFACE.
v
à marcher au pas : la variété permet la marche â volonté, qui laisse au marcheur son allure. Rome a détruit, autant qu'ils pouvaient l'être, les génies particuliers des peuples : elle les a rendus inhabiles à la vie nationale. Quand la vie publique de l'empire a cessé, l'Italie, la Gaule, la Bretagne, l'Espagne n'ont pas su devenir des nations, et la grande existence historique n'a commencé pour elles qu'après l'arrivée des barbares et plusieurs siècles de calamités et de violences. Quel beau spectacle eût donné notre monde européen, si la civilisation romaine, s'étendant jusqu'au cœur des pays demeurés barbares, avait peu à peu instruit, élevé cette masse d'hommes nouveaux, sans l'asservir, l'exploiter et l'épuiser ! Nous aimons à opposer au tableau de la Gaule gauloise celui de la Gaule romaine : les villages sont transformés en villes, les cabanes en palais, les sentiers en routes dallées, les orateurs incultes en rhéteurs diserts, les guerriers barbares en généraux ou en empereurs. Nous admirons la rapidité de la transformation, et la vie heureuse que l'on menait dans les cités gallo-romaines; mais en mesurant la place que tiennent aujourd'hui dans le monde les peuples que Rome n'a pas conquis et les pays qui n'ont pas joui de la civilisation romaine, on se prend à regretter amèrement que César ait vaincu Vercingétorix. IV. Les deux empires. — Au reste, si fortement organisée qu'elle fût , cette vaste domination recouvrait maintes oppositions qu'elle ne dompta point. Le plus souvent c'est entre l'esprit du Nord et celui du Midi qu'il y a contradiction, et par conséquent lutte permanente. Mais.au temps de l'empire romain, le Nord était un ennemi extérieur que l'on contenait, et le contraste existait entre l'Occident et l'Orient : l'Occident que Rome avait soumis et assimilé, parce qu'elle l'avait civilisé, l'Orient qui gardait sa civilisation hellénique. Dans l'Europe occidentale, Rome a porté sa langue qui est demeurée; mais sur l'hellénisme, elle n'a gagné à grand'peine que l'Italie méridionale et la Sicile : la langue et la civilisation de la Grèce ont persisté de l'Adriatique au Taurus. Ici le nom romain a remplacé le nom grec, mais l'apparence seule est romaine. Lorsque Constantin bâtit une nouvelle ville sur l'emplacement de Byzance et change ce nom en celui de ville de Constantin, dans le mot Constantinopolis, Constantinus est latin, mais itoXi; est grec. Le jour de la fondation de cette seconde Rome, un empire a commencé, que la chancellerie byzantine appellera •
J
�V
PRÉFACE.
l'empire romain, mais que l'histoire appelle avec raison l'empire grec. La séparation de l'Occident et de l'Orient était inévitable; elle se trouva consommée lorsqu'en 395 les deux fils de Théodose commencèrent à régner, l'un à Ravenne et l'autre à Constantinople. Dès lors coexistèrent deux États, ayant chacun sa tâche et ses ennemis propres, ennemis nombreux et puissants, dont la cohue essaye de se faire place sur la scène historique.
II
DE L'ANTIQUITÉ AU MOYEN AGE
I. Caractères généraux de cette période. — Voici maintenant la diversité qui commence. Des peuples nouveaux arrivent du Nord, du Sud et de l'Est. Ce sont des Germains, qui se répandent en Gaule, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne et eu Afrique; des Slaves qui s'avancent jusqu'à l'Elbe et à la Saale, dans le quadrilatère de Bohême et dans le pays du Danube. L'Asie envoie des Touraniens ; les Avares d'abord, puis les Magyars qui, pressant sur les Slaves, les poussent d'une part vers la Germanie et d'autre part vers la péninsule des Balkans. Elle envoie des Sémites, les Arabes, qui entament l'Empire en Asie, conquièrent l'Afrique, des îles méditerranéennes, l'Espagne, et même lirte partie de la Gaule. Entre ces peuples, les plus grands contrastes : Germains et Slaves sont de même race que les Romains et, depuis longtemps, en relations avec l'Empire, ils ne détruisent pas pour le plaisir de détruire; ce sont des disciples, qui cherchent à s'entendre avec le maître, et d'ailleurs, en se convertissant au christianisme, ils se rapprochent des Romains par la communauté de la foi. Les Touraniens sont d'autre race, d'autre tempérament . les uns seront détruits avant d'être convertis; les autres se convertiront très tard, et, même après qu'ils auront renoncé au régime de la horde, ils resteront longtemps des Asiatiques campés en Europe. Les Arabes représentent en face de la grande race indo-européenne la grande race sémitique, l'islamisme en face du christianisme, l'Orient en face de l'Occident.
�PRÉFACE.
Malgré celte variété des provenances, des lieux, des mœurs et des intentions, l'historien discerne un courant historique et il peut ramener à l'unité ces fractions désordonnées. Tous ces peuples seront en relations avec l'Empire. Les barbares d'Orient, en effet, entameront l'Empire en Orient, mais sans le renverser ; en Occident, les Francs, le plus puissant des peuples germaniques, après que les Germains auront étouffé l'Empire, le rétabliront. Et de nouveau, en l'an 800, quand Charlemagne aura été couronné dans la basilique de Saint-Pierre, l'Europe apparaîtra bien ordonnée, comme au temps de Théodose, avec ses deux capitales, Rome et Constantinople. C'est pourquoi il est légitime de terminer à l'an 800 une seconde période. II. L'Empire d'Orient. — Nul doute qu'à Constantinople on ne s'imagine toujours conduire l'histoire. Là siège le personnage sacro-saint, unique, le pasiXeû; héritier d'Auguste, l'empereur universel, qui garde en se défendant contre le monde nouveau la majesté d'un ancêtre vigoureux. Il est vrai qu'en l'année 476, la Bretagne ayant été depuis longtemps évacuée par les troupes romaines, la Gaule étant occupée par les Francs, les Burgondes et les Wisigoths, l'Espagne par les Wisigoths encore, l'Afrique par les Vandales et l'Italie par des mercenaires de toutes les nations, le chef des mercenaires d'Italie, Odoacre, renvoya les insignes impériaux àConstantinople. Mais cet acte ne signifiait pas que l'Occident se détachât de l'Empire : la députation chargée de ce message solennel le commenta en disant qu'un seul maître suffisait au monde. En théorie l'unité se trouva rétablie, comme au temps des Césars et des Antonins. Les hommages des rois de l'Occident suivirent l'empereur jusqu'à Constantinople. Le (Jamteû; consacra les victoires de Clovis en lui faisant porter les insignes proconsulaires. U envoya en Italie Théodoric contre Odoacre, et Thëodoric resta son lieutenant. Un moment même, on put croire qu'il allait reprendre effectivement possession du monde : Justinien conquit l'Italie, l'Afrique, une partie de l'Espagne, des îles et des côtes de la Méditerranée. Mais ce retour offensif de l'ancienne puissance est de courte durée : les Lombards, descendus en Italie, ne laissent à l'Empire que des îlots de territoire, battus sans cesse par les Ilots de leur invasion; le principal, l'exarchat de Ravenne, ne leur sera enlevé par les Francs que pour être donné à l'évêque de Rome. Les Sarrasins, par leurs conquêtes en Asie, en Afrique, en
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iu
PREFACE.
Espagne, tracent cet immense demi-cercle qui enveloppe par le sud l'ancien orbis rornanus. Resserré sur lui-même, l'Empire, qui se dit universel, commence à prendre le caractère déterminé d'un État oriental. Les immigrations de barbares, venus par le Nord, compliquent l'ethnographie de la péninsule des Balkans, préparant ainsi les éléments de l'insoluble question d'Orient. Les Slaves se répandent au Nord et au Nord-Ouest : alors naissent la Servie, la Croatie, la Carinthie. L'Istrie et la Dalmatie sont tout imprégnées de Slaves, et les Slaves encore pénètrent par infiltrations dans la Macédoine et dans la Grèce. Un peuple touranien, mais bientôt assimilé aux Slaves, les Bulgares, passe le Danube et s'étend bien au delà de l'Hémus. Dès lors, tout espoir est perdu de restaurer l'Empire universel. Des peuples nouveaux enceignent de toutes parts et pénètrent jusqu'au cœur l'État du fSamXegç. Il ne reste à l'Empire byzantin qu'une tâche modeste : il doit s'efforcer de vivre, et c'est merveille qu'il ait si longtemps vécu. III. Les barbares en Occident et l'Église. — Pendant que l'Orient gardait ainsi les formes du passé, les Germains bouleversaient l'Occident. Les relations de ces barbares avec l'Empire commencent au jour même où les Germains entrent en relations avec Rome, dans cette attitude de mendiants armés que prennent les Cimbres et les Teutons, demandant des terres, et offrant en échange le service de leurs armes. L'Empire, après avoir défendu contre eux ses frontières du Rhin et du Danube, les a laissées fléchir. Des individus en foule, des groupes de plus en plus considérables, enfin des peuples entiers sont venus s'établir sur les terres romaines. Au v° siècle, pour ne point parler des Vandales, qui fondront sous le soleil d'Afrique, les Wisigoths, les Burgondes et les Francs se partagent à peu près toute la Gaule, et les Ostrogoths, depuis 495, sont maîtres de l'Italie. Ni les uns ni les autres ne sont des destructeurs. Chacun de ces peuples, répandu sur de vastes provinces, en minorité au milieu d'une population toute romaine, cherche une façon de s'accorder et de vivre avec elle; il y met une intelligence suffisante et beaucoup de bonne volonté. Mais il ne peut ni dépouiller ses mœurs anciennes, ni revêtir les mœurs romaines. Le gouvernement des rois barbares est une monarchie étrange, moitié romaine et moitié germanique, absolue en principe, mais tempérée par des révoltes et des assassinats. Le respect persistant de l'Empire gêne les Ostrogoths établis sur
�PRÉFACE.
Ja terre romaine par excellence, et les Burgondes, à qui leur chancellerie romaine fait parler, quand ils s'adressent à l'empereur, un langage de serviteurs très humbles. Et pourtant, ce sentiment que les Occidentaux professent pour l'Empire, est une superstition : c'est la peur d'un fantôme. L'Empire n'est plus rien. Une puissance nouvelle va conduire l'histoire en Occident : c'est l'Église. L'Église chrétienne, après avoir vécu cachée dans l'Empire, après avoir bravé ses lois et souffert ses persécutions, avait reçu de lui le droit de cité, des honneurs, des privilèges, la richesse, et le modèle d'une hiérarchie de gouvernement. La hiérarchie impériale était en effet reproduite dans les cités par les évêques, dans les provinces par les métropolitains. L'évèque de Rome, successeur de saint Pierre, patriarche unique de l'Occident, salué déjà du titre d'évêque universel, était au spirituel ce qu'était au temporel le successeur d'Auguste. L'Église ne gouvernait pas seulement les esprits par son dogme et par sa discipline : elle les possédait tout entiers. La sève intellectuelle de l'antiquité ne produisait plus que de petites fleurs misérables, sans couleur ni parfum. Hors de l'Église, il n'y avait point de vie ; hors d'elle, point de salut pour les barbares. Pour ne point s'être entendus avec elle, Wisigoths, Burgondes, Tandales, Ostrogoths, peuples chrétiens mais hérétiques, n'ont fait que passer sur la scène. L'Église et les populations romaines ne les ont point chassés : elles n'en avaient pas la force, mais elles ont laissé les Grecs reprendre l'Italie, et elles ont aidé les Francs à conquérir la Gaule, puis l'Occident. IV. Les Francs et l'Église de Rome. — De même que l'Église, survivant à l'Empire, était faite pour accueillir les peuples nouveaux et leur donner les moyens de vivre avec les populations anciennes; de même les Francs, isolés à la frontière septentrionale, partie sur terre d'empire et partie sur terre germanique, étaient bien placés pour ménager la transition entre le passé qu'avaient rempli les Romains et l'avenir qu'allaient remplir les nations germaniques. Ils avaient l'heureuse fortune .de n'être point des nouveaux venus : ils avaient connu Rome et l'avaient servie; pourtant ils n'étaient point, comme les Wisigoths et les Burgondes, de vieux serviteurs usés et des Germains dépaysés, sans communication avec la Germanie. La vigueur franque eût
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PRÉFACE.
suffi à elle seule pour triompher des Burgondes et des Wisigoths. Mais ce qui acheva la fortune des Francs, c'est qu'ils entrèrent par le baptême de Clovis dans la grande communauté de l'Église, et reçurent ainsi le droit de cité dans le monde ancien transformé par elle. Dès lors, ils sont liés à l'Église, qui cherchait un peuple dont elle pût faire le peuple de Dieu. Au lendemain du baplême, une plume ecclésiastique trace au nouveau David ses devoirs : il ne s'agit de rien moins que de réunir sous une même loi et dans une même foi les peuples de la terre, et de refaire ainsi l'univers romain, devenu l'univers chrétien. Les Francs se mettent à l'œuvre : au delà des anciennes limites •de l'Empire, l'Alamannie et la Thuringe sont conquises; la Bavière est réduite à la dépendance ; le christianisme est prêché dans ces contrées nouvelles. Mais la race des Francs ne réussit pas du premier coup à faire cette difficile besogne. La dynastie qui en était chargée s'y montra inhabile ; elle gouverna mal et même n'arriva jamais à comprendre ce qu'est un gouvernement. Elle s'usa dans les jouissances, dans les discordes, dans l'imbécillité. Son empire se démembra : Neustrie, Aquitaine, Burgondie, Austrasie,. Alamannie, Bavière, s'organisèrent pour l'existence séparée, et, dans chacune de ces provinces, qui étaient comme des royaumes, de petits groupes de seigneurs et de sujets commencèrent à vivre d'une vie locale. Or, en ce moment même, la papauté s'élevait assez haut pour -dominer le monde. Tandis que les Églises tombent partout en décadence, l'Église de Rome a des représentants illustres. Embrassant d'un coup d'œil tout le monda barbare de l'Occident, elle va faire des conquêtes par delà la Gaule, à l'extrémité même de l'ancien empire. Des missionnaires romains vont convertir les AngloSaxons récemment établis en Bretagne, et fondent dans ce pays la première Église qui ait été la fille et la sujette de Rome. De là partent les missionnaires qui vont prêcher en Germanie un christianisme rigoureusement catholique. Ainsi la Rome de saint Pierre commence ses conquêtes où la Rome d'Auguste a fini les siennes, par cette Bretagne et par cette Germanie où l'Empire n'a jamais fait de conquête durable. Bretagne et Germanie sont les premières provinces d'un empire de l'Église, et l'Église les fait ' •entrer dans l'histoire européenne. V. La restauration de l'Empire.
—
Cependant la papauté
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demeurait rivée à l'ancien Empire : l'évéque de Rome était le sujet du fSaaiXti;, et de Constantinople lui venaient des affronts, des humiliations, même des dangers pour la foi. Entre les Grecs et les Lombards, qui se disputent la Péninsule, le pontife poursuit son œuvre avec patience, et plus précaire est sa vie présente, plus magnifique est son ambition pour l'avenir. Déjà il se transforme peu à peu en un souverain réel de Rome. Il rêve une domination en Italie. Il a commencé à établir sur l'Occident son autorité spirituelle. Attentif aux événements, il suit les progrès d'une nouvelle puissance franque qui s'élève; car lui aussi, il est en quête d'un peuple qui se charge de l'œuvre de Dieu. La nouvelle puissance franque était fondée par la famille des Carolingiens, qui possédaitde grands biens dans l'ancien pays desFrancs entre Moselle et Rhin, et qui avait par conséquent une grande clientèle. Il eût pu se faire qu'elle se contentât de former là un duché nouveau, comme ceux de Bavière ou d'Aquitaine ; mais elle avait acquis, en même temps que des biens, des honneurs publics. Elle possédait héréditairement la mairie du palais qui l'attachait au service de la famille mérovingienne. La tentation lui vint de se substituer à elle ; mais avant de prendre la royauté, elle commença par la relever. Charles Martel refit la conquête de la Gaule et barra la route aux Arabes; il refit la conquête de la Germanie, et la poussa plus loin que n'avaient fait les Mérovingiens. L'Église reconnut à ces belles actions le bras dont elle avait besoin. Encore une fois, la grande force intellectuelle et morale s'unit à cette grande force matérielle. L'évêque de Reims avait baptisé Clovis : le pape sacra Pépin roi, et couronna Charlemagne empereur. Certes, cette force nouvelle d'un second ban des Francs se serait produite dans le monde sans la bénédiction de l'Église, et les Francs de Charlemagne, comme ceux de Clovis, eussent été, sans le concours du pape, des victorieux et des conquérants; mais l'Église disciplina cette force, la guida, lui expliqua sa raison d'être. VI. Les deux empires et les Arabes en l'an 800. — L'aneienne Rome s'était donné la mission de conquérir le monde pour le soumettre à ses lois : Charlemagne reçut de l'Église la mission de conquérir le monde, pour le gouverner selon la foi. Son empire comprit d'anciens pays chrétiens qui avaient obéi à Rome : toute la Gaule, puis le pays entre les Pyrénées et l'Èbre, enlevé aux
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PREFACE.
Sarrasins qui avaient conquis l'Espagne ; l'Italie, jusqu'au Garigliano conquise sur les Lombards et de laquelle Pépin avait détaché le patrimoine de saint Pierre ; hors de l'ancien Empire, il comprit toute la Germanie, dont Charlemagne acheva la soumission et la conversion, et qu'il fit entrer ainsi tout entière dans le grand courant de l'histoire. C'est alors que l'Europe se trouva partagée encore entre deux empires; mais la séparation entre l!Occident et l'Orient fut marquée plus fortement que jamais. Il est vrai qu'une fois couronné par le pape et salué Auguste par les Romains et les Francs, Charlemagne se trouvait être en théorie l'empereur universel, comme si l'Empire eût été tout simplement transporté des Grecs aux Francs, et rapporté de Constantinople à Rome; mais la force des choses prévalut sur les illusions de la théorie, et Charlemagne, dans sa correspondance avec le paatXsiç, reconnaît qu'il existe un empire d'Orient et un empire d'Occident. Réunis, ils contiennent la chrétienté. Au Sud, s'étend toujours, comme un croissant gigantesque, l'empire de l'Islam, divisé lui aussi en deux empires, l'un occidental, le khalifal de Cordoue, l'autre oriental, le khalifat de Bagdad. Au Nord, s'échelonnent des peuples divers : un seul, devenu chrétien, commence à former une nation, c'est le peuple des Anglo-Saxons ; les autres, Scandinaves, Slaves de l'Elbe, Avares du Danube, demeurent païens. Mais sur ces barbares les deux empires chrétiens font sentir leur action : Charlemagne a détruit le royaume des Avares ; il a vaincu les Scandinaves et les Slaves et, s'il ne les a pas soumis, il a organisé contre eux sa frontière, en y établissant les marches, avant-gardes de la chrétienté, dont le devoir était la guerre perpétuelle contre l'Étranger. Dans cette région du Danube et de l'Adriatique, les deux empires se touchent, ont les mêmes ennemis, et se disputent un vaste terrain d'action ouvert à leur politique ou à leurs armes. VII. Effets historiques de la restauration de l'Empire en Occident. — Ainsi, vers l'an 800, au sortir d'une période d'invasions et de désordres, où l'ancien territoire impérial de l'Occident a été divisé en provinces et fragments de provinces,- l'Europe a repris un aspect très simple. Le paaiXsû; a défendu le passé en Orient, Charles l'a restauré en Occident. Cette restauration est le grand fait de cette période, et lui donne son caractère. De celle qui précède et de celles qui suivent, elle se distingue par ce phé-
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nomène étrange que deux puissances morales, le souvenir de l'empire romain et l'autorité de l'Eglise chrétienne, dirigent la force matérielle. L'historien ne peut rester indifférent à ce spectacle. Entre l'ancienne Rome qui conquiert pour dominer et exploiter, et la nouvelle qui veut gagner les âmes après les avoir éclairées, il donne, sans hésiter, la préférence à la nouvelle ; le monde est si rarement conduit vers un idéal, et l'esprit est si naturellement porté à aimer les conquêtes de l'esprit! L'historien se plaît aussi à considérer cette démonstration de la puissance du passé donnée par ce Germain, descendant des vieux ennemis de Rome, qui accepte comme récompense de ses victoires et terme suprême de son ambition la restauration de l'Empire. C'est un grand sujet d'étonnement et d'admiration que la Germanie, jadis rebelle et demeurée dans les ténèbres extérieures, au temps où Rome faisait l'histoire, soit entrée dans l'Empire après que le plus grand des Germains eut été subjugué par la grandeur du souvenir de Rome. Mais l'historien n'admire jamais sans réserve, à moins qu'il ne soit serf de cet optimisme fataliste, qui veut que tout ce qui a été fait ait été bien fait, et que tout ait été conduit pour le mieux dans le meilleur des mondes. Avant que les Carolingiens eussent repris l'œuvre d'unification, l'Europe s'organisait par groupes territoriaux, et l'ère commençait des existences nationales distinctes ; après que la force carolingienne sera épuisée^ l'Europe péniblement se divisera de nouveau en groupes territoriaux, et il sera dépensé autant de misères et de sang pour défaire l'œuvre qu'il en a fallu pour la faire. On dit que l'empire carolingien a eu ce bienfaisant effet de donner aux nations futures le point de départ d'une civilisation commune, militaire, poétique et chrétienne ; mais les peuples d'Europe que Charlemagne élève dans un commun berceau ne seront-ils pas des frères ennemis? Ne vont-ils pas se déchirer après sa mort? N'y a-t-il pas, d'ailleurs, une grande ombre et très noire, projetée sur la victoire du christianisme, telle qu'elle s'est produite, c'est-à-dire sous la forme d'un triomphe dé cette institution politique et vraiment impériale, la papauté romaine? Si nous avions la force et la liberté d'esprit nécessaires pour nous représenter ce qui serait advenu, si ce qui était arrivé n'était pas arrivé, nous verrions peut-être ces Aquitains, ces Lombards, ces b
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Kùstriens, ces Bavarois, ces Saxons, trouvant plus vite et plus aisément la façon de vivre qu'ils cherchaient; indemnes de cette administration impériale et ecclésiastique qui a été un des facteurs les plus redoutables de l'asservissement des personnes ; se pénétrant peu à peu de l'esprit chrétien, appropriant la religion ii leurs tempéraments particuliers, mais indemnes de cette administration théologique qui a plié les âmes sous la tyrannie des formules, jusqu'au jour où elles se sont affranchies par les révoltes du seizième siècle. Et considérant l'économie qui eût été faite de souffrances, de violences et de tyrannie, nous conclurions peutêtre que le passé est bienfaisant, parce qu'il initie les générations nouvelles à l'expérience des générations mortes, mais qu'il abuse de cette puissance et qu'il a, pour les vivants, des méchancetés de spectre. *
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LE MOYEN AGE
I. Caractères généraux de cette période. — Où trouver maintenant un point de repère dans les siècles qui suivent et qui verront naître enfin l'Europe moderne? L'empire d'Orient continue sa vie précaire, celle d'une flamme qui jette par moments de vives lueurs et finit par s'éteindre. L'Occident défait l'œuvre des Carolingiens, brise l'empire en royaumes et les royaumes en seigneuries. La France, l'Allemagne et l'Italie commencent à se séparer au traité de Verdun en 843 ; mais l'esprit de l'Église universelle survit aux ruines faites par la féodalité, comme l'esprit romain a survécu aux ruines faites par les barbares. Au milieu du x° siècle, Otton, le roi d'Allemagne, est couronné empereur à Rome, comme l'a été Charlemagne. Dès lors l'Italie et l'Allemagne représentent l'ancien empire, et le César allemand reprend les prétentions de Charlemagne à la domination universelle. Mais, pas plus que Charlemagne, il n'a les moyens de gouvernement nécessaires. Son autorité, à peu près idéale, est bientôt dominée par une autre puissance idéale, l'Église, que le pape a pourvue d'une force
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réelle, après qu'il a purifié et s'est subordonné la hiérarchie ecclésiastique. L'Église est alors le lien de l'Occident : en elle se fondent les nations dont les limites commençaient à se marquer. Les guerres entre les rois sont de médiocre importance et semblent des guerres civiles, comme les guerres entre les barons ; mais la chrétienté a sa grande guerre extérieure, la croisade, qui est la guerre de Dieu. Le pape en fait un devoir aux chrétiens, et, pour qu'ils le puissent accomplir, il essaye d'imposer aux factions de la chrétienté la paix de Dieu. Ainsi persiste le règne de l'universel, sous la crosse du vicaire du Christ. ^ Mais, de nouveau, se déchire l'universel. Le pape, pour simplifier Je gouvernement du monde, a détruit la puissance impériale au xin" siècle : à peine l'a-t-il fait qu'il lui faut commencer la lutte contre les nations, personnifiées dans leur roi. Le roi de France a été, au début du xiv° siècle, le premier de ces séparatistes ; son peuple et lui proclament qu'il tient sa couronne de Dieu directement, et que le pape n'a pas d'autorité sur les rois. Les deux puissances du moyen âge, la papauté et l'empire, malgré leurs efforts pour se secourir l'une l'autre, roulent ensemble dans l'abîme, tandis que les nations de l'Occident, à travers mille souffrances, procèdent à leur formation et commencent à prendre leur caractère moderne. L'empire tombe au xin° siècle, la papauté au xiv" ; au xv", les nations s'élèvent. Or le xv* siècle a vu enfin mourir l'empire d'Orient sous les coups d'un peuple barbare, et le sultan Mahomet s'établir à Constantinople. L'Europe, qui avait été chercher et combattre chez lui l'infidèle, et qui avait dépensé sa force et mis son orgueil dans les croisades, permet au Turc de transformer en mosquée l'église patriarcale de Sainte-Sophie. Elle laisse aux petits peuples des Balkans le soin de contenir l'envahisseur sur la route qui menait au cœur du continent, et ne dirige contre les Turcs que des expéditions d'aventuriers. Le roi très chrétien de France et le roi catholique des Espagnes, le pape lui-même pèsent en politiques le prix de l'alliance ottomane, et la font entrer comme un élément dans leurs calculs : c'est le signe, le plus certain que le règne de l'idéal est fini, et que nous entrons dans une période nouvelle. C'est donc à la fin du quinzième siècle qu'il faut chercher le point de repère. Une vieille tradition le place en 1453, qui est l'année de la prise de Constantinople par les Turcs : il n'y a pas d'inconvénient à l'y laisser.
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II. L'empire d'Orient : les contrastes avec l'Occident. — L'histoire de l'empire d'Orient a été singulièrement agitée pendant cette période de six siècles et demi. De l'empire d'Occident, qu'on appelle maintenant le saint-empire romain de la nation germanique, il se distingue par quelques traits caractéristiques. L'empereur de Constantinople est un souverain territorial : l'autre est le titulaire d'un pouvoir imparfaitement reconnu par des nations diverses. L'empire d'Occident n'a pas de nom national : l'empire d'Orient en" a un, Romania. Celui-là mourra par décomposition : celui-ci succombera sous le choc -de forces extérieures. Autre différence très grande, et de grave conséquence pour l'avenir : en Occident, des races diverses se fondent lentement pour former des nations ; en Orient, les diverses races se sont établies dans l'empire par petits groupes, en un temps où il n'avait plus la force ni le temps nécessaires pour les assimiler et les absorber : elles sont demeurées séparées. Enfin l'empereur d'Orient a été jusqu'au bout un souverain à la fois temporel et spirituel, une sorte de pape-roi, et il n'a point permis chez lui la constitution d'une monarchie cléricale, indépendante du pouvoir civil. Au xi° siècle, c'est-à-dire au moment où la papauté prétend régir les monarchies temporelles de l'Occident, Constantinople se sépare de Rome parle schisme. Alors le contraste est complet entre les deux parties de la chrétienté. Depuis longtemps on échangeait d'Occident à Orient de mauvais propos et des injures ; les coups vont succéder aux injures, et la guerre aux disputes. III. La chute de l'empire d'Orient — Une triple question se posait à propos de la destinée de l'Empire : les nations établies sur son territoire en demeureraient-elles maîtresses, et la péninsule des Balkans serait-elle. partagée dès le moyen-âge, comme elle commence à l'être aujourd'hui, en petits Etats indépendants? L'Occident ressaisirait-il Constantinople et la Péninsule ? Ou bien Constantinople et la Péninsule deviendraient-elles la proie de l'Asie ? J : • Les nations de la Péninsule ont eu leurs heures de succès : au ix°. siècle, la Bulgarie devient un État redoutable et des principautés slaves s'établissent; au xiv" siècle, la Serbie est un empire. L'Occident s'est cru un moment maître de l'Orient. L'Europe pontificale et chevaleresque avait entrepris les croisades pour
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reprendre aux infidèles les lieux saints que le jkoasi; n'avait pas su défendre. Elle avait envoyé en Asie des milliers et des milliers d'hommes. L'empereur avait employé ces barbares, et, très supérieiîr à eux par sa politique, il les avait joués. A la faveur des premières croisades, il avait recouvré des parties perdues de l'Asie Mineure. Mais les marchands de Venise étaient aussi des. politiques : les circonstances leur donnèrent la direction de la quatrième croisade, et les barons chrétiens, aussi convoiteux que la République des lagunes, se partagèrent l'Empire, au début du xm° siècle. Alors régnent, à Constantinople, un empereur flamand, à Thessalonique, un roi italien, en Achaïe, à Naxos et dans Athènes, de petits dynastes, pendant que Venise s'établit en Crète et dans le Péloponnèse. ' Quant à l'Asiatique, le troisième des successeurs possibles, il a livré au Byzantin un assaut continuel. Après que l'empire arabe, qui avait couvert l'Asie, l'Afrique, l'Espagne et la Sicile, s'est écroulé, l'émir ottoman, établi en Asie Mineure, est devenu un redoutable voisin. Contre tous ces ennemis, le gwjiXgSf s'est défendu avec une constance et une habileté qui forcent l'admiration. Telle était la vitalité de « l'homme malade » de ce temps-là, qu'il se remit de l'étrange accident de la quatrième croisade. A la fin du xin" siècle, il a reconquis Constantinople; l'empire restauré recommence la conquête de la Péninsule; il reprend ses trois mers et pousse sa domination jusqu'au Péloponnèse. Il semble de force à prévaloir et sur les Slaves, et sur les Bulgares, et sur les principautés d'Epire, d'Achaïe, d'Athènes, et sur Venise; mais la puissance des Turcs s'amasse de plus en plus en Asie, prête à fondre sur les Balkans. Il y a là une grande réserve d'hommes et de soldats, conduits par une série de chefs absolus, qui, tous, veulent la même chose. La grande lutte emplit le xiv" et le xv* siècle. A la fin, Constantinople est la capitale de l'État ottoman, qui comprend toute la péninsule, depuis la Save jusqu'au cap Matapan, à l'exception de quelques points demeurés vénitiens et de l'héroïque Monténégro. C'est l'Asie qui a pris sa revanche de l'Europe, de la guerre de Troie, des guerres médiques, des conquêtes d'Alexandre et des Romains, de celles du (3asiXEÛ; et des Croisés. Et l'Asie va prolonger son empire dans la Méditerranée par la conquête des îles, vers l'Europe centrale par les progrès
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des Turcs sur le Danube. Voilà pour un long temps la question d'Orient réglée : Slaves, Bulgares, Albanais, Roumains, Hellènes, s'endorment sous la domination du cimeterre et du croissant. V. Ruine et reconstitution de l'Empire en Occident. — Cependant l'Europe occidentale achevait son grand travail de transformation. A la fin du xv° siècle, c'est-à-dire au moment où l'Orient retrouvait l'unité, elle achevait de se décomposer. Pour suivre ce travail, qui a été très long et très complexe, le regard de l'historien doit se porter d'abord sur les États qui sont sortis du démembrement de l'empire carolingien. Il faut dire États, et non pas nations, car une nation est une personne morale, de formation très lente, et il n'y aura pas de nations avant la période tout à fait moderne. Le mot État lui-même ne convient pas, si l'on y attache le sens d'un être politique organisé. La vérité toute simple, c'est qu'après de vains efforts faits par le parti ecclésiastique carolingien pour défendre la grande idée chimérique de l'unité, après toutes sortes de combinaisons essayées par les épigones de Charlemagne, qui forment pendant un temps une société de copropriétaires de l'ancien Empire, l'irrésistible force des choses, permanente sous les accidents de la politique et du hasard, amène la séparation de trois' pays, qu'on appellera plus tard la France, l'Allemagne, l'Italie. Mais la séparation n'est pas si complète que l'on sache dire au juste quelles sont leurs frontières ; du moins, le Saint-Empire confond pour longtemps encore dans son histoire le royaume d'Italie et l'Allemagne, flanquée de deux grandes régions annexes, l'une située sur la rive gauche du Rhin, l'autre sur la rive droite de l'Elbe. VI. L'Empire et l'Allemagne. ■— Ce fut, au moyen âge, l'homme le plus occupé du monde et le personnage politique le plus singulier que cet empereur-roi. Il n'était pas un monarque universel, et ne devint point le monarque d'une nation particulière. Ne sachant trop comment s'appeler, il se nomma tout court imperator. Sa. capitale légale était Rome, mais il n'y résidait point, et il n'eut pas de capitale, à vrai dire. Il ne se fixa nulle part. Comme il était le chef de la chrétienté, il ne devint point héréditaire : le pape, qui le faisait empereur en le couronnant, se réserva le droit « d'examiner la personne de l'élu », et s'entendit avec les princes allemands pour perpétuer la coutume de l'élection. Il n'y eut donc pas en Allemagne cette continuité dans l'action monar-
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chique, par laquelle d'autres nations furent constituées à l'état de grandes puissances. L'office le plus clair de l'empereur étant d'être l'avoué de l'Église, il dut se charger des destinées de la papauté, la relever de l'abaissement où elle était tombée au x° siècle, puis, après lui avoir donné la force de lutter contre lui, lutter contre elle. Il fut impliqué dans toutes les affaires de l'Italie, où il trouva des alliés, mais aussi des adversaires. Quant à l'Allemagne, elle fut un des théâtres de la lutte entre l'empereur et le pape. Non seulement les princes ecclésiastiques, mais aussi des princes laïques, intéressés au désordre où croissait leur indépendance, furent poulie pape contre l'empereur. Dès le milieu du xin" siècle, l'Allemagne n'est plus qu'une fédération anarchique de principautés et de villes qui sont des républiques. Plus de vie collective, point d'armée allemande, point de finances, point de justice. La guerre est partout et il n'y a plus d'autre droit que,1e droit du poing (Faustrecht). Pour se protéger, princes et villes font des ligues pour la paix, mais ces ligues elles-mêmes sont belliqueuses, car elles font la guerre à la guerre* A ce désordre préside un monarque : il s'appelle toujours l'empereur; mais, à la fin du xin" siècle, il n'est plus, sous la parure de ce titre magnifique, qu'un petit prince allemand, exploitant sa dignité pour faire la fortune de sa maison. Les Luxembourgs, hobereaux du pays d'Ardenne, et les Habsbourgs, minces seigneurs du pays d'Argovie, se composent un empire patrimonial. « Chacun pour soi » : telle est la devise de l'Allemagne dans ce temps-là, et ce pays, si fort et si redoutable au x° siècle, n'est plus qu'une collection d'êtres politiques acharnés les uns contre les autres. VII. La papauté et l'Italie. — Comme l'empire à l'Allemagne, la papauté a coûté cher à l'Italie. C'est elle qui, au moment où les Lombards achevaient de se rendre maîtres de la Péninsule, à appelé contre eux les rois des Francs, Pépin et Charlemagne. Ceux-ci se substituèrent, il est vrai, aux rois lombards dans le nord de l'Italie, mais ils fondèrent un État pontifical et ils ne réussirent pas à déposséder les ducs lombards du sud, ni à chasser les Grecs de l'Italie méridionale et de la Sicile. Ainsi commence l'anarchie italienne. C'est encore la papauté qui a ressuscité l'empire en Fan 800 et
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qui a fait de Rome la capitale impériale des Francs. Après que l'empire eut sombré dans le naufrage de la famille carolingienne, des maisons italiennes se disputaient le titre impérial ; mais le pape, au x" siècle, appela de nouveau un étranger, le roi Otton, et mit la Péninsule sous ce joug tudesque qui lui a été si odieux, et qui s'est perpétué jusqu'à nos jours. • C'est la papauté enfin qui a inauguré le jeu redoutable, que joueront plus tard les princes italiens, lorsqu'ils opposeront barbares à barbares : aux Staufen allemands, maîtres du royaume des Deux-Siciles, les papes, dans la seconde moitié du xm° siècle, substituent les Angevins de France. Le grand patriote italien, Machiavel, a donc raison d'imputer à la papauté le désordre de l'Italie. Comme en Allemagne, on vit d'abord se former du x" au xm° siècle, dans le nord de la Péninsule, des principautés féodales et des républiques ; ensuite, du milieu du xiu8 siècle à la fin du moyen âge, les républiques se transformer en principautés. Au xv° siècle, Milan, Florence, l'État de l'Église, l'oligarchique république de Venise et le royaume des Deux-Siciles forment une pentarchie, dont chaque membre a ses intérêts, et, ne connaissant point le séntiment d'un patriotisme italien, est toujours prêt à faire de la Péninsule un champ de bataille de la politique européenne. C'est ainsi que l'empire et la papauté, ces deux puissances universelles, procédant l'une et l'autre de l'ancienne Rome, ont fait expier à l'Italie et à l'Allemagne l'honneur de posséder le successeur de César et celui de saint Pierre. VIII. Développement de la race allemande vers l'Est. Les trois zones. — Que sont devenues cependant les deux annexes orientale et occidentale de l'Allemagne? Du côté de l'Orient, l'Allemagne avait charge de continuer la lutte contre les barbares : un immense terrain s'ouvrait à la conquête et à la colonisation allemandes. Il pouvait sembler, au temps de Charlemagne, que la conquête serait facile; car tous ces peuples qui s'échelonnaient le long de la frontière et se prolon- ' geaient jusque dans la région inconnue du Far-East européen et dans la péninsule du nord, étaient encore dans l'impuissance de la barbarie. C'étaient, aux bouches de l'Elbe, les Scandinaves; tout le long de l'Elbe et de la Saale, des rives de la Baltique aux | monts de Bohême, les tribus slaves des Polabes ; en Bohême, les
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tribus slaves des Tchèques; sur le Danube, les hordes touraniennes des Magyars; au sud, jusqu'à l'Adriatique, encore des tribus slaves. Derrière celte première zone de peuples avec lesquels Charlemagne avait pris contact, s'en étendait une seconde, entièrement slave, qui comprenait, du nord au sud, laPoméranie, la Pologne, la Silésie. Au delà encore, le long de la Baltique orientale, étaient des tribus finnoises et lithuaniennes; dans la grande plaine, les Russes. La tâche de faire entrer ces peuples dans la civilisation européenne aurait dû être partagée entre les deux empires de l'Occident et de l'Orient ; mais l'empire d'Orient n'avait pas trop de toutes ses forces pour défendre son existence, et l'autre ne réunit que pendant un temps très court les forces de l'Allemagne sous son commandement : si bien que l'œuvre chrétienne et civilisatrice fut faite presque entièrement par des entreprises particulières. IX. Progrès dans la première zone. — Sur les Scandinaves, l'Allemagne ne gagna rien. Les trois royaumes, Danemark, Suède, Norwège, sont formés au x° siècle : ils deviennent chrétiens, et par là, entrent dans la communauté occidentale. Le Danemark, voisin de l'Empire, est en relations avec lui, et, par moments, son roi est une sorte de vassal de l'empereur; mais sa condition habituelle est l'indépendance, et les rois Scandinaves sont bientôt en état de disputer aux Allemands la Baltique, celte Méditerranée du Nord, sur laquelle ont été livrés tant de combats entre les peuples concurrents. L'Allemagne s'étendit au contraire très vite, et pour y demeurer maîtresse à toujours, dans la région des Slaves de l'Elbe. A la lin du xn° siècle, les Slaves du pays entre le Saale et l'Elbe sont germanisés et convertis : ce fut l'œuvre des margraves de Lusace et de Misnie; les Slaves du pays entre l'Elbe et l'Oder sont en grande partie extermines : ce fut l'œuvre des ducs de Saxe et de ces margraves du Nord qui prirent au xn° siècle le nom, destiné à devenir célèbre, de margraves de Brandebourg. Les Slaves qui habitaient les rives de la Baltique reçurent des colons en foule ; leurs princes se germanisèrent, et leur pays, le Mecklembourg, devint une prolongation transalbine de la basse Allemagne. Ainsi, toute la partie septentrionale de cette première zone est acquise à l'Allemagne. Les Tchèques se défendirent mieux en Bohême; leurs ducs devinrent des rois et des chrétiens, ce qui leur
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donnait droit de cité en Europe ; il est vrai qu'ils furent vassaux de l'Empire et que la couronne de Bohême, qui était élective, finit par se fixer sur la tête des Habsbourgs; mais la destinée des Tchèques fut très différente de celle des Slaves du nord; ils gardèrent leur race, leur langue, leur esprit particulier : ils l'ont encore aujourd'hui. X. Progrès dans la seconde zone. — Les progrès de la race allemande furent naturellement moins considérables dans la zone transodérane : la Silésie, la Pologne et la Poméranie reçurent en foule des colons allemands, laboureurs, marchands, artisans, soldats. Mais si le duché de Poméranie peut être considéré comme rattaché à l'Empire, la concurrence des Scandinaves s'y fait sentir, 0 et une dynastie indigène s'y maintiendra jusqu'au xvn siècle. Si la Silésie se couvre de fiefs allemands et de villes allemandes, elle est défendue longtemps contre l'Allemagne par la Bohême et par la Pologne. La Pologne enfin manque sa destinée et compromet son avenir pour n'avoir su atteindre ni la mer par l'annexion de la Poméranie, ni la montagne par l'annexion de la Silésie; elle se condamne à n'être qu'un royaume de plaine ouvert au vent de toutes les invasions ; elle ne sait point se tasser ni s'organiser, cl sa cavalerie féodale offre de bonne heure sa couronne élective aux compétitions des maisons étrangères; mais elle n'en est pas moins un royaume slave indépendant, un royaume chrétien, et qui compte, comme la Bohême, dans la chrétienté occidentale. XI. Progrès dans la troisième zone. — Jusqu'à la troisième zone a pénétré l'Allemand. Sur les bords de la Baltique orientale se succédaient des peuples de races différentes : la race des Finnois peuplait la Finlande et s'étendait sur les côtes de la Livonie et de l'Esthonie; des peuples indo-européens, Lithuaniens, Lettes, Prussiens, se succédaient du nord au sud, depuis l'intérieur de la Livonie jusqu'à l'embouchure de la Vistule. Ennemis les uns des autres, païens, arrêtés dans l'impuissance de la barbarie primitive, ces peuples de la Baltique orientale furent la proie des peuples plus civilisés et plus forts de l'Occident : la Suède prit la Finlande et la Carélie ; le Danemark, l'Esthonie. Mais les grandes conquêtes furent faites par des Allemands. Une ligue des marchands allemands, la Hanse, couvrit toute la Baltique de ses villes associées ou de ses comptoirs fédéraux; un ordre chevaleresque allemand, celui des Porte-Glaives, fut fondé à Riga même;
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un autre, celui des Teutoniques, né en Terre sainte, où il avait fourni une brillante carrière, alla fonder en Prusse un État qui est une des curiosités de l'histoire. Réunis sous un même grand maître, dans la seconde moitié du xui° siècle, les deux ordres conquirent et gouvernèrent un vaste et riche pays, dont les deux provinces principales, la Livonie et la Prusse, toutes pleines de colons allemands, étaient comme une Allemagne extérieure, une avant-garde germanique dans le Far-East européen. Au nord cette domination s'étendait jusqu'à Nam; au sud, une série d'acquisitions, faites aux dépens de la Poméranie et de la Pologne, mettait les chevaliers allemands en communication avec les margraves allemands de Brandebourg. C'est ainsi qu'au commencement du xv" siècle, l'Allemagne avait étendu son territoire, sa suzeraineté, ou son influence, porté sa langue et ses mœurs, établi ses marchands, ses artisans et ses chevaliers sur une très vaste région. L'Allemagne carolingienne s'arrêtait à l'Elbe ; l'Allemagne du moyen âge atteignait le Niémen. Elle avait prévalu sur tous les ennemis du monde chrétien, sur ceux qu'avait connus et combattus Charlemagne, sur d'autres dont il n'avait pas même su le nom. XII. Progrès sur la vallée du Danube. Résumé. — Pendant la même période, l'Allemagne avait aussi fait des progrès, mais moindres, dans la région du Danube. La route était moins large et moins commode qu'au nord : la vallée du fleuve, étranglée entre les contreforts des monts de Bohême et ceux des Alpes, laissait difficilement passer l'émigration, et la Bavière ne pouvait fournir un contingent aussi considérable d'émigrants que l'Allemagne du Nord avec sa grande plaine et son immense littoral. D'ailleurs, au point où s'élargit la route danubienne, les Hongrois (Magyars) sont venus s'établir : comme les Danois, les Bohémiens et les Polonais, ils sont entrés dans l'histoire de l'Europe le jour où ils se sont convertis. Comme les Danois et les Polonais, ils n'ont jamais supporté que temporairement la suzeraineté de l'Empire; mais la couronne de Saint-Étienne, comme celles des Polonais et des Bohémiens, est élective, et par conséquent exposée aux compétitions de princes allemands. La Hongrie, plus éloignée de la région allemande que la Bohême, saura mieux garder son indépendance, mais elle finira comme elle par être rattachée au système allemand, quand elle aura pris ses rois en Allemagne.
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Au xv° siècle, il est vrai, la fortune germanique semblait reculer à l'Orient. Deux ennemis formidables se déclarent au même moment. Sur le Danube apparaissent les Turcs, qui vont conquérir presque toute la Hongrie et menacer l'Allemagne danubienne. Sur la Vistule et l'Oder, la Pologne, après s'être unie à la Lithuanie, la grande ennemie invaincue des chevaliers allemands, arrive à former pour un moment une puissance redoutable. Elle démembre l'État des Teutoniques, lui prend les bouches de la Vistule, fait de Danzig une ville polonaise royale, et coupe ainsi la communication établie entre l'Allemagne et l'Etat teutonique, entre le corps de bataille et l'avant-garde, qui se trouve fort aventurée. Mais ni la puissance polonaise, ni la puissance turque ne pouvaient être durables : celle-ci demeurait barbare et asiatique, celle-là ne devait jamais acquérir la solidité d'un état bien ordonné. Les siècles suivants verront la revanche éclatante de l'Allemagne sur le Slave et sur le Turc; elle reprendra pour les étendre encore les positions acquises. XIII. Effets produits sur l'histoire de l'Allemagne par cette extension. L'Autriche et la Prusse. — Ce développement de la force germanique dans la direction de l'est n'est pas seulement un fait important dans l'histoire de l'Europe; il eut dans l'histoire de l'Allemagne les plus graves conséquences : c'est sur cette frontière disputée, dans la zone de la lutte perpétuelle^ que se forment et grandissent les deux états qui l'un après l'autre domineront l'Allemagne, c'est-à-dire l'Autriche et la Prusse. Le berceau de l'Autriche est la marche orientale, établie par Charlemagne sur le Danube, à la porte même par où ont passé tant d'envahisseurs venus de l'Orient. C'était un vrai poste de combat de la race germanique entre la Bohême et la Carinthie slaves, en face de l'Avare, puis du Magyar. Depuis la fin duxui" siècle, les Habsbourgs la possédaient. Les acquisitions successives qu'ils firent de l'ancienne marche de Carinthie, du comté de Tyrol et de Trieste, constituèrent à cette extrémité sud-est de l'Allemagne un État patrimonial, moitié germanique et moitié slave, ayant jour sur l'Adriatique et l'Italie, en relations nécessaires et constantes avec deux royaumes de la zone de l'est, la Bohême et la Hongrie. Déjà au xiv° siècle, un Habsbourg d'Autriche est roi des deux royaumes : c'est un indice et un présage pour l'avenir. Déjà au xiu" siècle, un Habsbourg a porté la couronne impériale, et
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depuis le xv° siècle cette couronne, qui reste élective en principe, deviendra, en fait, héréditaire dans la maison autrichienne. C'est là encore un des éléments de la fortune future des Ilabsbourgs. Ils ne sont, à la fin du moyen âge, que de pauvres princes, mais ils sont tout -près de devenir les premiers princes du monde. Le berceau de la Prusse, c'est la marche de Brandebourg, entre l'Elbe et l'Oder, dans la région des Slaves exterminés : pauvre pays exposé en plaine, elle s'est armée de bonne heure pour la lutte, et, acquérant par l'effort continu le droit de vivre, elle a survécu déjà à bien des catastrophes quand elle devient, au commencement du xv° siècle, la propriété des Ilohenzollern. Le Brandebourg était dans l'alternative de s'accroître toujours ou de mourir : il s'accrut dans la direction de la mer, au détriment du Mecklembourg et de la Poméranie ; dans la direction de la montagne, à travers la Lusace et la Silésie. Il était le grand champion allemand du nord-est, l'allié des Teutoniques, avec lesquels il voulut un jour — c'était à la fin du xiv° siècle — partager la Pologne. Quand les Teutoniques furent vaincus par la Pologne, il sauva du moins le territoire de la Nouvelle-Marche, qui s'allongeait sur la rive droite de l'Oder, dans la direction de la Vistule. Ceci encore est un indice et un présage : le temps n'est pas éloigné où un Ilohenzollern sera duc de Prusse ; alors la famille possédera le second berceau de la monarchie prussienne. XIV. La zone intermédiaire entre Allemagne et France. — A ce progrès énorme de l'Allemagne du côté de l'Orient s'oppose, comme un contraste absolu, le recul du côté de l'Occident. Il y avait là, entre l'Allemagne et la France, une zone dont l'histoire est très singulière. Quand les trois fils de Louis le Débonnaire se partagèrent l'Empire au ixe siècle, on trouva tout naturel (car les hommes de ce temps n'avaient pas le sentiment de la réalité des choses et suivaient aveuglément les idées qui possédaient leur esprit) de donner à l'empereur Lolhaire Rome et Aix-la-Chapelle, les deux capitales impériales. Lothaire eut donc l'Italie, et une longue bande de territoire entre l'Escaut, la Meuse et le Rhône, d'une part, le Rhin et les Alpes de l'autre. Ainsi fut placé entre la future France et la future Allemagne un champ-clos qui a vu déjà, qui verra encore bien des batailles. Comme l'Allemagne fut d'abord beaucoup plus forte que la France, elle domina toute cette région;
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la partie septentrionale, c'est-à-dire la Lotharingie, fut rattachée à l'Empire ; la partie méridionale fut unie à l'Empire par une sorte de lien personnel, après que l'empereur Conrad fut devenu roi d'Arles au xi" siècle. Mais l'empereur dépensa ses forces en Italie ; son pouvoir s'affaiblit au moment où le royaume de France se fortifiait. Or l'Allemagne n'était pas armée sur cette frontière occidentale comme sur l'autre. A l'occident, en effet, elle n'avait pas affaire à des païens ; il n'y avait point une ligne de séparation, marquée nettement par une différence de langue, de race et de civilisation. Aussi n'y rencontre-t-on point d'Étals organisés pour la guerre. Pendant que des margraves gardent le cours de l'Elbe, le Rhin est devenu « la rue des prêtres». Dans ces principautés d'archevêques, d'évêques et d'abbés, s'alanguit la force allemande, si énergique à l'orient. A la fin du xv° siècle, l'Empire a perdu presque toute son annexe occidentale où la France fait de grands progrès. XV. La formation de la France. — Lorsque la France se détacha de l'Empire au ix° siècle, elle était, des trois régions impériales, celle qui semblait le moins près de former une nation. Il n'y avait aucune unité dans ce pays à l'ouest de l'Escaut, de la Meuse et du Rhône. Trois régions y étaient bien marquées : Aquitania, Burcjondia, Francia; mais chacune d'elles était décomposée en fiefs laïques et en terres d'Église, et sur les fiefs et terres d'Église, l'autorité ducale, qui était censée représenter l'autorité royale, ne s'exerçait qu'à condition que le duc tirât de ses propriétés personnelles et des fiefs concédés par lui une force suffisante. Le roi, sans domaines, mourant de faim, demandait dans des actes officiels quels moyens il pourrait bien trouver de vivre avec quelque décence ; il agitait de temps à autre, comme un tonnerre inutile, au-dessus de ce chaos, la théorie de son autorité. Il était un fantôme solennel égaré au milieu de vivants très grossiers et très énergiques. Le fantôme alla s'amincissant toujours, mais la royauté ne disparut pas ; on était habitué à son existence et les gens de ce temps-là n'avaient pas assez d'idées pour imaginer une révolution. Par l'élection de Hugues Capet en 987, la royauté redevint une réalité, parce que le roi, qui était duc des Francs, disposa d'une force matérielle suffisante pour faire des progrès rapides. H est inutile de chercher à se représenter un plan de conduite et une
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politique raisonnée des Capétiens, car ils employèrent toutes sortes de moyens à la fois. Pendant plus de trois siècles ils eurent des enfants mâles, et la dynastie eut cette première vertu qu'elle dura. Comme il arrive toujours, du fait sortit le droit, et de ce hasard heureux naquit la légitimité qui fut une grande force. Ce roi avait d'ailleurs tout un arsenal de droits : vieux droits de la royauté carolingienne où persistait le souvenir du pouvoir impérial que l'étude des lois romaines allait bientôt raviver, au point de faire de ces revenants des contemporains redoutables ; vieux droits, conférés par le sacre, impossibles à définir et d'autant plus considérables ; droits de suzeraineté plus nouveaux et plus réels, qui allaient être précisés et codifiés à mesure que la féodalité s'organiserait, et qui ne tendaient à rien moins qu'à faire du roi le propriétaire de la France. Voilà ce qu'apportait la royauté capétienne au jeu des circonstances. Elle y fut heureuse. Elle profita des misères de l'Église, qui partout, d'une extrémité à l'autre du royaume, réclamait sa protection. Elle profita des efforts que faisait le tiers ordre pour être admis avec des droits réglés dans la société féodale : le roi, chef de cette société, fut le protecteur naturel des nouveaux venus. Elle fit ainsi, hors de ses domaines, des actes d'autorité. Elle fit mieux : le roi réunit à la couronne de petites principautés comme les comtés d'Amiens, de Vermandois, de Valois ; il prit, par autorité de justice et par force, la Normandie, l'Anjou, le Maine, la Touraine, le Poitou : cette conquête que rendit facile la méchante imbécillité de Jean d'Angleterre assurait la fortune de la royauté capétienne. Dès lors, de toutes parts, arrive l'eau à la rivière. Quand l'Église et la chevalerie du Nord écrasent dans la guerre des Albigeois une grande dynastie féodale, et détruisent une civilisation particulière, la royauté acquiert le Languedoc. Quand Philippe le Bel a, par mariage, réuni la Champagne, le domaine du roi de France touche à la frontière impériale, comme à la Méditerranée, comme à l'Océan. La grande crise de la guerre de Cent ans suspend le progrès, puis lui donne un nouvel élan. Quand elle est finie, l'Aquitaine est pour toujours française, et la frontière portée aux Pyrénées. Puis la guerre a ruiné les communes et fauché la chevalerie; elle a permis au roi, défenseur du royaume, d'édicter des mesures générales, de se donner une armée, des finances, et d'ébaucher une administration. Elle a provoqué l'éclosion du sentiment na-
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tional, car la France a commencé à se connaître, au contact de J'étranger, comme le moi se révèle au contact du non moi; la haine du Goddam a enfanté l'amour de la France, ou plutôt l'amour du roi, car le roi personnifie dans sa chair vivante et dans son sang sacré l'idée abstraite de la patrie. Que l'on compare maintenant ce pays gouverné par un maître à l'anarchique Allemagne ou à l'anarchique Italie : ne devait-il pas prévaloir sur elles? XVI. Progrès de la France dans la zone intermédiaire. — A peine la royauté capétienne avait-elle touché les limites assignées jadis au royaume de Charles le Chauve, qu'elle entreprenait sur la zone intermédiaire, où il nous faut à présent revenir. Il se faisait là un travail dont les conséquences furent considérables dans l'histoire de l'Europe. La partie de la zone qui est située entre les Alpes, la Saône, le Rhône et la Méditerranée, commença à se décomposer, au temps même où les empereurs allemands portaient la couronne d'Arles. Au xm° siècle, il n'y a plus de roi d'Arles, et ce pays fut. alors plus désordonné encore que l'Allemagne et l'Italie, car il ne s'y trouvait plus même de titulaire royal qui représentât au moins en théorie le royaume. Les principautés et les villes acquirent une véritable souveraineté, et personne n'eut qualité pour barrer la route au roi de France. Dès le xm° siècle, la plus importante des principautés, le marquisat de Provence, entrait dans la maison capétienne; à la fin du xv° siècle, elle était directement réunie à l'a couronne, qui avait acquis d'autre part Lyon et le Dauphiné. Ainsi Lyon, la grande ville romaine, siège du primat des Gaules, Arles l'ancienne capitale du royaume de Bourgogne, Marseille, la plus vieille cité de la Gaule, étaient devenues villes françaises. Mais la France ne fit pas alors d'acquisitions dans la partie septentrionale de la Bourgogne. Là se trouvaient le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, puis une région enchevêtrée de principautés et de villes, où se formèrent quelques-uns des cantons suisses et le comté de Savoie. La confédération suisse, souabe d'origine, a reçu en Souabe, puis en Italie, ses premiers accroissements, mais elle commençait, rers la fin du xv° siècle, à s'étendre dans la haute vallée du Rhône. Elle perdait son caractère germanique pour devenir une chose lui generis, une ligue de paysans et de villes, s'étendant sur des
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régions géographiques différentes et dans laquelle entraient des hommes de nationalités diverses. Quant à l'État de Savoie, il était né à la frontière de Bourgogne et d'Italie; assis sur l'une et l'autre région, il sembla d'abord devoir se développer en terrain bourguignon. Les comtes de Maurienne, devenus comtes, puis ducs de Savoie, furent de ce côté des Alpes d'importants personnages ; mais les progrès de la France et des ligues suisses les continrent bientôt et les rejetèrent vers l'Italie. Le premier duc de Savoie fut aussi princè de Piémont; là était l'avenir pour cette maison. XVII. La Maison de Bourgogne. — La Lotharingie, c'est-àdire le pays entre la Meuse, l'Escaut et le Rhin, fut aussi décomposée en un grand nombre de principautés ecclésiastiques et laïques, au milieu desquelles prospéraient des villes puissantes; mais il y eut, au xv* siècle, un essai singulier de reconstitution de la Lotharingie. Il fut fait par des princes de la maison de France, les ducs de Bourgogne. Le duché de Bourgogne, qui a perpétué jusqu'à nos jours le nom bourguignon, était tout à fait en dehors de l'ancien royaume de Bourgogne. C'était un fief français, qui n'eut jamais rien de commun avec l'Empire : un des premiers Capétiens le donna à son frère et un des premiers Valois à son fils. Des mariages, des héritages, des conquêtes formèrent rapidement un État considérable, qui comprit le duché de Bourgogne, les comtés de Flandre, d'Artois, de Rethel, de Nevers, fiefs de la France; le comté palatin de Bourgogne, le comté de Namur, le Brabant, le Hainaut, la Zélande, la Hollande, le Luxembourg, etc., terres d'Empire. Menaçant l'Alsace, le duché de Lorraine et les confédérés suisses, cet État représentait assez exactement l'ancienne Lotharingie pour que Charles le Téméraire ait essayé d'y refaire un royaume et y ait presque réussi. Bien que la lutte de Louis XI et de Charles le Téméraire n'appartienne plus au moyen âge, c'est pourtant ici le lieu de dire que la France réussit à briser cette puissance, qui lui interdisait tout progrès du côté de l'Est, et même lui enlevait des positions acquises, puisque la limite de l'État bourguignon, au nord de la France, fut portée un moment jusqu'à la Somme. La France rentra dans son bien en reprenant le duché de Bourgogne et les villes de la Somme; mais la Lorraine resta un duché indépendant; l'Alsace, une terre d'Empire; la confédération suisse fut fortifiée;
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tous les Pays-Bas passèrent à la maison d'Autriche par Maximilien, le gendre du Téméraire. Seulement les Pays-Bas, devenus le patrimoine d'une maison allemande, devaient être bientôt détachés de l'Empire. De ce côté, si la France n'a pas fait de grands progrès, l'Allemagne a reculé : l'ancienne Lotharingie est une carrière ouverte à l'ambition de nos rois ; elle est si étrangère à l'Empire qu'ils pourront y avancer, sans que l'Allemagne ressente la douleur d'une mutilation. XVIII. La formation de l'Espagne. — C'est une des grandes nouveautés de la période du moyen âge que cette formation d'un État français qui, ayant presque achevé de constituer son territoire, et, réunissant dans la main d'un prince des forces considérables, était prêt pour l'action au dehors. Mais en même temps que la France, deux États nouveaux allaient paraître sur la scène : l'Espagne et l'Angleterre. Depuis le jour où elle avait été conquise parles Sarrasins, l'Espagne avait été séparée de l'Europe. Elle ne devait y rentrer qu'après avoir chassé l'Infidèle. Pour comprendre l'indifférence que les peuples européens ont manifestée à l'égard de la Péninsule, alors qu'ils envoyaient tant de milliers d'hommes en Terre sainte, il faut bien se représenter que les hommes de ce temps-là. de même qu'ils n'avaient point l'idée d'une nation, n'avaient point l'idée d'une communauté européenne, L'Europe, au sens que les diplomates donneront à ce mot au xvii° siècle, n'existe pas plus que la France, au sens que nous donnons à ce mot dans les temps modernes. N'oublions jamais que le moyen âge, qui était capable de trouver des règles précises pour la vie quotidienne et d'organiser ses mille petits gouvernements de clocher, se laissait, pour tout le reste, conduire par des sentiments et des idées qui nous paraissent aujourd'hui si faux dans leur grandeur. Nous sommes portés à dire que le pape et les rois auraient mieux fait d'attaquer l'islamisme en Europe que d'aller le chercher en Asie : les papes ni les rois n'y ont pas même songé. Ils ont obéi à ce sentiment qu'il n'y avait pas de lieu dont la délivrance fût plus nécessaire que celui où le Sauveur avait vécu et où il était demeuré pendant trois jours enseveli. Ils n'envoyèrent au delà des Pyrénées que des chevaliers isolés, et laissèrent à l'Espagne le soin de se délivrer elle-même. Le combat dura plus de sept siècles. Il ne fut point mené par
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un peuple contre un peuple, par un chef contre un chef : plusieurs royaumes chrétiens successivement formés luttèrent contre plusieurs petits États arabes. Au xv° siècle, l'aspect de la Péninsule s'est simplifié. Il n'y a plus qu'un seul État arabe, celui de Grenade, et quatre royaumes chrétiens : Navarre, Portugal, Aragon, Castille. La Navarre, après avoir été le plus puissant, n'est plus qu'un petit État pyrénéen. Le Portugal, orienté vers l'Océan, y cherche sa fortune. L'Aragon, orienté vers la Méditerranée, a déjà étendu sa convoitise vers les îles et la péninsule italiennes. La Castille, le cœur de l'Espagne, est le combattant de la dernière heure contre le musulman ; elle va conquérir Grenade, et l'union de la Castille, de l'Aragon et de Grenade constituera la puissance de l'Espagne, à la fois méditerranéenne et océanique. XIX. Le royaume d'Angleterre. — Comme la grande péninsule du sud-ouest, les îles du nord-ouest sont restées longtemps isolées de l'Europe. Le continent leur envoie des colons armés qui se superposent en couches plus ou moins épaisses sur le fond celtique de la population : Romains, dont la Grande-Bretagne est la dernière conquête et la moins durable ; Anglo-Saxons et Scandinaves, arrivés en grand nombre par une série d'émigrations; Normands enfin, c'est-à-dire une armée venue de la Normandie française, et qui se transforma en une colonie perpétuelle, fondue à la longue dans le reste de la population. Le royaume d'Angleterre, créé par les Normands, fut tout de suite un État bien fait, nettement déterminé, se suffisant à luimême, et qui n'absorba point les autres pays des îles britanniques. Le pays de Galles fut conquis par les rois normands, mais il resta le pays de Galles; l'Irlande, conquise aussi, resta l'Irlande; l'Écosse demeura un royaume séparé. Il faudra longtemps attendre avant que les deux grandes îles soient confondues dans le royaume-uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Deux grands événements ont mêlé l'histoire de l'Angleterre à celle du continent pendant cette période. La conversion au christianisme des Anglo-Saxons a fait de l'Église d'Angleterre une fille obéissante de l'Église de Rome, et elle a donné au pape, à de certains moments, une sorte de suzeraineté sur la couronne. La conquête de l'Angleterre par le duc de Normandie, vassal du roi de France, a introduit le royaume insulaire dans l'histoire féodale de la France. Mais l'histoire extérieure de l'Angleterre n'a qu'une
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médiocre importance. Les guerres féodales des rois contre leur suzerain, le roi de France; la guerre de Cent ans elle-même avec ses dramatiques revers de fortune, ne sont que des accidents, et ils ne comptent, dans l'histoire générale du pays, que par les effets qu'ils ont produits sur le développement constitutionnel. C'était un tout petit théâtre que l'Angleterre proprement dite, vaste à peine comme un grand fief français. II s'y forma une nation d'un caractère tout particulier, où les droits de chacun et ses devoirs se marquèrent, se précisèrent et se réglèrent, parce que chacun était perpétuellement en contact avec tous, et tous en contact avec le roi. Ici, point de frontière flottante, ni de zone vague ; point de vassal isolé dans son fief, ni de commune, enfermée dans ses murailles ; point de grand seigneur dont l'hommage hésite entre des maîtres ennemis, et qui se puisse dire à la fois Français ou Allemand, comme le comte de Flandre, Français ou Aragonais, comme tels seigueurs du Midi, vassal du roi de France ou de l'empereur, comme le comte de Toulouse. La mer donne aux Anglais le sentiment de l'étranger, et, par contrecoup, un sentiment national étroit, mais haut et superbe : c'est le premier service qu'elle ait rendu à ce peuple qui devait régner sur elle. La haine du papisme n'est qu'une des formes de cette haine du dehors, qui est un sentiment insulaire. La concentration intérieure n'est qu'une conséquence de cet isolement naturel. A la fin du moyen âge, l'Angleterre a trouvé les institutions sous lesquelles elle doit vivre : le Parlement anglais, l'ancêtre des parlements d'Europe, est constitué, et, s'il y a quelque part en Europe une nation, c'est l'Angleterre. XX. Réflexions générales sur la période du moyen âge et conclusions. — Dans cette revue de l'histoire européenne pendant une période de six siècles et demi, plusieurs faits doivent retenir notre attention. Au ix" siècle, le théâtre historique est, d'une part, la région rhénane où siège la puissance franque, et Rome où siège la papauté; d'autre part, la péninsule des Balkans, où dure le vieil empire. La Gaule et la Germanie sont des annexes de la Francia rhénane. La région Scandinave et slave est païenne; l'Angleterre, partagée entre ses rois saxons, l'Espagne en grande partie musulmane, ne comptent pas ou comptent peu dans la chrétienté. Au xv* siècle, la Scandinavie, tantôt unie, tantôt séparée en
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trois royaumes, est une puissance chrétienne qui joue son rôle" dans le combat pour la Baltique. Une partie des pays slaves s'est transformée en pays allemands. Deux royaumes slaves sont fondés, la Pologne et la Bohême. Il n'est pas jusqu'aux Touraniens qii n'aient acquis droit de cité en Europe : ils sont représentés par le royaume de Hongrie. Un immense terrain a été mis en exploitation : il porte des châteaux, des palais, des cathédrales, des hôtels de ville; il a des saints, des rois, des seigneurs, des évêques, des bourgeois, des artisans, des marchands, des docteurs; on parle un beau latin solennel en Bohême, en Pologne, en Hongrie : Prague a son université sur le modèle de 1' « Étude de Paris ». A l'autre extrémité, le roi de France a étendu son domaine jusqu'à l'Océan, jusqu'aux Pyrénées et à la Méditerranée, et il tourne son effort vers les Alpes et vers le Rhin. Enfin l'Espagne est à peu près faite, et l'Angleterre est déjà l'Angleterre. Il y a, sur tout le continent et dans les îles britanniques, une activité confuse, mais singulièrement puissante; plus de soldats, de marchands, d'artisans, d'artistes, de raisonneurs, qu'il n'y en a jamais eu dans le monde ancien. L'esprit humain, bien que soumis encore au joug théologique, et tourmenté par des idées bizarres, travaille plus qu'il n'a jamais fait. C'est le grand caractère de cette période qu'elle a considérablement étendu en Europe le champ de l'histoire, et produit des individualités nouvelles. Le passé impérial et ecclésiastique achève de tomber en ruine. Le Turc est sur le Bosphore ; la ville de Constantin et la ville de Périclès sont devenues villes turques ; la péninsule des Balkans est une annexe de l'Asie; l'histoire de l'Europe s'éteint là où elle a commencé à briller. Le pays du Rhin et l'Italie, qui ont été, au temps de Charlemagne, le domicile de l'Empire, ne sont plus que des régions géographiques, divisées, morcelées, déchirées : l'Allemagne, pour s'être voulu charger de l'Empire, a étendu sur elle l'anarchie des pays impériaux. Le titre de Domiiius mundi n'est plus qu'un objet de risée. Quant au vicaire du Christ, au serviteur des serviteurs de Dieu, c'est un prince italien, qui a une famille à' pourvoir, des intérêts à soigner, et qui fait pour le mieux ses petites affaires. Contre sa domination spirituelle ont déjà parlé Wicklef et Jean Huss, dont les paroles ne seront point perdues. Il semble donc qu'une ère nouvelle va commencer, le particulier succéder à l'uni- ;
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PRÉFACE.
versel, les nations à l'Empire, les Églises à l'Église; que des génies nationaux vont se former, et les nations, ces individus de Fhumanité, servir l'humanité par la diversité même de leurs génies. Au même moment, la Renaissance offrait un domaine indéfini aux esprits, et les découvertes maritimes un nouveau monde à la concurrence des ambitions nationales, la mission de l'Europe semblait être de mettre en valeur l'univers.
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LES TEMPS MODERNES
I. Caractères généraux de la période. — Mais l'Europe tourna contre elle la plus grande partie de ses forces, et l'ère des temps modernes a été celle des guerres longues suivies de pacifications courtes. Voici les causes principales de ce triste phénomène. Au moment où il était permis d'espérer que les nations, affranchies de la chimère de l'universel, poursuivraient tranquillement leurs destinées propres, la Réforme s'attaque partout à la religion catholique, et deux partis apparaissent qui, passant pardessus les frontières des nations troublées par les guerres civiles, forment pour ainsi dire deux armées internationales dans chacune desquelles tous les peuples sont représentés. La conception féodale de la souveraineté, qui impliquait l'idée, non d'une magistrature, mais d'une propriété, permet à des princes d'acquérir des pays et même des États entiers hors de leur lieu d'origine. La maison d'Autriche compose un empire singulier, où elle fait entrer, à côté de ses domaines allemands héréditaires, les pays bourguignons, l'Espagne, et une grande partie de l'Italie. Les rois de France se disent les héritiers des ducs de Milan et des rois de Naples. Plus tard, Louis XIV fait valoir ses droits à la succession d'Espagne, et perçoit des avancements d'hoirie, avant de mettre la main sur l'héritage. Des grcupes naturels sont donc enveloppés dans des monarchies factices. Comme il est resté du passé le souvenir d'une monarchie universelle, dont le fantôme hante l'esprit des princes et des poli-
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tiques, Charles-Quint et Philippe II d'abord, Louis XIV ensuite, sont accusés d'aspirer à la « monarchie de l'Europe », et les princes, qui se sentent menacés, se coalisent pour défendre « l'équilibre européen ». La découverte du Nouveau Monde, le progrès immense du commerce et de l'industrie, créent des intérêts économiques nationaux. Le commerce et l'industrie, qui appartenaient jadis à des corporations particulières, deviennent choses d'État, et par conséquent causes de guerre. Les souverains prennent pour occupation principale la politique et la guerre, et mettent leur ambition à étendre leur territoire. Chaque prince entretient un petit monde d'agents politiques, les uns auprès de lui, les autres répandus dans les cours de l'Europe. Chaque prince entretient une armée. Bien mener une intrigue et une guerre, c'est jeu de princes, où l'on gagne « la gloire». Dans la diplomatie, les agents mercenaires étrangers sont nombreux, nombreux les mercenaires étrangers dans les armées. Il y a, par toute l'Europe, un condotliérisme diplomatique et militaire. Quelques-uns de ces condottières civils arrivent aux plus hautes fonctions et mènent la politique : il suffit de nommer Mazarin et Alberoni. Il arrive que les condottières militaires deviennent les héros de la monarchie qui paye leurs services : tels le maréchal de Saxe et le prince Eugène de Savoie. Au-dessous d'eux, dans les chancelleries et dans l'armée, les' étrangers sont nombreux. En somme, les princes intriguent dans toute l'Europe, parce qu'ils ont une diplomatie, et font la guerre, parce qu'ils ont des soldats. Dans ces querelles des rois, les peuples n'engagent pas leurs forces vives : ils n'y ont part qu'en souffrant les maux de la guerre, en payant ce qu'elle coûte, en s'enorgueillissant de la gloire du maître, quand le maître a été vainqueur. Ces quatre eauses principales se confondent dans la pratique, et elles ont pour effet l'état de guerre continu : guerres d'Italie, commencées à la fin du xv° siècle, et prolongées indéfiniment; guerres de la maison de France et de la maison d'Autriche, qui remplissent le xvi" siècle, sont suspendues un moment en 1598, recommencent avec la guerre de Trente ans, se calment au milieu du xvii* siècle, se réveillent dans le conflit pour la succession d'Espagne, et deviennent une habitude chronique de la monarchie
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française; guerres maritimes où les principaux acteurs sont l'Angleterre, la France, l'Espagne et la Hollande. En somme, il est rare qu'une année s'écoule sans guerre pendant ces trois cents années : une paix de quatre ou cinq ans étonne comme une anomalie, et les rois s'en -vantent comme d'un sacrifice qu'ils font au « repos de leurs peuples ». Cependant, en Orient, continue la lutte, depuis longtemps commencée entre les États et les races. Il se fait là de grandes et terribles choses, au cours du triple combat pour la Baltique, le Danube et la mer Noire. Quels ont été les résultats de ces guerres?Qui agrandi? Qui s'est abaissé ? II. Le champ de bataille italien. — L'Allemagne et l'Italie sont demeurées dans la même condition qu'à la fin du moyen âge, et cette condition est aggravée par sa durée même et par la consécration que lui donnent la diplomatie et les traités. Elles continuent à expier l'honneur d'avoir logé l'empire et la papauté. Comme elles sont des régions, non point des royaumes, qu'elles n'ont point une tête qui pense ni un cœur qui bat et souffre des injures, elles reçoivent des injures de toutes parts. Elles sont des champs de bataille pour l'Europe. Bourbons et Habsbourgs heurtent leurs forces en Italie pendant les guerres du xv° siècle, et pendant celles de François l". et de Charles-Quint, au xvi°. A nos rois qui réclament leur droit de propriété sur Milan et sur Naples, en leur qualité d'héritiers des Visconli et des Angevins, les Habsbourgs opposent à Milan leur qualité d'empereur, qui les fait suzerains du duché, à Naples leur qualité d'héritiers des Aragonais. Habsbourgs et Bourbons se disputent l'influence dans les petites cours, et intriguent avec méthode, même et surtout dans le sacré collège : on savait exactement à Madrid, à Vienne et à Paris, quelle somme il fallait pour incliner le Saint-Esprit vers tel ou tel choix. Après que Charles-Quint eut abdiqué, il laissa l'Empire et les provinces autrichiennes à son frère, pendant que son fils Philippe H recevait la succession bourguignonne, l'Espagne, les Deux-Siciles et le Milanais. L'Italie se trouva ainsi impliquée dans la guerre des deux maisons. Au xvnc siècle, les Habsbourgs d'Autriche et ceux d'Espagne, dans la ferveur de la réaction catholique, s'allièrent étroitement et voulurent joindre leurs territoires, en s'era-
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parant d'une vallée-des Alpes, qui faisait communiquer le Milanais espagnol et le Tyrol autrichien, : Richelieu dut leur barrer la route, et l'Italie fut un des champs de bataille de la guerre de Trente ans. En Italie encore, la France alla combattre l'Espagne pendant les guerres de Louis XIV. De nouveau reparaissent alors les compétitions pour la propriété : Habsbourg d'Autriche et Bourbon de France ont des prétentions à la succession d'Espagne, comme maris et fils d'infantes, et Milan et Naples sont dans l'héritage : l'Italie est donc un des champs de bataille de la grande guerre qui ouvre le xvni" siècle. La guerre finit par un partage entre les prétendants, et l'Italie tombe dans le lot du Habsbourg; mais le Bourbon qui règne à Madrid veut reprendre les annexes italiennes, et le Bourbon de France l'y aide : l'Italie devient un des champs de bataille des guerres de la succession de la Pologne et de la succession d'Autriche. A la fin du xvm* siècle, les Bourbons régnent à Naples et à Parme ; les Habsbourgs à Florence et à Milan. En tout cela, rien qui soit l'œuvre de l'Italie ; ses petits Etats changent de princes, mais ils sont toujours là, toujours clients et toujours serviteurs de l'étranger. III. La maison de Savoie. — Pourtant une nouveauté, que la suite devait faire très considérable, s'est produite au nord-ouest de la Péninsule. Dans ce perpétuel conflit entre les Habsbourgs et les Bourbons, l'état intermédiaire des ducs de Savoie a joué le rôle double que semblait lui imposer son double caractère, et il n'y avait point de prince à qui l'on pût moins se fier que le duc, portier des Alpes. Plusieurs fois, il perdit la Savoie, conquise par la France, et il dut céder à Henri IV la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex. D'autre part, Genève maintint contre lui son indépendance, et la confédération suisse se consolida. Tout espoir d'accroissement de ce côté des Alpes étant perdu, la maison chercha fortune en Italie : elle y chemina lentement, mais d'un pas continu. Au Piémont s'ajoutent le Montferrat et une partie du Milanais. Dans toute grande convention européenne, le duc gagne quelque, chose, en se faisant payer ses alliances, qu'il excelle à porter d'un camp à l'autre. Pendant qu'il est occupé à manger les premières feuilles de « l'artichaut italien », il laisse voir son appétit pour les gros morceaux : il réclame sa part de la succession d'Espagne et de la succession d'Autriche. La guerre de la succession d'Espagne lui vaut la Sicile; il l'échange
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bientôt contre la Sardaigne, mais il a gardé, de cette courte possession de la Sicile, le titre de roi. Le voilà donc entré dans la confrérie auguste des souverains; il est roi de Sardaigne, même roi de Jérusalem. Il porte vêtement plus long et plus ample que sa taille; mais il grandira et grossira jusqu'à remplir le vêtement. Il ne partage en Italie l'honneur du titre royal qu'avec le roi de Naples, et celui-ci est presque un étranger, car la vraie Italie est au nord; là est le champ de bataille entre la France et l'Autriche; là sont les lauriers à cueillir, les provinces à gagner. Là est Monza, le sanctuaire où la couronne de fer attend une tête royale. IV. Le champ de bataille allemand. — C'est en Allemagne que se livrent les grands combats entre Bourbons et Habsbourgs. Au xvi° siècle, on se heurte à peine sur les frontières; mais la politique française a beau jeu dans le corps désorganisé de l'Empire. Elle paye les Électeurs et se flatte parfois de la chimérique ambition de conquérir la couronne impériale. Elle paye les princes protestants, ennemis naturels de la catholique Autriche. Elle paye les princes catholiques, ennemis, en leur qualité de princes, de la puissance impériale. On sait tout au juste en France ce que vaut un prince de tel ou tel rang, et le prix d'un ministre, d'un conseiller ou d'une maîtresse : Versailles a un tarif des consciences allemandes. Au xvn° siècle, les armées de l'Europe commencent à se donner carrière entre le Rhin et la Vistule, le Danube et les mers du Nord. Pendant la guerre de Trente ans, des armées françaises y vont vider la vieille querelle entre les deux maisons, et ruiner les prétentions des Habsbourgs à la monarchie. Leurs victoires arrachent à l'Empire la reconnaissance des acquisitions faites par la France sur la rive gauche du Rhin. Des armées espagnoles y vont soutenir la fortune de l'orthodoxie catholique et celle des Habsbourgs. Des armées danoises et suédoises y défendent la cause de la Réforme, mais en même temps elles continuent le combat pour la Baltique, commencé au moyen âge; car toutes ces mains pieuses de catholiques et de protestants étaient des mains avides et prenantes. Enfin l'Allemagne, divisée entre les deux partis, compliquait d'une guerre civile les horreurs de cette guerre étrangère. Les maux que ce pays a soufferts ne -se peuvent décrire. La guerre pendant trente années y a nourri la guerre, c'est-à-
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dire qu'amis et ennemis ont -vécu sur le sol et sur l'habitant, menant bombance après les jours de disette, se payant de l'abstinence par la débauche, de la faim par l'orgie, faisant le mal pour le mal, par habitude, et parce que l'homme, dans les grandes crises, retourne bien vite à ses instincts d'origine, qui sont ceux d'une bête méchante. L'Allemagne se couvrit de ruines de villages et de villes; en plus d'une province, où l'on avait abattu jusqu'aux arbres, reparurent la broussaille, le fauve et l'anthropophage. V. L'Allemagne après la paix de Westphalie. — Quand les diplomates de l'Europe, après cinq années de cérémonies, eurent enfanté la paix de Westphalie, il se trouva que l'Allemagne fut officiellement ouverte à l'étranger. Le roi de Suède, comme le roi de Danemark, entra dans la Diète en qualité de prince allemand ; le roi de France, à qui des territoires allemands étaient dévolus, devint membre de la Ligue du Rhin, préparée par lui. La souveraineté des princes et des villes de l'Empire fut reconnue, et l'autorité impériale réduite à rien : les hautes puissances contractantes eurent le droit de maintenir cette anarchie qu'elles avaient organisée, car elles étaient garantes de la paix de Westphalie. Aussi l'Allemagne ne respira-t-elle pas longtemps après cette terrible guerre. Bourbons et ïïabsbourgs s'y rencontrent, chaque fois qu'une guerre éclate en Europe : guerre de Hollande, guerre de la coalition d'Augsbourg, guerre de la succession d'Espagne, guerre de la succession de Pologne, guerre de la succession d'Autriche, guerre de Sept ans. Elle a été pendant deux siècles un champ de manœuvres. Et c'était un sujet de dérision que ce saint-empire romain germanique, qui « n'était ni saint, ni empire, ni romain, ni germanique », dont les revenus payaient à peine la toilette de l'empereur, et qui, en toute affaire, se présentait « en retard d'une année, d'une idée, d'une armée ». Cependant deux États grandissaient dans ce malheureux pays, deux ennemis, dont la rivalité avait commencé à déchirer l'Allemagne, mais nous retrouverons tout à l'heure la Prusse et l'Autriche, qui sont plutôt des puissances européennes que des provinces allemandes. Dans la période précédente, nous avons, au sortir de l'Allemagne, tourné nos regards vers l'Est, pour passer ensuite en Occident, et nous y arrêter, parce que l'Occident était le principal théâtre de l'histoire européenne; dans la période moderne, les plus graves événements se passent en Orient et c'est
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là que l'Europe se transforme le plus. Intervertissons donc l'ordre établi, et passons d'abord en Occident. VI. Progrès de la France dans la zone intermédiaire. — Qu'est devenue la zone intermédiaire entre Allemagne et France? La France naturellement y a poussé sa fortune. Au midi, elle s'est agrandie, sous le règne d'Henri IV, des petits pays gagnés sur le duc de Savoie. Au centre et au nord, elle a prélevé le prix de ses victoires sur les Habsbourgs des deux branches. L'héritier des ducs de Bourgogne a voulu, lorsqu'il s'appelait Charles-Quint, reprendre la Bourgogne : il n'y a point réussi, quelque obstination qu'il y ait mise, car il a été aussi entêté Bourguignon que le roi de France a été Visconti entêté, et ces premiers héros de la politique moderne avaient la tête remplie des idées de l'âge précédent. Quand le roi d'Espagne eut recueilli la succession bourguignonne, après l'abdication de Charles-Quint, le roi de France essaya de lui enlever des provinces qu'un lien tout factice unissait à l'Espagne. Louis XIV conquit la Franche-Comte, mais des PaysBas il ne put que détacher des parcelles, l'Artois et quelques villes de Flandre. Sur l'Allemagne, la France a gagné d'abord les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun, puis l'Alsace sans Strasbourg, puis Strasbourg. Ce n'est point par pure violence qu'elle a fait ces acquisitions : celle de Metz, Toul et Verdun a été consentie par des princes allemands, qu'Henri II avait soutenus dans leurs révoltes contre Charles-Quint; l'Alsace a été acquise 1 par Richelieu avec l'armée qui s'en était, pour ainsi dire, rendue propriétaire. Bien que je ne veuille point justifier tous les procédés de la politique française, ni reporter à ce temps, si différent du nôtre, les sentiments qu'éveille en nous aujourd'hui le nom d'Alsace, je puis dire au moins que les Français du xvne siècle n'ont pas arraché des hommes à leur patrie. Il n'y avait pas alors, à vrai dire, de, patrie française; encore moins y avait-il une patrie allemande. LaJ politique et les armes de la France n'ont point taillé dans la chair vive. La prise de possession des Trois Évêchés et de l'Alsace rendait inévitable l'acquisition de la Lorraine, c'est-à-dire de ce noble duché qui avait gardé le vieux nom de Lotharingie. Il fut, au temps des guerres entre les Bourbons et les Habsbourgs, bien souvent occupé par nos armes, avant de devenir enfin partie inté-^
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grante de la France. Cette acquisition fit briller quelque gloire sur les derniers jours de la monarchie. VIL Les Provinces laissées sous la domination des Habsbourgs. — Franche-Comté, Alsace, Lorraine, Artois, Flandre française, telle fut la part de la France dans la zone intermédiaire : le reste lui échappa, mais l'Espagne ne garda point les Pays-Bas, et ceux-ci ne demeurèrent pas unis. Malgré la contiguïté géographique, il y avait entre ces dix-sept provinces, les unes maritimes et les autres continentales, les unes riches et les autres pauvres, les unes bourgeoises et les autres féodales, les unes germaniques et les autres wallonnes, de trop grandes différences pour qu'il s'y formât une vie commune. Dans chacune des provinces et dans chacun des fragments dont elle se composait, fiefs, communes, corporations, la vie était trop intense pour que toutes ces âmes particulières s'accommodassent longtemps du système de la monarchie des Habsbourgs. _ Elles le supportèrent pourtant du vivant de Charles-Quint. Plus vaste était la monarchie, plus divers les éléments dont elle se composait, moins était à redouter l'oppression d'une volonté absolue. Charles-Quint eut d'ailleurs le grand mérite de réfléchir en lui, pour ainsi dire, toutes les variétés de son empire ; il parlait toutes les langues et savait être, selon l'occurrence, empereur, roi, comte, gentilhomme ou bourgeois. Mais lorsque Charles-Quint détacha les Pays-Bas de l'Empire, pour les donner à son fils, le roi d'Espagne, on vit les funestes conséquences de la politique des mariages. L'union de Maximilien d'Autriche avec la fille du Bourguignon Charles le Téméraire se comprenait, car les États de Bourgogne étaient limitrophes de l'Empire; ils étaient, pour une bonne part, pays d'Empire et pays germaniques, et cette alliance entre voisins ne faisait pas trop de violence aux choses. Charles-Quint, propriétaire des Pays-Bas par le droit héréditaire, en était aussi le souverain en sa qualité d'empereur. Mais lorsqu'en vertu du seul droit de propriété, et pour satisfaire aux convenances d'une famille, les Pays-Bas furent attribués à un roi espagnol et italien, violence fut faite aux choses qui se défendirent. VIII. Indépendance et puissance des Provinces-Unies. — La résistance politique opposée par les Pays-Bas au despotisme espagnol qui violait leurs antiques privilèges se compliqua de la
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résistance religieuse, quand la Réforme fut combattue par le roi catholique. Il se forma un groupe des Provinces du nord, que les nécessités de la lutte commune rapprochèrent les unes des autres. Elles essayèrent d'abord de se conformer aux traditions européennes en se donnant un souverain ; puis elles se résignèrent à n'être que « Leurs Hautes Puissances les États des Provinces-Unies ». Quant aux pays du sud, après bien des révoltes, ils demeurèrent sujets du roi d'Espagne. A la fin du xvi° siècle, la séparation était accomplie. Dès lors, la future Hollande et la future Belgique suivirent leurs destinées distinctes : celle-ci, émiettée au sud par la France, qui aurait pu, avec une meilleure politique, se l'attacher à jamais, fut séparée de la monarchie espagnole, et attribuée à l'Autriche par les traités qui réglèrent la succession d'Espagne. Elle passa donc de la branche aînée à la branche cadette des Habsbourgs, qui la possédait encore lorsque la Révolution française éclata. Les Provinces-Unies devinrent une puissance européenne et une grande puissance, car elles avaient des colonies, une marine admirable, un grand commerce, une industrie prospère et, par conséquent, de l'argent, c'est-à-dire — le mot est vrai surtout au xvu" siècle — le nerf de la politique et de la guerre. Pour conduire la politique, elles avaient des hommes, préparés à toutes les finesses de la diplomatie par le gouvernement difficile d'un État qui était composé de provinces, dont chacune avait ses privilèges et n'était elle-même qu'un composé d'êtres privilégiés. D'ailleurs, le péril auquel était exposé un petit État riche et républicain, dans cette Europe pleine de monarchies superbes et faméliques, y tenait perpétuellement en éveil l'esprit politique. Pour conduire la guerre,-les Provinces-Unies avaient une aristocratie militaire, à laquelle la maison d'Orange donnait des chefs. Les princes d'Orange, apparentés aux familles souveraines de l'Europe, procuraient le droit de cité à la République parmi les monarchies, et pouvaient même, aux heures de danger, lorsqu'il fallait surexciter et réunir les forces nationales, transformer la République en monarchie sous la forme du stathoudérat. Pour toutes ces raisons, et parce qu'elles étaient jeunes, et parce qu'elles avaient la vitalité de ces êtres multiples qu'elles laissaient vivre, et parce que des passions provinciales, féodales, mu-
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nicipales, corporatives, des passions politiques et des passions religieuses excitaient leur énergie, les Provinces-Unies arrachèrent au roi d'Espagne l'aveu de leur indépendance ; elles la défendirent contre Louis XIV, nouèrent contre la France une coalition formidable, aidèrent leur stathouder Guillaume d'Orange à monter sur le trône d'Angleterre, et, à la fin, humilièrent Louis XIV. Ce fut leur période héroïque : un tel effort ne se pouvait soutenir à la longue. S'il arrive que, pendant un temps, par un concours extraordinaire de circonstances, un État prend dans le monde une place mal proportionnée à ses forces réelles, il est toujours ramené aux limites qu'il a dépassées. La Hollande, puissant vaisseau de haut-bord, au xvn° siècle, n'est plus au XVIII" qu'une chaloupe à la remorque de l'Angleterre. IX. Les Cantons suisses. — C'est un grand événement au cours de la période moderne, que cette constitution des Provinces-Unies, d'un État sans roi, dans la zone intermédiaire. Un autre État, de même nature, s'acheva dans cette même zone pendant la même période : c'est la ligue des Treize-Cantons. Ce corps singulier de confédérés germaniques, autour desquels sont groupés des alliés et des sujets allemands, italiens et bourguignons, sut défendre son indépendance et s'accroître en terre allemande, bourguignonne et italienne, où il ne rencontrait point la résistance d'un État déterminé ; mais il n'était point capable d'avoir une politique européenne comme les Provinces-Unies. Il n'avait m la mer, ni le grand commerce, ni la grande industrie, ni l'argent. En attendant que ce pays, formé de fragments de nations, devint un État neutre entre les nations, il vivait comme il pouvait, et manifestait à l'avance sa neutralité future, en vendant, des soldats à qui les payait. Le roi de France pourtant parvint à obtenir la préférence et les Suisses, fidèles au drapeau fleurdelisé, furent ses derniers défenseurs en août 1792 et en juillet 1850. Provinces-Unies et Cantons ligués ont obtenu l'un et l'autre la reconnaissance de leur indépendance en 1648 : les premières, par un traité séparé conclu avec l'Espagne; les seconds, par l'acte même de la paix de Westphalie. Les uns et les autres ont ainsi retiré un grand profit des victoires de la France sur les Habsbourgs. La France avait, d'ailleurs, aidé les Provinces-Unies dans leur révolte contre l'Espagne. Certes, ce n'était point là une politique désintéressée, et quand nos rois se sont faits les protecteurs des
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petits et des faibles, ce n'était point par sentiment chevaleresque : il est honorable pour nous cependant que nos victoires aient eu la conséquence indirecte de donner au monde politique deux États nouveaux. X. La France. Achèvement de l'Unité. — La France a suivi, pendant la période moderne, la pente où ses destinées étaient engagées dès le moyen âge. Les rois ont achevé de constituer : le territoire national, en acquérant la Bretagne par mariage, le Roussillon, l'Artois et une partie de la Flandre par conquête, le Béarn et la Navarre à l'avènement d'Henri IV. Nous avons vu quels progrès ils ont faits dans la zone intermédiaire. Enfin l'acquisition de la Corse, faite en même temps que celle de la Lorraine, complète la France d'avant 1789. Au sein de cette monarchie, les différences provinciales, sans jamais disparaître, s'effacèrent peu à peu. Les privilèges des pays, là où ils n'avaient pas été abolis, devinrent lettres mortes ; de même ceux des féodaux et des communes; mais ces lettres mortes gênaient la vie; ces formes vides, provinces, municipalités, seigneuries, encombraient la France. Le pouvoir qui en avait fait des ruines n'avait point voulu ou point su les déblayer. Il y avait dans la constitution de graves désordres. La France était une monarchie, parce qu'un seul homme y faisait la loi, et qu'il était seul libre de penser et d'agir, mais la monarchie, après s'être substituée à la polyarchie féodale, n'a point trouvé un système de gouvernement et d'administration qui convînt à un pays unifié. Elle ne s'est point donné de bonnes finances, ni une bonne armée ; elle n'a donné au pays ni bonne justice, ni bon système économique. Pour dire la vérité toute nue, elle a su se faire obéir; elle n'a pas su gouverner. XI. La politique extérieure de la France. — Dans sa politique extérieure, elle a eu de grands succès et commis de grandes fautes. La lutte contre la maison d'Autriche lui a été imposée, et l'effort qu'elle a fait pour briser le cercle qui l'enserrait était légitime : François I", Henri H, Henri IV, Richelieu ont fait bonne politique et bonne guerre, et ils ont eu cette fortune qu'en travaillant à la grandeur de notre pays, ils ont sauvé l'indépendance de l'Europe. Mais la monarchie, victorieuse au milieu duxvii' siècle, a tout de suite abusé de sa victoire et poursuivi des chimères. Chimère, la prétention qu'a eue Louis XIV de se faire élire empereur; chimère, la revendication de la succession d'Espagne! Chi-
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mères dangereuses, car l'Europe coalisée surveille chacun des pas, chacune des intentions du roi de France. Le progrès lent et continu qu'il faisait depuis un siècle sur les frontières du nord et de l'est est arrêté. La France cesse d'être la puissance directrice qui groupe autour- d'elle les forces les plus diverses, dirige les événements et les fait naître au besoin. Le xvn° siècle est aux Bourbons combattant les Habsbourgs, le dix-huitième est à des puissances nouvelles, qui modifient profondément l'histoire de l'Europe, sans la France ou contre la France, et ce sont les événements qui, dès lors, conduisent la politique française. Il est à jamais regrettable que cette politique se soit enfermée alors dans les affaires du continent, au point de négliger le reste du monde, car le monde était entré dans l'histoire de l'Europe. La France, puissance océanique et méditerranéenne, avait toutes les conditions requises pour occuper une très grande place en Afrique, en Asie et en Europe. Elle avait Marseille, Bordeaux, Nantes, le Havre. Elle avait fait les croisades ; elle avait eu de bonne heure de hardis explorateurs ; elle avait de belles populations maritimes, Normands, Bretons, Basques, Provençaux. On la calomnie, quand on l'accuse d'être incapable de coloniser, car notre histoire coloniale est glorieuse, et il y a eu de très beaux commencements d'un empire français d'au delà des mers. François I"', Henri IV, Richelieu, Colbert ont eu le sentiment de ce que nous pouvions, de ce que nous devions faire ; mais la politique continentale absorbait toutes les forces et toutes les pensées. Abaisser la maison d'Autriche, cela fut d'abord une nécessité : cela devint ensuite un mot d'ordre machinalement transmis et répété. Les grands succès de nos diplomates et de nos généraux des xvi° et xvn° siècles hantèrent les esprits de leurs successeurs, alors même que l'Autrichien n'était plus l'ennemi. L'habitude était prise de combattre aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie. Il semblait que la gloire ne pût se rencontrer sur d'autres champs de bataille : on la voulait gagner sur ce théâtre classique de la guerre, d'où la nouvelle de la victoire pouvait être rapidement portée à Versailles par un courier galopant à franc ëtrier. Ajoutez que le tiers état ne comptant presque point dans l'État, les marchands ne pouvaient faire entendre leur voix, comme en Angleterre. La noblesse française avait cessé d'être la féodalité, pour
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devenir une brillante société militaire ; mais elle avait gardé de son origine féodale un caractère terrien. Ses chefs ne servaient qu'aux armées, et « l'amiral », tant qu'il y eu eut un, fut le plus souvent un marin de cour. Paris paraissait d'autant plus éloigné de la mer que les frontières du nord et de l'est étaient alors plus rapprochées ; Versailles enfin, où s'endormit la monarchie, n'était pas même baigné par une rivière, et il fallut des travaux d'Hercule pour y amener de l'eau potable. XII. L'Espagne et l'Angleterre. — Les deux autres puissances occidentales fournirent sur l'Océan une carrière plus brillante quela France. Les temps modernes ont vu s'achever l'unification de l'Espagne, la monarchie unique et absolue substituée aux diverses monarchies féodales, l'Espagne entraînée dans les destinées complexes de la maison d'Autriche. Il est difficile d'estimer le prix dont elle a payé cette brillante fortune, qui l'a tirée hors de ses voies naturelles. Nous savons déjà comment elle a perdu ses annexes européennes ; ce fut, là son moindre malheur, car l'effort que ses rois exigèrent d'elle pour défendre en Europe l'étrange situation que leur avait donnée la politique matrimoniale, la fatigua, puis l'épuisa. Elle exploita ses colonies à outrance, et fut bientôt incapable de les protéger. L'empire colonial anglais eut une tout autre fortune. A travers bien des crises, guerres civiles et religieuses, révolutions sanglantes, l'Angleterre avait assis sa constitution de pays libre. Ici, comme en France, maints débris étranges du passé subsistaient — on les voit encore aujourd'hui, —■ mais au lieu qu'en France c'était la volonté du roi qui faisait l'unité dans le chaos, l'unité était faite en Angleterre par la nation, représentée dans les deux chambres de son parlement par sa double aristocratie. Lorsque le parlement fut tout à fait le maître, il ne permit plus aux rois de revendiquer à tort et à travers des droits sur tout ou partie de la France, comme avaient fait les Tudors, ni de compromettre le pays dans les affaires de l'Europe, comme avait fait Henri VIII, pour parader sur le théâtre européen, et contraindre le pape à lui pardonner son divorce ; ni de vendre au roi de France, comme avaient fait les Stuarts, la politique de leur pays, afin d'employer le prix du marché dans leur lutte contre les libertés publiques. Dès que l'Angleterre s'appartint, elle fit ce qui convenait
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à une puissance insulaire : elle joua encore un rôle sur le continent, mais elle trouva ou fit naître dans les guerres européennes l'occasion d'accroître son empire colonial. Elle devint la grande nation dominatrice des mers, se suffisant à elle-même, égoïste, isolée dans ses intérêts et dans son orgueil. XIII. Le Nord et l'Est de l'Europe. Formation de l'État prussien. — Retournons maintenant au Nord et à l'Orient de l'Europe. Les plus graves événements s'y sont passés. Parmi les puissances anciennes, les unes, comme les nations Scandinaves, sont déchues; les autres, comme l'Autriche et la Prusse, ont grandi, et une puissance nouvelle très considérable, la Russie, est entrée sur la scène. Les Hohenzollern ont achevé de fabriquer la Prusse. Électeurs de Brandebourg, ils avaient hérité, dans les premières années du 0 XVII siècle, de duchés rhénans et de la Prusse des Teutoniques. Cet État de Prusse^ fondé par une corporation militaire ecclésiastique, n'avait point survécu au moyen âge. Ébranlé par les victoires de la Pologne, il fut achevé par la Réforme, qui déclarait la guerre à toute puissance temporelle ecclésiastique. Le dernier des grands maîtres se trouva être un Hohenzollern, qui sécularisa cette institution vieillie et la transforma en un duché héréditaire. Un siècle après, le duché passait aux cousins de Brandebourg. Un même prince régna dès lors sur la Yistule, sur l'Elbe et sur le Rhin. Rien n'était moins nécessaire ni moins naturel ; aussi peut-on dire que la Prusse moderne est la création d'une dynastie. La France était antérieure à la monarchie française; en Prusse, la dynastie a précédé l'État. Les difficultés de toutes sortes auxquelles les Hohenzollern ont été exposés, les dangers qu'ils ont courus sur le Rhin, terrain de combat entre la France et l'Autriche ; en Brandebourg, terrain de combat entre la Suède et l'Autriche; en Prusse, terrain de combat où se sont rencontrés Polonais, Suédois, Autrichiens et Russes; la nécessité d'être prêts pour toutes les luttes, puisqu'ils avaient la certitude d'y être impliqués, leur ont commandé l'effort perpétuel du combat pour l'existence. Fondre en un État ces provinces dont l'histoire et les mœurs étaient si différentes ; employer leurs forces à des fins communes ; relier les uns aux autres les anneaux de cette chaîne ; concentrer le territoire aussi bien que l'autorité : tel était le plan
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qui s'imposait et qui fut suivi. Magdebourg, Halberstadt et Minden, acquis en 1648, marquèrent des étapes sur la route du Rhin. La Poméranie, acquise en deux fois, donna un littoral au Brandebourg. Après la conquête de la Silésie, il eut l'appui de la montagne. Après la spoliation de la Pologne, le Brandebourg et la Prusse, ces deux parties essentielles de l'État, furent soudés ensemble. XIV. Le caractère de l'État prussien. — Même après ces annexions, l'État des Hohenzollern était un édifice singulier, composé d'un corps principal et de deux ailes, dont l'une s'allongeait, rompue en fragments, jusqu'au Rhin, et l'autre jusqu'au Niémen; mais le gouvernement faisait l'unité. Des princes, dont les territoires étaient des champs de bataille, ne pouvaient pas ne pas être des autocrates militaires, exigeant de leurs sujets l'obéissance passive. Nicht raisonniren, ici on ne raisonne pas : telle était leur devise. Il fallait bien qu'ils fussent économes, mais leur économie n'était point inintelligente : c'était la mise en valeur de toutes les forces productives. Et dans cette Allemagne, où les moindres potentats mettaient leur honneur à imiter les splendeurs et les vices de Versailles, les patriotes regardaient avec orgueil ces princes toujours peinant, et qui se vantaient d'être les premiers serviteurs de leur État. D'ailleurs, les Hohenzollern étaient distingués, entre les princes allemands, par une dignité supérieure. L'Ordre teutonique,lorsqu'il avait été vaincu par le roi de Pologne, avait dû se reconnaître son vassal, et le duc de Prusse, successeur de l'Ordre, lui faisait hommage; mais les électeurs de Brandebourg, devenus ducs de Prusse, voulurent s'affranchir de cet humiliant devoir. Une guerre ayant éclaté entre les rois de Suède et de Pologne, au lendemain de la paix de Westphalie, l'électeur-duc promena sa fidélité de l'un à l'autre, c'est-à-dire qu'il trahit l'un après l'autre, pour obtenir de tous les deux la reconnaissance dê sa souveraineté. La guerre finie, il fut, en effet, un souverain. Vassal de l'empereur en Allemagne, il fut son maître au delà de la Vistule, et il y eut un coin de la terre où le Hohenzollern n'eut au-dessus de sa tête personne, excepté Dieu. Cette acquisition de la souveraineté en territoire étranger permit à l'électeur de Brandebourg d'aspirer au titre royal : il l'obtint, au début du xvme siècle. Il est vrai que plusieurs princes allemands devinrent ainsi souverains hors de
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l'Allemagne : les électeurs de Hanovre, par exemple, devinrent rois d'Angleterre, et les électeurs de Saxe, rois de Pologne ; mais l'électeur, ici, se perdit dans le roi, au lieu que dans l'électeur de Brandebourg, roi de Prusse, l'électeur resta le personnage important, et tira de sa royauté une force plus grande pour soutenir sa qualité de prince allemand. Le conflit, depuis longtemps commencé entre le Brandebourg et l'Autriche, devint plus aigu. Le vieille opposition entre l'Allemagne du Nord et l'Allemagne du Sud se réveilla. Le Hohenzollern protestant fut pour le Habsbourg catholique un rival, modeste d'abord, mais que les victoires de Frédéric H, remportées sur le Habsbourg et ses puissants alliés, firent très grand et en Allemagne et en Europe. XV. L'Autriche : empire des Habsbourgs. — Nous avons laissé l'Autriche au moment où le domaine patrimonial de la maison se composait de l'Autriche, de la Styrie, du Tyrol, de la Carinthie et de Trieste. Ce domaine était partie allemand, partie slave, partie italien. Déjà très varié, il formait comme les assises de cette future tour de Babel au pied de laquelle devait éclater de nos jours la confusion des langues. Quatre causes déterminèrent la fortune moderne des Habsbourgs : les mariages qui firent de Charles-Quint l'héritier de la maison de Bourgogne et des couronnes espagnoles; la fidélité de l'Autriche au catholicisme, qui fit d'elle la principale adversaire de la Réforme et des Réformés ; la coutume qui s'établit en Allemagne de toujours donner l'Empire à un Autrichien; enfin l'acquisition de la Bohème et de la Hongrie au xvia siècle et d'une partie de la Pologne au xvm''. C'est la réunion des héritages autrichien, bourguignon et espagnol qui a mis aux prises les Habsbourgs et les Bourbons. C'est parce que l'Autriche a été le champion du catholicisme, que la France a trouvé des alliés en Allemagne, qu'elle a pu y porter la guerre et aider les princes allemands à devenir de petits souverains. L'office impérial a donné quelque cohésion au disparate ensemble de la monarchie. Enfin l'acquisition de la Bohême, de la Hongrie et d'une partie de la Pologne a marqué l'Autriche de ce caractère, qu'elle a gardé, d'un État de transition, si l'on peut dire, entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale. Nous avons déjà exposé au cours de cette dissertation les vicissitudes de l'histoire de cette maison. Il suffira de rappeler qu'à la fin du xvin" siècle, l'Autriche a perdu la Silésie, gagnée par la
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Prusse. Aux Pays-Bas, le traité qui a terminé la guerre de la suecession d'Espagne lui a donné les provinces demeurées espagnoles. En Italie, après les arrangements conclus avec les Bourbons d'Espagne, elle a gardé Milan et, par le mariage de François de Lorraine, duc de Toscane, avec Marie-Thérèse, elle a acquis la Toscane. Mais c'est en Orient surtout qu'elle s'est agrandie : elle y a gagné deux royaumes entiers, et un fragment d'un troisième. Ici l'ancienne marche d'Autriche, élevée jadis contre les Slaves et les Avares, semble avoir rempli son office originel. Mais si la fortune du margrave de l'Est, devenu empereur et roi, est plus brillante que celle du margrave du Nord, devenu roi de Prusse, elle est moins solide. XVI. Comparaison entre l'État des Hohenzollerns et l'empire des Habsbourgs. — Le roi de Prusse règne sur un grand nombre de pays, qui n'étaient pas allemands d'origine, Brandebourg, Lusace, Silésie, Poméranie, Prusse, Pologne; mais, à l'exception du dernier, il les a tous faits allemands. Partout, il a mis la langue allemande, la race allemande, les mœurs allemandes. Le roi de Prusse n'est pas simplement substitué au grand maître en Prusse et au duc en Poméranie : il est le roi. Excepté en Pologne, il n'a pas à craindre un réveil de nationalités anciennes : les vieux Prussiens sont morts jusqu'au dernier ; morts les Slaves du Brandebourg et ceux de Poméranie. Des Slaves survivent en Lusace et en Silésie; mais, noyés comme ils sont dans la population allemande, ils sont un objet de curiosité, dont la politique n'a pas à tenir compte. Chose singulière, le roi de Prusse, électeur de Brandebourg, a pris pour son titre électoral le nom de Brannybor, vieille ville slave, et pour son titre royal le nom de la Prusse, pays lithuanien; mais ces deux.noms étrangers sont comme des dépouilles opimes que porte un roi allemand, en souvenir de la victoire de la race allemande sur des races ennemies. Il y a, au contraire, une Bohême, toute peuplée de Bohémiens ; une Hongrie, toute peuplée de Hongrois ; une Transylvanie, toute peuplée de Roumains. Les -Slaves sont vivants dans toute l'Illyrie, vivants les Italiens dans les annexes italiennes, vivants'les Polonais en Pologne, -et, quand l'esprit national, à son éveil, s'insurgera contre les conventions qui ont enfermé en un même corps tant d'âmes diverses, l'Autriche sera singulièrement menacée. Mais, dans la période où nous sommes, ce danger n'était pas sensible :
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les Habsbourgs régnent tranquillement, au xviii" siècle. Remarquons seulement des faits qui sont des présages. L'Autriche s'est laissé prendre la Silésie, et le roi de Prusse, Frédéric II, a orga■ nisé contre elle une coalition de princes allemands, quand elle a voulu revendiquer la Bavière : il lui a interdit tout accroissement en Allemagne; D'autre part, le chef de la maison d'Autriche, devenu roi de Hongrie, avait la mission de refouler l'Infidèle, et de lui reprendre le territoire hongrois, que le Turc possédait en grande partie. Il le reprit en effet, et la monarchie des Habsbourgs devint alors grande puissance danubienne. XVII. La Russie au moyen âge. Période d'isolement. — Mais pendant que les deux États germaniques de l'Est s'avançaient ainsi, exterminant ou se subordonnant des pays slaves tout entiers, un nouvel État oriental achevait de se former : une grande puissance slave s'organisait. Nous avons pu jusqu'ici négliger la Russie : elle n'avait presque rien de commun avec l'Europe, qui finissait aux frontières de l'Allemagne et de ses annexes. Pendant tout le moyen âge, son histoire est, pour ainsi dire, perdue dans la confuse histoire de l'Orient européen. Au ix" siècle, elle est séparée de la Baltique par les Finnois, lesLettes, les Lithuaniens et les Prussiens. Entre elle et la frontière carolingienne sont les Slaves de l'Elbe, de l'Oder, de Bohême, de Moravie, de Lusace, de Pologne. La communication avec l'Euxin et le Danube lui est interdite par des tribus asiatiques qui se succèdent dans ces régions. Ainsi, des remparts de peuples se dressent entre les Russes et l'Elbe ou le Danube, qui sont alors les frontières de l'histoire ; entre les Russes et la Baltique ou l'Euxin, ces deux golfes des deux grandes mers historiques. Il fallait percer ces masses avant d'arriver à l'Europe. XVIII. Le premier État russe. Influence de la Scandinavie et de Constantinople. — Ce fut l'Europe qui s'avança d'abord vers la Russie. Des aventuriers venus de Suède à la fin du ixc siècle établirent leur domination sur les Slaves de Novgorod. Ils oublièrent vite leur origine Scandinave, et un premier pays russe, dont Novgorod, puis Kief, furent les villes principales, se dessina sur la carte dans la grande plaine du Nord-Est. Par terre, s'avança l'Allemagne : elle soumit les peuples entre l'Elbe et l'Oder et poussa une pointe vers le cours inférieur delà Vistule. D'autre part, la culture occidentale et le christianisme
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pénétrant en Bohême, en Pologne et en Hongrie, s'approchèrent de la Russie. Mais ce pays, à qui des Scandinaves avaient donné son nom et sa première organisation politique, reçut des Grecs le christianisme et son organisation religieuse. C'est Constantinople, en effet, qui convertit le prince Wladimir à la fin du xe siècle. Dès lors, il fut décidé que la Russie n'entrerait point, comme la Pologne et la Bohême, dans le système de l'Église d'Occident. D'autre part, séparée de Constantinople par des masses barbares, elle n'entra point comme les Slaves des Balkans dans le système de l'empire grec. Elle s'annonçait ainsi comme chose nouvelle, et très originale. Mais elle n'était pas encore prête pour la vie politique nationale. Elle se décomposa, au xi° siècle, en principautés et en républiques. Au xin°, elle tomba presque tout entière sous la domination des Mogols; l'Asie, s'étendant sur l'Europe, lui prit la Russie. L'Europe continua de s'avancer. Scandinaves, Allemands, Polonais renversent la barrière que formaient les petits peuples de la Baltique. Les Suédois prennent possession de la Finlande, les Allemands de la LiYonie et de la Prusse. Yoilà les Russes en contact direct avec l'Occident. Un moment toute la côte, depuis Narva sur le golfe de Finlande jusqu'à la Poméranie, appartient à l'Ordre teutonique, dont le grand maître relève du pape et de l'empereur. Mais au xv° siècle, la Pologne, unie à la Lithuanie, s'interpose entre l'Allemagne et la Russie. Elle ruine les établissements germaniques et se donne un jour sur la Baltique, en saisissant les bouches de la "Vistule. Elle ne reprend point les provinces occidentales que les armes et la colonisation allemande lui ont enlevées; elle laisse s'accomplir en Brandebourg, en Lusace et en Silésie l'œuvre germanique, mais elle s'étend à l'ouest aux dépens des Russes, auxquels elle enlève de vastes territoires qui faisaient partie du premier État russe. Il semblait alors qu'à la Pologne seule dût appartenir l'honneur de représenter en Europe la race slave par un grand État indépendant. Cependant la Russie se dégageait de l'étreinte des Mogols. Au xiv° siècle, un État nouveau se formait autour de Moscou redevenue indépendante. En même temps qu'il se subordonnait des principautés russes,, il entamait la Mongolie européenne dont des fragments devaient vivre longtemps encore au nord de l'Euxin, et lorsque disparut l'empire grec, le tsar fut le représentant de la
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chrétienté orientale en face des Infidèles, et, en quelque sorte, le successeur du César de Byzance. Un immense avenir s'ouvrait devant lui; XIX. La Russie moderne. — Pendant les xvi° et xvii" siècles, le combat entre Allemands, Scandinaves et Polonais dure toujours sur les rivages de la Baltique. Les Russes y interviennent plusieurs fois avec une énergie qui annonce les grands efforts qu'ils feront dans l'avenir pour atteindre cette mer; mais la Suède est dans toute sa force. Elle fait de la Baltique un lac suédois : la Poméranie, sur la côte méridionale, la Finlande, l'Esthonie, la Carélie, l'Ingrie, la Livonie lui appartiennent. La Russie trouvant la route barrée de ce côté, commence à regagner sur la Lithuanie et sur la Pologne une partie du terrain qu'elle a perdu; mais c'est à l'Est et au Sud qu'elle fait les plus grands progrès. La conquête des khanats de Khazan et d'Astrakan porte à la Caspienne la frontière; si les khans de Crimée interceptent toujours la mer Noire, la suprématie du tsar s'étend sur les Cosaques du Don, et la conquête de la Sibérie est commencée. Au xvur siècle, grandit le colosse russe sur les ruines de la Suède, de la Pologne et de la Turquie. A la première, il prend Livonie, Esthonie, Ingrie et une partie de la Carélie et de la Finlande; à la seconde, les anciennes provinces russes lithuaniennes et une grande partie du territoire polonais ; à la troisième, la Crimée et le pays entre le Bug et le Dniester. En même temps, il entame la Perse, acquiert la Géorgie, puis le pays des Khirgiz. La Russie a désormais accès à la Baltique et à la mer Noire; elle est rapprochée du cœur de l'Europe et s'étend vers le cœur de l'Asie. Elle profite de cette situation unique en Europe, qui lui permet de s'accroître indéfiniment dans des contrées barbares. Ce qu'a fait l'Allemagne au moyen âge dans l'Europe orientale, elle le fait en Asie. Son empire extra-européen est contigu à l'Europe et se forme par une agrégation successive, aisée, pour ainsi dire fatale, de peuples et de territoires. XX. Conclusions sur la période moderne. — La période moderne, que l'on vient d'esquisser à grands traits, a reçu de la précédente quelques-uns de ses caractères : elle les a effacés peu à peu. L'idée de la communauté chrétienne, si fort affaiblie qu'elle fût à la fin du moyen âge, a persisté longtemps : elle était dans
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l'esprit des réformés comme dans celui des catholiques. C'est pourquoi elle s'est mêlée aux conflits des ambitions royales, et a provoqué des guerres qui rappellent les guerres de sentiments et d'idées du moyen âge. Mais la Réforme ne put détruire le catholicisme, ni le catholicisme étouffer la réforme : la communauté chrétienne fut brisée, et les différents États se distinguèrent plus nettement les uns des autres. Dans tous les pays, excepté en Allemagne et en Italie, s'acheva la concentration politique, qui donna aux États leur physionomie propre, leurs besoins, leurs intérêts, leurs ambitions, marqua les frontières, auparavant indécises, et donna naissance aux guerres politiques, que l'âge précédent avait à peine connues. L'âge précédent avait légué au nouveau un fait, dont les conséquences ont pesé longtemps sur l'Europe : le désordre de la zone intermédiaire entre Allemagne et France. D'autre part, c'est au début des temps modernes qu'ont été conclues les unions matrimoniales qui firent l'extraordinaire puissance des llabsbourgs. Remarquez à ce propos l'influence que peuvent avoir sur les destinées de l'humanité des idées fausses et des hasards. Une idée dont la suite a démontré la fausseté, présida au partage carolingien du traité de Verdun : elle a créé un fait, qui a été l'origine de guerres interminables. Nous subissons aujourd'hui encore les effets de cette conception ecclésiastique et impériale, d'après laquelle les papes et Charlemagne ont essayé d'organiser le monde, il y a mille ans. Quant aux unions matrimoniales des llabsbourgs, elles ont troublé l'Europe pendant deux siècles. L'Espagne et la France se sont épuisées à combattre, l'une pour en retenir les bénéfices ; l'autre pour conjurer les dangers qu'ils lui faisaient courir et rompre les obstacles qu'ils opposaient à son accroissement. Et tous ces efforts, ces guerres et ces négociations, où s'illustrèrent de grands princes, de grands ministres et de grands généraux, aboutirent à peu de chose près au rétablissement du statu quo ante hélium. L'Espagne et l'Autriche redevinrent des puissances distinctes; l'Espagne fut renfermée chez elle; la France demeura ce qu'elle était avec quelques additions de territoire; les Pays-Bas, comme devant, n'appartinrent ni à l'une ni à l'autre des deux rivales. Maigre résultat, a coup sûr, et il faut prévoir que, dans quelques centaines d'années, a i lieu d'admirer, comme nous faisons, « la grande politique moderne »,
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on trouvera que ces deux siècles ont été mal employés. Ces belles guerres et ces beaux traités tiendront bien peu de place assurément dans l'histoire générale du monde. Quand la France et l'Espagne eurent vidé leur querelle, il se trouva que l'intérêt de l'histoire était ailleurs : à l'extrême Occident, où l'Angleterre construisait son empire colonial; à l'Orient, où grandissaient des puissances nouvelles. En Orient, les - temps modernes ont continué l'œuvre, commencée par le moyen âge, de l'agrandissement de l'Europe. Ici apparaît, dans toute sa netteté, le caractère de la politique nouvelle, qui est l'emploi de la force sans prétextes. Sans doute, la guerre contre le Turc a des apparences de croisades. Tsars et tsarines se donnent l'air de poursuivre la revanche de la chré tienté; mais le temps est passé où les margraves et les princes de l'Allemagne prenaient la croix des mains de saint Bernard, avant d'aller guerroyer par delà l'Elbe ; où les navires hanséatiques apportaient, avec leurs marchandises, des missionnaires et des évêques sur les côtes de la Baltique orientale; où les conquérants, teutoniques et porte-glaives, étaient des moines armés. On conquiert pour conquérir, et tous ces volontaires du moyen âge, dont les efforts n'étaient pas venus à bout de l'œuvre, étaient remplacés par les grandes puissances militaires. Elles agissent et taillent à leur guise dans le Far-East européen à qui l'histoire n'avait point donné de cadres politiques, puisqu'il était ' demeuré longtemps en dehors de la vie générale, et où la géographie n'avait pas marqué, comme en Occident, ces cadres naturels, faits pour recevoir des nations. A la fin, il s'est trouvé qu'elles avaient grandement simplifié les choses. En effet, les petits peuples de la Baltique ont été détruits ou soumis; la grande plaine russe obéit au même maître; la Hongrie et la Bohême ont leur sort réglé; la Pologne disparaît, la Turquie recule ; mais il se prépare aussi de grandes complications. Après la suppression des pays intermédiaires, la Prusse et l'Autriche confinent à la Russie; l'Autriche et la Russie se rapprochent sur le Danube. A qui seront les dépouilles de la Turquie? A qui l'honneur de réveiller les peuplés endormis sous le joug ottoman? Des trois copartageants de la Pologne, lequel prévaudra sur les deux autres ? Les rois de Prusse, successeurs des margraves du Nord, et les empereurs llabsbourgs, successeurs des
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margraves de l'Est, ont pactisé avec l'ennemi slave; ils ont reculé la frontière allemande, mais'rapproché la frontière russe : qui a fait le meilleur marché de la Prusse, de l'Autriche ou de la Russie? Lés trois potentats qui avaient commis cet épouvantable abus de la force étaient précisément occupés au partage, quand l'ère de la Révolution française s'ouvrit dans le monde.
IV
LES TEMPS CONTEWPOr.AlNS
1. La Révolution et l'Empire détruisent l'ancienne Europe.
— La Révolution française, dans laquelle il faut comprendre l'Empire qui en est sorti, marque en effet une ère nouvelle. Jamais peuple n'a autant agi sur d'autres peuples que nous l'avons fait pendant ce quart de siècle, d'abord par notre rêve héroïque de l'affranchissement des peuples et d'une guerre de l'humanité régénérée contre les rois, ensuite par le rêve épique d'une restauration d'un empire à la façon de César ou de Charlemagne. D'abord des maximes, courtes et sonores comme des coups de clairon, sont lancées à travers l'Europe; ensuite règne la politique sans scrupule et retentissent les grands coups de force. Les idées et la force, la folie de la République universelle et celle de la restauration de l'empire d'Occident ont collaboré pour une part égale à tuer l'ancien régime européen. Des sous-officiers devenus généraux et un officier devenu empereur étaient de grandes nouveautés, en présence des généraux lords, archiducs ou princes : ils sortaient tout armés, non d'une cour, mais des entrailles mêmes d'un peuple. Généraux et empereur s'attaquent à toutes les antiquités. Ceux-là jettent dans le Rhin les mitres des archevêques et électeurs, et couvrent de républiques l'Italie, terre classique des tyrannies : celui-ci détruit à la journée d'Austerlitz le saint-empire romain de la nation germanique. Quelques années après, attendu que le pape use mal du pouvoir temporel que lui a conféré Charlemagne « notre glorieux prédécesseur », il le lui reprend par un décret.
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L'empereur couvre la Révolution d'un manteau archéologique : les souvenirs de Rome hantent sa mémoire et plus encore ceux de Charlemagne dont il a souvent prononcé le nom. Jusqu'à lui se prolongent, pour se mêler à sa gloire et pour égarer son esprit, les dernières lueurs du passé; mais la Révolution est en lui. Il la sert, quand il débrouille le chaos allemand; quand il fait de l'Italie du Nord un royaume; quand il emprisonne le pape, après s'être fait sacrer par lui dans Notre-Dame; quand il trouble l'Espagne dans le repos de son sépulcre monacal, et qu'il arrache la Pologne à la griffe des copartageants. Il la sert encore, malgré lui et contre lui, quand, opprimant l'Europe pour satisfaire sa fantaisie, il éveille l'âme du peuple espagnol et celle du peuple allemand. Il est si bien la Révolution et le destructeur de l'ancien régime, que sa chute est suivie d'un retour offensif de la vieille Europe, et que le grand despote apparaît aux peuples sur le rocher de SainteHélène comme un libérateur, parce qu'il a fait trembler le pape, l'empereur et le tsar. II. La restauration de l'Europe en 1815. — Les vieilles monarchies, victorieuses de ce parvenu, raccommodèrent aussi bien qu'elles purent l'Europe qu'il avait brisée. L'Orient fut rétabli à peu près en l'état où l'avait laissée le xvni* siècle : le grand-duché de Varsovie, cet essai de reconstitution de la Pologne, disparut; la Russie et l'Autriche demeurèrent les avant-gardes de l'Europe, devant la Turquie reculant toujours. L'Italie redevint une confédération de princes, dominée par l'Autriche, qui sembla reprendre les vieux droits impériaux sur la Péninsule. L'Espagne retrouva sa dynastie caduque. L'Angleterre, qui 'avait dirigé de haut une coalition permanente contre la France, fut plus que jamais la souveraine incontestée des mers. L'œuvre du grand quart de siècle semblait pour toujours anéantie. Mais la restauration n'avait pu être complète. L'Autriche n'avait pas recouvré la Belgique ; ce pays fut rattaché à la Hollande, afin que le royaume des Pays-Bas pesât fortement sur la frontière de France. C'était là une combinaison factice, mais c'était du moins la ruine définitive de l'étrange combinaison qu'avait créée le mariage de Maximilien d'Autriche avec Marguerite de Bourgogne. Enfin l'Allemagne ne put être rendue à ses trois cents princes; le plus grand nombre de ceux que la Révolution et l'Empire avaient balayés demeurèrent sous les ruines. L'Allemagne, qui n'était
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avant la Révolution ni un Etat monarchique, ni un État féodal, ni un État fédératif, devint une confédération de trente-six États. C'était trop encore et cette confédération avait en elle des germes de mort, car les princes seuls y comptaient, et non les peuples ; ils étaient fort inégaux par la puissance, et l'opposition y était marquée, plus que jamais entre la Prusse agrandie, qui était devenue sur le Rhin l'avant-garde contre la France, et l'Autriche, à qui ses vieux titres de gloire et de prééminence avaient fait donner la présidence de la Diète. Mais, si mal constituée qu'elle fût, l'Allemagne était simplifiée. Elle prit conscience d'elle-même, et se rapprocha de cet objet de l'ardente ambition de ses patriotes : devenir une nation. Ainsi l'ancien régime n'avait pu reprendre possession complète de l'Europe et les traités de 1815 avaient accepté des faits accomplis. Quelle que fût leur œuvre, les princes la trouvèrent bonne, viderunt quod esset bonurn, et, comme le Créateur, ils voulurent se reposer, après avoir constitué, comme gardienne de l'Europe reconstituée, la Sainte-Alliance. Mais la Révolution avait répandu dans le monde le sentiment et l'idée de la nationalité, puissances qui allaient engendrer des révolutions nouvelles. III. Le patriotisme révolutionnaire et l'idée des nationalités. — Si l'on excepte l'Angleterre, pays de transformations continues et lentes, où l'on ne trouve pas de frontières visibles entre le présent et le passé, l'Europe avant 1789 n'avait pas de nations. Notre France a eu de grands citoyens qui l'ont aimée, et elle a connu le mot patriote, mais non pas cette sorte de patriotisme que les meilleurs d'entre nous ont dans le cœur, et qui est la source d'émotions si profondes. Le loyalisme de la noblesse, sentiment très noble, l'amour du peuple envers le roi, sentiment très touchant, tenaient lieu de patriotisme. Quand la France se détacha de la royauté par la faute des rois, ce fut pour s'élever tout d'un coup à l'idée de l'humanité ; car nos écrivains du XVIII0 siècle ont retrouvé l'humanité, perdue depuis le temps de Platon, de Sénèque et de Marc-Aurèle, ou, tout au moins, resserrée dans la notion de la chrétienté, qui fut celle du moyen âge, puis dans l'idée politique de l'Europe, qui fut celle des diplomates modernes. Voltaire, Montesquieu et Rousseau n'ont pas connu le patriotisme français, et c'est la Révolution qui a fait éclore ce sentiment. Les Révolutionnaires avaient beau être les disciples de ces philo-
�PRÉFACE. sophes, se guider par des principes généraux et faire des lois de raison pure : ils furent, en même temps que des humanitaires, des patriotes. Au roi et au royaume de France ils substituèrent le peuple français et la nation française, à laquelle, en dépit de leurs propres folies et de leurs crimes, ils donnèrent pour idéal de vivre selon la justice, et de faire régner la justice dans le monde. Ce patriotisme qui proclame l'indivisibilité sacrée d'un territoire, mais qui fait un devoir de s'intéresser à autrui; qui concilie i'égoïsme national avec l'amour des hommes, est un grand1 phénomène nouveau. Depuis la Révolution, la France est le pays où l'on déteste les injustices de la politique, où l'on exprime éloquemmenl les sympathies pour toutes les victimes, où l'on accueille et réconforte les exilés. Elle représente envers et contre tous le principe des nationalités. On nomme ainsi l'idée que les nations, êtres collectifs, composés d'hommes qui veulent vivre sous les mêmes lois, ont le droit absolu d'organiser leur vie comme elles l'entendent. La nation contemporaine s'oppose aux Etats d'autrefois, qui réunissaient des fragments de nations étrangères les unes aux autres. Et la grande originalité de notre siècle, c'est qu'un principe, ■— non plus une convenance princière, un mariage, un testament, l'ambition de vaincre et de conquérir, — a provoqué plusieurs guerres dont la conséquence a été, non pas des acquisitions territoriales ou la destruction d'un peuple, mais la reconstitution de nations anciennes ou la création de nations nouvelles. IV. Les nations nouvelles. — Considérons maintenant combien ce principe avait d'obstacles à vaincre en 1815. Dans l'Europe occidentale, la Belgique avait été réunie contre son gré à la Hollande. Dans l'Europe centrale, l'attribution du Holstein au roi de Danemark mettait des Allemands sous le gouvernement d'un Danois. L'Allemagne et l'Italie étaient partagées eii États souve-: rains, adversaires de toute constitution nationale; de plus, l'Italie avait une des plus belles parties de son territoire sous le jougautrichien. Dans l'Europe orientale, la Pologne était découpée entre trois États ; la Bohême et la Hongrie étaient incorporées à la monarchie autrichienne; sur le Danube et dans la péninsule des Balkans, diverses nationalités étaient gouvernées par le sultan. Contre le principe nouveau étaient donc coalisées les puissances les plus redoutables.
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Cependant le principe a prévalu en beaucoup de points, et l'Europe de 1885 ne ressemble plus guère à celle de 1815. La Grèce, la première, a recouvré une vie nationale, et la Belgique a été détachée de la Hollande. Ce sont de beaux événements que les deux révolutions qui ont affranchi ces pays. A la première a contribué un sentiment poétique, l'admiration pour les héros de l'indépendance hellénique, et la reconnaissance des hommes pour un pays qui a tant honoré l'humanité. La seconde est une double application du principe des nationalités, car elle est l'oeuvre d'un peuple qui, après s'être détaché d'un État sous les lois duquel il ne veut plus vivre, s'organise pour une vie particulière, en dépit des affinités de race et de langage qui l'attiraient vers une grande nation voisine. L'Allemagne et l'Italie, ces victimes du sacerdoce et de l'empire, se sont constituées en nations, et, par un retour fatal des choses d'ici-bas, l'une a enfermé le pape dans le Vatican, l'autre a mis hors de l'Allemagne reconstituée le successeur des empereurs. Les pays allemands ont été repris au roi de Danemark. La Hongrie s'est assuré dans la monarchie autrichienne une constitution particulière. Quelques satisfactions ont été données au sentiment national des pays slaves de domination autrichienne. Enfin, de la Turquie démembrée sont sortis pour vivre à l'état de nation, la Roumanie, la Serbie, le Monténégro. La Bulgarie et la Roumélie ne reconnaissent plus que par un tribut la suzeraineté du sultan, et font aujourd'hui le stage de leur indépendance. Dans cette histoire de l'affranchissement des peuples, les nationalités slaves ont donné un remarquable spectacle. Elles ont, pour ainsi dire, refait leur âme, avant de revendiquer leur droit à l'existence : les chants de leurs vieux poètes, les récits de leurs vieux historiens, les légendes de leur passé lointain les ont révélées à elles-mêmes, si bien que leurs écrivains patriotes, grammairiens ou historiens, peuvent être considérés, chose nouvelle en ce monde, comme des fondateurs d'États. V. La politique de conquêtes. Russie et Autriche. — Ainsi notre siècle a réparé quelques erreurs et quelques injustices du passé ; mais de grandes injustices subsistent, et de nouvelles ont été commises. Les insurrections de la Pologne n'ont pas ressuscité
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ce pays, qui, après avoir eu le tort de ne savoir pas défendre sa vie, a la vertu de ne pas vouloir mourir. Les Slaves et les Roumains d'Autriche et de Hongrie ne sont pas émancipés complètement. Il reste des Italiens hors de |l'Italie et des Allemands hors de l'Allemagne. Enfin l'Allemagne, en constituant son unité, s'est incorporé des Polonais, des Danois et des Français. C'est qu'il n'arrive jamais que le monde soit gouverné par un principe ni qu'une pure idée prévale sur des intérêts et sur la force. Quand la force ne dédaigne pas le principe et l'idée, elle fait pis : elle les exploite. Le principe des nationalités a pu être appliqué par l'affranchissement de la Grèce et de la Belgique, parce que la naissance de ces deux petites nations n'inquiétait personne, et que la Hollande et la Turquie, desquelles elles se sont détachées, étaient des Etats de rang secondaire. Au contraire, l'affranchissement des peuples slaves et la constitution de l'Allemagne et de l'Italie en nations ont mis en mouvement l'ambition des grandes puissances, et donné cours à la vieille politique de conquête et d'agrandissement territorial. La Russie poursuit aujourd'hui le progrès commencé depuis si longtemps, au détriment de l'empire turc; les seules guerres de notre siècle qui ressemblent à celles des siècles précédents, ont été faites par elle à la Turquie. Elle a trouvé devant elle, en 1854, la France et l'Angleterre, coalisées au nom du vieux principe de l'équilibre européen. Mais la Russie sait jouer du principe des nationalités, au nom duquel elle a fait, il y a sept ans, une nouvelle guerre à la Turquie : cette fois, on a pu croire que ses soldats entreraient à Constantinople. Or, la Russie, marchant vers Constantinople, donne le flanc à l'Autriche, qui suit l'impulsion d'une impérieuse destinée en descendant le Danube. Cette destinée avait été marquée au premier jour, — il y a plus de mille ans, — par le fondateur de la marche d'Autriche. La maison des llabsbourgs l'avait oubliée, après que la politique des mariages l'eut égarée dans les affaires de l'Europe : l'Italie et l'Allemagne modernes la lui ont rappelée de nos jours, l'une en la rejetant au delà des Alpes, l'autre en lui retirant la qualité d'État allemand, pour lui imposer celle d'un État danubien. Mais la route qui mène de Vienne à Andrinople et celle qui mène de Pétersbourg à Constantinople se croisent : le point d'intersection verra de belles batailles.
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VI. Unification de l'Italie et de l'Allemagne. — Il y a de notables différences dans les révolutions par lesquelles ont été constituées l'unité de l'Allemagne et celle de l'Italie. L'unité italienne est presque achevée, car le nombre des Italiens demeurés en dehors n'est pas considérable. D'autre part, il n'y a, en Italie, que des Italiens. L'unité a été faite au profit d'un prince italien, le roi de Sardaigne : il avait certainement des titres à cet honneur, mais il n'était pas assez puissant pour que l'unification ressemblât à une conquête de la Sardaigne. Après que les habitants des principautés diverses eurent manifesté leur volonté de s'unir, la Sardaigne disparut comme les autres provinces, dans la commune nation, et Victor-Emmanuel cessa d'être un roi particulier, en devenant un roi national. Enfin la constitution de l'Italie en nation n'a lésé personne hors do la Péninsule. L'annexion de la Savoie à la France, conséquence de l'unification italienne, n'a pas été accomplie par la violence. Le souverain de la Savoie, qui a donné son acquiescement, n'avait pas été vaincu par nous : il avait été vainqueur avec nous et par nous, et les habitants de la Savoie et du comté de Nice ont consenti formellement à devenir des Français. La nationalité italienne a donc pris sa place dans le monde, sans violer le principe des nationalités. A l'unification de l'Italie s'oppose l'unification de l'Allemagne. Celle-ci n'est pas achevée : plusieurs millions d'Allemands ont été exclus de leur patrie par le traité de Prague, qui a mis l'Autriche hors du nouvel Etat. L'Allemagne nouvelle ne comprend point, que des Allemands : la Prusse y a fait entrer sa part de Pologne et de Danemark; l'Allemagne, victorieuse en 1870, s'est annexé des provinces françaises. L'unification n'a pas été aussi complète qu'en Italie : elle a laissé subsister une l'orme fédérative, une parodie de confédération. Elle a été faite au profit de celui des princes allemands qui avait le plus de titres à cet honneur; mais le roi de Prusse avait conquis depuis un siècle et demi le rang et la puissance d'un souverain européen. Il était le successeur d'une suite de politiques et de conquérants qui, tous, avaient ajouté au domaine de la maison, un certain nombre de milles carrés. II était trop puissant pour que l'unification de l'Allemagne ne fût point une conquête de l'Allemagne par la Prusse. De fait, c'est en vertu du droit de conquête, officiellement invoqué, que le Sleswig-IIolstein, le Hanovre, Francfort et la Hesse
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I.XIII
Cassel ont été réunis à la Prusse. La constitution de 1866 a été rédigée par un vainqueur pour des vaincus, et elle a été complétée au cours de la guerre de 1870. Mais le roi de Prusse proclamé empereur à Versailles est demeuré roi de Prusse, et cette Prusse agrandie pèse de tout son poids sur l'Allemagne, imposant au Reich entier son caractère particulier d'État militaire. Enfin, l'unification de l'Allemagne a lésé la France mortellement. VII. L'annexion de l'Alsace et de la Lorraine. — Ce n'est pas au terme d'une histoire de trente siècles, après s'être efforcé de discerner seulement les plus grands faits dans le courant de l'histoire, qu'on peut être tenté de grossir un événement ou de le mal interpréter, parce qu'il vous a touché au cœur. Certes nous savons tous les griefs que la politique française a donnés depuis si longtemps à l'Allemagne, et rien n'était plus légitime que le désir passionné de ces Allemands, qui voulaient arracher leur grande patrie à ce système de la division organisée où se perdaient ses forces et ses vertus. Un historien français doit reconnaître et proclamer que l'Allemagne avait absolument le droit de s'unifier et de trouver les institutions les plus propres à la protéger contre nous. Mais personne, en revanche, ne peut nier que le mode de l'unification et le mode de la vengeance n'aient été tels que la paix générale du monde n'en soit menacée pour longtemps. Il paraît qu'il est difficile de faire comprendre à des étrangers pourquoi nous ne pouvons nous résigner à la perte de nos provinces : « C'est la loi de la guerre », disent les Allemands, de la meilleure foi du monde, et le commentaire de ces paroles se devine : « Vous nous avez pris l'Alsace, au temps ou vous étiez les plus forts; nous sommes les plus forts aujourd'hui, nous la reprenons ! » C'est en effet le langage de la vieille politique ; il n'aurait surpris personne au siècle dernier; en ce siècle-ci, il ne surprend point les politiciens de l'ancien régime. Soit! mais toute la raison d'être de la France aujourd'hui est justement de représenter dans le monde une autre politique. Depuis que son unité est faite, qu'elle n'a plus, en Europe, d'objet d'ambition déterminé, qu'elle n'est plus occupée qu'à discuter des principes et des théories, elle est, par excellence, la nation rationaliste et sensible, conduite par des idées et par des sentiments. L'idée que les nations ont le droit de disposer d'elles-mêmes, qu'un peuple doit
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PRÉFACE.
être libre comme un individu, et qu'on ne peut disposer d'hommes comme de troupeaux, a pénétré nos esprits. Elle a éveillé dans nos cœurs la sympathie envers tous ceux que la force opprime. Si nous avons, au xvu° siècle, aidé les Provinces-Unies et la Suisse à s'affranchir, ce n'a été que par un heureux effet de la politique monarchique; mais c'est par un heureux effet de nos sentiments nouveaux, que nous avons affranchi, en donnant notre sang, la Grèce, la Belgique et l'Italie. C'est pourquoi la perle de nos provinces est chez nous si profondément ressentie. La- guerre ne nous a pas laissé seulement cette humiliation de la défaite, qui est intolérable pour un grand peuple : en nous prenant des âmes qui étaient nôtres, et qui voulaient rester des âmes françaises, le vainqueur a blessé toutes nos idées et toutes nos convictions. Il nous a atteints dans notre raison d'être. Oui, notre défaite a été complète, et nous devons parler et penser modestement de nous-mêmes ; mais nous avons, dans notre misère, cet Honneur singulier d'être obligés de poursuivre, au nom de l'universelle justice, la réparation des torts qui nous ont été faits. Notre patriotisme se confond avec la raison des temps modernes, et, en combattant pour nous-mêmes, nous combattrons pour l'humanité. VIII. La paix armée. —■ Comme toutes les périodes de l'histoire, celle où nous vivons est donc témoin d'une survivance du passé qui remplit le présent de contrastes et de luttes. De même que l'idée impériale a survécu à l'empire romain et l'idée ecclésiastique au moyen âge, de même la politique de conquête et d'agrandissement territorial a survécu a la Révolution. La Révolution elle-même, et surtout l'Empire, l'ont pratiquée; la Prusse et la Russie la représentent aujourd'hui, et l'Autriche y est compromise : la France en est la victime. C'est pourquoi il faut écarter de nos esprits la chimère de la paix universelle. Il est vrai que les trois empereurs prétendent, à l'heure présente, commander la paix, mais cela signifie qu'ils réservent à eux seuls le droit de la troubler : les coalisés, assurés envers et contre tous, empêcheront tout mouvement autour d'eux, jusqu'au jour où l'alliance étant rompue — car ils ne sont point assurés contre eux-mêmes, — la guerre qu'ils se feront rendra au continent européen la liberté de mouvement qu'il a perdue. Yerrons^nous alors se former un système européen, composé
�PRÉFACE. de nations dont chacune aurait son existence reconnue, par cela même qu'elle aurait conscience de cette existence? Il n'est pas permis de l'espérer, et, alors même que cette espérance serait permise, il ne faudrait pas encore croire à la paix. N'y aura-t-il pas toujours des conflits d'intérêts et de passions? La nation d'aujourd'hui est un être passionné, au cerveau duquel le moindre accident fait affluer le sang avec violence. Et les guerres de notre temps sont terribles en comparaison de celles du passé! Lés armées de Turenne et de Frédéric étaient des joujoux, auprès de ces armées nationales où les soldats se comptent par millions. La politique des diplomates d'autrefois, avec ses coquetteries et ses malices, est puérile auprès de la politique « de fer et de sang » qui travaille l'Europe. Jadis on se battait pendant des années pour se prendre quelques villes. Il nous a fallu six semaines, en 1859, pour précipiter la Révolution italienne. Quinze jours ont suffi à la Prusse, en 1866, pour faire la Révolution allemande, et nous, la France, nous nous faisons gloire d'avoir pu combattre six mois, pour sauver au moins notre honneur. On se contentait jadis de s'égratigner : aujourd'hui on se dévore le cœur. Chaque nation ayant conscience du péril qu'elle court, se tient perpétuellement sur la défensive et notre siècle a inventé la paix armée, deux mots qui contiennent la plus étrange des contradictions, car ceux qui portent les armes veulent s'en servir, et les peuples emploieront leurs armées comme les rois employaient les leurs. IX, La politique commerciale. — C'est donc par de tristes paroles que se clôt cette dissertation. Après avoir parlé d'une si longue suite de guerres, il faut prévoir encore des guerres. Il est Yrai que notre siècle n'appartient point qu'aux politiques et aux soldats ; à côté d'eux comptent les marchands et les ouvriers. Mais c'est une vaine espérance que d'attendre la paix perpétuelle des exigences toujours croissantes de l'intérêt matériel. -Le commerce n'est point un messager de paix. Il a été, à l'origine, un brigandage; au temps des Grecs, il a été cause de guerres entre les cités grecques; plus tard il a transformé Cartilage en une puissance militaire. Au moyen âge, les marchands du Nord et du Midi, les Hanséatiques et les Italiens, ont été des combattants et des conquérants. Dans les temps modernes, quand le commerce, par un effet de la formation des monarchies, est devenu chose d'Etat et que la découverte du Nouveau Monde a donné un vaste champ
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aux entreprises européennes, les États ont trouvé de nouvelles raisons et de nouveaux moyens de se combattre. Les rivalités des grandes compagnies hollandaises, françaises, anglaises, ont mis aux prises la France et l'Angleterre avec la Hollande, l'Angleterre avec la France. On s'est alors battu pour des épices, comme on s'était battu au moyen âge dans la Baltique pour des harengs. Aujourd'hui, le commerce du vaincu paye les frais de la guerre; les stipulations commerciales encombrent les traités; les rancunes commerciales s'ajoutent aux haines nationales. Les peuples, dit-on, se rapprochent les uns des autres, et les humanitaires se réjouissent du progrès des voies et moyens de communication ; mais les voies anciennes et les voies nouvelles sont des routes de guerre. Le commandeur des croyants aurait été chassé, depuis longtemps, de cette Europe où il est un étranger, si de puissants amis n'étaient intéressés à le maintenir en sa fonction de portier des Dardanelles. L'Égypte sait ce que lui coûte le canal de Suez; il n'y a point ici de portier officiel, et l'on verra un jour s'il est possible que des délégués de l'Europe fassent respecter la paix de cette voie nouvelle. Elle sera neutre, en temps de paix, c'est-à-dire qu'on ne s'y battra point quand on ne se battra nulle part; mais vienne la guerre : le passage appartiendra au premier occupant; il lui sera disputé. Dieu veuille alors que cette neutralité, chose pacifique, n'ait pas pour conséquence de rendre européenne toute guerre qui fût demeurée locale ! Vaine espérance, encore une fois, celle des philosophes qui veulent passer à Mercure l'antique office de Minerve la pacificatrice. Ce que n'a pu faire, au moyen âge, l'esprit chrétien, ni, au siècle dernier, l'esprit philosophique, les intérêts commerciaux ne le feront point de nos jours. Les hommes n'ont pu être disciplinés par le sentiment de leurs devoirs communs de fils de Dieu, que leur prêchait l'Église, ni par celui de leurs devoirs d'hommes, que leur enseignaient les philosophes; ils ne le seront point par la considération de leurs intérêts. X. L'Europe et le monde. — Que l'Europe se répande donc sur le monde ! qu'elle en achève la conquête, et qu'elle porte partout sa civilisation ! Sans doute, et c'est précisément ce que fait l'Europe; mais elle a déjà trouvé dans le monde, et elle y trouvera de nouveaux champs de bataille. Le temps est passé où l'hégémonie incontestée de l'Angleterre faisait régner la paix sur les
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continents et les mers. La France y veut aujourd'hui accroître sa place, et c'est une consolation de nos défaites qu'elle y ait •réussi. L'Allemagne et l'Italie réclament la leur! Une prise de possession nouvelle, chose aisée jadis, provoque aujourd'hui des récriminations. On était à l'aise autrefois : aujourd'hui on est rapproché les uns des autres; on se sent les coudes, mais point pour se soutenir. Nous écrivons ces lignes au moment où la menace d'une guerre entre l'Angleterre et la Russie plane sur le monde civilisé, parce que ces deux puissances ne sont plus séparées dans le continent asiatique que par la largeur de l'Afghanistan. Ainsi point de dérivatifs à chercher au dehors : le dehors aussi est un champ de bataille. Or, s'il existait un patriotisme • européen, il faudrait souhaiter que l'ère des grandes mêlées fût 'retardée le plus longtemps possible, car voici une considération qui se présente naturellement pour clore cette longue série de • considérations sur l'histoire de notre continent. Depuis des siècles, l'Europe, qui a succédé à l'Asie, fait l'histoire du monde, qui semble n'être plus que le prolongement de notre ■ continent; mais ce sont deux très graves phénomènes, à l'heure qu'il est, que l'énorme puissance du peuple américain du Nord, et le progrès qu'a fait en Asie l'Empire du Milieu dans l'aptitude à la défensive. Le premier, d'origine européenne, réclame l'Amérique pour les Américains, et il montrera quelque jour qu'il ■comprend dans l'Amérique les îles qui lui appartiennent. L'Empire du Milieu est un représentant, qu'il ne faut plus négliger, de l'Asie contre l'Europe. Nous ne cherchons point, en terminant, la facile originalité dé paradoxe. Après avoir descendu le cours des siècles, il est naturel que l'on veuille sonder du regard l'obscur avenir. Après avoir pris son élan si loin dans le passé, on ne peut s'arrêter net au seuil des temps futurs. Après qu'on a vu tant de changements et de révolutions, des Etats naître et mourir, et des empires s'écrouler, qui s'étaient promis l'éternité, et le nouveau se produire au moment où l'on croyait qu'il ne restait plus rien à essayer, on prévoit comme choses certaines de nouveaux changements, de nouvelles révolutions, des morts et des naissances qui transformeront le •monde. Il est certain que toute force s'épuise, que la faculté de faire ïl'histoire n'est point une propriété perpétuelle, et il n'est pas
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PRÉFACE.
impossible que l'Europe enfermée chez elle passe quelque jour de l'offensive à la défensive. Espérons que, ce jour-là, elle aura trouvé autre chose que ces empires ou ces démocraties centralisés, ennemis les uns des autres et qui dépensent leurs forces jusqu'à la ruine dans un perpétuel conflit d'intérêts, de violences et de haines.
ERNEST LAVISSE.
�PRÉFACE DE L'AUTEUR
Il y a maintenant plusieurs années que ce livre a été commencé. Un affaiblissement momentané, un séjour forcé hors de l'Angleterre, d'autres occupations et interruptions de toutes sortes, ont été cause de ce retard, et si j'en fais mention, c'est que l'ouvrage, je le crains, a dû s'en ressentir. Il a été impossible d'en faire ce qu'un livre devrait être, le résultat d'un effort continu. Par suite de l'obligeance des éditeurs, la première partie put être imprimée il y a quelques années, et je crains qu'il ne résulte de ce fait quelques répétitions et même certaines contradictions. En effet, il m'a fallu modifier le plan primitif de l'ouvrage et renoncer à la méthode adoptée pour les premiers chapitres. Au lieu de continuer à prendre l'Europe dans son ensemble, j'ai jugé nécessaire de la partager en plusieurs groupes géographiques princi-
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PRÉFACE.
paux. Il en est résulté que, dans chacun des derniers chapitres, j'ai eu à revenir, si peu que ce soit, sur des choses qui avaient déjà été dites dans les premiers. De nouveaux éclaircissements ont parfois amené quelques changements de vue ou d'expressions. Tout cela a été relaté autant que possible dans les additions et corrections, et si, dans quelques cas, il n'a été rien fait, le dernier exposé est le seul auquel il faille s'en tenir. J'espère avoir, dans le chapitre d'introduction, rendu le but de l'ouvrage parfaitement clair. Ce but est en réalité bien modeste. II ne vise guère plus qu'à tracer l'étendue des différents États aux différentes époques, à bien spécifier tous ces changements quant à leurs rapports les uns avec les autres, et à indiquer leurs motifs. Pour parler strictement, ce n'est pas l'histoire que j'écris. Je n'ai guère à m'occuper des affaires intérieures de chaque pays. Je n'ai envisagé les événements que pour les conséquences qu'ils ont eues sur la carte de l'Europe, et cela m'a conduit à renverser ce qui semblera pour beaucoup l'ordre naturel des choses. Dans une histoire constitutionnelle de l'Europe, la GrandeBretagne aurait droit à la première place. Au point de vue strictement géographique où je me suis placé, je pense avoir eu .raison de lui donner la dernière. Il va de soi que je suppose chez le lecteur une certaine connaissance élémentaire de l'histoire européenne, pour le moins celle que l'on peut retirer de mon aperçu général (General sketch of european history). Pour les
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noms et les choses que j'y ai expliquées, je n'ai pas jugé nécessaire de répéter mes explications. J'ai à peine besoin de dire que pour certaines parties de cet ouvrage, je me suis trouvé bien plus compétent que pour d'autres. On ne peut prendre le même intérêt ou avoir une égale connaissance de toutes les branches d'un sujet aussi étendu. Quelques parties de ce livre représentent de ma part des recherches vraiment originales; d'autres au contraire, traitées avec plus ou moins de détails, représentent uniquement des connaissances acquises pour le sujet présent. En pareils cas, le lecteur trouvera facilement par lui-même la différence. Mais là où j'ai moi-même senti le plus vivement mes propres imperfections, c'est pour ce qui regarde l'Allemagne. Aucune partie de l'histoire euro péenne n'a pour moi plus d'attraits que l'histoire primitive du royaume germanique en tant que royaume; je dirai tout le contraire de la série interminable de partages patrimoniaux et de réunions entre les petits états germaniques. Pour ce qui touche aux Slaves j'ai rencontré de grandes difficultés pour suivre dans mes études un plan uniforme. J'ai consulté plusieurs savants slaves. Chacun me donna un avis, à l'appui duquel il apportait des arguments que j'aurais jugés sans réplique, si je n'avais pas entendu les arguments de ceux d'un avis absolument opposé. Lorsque les professeurs sont divisés à ce point, il sera, je l'espère, pardonnné à l'élève si son travail présente quelquefois un peu de confusion. J'ai essayé d'écrire les noms slaves de manière à me
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PRÉFACE
rapprocher le plus possible de leur prononciation, toutes les fois que j'ai pu la connaître. Mais je crains de n'avoir réussi que bien imparfaitement. Dans une telle masse de noms, de dates, et autres choses semblables, il doit s'être glissé quelques légères inexactitudes. Pour les dates moins importantes, celles qui ne se rapportent pas aux grandes époques de l'histoire, rien n'est plus facile que de se tromper d'année. Quelquefois en effet une véritable différence existe entre les diverses autorités. Quelquefois elle provient de la manière dont on précise l'année. Par exemple, en quelle année Calais fut-elle perdue pour l'Angleterre? Pour nous c'est l'année 1558, mais un écrivain de l'époque dirait 1557. En outre, rien n'est plus facile qu'une erreur de plume ou une faute d'impression pour avoir un chiffre défectueux; et si ce n'est dans le cas de dates importantes, et qui sautent aux yeux, ou lorsque l'erreur est tout à fait considérable, il n'y a pas grand dommage à laisser passer une erreur de plume ou une faute d'impression. Et d'ailleurs, il y a souvent à se demander quelle est la date qui doit être mise. Lorsque celle-ci se rapporte au transfert de territoire d'un état à un autre, l'occupation militaire effective et la cession diplomatique qui la consacre sont souvent à quelques années de distance. Laquelle de ces deux dates faut-il choisir? J'ai vu qu'il était difficile d'avoir quelque règle fixe en de telles matières. Tantôt l'occupation militaire semble le point le plus important, tantôt au contraire c'est la cession diplomatique. Je pense en tout cas que chaque
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fois que la question pourrait s'élever il me serait facile de donner une raison pour la date que j'ai choisie. Mais il n'y a pas à entrer ici dans des discussions. Tout ce que je puis dire, c'est que je serai profondément reconnaissant à quiconque me signalera des erreurs ou ce qui lui paraîtra défectueux sur ce sujet ou surtout autre. Les cartes ont été une grande difficulté. J'ai assez regretté d'avoir été obligé de les séparer du texte, parce qu'elles semblent ainsi avoir la prétention de former un atlas historique. Il n'en est rien cependant. Elles sont uniquement destinées à éclairer le texte, et nullement à entrer en compétition avec une collection aussi savante que celle de Spruner-Menke ou même avec d'autres beaucoup moins étudiées. Celles-ci doivent être sous les yeux de ceux qui étudient l'histoire dans ses différentes périodes; les miennes au contraire n'ont d'autre prétention que de figurer d'une façon générale les changements de frontières. En avançant dans notre travail nous avons trouvé qu'il était préférable d'augmenter le nombre des cartes, même au détriment de leurs dimensions. Il en est résulté un autre désavantage, car dans les cartes qui se rapportent à l'Europe du sud-est par exemple, il a été impossible de faire figurer quelque peu clairement les petits États qui s'érigèrent en Grèce après la conquête latine. Mais il y avait une compensation à ce mal, à ce qu'il nous a semblé, dans la possibilité de donner un assez grand nombre de tableaux des changements de frontière de l'empire d'Orient vis-à-vis des Bulgares, des Francs, et des Ottomans.
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PREFACE.
Dans un ou deux cas j'ai usé de quelque liberté eu égard aux dates. Ainsi par exemple, la carte représentant la plus grande étendue de la domination des Sarrasins, nous montre tous les pays qui, à un moment ou à un autre, passèrent en leur pouvoir. Jamais cependant leur puissance n'eut une étendue pareille à celle que l'on voit sur la carte, et elle ne comprenait plus les provinces de Sind et de Septimanie alors que la Crète et Chypre furent conquises. Néanmoins, cette vue d'ensemble telle que je l'ai donnée, est plus instructive que si je lui avais substitué deux ou trois cartes montrant les différentes pertes et acquisitions qui eurent lieu à quelques années de distance les unes des autres. Il me reste à remercier une foule d'amis, parmi lesquels quelques-uns que je n'ai jamais vus, pour les idées et l'aide que j'en ai reçues dans nombre de circonstances. De ce nombre sont le professeur Pauli de Gœttingen, professeur Steenstrup de Copenhague, professeur Romanos de Corfou, M. J. B. Galiffe de Genève, docteur Paul Turner de Budapest, professeur A. W. Ward de Manchester, le Bévérend II. F. Tozer, M. Ralston, M. Morfill, Mme Humphry Ward, et mon gendre Arthur John Evans, dont on entend l'éloge dans tous les pays slaves du sud.
Somerleazc, Wells. 1G décembre 1880.
�HISTOIRE GÉNÉRALE
DE
L'EUROPE
PAR LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE
INTRODUCTION
Définition de la géographie historique. — Ses rapports avec d'autres sciences. Nous nous proposons, dans le présent ouvrage, de déterminer quelle a été, à diverses époques, l'étendue de territoire occupée par les différents États et nations de l'Europe, et les régions voisines; de tracer les diverses limites que chacun de ces pays a reçues et les différentes significations qu'ont prises les noms servant à les désigner. Il est de la plus grande importance d'établir avec soin toutes ces distinctions : en effet, les faits historiques ont été souvent l'objet de grosses erreurs, parce que, pour certains auteurs, des noms géographiques tels que France, Angleterre, Bourgogne, Autriche, en sont venus à signifier une étendue de territoire qui n'aurait jamais varié. À ce point de vue, la géographie historique diffère de la géographie physique, qui ne s'occupe que de la configuration naturelle de la surface du globe; elle diffère également d'autres sciences telles que l'ethnologie et la philologie comparée, qui visent spécialement
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INTRODUCTION.
les différences existant de nation à nation, les migrations que chacune d'elles a pu accomplir, et les rapports qui existent entre leurs langues. Mais, bien qu'elle soit distincte de ces sciences, la géographie historique a souvent recours à elles. En effet, la géographie physique d'un pays a toujours une grande influence sur son histoire politique ; et les migrations, les dispersions de telle ou telle nation sont précisément, parmi les faits historiques, ceux qui contribuent le plus à fixer les noms et les limites de chaque pays aux différentes époques. Ainsi, Angleterre signifie littéralement le pays des Anglais partout où ils ont pu se fixer, que ce soit celui occupé par leurs ancêtres sur le continent, ou bien l'île de Bretagne, ou la Nouvelle-Angleterre au delà de l'Océan. Les conditions physiques des pays où s'établirent les Anglais eurent une influence capitale sur l'étendue de territoire qui devait de la sorte faire partie de l'Angleterre. C'est ainsi que l'histoire de la nation anglaise tient par-dessus tout à ce fait que, la grande invasion des Angles, celle qui a rendu le nom anglais fameux, eut lieu dans une île. Mais, lorsque le mot Angleterre fut devenu le nom d'un État distinct, sa signification devint sujette à changer, à mesure que les limites de cet État avançaient ou reculaient. Pour prendre un exemple, les frontières de l'Angleterre et de l'Ecosse ont considérablement changé selon les époques, et l'oubli de ce fait a jeté dans de nombreuses erreurs ceux qui se sont occupés de l'histoire de ces deux pays. Aussi dirons-nous que la nature physique d'un pays, et son occupation par les différentes nations qui s'y sont successivement fixées, ont toujours été les causes déterminantes de ses différentes divisions politiques. Or ce sont ces divisions politiques qui sont le principal objet de la géographie historique; et, si celle-ci s'occupe de la nature du sol et de ses habitants, ce doit être seulement dans la mesure où les divisions politiques ont pu être influencées de ce chef. Actuellement, notre tâche consiste à faire ressortir, sur la carte des pays qui rentrent dans le
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cadre de notre travail, les différents changements auxquels chacun d'eux a été soumis, et à indiquer les causes historiques de ces changements. De la sorte, nous verrons quelle était, à une époque déterminée, la signification des différents noms géographiques, et nous arriverons ainsi à redresser nombre d'erreurs, dont quelques-unes ont eu des conséquences d'une réelle importance. Distinction entre les noms géographiques et politiques. — Il suit de là que, pour examiner la géographie de l'Europe à ce point de vue, nous devons d'abord déterminer quelle est l'étendue de son territoire, et savoir quelles sont les nations qui l'habitent. Mais, avant d'aller plus loin, il convient d'établir une distinction entre deux sortes de noms dont nous aurons à faire usage. Quelques noms de pays sont strictement géographiques; ils signifient une partie de la surface du globe dont les limites sont invariables. D'autres signifient simplement l'étendue du territoire occupé à un moment donné par une nation quelconque, et dont les limites, par conséquent, sont soumises à d'innombrables variations. Ainsi, le mot de Grande-Bretagne est un nom strictement géographique, représentant une île dont la forme et les contours doivent avoir été presque toujours les mêmes. Angleterre, Écosse, Pays de Galles, sont les noms provenant des différentes nations qui sont venues s'établir dans cette île ; ils s'appliquent à quelques-unes de ses parties, et ils ont considérablement changé d'étendue suivant les époques. De même, Espagne est le nom géographique d'une péninsule qui est presque aussi bien déterminée par la nature que l'île de Bretagne. Castille, Aragon, Portugal, sont les noms politiques de certaines parties de cette péninsule. Ce sont les noms d'Etats qui ont grandement varié comme importance territoriale, qui ont formé, tantôt des gouvernements sé1 parés, et tantôt aussi se sont trouvés réunis en un seul . La
1. Au sens qu'on lui donne actuellement, le mot Espagne ne s'applique qu'à une partie de la péninsule, l'autre partie, qui est le Portugal, étant d'ailleurs beaucoup plus petite. La raison en est que, depuis plusieurs siècles, tous les
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INTRODUCTION.
Gaule, elle aussi, est le nom géographique d'un pays dont les contours ne sont pas aussi clairement tracés par la nature que ceux de la Grande-Bretagne ou de l'Espagne, mais qui, sur trois côtés au moins, au nord, au sud et à l'ouest, possède des limites naturelles. Nous trouvons en Gaule des noms tels que France, Flandre, Bretagne, Bourgogne, et Aquitaine, qui servent à désigner des divisions politiques dont les frontières ont varié, suivant les époques, autant que celles des parties analogues de la Grande-Bretagne et de l'Espagne. Telle est la différence entre les noms strictement géographiques qui sont invariables, et les noms politiques soumis au contraire à tous les changements. Sans aucun doute, les mots de Gaule et de Bretagne étaient dans le principe des noms politiques, des noms donnés à ces pays d'après les peuples qui les occupaient, comme plus tard les noms de France et d'Angleterre. Mais on peut dire que dans le premier cas, la prise de possession remonte à une époque bien antérieure à toute histoire digne de foi, tandis que, dans le second, nous avons les dates et les noms. Ainsi, les noms de Gaule et de Bretagne, étant les plus anciens de tous les noms qui se soient appliqués aux deux pays, ceux qu'ils avaient lorsque nous voyons pour la première fois l'histoire parler d'eux, il est fort utile de les réserver comme des noms purement géographiques, servant toujours à désigner cette partie de la surface du globe à laquelle ils s'appliquaient alors. Les mots de Gaule, Grande-Bretagne, Espagne, et autres de la même espèce, seront donc toujours employés pour désigner une certaine étendue de la carte, quels que soient à un moment donné ses habitants et le pouvoir politique auquel elle appartient. Au contraire, ceux de France, Angleterre, Castille, s'appliqueronttoujours aux divisions politiques correspondant à ces noms aux diverses époques dont nous
royaumes de la Péninsule, sauf celui de Portugal, ont été fondus en un seul. Aussi, tant que nous ne dépasserons pas la fin du quinzième siècle, nous nous servirons toujours du mot Espagne dans son sens géographique, pour désigner par conséquent toute la Péninsule. (Note^de l'auteur.)
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aurons à parler, quelles qu'aient été les variations de leur territoire. Ainsi, les villes de Carlisle et Edimbourg ont toujours fait partie de la Grande-Bretagne depuis leur fondation ; elles ont été, tantôt unies à l'Angleterre, et tantôt séparées d'elle. Les villes de Marseille, Genève, Strasbourg et Arras ont toujours été en Gaule depuis leur origine; elles ont été tantôt en France, tantôt en dehors, selon les changements politiques.
ASPECT GÉOGRAPHIQUE DE
L'EUROPE
Limites de l'Europe et de l'Asie. — Rapports entre les deux continents. En étudiant la géographie historique de l'Europe nous aurons aussi à parler de celle d'autres parties du monde, mais seulement dans la mesure où elles se rapportent à la géographie européenne. Nous entendons par là ces parties de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique, par où ces trois divisions de l'ancien monde se touchent de plus près, et dans lesquelles on peut dire que commence la véritable histoire du monde. Situées toutes les trois autour de la Méditerranée, elles devaient peu à peu former l'empire de Rome, et, en réduisant les trois grandes divisions dont nous avons parlé à chacune de ces parties, il est facile de tracer la limite qui les sépare. Nous voyons que, sur les cartes modernes, cette limite, en ce qui concerne l'Europe et l'Asie, varie sensiblement, les unes indiquant le Don et d'autres le Volga. La question cependant n'a que très peu d'importance au point de vue historique ; en effet, dans le principe, alors que les pays méditerranéens sont les seuls dont l'histoire fasse mention, il est facile de voir ceux qui appartiennent à l'Europe et ceux qui appartiennent au con-
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INTRODUCTION.
traire à l'Asie et à l'Afrique. L'Europe comprend tout ce qui est situé au nord de la Méditerranée et des grands golfes qu'elle forme, et, si nous voulons tracer sa limite exacte dans les pays barbares qui sont au nord du Pont-Euxin, le Tanaïs ou Don est manifestement la limite qui doit être prise. Dans toutes ces régions, la Méditerranée et ses golfes séparent l'Europe de l'Asie. Mais, les parties septentrionales des deux continents ne forment plus en réalité qu'un seul tout géographique, et la limite qu'on pourrait tracer serait purement une limite de convenance. Nous nous trouvons en face d'une immense étendue de terre formant une masse centrale qui occupe la partie intérieure des deux continents, et qui projette, au nord et au sud, tout un système de presqu'îles et d'îles. Or, pour l'Europe, c'est précisément dans ses presqu'îles que commence son histoire. En Europe comme en Asie, nous voyons que la partie péninsulaire, située au sud, se trouve séparée, de la masse centrale par une chaîne de montagnes, qui se continue en Europe presque sans interruption. Ainsi, la partie méridionale de l'Europe se compose de trois grandes péninsules, l'Espagne, l'Italie, et une troisième que nous pouvons par extension appeler Grèce. Elles répondent en quelque sorte aux trois grandes péninsules océaniques de l'Asie, l'Arabie, l'Inde, et l'Inde au delà du Gange ; mais la partie de l'Asie qui a le plus de rapports historiques avec l'Europe est sa grande péninsule méditerranéenne, celle qui a reçu le nom d'Asie Mineure. Au nord de chaque continent nous trouvons un autre système de grands golfes ou mers intérieures ; mais, tandis qu'en Europe la mer Baltique, avec les golfes qui en dépendent, peut être assimilée à une seconde Méditerranée, la partie correspondante de l'Asie est toujours restée, par suite de la rigueur du climat, privée de toute importance. Lie Nord et le Sud de l'Europe. — Parties intermédiaires. — L'Europe comprend donc deux régions ayant un caractère insulaire et péninsulaire bien marqué ;
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l'une est située au nord, l'autre au sud, et elles sont reliées par une grande masse de terre qui s'étend de l'une à l'autre sans interruption. Mais certaines parties de l'Europe semblent relier entre elles les trois principales divisions du continent. Ainsi, nous avons dit que les trois grandes péninsules du sud sont séparées de la masse centrale par une chaîne de montagnes presque ininterrompue. Mais, entre l'Italie et la Grèce, il y a bien plus de connexion qu'entre l'Italie et l'Espagne. En outre, entre les Alpes et les Pyrénées, la chaîne de montagnes devient presque nulle. Nous pourrions donc dire que l'Europe centrale semble s'être fait jour à ce point pour venir projeter une de ses parties jusqu'à la Méditerranée. Or cette partie forme le sud de la Gaule ; on peut donc considérer la Gaule comme un pays réunissant l'un à l'autre le centre et le sud de l'Europe. Mais ce n'est pas tout : à l'extrémité nord-ouest de l'Europe, nous trouvons un groupe d'îles, dont deux importantes et nombre d'autres plus petites. Or nous voyons que les Iles Britanniques sont étroitement liées, au#i bjgn pour la géographie que pour l'histoire, à la Gaule d'un^eweé, et de l'autre aux îles et aux presqu'îles du Nord. Nous pouvons donc dire qu'à l'ouest du continent, les trois grandes régions de l'Europe se trouvent reliées par une sorte de chaîne, et que la Gaule et la Grande-Bretagne constituent les anneaux de cette chaîne, s
II
INFLUENCE DE LA GÉOGRAPHIE SUR L'HISTOIRE
1° Dans les temps anciens. — Nous allons voir maintenant quelle influence m gjpgraphie de l'Europe, prise ainsi dans son ensembte, a exercée sur son histoire.
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Avant tout, nous pourrions presque affirmer que les péninsules méridionales d'abord, et parmi elles les deux qui sont le plus à l'est, devaient être les premières à fournir des matériaux à l'histoire. Chacune de ces péninsules a d'ailleurs son caractère propre. En effet, bien que la Grèce soit la partie de l'Europe la plus rapprochée de l'Asie, elle est dans un certain sens la plus européenne de toutes; et cela, parce qu'elle possède plus que toute autre ce trait caractéristique de toute l'Europe, d'avoir son territoire composé d'une multitude d'îles et de presqu'îles, et pour rivage une suite continue de bras de mer et de promontoires. D'un autre côté, l'Italie occupe le centre de l'Europe méridionale, comme elle est également le centre de toutes les terres situées autour de la Méditerranée. 11 était par conséquent tout naturel que la Grèce vît grandir avant les autres pays tout ce qui avait le caractère distinctif de l'Europe ; et de même, si tout le bassin de la Méditerranée devait se trouver un jour soumis à l'un des pays ou à l'une des cités qui en faisaient partie, ce pays devait être l'Italie, car c'est elle qui en occupe le centre. Il s'ensuit que les destinées des deux presqu'îles, et les rapports qu'elles devaient avoir avec le reste du monde, se trouvaient grandement influencés, dès l'origine, par leur position géographique. Si maintenant nous consultons l'histoire, nous voyons qu'elle n'est que la mise en œuvre des conséquences que nous avons tirées de la géographie physique. La Grèce fut en Europe la nation qui devint la première civilisée, et celle qui joua la première un rôle dans l'histoire; mais ce fut l'Italie, et en Italie la ville la plus centrale, Rome, qui devint maîtresse de l'ancien monde civilisé, c'est-à-dire de tous les pays situés autour de la Méditerranée. Ces deux péninsules exercèrent donc chacune une action spéciale sur les autres parties de l'Europe, qui ont été vis-à-vis d'elles ou sujettes ou disciples. L'influence de la position géographique se montre aussi manifestem£in^|Utns l'extension progressive de la domination romaine sur les pays méditerranéens. L'Italie
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soumise, Rome trouva sur la côte sud de la Méditerranée une puissante rivale dans la ville de Carthage qui y occupait à peu près la même position centrale qu'elle-même sur la côte nord. Sa rivale vaincue, elle put alors soumettre les deux autres péninsules, et successivement les autres pays méditerranéens, en Europe, en Asie, et en Afrique. Elle ne s'avança que très peu dans la partie centrale de l'Europe, car elle n'exerça jamais aucun pouvoir durable au delà du Rhin et du Danube, et l'Europe septentrionale proprement dite lui resta toujours complètement étrangère. Cependant la possession de la Méditerranée n'aurait pas été complète si elle n'avait été accompagnée de la soumission de tous ces pays qui, comme nous l'avons vu, réunissent entre elles les différentes parties de l'Europe. La domination romaine devait donc s'étendre sur toute la Gaule, et de là tout naturellement sur la Grande-Bretagne. 2° Preuves de cette influence dans les temps modernes. — Ainsi l'histoire ancienne de la Grèce et de l'Italie, et la formation de l'Empire Bomain, furent considérablementinfluencéespar le caractère géographique detoutes ces régions. Il en fut de même pour les autres pays européens, lorsqu'ils arrivèrent à avoir une part de l'importance qui n'appartenait jadis qu'à la Grèce et à l'Italie. Parmi eux, l'Allemagne, occupant la portion la plus centrale de l'Europe, est arrivée à se trouver dans le cas de l'Italie vis-à-vis de l'ancien monde civilisé, c'est-à-dire à avoir des rapports avec toutes les parties de l'Europe, au nord, au sud, à l'est et à l'ouest, et même à en dominer quelques-unes. De même, lorsque la France fut devenue le principal Étatde la Gaule, elle se trouva, en quelque sorte, dans la position de l'ancienne Gaule, reliant entre elles les différentes parties de l'Europe occidentale. D'un autre côté, comme les péninsules hispanique et Scandinave sont séparées d'une façon bien marquée de la masse centrale du continent européen, chacune d'elles a souvent formé un monde à part, ayant beaucoup moins de rapports que l'Allemagne, la France et l'Italie,
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avec les autres pays. Tel fut aussi pendant longtemps le cas de la Grande-Bretagne. Nous voyons donc que l'histoire des pays européens, tant qu'elle reste européenne, n'a cessé d'être influencée par leur position géographique. Nous allons voir maintenant que la même cause continua à agir aussi fortement lorsque ces mêmes pays se mirent à envoyer des colonies dans d'autres continents. Les premiers qui débutèrent dans cette voie furent la Gastille et le Portugal, ce qui s'explique facilement si l'on considère la position océanique de la péninsule; de même, parmi ceux qui s'empressèrent de suivre leur exemple, nous voyons au premier rang l'Angleterre et, pendant longtemps, la France. La Hollande, également, lorsqu'elle eut acquis une certaine importance, devint une grande puissance coloniale, et l'on peut, dans une certaine mesure, en dire autant du Danemark et de la Suède. Quant à une colonie italienne au delà de l'Océan, on n'en a jamais entendu parler; et là non plus il n'y a jamais eu de colonie allemande dans le sens où il y a eu des colonies espagnoles et anglaises. Seule pendant longtemps, la partie de l'Europe située au nord-est, reste dans l'ombre. Tout à fait inconnue dans les temps anciens, elle n'arrive à avoir quelque importance que dans les temps modernes ; et cela s'explique en grande partie par sa position géographique, qui la sépare à la fois de la Méditerranée et de l'Océan. Influence du caractère national. Maintenant que nous avons vu l'influence exercée de tout temps par la géographie physique d'un pays sur son histoire, nous ne saurions non plus mettre en doute la large part d'action qui provient également des différentes aptitudes apportées par les peuples qui s'y sont établis, de ce que nous appelons le caractère national. Ce caractère national dépend bien un peu de la position géographique ; et c'est elle, en tout cas, qui fournit le terrain, bon ou mauvais, sur lequel il devra se former et se manifester. Ainsi, on a dit très juste-
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ment que les Grecs dans un autre pays, ou un autre peuple en Grèce, ne seraient jamais devenus ce que furent les Grecs, après leur établissement en Grèce. La nature du pays et celle de ses habitants contribuèrent l'une et l'autre à faire delà Grèce ce qu'elle fut dans les premiers temps de l'histoire européenne. Il est toujours utile d'insister sur les points qui constituent une ressemblance ou une différence entre les nations dont on étudie l'histoire, et nous verrons également que, si le caractère tiré de la position géographique n'est pas toujours la seule cause qui les explique, il est toujours une des principales.
III
DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE DES RACES
Caractères généraux de l'ethnologie européenne. La géographie telle qu'elle a été modifiée par l'histoire, et l'histoire en tant qu'elle a été influencée par la géographie, voilà donc quel va être le sujet de notre étude. Quant à l'ethnologie et aux rapports des nations les unes avec les autres, nous n'en parlerons que dans la mesure où ces deux ordres de faits jouent un rôle dans l'histoire. Et nous ferons bien d'éviter, autant que possible, tout ce qui est obscur ou peut prêter à la controverse en ces matières. Nous pouvons cependant regarder comme indiscutables les grands résultats où est arrivée la philologie comparée, et il ne sera pas inutile, avant d'aborder l'étude des changements produits dans la géographie de l'Europe par des causes historiques, de considérer, d'une façon générale, la distribution géographique des principales races européennes.
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Un des principaux caractères de l'Europe au point de vue
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ethnologique, c'est que la population y est plus homogène que dans toute autre grande partie du monde ; que nous la prenions à l'époque actuelle, ou que nous nous reportions à l'époque la plus ancienne dont nous puissions avoir quelque connaissance, l'Europe est avant tout un continent aryen. Tout ce qui n'est pas aryen revêt un caractère exceptionnel. Nous ne pouvons en dire autant de l'Asie où, de tous les grands éléments ethniques, aucun n'est aussi manifestement prédominant que l'élément aryen l'est en Europe. Les races antérieures aux Aryens. — Il y a en Europe des éléments non-aryens qui sont d'une époque antérieure, et d'autres d'une époque postérieure à la venue des Aryens; mais, en thèse générale, ils se sont fondus dans la grande masse aryenne qui les entourait. Les premiers sont ce qui reste des anciennes races que les Aryens trouvèrent en Europe, et qu'ils exterminèrent ou s'assimilèrent. Les autres comprennent les races non-aryennes qui firent irruption en Europe dans les temps historiques, et pour lesquelles l'œuvre d'assimilation a été bien moins complète.' Il découle presque naturellement de la position de l'Europe que l'élément non-aryen primitif doit se trouver dans l'ouest et au nord, tandis que l'élément plus moderne a dû s'introduire dans l'est et au sud. En effet, dans les montagnes de la péninsule occidentale, dans un petit espace qui fait la limite entre la Gaule et l'Espagne, la langue des Basques, absolument différente de la langue des Aryens, n'est pas éteinte ; tout à fait au nord de l'Europe, la langue nonaryenne des Finnois et des Lapons subsiste toujours. Il y aurait à savoir si'ces deux langues ont quelques rapports entre elles, ou avec toute autre langue également non-aryenne et étrangère à l'Europe; mais ce sont là des questions de pure philologie, et qui ne touchent en rien à la géographie historique. De ce fait que quelques populations isolées en Europe ont conserve jusqu'à ce jour l'usage de ces langues primitives, nous n'avons qu'une conséquence à tirer : à savoir qu'il est très1 probable, et même presque certain
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que ces populations sont les restes des races primitives qui peuplaient l'Europe à l'époque où les Aryens firent irruption pour la première fois sur ce continent. Tout concorde à montrer que les Basques sont tout ce qui reste d'un grand peuple, qui habitait dans le principe toute l'Espagne et une grande partie de la Gaule, et qui s'étendait très probablement jusqu'en Sicile, au moins sur une partie de l'Italie, et peut-être dans les lies Britanniques. Assez indifférents à la.question de savoir s'ils avaient quelque analogie avec les premiers habitants du nord de l'Afrique, nous laissons complètement de côté les probabilités qui peuvent exister en faveur d'une race beaucoup plus ancienne, et tout à fait inférieure, nous tenant simplement à ceci : les premiers habitants historiques de l'Europe, uniquement représentés maintenant par les Basques, sont ceux qui, sous les noms d'Ibères et de Ligures, occupent une place assez importante dans l'histoire. Les premières races aryennes : Grecs, Italiens et Celtes. Il est impossible de déterminer d'une façon positive quelles furent, parmi les races aryennes, celles qui s'établirent les premières en Europe. Celle que nous voyons paraître tout d'abord au jour de l'histoire', est cette grande race qui comprend parmi ses subdivisions les Grecs, les Italiens, et les nations ayant avec eux un lien de parenté assez étroit ; mais il ne s'ensuit pas nécessairement que ces peuples fussent les premiers immigrants. Pendant qu'ils envahissaient les presqu'îles et les îles de la Méditerranée, il se peut que les Celtes, autre rameau de la grande famille aryenne, poursuivissent leur chemin à travers cette vaste étendue de terre qui forme le centre de l'Europe. .Les Celtes étaient évidemment à l'avant-garde de l'émigration ^aryenne qui les porta en Europe, et ils arrivèrent les premiers aux rivages de l'Océan. Ils s'étendirent ainsi sur .toute la Gaule, les Iles Britanniques, et une partie de l'Espagne. Les premiers habitants de ces contrées durent naturellement leur céder la place ou s'assimiler à eux, et, refoulés encore par
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tous les conquérants qui succédèrent aux Celtes, ils sont maintenant confinés dans la petite région montagneuse dont nous avons parlé. Pour en revenir aux Celtes, nous voyons qu'à une époque qui appartient à la période historique, il y en avait un certain nombre sur le Danube et au sud des Alpes. En l'absence de documents historiques, nous en sommes réduits à conjecturer que ces derniers n'avaient pas suivi la grande masse de leurs frères jusque dans la Gaule transalpine, ou qu'ils étaient revenus sur leurs pas après avoir suivi jusque-là le gros de l'émigration; il est d'ailleurs tout à fait probable que c'est la première de ces deux hypothèses qui est la vraie. Sans nous occuper de la question de savoir s'il n'y a pas d'autres pays où l'on découvre des traces de l'occupation des Celtes, nous nous contenterons de dire qu'au commencement de la période historique ils se trouvaient les principaux habitants d'une région s'étendant depuis le Rubicon jusqu'à la plus extrême limite alors connue de la Grande-Bretagne. La Gaule, transalpine et cisalpine, constitue leur grande terre centrale, mais ils n'en sont pas seuls possesseurs ; au sud-ouest, ils la partagent avec ce qui reste des anciens habitants non-aryens, et au nord-est avec les Aryens qui ont envahi l'Europe après eux. Nouveaux Aryens.—Teutons, Slaves, Lithuaniens. Après ces deux grandes races aryennes, qui s'établirent en Europe avant le commencement de toute histoire authentique, vinrent les races teutoniques qui pénétrèrent par l'est, et à la suite de celles-ci, à en juger par leur position sur la carte, la grande famille des nations slaves. L'émigration des Teutons et des Slaves appartient en grande partie à l'histoire. Les premiers documents que nous ayons sur les Teutons nous les montrent dans leur pays central de Germanie, occupant déjà les deux rives du Rhin, bien qu'il soit assez vraisemblable que sur la rive gauche ils fussent établis depuis peu de temps. Nous savons quelque chose des longues pérégrinations de toutes ces tribus teutoniques et slaves à travers l'Europe centrale,
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leurs établissements dans les pays du Sud et de l'Ouesi; l'histoire nous renseigne également sur la grande invasion qui germanisa les Iles Britanniques, où les Celtes, en partie exterminés, en partie assimilés, ne formèrent plus qu'un petit noyau semblable, quoique un peu plus grand, à celui où ils avaient réduit eux-mêmes les Basques. Il en est de même de la transformation des péninsules du nord en pays teutoniques. La dernière période de cette transformation est la seule d'ailleurs dont nous connaissions quelque chose; et si, dans la véritable péninsule Scandinave, ce sont bien les Finnois, non-aryens, qui ont cédé la place aux envahisseurs, nous en sommes réduits à supposer, pour la Chersonèse cimbrique, qu'elle était primitivement habitée par des Celtes. Mais au delà des Teutons et des Slaves, il y a un autre groupe aryen qui, à un point de vue purement philologique, est le plus intéressant de tous ; c'est celui qui subsiste toujours en Lilhuanie et dans les pays avoisinants, et qui, déjà bien diminué, disparait rapidement. Historiquement, il n'y a rien à en dire; à l'est de la mer Baltique nous voyons, répandus sur les bords de cette mer, des peuples dont la langue se rapproche plus que toute autre en Europe de la langue aryenne primitive; mais il nous est impossible de savoir à quelle époque ils se sont ainsi installés, et quelle route ils ont dû suivre pour y arriver. Mouvements parmi les nations aryennes. — Toutes ces races, aryennes ou non, sont donc celles qui de temps immémorial composent la population de l'Europe; l'extinction presque totale des anciennes races non-aryennes et la venue successive des races aryennes sont des faits de la plus haute antiquité et que nous devons adopter comme base pour l'histoire et la géographie. On doit les distinguer d'autres mouvements qui entrent strictement dans le cadre de l'histoire écrite, et qui se sont produits entre les nations aryennes elles-mêmes, ou par l'entrée en Europe de nouvelles nations non-aryennes. Ainsi les colonies grecques, de même que les conquêtes des Macédoniens en Europe, en Asie, et en
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Afrique, agrandirent considérablement l'étendue des territoires helléniques, soit que ceux qui les habitaient aient dû les abandonner, ou bien aient été purement assimilés. Les conquêtes de Rome, et les établissements teutoniques dans l'empire romain, amenèrent peu de déplacements, mais firent beaucoup sous le rapport de l'assimilation. Les choses se passèrent d'une façon tout à fait opposée dans les deux cas. Le Romain conquérant s'assimila ceux qu'il avait conquis ; les Teutons furent assimilés par ceux mêmes qu'ils avaient vaincus. La Grande-Bretagne et les provinces rhénanes et danubiennes font seules exception à ce double fait. Les établissements slaves en Orient amenèrent bien plus de déplacements que les établissements teutoniques en Occident. De vastes régions qui portaient jadis les noms d'Illyrie et de Thrace, plus ou moins grecques par conséquent, sont maintenant complètement slaves. Les races non aryennes postérieures aux Aryens. — Sémites et Touraniens. — Il nous reste enfin à parler d'autres nouveaux occupants, n'appartenant pas à la race aryenne, et qui, venus en Europe dans les temps historiques, ont apporté, suivant les cas, des modifications bien différentes. Les Sarrasins d'abord, peuple de race sémitique, envahirent l'Espagne et la Sicile, amenant à leur suite des Africains qu'ils avaient convertis, et qui étaient peutêtre originairement de même race que les habitants de ces deux pays. Ces occupants non-aryens ont disparu; mais, bien que l'époque à laquelle une grande partie d'entre eux fut déplacée soit comparativement de l'histoire moderne, il est difficile de ne pas croire qu'il a dû se produire là une certaine assimilation. Vient ensuite, principalement dans l'Europe orientale, ce qu'il nous suffira d'appeler le groupe des nations touraniennes. Les Huns d'Attila n'ont laissé qu'un nom. Les Avares ont eu une existence plus durable ; mais, disparus maintenant, il est difficile de savoir dans quelle proportion ils ont dû se déplacer, ou s'assimiler. Les Khazars, les Petchénègues, et une masse d'autres races barbares, n'ont
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laissé aucune trace de leur présence. Les Bulgares, originairement touraniens, ont été assimilés par leurs sujets slaves. Les Magyars, appartenant à la race finnoise, ont changé de religion et appartiennent maintenant, politiquement, à l'Europe chrétienne, ne gardant de leur ancienne nationalité que leur vieille langue touranienne. Enfin les derniers venus de tous, les Turcs Ottomans, sont restés ce qu'ils étaient, ni aryens, ni chrétiens. Il est vrai qu'il s'est produit là, en quelque sorte, un autre mode d'assimilation ; les Turcs, en effet, forment une nation artificielle, qui s'est maintenue en Europe par l'incorporation constante de renégats européens renonçant à leur langue, à leurs croyances, à leur civilisation.
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LIVRE I
HISTOIRE DE L'EUROPE JUSQU'AU XIIe SIÈCLE AP.JUJ,
CHAPITRE PREMIER
LA GRÈCE ET LES COLONIES GRECQUES
I
LA PÉNINSULE ORIENTALE
Ses caractères géographiques et ses principales divisions. — Si l'on veut s'en tenir à l'ordre chronologique, c'est par la plus orientale des trois péninsules du sud que l'on doit commencer la géographie historique de l'Europe. C'est dans cette contrée pleine d'îles et de presqu'îles, que nous voyons poindre pour la première fois l'aurore de la civilisation européenne; c'est là que nous assistons aux premiers commencements de l'art, de la science et de la vie politique; c'est là que commence réellement l'histoire du monde. Le mot de Grèce ou Hellade ne s'applique strictement qu'à une partie de cette grande péninsule, bien qu'elle en soit la plus importante et la plus caractéristique. A mesure qu'elle s'éloigne de la masse centrale de l'Europe, on voit que la largeur de la péninsule va toujours en diminuant. Ses bords sont plus découpés, et
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elle devient en outre de plus en plus grecque. Comme l'avait remarqué depuis longtemps Strabon1, la Grèce et les pays avoisinants se terminent par une série de péninsules principales se décomposant elles-mêmes en une multitude de péninsules secondaires. Il n'est guère facile de trouver un nom pouvant embrasser la région tout entière, car jamais la Grèce, soit effectivement, soit nominalement, n'a compris un espace aussi étendu. Il semble cependant que les nations qui l'occupaient devaient avoir avec les Grecs un lien de parenté plus ou moins étroit ; en tout cas, l'histoire de ces nations consiste principalement dans les rapports qu'elles eurent avec les Grecs, dont elles subirent toutes, plus ou moins, l'influence. Nous pouvons donc, avec quelque raison, donner à la plus orientale des péninsules le nom de Grèce, comme nous avons donné les noms d'Espagne et d'Italie aux deux autres. Au temps de l'empire romain elle formait presque à elle seule toute la partie de l'empire d'Orient située en Europe, et c'est pour cela qu'on l'a appelée aussi péninsule byzantine, du nom de la ville de Byzance qui était le siège du gouvernement. Il faut citer encore le nom plus récent de péninsule des Balkans, qui a fini par être d'un usage assez répandu. Nous avons vu que le nord et le sud de l'Europe étaient séparés par une grande chaîne de montagnes s'étendant de l'est à l'ouest presque sans interruption. C'est la partie de cette chaîne qui se trouve en contact avec la péninsule grecque que nous pouvons adopter comme sa limite septentrionale; séparée ainsi de la masse centrale par les Alpes dalmaliennes et la chaîne de YHemus ou Balkan,e\le embrasse tout l'espace qui est limité à l'ouest, à l'est et au sud, par la Méditerranée et son grand golfe, le Pont-Euxin. Cependant, toute la partie septentrionale de cette région, celle qui
1. Voir le premier chapitre du huitième livre. Après avoir remarqué que la presqu'ile du Péloponnèse peut se décomposer en quatre presqu'îles, il étend successivement à toute la contrée, en remontant vers le nord, ce caractère consistant en une série de golfes et de promontoires. (Note de l'auteur.)
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est au nord de la mer Égée, et qui comprend cette partie de côtes baignées par le Pont-Euxin, conserve encore beaucoup le caractère de la masse centrale, et forme une contrée intermédiaire entre celle-ci et les terres plus réellement péninsulaires qui descendent vers le sud. La frontière que nous avons tracée n'a cependant rien de factice, car tous les pays qui sont au-dessous d'elle ont subi plus ou moins l'influence de la Grèce, et ont joué un rôle dans son histoire. Au delà de cette limite, nous nous trouvons immédiatement dans la vallée du Danube, et là, nous voyons qu'à part quelques colonies sur la côte, l'influence grecque ne s'est réellement fait sentir qu'à une époque tout à fait récente. Thrace et Illyrïe. — Cette région intermédiaire, telle que nous venons de la définir, comprend la Thrace, la Pceonie, et YIllyrie. La Thrace et l'Illyrie, ayant seules un littoral, reçurent de nombreuses colonies grecques, particulièrement sur la côte septentrionale de la mer Égée et de la Propontide ou mer de Marmara. Par suite de cette proximité avec les mers plus spécialement grecques, cette partie- de la Thrace entra mieux dans le monde grec que les autres pays situés plus à l'ouest. La Thrace cependant est, au point de vue géographique, bien plus séparée de ia Grèce que ne l'est l'Illyrie. En effet, il n'y a pas sur le littoral occidental de la péninsule de point où la côte change brusquement de direction, comme cela a lieu à l'est, et, de ce point, nous pouvons tirer une ligne qui sépare la Grèce et ses.voisins immédiats des pays situés plus au nord. C'est à cet endroit que de la péninsule primitive s'en détache une autre, se dirigeant au sud, et comprenant la Grèce, la.3Iace'doine et l'Épire. Nous remarquons en outre que cette partie du littoral de la Thrace qui est sur la mer Égée se trouve pour ainsi dire fermée à ses deux extrémités : à l'est par la longue et étroite presqu'île désignée spécialement par le nom de Chersonèse, à l'ouest par ce groupe de presqu'îles qu'on appelle Chalcidique. Or, nous ne voyons rien de pareil sur la côte opposée; à part la légère inclinaison qui se produit au^
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dessus d'Épidamne, la côte conserve la même direction, et l'Illyrie paraît bien la continuation de cette presqu'île que nous avons vue se détacher de la péninsule principale pour former la Grèce proprement dite. Ce point où la côte illyrienne s'infléchit vers l'ouest a cependant une assez grande, importance, car il marque la limite que ne dépassèrent pas dans le principe les colonies grecques, et il devait devenir plus tard le point de départ d'une véritable frontière. Grèce proprement dite et ses péninsules. Péloponnèse. — Si maintenant nous suivons dans tout son développement cette presqu'île qui commence à l'ouest de la Chalcidique, nous allons voir surgir sur ses bords une quantité d'autres presqu'îles, et, tout d'abord, celle que forment en rapprochant les deux côtes, le golfe d'Ambracie à l'ouest, et le golfe de Pagase à l'est. Il est facile de voir sur la carte que, si l'on détache cette première péninsule des pays situés plus au sud, on aura ainsi séparé des pays qui ne sont pas grecs dans le véritable sens du mot, la Macédoine, YÉpire et la Thessalie. De même, si nous tirons une ligne prenant aux Thermopyles et aboutissant au golfe de Corinthe près de Delphes, cette ligne va laisser à l'ouest des pays tels que ï'Acarnanie, YÉtolie, et autres qui n'ont joué que plus tard un rôle dans l'histoire grecque, tandis que la Phocide, la Béotie et YAttique forment un grand promontoire se terminant lui-même par l'Attique, autre promontoire qui le prolonge au sud-est. Enfin, les côtes se resserrent de nouveau, et l'isthme étroit de Corinthe relie à cet ensemble péninsulaire déjà bien accentué la grande presqu'île du Péloponnèse, qui va nous présenter à son tour la même configuration, aussi bien à l'est qu'à l'ouest. Ainsi, plus on descend vers le sud, du mont Hémus jusqu'au cap Ténare, plus on voit que la mer pénètre dans l'intérieur des terres. En devenantainsi de plus en pluspéninsulaire, lepays devient de plus en plus grec, jusqu'à ce que nous arrivions dans le Péloponnèse, où nous trouvons la citadelle naturelle de la nation grecque.
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Étendue de l'Hellade continue en Europe. —
C'est cette partie franchement péninsulaire de la presqu'île orientale qui constituait la Grèce propre, celle que les géographes anciens appelaient Hellade continue, par opposition aux colonies grecques établies en pays barbares. Cependant la Grèce continue ne se bornait pas là. Les îles voisines en faisaient partie, et les autres côtes de la mer Égée, aussi bien celles d'Asie que celles de Thrace, étaient tellement couvertes de colonies grecques, qu'on peut tout au moins les considérer comme appartenant au monde grec immédiat. Si nous passons maintenant à la côte occidentale, nous voyons que, n'ayant pas un caractère péninsulaire aussi marqué, elle doit également être moins insulaire, et de fait, les îles de ce côté n'eurent jamais la même importance que celles de la mer Égée. Seules les îles qui portent maintenant le nom d'îles Ioniennes doivent à tous les points de vue être rattachées à la Grèce, car au nord de Corcyre ou Corfou, il n'y eut jamais, soit sur le continent, soit dans les îles, que des colonies grecques détachées. Toutes les îles de la mer Égée, au contraire, furent, à partir des temps historiques, aussi grecques que le continent. Parmi elles, d'ailleurs, la grande île qui portait le nom d'Eube'e pourrait presque être regardée comme reliée à la terre ferme, et il en est de même sur la côte ouest pour l'île de Leucade. Toutes deux, on peut le dire, sont aussi bien des presqu'îles que des îles séparées de la terreferme. Signalons encore la plus éloignée, vers le sud, des terres franchement grecques, la longue et étroite île de Crète, qui forme une
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sorte de barrière entre les eaux grecques et les eaux barbares. En effet, l'île-.de Sicile à l'est, et l'île de Chypre à l'ouest, ne devinrent jamais, malgré leurs nombreuses colonies, aussi grecques que la Crète et les îles que l'on trouve en remontant vers le nord. La Crète est donc le plus méridional des pays purement grecs. Asie Mineure. Mais en dehors des péninsules et des îles européennes, il est une partie de l'Asie que l'on doit considérer comme appartenant au monde grec immédiat, bien que strictement elle ne fit pas partie de la Grèce continue. La péninsule connue sous le nom d'Asie Mineure ne peut être séparée de l'Europe, aussi bien dans sa géographie que dans son histoire. Sa masse centrale n'a rien, ou presque rien à voir avec notre sujet; mais ses côtes font partie du monde grec, et celles qui touchent à la mer Egée étaient presque aussi grecques que l'Hellade continue et les îles qui s'y rattachent. Tout fait supposer que la côte occidentale de l'Asie Mineure était habitée par des nations se rapprochant plus ou moins des Grecs, comme celles qui étaient répandues au nord de l'Hellade ; en outre, elle présente le caractère géographique de la Grèce européenne, car nous y voyons quantité de bras de mer et de promontoires, et les îles abondent également près du littoral. Le terrain était donc très favorable à la colonisation, et des cités grecques s'élevèrent dans les îles et sur les points les mieux situés de la côte. L'influence de ces villes, cependant, ne s'étendit jamais bien loin dans l'intérieur des terres, et la côte elle-même ne devint jamais aussi franchement grecque que les îles. Quant aux côtes de l'Asie Mineure qui sont baignées au nord par le Pont-Euxin, et à celles qui, au sud de la mer Égée, forment un littoral plus spécialement méditerranéen, nous y voyons bien aussi des colonies grecques, mais elles n'ont pas ce caractère immédiatement grec de la côte occidentale, et l'on peut dire qu'en général elles sont des pays barbares.
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ETHNOLOGIE DE LA PÉNINSULE ORIENTALE
!Les Grecs et les "races parentes en Europe et en Asie. Le monde grec immédiat, par opposition aux colonies grecques éloignées, comprend donc les côtes de la mer Egée, et les péninsules qui se trouvent entre cette mer et la mer Ionienne. Cette région, dont une grande partie était habitée exclusivement par la nation grecque, subit en totalité, quoique avec des degrés différents, l'influence grecque. Mais outre cela, tous, ou presque tous ces pays, semblent avoir été peuplés par des races plus ou moins apparentées avec les Grecs, et ayant nombre de points communs avec eux. Les Grecs, en effet, semblent n'être arrivés plus vite et plus haut que leurs congénères, qu'à cause de la nature géographique du pays qu'ils occupaient. Une distinction,, cependant, doit être établie entre les plus proches voisins de la Grèce et les plus éloignés. Il n'est guère nécessaire à notre sujet de chercher si les Grecs avaient, ou non, quelque connexion avec les Thraces d'Europe et d'Asie, avec les Phrygiens, les Lydiens, et autres nations voisines. Aux yeux des Grecs, ils étaient tous indistinctement barbares ; mais la science moderne a vu entre eux et la nation grecque des signes d'une parenté plus étroite que celle des uns et des autres avec les autres races aryennes en général. Nous n'avons pas besoin d'établir ici jusqu'à quel point tous les habitants de l'étendue géographique que nous avons délimitée étaient ou n'étaient pas parents en ce sens. Pour quelques-uns cependant la question prend un intérêt plus accentué, et on peut la traiter avec plus de certitude. Ainsi la grande race illyrienne, dont les Albauais ou Skipetars sont les représen-
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tants actuels, race qui d'un côté a été considérablement déplacée par les Slaves, et de l'autre assimilée par les Grecs, ne peut guère manquer d'avoir eu avec les Grecs une parenté plus étroite que celle des uns et des autres avec les Celtes et les Teutons. Lorsque nous arrivons aux pays qui sont intimement liés avec la Grèce, à la fois par leur position géographique et par leur histoire, la chose devient encore plus claire. Il est difficile de mettre en doute l'étroite connexion qui existait entre les Grecs et les nations en contact immédiat avec la Grèce septentrionale, c'est-à-dire celles qui peuplaient l'Épire et la Macédoine ; et il en est de même pour quelques-unes du moins de celles que les Grecs trouvèrent sur les côtes opposées de la mer Égée, ainsi qu'en Sicile et en Italie. Les Grecs et les Italiens, avec les nations qui les touchent de très près, appartiennent évidemment à une même division de la grande famille aryenne, et cette division est parfaitement marquée; nous trouvons la preuve de cette parenté dans les rapprochements que l'on a pu faire entre toutes les langues en usage parmi eux, ainsi que dans la facilité vraiment remarquable avec laquelle nous les voyons, à toutes les époques, se laisser pénétrer par la civilisation grecque. Nous n'avons guère d'ailleurs, en tout ceci, à entrer dans plus de détails. Lies Pélasges. — La nation grecque. — Il nous faut maintenant dire quelques mots de ce nom si controversé de Pélasges, que nous voyons employé par les Grecs euxmêmes dans un sens très vague, rappelant beaucoup celui qui, de nos jours, est attribué au mot Saxon. Tantôt, en effet, il semble désigner un peuple qui ne serait autre que les anciens Hellènes, tantôt un peuple distinct des Hellènes. Il serait sans doute très intéressant de rechercher si, à leur arrivée en Grèce, les Hellènes trouvèrent le pays déjà occupé, et si ce peuple primitif était aussi de race aryenne; mais cela n'a aucun rapport avec notre sujet. Il nous suffira de dire que, si loin que nous puissions remonter en nous appuyant sur l'histoire et sur la légende, nous voyons le pays
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occupé par différentes tribus ayant entre elles une certaine affinité. Ces tribus appartiennent à une même branche de la race aryenne, et elles forment une nation aussi bien définie que toute autre, bien qu'elle aille en se confondant, pour ainsi dire, avec les autres nations parentes. En effet, malgré la distinction bien tranchée qui fut établie dès l'origine entre les Grecs et les barbares, certaines tribus frontières, en Épire et en Macédoine, doivent être regardées comme intermédiaires entre les uns et les autres, et nous les voyons par conséquent placées, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, par les différents écrivains grecs.
IV
GÉOGRAPHIE PRIMITIVE DE LA GRÈCE ET DES PAYS VOISINS D'APRÈS HOMÈRE1
Lies tribus et les villes de la Grèce. — La plus ancienne notion que nous ayons de la géographie grecque nous vient du catalogue d'Homère. Quelle que puisse être la valeur historique des poèmes d'Homère, on ne peut guère douter que le catalogue placé au second livre de l'Iliade ne corresponde à un état de choses bien réel. La carte de la Grèce basée sur ce catalogue est trop différente de ce qu'elle a été depuis pour qu'on puisse supposer que celuici ait été inventé après coup; elle s'applique d'ailleurs à une époque pour laquelle nous n'avons aucune espèce de certitude quant aux noms et quant aux dates. Les premiers d'entre les Grecs qui s'établirent dans le pays durent plus d'une fois céder la place à de nouveaux venus, Grecs comme eux, et les différents États ainsi formés changèrent souvent
1. Voir carte I.
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leurs limites en soumettant d'autres États, ou en leur enlevant des parties de leur territoire. Le catalogue d'Homère nous montre tous ces groupes de nations disposés d'une façon toute différente, et qui ne se retrouve en rien dans les temps historiques. C'est à peine s'il est question des Doriens et des Ioniens, noms qui, par la suite, devaient devenir si fameux. Le nom d'Hellènes lui-même ne s'applique qu'à un petit district. Les noms de tribus étaient alors ceux à'Achéens, à'Argiens, — Argos désignant, selon toute vraisemblance, tout le Péloponnèse, — et celui de Danaoi, complètement tombé en désuétude dans les temps historiques. Du côté de l'ouest, la Grèce s'étend bien moins loin qu'elle ne devait le faire dans la suite. L'Acarnanie s'appelait d'un autre nom, et il n'est pas bien sûr qu'elle fût territoire grec. Elle est vaguement désignée sous le nom d'Épire i, ou terre ferme, et elle semble faire partie des possessions du roi qui régnait sur les îles voisines de Céphalonie et Ithaque. Leucadeet Corcyre, situées plus au nord, n'étaient pas encore grecques, et il en est de même des habitants de l'Épire qui, sous le nom de Threspotiens, étaient simplement représentés comme un peuple ami, mais étranger aux Grecs. Quant aux Étoliens, c'est bien déjà un peuple grec, et nous trouvons de même la plupart des divisions de la nation grecque ; seulement, la position qu'elles occupent, et leur importance relative, sont souvent bien différentes de ce qu'elles furent dans la suite. Pour nous en tenir à un seul exemple, les Locriens, que nous voyons dans les temps historiques établis sur la mer de l'Eubée et sur le golfe de Corinthe, n'occupent, d'après le catalogue, que la première de ces deux régions. Si maintenant nous passons aux villes, la différence est
1. "Hneipo; signifie simplement la terre ferme, et ce n'est que progressivement que ce nom s'appliqua à une région particulière. On peut le comparer avec la terra firma dans l'Amérique du Sud. Dans le catalogue {Iliade, II, 620-635), après l'énumération des îles sujettes d'Ulysse, on lit: T"H7iEtjov i/o; rtS àvTtrcépal IvtVovTo. Cela doit s'appliquer au pays qui fut dans la suite appelé Acarnanie. On fit plus tard la remarque que les Acarnaniens étaient le seul peuple de la Grèce qui ne fût pas désigné dans le catalogue. (Note de l'auteur.)
a
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encore plus accentuée; leur groupement en confédérations et en principautés est tout autre dans ces temps primitifs qu'il devait être plus tard. Ainsi, pendant les temps historiques, la ville d'Orchomène faisait partie de la Béotie, et elle était la seconde cité d'une confédération où Thèbes était la première ; tandis que, d'après le catalogue, elle forme avec la ville voisine d'Aspledon une division tout à fait distincte de la Béotie. L'Eubée forme également un tout séparé, et, chose tout à fait remarquable, il n'est pas question de VAttiqve comme pays, mais simplement de la ville d'Athènes, et de Salamine placée vis-à-vis d'elle dans une sorte de dépendance. De même, dans le Péloponnèse nous trouvons Mycènes comme ville principale, et le roi qui est placé à sa tête, outre qu'il exerce une sorte de suprématie sur toute l'Hellade, tient sous sa dépendance immédiate Corinthe, Cle'one, Sicyone, et toute cette partie située au sud du golfe de Corinthe qui forma plus tard YAchaïe. Les autres cités de la péninsule argolique sont groupées autour d'Argos. La Grèce septentrionale nous offre un aspect analogue, tout à fait différent de ce qui fut dans la suite, et son importance relative dans le monde grec est manifestement plus grande que dans la période historique. Les colonies grecques. — Lies peuples étrangers. — Nous voyons également dans le catalogue l'étendue que la colonisation grecque avait déjà prise dans la mer Egée, où elle ne portait que sur les îles méridionales. La Crète était particulièrement dans ce cas ; de même Rhodes, Cos, et les îles voisines ; mais, pour celles-ci, il est bien spécifié que la colonisation était de date toute récente. La côte d'Asie et les îles septentrionales n'eurent pas de rapports avec la Grèce avant la guerre de Troie pendant laquelle, nous le voyons clairement, se fit la conquête de Lesbos. Outre les Troyens et les Dardaniens, le catalogue nous cite parmi les habitants de l'Asie, les Pélasges qui y formaient un peuple bien distinct, ainsi que les Paphlagoniens-et les Mysiens, les Phrygiens, Mceoniens, Cariens et Lyciens, tous échelonnés le long des côtes qui bordent la
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mer Egée et le sud-ouest du Pont-Euxin. En Europe, nous avons de même les Thraces et les Pœoniens, dont les noms devinrent familiers dans les temps historiques, et qui occupaient alors presque le même pays ; quant à la présence des Thraces en Asie, le catalogue ne l'affirme pas, mais il la laisse supposer. Le nom de Macédonien ne s'y trouve pas, et les îles septentrionales de la mer Egée n'y sont mentionnées qu'incidemment. Tout porte à croire que la totalité de celte région, en Europe et en Asie, était dans ces temps reculés occupée par différentes races plus ou moins étroitement alliées les unes aux autres. Dans la partie insulaire, la race carienne dominait, bien que les Phéniciens, peuple sémitique habitant la côte orientale de la Méditerranée, semblent également avoir déjà colonisé quelques îles. Les Grecs commencèrent alors à se substituer aux uns et aux autres, et cette rivalité entre les Grecs et les Phéniciens à propos des îles de la mer Egée devait se renouveler plus tard dans les grandes îles de Chypre et de Sicile.
V
DIFFÉRENCE ENTRE LA GRÈCE HOMÉRIQUE ET LA GRÈCE HISTORIQUE
1° Dans le Péloponnèse. —Cette différence, qui est très grande, nous montre qu'avant le commencement de la période historique l'état géographique de la Grèce, tel qu'il résulte du catalogue, avait complètement changé. Suivant la tradition, un certain nombre de colonies doriennes, venues du nord de la Grèce, s'implantèrent progressivement dans les principales villes du Péloponnèse et en chassèrent leurs anciens habitants Ache'ens, ou les obligèrent à se soumettre. Mycènes, à partir de cette époque, perdit son impor-
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tance; Àrgos, Sparte, Corinthe, Sicyone, devinrent des villes doriennes, et Sparte étendit progressivement sa domination sur toutes les villes, doriennes ou achéennes, qui se trouvaient dans les limites delaLaconie. A l'ouest de laLaconie, s'éleva l'état dorien de Messénie; mais il n'y a pas encore de ville ainsi appelée, et le nom de Messénie n'est que celui d'un district. Au même mouvement il faut rattacher l'occupation de ÏÉlide par une colonie étolienne. L'Elide, sur la côte occidentale du Péloponnèse, était aussi, à cette époque, seulement le nom d'un district, et les villes de Messène et d'Élis ne s'élevèrent que bien plus tard. Argos d'abord, et Sparte ensuite, acquirent la suprématie sur les autres Doriens et la totalité du Péloponnèse. Le Péloponnèse historique comprend donc1: l°les citéspour la plupart doriennes de l'Acte ou péninsule argolique, avec Corinthe sur l'isthme du même nom, et Mégare, poste avancé des Doriens, situé au delà de l'isthme ; 2° la Laconie, le district immédiatement dépendant de Sparte, district dont la frontière avançait ou reculait du côté d'Argos, suivant que la fortune des armes était favorable à l'une ou à l'autre des deux villes; 3° la Messénie,qui fut conquise par Sparte avant le commencement de toute histoire authentique, et s'en détacha de nouveau au quatrième siècle avant J.-C. ; 4° YÉlide avec les districts frontières placés entre elle et la Messénie ; 5° les villes Achéennes situées sur la côte du golfe de Corinthe ; 6° l'Arcadie, région tout à fait intérieure. Cet état de choses reçut de nombreuses modifications ; néanmoins l'aspect général de la carte du Péloponnèse ne changea pas considérablement depuis le commencement du cinquième siècle avant Jésus-Christ jusqu'à la fin du troisième. 3° Dans la Grèce septentrionale. — Selon les traditions reçues, de semblables migrations eurent lieu dans la Grèce septentrionale entre l'époque du catalogue et l'époque historique. Ainsi la Thessalie, sur laquelle le cata1. Voir carte 3;
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logue s'appesantit beaucoup, aurait été envahie par un peuple à moitié hellénique, les Threspotiens ; devenus maîtres du pays, ils semblent avoir étendu leur domination sur les territoires voisins, entre autres la péninsule magnésienne et l'Achaie phtiotique. Il est certain que dans la période historique, la Thessalie reste bien effacée, et que le véritable esprit grec y est infiniment moins développé que dans les autres parties de la Grèce. La légende qui nous représente la migration des habitants de la Thessalie en Béotie est moins croyable ; d'un autre côté, OrcJiomène, dans les temps historiques, ne forme plus un état séparé, mais elle est la seconde ville de la confédération béotienne après Thèbes, dont elle ne reconnaît que difficilement la suprématie. Les Locriens sont établis maintenant sur le golfe de Corinthe, et non plus seulement sur la côte qui fait face à l'Eubée. Enfin le pays situé à l'ouest de l'Étolie, si vaguement désigné dans le catalogue, s'appelle maintenant VAcarnanie, et c'est un peuple grec qui l'habite. Le littoral de ce pays reçut des colonies corinthiennes à une époque qui appartient presque à la période historique, au huitième siècle avantJésus-Christ. Telles sont la ville d'Ambracie et l'île ou presqu'île de Leucade, que le catalogue ne place pas en Grèce, mais qui s'y trouvent la première fois qu'il est question d'elles dans l'histoire. Àmbracie forme le dernier point de l'Hellade continue vers le nord-ouest ; au delà, il n'y a que quelques établissements isolés sur les côtes et les îles illyriennes. Autres changements depuis le sixième siècle av. «F.-C.1. —Telles sont les principales différences qui existent entre la géographie de la Grèce continentale d'après le catalogue d'Homère, et la Grèce des guerres médiques et de la guerre du Péloponnèse. Pendant les sixième, cinquième et quatrième siècles avant Jésus-Christ, la situation politique des différents états grecs, les uns par rapport aux autres, changea constamment, mais la géographie n'en fut
1, Voir carie 4.
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pas modifiée pour cela. Dans le cours du quatrième siècle, deux nouvelles cités péloponnésiennes furent fondées, Messène et Mégalopolis (370-369 av. J.-C). En Béotie, Platée et Orchomène furent détruites par les Thébains, et Thèbes ellemême fut détruite par Alexandre; mais toutes ces villes furent reconstruites, ce qui n'eut pas lieu pour Mycènes, dans le Péloponnèse, après sa destruction par les Argiens (468 av. J.-C). Mais la plupart de ces changements n'affectaient pas la géographie, car ils ne déplaçaient en rien les grandes divisions du nom grec. La fondation de Messène, qui se fit en même temps que la séparation d'avec Sparte de l'ancienne Messénie, fut le seul changement géographique véritable, le seul qui eut pour conséquence une nouvelle division de la nation grecque, ou le rétablissement d'une nationalité effacée (quatrième siècle av. J.-C).
VI
LES COLONIES GRECQUES'
Lies colonies de la mer Égée en Europe et en Asie. — Ce doit avoir été pendant la période qui s'étend de l'époque représentée par le catalogue, jusqu'à celle où nous commençons à avoir des récits contemporains, que la plupart des îles égéennes devinrent grecques, et que la côte égéenne d'Asie reçut ses colonies helléniques. Nous avons vu que les îles méridionales étaient déjà grecques à l'époque du catalogue ; au contraire, parmi celles du nord, quelquesunes comme Thasos, Lemnos, et autres, ne le devinrent qu'à des époques auxquelles nous ne pouvons donner que des dates approximatives, depuis le huitième jusqu'au cini. Voir carte 2.
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quième siècle. Quelque temps avant le huitième siècle, toute la côte égéenne d'Asie se trouvait bordée de villes grecques, doriennes au sud, e'oliennes au nord, et ioniennes au centre. L'histoire de la guerre de Troie, qui avait ce pays pour théâtre, n'esttrès probablement qu'un récit légendaire adapté aux débuts de ce mouvement colonisateur, et nous pouvons penser, d'après lui, que la colonisation grecque sur cette côte commença au nord, dans les pays baignés par l'Hel^lespont. Quoi qu'il en soit, nous voyons que, vers le hui"tième siècle, la côte asiatique et les îles qui en dépendent, non seulement entraient dans le monde grec, mais encore faisaient partie de la Grèce proprement dite. Les villes ioniennes, principalement Smyrne, Éphèse, Milet, tt les îles de Chios et Samos, étaient au nombre des plus grandes cités grécques, et il n'y en avait aucune, dans la Grèce européenne, capable de rivaliser avec elles. Milet, par-dessus toutes, se rendit célèbre par le nombre de colonies qu'elle fonda à son tour. Mais si elles entrèrent avant les villes grecques européennes dans la voie de la prospérité, elles devaient également tomber les premières au pouvoir des barbares. Dans le cours du cinquième siècle, les villes grecques de l'Asie continentale durent subir le joug des rois de Lydie, lesquels furent vaincus à leur tour par les Perses, qui s'emparèrent en outre d'un certain nombre d'îles. Ce fut cette soumission des Grecs asiatiques aux barbares qui amena la première guerre persique, avec laquelle nous assistons au commencement de l'époque la plus brillante de la Grèce européenne. La décadence des villes asiatiques avait donc déjà commencé quand nous les voyons apparaître dans l'histoire. Les côtes de Thrace et de Macédoine se couvrirent également de cités grecques, mais, si l'on met à part la presqu'île de Chalcidique qui devint complètement grecque, elles étaient bien moins rapprochées les unes des autres que les villes de la côte asiatique. Quelques-unes de ces colonies de Thrace, telles qa'Olynthe et Potidée, jouent un rôle
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important dans l'histoire grecque, et il y en a deux qui ont leur place dans l'histoire universelle. Thermè, qui devait devenir plus tard Thessalonique, a gardé son importance à travers des bouleversements de toutes sortes, et Byzance, sur le Bosphore de Thrace, devait s'élever encore plus haut en devenant, sous le nom de Constantinople, la nouvelle capitale de l'Empire romain. Colonies des Grecs et des Phéniciens dans les autres parties du monde méditerranéen. — Toutes ces colonies, fondées ainsi pendant l'espace de temps qui s'écoule de l'époque du catalogue d'Homère jusqu'à celle des guerres Persiques, étaient si près de la mère patrie, et si rapprochées également les unes des autres, que l'on peut considérer toute la région qui environne la mer Egée comme absolument grecque, ou tout au moins largement soumise à l'influence grecque. Mais, dans cette même période, de nombreuses colonies grecques furent établies dans des pays beaucoup plus éloignés de la Grèce continue, sans dépasser toutefois les limites dumonde méditerranéen. Aucun Grec ne dépassa jamais les colonnes d'Hercule pour fonder une colonie sur l'Océan ; mais les bords de la Méditerranée et du Pont-Euxin virent s'établir successivement un grand nombre de colonies grecques. Ces postes avancés de la Grèce, chaque fois qu'ils purent se soustraire aux attaques des barbares, restèrent presque toujours grecs. Ils en gardaient la langue et les coutumes, qui de là se répandaient parmi les peuplades barbares avoisinantes ; néanmoins, il arriva rarement que, dans ces contrées plus éloignées, une grande étendue de territoire devînt aussi complètement grecque que la côte asiatique de la mer Egée. Nous pouvons cependant dire que tel fut le cas pour les côtes de la Sicile et de l'Italie méridionale, où furent fondées un certain nombre de colonies dont nous parlerons plus complètement dans un autre chapitre. Toute la Sicile, à la vérité, finit par devenir un pays réellement grec, quoique cela n'eût lieu qu'après sa conquête par les Romains. Mais dans l'Italie
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septentrionale et centrale, les Grecs se trouvaient en présence des Latins, des Étrusques et d'autres nations italiennes trop fortes pour qu'ils pussent y fonder quelques colonies. Sur la rive opposée de l'Adriatique, le point le plus septentrional de la colonisation grecque était, avant la guerre du Péloponnèse, Épidamne; dans la suite elle s'étendit plus haut vers le nord, sur la côte et dans les îles dalmatiennes, et Épidauré en Illyrie, Pharos, Corcyre Noire et autres témoignent des derniers efforts de la colonisation grecque dans son sens le plus strict. Dans les autres parties de la Méditerranée, les colonies grecques se trouvaient bien plus séparées les unes des autres. Néanmoins nous pouvons dire qu'à part les côtes où des raisons spéciales empêchaient les Grecs de s'établir, tout le reste de la Méditerranée était occupé par des colonies grecques. En effet, dans une grande partie de la Méditerranée les Phéniciens avaient pris l'avance sur les Grecs, aussi bien sur la côte de Syrie qui était leur propre pays, que par les colonies fondées par leurs grandes villes de ïyr etde Sidon. Ainsi, presque toute la moitié occidentale de la côte sud de la Méditerranée était phénicienne, et l'on y voyait, entre autres, les villes de Carthage et d'Utique. Ils avaient également des colonies dans l'Espagne méridionale, et même au moins une au delà de l'Océan, celle de Gadès, ou Cadix, qui a conservé plus que toute autre ville en Europe le nom et l'importance qu'elle avait à une époque aussi reculée. Toutes ces contrées échappaient donc à la colonisation grecque ; en Sicile et dans l'île de Chypre les Grecs s'implantèrent concurremment avec les Phéniciens, et il y eut une longue lutte entre les colons des deux nations. En Egypte, nous trouvons bien aussi quelques colons grecs, mais aucune colonie dans le sens strict de ce mot, c'est-à-dire aucune trace de républiques grecques vraiment indépendantes. La seule partie du littoral méridional de la Méditerranée qui s'ouvrit à la colonisation grecque était comprise entre l'Égypte et les possessions carthaginoises, et il s'y
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éleva, entre autres, la fameuse Cyrène. Sur la côte méridionale de la Gaule, s'éleva la grande cité ionienne de Massalia ou Marseille, laquelle a conservé jusqu'à nos jours, comme la phénicienne Gadès, son nom et son ancienne prospérité. Elle devint le centre d'un groupe de cités grecques, échelonnées sur la côte méridionale de la Gaule et la côte orien- ■ taie de l'Espagne, et toutes ces villes firent pénétrer quelque peu la civilisation grecque dans ces régions. En dehors de ces colonies situées sur la Méditerranée proprement dite, il y en avait un grand nombre sur les côtes ouest, nord et sud du Pont-Euxin. Nous* en citerons seulement deux qui conservèrent plus que toutes les autres l'influence grecque ; au nord, la ville de Chersonesos, dans la péninsule deChersonèse Taurique qui est maintenant la Crimée, et au sud celle de Trapezous. La première, sous le nom de Chej-son, fut de toutes les républiques indépendantes celle qui dura le plus longtemps, et Trapezous ou Trébizonde devint la capitale d'un empire grec qui survécut à celui de Constantinople. En résumé, nous pouvons dire qu'aux temps les plus renommés de la Grèce européenne, à l'époque des guerres persiques et de la guerre du Péloponnèse, toutes les côtes de la mer Egée appartenaient au monde grec immédiat; en Sicile et dans l'île de Chypre, les colonies grecques avaient à lutter contre les Phéniciens, et en Italie contre les indigènes de ce pays. Marseille dans le nord-ouest, et Cyrène dans le sud, étaient chacune le centre d'un certain nombre d'états grecs, et dans la plus grande partie du Pont-Euxin se trouvaient çà et là des cités grecques. Dans la plupart de ces colonies, les Grecs se mêlèrent dans une certaine mesure aux indigènes, de même que ceux-ci adoptèrent plus ou moins la langue et les coutumes grecques. Nous assistons ainsi à ce que nous pouvons appeler le commencement de la nation grecque artificielle; nation, en effet, tout à fait grecque par la langue et les coutumes, mais non par le sang, et qui a toujours continué d'exister.
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VII
FORMATION DES ROYAUMES DE MACÉDOINE ET D'ÉPIRE.
ALEXANDRE
ET SES
SUCCESSEURS
Philippe et Alexandre en Macédoine (360333 av. J.-C.) I/Épire sons Pyrrhus (395373). — Ce mouvement colonisateur ne devait pas être le seul à favoriser la diffusion de la langue et de la civilisation grecques ; ce résultat fut amené bien plus complètement encore par des événements dont nous allons parler, et qui devaient conduire à la destruction de l'indépendance politique de la Grèce. Nous avons vu qu'au nord de la Grèce, la Macédoine et l'Épire étaient habitées par des peuples de même race que les Grecs. Resserrés entre les barbares, qui les entouraient au nord et à l'ouest, et les cités grecques de la côte, très divisés entre eux, les Macédoniens restèrent bien effacés jusqu'à leur réunion en corps de nation sous leur grand roi Philippe. Celui-ci augmenta considérablement l'étendue de son royaume, aux dépens des Grecs et des barbares, notamment en y ajoutant les péninsules de la Chalcidique. Cependant, malgré la situation prépondérante qu'il avait en Grèce, Philippe n'annexa à la Macédoine aucun des États grecs proprement dits, de sorte que ses victoires n'apportèrent aucune modification à la carte de la Grèce. De même son fils Alexandre, dont la carrière fut plus illustre encore, ainsi que'les rois macédoniens après lui, eurent des garnisons dans certaines villes grecques, et certaines parties de la Grèce, telles que la Thessalie et l'Épire, arrivèrent presque à être vis-à-vis d'eux dans une véritable dépendance ; jamais cependant celles-ci ne furent annexées dans le sens strict de~ce mot. Enfin, les
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conquêtes d'Alexandre en Asie amenèrent la plupart des îles et des villes grecques sous la domination macédonienne, mais quelques-unes, comme la Crète, Rhodes, Byzance, et Héracîée sur l'Euxin, gardèrent leur indépendance1. D'un autre côté, l'unification de l'Épire fut faite par les rois grecs de Molosside, et sous Pyrrhus, qui fit d'Ambracie sa capitale, elle devint un puissant.État. Mentionnons également un petit royaume, du nom à'Athamanie, placé entre l'Épire, la Macédoine et la Thessalie, et dont l'existence commence alors à se révéler, lies Ptolëmées en Egypte. — Les conquêtes d'Alexandre en Asie ne se rapportent à notre sujet que pour la part qu'elles eurent à la formation, dans l'Asie occidentale, d'une série d'États plus ou moins hellénisés, et dont quelques-uns peuvent être placés dans le monde grec d'alors. Le partage de l'empire d'Alexandre, lequel eut lieu après la bataille d'Ipsus (301 av. J.-C), donna YËgypte à Ptolémée, et ce royaume resta à ses descendants jusqu'à la conquête romaine2. La civilisation de la cour égyptienne était grecque, et Alexandrie devint une des cités grecques les plus considérables. Les premiers rois de la dynastie ptolémaïque possédaient en outre diverses îles dans la mer Égée, ainsi que certains points sur la côte d'Asie, et même celle de Thrace, de sorte que les États sous leur domination pouvaient presque figurer au nombre des États grecs proprement dits. Démembrement de l'empire des Séleucides. Formation d'États indépendants dans l'Asie Mineure. — La grande domination qu'Alexandre avait fondée en Asie passa à Séleucus et à ses descendants. Les premiers rois de cette1 dynastie régnaient de la mer Égée jusqu'à l'Hyphasis; mais ce vaste empire, en contact dès l'origine avec des États appartenant à des princes indigènes et à d'autres rois macédoniens, avec des villes grecques indé1. Voir carte 5. % Voir carte 6.
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pendantes, fut complètement brisé au troisième siècle par la révolte des Parthes dans la Perse septentrionale, révolte qui lui enleva toutes ses provinces orientales (environ 256 av. J.-C). Plus tard, la lutte d'Antiochus le Grand contre Rome en détacha également la partie occidentale, et la domination des Séleucides se trouva réduite au royaume local de Syrie, avec le Taurus pour frontière au nord-ouest (191-181 av. J.-C). Ce démembrement de l'empire des Séleucides favorisa l'accroissement des États indépendants qui s'étaient déjà formés dans l'Asie Mineure. Les rois de Pergame notamment virent leurs possessions considérablement augmentées aux dépens d'Antiochus, et leur royaume pouvait être considéré comme un État hellénique à côté de la Macédoine et de l'Épire. Quant aux autres royaumes de l'Asie Mineure, ceux de Bithynie, de Cappadoce, de Paphlagonie, et de Pont où régna le fameux Mithridate, c'étaient des États asiatiques. L'influence hellénique s'étendit, il est vrai, assez loin en Orient, et les rois parthes affectaient même une certaine culture grecque. Dans ceux de ces royaumes qui étaient le plus à l'ouest, il y avait une quantité plus ou moins grande d'éléments tout à fait grecs, et quelques-uns de leurs rois avaient placé leur capitale dans des villes grecques ; néanmoins l'élément asiatique y était bien plus dominant que dans le royaume de Pergame. Il y avait en outre d'autres États originairement grecs, ou du moins considérablement hellénisés, à l'est de la mer Égée. Ainsi, à l'extrémité sud-ouest de l'Asie Mineure, la Lycie, bien qu'elle fût vraisemblablement moins hellénisée que d'autres pays avoisinants, devint un État fédératif sur le modèle des États grecs. Plus loin vers l'est, Séleucie, sur le Tigre, conserva sous la domination des rois de Syrie ou des rois parthes son caractère de colonie grecque, et sa position que l'on peut, en quelque sorte, qualifier de ville libre impériale. En revenant vers l'ouest, nous voyons subsister d'autres États qui étaient encore plus véritablement grecs. Avant d'appartenir au royaume
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de Pont, Héraclée resta longtemps une cité grecque indépendante, tantôt en république, tantôt gouvernée par des tyrans. De même Sinope resta une ville grecque jusqu'à ce qu'elle devînt la capitale du royaume de Pont. Au nord, le royaume du Bosphore continua à rester un État grec.
VIII
GÉOGRAPHIE DES DERNIERS TEMPS DE GRECQUE L'INDÉPENDANCE
État de la Grèce avant la venue des Romains. Ligues Achéenne et Étolienne1. — Les divisions politiques de la Grèce indépendante, avant qu'elle tombât progressivement au pouvoir de Rome, diffèrent presque autant de celles des guerres persiques et de la guerre du Péloponnèse, que celles-ci diffèrent des divisions primitives du catalogue d'Homère. L'état politique de cette époque reposait principalement, comme nous l'avons vu, sur le pouvoir des rois de Macédoine et sur les alliances formées par les différents États grecs en vue d'éviter ou de secouer le joug de ces rois. Il en résulta que la plus grande partie de la Grèce se trouva peu à peu composée de grandes confédérations, dépassant du moins toutes celles qui avaient pu exister jusqu'alors. La plus célèbre de toutes, la ligue de VAchaïe, débuta par l'alliance des anciennes cités achéennes au sud du golfe de Corinthe (280 av. J.-C.) ; petit à petit elle s'étendit à tout le Péloponnèse, ainsi qu'à Mégare et à une ou deux villes éloignées. Ainsi Corinthe, Argos, Élis et même Sparte, au lieu d'être comme par le passé des États distincts, ayant un pouvoir plus ou moins grand sur d'autres cités, devinrent
1. Voir carte 4.
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simplement membres d'un même corps fédératif. De même, dans la Grèce septentrionale, la ligue de YÉlolie accrut considérablement sa puissance et s'étendit bien au delà de ses anciennes limites. L'Acarnanie, la Phocide, la Locride et la Béotie formaient des États fédératifs d'une puissance moindre, et il en était de même de YÉpire, qui, après la délivrance de ses rois, était considérée maintenant comme un État, complètement grec. Les rois de Macédoine occupèrent à différentes époques certaines parties de tous ces États; Corinthe pendant un certain temps, la ïhessalie et l'Eubée pendant une période beaucoup plus longue, furent de véritables provinces de leur royaume. Conquête romaine de la Grèce (£39-146 av. J.-C). — Tel était l'état de la Grèce avant que les Romains commençassent à se mêler des affaires grecques et macédoniennes. Tous ces pays tombèrent alors successivement sous leur pouvoir de la même manière que tous les autres pays méditerranéens. Ainsi, File de Corcyre d'abord, et les villes d'Épidamne et d'Apollonie sur la côte illyrienne, devinrent les alliées de Rome (229 av. J.-C), ce qui était toujours la première étape avant d'arriver à la sujétion. Les Romains apparurent ensuite dans la Grèce proprement dite comme alliés des Étoliens ; mais la paix d'Épire (205 av. J.-C.) ne fit qu'augmenter le territoire qu'ils possédaient en Illyrie, sans leur en donner en Grèce. La seconde guerre macédonienne aboutit pour la Macédoine à la perte de son indépendance et à l'affranchissement de ces parties de la Grèce que les rois macédoniens avaient conquises (200-197 av. J.-C). Les Étoliens s'étant alliés contre Rome avec Antiochus roi de Syrie, perdirent à leur tour leur indépendance (189 av. J.-C). A partir de cette époque Rome ne cesse de s'immiscer dans les affaires des États grecs, et l'on peut presque dire qu'ils sont tombés sous sa dépendance. Après la troisième guerre macédonienne, la Macédoine forma quatre républiques séparées (169 av. J.-C); enfin, après la quatrième guerre elle devint province
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romaine (149 av. J.-C). Vers la même époque, les ligues d'Épire et de Béotie furent dissoutes (146 av. J.-C.) ; la ligue achéenne reconnut l'autorité romaine et fut également dissoute pendant un certain temps. A quelle époque l'Achaïe devint-elle formellement province romaine, cela est assez difficile à préciser; mais à partir de ce moment, toute la Grèce fut en réalité sujette de Rome. Athènes resta nominalement indépendante, ainsi que Rhodes, Byzance, et plusieurs îles et villes éloignées, dont quelques-unes ne furent définitivement incorporées qu'au temps de Vespasien1. En arrivant à la géographie des autres pays qui tombèrent sous la domination romaine,nous apprendrons davantage à connaître de quelle manière Rome agrandit progressivement l'étendue de ses possessions. Mais, il nous a paru juste de commencer par la géographie de la Grèce, et il était difficile de suivre celle-ci jusqu'à l'époque où elle devint province romaine sans dire quelque chose de cette conquête. A partir de l'année 146 av. J.-C, nous pouvons considérer la Grèce et les pays voisins comme entièrement soumis à la domination romaine. Si quelques parties, en effet, ne l'étaient pas officiellement, elles l'étaient réellement, et nous n'aurons à en parler, en tant qu'États distincts, que nombre d'années plus tard, alors que la domination romaine commencera à tomber en pièces. Après avoir ainsi décrit la geograpme de la plus orientale des trois péninsules européennes, jusqu'à l'époque où elle fit partie de la domination qui s'étendait" sur tous les pays situés autour de la Méditerranée, nous allons passer à la péninsule centrale qui devint le centre de cette domination, à la péninsule qui a reçu le nom d'Italie. La Grèce et les pays voisins sont, de toute l'Europe, les seuls qui aient eu une histoire indépendante et antérieure à celle de Rome ; c'est
1. Cela est vrai d'une façon générale. Néanmoins, un assez grand nombre de cités grecques, tout en étant réellement sujettes de l'Empire, ne furent incorporées que bien plus tard encore, peut-être même ne le furent jamais formellement. (Note de l'auteur.)
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pourquoi il sera préférable de ne parler des autres pays qui devaient faire partie de l'empire romain que dans leurs rapports avec l'Italie, et, autant que possible, dans l'ordre où ils furent soumis à la puissance romaine.
�CHAPITRE II
FORMATION DE L'EMPIRE ROMAIN1
Étendue de l'Italie ancienne jusqu'à Auguste. Caractères géographiques de la péninsule.
— Le nom d'Italie, qui sert à désigner la seconde des trois péninsules méridionales, n'a pas toujours reçu la même signification, mais il s'est toujours appliqué à la totalité ou à une partie de cette péninsule. De l'extrême sud, en effet, il s'est étendu progressivement jusqu'au nord2. A l'époque où commence notre travail, ce résultat était encore loin d'être atteint. Tant que dura la république romaine, l'Italie ne s'étendait pas au delà des deux petites rivières : le Rubicon et la Macra. Elle finissait ainsi au nord près d'Ariminium, et au sud près de Luna, et ce n'est qu'après César que nous la voyons comprendre tout l'espace qui s'étend jusqu'aux Alpes. Cette grande chaîne de montagnes constitue d'ailleurs la limite naturelle qui sépare la pénin1. Voir la carte 7 jusqu'à la section m, ensuite les cartes 8 à 11. 3. Nous verrons qu'à une époque assez ancienne, le nom d'Italie reçut deux acceptions, qui désignaient ainsi la partie septentrionale du pays que l'on entend généralement par ce mot. Dans l'un et l'autre cas c'était une signification purement politique et technique, qui ne devint jamais d'un usage général en ce sens. (Mote de l'auteur.)
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suie de la grande masse de l'Europe centrale; de sorte qu'en prenant les choses au point de vue géographique, nous pouvons appeler Italie la région tout entière qui s'étend jusqu'aux Alpes. On voit immédiatement que cette péninsule, toute longue et étroite qu'elle est, n'est en aucune façon, comme la péninsule grecque, découpée en -une série de promontoires et de presqu'îles secondaires. Ce caractère de la côte grecque n'apparaît, et bien faiblement encore, qu'à l'extrémité sud de l'Italie, où la péninsule en effet se divise en deux autres plus petites ; tout près se trouve la grande île de Sicile, dont l'histoire a toujours été étroitement liée avec celle de l'Italie, tandis qu'assez loin vers l'ouest, nous trouvons deux autres grandes îles, la Corse et la Sardaigne, qui, dans le principe, n'étaient aucunement rattachées à l'Italie. Il y a encore le long de la côte italienne quelques autres petites îles, telles que l'île d'Elbe; mais elles sont toutes très éloignées les unes des autres, et elles n'offrent aucun caractère géographique bien marqué. Il n'y a rien qui rappelle cette infinité d'îles de toutes dimensions de la mer Égée, rien même qui ressemble au groupe insulaire situé à l'ouest des côtes de la Grèce. Semblables à une arête s'étendant d'un bout à l'autre de la péninsule, les Apennins se détachent des Alpes au nord-ouest de l'Italie, et vont finir à l'extrémité de la botte, nom qui a été donné à la péninsule à cause de sa forme. Il résulte de cela que, s'il était dans la destinée de l'Italie de devenir maîtresse du monde, ses habitants cependant ne devaient paraître sur la scène qu'après les Grecs, dont ils ne pouvaient avoir les habitudes maritimes et les aptitudes colonisatrices.
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I
ANCIENNES POPULATIONS DE L'ITALIE ET DE LA SICILE
Ligures et Étrusques. — Nous avons, à certains égards, des renseignements plus précis pour l'Italie que pour la Grèce sur les peuples qui avaient précédé dans ces péninsules l'émigration aryenne. Sur la côte de Ligurie, cette bande de terre qui s'étend à l'est et à l'ouest de la ville de Gênes et n'était pas considérée anciennement comme appartenant à l'Italie, nous trouvons un peuple qui semble n'avoir pas été de race aryenne, mais avoir appartenu au contraire à une race qui s'était répandue à travers la Sicile et l'Italie avant les Aryens. Ce peuple, en outre, était probablement parent avec les habitants non aryens de l'Espagne et de la Gaule méridionale, actuellement représentés par le petit groupe des Basques. Dans les temps historiques, une grande partie de l'Italie était occupée par les Étrusques, peuple dont l'origine et la langue ont été l'objet de nombreuses hypothèses, mais sur lesquelles on n'a encore découvert rien de vraiment certain. Nous voyons qu'ils formaient à l'ouest des Apennins, entre la Macra et le Tibre, une confédération de douze villes; mais dans les temps primitifs tout porte à croire qu'ils occupaient un plus grand espace, et'qu'ils arrivaient au nord jusqu'au Fô, et au sud jusque dans la Campanie. S'il est bien vrai qu'ils n'appartenaient pas à la race aryenne, l'Italie serait, avec l'Espagne, le pays de toute l'Europe où des éléments n'appartenant pas à cette race auraient été les plus nombreux. Les Italiens proprement dits, Latins et Osques. — Mais, quoi qu'il en soit des Étrusques, le reste de l'Italie, dans l'ancien sens de ce mot, était occupé par
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différentes branches d'une race aryenne presque apparentée avec les Grecs, et embrassant la totalité de ce que nous pouvons appeler les Italiens. Cette race se subdivisait en deux branches principales. L'une d'elles, sous des noms différents, semble avoir occupé toute la côte sud-ouest de l'Italie, et s'être répandue jusqu'en Sicile. Quelques-unes des tribus de cette branche semblent avoir été aussi rapprochées des Grecs que les Épirotes et les autres nations parentes échelonnées le long de la côte orientale de l'Adriatique. C'est à cette branche de la race italienne qu'appartenait le peuple le plus fameux de l'Italie, les Latins; et ce fut la plus grande cité latine, la ville frontière des Latins contre les Étrusques, la ville de Rome sur le Tibre, qui devint peu à. peu maîtresse du Latium, de l'Italie et du monde méditerranéen. L'autre branche, qui occupait une partie bien plus considérable de la péninsule, comprenait les Sabins, les Èques, les Volsques, les Samnites, les Lucaniens et autres peuples qui jouent un grand rôle dans l'histoire romaine, et auxquels on peut donner le nom général d'Opiques ou Osques, pour les distinguer des Latins et des autres tribus parentes. Toutes ces tribus cantonnées sur la côte italienne de l'Adriatique paraissent avoir exercé une pression constante sur les tribus du sud-ouest, et avoir considérablement étendu leurs frontières à leurs dépens. lapygiens, Gaulois et Vénètes. — Mais une partie de l'Italie, dans son sens primitif, était habitée par d'autres peuples que ceux que nous avons désignés sous la dénomination générale d'Italiens. Dans le talon de la botte il y avait les lapygiens, peuple dont l'origine n'est pas bien connue, mais qui semble en tous cas avoir montré une grande facilité à s'approprier le langage et les mœurs des Grecs. Si nous prenons l'Italie dans son sens moderne, nous voyons qu'au nord, dans toute cette partie qui n'était pas alors considérée comme lui appartenant, il y avait les Gaulois, peuple d'origine celtique, de même nature que les Gaulois établis au delà des Alpes ; ce qui fit donner au
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pays qu'ils habitaient le nom de Gaule cisalpine, ou Gaule de ce côté des Alpes. On les trouvait sur les deux rives du Pô, et, à une époque tout à fait ancienne, tout porte à croire qu'ils s'étendaient jusqu'à Ancône. A l'extrémité nord-ouest de l'Italie, il y avait un autre peuple, les Vénètes, probablement d'origine illyrienne, et. dont le nom se transmit -longtemps après à la ville de Venise. Mais pendant toute la période dont nous nous occupons actuellement, il n'y eut jamais de cité de ce nom, et le mot de Vénétie ne servit jamais à désigner autre chose qu'un pays. Colonies grecques en Italie. — Nous pouvons considérer toutes ces nations comme celles qui habitaient primitivement l'Italie; c'est-à-dire qu'elles étaient là avant l'époque où nous commençons à rencontrer quelques documents contemporains1. Mais en dehors de ces nations primitives, il y avait dans une partie de l'Italie, ainsi que dans l'île de Sicile, de nombreuses colonies grecques. Plusieurs cités italiennes prétendaient avoir été anciennement des colonies grecques, mais sans pouvoir invoquer à l'appui de cette prétention des preuves bien sérieuses; il n'y a cependant aucune raison de supposer que Kymê ou Cumes sur la côte occidentale, de l'Italie, et Ankôn ou Ancona sur l'Adriatique, ne fussent pas des colonies grecques isolées, bien éloignées des autres établissements grecs. Malgré cet éloignement, Cumes n'en passe pas moins pour la plus ancienne colonie grecque de l'Italie. Mais c'est principalement dans les autres petites péninsules qui terminent au sud la grande presqu'île italienne, que les Grecs vinrent s'établir. C'est là, comme nous l'avons déjà dit, dans le talon et la semelle de la botte, que les Grecs devaient trouver des côtes offrant le
1. On pourrait penser qu'il faille faire exception pour les Gaulois cisalpins, car l'histoire romaine nous les représente généralement comme venus de la Gaule transalpine, et ayant traversé les Alpes à une époque qui est presque celle où les documents contemporains ont déjà commencé. Mais c'est là un point qui n'offre aucune certitude réelle; et il semble tout aussi vraisemblable que les établissements gaulois sur le versant italien des Alpes étaient aussi anciens que ceux de l'autre versant. (Note de l'auteur.) 4
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plus d'analogie avec celles de leur pays, et ils y fondèrent de nombreuses cités qui étaient échelonnées depuis la pointe méridionale presque jusqu'à Cumes. De même que les villes grecques de l'Asie, les Grecs d'Italie arrivèrent à l'apogée de leur grandeur avant les habitants de la Grèce proprement dite. Au sixième siècle avant Jésus-Christ, quelques-unes de ces colonies grecques en Italie, telles que Taras ou Tarenium, Krotôn ou Crotona, Sybaris et autres, étaient au nombre des plus grandes cités portant un nom grec. Mais lorsque les peuplades italiennes furent devenues plus fortes, les villes grecques perdirent peu à peu leur puissance, et la plupart d'entre elles, entre autres Cumes, finirent par tomber au pouvoir des Italiens et par perdre plus ou moins complètement leur caractère grec. D'autres ne cessèrent d'être grecques qu'après avoir passé sous la sujétion de Rome, et la langue ainsi que les coutumes de la Grèce ne disparurent tout à fait de l'Italie méridionale que plusieurs siècles après l'ère chrétienne. Anciennes populations de la Sicile.—: Colonies grecques et phéniciennes. — La géographie et l'histoire de la grande île de Sicile, presque contiguë à la pointe méridionale de l'Italie, ne peuvent guère être séparées de celles de l'Italie. L'Italie et la Sicile, en effet, étaient occupées dans presque toute leur étendue par des peuples de même nafure. Les Sicaniens, dans la partie occidentale de l'île, peuvent avec quelque vraisemblance être assimilés aux Ligures et aux Basques; mais les Sicules, qui donnèrent leur nom à l'île et furent principalement en contact avec les Grecs, doivent être manifestement rattachés aux Italiens ; parmi ceux-ci, les Latins étaient ceux dont ils se rapprochaient le plus. Les Phéniciens de Cartilage fondèrent quel-, ques colonies dans le nord et dans l'ouest de l'île; la plus importante, que les Grecs appelaient Panormos, devait devenir la capitale moderne de l'île, Palerme. De nombreuses cités grecques, qui paraissent avoir été fondées du huitième au sixième siècle avant Jésus-Christ, étaient échelonnées
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le long des côtés ouest et sud du triangle, et quelques-unes, principalement Syracuse et Akragas ou Agrigente, comptaient parmi les cités grecques les plus importantes ; elles contribuèrent à répandre sur toute la surface de l'île la langue et les mœurs de la Grèce, de sorte que la Sicile finit par être considérée comme un pays absolument grec. Pendant plusieurs siècles, son histoire est celle de la lutte soutenue par les villes grecques contre Carthage pour la domination de l'île. En réalité, c'était une lutte entre la race aryenne et la race sémitique, et nous verrons que plusieurs siècles après, la même lutte se renouvela sur le même théâtre.
II
EXTENSION DE LA DOMINATION ROMAINE EN ITALIE
Différentes situations des villes italiennes sous la domination romaine. Origine latine de Rome. — L'histoire de l'Italie ancienne est, aussi haut que nous puissions remonter, l'histoire de la conquête progressive de tout un pays par une des villes qui en faisaient partie. Les changements qui se produisirent dans sa géographie politique eurent principalement pour cause l'extension de la domination romaine sur toute la péninsule. Mais, par suite de la forme que prirent les conquêtes de Rome, elles n'eurent pas sur la carte un effet aussi radical qu'on aurait pu le supposer. En effet, les villes et les districts de l'Italie, après avoir été conquis successivement, subsistaient généralement comme états séparés, ayant vis-à-vis de Rome la situation d'alliés dépendants, situation de laquelle la plupart d'entre eux sortirent peu à peu, jusqu'à obtenir les
�FORMATION DE I/EMMRE ROMAIN. droits de cité romaine. Une ville italienne pouvait être une alliée dépendante de Rome; elle pouvait être une colonie romaine avec la pleine franchise ou la franchise latine qui était d'ordre inférieur, ou bien encore faire partie d'une tribu romaine. Tout cela constituait à la vérité des différences politiques très importantes, mais qui ne changeaient pas sensiblement la face des choses sur la carte. De tous les changements vraiment géographiques, le plus important remonte aux premiers jours de Rome, lorsque des mouvements assez considérables se produisirent parmi les différentes races de l'Italie. Rome s'éleva en un point où les trois races, latine, osque et étrusque se touchaient, et cela grâce à l'union qui se fit entre les Latins et les Osques. C'est en effet la réunion de deux tribus latines et d'une tribu sabine qui semble avoir donné naissance à la ville de Rome; mais tout montre que cet élément sabin finit par être complètement latinisé, et Rome doit être considérée comme une ville latine, la plus grande, quoique vraisemblablement la plus jeune, de toutes les cités du Latium. Conquête progressive de l'Italie ancienne par Rome (396-365 av. J.-C). — Rome, plantée sur une frontière, s'éleva au-dessus des autres villes comme cela arrive souvent en pareil cas. Le premier document authentique que nous ayons sur l'ancienne république, nous montre Rome imposant son autorité à tout le Latium. Tout fait supposer que cette puissance fut perdue pour elle après l'expulsion des rois, et qu'une partie de son territoire sur la rive droite du Tibre devint la propriété des Étrusques. En effet, Rome n'apparaît plus alors comme la maîtresse du Latium, mais comme simple membre d'une triple ligue dont faisaient partie, avec des titres égaux, les Latins groupés ensemble et les Herniques. Cette ligue était constamment en guerre avec ses voisins de race osque, les Èques et les Volsques^ qui s'emparèrent de la plupart des villes latines. Mais le progrès le plus important que fit alors la domi-
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nation romaine fut réalisé sur la rive droite du Tibre, par la prise de la ville étrusque de Veies (596 av. J.-C). Cinquante ans plus tard (343 av. J.-C), Rome commença à s'engager dans des guerres plus lointaines ; et dans les quatre-vingts années qui suivirent, on peut dire que l'Italie, dans ses limites anciennes, passa peu à peu sous la domination romaine. L'Italie jusqu'à l'incorporation des États italiens (265-89 av. JT.-C). — Cette domination n'avait pas partout la même forme; ainsi les districts voisins, latins ou autres, avaient été admis à la cité; des colonies romaines et latines furent fondées en différents endroits, tandis que les villes anciennes, étrusques, samnites, grecques, ou autres, restaient toujours comme alliées dépendantes de Rome. Devenue ainsi maîtresse de l'Italie, Rome chercha à étendre plus loin sa puissance ; mais tous les États italiens restèrent vis-à-vis d'elle dans la situation qui leur avait été faite jusque-là. Ce n'est qu'après la guerre sociale ou marsique (90 av. J.-C.) qu'ils reçurent tous la franchise romaine. Il faut en excepter les Samnites, qui furent, on peut le dire, complètement exterminés dans les guerres de Sylla.
III
LA DOMINATION ROMAINE ANCIENNE. EN DEHORS DE L'ITALIE
LES PROVINCES OCCIDENTALES
Caractères des provinces romaines. — Ce fut lorsque Rome commença à s'étendre en dehors de l'Italie, qu'un grand changement se produisit dans sa politique, et par suite dans la géographie de l'Europe. Tout autres que ses rapports avec les États italiens, étaient ceux qui l'unissaient à ses nouvelles possessions. Celles-ci étaient divisées
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en provinces placées chacune sous l'autorité d'un gouver neur romain, chose qui n'eut pas lieu en Italie pour les alliés dépendants. Il sera bon cependant de remarquer que, tout en attribuant au mot province une signification géographique bien réelle, il pouvait se faire que la province contînt dans ses limites des villes dont la situation, vis-à-vis de Rome, était celle d'alliés véritables ou dépendants. 11 pouvait y avoir également dans leurs limites des colonies romaines ou latines, soit qu'elles dussent leur origine à une colonisation véritable, ou que ce fussent des villes élevées à la franchise latine ou romaine. Tout cela constituait des distinctions très importantes dans l'organisation intérieure des différents États ; mais l'on peut dire qu'en réalité chacun d'eux faisait partie dans toute son étendue de la domination romaine. Aussi pouvons-nous, dans un tableau géographique comme celui-ci, nous contenter de marquer l'étendue des différentes provinces, sans nous occuper de leurs divisions politiques, ou, pour parler plus justement, municipales ; si ce n'est cependant, dans un petit nombre de cas où celles-ci ont une importance toute spéciale. Les provinces sont donc les possessions extérieures de Rome, et elles se divisent en deux, ou plutôt en trois catégories. Il y avait les provinces de l'Ouest, dans lesquelles les Romains eurent principalement à lutter contre des nations beaucoup moins civilisées qu'eux-mêmes, et qui devaient adopter progressivement la langue et les mœurs de leurs conquérants. Il y avait les provinces situées à l'est de l'Adriatique, où la civilisation grecque, fort avancée, devait se maintenir malgré la conquête romaine. Quant à ces provinces éloignées où la civilisation grecque n'avait été qu'un simple vernis, la grande masse du peuple conservait toujours les coutumes et la langue qui étaient en usage avant la conquête macédonienne; c'est-à-dire que la langue et la civilisation latines devaient y faire peu de, progrès. Les conquêtes romaines s'étendirent en même temps sur les deux
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rives de l'Adriatique, mais ce fut à l'ouest qu'elles commencèrent. La première province romaine forme donc une sorte de classe intermédiaire entre celles de l'est et celles de l'ouest. Province de Sicile (132 av. J.-C.). Villes libres et alliées. — Cette première province romaine fat formée par la grande île de Sicile, qui appartient à l'Europe occidentale par sa situation géographique, et à l'Europe orientale si l'on tient compte de ce fait que la langue grecque y était prédominante. La domination romaine, commencée en Sicile après la première guerre punique, enleva à Carthage les possessions qu'elle avait dans l'île (241 av. J.-C). Hiéron de Syracuse qui s'était dans cette guerre déclaré pour Rome, conserva son royaume, lequel ne fut traité en pays conquis qu'après la seconde guerre punique, où Syracuse s'était tournée contre Rome ('212 av. J.-C). Quatre-vingts ans plus tard, la condition de la Sicile sous la domination romaine se trouva définitivement établie (132 av. J.-C), et on la peut prendre comme type de la variété infinie de relations qui unissaient les districts et villes de chaque province de la république. La plus grande partie de l'île était purement et simplement sujette; la terre était considérée comme ayant été confisquée au profit du peuple romain, et les indigènes ne l'occupaient que moyennant le payement d'un tribut. Quelques cités par contre étaient regardées comme libres, et possédaient en toute propriété leur territoire ; d'autres étaient regardées comme des alliées du peuple romain nominalement indépendantes. D'autres cités furent admises dans la suite à jouir de la franchise latine; d'autres reçurent des colonies romaines ou latines, et parmi les villes siciliennes, il en est une, Messine, qui bénéficia complètement des droits de la cité romaine. D'ailleurs, une telle diversité de relations n'existait pas seulement en Sicile, mais se reproduisait dans toutes les provinces. A l'époque de la conquête, la Sicile était considérée comme un pays absolument grec. Les Sicules et autres habi-
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tants de l'île avaient adopté complètement la langue et les .coutumes de la Grèce; et rien sous ce rapport ne devait être changé pendant des siècles, jusqu'au jour où la Sicile devait devenir, comme au temps des colonies grecques et phéniciennes, un champ de bataille entre la race aryenne et la race sémitique, c'est-à-dire jusqu'à l'époque des conquêtes mahométanes.; Sardaigne et Corse (338 av. J.-C). —Les deux grandes îles de Sardaigne et de Corse semblent tout aussi naturellement dépendre de l'Italie que la Sicile ; leur histoire cependant est bien différente, et le rôle qu'elles ont joué dans les annales du monde presque nul. Peuplées originairement par une race qui paraît se rapprocher beaucoup des éléments non-aryens de l'Espagne et de la Sicile, elles ne furent que très faiblement influencées par la colonisation grecque. Tombées sous la dépendance de Carthage, elles passèrent ensuite soùs celle de Rome, sans pour cela que leur condition fût notablement changée. C'est dans l'intervalle qui sépare les deux premières guerres puniques qu'elles formèrent une province romaine, laquelle resta toujours parmi les moins importantes. Réunion de la Gaule cisalpine à l'Italie (382-43 av. J.-C). — Pour être une domination vraiment italienne, il fallait que la puissance romaine arrivât jusqu'aux Alpes. La conquête de la Gaule cisalpine, cependant, ne peut être séparée de la conquête générale de l'Europe occidentale. La conquête de la Gaule et de l'Espagne, en répandant graduellement sur ces deux pays la langue et la civilisation latines, amena la formation de deux des principales nations et langues de l'Europe moderne. Mais, c'était là la continuation d'un ordre de choses qui avait déjà commencé au delà des Alpes, dans les limites de ce que nous pouvons maintenant appeler l'Italie. La Gaule cisalpine était une conquête étrangère, aussi réellement que l'Espagne ou la-Gaule transalpine; sauf toutefois que, par sa position géographique, elle fut plus aisément conquise que ces deux
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autres pays, et plus complètement incorporée. C'est après la fin des guerres avec les Samnites que les conquêtes romaines commencent à prendre cette nouvelle direction. La colonie de Sena-Gallica, actuellement Sinigaglia, fut fondée (282 avant J.-C.) en pays gaulois, et elle fut suivie de la fondation d''Ariminium ou Rimini. Les armées romaines parurent au delà du Pô à une époque qui se place entre la première et la seconde guerre punique; après la seconde guerre punique, la Gaule cisalpine fut complètement conquise (201-191 av. J.-C), et de nombreuses colonies romaines et latines vinrent en assurer la possession. Les franchises romaine et latine furent éteûdues successivement à presque toute la contrée, et finalement la Gaule cisalpine fut formellement incorporée à l'Italie (43 av. J.-C). Ugurie, Vénétie, Istrie incorporées à l'Italie sous Auguste. — A cette conquête de la Gaule cisalpine il faut en rattacher une autre qui fit passer sous la domination romaine des pays qui ne faisaient pas non plus originairement partie de l'Italie : la Ligurie au sud-ouest de la Cisalpine, et la Vénétie au nord-est. Ces pays conservèrent leur indépendance plus longtemps que la Gaule cisalpine; mais sous Auguste, ils se trouvaient avec la péninsule d'/strie faire tous partie de l'Italie, et c'est à l'époque des premières conquêtes dans cette région que se place la fondation de la grande colonie à'Arjuilée, destinée à y assurer la domination romaine (183 avant J.-C). Nous voyons ainsi que non seulement Venise, mais encore Milan, Pavie, Vérone, Ilavenne et Gênes, c'est-à-dire toutes villes qui devaient jouer un rôle si considérable dans l'histoire postérieure de l'Italie, s'élevèrent sur un sol qui, dans le principe, ne faisait pas partie de l'Italie. D'autre part, nous voyons que l'Italie avec les limites qui lui furent données par Auguste, s'étendait bien plus loin dans la direction du nord-est que le royaume d'Italie actuel. L'Espagne et la Gaule avant la domination romaine. — En s'étendant jusqu'aux Alpes, Rome ne
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faisait certainement qu'assurer sa domination, et il est impossible de ne pas voir dans les trois grandes îles le complément naturel d'un empire embrassant toute l'Italie. Lorsqu'elle commença à s'étendre au delà de ses frontières naturelles, ce fut dans l'Europe occidentale, par la couquête de l'Espagne qui précéda celle de la Gaule transalpine. L'Espagne et la Gaule, en entendant ces noms clans leur signification géographique, ont beaucoup de points communs. Nous voyons sur les frontières des deux pays un petit noyau d'habitants n'appartenant pas à la race aryenne, et représentant les anciens Ibères, habitants primitifs de ces contrées. A l'époque où commence la période historique, on les trouvait en Gaule jusqu'à la Garonne, tandis que les Celles formant l'avant-garde de l'émigration aryenne avaient déjà fait irruption en Gaule et en Espagne, et même la plus grande partie de la Gaule était occupée par eux. En outre, si nous considérons les côtes méditerranéennes de l'Espagne et de la Gaule, nous voyons qu'elles se reliaient par une série continue de colonies grecques, à la tête desquelles se trouvait Massalia ou Marseille. En dehors de l'élément non-aryen primitif nous pouvons aussi constater la présence d'un second élément non-aryen, postérieur à l'émigration aryenne, et représenté dans l'Espagne méridionale par plusieurs colonies phéniciennes ; la principale était Gadès ou Cadix, située au delà des colonnes d'Hercule, et seule grande ville phénicienne sur l'Océan. D'un autre côté, entre la première et la seconde guerre punique, les Carthaginois fondèrent une colonie importante en Espagne, et la Nouvelle Carthage ou Carthagène en devint la capitale. Conquête de l'Espagne. (318-19 av. J.-C). —■ Ce fut cette extension de la domination carthaginoise en Espagne qui amena pour la première fois les armées romaines dans la péninsule. La prise de Sagonte, alliée de Rome, par Annibal (219 av. J.-C), donna naissance à la seconde guerre punique, qui se termina par la victoire de Zama (218-202 av. J.-C). Les possessions carthaginoises en
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Espagne devinrent province romaine, tandis que Gadès recevait la faveur d'une alliance avec Rome, en attendant qu'elle fût admise à bénéficier pleinement de la franchise romaine (49 avant J.-C). La conquête du pays continua, et, après la prise de Numance (155 av. J.-C), toute l'Espagne, excepté les tribus éloignées du nord-ouest, appartint aux Romains. Ces tribus, Gantabres et peuples voisins, ne furent complètement subjuguées que sous Auguste (19 av. J.-C); mais longtemps avant cette époque, la langue et la civilisation latines s'étaient répandues par tout le pays. Toute l'Espagne méridionale, au temps d'Auguste, était complètement romanisée, sauf un petit district confinant aux Pyrénées, lequel conserva la langue primitive comme il l'a toujours conservée depuis. Première province de Gaule transalpine (135-58 av. J.-C). — Ainsi, par suite de ses rapports avec Cartilage, la conquête de l'Espagne fut commencée alors qu'une grande partie de la Cisalpine était encore à soumettre; et cette conquête était déjà tout à fait assurée, que les armées romaines n'avaient même pas encore pénétré dans la Gaule transalpine. La première colonie romaine d'Aquce Seztiœ, actuellement Aix, ne date que de onze ans après la chute de Numance (122 av. J.-C). Venus là comme alliés de la ville grecque de Marseille, les Romains, suivant leur habitude, en arrivèrent bientôt à faire des conquêtes pour leur compte, et une province comprenant les colonies de Narbonne et de Toulouse fut ainsi formée (125-105 av. J.-C.) dans le sud-est de la Gaule Transalpine. La domination romaine resta longtemps stationnaire dans cette région, sans doute à cause des invasions des Cimbres et des Teutons ; mais les Romains profitèrent de ce long délai pour rendre leur établissement plus solide. De fait, cette partie de la Gaule fut de très bonne heure complètement romanisée, et le nom de Provence, qui est toujours celui d'une certaine étendue de cette région, rappelle à notre souvenir que ce fut la première province romaine au delà des Alpes. Quant au
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reste de la Gaule, sa situation ne fut pas modifiée avant les grandes campagnes de César, Conquête de toute la Gaule transalpine par César (58-51 av. J.-C). — C'est à César, ethnologiste aussi bien que conquérant, que nous devons nos principales connaissances sur la Gaule d'alors. La Gaule transalpine a, comme division géographique, des frontières bien marquées dans la Méditerranée, les Alpes, le Rhin, l'Océan et les Pyrénées. Néanmoins, cette division géographique n'a jamais répondu à quelque race ou quelque langue distincte. La Gaule, au temps de César, c'est-à-dire la partie de la Gaule qui se trouvait en dehors de la province romaine, comprenait trois divisions ; l'Aquitaine au sud-ouest, la Gaule celtique au centre, et la Gaule belgique au nord-est. L'Aquitaine, qui s'étendait au nord jusqu'à la Garonne,— et au temps d'Auguste cette limite fut portée jusqu'à laLoirc, — était habitée par des Ibères de même race que ceux qui étaient de l'autre côté des Pyrénées. La Gaule celtique, qui s'étendait depuis la Loire jusqu'à la Seine et à la Marne, avait reçu ce nom à cause de la prédominance accentuée de la race celtique, et c'est là qu'il faut placer le berceau de la nation française moderne. Dans la Gaule belgique, parmi les tribus de l'est les plus rapprochées du Rhin, quelques-unes étaient tout à fait germanisées, d'autres avaient subi dans une large proportion l'influence germanique, ou contenaient même déjà des éléments germains. 11 n'y eut jamais, en réalité, d'autre unité en Gaule que celle qui fut l'œuvre de la conquête romaine. 11 fallut sept années à César pour la mener à bonne fin, et l'œuvre d'assimilation commença immédiatement. Si l'on excepte le basque et le breton, qui purent se se maintenir l'un et l'autre dans un petit espace, tous les idiomes indigènes firent successivement place à la langue romaine; cependant, dans une grande partie de la Gaule belgique, les invasions des Germains eurent pour résultat j-^de-faire reparaître la langue germanique. 11 n'y a pas de provinçe romaine où la géographie ancienne ait eu par la
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suite autant d'influence. Dans la Gaule méridionale, la plupart des cités gardent encore leurs anciens noms avec de bien petites modifications, par exemple Tolosa qui est devenue Toulouse; mais dans la Gaule septentrionale, il est arrivé fréquemment qu'elles ont pris le nom des tribus dont elles étaient les villes principales ; nous citerons dans ce cas Paris, dont le nom ancien était LutetiaParisiorum. Provinces d'Afrique (146-49 av. J.-C). — Les pays que nous venons ainsi de parcourir, Gaule cisalpine, Ligurie, Vénétie, Espagne et Gaule transalpine, forment une division bien marquée dans la géographie historique, car c'est la partie de l'Europe occidentale qui fut conquise au temps de la république romaine, et celle qui a conservé le plus intégralement jusqu'à nos jours l'influence de la langue latine. Mais il s'en faut que ces pays soient les seuls où les Romains implantèrent leur langue, au moins pendant un certain temps. L'ile de Bretagne ne fut conquise que sous l'Empire; mais il est une autre conquête de la république en dehors de l'Europe, qui peut être rattachée à cette partie occidentale de la domination romaine où la langue latine s'implanta. Nous voulons parler de cette partie de l'Afrique qui devint province romaine après la destruction de Cartilage, et qui comprenait les possessions immédiates de cette ville rivale (146 av. J.-C). Lorsque l'État voisin de Nvmidie, après avoir passé comme Carthage par un état intermédiaire de dépendance, devint à son tour sous César (49 av. J.-C), province romaine, il reçut le nom de Nouvelle Afrique, tandis que l'ancienne province africaine prenait celui de Vieille Afrique. César releva la ville de Carthage, qui devint, après Rome, celle de toutes les villes de l'empire où régnait avec le plus d'éclat la langue latine. Malgré cela l'Afrique, comme la Bretagne, ne fut jamais romanisée comme la Gaule et l'Espagne. La langue et la législation romaines furent arrachées de ces deux pays par l'invasion des Sarrasins d'une part, des Anglo-Saxons de l'autre. La bande de territoire fertile qui s'étend entre la mer d'un côté, les
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montagnes et le grand désert de l'antre, fut civilisée tour à tour par les Phéniciens et les Romains, mais l'action de celte double civilisation ne porta jamais les fruits que la Gaule et l'Espagne tirèrent de la civilisation romaine.
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LES PROVINCES ORIENTALES
Contraste entre les provinces orientales et occidentales. — On peut considérer la mer Adriatique comme la limite approximative des parties orientale et occidentale- de la domination romaine. Nous avons vu que dans l'ouest, en même temps qu'ils étaient conquérants, les Romains imposèrent également leur langue, leurs lois, leurs coutumes, en un mot leur civilisation. Les Ibères et les Celtes se firent aux mœurs romaines, ainsi que les villes grecques et phéniciennes isolées, telles que Marseille et Gadès. A l'est de l'Adriatique, les choses se passèrent tout autrement. Les conquêtes des rois macédoniens avaient donné partout une prépondérance marquée à la langue et à la civilisation grecques. Le grec était partout la langue policée et littéraire ; enfin nulle part la civilisation grecque n'était absente, assez du moins pour contre-balanc'er l'influence latine. La Sicile et l'Italie méridionale sont en effet les seuls pays où la langue grecque ait complètement disparu pour faire place à la langue latine ou à quelqu'une de ses dérivées. Jamais aucune des provinces orientales de l'empire romain n'est devenue romaine au même titre que la Gaule et l'Espagne. Différences entre les provinces orientales. — Tous les pays situés à l'est de l'Adriatique peuvent donc être appelés pays de langue grecque, par opposition à tous
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ceux de l'ouest, où la langue latine était la langue dominante. Mais entre tous ces pays de langue grecque, il y a des distinctions assez importantes à établir. On trouvait en première ligne la Grèce proprement dite avec ses colonies et les pays qui, comme YÉjrirje, étaient devenus complètement grecs. Il y avait ensuite des royaumes, tels que ceux de Macédoine en Europe, et de Pergame en Asie, qui avaient adopté la langue et la civilisation grecques, sans jamais cependant avoir appartenu politiquement, comme l'Épire, à la Grèce. Troisièmement, il y avait un certain nombre d'États indigènes, tels que la Bithynie, dont les rois essayèrent également de se façonner aux usages des Grecs, sans pouvoir naturellement y réussir comme les rois de Macédoine et de Pergame. Quatrièmement, au delà du mont Taurus, les royaumes de Syrie et à'Égypte, gouvernés par des rois macédoniens comprenaient de grandes cités grecques ou macédoniennes telles qu'Antioche et Alexandrie ; mais l'influence de la Grèce d'abord, et de Rome ensuite, ne put jamais effacer complètement toute trace d'une civilisation encore plus ancienne, ni faire disparaître les langues indigènes de ces pays. Nous verrons, en poursuivant, que le Taurus constitue une grande frontière historique. Tous les pays situés en deçà finirent par adopter définitivement la langue grecque et la législation romaine, tandis qu'au delà, les éléments grecs et romains, tout à fait superficiels, disparurent complètement, comme en Afrique, devant l'invasion des Sarrasins1. De tous ces pays situés à l'est de l'Adriatique, nous allons maintenant parcourir ceux qui devinrent provinces romaines pendant la durée de la république romaine. Conquête de l'HIyrie et de la Dalmatie (229 à 34 av. J.-C). — Entre ces deux parties, latine et
1. Er. examinant l'histoire de plus près, on voit que l'Afrique aux Sarrasins plus longtemps que la Syrie et l'Égypte. Mais, en concerne, nous pouvons très bien les réunir pour les opposer à en Europe et en Asie, restèrent toujours romains ou grecs. (Note latine résista ce qui nous ces pays qui, de l'auteur.)
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grecque, de l'empire romain, il y avait un pays tenant à la fois de l'une, et de l'autre, et que peuplait la grande race illyrienne. Le sud de l'HIyrie subit l'influence grecque, et ce fut à propos de l'HIyrie que Rome fut conduite à se mêler des affaires de la Grèce. Le mot d'Illyrie a toujours eu en tout temps une signification assez vague ; mais celle-ci devient tout de suite beaucoup plus précise, si l'on s'en sert pour désigner un royaume dont la capitale était Scodra, et qui, dans la seconde moitié du troisième siècle, fut un voisin assez dangereux pour les villes et les îles grecques de la côte. Ce royaume fut engagé dans la troisième guerre macédonienne, et vers la même (ipoque il cessa d'exister (168 av. J.-C.) ; comme il arrive très souvent, rien ne montre clairement s'il y eut une province formée, et quelle partie du royaume devint réellement telle, ou bien dans quelle mesure on la laissa quelque temps dans l'état d'alliance dépendante. Ce qu'il nous importe de savoir, c'est que le royaume de Scodra, à partir de cette époque, fit partie de la domination romaine. Après sa chute, les parties de l'HIyrie qui se trouvaient tout à fait au nord, au delà des limites du monde grec, sont mentionnées pour la première fois. Les colonies grecques de Dalmatie avaient joué un rôle dans la première guerre illyrienne; quant à la Dalmatie elle-même, ce pays qui devait former à l'est de l'Adriatique une dépendance éloignée de l'Italie, il nous apparaît aussi pour la première fois (156 av. J.-C.) sous la forme d'une partie détachée du royaume de Scodra. La première guerre dalmatienne s'engagea bientôt ; mais ce n'est que longtemps après (54 av. J.-C), que la Dalmatie devint une province, et encore voyons-nous dans la suite qu'il y eut de nombreuses révoltes. Des colonies romaines ne lardèrent pas à y être fondées, telles que Iadera ou Zara, et par-dessus toutes Salone, qui devint l'une des principales villes de l'empire romain. Les pays voisins de Liburnie et à'Istrie, ainsi que celui des Iapodes, furent successivement soumis pendant cette période. LTstrie fut, comme la province
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voisine de Vénétie, incorporée à l'Italie; et la ville de Pola devint colonie romaine sous le nom de Pietas Juha. Conquête de la Grèce et des pays grecs éloignés. — Nous avons déjà décrit de quelle façon l'ancienne Grèce et les pays voisins de Macédoine et d'Épire arrivèrent progressivement à faire partie de l'empire romain, pratiquement d'abord, puis officiellement. À quel moment la plupart des villes et des îles de la Grèce passèrent de l'état d'alliance dépendante à celui de véritable sujétion, il serait assez difficile de le dire. Nous avons vu que quelques-unes d'entre elles, telles que Rhodes et Byzance, ne furent pas formellement annexées avant le règne de Vespasien. Les villes grecques sur le Pont-Euxin ne semblent l'avoir été que dans les derniers temps de l'empire d'Orient. 11 en est d'autres plus éloignées dont l'histoire est tellement mêlée avec celle des royaumes asiatiques, qu'il en sera parlé avec ceux-ci. La Crète, restée indépendante, devint un repaire de pirates et fut l'objet d'une conquête spéciale (67 av. J.-C); jointe à la Cyre'naïque récemment conquise sur les rois macédoniens d'Egypte, elle forma une province. L'île de Chypre, qui avait toujours été en partie grecque, et qui avait été tout à fait hellénisée sous ses rois macédoniens, devint également une province (58 av. J.-C). Avant donc que Rome perdît elle-même sa liberté, elle était devenue formellement ou pratiquement maîtresse de tous les lieux où la liberté avait paru pour la première fois. Qui aurait pu prévoir que les mots de Grec et de Romain finiraient par avoir la même signification, et que la situation et le nom même de Rome seraient transférés à l'une des villes grecques qui passèrent définitivement, sous Vespasien, de l'état d'alliance à celui de sujétion? Province d'Asie (133-129 av. J.-C), progrès de Rome dans l'Asie Mineure (129-64 av. J.-C). Les Parthes.— Dans l'histoire romaine, chaque guerre et chaque conquête en amenaient toujours de nouvelles, et de même que les affaires illyriennes avaient con5
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duil les Romains à intervenir en Grèce, de même les affaires de Grèce amenèrent les Romains à intervenir en Asie. Bien que leur première guerre contre Antiochus, roi de Syrie (191-188 av. J.-C.), n'eût pas pour résultat immédiat une augmentation du territoire romain, elle permit à Rome de partager entre ses alliés toutes les possessions des Séleucides en deçà du Taurus. C'était là le premier pas vers la conquête de l'Asie, et il était dans l'ordre des choses que la première province romaine au.delà de la mer Egée, la province d'Asie, fût formée avec les possessions des premiers alliés de Rome, de ceux qui lui avaient été le plus utiles, les rois de Pergame. C'était à Rome qu'était échue maintenant la mission d'Alexandre et de ses successeurs, celle d'imposer à l'Orient la civilisation de l'Occident. Tous les pays situés à l'ouest du Taurus passèrent ainsi successivement sous la domination romaine, que celle-ci fût formellement ou pratiquement établie. En premier lieu, la Bithynie (74 av. J.-C); l'annexion de ce pays fut une des causes qui engendrèrent la seconde guerre entre Rome et le fameux Mithridate de Pont, et la défaite de ce monarque (64 av. J.-C.) fit passer quantité d'autres pays sous la domination ou l'influence romaine. Les villes grecques de Sinojie et d'IIéraclée conservèrent une liberté toute nominale ; des rois vassaux continuèrent à régner sur une partie du royaume de Pont, et il en fut de même du royaume grec éloigné du Bosphore. A part la république fédérative dé Lycie qui, grâce à sa sagesse, sut conserver la plus haute somme d'indépendance compatible avec la suprématie incontestée de Rome, toute l'Asie Mineure fut partagée entre des provinces romaines et des rois vassaux de Rome. La guerre de Mithridate, qui rendit Rome maîtresse de l'Asie dans son sens le plus restreint, l'entraîna immédiatement beaucoup plus loin en Orient. Tigrane, roi d'Arménie, qui avait été le principal allié de Mithridate, vit sa puissance complètement brisée sans pour cela que, de longtemps, aucune partie de ses états fit partie de la domination romaine ; les Séleucides. eux, perdirent ce qui leur restait, et une nouvelle pro-
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vince, celle de Syrie, fut alors formée (04 av. J.-C). Différentes relations d'alliance et de dépendance s'établirent de nouveau entre la république victorieuse et plusieurs villes et principautés. C'est ainsi que la Judée avec le reste de la Palestine furent tantôt gouvernées par un procureur romain, tantôt réunies sous l'autorité d'un seul roi vassal, ou bien divisées entre plusieurs rois et tétrarques, suivant la fantaisie ou la politique de Rome ; exemple qui devait plus tard être imité par l'Angleterre dans l'Inde. Toutes ces conquêtes de Rome, en même temps qu'elles la rendaient de plus en plus nettement le champion de l'Occident contre l'Orient, la mirent en face du seul état qui, dans le monde alors connu, pouvait lutter à armes égales contre elle. Le royaume des Parlhes, au delà de l'Euphrate, était en effet une puissance redoutable, et de même que Rome s'était substituée à la Grèce et à la Macédoine, de même il s'était substitué à l'empire des Perses. Rome avait donc maintenant un rival, comme elle n'en avait pas eu depuis la ruine de Carthage et de la puissance macédonienne. Conquête de l'Égypte (31 av. J.-C.). La paix romaine. — Seule de tous les royaumes macédoniens, YÉgypte restait encore à annexer, et cette annexion, rendue fameuse par les noms de Cléopâtre, d'Antoine et d'Auguste, acheva de rendre Rome maîtresse de tout le monde civilisé, c'est-à-dire de tous les pays situés autour de la grande mer intérieure. Si, çà et là, il se trouvait quelques villes ou quelques principautés qui, nominalement, fussent simplement alliées, cette distinction ne concernait que les affaires locales de cette ville ou de cette principauté. La paix romaine avait commencé sur toute la surface de l'ancien continent faisant partie du monde historique. Rome eut bien encore à faire la guerre, et même à s'annexer des provinces ; mais il s'agissait bien plutôt d'arrondir et de fortifier le territoire qu'elle avait déjà conquis, que de l'étendre dans la véritable acception du mot.
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(14-79 ap. J.-C). — Après que la république romaine fut devenue réellement une monarchie, sa domination devait encore s'étendre, mais pas au delà de ce que nous pouvons regarder comme son complément naturel. Nous voyons Auguste promulguer une loi qui s'oppose à tout agrandissement de l'empire alors que, sous son règne et celui de ses successeurs, l'empire fut considérablement étendu dans tous les sens. Mais c'étaient là des conquêtes faites bien plutôt en vue de fortifier la frontière, et il est à peu près inutile de mentionner les divers changements qu'amenèrent les circonstances dans les rapports de telle ou telle cité ou district avec l'empire. Entre Auguste et Néron, ou en tous cas entre Auguste et Vespasien, tous les états dépendants en Asie et en Afrique, tels que la Mauritanie, la Çappadoce, la Lycie et autres, furent formellement incorporés à l'empire auquel, pendant longtemps, ils avaient été réellement assujettis. Aussi de telles annexions peuvent-elles difficilement s'appeler des conquêtes, et n'y faut-il voir que le complément d'une œuvre qui avait commencé deux cents ans auparavant. Avant d'arriver au Rhin et au Danube, il ne pouvait y avoir pour Rome de frontière sûre; mais il aurait fallu aussi qu'il fût bien établi que c'étaient le Rhin et le Danube, et non des points plus éloignés, qui devaient être ses véritables frontières. Expéditions en Germanie (11 av. J.-C à 19 ap. J.-C). Réunion à l'Empire, sous Auguste, de tous les pays au sud du Danube. — Il fut
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question, sous Auguste, de la conquête de la Germanie et de la Bretagne; mais pour la Germanie seule, il fut fait une tentative sérieuse, la conquête de la Bretagne ne devant réellement commencer que sous le règne de Claude. Alors que la Germanie paraissait à peu près soumise, la destruction des légions de Varus par Arminius (9 ap. J.-C.) brisa tout espoir de ce côté. Les expéditions de Drusus et de Germanicus dans la Germanie septentrionale amenèrent les armées romaines pour la première fois, et pour la dernière de longtemps, en contact avec ces tribus qui devaient plus tard se rendre maîtresses de la Bretagne. C'est à partir de cette époque que commencent les rapports de Borne avec la Germanie méridionale, rapports qui devaient prendre de plus en plus de l'importance. Les pays situés entre les Alpes et le Danube, la Rhélie, la Vindélicie, le Norique, la Pannonie et la Mœsie sur le cours inférieur du Danube, furent tous ajoutés à l'empire sous le règne d'Auguste, et les deux grands fleuves devinrent la véritable frontière. C'étaient là réellement des acquisitions défensives, faites pour éloigner davantage de l'Italie la frontière dangereuse. Au delà du Rhin et du Danube, les possessions romaines n'étaient que de simples avant-postes destinés à sauvegarder le territoire situé en deçà des deux fleuves. Expédition en AraMe (34 av. *F.-C). Réunion de la Thra.ee et de Byzanee à l'Empire sous Vespasien. — Une autre tentative d'agrandissement, qui devait être encore plus infructueuse que celle de la Germanie, avait lieu presque en même temps à l'autre extrémité du monde, dans la péninsule Arabique; et cela, lorsque la Thrace conservait toujours ses princes particuliers, seul pays d'ailleurs de quelque importance, au milieu de l'Europe romaine, qui gardât ainsi un semblant d'indépendance. Cela montre bien quelle était la politique de Rome et quels motifs la faisaient agir dans ses envahissements successifs. La Thrace, en effet, entourée de tous côtés par les provinces romaines, n'était en aucune façon dangereuse; elle pouvait
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ne tenir à l'Empire que par un simple lien de dépendance, alors que les pays plus éloignés étaient incorporés. Ce fut seulement plus tard que l'on songea à une plus grande uniformité; sous Vespasien (69-79 ap. J.-C), toutes ces villes et principautés perdirent leur liberté nominale, et la Thrace devint province romaine. Ce fut donc seulement à cette époque que Rome s'annexa la ville deByzance, qui, dans la suite des temps, devait prendre son nom et sa place. Conquête de la Bretagne an premier siècle. — Ainsi, les conquêtes qui furent faites entre Auguste et Trajan eurent principalement un caractère défensif. Il n'y eut à cette règle qu'une seule exception de quelque importance, lorsque la puissance romaine arriva à s'étendre sur la plus grande partie de l'île de Bretagne. Cependant la conquête de ce pays se trouvait amenée tout naturellement par l'annexion de la Gaule et par les expéditions que César lui-même avait faites dans l'île. Les Romains, toutefois, n'y eurent pas d'établissement avant le règne de Claude (43 ap. J.-C). Quarante ans plus tard, Agricola poussait les conquêtes romaines jusqu'à l'isthme qui sépare les bouches du Forth et de la Clyde (84 ap. J.-C), frontière qui devait être marquée dans la suite par le rempart à'Antojiin. Cependant, la domination romaine en Bretagne ne s'étendit pas d'une façon durable au delà de la ligne représentée par le mur méridional d'Adrien, de Sévère et de Stilicon, entre la Solway et l'embouchure de la Tyne. Tout le nord de la Bretagne restait donc insoumis, et la conquête de l'Irlande ne fut pas même essayée. Toutes ces conquêtes n'ont pour les Anglais qu'un intérêt purement géographique ; car les Bretons, aux dépens de qui elles étaient faites, devaient eux-mêmes être anéantis par des tribus germaniques répandues alors sur les bords de l'Elbe et du Weser; et c'est là, pendant longtemps encore, et non sur les bords de la Severn et de la Tamise, qu'il faut chercher l'histoire de l'Angleterre. Conquêtes de Trajan en Asie et en Europe
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(98-11T ap- J.-C). — Arabie et Dacie. — La Bretagne fut donc de toutes , les provinces occidentales la dernière conquise, et elle fut aussi la première perdue. Elle n'en fit pas moins partie intégrante de l'empire pendant plus de trois cents ans et, lorsqu'elle s'en détacha, ce fut au premier choc de l'ébranlement qui devait renverser celui-ci. Pendant ce temps, d'ailleurs, il y eut un moment où Rome agrandit encore sa domination en Europe et en Asie, au delà du Danube et de l'Euphrate. Une distinction cependant doit être établie entre celles de ces conquêtes qui furent faites en Asie, et celles qui furent faites en Europe. Les premières eurent un caractère tout à fait temporaire; le successeur de Trajan fut en effet forcé de les abandonner, et elles trouveront mieux leur plac'e dans un autre chapitre, lorsque nous parlerons de la longue rivalité de Rome en Orient, avec les Parthes d'abord, et les Perses ensuite. La seule conquête durable eh Asie sous le règne de Trajan (106 ap. J.-C), la petite province romaine d'Arabie septentrionale ou Arabie Pétre'e, ne fut même pas faite par Trajan en personne. Quant aux conquêtes de Trajan en Europe, elles sont d'une autre nature, et si elles ne furent pas, comme celles d'Auguste, strictement défensives, elles pouvaient très facilement paraître telles. Tout le pays situé au nord du Bas-Danube était occupé par les Daces qui, sous Domitien, se montrèrent réellement redoutables pour la puissance romaine. Tout l'espace situé entre la Theïss et le Danube, le Dniester et les monts Garpathes, forma alors la province romaine de Dacie (106 ap. J.-C). La dernière de toutes les provinces, elle fut perdue la première; Aurélien en effet dut l'abandonner (270-274 ap. J.-C), et le pays tout à fait opposé de l'autre côté du Danube, la Mœsie, prit alors ce nom. Cependant, si la Dacie fut une des conquêtes que Borne garda le moins longtemps, elle fut, à un autre point de vue, l'une des plus durables. Bien qu'elle ait été, pendant tant de siècles, à l'écart de toute influence romaine, bien qu'elle ait été une
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des grandes routes parcourues par les hordes de barbares, une grande partie de la Dacie, celle qui forme la principauté moderne de Roumanie, conserve encore sa langue romaine comme l'Espagne et la Gaule. En réalité, bien qu'elle appartienne à la moitié orientale de l'empire, la Dacie a une grande analogie avec les provinces occidentales. L'influence de la Grèce n'avait pas remonté si haut vers le nord, et il n'y avait pas là, comme en Syrie et en Egypte, une ancienne civilisation indigène. Rien n'était donc capable de contre-balancer l'action de la civilisation romaine, qui s'étendit rapidement d'un bout à l'autre du pays, et, seize cents ans après sa séparation de l'empire, la langue et le nom romain sont encore existants1. L'empire romain au deuxième siècle. — L'empire romain se forma donc par l'extension de la domination de la seule ville de Rome, sur l'Italie d'abord, et les pays méditerranéens ensuite. Partout la conquête revêtit une forme progressive, qui, de l'alliance et de la dépendance, aboutissaii à l'incorporation pure et simple. D'une façon générale, trois grands fleuves, le Rhin, le Danube et l'Euphrate, formaient les limites de l'empire en Europe et en Asie. En Afrique, la domination romaine comprenait seulement cette bande de territoire fertile qui s'étend entre la Méditerranée, les montagnes et le désert. La Bretagne et la Dacie, les deux seules provinces importantes en dehors de cette région, furent les dernières conquises et les premières perdues. Dans l'Europe occidentale et en Afrique, Rome porta avec elle sa langue et sa civilisation ; et, dans tous ces pays la langue romaine subsiste, sauf dans quelques-uns où la présence des Teutons et des Sarrasins l'a complètement effacée. Dans les pays qui s'étendent depuis l'Adriatique jusqu'au mont Taurus, lesquels ont tous subi plus ou moins l'influence des Grecs, la langue et la civilisation grecques
1. Se reporter au livre III, chap. vu, pour voir les modifications apportées dans l'esprit de l'auteur, depuis qu'il a écrit ces lignes, sur les antécédents du peuple roumain.
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sont restées debout, sauf dans quelques-uns où les conquêtes des Slaves et des Turcs ont complètement fait disparaître cette langue. Plus loin vers l'est, en Syrie et en Egypte, où il y avait une ancienne civilisation indigène, l'influence de la Grèce et de Rome ne put jamais prévaloir. Les différences qui existent entre ces trois parties de l'empire romain, la partie réellement romaine, la partie grecque, et la partie orientale, ressortiront encore plus nettement dans la suite de ce livre.
��CHAPITRE III
LE DÉMEMBREMENT DE L'EMPIRE
GÉOGRAPHIE POLITIQUE DES DERNIERS TEMPS DE L'EMPIRE. LES PRÉFECTURES1.
Établissement de nouvelles divisions administratives sous Auguste. Les onze régions de l'Italie. — La domination romaine, comme nous l'avons vu, se forma par les annexions successives d'une longue série de royaumes, de districts et de villes, qui tous, sous une forme quelconque de dépendance, conservaient en grande partie l'existence séparée qu'ils avaient étant indépendants. Les liens qui unissaient à Rome ses alliés et ses sujets variaient à l'infini, et rien n'avait été changé, la plupart du temps, aux anciens noms et aux anciennes frontières géographiques. Cependant, lorsque l'idée de république arriva à décliner progressivement et que le pouvoir des empereurs tendit de plus en plus à devenir une véritable
1. Voir pour ce chapitre les cartes 12 et 13.
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monarchie, dés changements géographiques devaient suivre de près la transformation politique qui s'opérait. La domination romaine cessa d'être une collection d'états alliés et sujets gouvernés par une seule ville; elle se changea en un empire unique, dont toutes les parties, dont tous les habitants étaient également sujets vis-à-vis d'un seul homme qui avait l'autorité suprême. Les anciennes distinctions de Latins, Italiens et provinciaux, disparurent, lorsque tous les hommes libres de l'Empire furent devenus Romains au même titre, et il en fut de même de la situation privilégiée où s'était trouvée l'Italie jusque-là. Les divisions géographiques qui correspondaient à des états, indépendants dans le principe, dépendants dans la suite, arrivèrent à n'être plus que des divisions administratives qui pouvaient très bien être remaniées selon les besoins. L'Italie elle-même, en donnant à ce nom toute l'extension qu'il avait prise, reçut, au temps d'Auguste, de nouvelles divisions qui prirent le nom de régions et furent au nombre de onze. Ce partage fait époque dans la transformation qui fit de tous les éléments séparés de la domination romaine un seul empire. Tant que l'Italie fut une collection de républiques séparées, tenant à Rome par toutes sortes de liens, il ne pouvait être question d'un système de divisions administratives. Mais aussitôt que l'Italie fut soumise d'un bout à l'autre au même droit de cité, il devint possible d'y établir les divisions jugées les meilleures. Ces onze régions d'Auguste ne constituaient pas cependant une transformation radicale. Les anciens noms et les anciennes limites restaient debout pour la plupart. C'est ainsi qu'on conserva les noms fameux d'Étrurie, Latium, i Samnium, Ombrie, Picenum et Lucanie, mais pas avec leurs anciennes limites. En outre, bien que l'Italie comprît maintenant tout le pays s'étendant jusqu'aux Alpes, les noms de Gaule en deçà du Pô et de Gaule au delà du Pô restèrent ceux de deux divisions de l'Italie, divisions qui, avec la Ligurie et la Vénétie, maintenant pays italiens, comprenaient loule l'Italie septentrionale.
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Quadruple partage de Dioclétien (392 ap. •Ï.--C). Établissement des préfectures sous Constantin (333 ap. *F.-C). — Ce qui fut fait pour l'Italie au temps d'Auguste fut appliqué à l'empire tout entier sous Constantin. Déjà sous Dioclétien l'empire avait été divisé en quatre parties, formant chacune le gouvernement des collègues impériaux qu'il s'était donnés, les deux Augustes ayant chacun un César subordonné (292 ap. J.-C). Ce système avait entraîné la décapitalisation de Rome dans l'Empire, et Augustes et Césars avaient établi leurs résidences en des points où leur présence était plus nécessaire, pour mettre leurs frontières à l'abri des Germains d'une part, et des Perses de l'autre. C'est ainsi que Rome fut délaissée pour Nicomédie et Milan, pour Antioche, York et Trêves. Celte division persista sous une autre forme, lorsque l'empire eut été réuni sous Constantin (523 ap. J.-C), et elle forma la base sur laquelle s'établit un partage plus durable, celui qui eut lieu entre les fils de. Théodose (595 ap. J-C) en empire d'Orient et empire d'Occident. Dans le plan de division qui fut alors adopté, les anciens noms géographiques furent conservés pour la plupart, mais avec des significations presque partout nouvelles, ou tout au moins plus étendues. L'Empire fut partagé en quatre grandes divisions ou préfectures prétoriennes, qui reçurent les noms d'Orient, d'Illyrie, d'Italie, et de Gaule. Les préfectures se subdivisaient en diocèses — sans que ce nom eût alors le sens ecclésiastique qui devait lui être attribué dans la suite, — et les diocèses se divisaient eux-mêmes en provinces. Ces quatre grandes préfectures répondaient à peu près au quadruple partage fait sous Dioclétien; dans le partage de Théodose, les deux préfectures d'Illyrie et d'Orient formaient l'empire d'Orient, celles d'Italie et de Gaule l'empire d'Occident. Dans tous les cas, ces préfectures et leurs subdivisions ne répondaient que très peu aux délimitations nationales ou géographiques qui existaient anciennement.
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Préfecture d'Orient et ses cinq diocèses. — Provinces et villes importantes. — Des quatre préfectures, celle d'Orient présentait ce dernier caractère de la façon la plus accentuée. Ses limites ne répondaient en rien à celles d'aucun état primitif, et pas davantage à quelque grande division de race ou de langue. S'étendant à la fois dans les trois continents de l'Ancien Monde, elle embrassait toutes ces parties de l'Empire qui n'avaient jamais subi complètement l'influence de la Grèce ou de Rome, et en outre un grand nombre de celles que nous avons rattachées au monde grec, — soit qu'elles fussent hellénisées depuis peu, ou colonisées dès les premiers temps de la Grèce. — Elle comprenait cinq diocèses, qui se trouvaient répondre, bien mieux que la préfecture elle-même, à des divisions naturelles. Quatre d'entre ces diocèses étaient asiatiques. Le premier, appelé spécialement diocèse d'Orient, comprenait toutes les possessions de Rome au delà du mont Taurus, avec l'Isaurie, la Cilicie et l'île de Chypre. La frontière orientale de ce diocèse avançait ou reculait suivant que Rome ou la Perse avait l'avantage sur le Tigre et l'Euphrate, fluctuations dont nous aurons à parler tout spécialement. Le diocèse d'Égypte comprenait, en plus de l'ancienne Egypte, l'ancien pays grec de Cyrénaïque, lequel reçut alors le nom de Lybie. Le diocèse d'Asie, composé de l'ancienne province de ce nom et du royaume de Pergame, comprenait en outre les côtes asiatiques de la mer Egée, avec la Pamphylie, la Lycie et les îles égéennes. Le diocèse de Pont, qui avait conservé le nom du royaume de Mithridate, comprenait tous les pays baignés par le Pont-Euxin et les possessions variables de Rome en Arménie. La préfecture d'Orient avait en outre un diocèse européen, le diocèse de Thrace, lequel comprenait tous les pays situés entre la Propontide et le Bas-Danube. Il se subdivisait en plusieurs provinces dont deux avaient un nom qui mérite d'être remarqué. Le nom de Scythie, qui avait reçu des
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significations si diverses, est maintenant employé pour désigner le pays situé immédiatement au sud des bouches du Danube, tandis que celui d'Europe s'applique au district qui entoure immédiatement la Nouvelle-Rome. Constantin avait en effet choisi pour résidence l'ancienne Byzance, que sa position sur le Bosphore semblait désigner pour devenir la capitale des deux mondes; et, quel qu'en soit le motif, le nom d'Europe fut donné spécialement à cette extrémité du continent occidental la plus rapprochée de l'Orient; d'ailleurs, ce n'était pas là un mauvais choix, puisque le petit espace auquel il s'appliquait comprenait une ville qui devait être pendant si longtemps le boulevard de l'Europe contre l'Asie. En dehors de la nouvelle Rome, cette préfecture comprenait ces parties de l'Empire qui avaient appartenu jadis aux grands royaumes macédoniens, et, par suite de cela, elle renfermait plus que toute autre un nombre considérable de grandes cités. Pour ne parler que des plus fameuses, de celles qui personnifiaient au plus haut point la civilisation grecque en Orient, elle comprenait les deux villes célèbres d'Antioche et d'Alexandrie, qui étaient seulement les principales entre beaucoup d'autres portant les mêmes noms. Toutes ces villes, il faut bien le remarquer, étaient de fondation relativement récente, portant le nom des hommes qui les avaient créées, et comme elles étaient toujours dans la même situation prépondérante qu'elles avaient comme capitales macédoniennes, nous voyons ainsi que la domination d'Alexandre et de ses successeurs eut une influence durable sur l'histoire du monde. Préfecture d'Illyrie.—La préfecture d'Illyrie s'étendaitdela pointe méridionale du Péloponnèse jusqu'au Danube; ce qui nous montre à quel point la Grèce, à la fois comme pays et comme nation, était effacée. Lorsque la Grèce fut incorporée à l'empire romain, elle le fut sous le nom du pays barbare qui avait été cause de l'immixtion de Rome dans ses affaires ; plus tard elle le fut sous le nom du pays à demi bar* bare qui n'était devenu grec qu'après l'avoir conquise. En
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effet, dans le système des préfectures, la Grèce faisait partie de la Macédoine, et la Macédoine faisait partie de l'Illyrie. Et c'est au moment où sa langue faisait la plus grande de toutes ses conquêtes, où une cité grecque allait s'élever au rang d'une autre Rome, que la décadence de la Grèce était ainsi consacrée. La préfecture d'Illyrie comprenait le diocèse de Macédoine et le diocèse de Dacie. Ce dernier, nom ne s'appliquait plus, depuis Àurélien, à aucun pays au delà du Danube; quant au diocèse de Macédoine,, il se divisait en six provinces,'parmi lesquelles, outre les noms célèbres et vénérables de Macédoine et d'Épire, nous trouvons ceux plus vénérables encore de Thessalie et de Crète. Les noms d'Hellade et de Grèce ne figurent plus sur la carte, mais celui de tous les noms grecs dont l'existence se prolonge le plus à travers l'histoire, celui qu'on trouve à la fois dans Homère et dans Polybe, le nom d'Achaïe, survit encore à tant de changements. Préfecture d'Italie.— Dans le système des préfectures, l'Italie et Rome elle-même n'avaient aucun privilège sur le reste de l'empire. La préfecture d'Italie comprenait, outre l'Italie proprement dite,tousles pays qui pouvaient être regardés comme nécessaires à sa défense et à sa subsistance. C'est ainsi que nous y voyons figurer toutes ces conquêtes défensives faites aux premiers temps de l'Empire dans la région du Haut-Danube, ainsi que l'Afrique qui était le grenier de l'Italie. Elle comprenait les trois diocèses d'Italie, d'Illyrie, et d'Afrique, et il est bon de remarquer que le mot Illyrie s'applique à la fois à une des quatres préfectures et à un diocèse de la préfecture d'Italie. Le diocèse d'Italie comprenait dix-sept provinces, parmi lesquelles nous ne voyons plus figurer le nom de Gaule. En effet, tous les pays au sud des Alpes qui ne faisaient pas anciennement partie de l'Italie se trouvent maintenant répartis entre la Ligurie et la Vénétie, — le premier de ces noms devant être employé dans un sens beaucoup plus étendu, — et les nouvelles provinces Émilie et Flaminie, noms empruntés aux grandes voies romaines,
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lesquelles portaient elles-mêmes les noms de magistrats romains. L'Italie d'ailleurs, dans cette nouvelle organisation, ne s'arrête plus aux Alpes : elle va jusqu'au Danube, et nous y voyons figurer deux provinces de Rhétie. Enfin, les trois grandes îles de Corse, Sardaigne et Sicile comptent chacune pour une province dans ce même diocèse. Le diocèse d'Illyrie occidentale comprenait la Pannonie, la Dalmatie et le Norique. Le diocèse d'Afrique comprenait l'ancienne province d'Afrique, la Numidie, et la Mauritanie occidentale. L'union de tous ces pays avec l'Italie paraîtra moins étrange si l'on se rappelle que le premier César, en restaurant Carthage, en avait fait une véritable colonie latine, et qu'elle était après Rome la plus importante des villes latines. Préfecture de Gaule.—Nous arrivons à la quatrième préfecture, celle de Gaule, qui comprenait toutes les possessions romaines à l'ouest de l'Italie, c'est-à-dire toute cette région située au delà des Alpes où la langue latine avait fait tant dé progrès. Dans cette préfecture, lediocèse d'Espagne comprenait sept provinces, parmi lesquelles se trouvaient non seulement les îles Baléares, dépendance toute naturelle de la péninsule hispanique, mais aussi une petite partie du continent africain, la province de Tingitane, laquelle s'étendait depuis la nouvelle province italienne d'Afrique jusqu'à l'Océan. C'était la conséquence naturelle de cette loi générale qui nous montre à travers toutes les périodes de l'histoire les maîtres de l'Espagne établissant leur domination en Afrique, et réciproquement, les maîtres de l'Afrique dominant en Espagne. Le diocèse de Gaule, avec ses dix-sept provinces, conservait au moins de nom les limites de l'ancienne Gaule transalpine. Les deux provinces de Germanie à l'ouest du Rhin y figuraient toujours. Les cinq provinces du diocèse de Bretagne représentaient, au moment où l'Empire commençait à se désagréger, un territoire plus considérable que celui qui avait été possédé par Rome, en Bretagne, à l'apogée de sa puissance. Grâce aux exploits de Théodose l'Ancien, les
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attaques des Pietés par terre et des Saxons par mer furent repoussées; une nouvelle province, située au delà du mur d'Antonin, se trouva ainsi ajoutée à l'empire, et, pour faire honneur aux empereurs Valentinien et Valens, elle reçut le nom de Valentia (367 ap. J.-C).
II
LE PARTAGE DE L'EMPIRE (395 AP. J.-C.)
Nouvelle situation de Rome. Partage de l'Empire entre les fils de Théodose (395 ap. J.-C).
— Lorsque l'Empire eut été divisé en préfectures, et l'autorité impériale partagée entre deux collègues impériaux, ou même davantage ; lorsque ensuite tous ces changements aboutirent à l'existence réelle de deux empires, l'ancien état de choses avait complètement cessé d'exister. Rome n'avait plus cette situation prépondérante qu'elle avait eue jusqu'alors. De l'Océan jusqu'à l'Euphrate, tout était sinon Rome, au moins Romanie; tous les habitants étaient également romains, avec cette différence qu'être Romain ne voulait plus dire maintenant être citoyen d'une république, mais être sujet d'un empereur. L'unité de l'Empire ne fut pas brisée parce que plusieurs collègues impériaux s'en partagèrent l'administration; mais Rome cessa d'être l'unique résidence impériale, et, à partir des dernières années du troisième siècle, elle cessa presque d'en être une. Tant que Rome garda son ancienne position, il ne pouvait être question de partage qu'à un point de vue purement administratif, ne changeant en rien la carte de l'empire; mais lorsqu'à la fin du quatrième siècle, le nouveau système eut été appliqué avec toutes ses conséquences, nous nous trouvons en présence d'un partage comparativement durable,
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susceptible de figurer sur la carte, et qui joue d'ailleurs dans l'histoire un rôle considérable. Des deux fils de Théodose le Grand, Arcadius eut en partage les provinces orientales, répondant à peu près aux préfectures d'Orient et d'Illyrie, et Honorius les provinces occidentales, c'est-à-dire les préfectures d'Italie et de Gaule. Pendant la plus grande partie du cinquième siècle, les successeurs d'Arcadius et d'Honorius formèrent deux familles distinctes d'empereurs dont les uns, ceux d'Orient, régnaient à Constantinople, et ceux d'Occident le plus habituellement à Ravenne. En théorie, ils étaient toujours considérés comme deux collègues se partageant l'administration d'un seul empire romain ; mais, en réalité, tout se passait comme s'il y avait deux empires distincts, celui d'Orient avec la nouvelle Rome ou Constantinople pour capitale, celui d'Occident ayant généralement pour capitale Ravenne plutôt que l'ancienne Rome. Position particulière des deux empires d'Orient et d'Occident. Ce partage de l'empire donne au cinquième siècle son caractère politique le plus important. Chacun de ces empires allait hériter d'une partie de la tâche qui incombait à l'Empire en général, depuis son origine; et cela devait entraîner pour chacun d'eux une destinée bien différente. L'empire d'Orient allait avoir à lutter contre l'ennemi séculaire en Asie, cet ennemi qui avait été d'abord le Parthe, puis le Perse régénéré, et c'était là, nous l'avons vu, un rival qui luttait contre Rome avec une puissance égale. Cette rivalité qui commença le jour où Rome prit la place des Séleucides, se continua jusqu'au jour où la Perse fut complètement anéantie, où Rome elle-même dut reculer devant les invasions musulmanes. Cependant, si l'on excepte les conquêtes temporaires de Trajan, et les conquêtes également temporaires et alternatives de Rome et de la Perse au septième siècle1, cette longue lutte fut une simple guerre de frontières qui ne menaçait pas sérieusement l'exis-
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t. Guerres de Chosroès et d'Héraclius (605-628).
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tence de l'une ou l'autre des deux puissances. Des forteresses prises et reprises, des provinces cédées et recouvrées,-tel était le cours habituel des choses. A l'autre extrémité de l'empire romain, l'ennemi était tout différent, et c'est l'empire d'Occident qui allait avoir à lui faire face. Il n'y avait pas là de rival comparable à la Perse, mais une masse de tribus teutoniques indépendantes pressaient de tous côtés les frontières de l'empire, et cherchaient à s'établir en deçà de ses limites. L'empire d'Occident succomba sous ces attaques réitérées, et c'est en cela que, pendant le cinquième siècle, il présente avec l'empire d'Orient une différence considérable. L'empire d'Orient, en effet, fut bien souvent traversé par des hordes teutoniques ; mais elles n'arrivèrent jamais à s'établir d'une façon permanente sur son territoire, et, si ce n'est à une date tout à fait postérieure, ces provinces ne subirent jamais de démembrement susceptible de figurer sur la carte. Mais si les deux empires offrent ainsi pendant le cinquième siècle deux aspects géographiques bien différents historiquement, chacun d'eux est la continuation d'un côté de l'empire romain primitif. Nous diviserons donc cette histoire en deux parties, en commençant par celle de l'empire d'Occident, dont l'effondrement a eu pour conséquence la fondation de la plupart des états de l'Europe moderne.
III
LES ÉTABLISSEMENTS TEUTONIQUES EN OCCIDENT.
UNIFICATION DE L'EMPIRE
ROMAIN (476 A P. J.-C.)
L'empire romain et les nations teutoniques avant le cinquième siècle. L'établissement des na-
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tions teutoniques dans l'empire se rattache à ce grand mouve-
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ment que l'on a appelé la migration des peuples. Nous ne donnerons pas cependant à notre sujet plus d'étendUe que n'en comporte la géographie historique. L'ethnologie, l'histoire politique, les relations des tribus les unes avec les autres, les migrations qui ont pu précéder l'établissement final de chacune d'elles, toutes ces questions appartiennent plutôt à une autre branche d'études, et nous ne devrons nous en occuper que dans la mesure où elles ont abouti à un changement visible sur la carte de l'Europe. Nous trouverons dans les rapports de l'Empire avec les nations limitrophes, et dans les rapports de ces nations entre elles, des périodes bien tranchées que nous aurons à faire ressortir, pour bien montrer de quelle façon ces nations arrivèrent à s'établir dans l'empire. Et d'abord, nous voyons que la géographie et la nomenclature des nations germaniques au troisième siècle sont tout à fait différentes de ce qu'elles étaient à l'époque de César et de Tacite; de nouveaux noms ont surgi, lesquels jouent tous un rôle dans l'histoire, et dont la plupart ont survécu; en outre, à part une ou deux exceptions, les anciens noms se perdent de plus en plus. Nous laisserons donc de côté l'ethnologie et la géographie de Tacite, ainsi que les questions controversées auxquelles elles ont donné lieu, pour ne nous occuper que des nations germaniques dans leurs rapports avec Rome. Nous avons vu que l'histoire de Rome dans ses provinces occidentales était, depuis les premiers temps de l'empire, une lutte continuelle contre les nations teutoniques sur le Rhin et le Danube; au delà de ces deux fleuves, les possessions romaines étaient de simples avant-postes destinés à mieux assurer la sécurité du territoire situé en deçà. Il y avait bien au delà tout un district défendu par un mur de circonvallation et connu sous le nom de champs décumales; mais ce n'était guère non plus qu'un poste avancé établi sur une grande échelle. Du deuxième au cinquième siècle, nous voyons Rome faire de nouvelles conquêtes au delà de ces limites, mais c'étaient des conquêtes strictement défensives,
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en vue de reprendre des pays qu'elle avait perdus, ou tout au plus pour établir de nouveaux postes avancés. Du jour où Rome parut pour la première fois sur le Rhin et le Danube, elle eut à se défendre contre les nations teutoniques ; et d'un autre côté, à partir de ce moment, nous voyons également celles-ci chercher à se rendre de plus en plus puissantes. De nouvelles nations ou confédérations portant pour la plupart des noms inconnus dans le principe, commencent à se montrer des ennemies plus redoutables que ne l'avaient été les petites tribus de l'origine, d'ailleurs bien plus dispersées. Ces dispositions se trouvaient encore favorisées chez les nations germaniques par la pression qu'elles subissaient, du côté de l'est, de la part d'autres nations qui cherchaient à avancer vers l'ouest. C'est ainsi que l'Empire eut à subir des chocs de plus en plus formidables, jusqu'au jour où ces envahisseurs réussirent à s'y établir. Mais avant l'arrivée de la catastrophe finale, nous pouvons distinguer plusieurs périodes dans la manière dont elle fat amenée. Ainsi les Marcomans et les Quades jouent un rôle dans cette histoire depuis l'origine. Les Marcomans, cités par César, les Markmen comme ils s'appelaient réellement, étaient au premier et au deuxième siècle de dangereux voisins pour l'empire dont ils forcèrent plus d'une fois les limites, et nous entendons parler dkeux jusqu'au cinquième siècle. Ce nom, d'ailleurs, nous prouve qu'ils devaient former une confédération, telle que celles qui apparurent plus tard sous les noms de Francs et d'Àlamans. Ils n'étaient pas destinés cependant à compter parmi les nations teutoniques qui s'établirent dans l'empire ; ils n'eurent aucune part à tous ces changements dont est sortie l'Europe moderne. Leur importance cesse juste au moment où nous distinguons une seconde période, c'est-à-dire au troisième siècle, pendant lequel apparaissent ces nations ou confédérations dont les mouvements devaient avoir dans la suite une si grande influence sur l'histoire et la géographie. C'est au troisième et au quatrième siècle que commence l'histoire de l'Europe mo-
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derne. Les maîtres de l'empire ont maintenant pour tâche principale de repousser les attaques continuelles des Francs, des Alamans, des Saxons, tous ces noms désignant de grandes confédérations des tribus germaniques. Les envahisseurs étaient constamment repoussés, mais il en revenait toujours de nouveaux à la charge. Ce n'était pas là, d'ailleurs, la seule manière dont les Teutons envahissaient l'Empire ; en dehors de ceux qui y pénétraient avec l'espoir de piller ou de s'y établir, une multitude de barbares servaient dans les armées romaines et obtenaient, en récompense de leurs services, des terres qu'ils possédaient selon la tenure militaire. Leurs chefs pouvaient aspirer au rang et aux honneurs les plus élevés dans l'ordre militaire et civil, si ce n'est cependant la dignité impériale. C'étaient là des faits d'une importance capitale. Ils n'apportaient cependant aucune modification réelle à la carte de l'empire. Des territoires et des villes étaient perdus et recouvrés alternativement, mais ce n'étaient là que des changements momentanés ; les limites reconnues de la domination romaine restaient les mêmes, et ce n'est qu'à la période suivante qu'elles commencèrent à être altérées. Résultats généraux des invasions teutoniques à partir du cinquième sièele. — Cette dernière période commence avec les premières années du cinquième siècle, et elle coïncide presque avec le partage de l'Empire en empire d'Orient et empire d'Occident. Des rois goths et teutons purent alors parcourir l'empire en tous sens à la tête de leurs armées, tantôt revêtus du caractère de fonctionnaires romains, tantôt faisant élire des empereurs, tantôt saccageant l'ancienne Rome ou menaçant la nouvelle. Lorsque toutes ces armées s'arrêtèrent, et formèrent des royaumes nationaux dans les limites de l'empire, la carte subit alors une réelle modification. Dans le cours du cinquième siècle l'Empire perdit de la sorte toutes ses provinces occidentales. Dans la plupart des cas, nous voyons la véritable nature du fait défigurée par un brevet impérial
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ou quelque titre vide de sens accordé aux barbares victorieux ; l'Empire n'en avait pas moins subi un véritable démembrement, et de ces démembrements sont sortis peu à peu les états de l'Europe moderne. Nous allons maintenant passer en revue toutes ces nations, teutoniques ou non, qui ont joué un rôle dans cette transformation, en glissant légèrement sur toutes les questions qui ne s'y rattachent pas d'une façon absolue. A part la Bretagne, qui fut envahie par mer, toutes les provinces occidentales le furent par terre, et, dans le cours des quatrième et cinquième siècles, nous voyons s'y précipiter les Goths, les Vandales, les Burgondes, les Suèves et les Francs. Tous fondèrent des établissements dans les pays qu'ils avaient conquis ; mais parmi eux on doit distinguer ceux dont il ne restait plus de traces au bout d'un siècle ou deux, et ceux qui eurent une influence durable sur l'histoire européenne. Les Francs et les Burgondes sont dans ce dernier cas, ainsi que nous le montre un rapide coup d'œil sur la carte de l'Europe moderne. Les Suèves ont également laissé leur nom ; mais, disparu depuis longtemps des établissements qu'ils avaient fondés dans l'Ouest, ce nom se trouve seulement dans la région qu'ils occupaient dans le principe en Germanie (Souabe). Le nom des Goths a également disparu des royaumes qu'ils avaient fondés, mais leur présence en Espagne et en Italie a exercé une certaine influence sur l'histoire de ces deux péninsules. Des Vandales seuls il ne reste aucune trace, aussi bien comme nation que comme royaume, si ce n'est dans une partie de l'Espagne où ils séjournèrent quelque temps [Andalousie). Toutes ces nations fondèrent des royaumes dans l'empire d'Occident, royaumes qui admirent tout d'abord sa supériorité nominale, mais qui, en fait, étaient dès le principe absolument indépendants. L'histoire de ces différents royaumes varie beaucoup de l'un à l'autre ; quelques-uns disparurent complètement au bout de peu de temps, tandis que d'autres devinrent l'origine des grandes nations de l'Europe moderne. La Gaule
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et l'Espagne ne se séparèrent de l'Empire que progressivement; mais dans le cours du cinquième siècle, toutes les nations dont nous venons de parler formaient des établissements plus ou moins durables dans ces provinces; ceux des Francs et des Goths étaient particulièrement importants, et ils ont été le berceau des royaumes d'Allemagne et de France d'une part, et des différents royaumes espagnols de l'autre. Ceux des Burgondes, des Vandales et des Suèves furent moins durables; nous aurons cependant à les passer tous en revue. L,es Goths et les Huns Alaric (394-410) En premier lieu viennent les Goths, sur l'origine desquels nous n'avons pas à examiner tout ce que l'histoire et la légende fournissent de documents, ni les théories que l'érudition a entassées à ce sujet. Il nous suffira de dire que les Goths commencèrent à se montrer des ennemis dangereux pour l'Empire dans la seconde moitié du troisième siècle'; mais leur histoire ne présente pas de continuité avant la seconde moitié du quatrième. Nous voyons qu'ils formaient alors un grand royaume dans les pays situés au nord du Danube, et qu'une grande partie d'entre eux fut amenée, sous la pression des Huns, à se réfugier sur le territoire de l'empire d'Orient. Ces derniers, d'origine touranienne, avaient dû eux-mêmes se déplacer par suite de mouvements dans l'extrême Orient qui ne nous concernent pas, mais qui jouent un rôle important dans l'histoire du cinquième siècle. L'Empire eut à subir leurs invasions, ou celles de nations qui se trouvaient pourchassées par eux, mais ils ne firent aucun établissement durable sur son territoire. Revenons donc aux Goths. Ils n'eurent jamais d'établissements durables dans l'empire d'Orient; ceux qui ne voulurent pas rester assujettis aux Huns traversèrent le Danube (517 ap. J.-C); mais ils le firent avec la permission de l'empereur, et ils ne prirent les armes contre les Romains qu'après
1. Ils furent défaits par Claude (269 ans ap. J.-C). .
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avoir été trahis par eux. Nous les voyons alors parcourir et ravager l'empire d'Orient, sans rien fonder toutefois de durable avant d'arriver dans l'empire d'Occident. En fait, on peut dire que les Goths et les tribus teutoniques en général n'avaient aucune mission réelle en Orient, lequel fut seulement la grande voie qui devait les conduire en Occident. Toute cette carrière d'Alaric parcourant la Grèce, l'Illyrie et l'Italie, finissant après plusieurs sièges par prendre Rome, est historiquement de la plus grande importance, mais la carte n'a subi pour cela aucun changement. Les Goths ne commencèrent à séjourner et à occuper une place sur la carte qu'après avoir quitté l'Italie pour s'établir dans les provinces les plus reculées de l'Occident. Fondation du royaume des Visigoths (412). Alain s, Suèves et Vandales en Espagne. — Athaulf, le successeur d'Alaric, jeta les bases de ce grand royaume des Visigoths, que nous pouvons considérer comme spécialement espagnol, bien que son origine première fût en Gaule, et qu'il conservât jusqu'à la fin une certaine partie de territoire gaulois. La situation des Goths, dans tous ces pays, n'était pas celle de véritables conquérants cherchant ouvertement à fonder un état goth; ils y étaient venus comme soldats de l'empire, chargés de recouvrer les provinces que celui-ci avait perdues, provinces alors occupées ou ravagées par les Suèves, les Vandales et les Alains. Quant à ces derniers, ils formaient une race qui n'a pas laissé que d'embarrasser les historiens, et sur laquelle on a fait les suppositions les plus contradictoires. Dans tous les cas, il est certain que s'ils appartenaient à la race aryenne, ils n'étaient sûrement pas de la famille teutonique, et ils subirent dans une grande mesure l'influence des Goths. Au commencement du cinquième siècle, ils possédaient l'Espagne centrale d'une mer à l'autre, mais ils furent forcés au bout de peu de temps de l'abandonner aux Suèves; ceux-ci s'étaient déjà rendus maîtres de toute la partie nord-ouest de la péninsule, et ils s'y maintinrent long-
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temps après que les Goths se furent emparés de toute l'Espagne. Les Vandales, qui étaient réduits à la possession de la Bétique, passèrent alors en Afrique, où ils fondèrent un royaume teutonique, le seul qui fut fondé sur ce continent, avec Cartilage pour capitale, et s'étendant aussi sur les grandes îles de la Méditerranée, y compris.la Sicile. Dans tous ces bouleversements, les Basques et les habitants des montagnes Cantabriques semblent n'avoir jamais complètement perdu leur indépendance ; si donc l'on excepte cette petite partie de l'Espagne, on voit que le grand royaume visigoth qui se trouva formé avant le milieu du cinquième siècle comprenait toute l'Espagne et le sud-ouest de la Gaule. Ce royaume s'étendait depuis les colonnes d'Hercule jusqu'à la Loire et jusqu'au Rhône, et sa capitale, située non en Espagne mais en Gaule, était Tolosa ou Toulouse. Cependant la domination gothique ne devait pas durer en Gaule; en Espagne, elle dura jusqu'à la conquête sarrasine, et tous les royaumes chrétiens que nous verrons plus tard se former dans la péninsule peuvent être considérés comme des fragments ou renaissances de cette domination: Malgré cela, l'Espagne ne prit jamais le nom de ses conquérants, et ce ne fut que plus tard, et à une petite partie seulement de l'Espagne et de la Gaule, que s'appliqua le nom de Gothie ?, D'un autre côté, les Vandales, qui disparurent tout à fait de l'Espagne, ont laissé leur nom à la partie méridionale de l'Espagne. Celle-ci, en effet, s'est toujours appelée depuis Andalousie, nom que les Sarrasins avaient étendu à toute la péninsule. Francs, A lit m a us, Thuringiens, Saxons et Frisons avant le cinquième siècle. Les autres grandes nations ou confédérations teutoniques ont modifié la nomenclature européenne d'une façon bien plus durable. C'est ainsi que les Francs, devenus les maîtres de la Germanie et de la
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1. L'auteur revient dans une note sur l'existence d'une Gothie en Espagne qu'il croit douteuse. Quant à la Gothie en Gaule ou Septimanie, et cette autre Gothie dans la Chersonèse Taurique, la chose est absolument certaine.
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Gaule, ont laissé leur nom dans ces deux pays Le nom de Francia1, qui s'appliquait à tous les pays possédés par ces nouveaux conquérants, varia de signification en proportion de leurs conquêtes; actuellement, il est resté attaché à cette partie de la Germanie que l'on appelle Franken ou Franconie, et à cette partie de la Gaule qui est maintenant la France. D'un autre côté, l'histoire des Francs est étroitement liée avec celle d'une autre nation ou confédération, celle des Alamans, nom qui continue dans la langue française à désigner la totalité du peuple germanique. Il commence à être question des uns et des autres au troisième siècle, et les Alamans essayèrent même à cette époque d'envahir l'Italie (275 ap. J.-C.) ; malgré cela, l'importance géographique des deux confédérations ne commence vraiment qu'au cinquième siècle. Nous voyons pendant le quatrième les maîtres de la Gaule constamment occupés à défendre la frontière du Rhin contre leurs incursions, contre celles des Alamans dans la partie supérieure, et contre celles des Francs dans la partie inférieure du cours de ce fleuve. A l'est des Francs et des Alamans se" trouvaient les Thuringiens; au nord, le long des côtes de la mér du Nord, les Saœons et les Frisons. Dans le cours du cinquième siècle, les mouvements de ces tribus commencèrent également à modifier la géographie de l'Empire. Réunion des Francs et des Alamans sous Clovis. — Étendue et caractères de la domination franque à la fin du cinquième siècle.. — Pendant tout le cinquième siècle les Francs avancèrent en Gaule. La ville impériale de Trêves fut prise plus d'une fois, et le siège du gouvernement provincial fut reporté à Arles. L'union des principales divisions de la confédération franque (486), et la défaite des Alamans (496), donnèrent aux Francs, sous leur premier roi chrétien Chlodovig ou
1. Le mot Francia était le nom latin employé par les écrivains contemporains pour désigner l'étendue des pays obéissant aux Francs; on verra dans la suite les différentes altérations et significations de ce mot, telles que France, Franconie, etc.... (Note du traducteur.)
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Clovis (481-511), la suprématie dans le nord de la Gaule et la Germanie centrale. Leur'territoire comprenait des pays qui avaient fait partie de l'Empire, et d'autres qui n'avaient jamais été dans ce cas. C'est là une des choses qui caractérisent spécialement les établissements francs, et elle eut une grande influence sur leur histoire postérieure. 11 y eut dès l'origine, longtemps avant qu'une telle distinction fût établie sciemment, une Francia teutonique et une Francia latine. 11 y avait, à l'est, des pays francs qui n'avaient jamais été romains; il y avait dans le nord de la Gaule des pays qui restaient réellement romains sous la domination franque. Entre les deux, sur la rive gauche du Rhin, se trouvaient les pays teutoniques qui avaient fait partie de la province romaine de Gaule, mais qui étaient alors redevenus teutoniques ; Moguntiacum, Augusta Treverorum et Colonia Agrippina, toutes villes fondées en pays teutoniques, redevinrent germaniques, et, sous les noms de Mayence, Trêves, et Cologne, elles devaient prendre, avec le temps, rang de villes métropolitaines et électorales en Allemagne. Toute cette région, avec celle qui avait toujours été germanique, formait la Francia orientale ou teutonique, et la population y était réellement composée de Francs, ou de Germains leurs alliés ou leurs sujets. Quant à la Francia occidentale, celle qui était comprise entre la Loire et la Manche, les Francs y étaient largement établis et y firent sentir leur influence de bien des façons ; malgré cela, le gros de la population était resté romain. Sur VArmorique, cette péninsule qui forme l'extrémité occidentale de la Gaule, la domination des Francs fut toujours précaire et tout au plus extérieure. La population indigène y conserva toujours sa langue celtique; elle se trouva renforcée plus tard par des colonies venues de l'île de Bretagne, d'où le nom de Petite Bretagne donné dans la suite à cette région. Ainsi, à la fin du cinquième siècle, la domination franque était solidement établie sur toute la Germanie centrale et le nord de la Gaule, et, pour une raison facile à saisir, elle était
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destinée à durer plus longtemps que tous les royaumes teutoniques qui se formèrent dans l'empire romain. En effet, tandis que les Goths en Espagne et les Vandales en Afrique étaient isolés de leurs frères teutoniques, les Francs en Gaule trouvaient un véritable appui dans tous ces pays teutoniques qui s'étendaient sans interruption derrière eux. Fondation du royaume des Burgondes (406). Occupation de la Provence (500-510). — La plus grande partie de la Gaule se trouvait donc partagée, à la fin du cinquième siècle, entre les Francs au nord, et les Visigoths au sud. Mais au commencement de ce siècle, une troisième nation teutonique en avait envahi le sud-est et s'y était affermie. Les Burgondes en effet, qui, dans le principe, semblent avoir habité les bords de la mer Baltique, furent entraînés dans ce grand mouvement qu'on a appelé la migration des peuples, et ils vinrent s'établir dans le pays compris entre le Rhône et les Alpes; ils y fondèrent un royaume qui porta leur nom (406). Leur domination en Gaule l'ut plus durable que celle des Goths, mais elle le fut moins que celle des Francs. Le nom de Bourgogne existe toujours; mais il n'est pas de nom géographique dont la signification ait aussi souvent changé, et il a été réservé depuis plusieurs siècles à une très petite partie de l'ancien royaume des Burgondes. A la fin du cinquième siècle, le Bhône était un fleuve bourguignon; Aulun, Besançon, Lyon et Vienne étaient des cités bourguignonnes; la Provence, elle aussi, tomba un moment au pouvoir des Burgondes (500-510); après quoi ce pays, qui avait été la première province romaine au delà des Alpes (nom qu'il a si constamment gardé), suivit beaucoup plutôt le sort de l'Italie que celui de la Gaule. Invasion des Huns. — Destruction d'Aquilée et origine de Venise (452). — Au milieu de toutes ces conquêtes et changements de domination qui modifièrent tous la carte à l'époque où ils se produisirent, et dont quelques-uns ont toujours affecté depuis l'histoire et la géographie, il n'est pas inutile de mentionner, quand ce ne serait
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que pour le contraste, une invasion qui tient une grande place dans l'histoire du cinquième siècle, mais qui n'eut aucun effect direct sur la géographie. Nous voulons parler de l'invasion des Huns sous Attila,et de leur-défaite àChâlons (451) par les forces combinées des Romains, des Yisigoths, et des Francs. Cette bataille fut un événement tout à fait remarquable, non pour les changements qu'elle entraîna, mais pour ceux qu'elle empêcha de se produire. Si Attila avait été victorieux, un véritable bouleversement se serait produit dans toute l'Europe occidentale, tandis que sa défaite laissa la carte de la Gaule dans l'état où elle était. L'invasion d'Attila eut cependant un effet indirect sur la carte d'Italie, car elle détruisit la ville d'Aquilée, et ses habitants, en se réfugiant sur les îles de la Vénétie, jetèrent les bases de l'un des Etats les plus récents de l'Europe, celui qui devait devenir la république de Venise. Unification de l'Empire. — Odoacre patrice romain (476-493). Tandis que la Gaule et l'Espagne étaient ainsi enlevées à l'Empire, l'Italie et Rome allaient réellement se trouver dans la même situation, bien que la manière dont devait s'effectuer cette séparation fût tout à fait différente. Un vote du Sénat réunit l'empire d'Occident à celui d'Orient ; l'empereur Zénon devint seul empereur, et le gouvernement du diocèse d'Italie, c'est-à-dire, on s'en souvient, d'un territoire considérable situé en dehors de la péninsule italienne, fut donné par lui avec le titre de patrice à Odoacre,un de ces chefs barbares qui servaient comme mercenaires. En réalité, Odoacre était tout à fait indépendant de l'Empire; mais l'unité de celui-ci était sauvegardée dans la forme, et aucun royaume d'Italie ne fut établi. Théodoric roi des Ostrogot h* (493-536).
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Théorie de l'Empire. Odoacre fut renversé à son tour par Théodoric, roi des Ostrogoths. Quoiqu'il fût déjà roi de sa nation, Théodore régna cependant en Italie avec le titre impérial de patrice. En réalité, il fonda un royaume ostrogoth comprenant l'Italie et les pays qui avaient formé
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les diocèses d'Italie et d'Illyrie occidentale. Sa domination s'étendit également (510) sur la côte maritime du pays que nous pouvons maintenant appeler Provence, et son influence s'étendit de différentes façons sur la plupart des royaumes de l'Ouest. La capitale de la domination gothique était la même que celle de l'empire d'Occident disparu récemment, c'est-à-dire la ville de Ravenne. Théodoric et ses successeurs furent donc réellement des rois indépendants, et ce fut comme chefs de lèur nation qu'ils portèrent le titre royal. Gomme Rome faisait partie de leurs possessions, il serait vrai de dire qu'à partir de cette époque, elle cessa de faire partie de l'empire romain. En théorie cependant, la suprématie impériale continuait d'exister, et c'est pour cela que l'Italie, dans la suite, put être beaucoup plus facilement rattachée à l'Empire.
IV
ÉTABLISSEMENT DES ANGLO-SAXONS EN BRETAGNE
Caractère des invasions teutoniques en Bretagne. — Angles, Saxons et Jutes. — Pendant que la Gaule et l'Espagne se détachaient ainsi petit à petit de l'Empire, la domination romaine disparaissait dans l'île de Rretagne d'une façon beaucoup plus tranchéeLes armées romaines venaient de quitter la province pour faire face à un danger beaucoup plus pressant, et les habitants de File, laissés sans défense, ne purent empêcher les Teutons qui voulurent y pénétrer de s'y établir. Il y a d'ailleurs entre cet établissement des Teutons en Bretagne, et celui des autres nations teutoniques sur le continent, une différence capitale sur laquelle il est bon d'insister. Celles-ci en effet se trouvaient voisines de l'Empire ; elles avaient déjà
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appris à connaître et à respecter là civilisation romaine; quelques-unes étaient déjà chrétiennes avant d'envahir l'Empire, et elles le devinrent toutes peu après. Leurs conquêtes se faisaient progressivement; les vaincus pouvaient continuer de vivre selon le droit romain, et les vainqueurs eux-mêmes devaient arriver à adopter graduellement la langue et même, dans une large mesure, la civilisation romaine. La seule exception qui existât à cette règle sur le continent était dans les pays situés immédiatement sur le Rhin et le Danube, où la teutonisation était complète, où la langue et la civilisation romaines avaient entièrement disparu. Pareille chose eut lieu d'une façon encore plus complète en Bretagne. L'invasion eut lieu par mer. Les envahisseurs venaient d'un pays où la loi et la religion de Rome avaient peu ou point pénétré, et par suite de la retraite des armées romaines, ils se trouvèrent en face des Bretons seuls, qui déployèrent, pour conserver leur existence nationale, une vigueur que ne rencontrèrent pas les autres conquérants teutoniques. Il s'ensuivit par conséquent un état de choses tout à fait différent de celui qui existait auparavant. Ceux des Bretons qui ne furent pas massacrés durent fuir et céder complètement la place aux vainqueurs; ceux-ci n'abandonnèrent ni leur paganisme ni leur langue teutonique, et aucun élément de contact sérieux n'exista entre eux et les anciens habitants, Bretons ou Romains. Une nouvelle nation teutonique put ainsi se former dans un nouveau pays. Ces conquérants étaient les ancêtres des Anglais d'aujourd'hui. Ils habitaient cette région qui est située sur les confins de l'Allemagne et du Danemark, très loin par conséquent de la frontière romaine, et se trouvaient répartis entre plusieurs tribus. Trois de ces tribus, les Angles, les Saxons et les Jutes, jouèrent le rôle le plus important dans cette conquête de la Rretagne. Les Saxons, comme nous l'avons dit, avaient déjà essayé de pénétrer dans l'île au quatrième siècle; ce fut donc la première tribu connue des habitants romains et celtiques de l'île, et c'est ce qui fait que les Celtes de 7
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la Grande-Bretagne et de l'Irlande ont toujours appelé Saxons les conquérants de race teutonique qui vinrent s'y implanter. Mais lorsque toutes les tribus teutoniques de la Bretagne ne formèrent plus qu'une seule nation, comme les Angles ou Anglais se trouvèrent finalement les plus nombreux, leur nom servit à la fois pour désigner cette nation unique et le pays qu'elle habitait. Le nom de Bretagne n'est doncplus qu'un nom géographique s'appliquant à toute l'île, tandis que celui d'Angleterre est celui de cette partie de la Bretagne qui fut conquise peu à peu par les Anglo-Saxons. lies sept royaumes anglo-saxons et les Celtes de Bretagne à la fin du sixième siècle. Plusieurs royaumes teutoniques s'étaient déjà formés en Bretagne avant la fin du cinquième siècle. Les Jutes commencèrent la conquête en s'établissant dans le pays de Kent (449) ; puis vinrent les Saxons qui prirent possession de la côte méridionale et d'une petite partie de la côte orientale, et les royaumes de Sussex, Wessex et Essex se trouvèrent ainsi formés. La côte orientale fut peuplée surtout par les Angles, qui y fondèrent successivement les royaumes d'Est-Anglie, de Deira et Bernicie, ces deux derniers réunis ayant ensuite formé le grand royaume de Norlhumberland. A la fin du sixième siècle cependant, tous ces conquérants ne s'étaient pas avancés loin des côtes, aussi bien au sud qu'à l'ouest. Les Bretons, que les conquérants appelaient Welches ou étrangers, se maintenaient toujours dans l'ouest, ainsi que les Picts et les Scots dans le nord. Scots était à proprement parler le nom des habitants de l'Irlande; mais un certain nombre d'entre eux ayant pris possession de la icôte nordouest de la Bretagne, le nom de Scotland (Écosse) finit par désigner toute la partie septentrionale de l'île.
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V
L'EMPIRE D'ORIENT HI4-420)
Fluctuations de la frontière de l'Empire en Asie, du deuxième au cinquième siècle. — Nous ayons vu qu'à l'opposé de ce qui s'était passé pour l'empire d'Occident, les armées ou plutôt les nations teutoniques qui s'étaient ruées sur l'empire d'Orient, n'avaient fait que le traverser sans s'y établir d'une manière durable. C'est à peine si l'établissement des Goths Tétraxites dans la Chersonnèse Taurique peut passer pour une exception, car le pays se trouvait bien plutôt allié que partie intégrante de l'Empire. Ce qui donne, comme nous l'avons vu, un caractère particulier à l'histoire de l'empire d'Orient, c'est la longue lutte entre l'Orient et l'Occident dans laquelle Rome avait hérité de la mission d'Alexandre et des Séleucides représentants de la civilisation occidentale, comme elle devait se faire plus tard celui de la chrétienté contre le paganisme d'abord, et l'islamisme ensuite. Cette histoire comprend, entre autres événements de la plus grande importance, le relèvement de la nation Perse après qu'elle se fut affranchie du joug des Parthes (226 ap. J.-C). Mais au point de vue de l'histoire romaine, le rival n'avait fait que changer de nom, et que l'ennemi à combattre fût un descendant d'Assakès ou d'Artaxerxès, c'est toujours la même histoire qui se continue. En dehors de la rivalité naturelle qui existait entre deux grandes puissances placées ainsi l'une vis-à-vis de l'autre, il y avait encore une cause incessante de disputes dans le royaume limitrophe d'Arménie, nom qui a bien souvent changé de signification et d'importance, comme plus tard la Bourgogne et l'Autriche.
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Au point de vue de ses résultats géographiques, nous devons examiner dans cette longue lutte trois périodes spéciales. La première est celle des conquêtes temporaires de Trajan (114-117)1, pendant laquelle l'Arménie, jusque-là royaume vassal de Rome, fut incorporée comme province romaine. L'Albanie et l'Ibe'rie devinrent alors des états vassaux touchant la frontière. La domination romaine s'étendit également au delà de l'Euphrate et du Tigre et comprit la Mésopotamie, YAtropalène et la Babylonie. Ctésiphon, capitale des Parthes, et Séleucie, ville libre grecque, firent partie d'un empire qui atteignit un moment à la mer Caspienne d'un côté, et au golfe Persique de l'autre. Après que le royaume des Parthes eut été ainsi dépouillé des pays placés entre les deux mondes, et que son roi eut été forcé de se reconnaître vassal des Romains pour les pays qui lui avaient été laissés, Rome, champion de l'Occident, semblait avoir triomphé pour toujours de son rival oriental. Mais cette immense extension de la puissance romaine ne dura qu'un instant. Adrien fut forcé (117) d'abandonner les conquêtes de Trajan; l'Euphrate redevint de nouveau la frontière de l'Empire, et l'Arménie un sujet de disputes entre l'Orient et l'Occident. La seconde période commence avec les conquêtes de Marc-Aurèle (162-166), qui firent avancer de nouveau la frontière romaine. L'Osrkoène, entre le Tigre et l'Euphrate, devint une dépendance de Rome; elle devint une province sous la maison de Sévère, et la forteresse de Nisibe, qui devait dans la suite jouer un rôle si important, servit de de poste avancé contre les Parthes (195-202). Quelques années plus tard la puissance des Parthes était renversée, mais en réalité elle n'était que remplacée par celle des Perses. Les guerres d'Alexandre Sévère, la captivité de Valérien, la marche dévastatrice de Sapor à travers les provinces romaines, tout cela n'apporta aucun changement sur , la carte. Sous le règne de Dioclétien cependant (297), l'Em1. Revoir la carte XI.
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pire retrouva Tes succès qu'il avait eus sous Trajan. La Mésopotamie redevint romaine, et cinq provinces au delà du Tigre furent réunies à l'empire. L'Arménie, redevenue vassale de Rome, fut agrandie aux dépens de la Perse, et l'Ibérie fut de nouveau sous la dépendance de Rome. Dans la troisième période, la frontière romaine recula de nouveau. Les guerres de Sapor II n'eurent pas d'autre résultat que d'enlever à Rome deux forteresses mésopotamiennes, mais après la mort de Julien, les provinces transtigritanes furent rendues à la Perse (565). Nisibe fut également rendue, et l'Euphrate servit de nouveau de frontière. L'Arménie fut alors prise et reprise jusqu'à ce que le royaume se trouvât (587) finalement partagé entre les vassaux des deux empires, partage qui fut confirmé à nouveau par la paix de cent années conclue l'an 421 _ entre Rome et la Perse. Tel était l'état de la frontière orientale à l'époque où les Visigoths jetaient les bases de leur domination en Espagne et en Aquitaine, où, réunis aux Romains, ils écrasaient à Châlons les hordes d'Attila, où les Angles s'apprêtaient à fondre sur les côtes de la Grande-Lretagne. Aperçu général sur l'Europe à la fin du cinquième siècle. — Ainsi, à la fin du cinquième siècle, toutes les provinces occidentales, y compris Rome et l'Italie, sont réellement, sinon expressément, détachées de l'empire romain. L'Occident tout entier est placé sous la domination de rois teutoniques. Le Franc est maître de la Gaule septentrionale, et il continue toujours à occuper son pays primitif, la Germanie centrale et occidentale. Le Visigoth règne en Espagne et en Aquitaine, le Burgonde dans les pays qui se trouvent compris entre le Rhône et les Alpes. L'Italie, avec les pays situés au nord des Alpes et de l'Adriatique, forme en réalité, si ce n'est de nom, un royaume ostrogoth. Mais, si nombre de contrées en Europe sont ainsi arrachées à la domination romaine, il s'en faut qu'elles soient toutes soustraites à l'influence romaine. Tous ces Teutons établis dans l'Empire ne sont pas seulement des
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conquérants, ce sont aussi des disciples. Leurs chefs ont tous embrassé le christianisme ; dans la Gaule septentrionale ils sont même orthodoxes. L'Afrique, au pouvoir des Vandales convertis à l'arianisme, se trouvait bien plus éloignée des traditions.romaines que les pays possédés par les Francs devenus catholiques, ou par les Goths qui avaient également embrassé l'arianisme. Au nord des Francs, se trouvaient les tribus indépendantes de la Germanie, qui n'avaient encore subi en rien l'influence de Rome; elles vont bientôt se créer une nouvelle patrie en Bretagne, et comme cette conquête fut entièrement barbare et païenne, le pays qui allait ainsi se détacher de l'Empire devait l'être plus complètement encore que l'Afrique. Telle est à grands traits la situation de l'Occident. En Orient, la puissance romaine est concentrée dans la nouvelle Rome, elle.est constamment menacée et insultée par des ennemis de toutes sortes, mais ses limites sont à peu près les mêmes qu'au temps d'Aurélien. Les Teutons n'ont fait aucun établissement durable sur son territoire. Il lui faut soutenir des guerres interminables contre les Perses, et la frontière qui sépare les deux puissances rivales suit les fluctuations de cette longue lutte. Nous verrons dans le prochain chapitre de quel poids pesait encore dans le monde la majesté du nom romain, et dans quelle proportion l'ancienne domination romaine put être reconstituée.
�CHAPITRE IV
DIVISION FINALE DE L'EMPIRE
1
L'EMPIRE APRÈS SON
UNIFICATION
EN
476.
INVASIONS
DES VI- ET Vil* SIÈCLES
Continuité de l'empire romain. — Il est tout à fait essentiel, quand on veut étudier l'histoire et la géographie historique des sixième et septième siècles, de bien se pénétrer de ce fait que l'empire romain n'avait pas cessé d'exister, quoique Rome n'en fût plus la capitale et qu'elle se trouvât même en dehors du territoire possédé par cet empire. La Gaule, l'Espagne, l'Italie elle-même, s'en étaient détachées, la Bretagne en avait été séparée; mais l'autorité impériale n'avait pas été abolie dans la partie orientale de cet empire; et dans l'Occident même, le souvenir de cette autorité n'était pas complètement éteint. Des rois teutoniques régnaient sur toutes les contrées de l'Occident, mais
1, Voir pour ce chapitre les cartes 14 à 17.
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nulle part sur le continent ils n'étaient devenus des rois nationaux, et ils étaient simplement des chefs de leur peuple régnant au milieu d'une population romaine. Pendant tout cet intervalle, le César qui régnait dans la nouvelle Rome était pour tous les Romains le souverain légitime, et c'était contre leur gré qu'ils avaient été soustraits à son autorité. Les rois goths qui avaient fondé des établissements en Espagne et en Italie l'avaient fait avec la permission de l'empereur, dont ils avaient reçu le titre de lieutenants. En 476, l'empire d'Occident avait été réuni à l'empire d'Orient ; il était donc tout naturel que le seul Empereur Romain régnant dans la nouvelle Rome essayât, lorsque l'occasion lui paraîtrait favorable, de recouvrer les territoires qu'il n'avait jamais formellement abandonnés, et il était évident que tous les Romains qui les habitaient l'acclameraient comme un libérateur. Cependant, étant données les limites géographiques de la puissance romaine au commencement du sixième siècle, la race et la langue des peuples auxquels elle commandait, des idées toutes différentes auraient . pu prévaloir. Mais de telles considérations ne sè présentent le plus souvent que bien après les événements. Or la domination romaine se trouvait réduite, à l'avènement de Justinien (527), aux provinces grecques et orientales de l'Empire, et ses ennemis prononçaient déjà le nom de Grecs pour désigner la généralité de ses sujets. Sa véritable politique aurait donc été de prendre l'avance de plusieurs siècles sur l'histoire, en se considérant comme un état grec défendant ses frontières contre les Perses, en résistant ou en permettant à propos aux Slaves de s'établir sur son territoire, et de ne s'opposer en rien au libre développement des nations teutoniques en Occident. Mais en pareil cas le passé s'impose avec plus de force que l'avenir, naturellement fort incertain, et l'empereur romain pensait qu'il était de son devoir avant tout de rétablir l'empire romain dans ses anciennes limites.
Étendue et caractères des conquêtes de
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Justinien (537-565). — Ce fut sous Justinien qu'une grande partie de l'Empire se trouva ainsi replacée sous l'autorité impériale. Des provinces furent recouvrées dans les deux continents. Les divers états teutoniques qui s'étaient déjà formés en Afrique reçurent un coup mortel pour leur indépendance, et ceux d'Europe furent fortement ébranlés. Grâce à la faiblesse et aux divisions qui régnaient dans les royaumes vandales et goths, l'empereur put reconquérir l'Afrique et l'Italie, et deux hommes de race étrangère, Bélisaire et Narsès, l'un Slave et l'autre Perse, réussirent, par leurs exploits, à replacer l'ancienne Rome sous l'autorité de la nouvelle. Une courte guerre avec les Vandales (555-535) suffit pour rétablir en Afrique l'ancien état de choses romain, et donna à l'Empire une grande partie de la Mauritanie. La guerre avec les Ostrogoths dura plus longtemps (557554), et elle aboutit à la restitution de l'Illyrie, de l'Italie .et de l'ancienne Rome. Ravenne, Carthage, virent succéder à leurs rois teutoniques des exarques byzantins. Pendant que la lutte avec les Ostrogoths se poursuivait en Italie, une grande partie de l'Espagne méridionale était enlevée aux Visigoths (550). Deux royaumes teutoniques furent ainsi anéantis, et un troisième considérablement affaibli; après la reprise de la Sicile, de la Sardaigne, de la Corse et des îles Raléares, l'étendue du littoral de l'Empire fut énorme, et il eut une suprématie maritime incontestée. Il n'y eut qu'un seul point où la frontière impériale recula; la Provence en effet, qui était depuis longtemps perdue pour l'Empiré, fut alors cédée aux Francs d'Unë manière formelle (548). Au point de vue géographique, la carte de l'Europe a rarement été àussi changée, durant l'espace d'une seule génération, que sous le règne de Justinien. A son avènement, son empire était limité à l'ouest par l'Adriatique, et il était loin de posséder là totalité du littoral de cette mer. Sous son règne, la puissance et la législation romaines furent de nouveau portées jusqu'à l'Océan. La domination romaine ne
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s'étendait plus, à la vérité, sur le littoral tout entier de la Méditerranée ; les territoires de l'Empire ne se tenaient plus comme par le passé; mais si l'Empire n'était plus ce qu'il avait été, le seul état des pays méditerranéens, il était devenu incomparablement le plus grand de tous ces états. D'un autre côté, après avoir recouvré une aussi grande étendue de pays de langue latine, la tendance qu'il pouvait avoir à devenir un état grec ou oriental se trouvait arrêtée pour plusieurs siècles. Nous n'avons pas d'ailleurs à envisager le côté politique et moral des conquêtes de Justinien, mais leurs conséquences géographiques. Quelques-unes de ces conquêtes furent tout à fait temporaires. Elles amenèrent cependant des-changements assez considérables, qui continuèrent à agir sur l'histoire et la géographie longtemps après que leurs conséquences immédiates avaient cessé d'exister. Les Lombards en Pannonie, puis en Italie (567). — Les Gépides et les Avares. — Les conquêtes de Justinien empêchèrent la formation en Italie d'un royaume teutonique national, semblable à ceux qui s'étaient formés en Gaule et en Espagne, et elles firent que la ville qui avait été le berceau de l'Empire, Rome, devint une dépendance éloignée de la grande colonie qu'elle avait fondée sur le Bosphore. Cependant la réunion de l'Italie à l'Empire ne dura qu'un moment. La conquête venait à peine d'en être terminée, que de nouveaux envahisseurs teutoniques se précipitèrent sur l'Italie. C'étaient les Lombards, qui avaient fait irruption dans l'ancienne Pannonie à peu près à l'époque où les Ostrogoths pénétrèrent en Italie, et s'étaient ainsi établis en deçà des anciennes limites de l'empire d'Occident. Cependant la puissance romaine avait tout à fait disparu de ces régions, et le royaume lombard se trouvait réellement en dehors de l'Empire. Il n'y avait en lui rien de romain, pas même à la surface, comme c'était le cas pour les royaumes des Francs et des Goths. A l'est des Lombards, dans l'ancienne Dacie, un autre royaume teutonique s'était formé, celui des Gépides, nation qui devait toucher d'assez
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près aux Goths. La grande invasion avait également amené dans cette région les Avares, peuple d'origine touranienne, et ce fait eut des conséquences énormes. Eu effet, les Gépides en Dacie, et les Lombards en Pannonie, pouvaient fonder deux états teutoniques placés sur les frontières de l'Orient et de l'Occident ; ils auraient pu encore envahir l'empire d'Orient, comme les Francs et les Goths avaient envahi l'empire d'Occident, et changer ainsi complètement la face de l'histoire. Au lieu de cela, les Lombards firent alliance avec les Avares pour renverser les Gépides (566), puis ensuite ils passèrent en Italie (567). Les progrès des établissements teutoniques dans ces régions se trouvèrent ainsi arrêtés ; des voisins bien plus dangereux pour l'Empire, les Slaves, furent alors à même de jouer en Orient le même rôle que les Teutons en Occident. Mais tandis que l'Orient perdait cette chance de rénovation, car c'est ainsi que les choses se seraient passées, l'établissement des Lombards en Italie fut le commencement d'un nouvel état teutonique dans cette région. Mais il n'y avait aucune probabilité pour que cet état pût devenir un royaume national teutonique de toute l'Italie, comme avait bien pu l'être la domination des Ostrogoths. La conquête lombarde de l'Italie ne fut à aucune époque une conquête complète ; une partie de la péninsule fut occupée par les Lombards ; une partie resta aux empereurs; et les possessions lombardes et impériales se mêlaient de manière à empêcher la formation d'une sorte d'unité nationale sous l'un ou l'autre des deux pouvoirs. Le principal établissement des Lombards était dans le nord de l'Italie où ils fondèrent le grand royaume qui n'a pas cessé de porter leur nom; dans le sud, ils possédaient les deux petits états de Spolète et de Bénévent. Mais Ravenne, résidence des exarques, Rome, Naples, Venise étaient toujours les centres de districts qui continuaient à reconnaître l'autorité impériale. Les empereurs conservaient également les extrémités des deux presqu'îles méridionales, et à l'époque où nous sommes ils avaient aussi les trois grandes îles. Les rois
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lombards menaçaient constamment Rome et Ravenne ; Rome ne fut jamais prise, mais dans le milieu du huitième siècle Ravenne le fut, et son annexion à l'état lombard s'ensuivit avec le petit district, qui avait reçu le nom d'exarchat. Mais cette extension de la puissance des Lombards causa sa ruine ; en effet, elle amena, dans la suite toute une série d'événements qui, nous le verrons, se terminèrent par la confiscation de leur royaume par les Francs, lesquels s'em^ parèrent également de la couronne impériale d'Occident. Pertes de l'Empire en Espagne (534-634). — Les provinces d'Asie avant la venue des Sarrasins. — Mais avant d'entrer dans l'examen des révolutions qui s'opérèrent parmi les états déjà formés dans l'Europe occidentale, il sera bon de décrire les changements géographiques qui furent amenés par l'apparition d'acteurs tout à fait nouveaux dans les deux parties de l'Empire. Un seul de ces changements cependant, peut être relaté immédiatement, car il est en dehors du cours général des événements; nous voulons parler de la reprise progressive de la province d'Espagne par les Visigoths. Les villes de l'intérieur, telles que Cordoue, ne restèrent pas plus d'une quarantaine d'années (534-572) au pouvoir des Romains, et toutes les possessions impériales dans la péninsule se trouvèrent perdues sous le règne d'Héraclius (616-624). Les grands résultats du règne de Justinien n'eurent donc au point de vue géographique qu'une très courte durée ; une grande partie de l'Italie fut reperdue presque aussitôt que conquise, et l'Espagne ne resta pas plus de quatre-vingt-dix ans au pouvoir de l'Empire. C'est pendant le cours du septième siècle que des nations inconnues ou sans importance jusque-là commencèrent à jouer un rôle considérable qui devait changer la face de la carte. Elles peuvent se ranger en deux groupes principaux, selon qu'elles venaient du Nord ou de l'Est. Les premières, à l'instar des Teutons qui avaient envahi l'Empire avant elles, devaient de conquérantes se faire disciples ; les autres,
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au contraire, étaient les champions d'un système tout différent en religion comme en tout. En un mot, l'ancienne rivalité de l'Orient et de l'Occident prend alors la forme d'une agression bien déterminée de la part de l'Orient. Tant que la dynastie des Sassanides dura, Rome et la Perse conservaient l'une vis-à-vis de l'autre une position à peu près égale, et malgré de longues guerres (603-628) les frontières des deux empires n'avaient pas sensiblement changé. Dans la dernière période de la lutte, Ghos.roès prit Jérusalem et Antioche, et campa à Chalcédoine. Héraclius, à son tour, poussa ses armées victorieuses au delà des limites qu'avait eues l'Empire sous Trajan. Mais toutes ces expéditions ne changèrent pas la carte d'une manière durable, si ce n'est qu'en affaiblissant Rome et la Perse tout à la fois, elles préparèrent la voie à celui de tous ces changements qui devait être le plus considérable. Il est bon de noter cependant l'extension qui, sous Justinien, avait été donnée à la puissance romaine sur la rive orientale du Pont-Euxin, dans la Colchide ou Lazique. Chacun des deux empires avait sa frontière sud protégée sur une certaine étendue par les possessions de rois arabes dépendants: les Ghassanides d'un côté, vassaux de Rome, et plus à l'est les Lachmites, vassaux de la Perse. Lies Sarrasins. Étendue et caractères de leurs conquêtes (H23-T/55). — C'est à cet état de choses que s'attaquèrent les Sarrasins, qui entrèrent en siène sous Mahomet et ses premiers disciples. Une nouvelle nation, celle des Arabes, devint alors dominante dans nombre de pays qui avaient appartenu à l'empire romain, aussi bien que dans d'autres qui n'avaient jamais été dans ses limites. Après que les tribus dispersées de l'Arabie eurent été réunies par Mahomet, les successeurs du Prophète se mirent à leur tête pour répandre partout, les armes à la 'main, la religion mahométane, ainsi que la langue arabe et ce que nous pouvons appeler la civilisation de l'Orient, par opposition à celle de l'Occident. C'est en somme une lutte
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entre les races aryenne et sémitique qui commence, car, malgré les différences qui les séparaient, Rome et la Perse n'en étaient pas moins toutes deux aryennes. Ce qu'il y a de plus surprenant, c'est la rapidité avec laquelle les Sarrasins étendirent leurs conquêtes au détriment de chacun de ces deux états ; il y a là un contraste bien marqué avec la marche lente de la conquête romaine et des établissements teutoniques. En moins de quatre-vingts ans, l'empire musulman arriva à dépasser l'empire romain comme étendue, et pendant quelque temps la volonté du Calife ou Prophète fut obéie depuis l'Océan jusqu'au delà de l'Indus. En quelques campagnes, l'Empire perdit toutes ses possessions au delà du mont Taurus, c'est-à-dire celle de ses trois grandes divisions où la civilisation grecque, pas plus que la civilisation romaine, ne s'était jamais complètement implantée (632-659). Mais si l'empire romain se trouvait ainsi démembré, la Perse, elle, fut complètement anéantie (632-651). La nationalité perse eut le même sort que sous les Parthes, et elle devait de même se rétablir dans la suite. Mais la domination sarrasine ne devait pas se borner à remplacer celle des Parthes et des Perses ; les disciples de Mahomet s'attribuaient une mission de conquête universelle, et ils devaient enlever à Rome la domination exclusive de la Méditerranée. Sous Justinien, bien que le littoral de la Méditerranée n'appartînt pas à l'Empire d'une façon continue, la suprématie maritime lui appartenait sans conteste. Tout ce qui, en Espagne et en Gaule, n'était pas romain, était au moins chrétien. Dans l'espace de soixante-quatre ans, toutes les possessions romaines en Afrique tombèrent successivement sous la domination mahométane (647-711). De là les Sarrasins passèrent en Espagne, où le royaume visigoth devait être pour eux une proie plus facile que les provinces romaines. Dans l'espace de trois ans après la conquête finale de l'Afrique, la péninsule tout entière fut également conquise (711-714), sauf quelques populations chrétiennes qui continuaient à
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résister à l'abri de leurs forteresses dans des montagnes inaccessibles. Les Sarrasins franchirent même les Pyrénées, et enlevèrent aux rois visigoths la dernière province qui leur restait en Gaule, la Septimanie. Narbonne, Arles', Nîmes devinrent toutes pendant quelque temps des cités sarrasines (713-755). Les trois parties principales de l'Empire opposèrent à cette terrible invasion une résistance bien différente. Les provinces orientales, où la civilisation grecque ou romaine n'avait jamais été que superficielle, tombèrent au premier choc. L'Afrique, qui avait été largement romanisée, résista pendant soixante ans. Les provinces de l'Asie Mineure, alors complètement grecques, furent souvent ravagées, mais jamais conquises. L'Espagne et la Septimanie furent bien plus facilement conquises que l'Afrique, ce qui tendrait assez à prouver que les Visigoths n'étaient toujours pour leurs sujets romains que des étrangers. Après que l'Espagne eut été conquise, la domination du Calife atteignit sa plus grande étendue dans les trois continents (714). Des conquêtes détachées furent faites en Europe pendant longtemps encore, mais en général la puissance des Sarrasins diminua. Quarante ans plus tard, ils perdaient Sind, leur possession la plus lointaine en Orient (750). Cinq ans après, l'Espagne tombait au pouvoir d'une dynastie rivale, qui devint dans la suite un califat rival (755). Cette même année, la domination sarrasine recula pour la première fois en Europe. En effet, si la bataille de Tours (732), semblable à la défaite d'Attila à Châlons, n'eut d'autre résultat que d'empêcher les changements considérables qui se seraient produits sur la carte, il n'en fut pas de même lorsque la province de Septimanie ou Gothie, la seule que les Sarrasins possédassent au delà des Pyrénées, leur fut enlevée par les Francs (755).
Slaves et Touraniens au sixième siècle. —
Les migrations du sixième siècle commencent à nous révéler une nouvelle branche de la famille aryenne, composée de na-
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tions qui devaient jouer un rôle fort important dans les affaires de l'Orient et de l'Occident. Nous voulons parler des nations slaves, dont il nous paraît peu nécessaire d'aborder l'histoire avant cette époque, et sur lesquelles les Avares, au sixième siècle, semblent avoir produit à peu près le même effet que les Huns, deux siècles auparavant, sur les nations teutoniques. Les incursions des Avares avaient entravé, comme nous l'avons vu, les progrès des établissements teutoniques sur le bas Danube et amené les Lombards à s'établir en Italie. Les Avares n'étaient d'ailleurs que l'avant-garde d'un groupe considérable de nations touraniennes, dont quelques-unes au moins étaient turques, et qui cherchaient à se frayer un passage vers l'ouest. A l'est du grand royaume des Avares situé au nord du Danube, on trouvait, en suivant le littoral septentrional du Pont-Euxin, les Magyars, les Petche'nègues, et le grand empire des Khazars, qui touchaient aux possessions éloignées et aux alliés de l'Empire dans cette région. Tous ont joué un rôle dans l'histoire byzantine, et au septième siècle le territoire romain n'avait pas de plus dangereux ennemis que les Avares; mais au sud du Danube ils ne furent jamais que des ravageurs. La géographie ne les connaît que dans le royaume qu'ils avaient fondé au nord de ce fleuve, et qui n'eut d'ailleurs qu'une existence éphémère. L'importance qui .s'attache à tous ces mouvements, tient seulement à l'influence qu'ils ont exercée sur la grande race aryenne que nous allons voir maintenant entrer dans l'histoire. Les Slaves semblent avoir été poussés par les invasions touraniennes dans deux directions : le nord-ouest et le sud-est. Ceux qui prirent la première devaient former dans la suite plusieurs états européens, et leurs rapports avec l'Allemagne constituent une partie importante dans l'histoire de l'empire d'Occident. Mais cette importance ne devait se manifester qu'un peu plus tard. Ceux qui prirent l'autre direction jouent un rôle considérable dans l'histoire des sixième et septième siècles. Leur position vis-à-vis de l'empire d'Orient est assez semblable à celle des nations teuto-
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niques vis-à-vis de l'empire d'Occident; ils présentent à un degré moindre, et avec moins d'éclat, ce caractère de conquérants se changeant ensuite en disciples. Établissement des Slaves dans l'Empire au septième sièele. — Pendant le sixième siècle, les Slaves ne firent qu'étendre leurs ravages, et ce n'est qu'au septième qu'ils commencent à fonder des établissements. Tout porte à croire qu'Héraclius encouragea ces établissements slaves au sud du Danube, et cela dans le but de se défendre contre des ennemis qui lui paraissaient plus dangereux, contre les Avares (620). De même que pour les Teutons dans l'Occident, toutes ces colonies slaves se rendirent ensuite réellement indépendantes ; et c'est ainsi que nous voyons surgir au nord et à l'est de l'Adriatique un certain nombre d'états slaves tels que la Servie, la Chrobatie ou Croatie, et la Carinthie. L'histoire des deux premiers de ces états resta liée à celle de l'empire d'Orient, tandis que celle du troisième le fut à celle de l'empire d'Occident. L'Istrie. et la Dalmalie devinrent alors des pays slaves, à l'exception des villes maritimes qui, au milieu de nombreuses vicissitudes, restèrent attachées à l'Empire. Parmi elles, d'ailleurs, des changements considérables se produisirent. Ainsi Salone fut détruite (630), et dans le voisinage de l'ancien palais de Dioclétien on vit s'élever la nouvelle cité de Spalato. La ville à'Épidaure en Dalmatie fut également détruite, et Raguse s'éleva à sa place. Dans beaucoup de ces expéditions, les Slaves et les Avares se trouvaient mêlés, mais les établissements durables furent tous slaves. Cet état de choses d'ailleurs a persisté, et nous voyons qu'à part le bord de la mer qui est italien, toute la côte nord-est de l'Adriatique est complètement slave. . Tout ce qui restait de l'ancienne race illyrienne dans les pays danubiens se trouva ainsi fortement déplacée, et son nom passa en grande partie aux nouveaux envahisseurs, ce qui n'a pas manqué de produire quelques confusions. Les Slaves d'ailleurs descendirent beaucoup plus au sud, et ils
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envahirent une partie considérable de la Macédoine et de la Grèce; pendant les septième et huitième siècles, tous ces pays, si l'on excepte les villes fortifiées et une bande de territoire le long de la côte, furent réellement séparés de l'Empire. Le nom de Slavinie s'étendit du Danube jusqu'au Péloponnèse, et il ne resta à l'Empire que les îles et quelques points détachés sur la côte, depuis Venise jusqu'à Thessalonique. De plus, l'ancien nom de Macédonien commença alors à être entendu dans le sens de Slave, et ce fut probablement aussi à cette époque que les Illyriens, les Skipetars ou Albanais durent se frayer une voie vers le sud, et former en Grèce ces colonies dont quelques-unes conservent encore la langue albanaise, tandis que la langue slave en a disparu depuis des siècles1. L'occupation slave de la Grèce est un fait qu'il ne faut pas oublier, mais qu'il ne faut pas non plus exagérer. Elle n'entraîna pas, cela est certain, la disparition de la nationalité grecque; mais la plus grande partie du pays n'en fut pas moins occupée, et si elle fut hellénisée de nouveau, ce fut par les villes et les districts qui étaient restés grecs ou romains. Établissement des Bulgares (075>). — Plus tard, au septième siècle, une autre invasion eut lieu dans les pays situés au sud du Danube, et la frontière impériale recula jusqu'à l'Hémus. Les Bulgares, d'origine touranienne, ont eu une histoire bien différente de celle de la plupart des autres envahisseurs touraniens. Par leur mélange avec les Slaves, qu'ils avaient pour sujets et pour voisins, ils le devinrent eux-mêmes réellement, et ils restent toujours un peuple parlant la langue slave. Ainsi, bien qu'il continuât à garder ses possessions en Italie avec les grandes îles méditerranéennes, bien qu'il dût rester maître de l'Afrique occidentale jusque dans le courant du huitième siècle, et que ses possessions éloignées sur les
1. L'auteur ne pense plus que des migrations albanaises en Grèce aient eu lieu à cette époque, mais il croit toujours que les Albanais représentent les anciens Illyriens.
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côtes septentrionale et orientale du Pont-Euxin lui appartinssent encore, l'Empire se voyait enlever la plus grande partie de cette péninsule européenne qui semble devoir être la possession immédiate de la nouvelle Rome. L'Empire Romain à la lin du septième siècle. — Mais de même qu'en Occident, si la puissance territoriale de l'Empire avait diminué, son influence morale avait considérablement grandi. Toutçs les nations qui s'étaient répandues dans ces provinces embrassèrent ..progressivement le christianisme sous sa forme orientale, et leurs regards se sont toujours tournés vers la nouvelle Rome avec un sentiment de même nature, mais moins accentué, que celui qui attirait les regards de l'Occident vers l'ancienne. Néanmoins, au commencement du huitième siècle, la puissance impériale, tout en se maintenant encore sur quelques points depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au Bosphore cimmérien, ne s'exerçait plus d'une façon continue que sur un bien petit espace comprenant la Thrace et cette solide péninsule de l'Asie Mineure que les Sarrasins avaient tant de fois ravagée, mais jamais conquise. Les montagnes ont pris la place des fleuves comme grandes frontières de l'Empire ; au lieu du Danube et de l'Euphrate le terminus romain a reculé jusqu'à l'Hémus et au Taurus.
II
LA DOMINATION FRANQUE DU VI* AU IX' SIÈCLE
Conquêtes en Germanie et en Gaule au sixième siècle. Pendant que l'empire d'Orient voyait ainsi sa puissance diminuer, celle des Francs grandissait en Occident, et devait finalement le supplanter par la création d'un empire rival. Leurs rapports, d'ailleurs, ne furent pen'
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dant un certain temps que tout à fait accidentels. La partie de l'empire d'Occident qui se ressentit le moins du réveil de la puissance romaine en Orient fut, immédiatement après la Grande-Bretagne qui avait complètement cessé d'appartenir au monde romain, l'ancienne province de Gaule transalpine. Les Francs étendirent rapidement leur domination, à la fois en Germanie, leur ancien pays, et en Gaule leur nouvelle demeure. La victoire de Glovis sur les Alamans (496), en réunissant les deux nations qui avaient été pendant si longtemps les principales ennemies de Rome, donna aux Francs la suprématie en Germanie ; cette suprématie fut étendue au sixième siècle sur la Thuringe d'abord (550), et plus tard sur 1& Bavière. La Bavière à cette époque, avait une étendue bien plus considérable que celle qui est attribuée à ce nom dans la géographie moderne, et elle atteignait jusqu'aux limites septentrionales de l'Italie. Il semble que les Bavarois ne fussent que depuis peu établis dans le pays compris entre le Danube et les Alpes ; leur passage sous la domination des Francs fit de tous les pays situés immédiatement au sud du Danube une terre complètement teutonique, comme l'étaient devenus les pays situés immédiatement à l'ouest du Rhin après les premières conquêtes franques. Longtemps avant cette époque, la domination franque s'était aussi considérablement agrandie en Gaule. Dans les dernières années de Clovis (507-511), la plus grande partie de l'Aquitaine fut enlevée aux Visigoths, aux dépens desquels d'autres conquêtes devaient être faites dans la suite, et, vers la même époque (552-554), la Bourgogne reconnut la suprématie des Francs. Lia Septimanie et la Provence au sixième siècle. Tout le littoral océanique de la Gaule se trouvait donc alors en la possession ou la dépendance des Francs qui, cependant, restaient toujours séparés de. la mer. Les Visigoths conservaient toujours le pays qui s'étend des Pyrénées jusqu'au Rhône, la Septimanie ou Gothie, — ce dernier
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nom lui ayant été donné comme au seul pays de la Gaule resté sous la domination gothique. —Le pays qui avait reçu le nom spécial de Province, la première possession romaine dans la Gaule transalpine, le pays qui s'étend le long de la mer depuis le Rhône jusqu'aux Alpes, faisait alors partie du royaume ostrogoth de Théodoric. A la faveur des longues guerres qui eurent lieu entre les Goths et les Romains, les Francs envahirent l'Italie, mais sans qu'il en résultât pour eux d'établissement de l'autre côté des Alpes. Cependant, comme la conquête de la Bourgogne les avait rendus voisins de l'Italie, il en résulta finalement une extension de leur domination en Gaule, et leur première acquisition d'un littoral sur la Méditerranée. En effet, en 548, par l'un des derniers exercices de l'autorité impériale dans ces régions, Marseille, Arles, et le reste de la Province, furent ajoutées au royaume des Francs. Réunion de toute l'étendue de la domination franque sous Clotaïre Ier (558-561). Caractères de ses diverses parties. — Ainsi, à l'époque où l'Italie venait d'être reconquise par l'Empire, la domination franque, réunie pendant un moment sur une seule tête, comprenait toute la Gaule, excepté la Septimanie, et la Germanie centrale. Les Francs avaient en outre la suprématie sur toutes les tribus de la Germanie méridionale ; quant à celles du nord, les Frisons et les Saxons, qui appartenaient à la branche du bas Allemand, elles étaient toujours indépendantes. Puisque la domination franque tient une si grande place dans l'histoire et la géographie européennes, il devient tout à fait nécessaire de se rendre bien compte de ce qu'était historiquement la position des Francs. Peuple germanique devenu maître de la Germanie et de la Gaule, ce fut seulement au nord de la Gaule et dans la Germanie centrale, c'est-à-dire dans les pays auxquels ils ont donné leur nom d'une façon permanente, que les Francs peuvent être considérés comme ayant occupé réellement le pays. En Germanie, ils restèrent
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naturellement Germains; dans le nord de la Gaule, ils se trouvaient dans la même situation que les autres nations teutoniques qui avaient fondé des établissements dans l'Empire. Ils formaient une race teutonique dominante dans un pays romain. Ils adoptèrent peu à peu la langue des vaincus, tandis que ceux-ci prirent le nom de leurs vainqueurs. Cependant cette fusion des deux éléments, germanique et romain, fut plus lente que partout ailleurs, et cela sans doute parce qu'en Gaule les Francs continuaient à rester en communication avec leur ancienne patrie teutonique, ce qui n'avait pas lieu pour les autres conquérants teutoniques. En dehors de cette région plus strictement franque, les Francs n'avaient tout au plus, en Germanie et en Gaule, qu'une suprématie politique, et point d'établissement national dans aucun sens. La Bavière était gouvernée par ses princes, vassaux des Francs; et, les Francs n'avaient dans la Gaule située au sud de la Loire qu'une autorité tout au plus extérieure. L'Aquitaine dut être conquise et reconquise plusieurs fois, et de nouvelles dynasties de princes indigènes y surgissaient constamment. L'élément teutonique dans ces pays, beaucoup plus faible que celui du nord de la Gaule, était goth et burgonde, mais nullement franc. De même, la langue romane qui s'y forma, était tout à fait différente de celle de la Gaule septentrionale. Il n'y avait en somme rien de commun entre les deux grandes parties de la Gaule, l'une située au nord, et l'autre au sud de la Loire, si ce n'est leur union, en premier lieu sous la domination romaine, et en second lieu sous la domination franque. Enfin, dans la presqu'île armoricaine, l'ancienne population celtique, fortifiée par les émigrants venus de l'île de Bretagne, formait un autre élément et celui-ci encore plus distinct. Austrasic et Neustrie. Transformations de l'ancien mot Francia. Il y avait donc, dans toute l'étendue de la domination franque, bien des nationalités différentes qui contenaient les germes de futures divisions. Il fallait une main forte pour maintenir réunies la Francia
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teutonique et la Francia latine; maintenir ensemble tous les pays- dépendants, en Germanie et en Gaule, était une tâche moins difficile. Pendant les siècles où nous avons vu l'Empire démembré par les Lombards, les Goths, les Slaves et les Sarrasins, la domination franque resta à l'abri de pareils démembrements. Son histoire sous la dynastie mérovingienne n'est cependant qu'une suite de partages et de réunions, et ces partages interminables entre les membres de la famille régnante ne pouvaient que fortifier cette tendance à la division qui était inhérente à la nature du pays. D'une façon générale, on peut dire quele territoire plus strictement fran -. tendait à se diviser en deux parties : l'une teutonique, située à l'est,\'Austrie ou Austrasie; l'autre romaine, à l'ouest,la Neustrie. C'étaient là les germes qui devaient donner naissance aux royaumes de Germanie et de France. Quant au nom de Francia, sa signification géographique changea comme celle d'autre noms de cette espèce, suivant les déplacements du peuple dont il provenait. Après avoir en effet subi de nombreuses variations, il finit peu à peu par être réservé à ces parties de la Germanie et de la Gaule où nous le voyons toujours figurer; d'une part la Francia teutonique ou austrasienne, dont une partie conserve toujours le nom de Franken ou Franconie, et de l'autre la Francia romaine ou neustrienne, qui est devenue la France moderne après des annexions de toutes sortes. Extension et caractères de la domination franque sous les Karlings ou Carolingiens. — Enfin, après une succession interminable de partages, de conquêtes et de réunions des différentes parties du territoire franc, l'empire franc tout entier se trouva de nouveau réuni dans la seconde moitié du huitième siècle sous la dynastie austrasienne et 'purement germanique des Karlings. Les ducs et rois de cette famille consolidèrent et étendirent la domination franque dans toutes les directions. Sous Pépin et Charlemagne, le pouvoir de la race conquérante se trouva plus solidement établi sur les états dépendants tels que la
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Bavière et l'Aquitaine. La province sarrasine de Septimanie, conquise par Pépin (752), mit les Francs en possession de toute la Gaule. Les conquêtes de Gharlemagne en Italie furent plutôt l'acquisition d'une nouvelle couronne pour le roi des Francs qu'un véritable agrandissement territorial du royaume franc. Mais les conquêtes de la Saxe d'un côté, de la Marche espagnole de l'autre, ainsi que la destruction du royaume pannonien des Avares, furent dans le sens le plus strict des extensions de la domination franque. Et la domination que nous voyons acquérir ainsi tant d'importance, qui s'étendait maintenant depuis l'Elbe jusqu'à l'Èbre, était une domination essentiellement germanique. Les Francs en effet, étaient Germains par le sang, par la langue, et par les idées, mais leur domination s'étendait sur d'autres nations, germaniques, latines, et celtiques, à différents degrés d'incorporation et de sujétion. Les grands états du huitième siècle. — Ainsi, après les conquêtes des Sarrasins, il y avait en Europe un seul état purement européen, le royaume des Francs, un seul état à la fois européen et asiatique, l'Empire romain, dont la capitale était à Constantinople, et un état à la fois asiatique, africain et européen, le Califat sarrasin. Ce sont pendant le huitième siècle les trois grandes puissances du monde, et les autres nations d'Europe et d'Asie qui rentrent dans notre sujet sont tout à fait à l'arrière-plan. Mais le Califat, en tant qu'état sémitique et mahométan, ne pouvait être européen que dans un sens géographique, et, même après que les Sarrasins d'Espagne eurent fondé un nouvel état complètement indépendant, celui-ci n'en conserva pas moins son caractère exotique. Une partie importante de l'Europe occidentale n'eut plus à obéir au calife de Damas ou de Bagdad; mais l'émirat, devenu plus tard le califat de Cordoue (755), ainsi que les royaumes qui sortirent de son démembrement, continuèrent à n'appartenir à l'Europe que géographiquement. C'étaient bien plutôt des parties de l'Asie — et dans la suite plus spécialement de l'Afrique — qui s'étaient jetées en
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Europe, quelque chose de semblable à la domination de Carthage dans les temps anciens. Les deux grands états chrétiens, les deux grands états réellement européens, sont l'empire romain et le royaume des Francs. Nous arrivons maintenant à une série d'événements qui donnèrent aux deux noms de Romain et de Franc la môme signification dans une grande partie de l'Europe, et séparèrent de nouveau, et pour toujours cette fois, les deux sièges de la domination romaine.
III
RÉTABLISSEMENT PAR DE LES L'EMPIRE FRANCS D'OCCIDENT
Charlemagne roi des Lombards et patrice romain (774), empereur d'Occident (800). —
Ce furent les affaires d'Italie qui amenèrent en présence les Francs et l'Empire romain. Pendant le huitième siècle l'autorité impériale s'affaiblit progressivement dans les territoires qui restaient toujours à l'Empire dans l'Italie centrale, et, que l'on examine les choses à un point de vue ecclésiastique ou à un point de vue exclusivement historique, cet examen présente un très grand intérêt. Cependant, tant que cette autorité se tint debout, la carte ne subit aucun changement véritable. Il n'en fut plus de même après la conquêtede l'exarchat par les Lombards, et après que le royaume des Lombards eut été renversé à son tour par le roi des Francs Charlemagne (774). Le pouvoir des Francs se trouva alors établi sur le versant italien des Alpes, mais il faut bien remarquer que cette nouvelle conquête ne fut pas incorporée à la domination franque, et que Charlemagne lui-même, s'inti-
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tula roi des Francs el des Lombards. Il porta également le titre de palrice des Romains, lequel, malgré sa grande importance politique, n'affectait en rien la géographie. Ce titre faisait de lui le délégué de l'empereur et, bien qu'il fût concédé par l'évêque et le peuple de Rome sans le consentement impérial, c'était cependant un signe que l'autorité impériale n'était pas encore complètement éteinte. En tant que patrice, Charles devint virtuellement souverain de Rome, et l'acquisition de ce titre fit que sa domination s'étendit effectivement depuis l'Océan jusqu'aux frontières de la principauté de Bénévent. Cependant, jusqu'au couronnement de Charlemagne comme Empereur d'Occident, lequel eut lieu dans la dernière année du huitième siècle, l'empereur qui régnait dans la nouvelle Rome continua à être le souverain nominal de l'ancienne. Le grand événement de l'an 800, avec sa haute signification, ne donna aucune extension à la domination de Charlemagne, pas plus qu'il ne lui donna de nouveaux pouvoirs. Conséquences de la division finale de l'empire romain. — Le couronnement de Charlemagne devait cependant avoir une grande influence sur l'histoire et sur la géographie historique. Tout le système politique de l'Europe se trouva changé, lorsque l'ancienne Rome se fut déliée formellement de toute fidélité à la nouvelle, et qu'elle eut fait du roi des Francs et des Lombards l'empereur des Romains. Bien que sa puissance ne fût pas accrue, bien que l'étendue de sa domination restât la même, Charles, désormais, les exerça sous un autre titre. L'empire romain fut divisé de nouveau, et cette fois pour toujours. Sa moitié occidentale comprit alors, non seulement la plus grande des provinces qu'il avait perdues, mais encore de vastes régions qui n'avaient jamais fait partie de l'empire, même à l'époque de Trajan. En outre, le caractère distinctif de l'empire romain avait été l'absence de toute nationalité. Tout l'ancien monde civilisé s'appelait d'un seul nom, Rome, et tous ses habitants libres étaient devenus Romains. Mais à partir de cette époque, cha-
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cune des deux divisions de l'Empire commence à prendre une sorte de caractère national. L'Orient et l'Occident continuèrent à rester romains par le nom et les traditions politiques. L'ancienne Rome fut le centre nominal de l'un, et la nouvelle Rome fut le centre à la fois nominal et réel de l'autre. Tous deux cependant cessèrent d'être romains dans un certain sens, à partir de cette époque. En effet, l'empire d'Occident appartient maintenant à un roi germain, et les changements qui vont se produire tendront à rendre son empire de plus en plus germanique. L'empire d'Orient, lui, par la perte successive deses provinces orientales, del'Afrique latine et de l'Italie latine, se trouve maintenant presque limité à ces parties de l'Europe et de l'Asie où prédominaient la langue et la civilisation grecques. Aussi peut-on dire que si les deux empires sont toujours romains à un point de vue, ils vont devenir, l'un de plus en plus germain, l'autre de plus en plus grec. Et les deux états que forme ainsi l'empire romain divisé sont bien deux empires, et non plus de simples divisions d'un empire qui a été trouvé trop grand pour être gouverné par un seul homme. Les empereurs d'Orient et d'Occident ne sont plus des collègues se partageant l'administration d'un empire unique. Ce sont maintenant des potentats rivaux, et chacun d'eux se prétend exclusivement le seul véritable empereur romain, le seul représentant de leurs prédécesseurs communs, à l'époque où l'Empire était encore indivis.
Les deux empires et les deux califats au commencement du neuvième siècle. Il est bon
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de remarquer qu'un pareil changement s'était déjà produit un peu plus tôt dans l'empire mahométan. L'établissement d'une dynastie rivale à Cordoue était quelque chose de tout à fait analogue à l'établissement d'un empire rival dans l'ancienne Rome, bien que la prise du titre de calife n'eût pas lieu 'immédiatement. Le monde méditerranéen eut alors quatre grands états, les deux empires chrétiens rivaux et les deux califats mahométans également rivaux; et il était tout
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naturel que chacun de ces quatre états fût l'ennemi de son voisin de religion opposée et l'ami du rival de ce même voisin. L'empereur d'Orient est l'ennemi du calife d'Orient et l'ami du calife d'Occident; l'empereur d'Occident est l'ennemi du calife d'Occident et l'ami de celui d'Orient. Tel est au commencement du neuvième siècle le tableau des quatre grands états qui devaient, en se démembrant, donner naissance aux divers états chrétiens et mahométans dont nous verrons plus tard la formation. Extension de la, domination franque sous le règne de Charlemagne. —Charlemagne, après son couronnement, exigea de ceux qui lui avaient juré fidélité comme roi des Francs, de lui prêter le même serment comme empereur romain ; ce fait a une certaine importance à la fois historique et géographique, car il montre que toutes ses possessions franques, lombardes, et celles strictement romaines durent être considérées comme faisant partie de l'empire d'Occident. Celui-ci se trouva ainsi comprendre tous ces pays germaniques que les empereurs romains ne purent jamais conquérir. La Germanie finit par faire partie de l'empire romain, non parce qu'elle fut conquise par Rome, mais par le choix que fit Rome d'un empereur germain. Les frontières de l'Empire devinrent ainsi bien différentes de ce qu'elles avaient jamais été. Le nouvel empire romain des Francs ne comprenait pas tout ce qui avait appartenu à l'ancien empire d'Occident; la Bretagne et l'Afrique n'y figuraient pas, et l'Espagne n'y entrait que pour une très petite partie. D'un autre côté, tous les pays, germaniques ou non, qui étaient alors soumis aux Francs, firent partie de l'empire d'Occident, qu'ils eussent ou non appartenu à l'ancien empire. C'est ainsi qu'après les longues guerres de Charlemagne avec les Saxons, lesquelles se terminèrent par leur soumission complète, la Saxe fut incorporée au royaume franc, et ensuite à l'empire d'Occident, lorsque le roi des Francs eut été couronné empereur. Lés conquêtes de Charlemagne eurent ainsi entre autres
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résultats, celui de souder ensemble les diverses parties de la Germanie. En effet, bien que les Francs eussent depuis longtemps une prépondérance marquée en Germanie, celle-ci ne pouvait être regardée comme formant un tout compact tant que les Saxons, le peuple le plus important de la Germanie septentrionale, restaient indépendants. La conquête de la Saxe (772-804) mit les Francs en contact, pour la première fois, avec les Danois et les autres peuples de la Scandinavie. L'empire de Charlemagne comprenait ce qu'on appelait alors la Saxe au delà de l'Elbe, c'est-à-dire le Holstein moderne, etl'Eiderîvt fixé comme limite septentrionale de l'Empire. Plusieurs rois danois firent hommage à Charlemagne et à quelques-uns de ses successeurs, mais le Danemark ne fut jamais incorporé à l'Empire, et il n'en dépendit jamais d'une façon permanente. A l'est, la domination immédiate de Charlemagne ne s'étendait que très peu au delà de l'Elbe ; de ce côté, l'empire d'Occident se trouvait en contact, comme l'empire d'Orient à une époque antérieure, et d'une façon différente d'ailleurs, avec les nations slaves qui y occupaient un vaste espace. Les mêmes causes qui avaient amené une branche de cette race vers • le sud-est en avaient amené une autre vers le nord-ouest, et les guerres de Charlemagne dans ces régions ajoutèrent à son empire toute une zone de Slaves alliés et dépendants, postés sur les deux rives de l'Elbe, et formant une barrière entre les possessions immédiates de l'Empire et les Slaves indépendants de l'est. Au sud, Charlemagne renversa (796) le royaume des Avares; il étendit ainsi sa domination dans le sud-est de la Germanie, et là, il se trouva en contact avec la branche méridionale des Slaves dont une partie, en Carinthie et dans les pays avoisinants, devint sujette de son empire. En Espagne, il s'empara (778) de la pointe nord-est de la péninsule jusqu'à l'Èbre, et celle-ci forma la Marche espagnole qui devint plus tard le comté de Barcelone.
Étendue de l'Empire d'Occident. — Plans de partage et sous-royaumes de Charlemagne.
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— Lé nouvel empire d'Occident comprenait donc toute la Gaule, tout ce qui était alors la Germanie, la plus grande partie de l'Italie, et une petite partie de l'Espagne1. Il comprenait ainsi des pays de langue teutonique et des pays de langue romane, et il contenait les germes des principales nations de l'Europe moderne. Lorsque Charlemagne, imitant l'exemple des anciens empereurs romains et des premiers rois francs, voulut partager son empire entre ses fils, il fit faire un pas à la formation de ces états modernes. Tous ses fils étant morts sauf un seul, aucun de ces partages ne fut réalisé. Il est bon d'ailleurs de remarquer que pas un des plans qu'il avait formés à cet effet, ne concordait avec quelque grande division naturelle ou nationale. Aucun d'eux n'avait fait encore pressentir le partage qui allait se faire dans la suite, et qui devait donner naissance aux principaux états de l'Europe occidentale. Dans deux cas seulement, nous voyons surgir comme l'idée d'un royaume national. Du vivant de son père, et subordonné à lui, Louis fut roi d'Aquitaine. Ce royaume comprenait toute la Gaule méridionale et la marche espagnole, et il répondait à peu près aux pays de langue provençale ou langue d'oc. Lorsque Charlemagne mourut (814), son petit-fils Bernard continua à régner comme roi d'Italie sous son oncle Louis devenu empereur. Ce royaume d'Italie comprenait l'Italie continentale, excepté les pays du sud qui étaient occupés par les princes dépendants de Bénévent et les empereurs rivaux d'Orient. Pendant toute cette période, le mot Francia s'applique habituellement aux royaumes véritablement francs, en Germanie et en Gaule. Ceux de Gallia et Germania sont employés dans un sens absolument géographique.
1. L'étendue géographique de la domination franque, avant et après Jes conquêtes de Charlemagne, est décrite très complètement par Eginhard dans . sa Vie de Charlemagne. (Note de l'auteur.)
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EUROPE SEPTENTRIONALE
Dans le même intervalle, l'existence d'autres nations ( ommençait à se révéler dans les parties de l'Europe qui se trouvaient en dehors de l'Empire. Deux nouvelles branches de la race teutonique acquéraient de l'importance dans l'Europe du nord-ouest; l'une, dans des pays qui n'avaient jamais appartenu à l'Empire, l'autre dans un pays qui en avait été si complètement séparé qu'il semble ne lui avoir jamais appartenu. C'étaient d'une part les nations Scandinaves, dans les deux grandes péninsules de l'Europe septentrionale, de l'autre les Anglo-Saxons dans l'île de Bretagne. L'histoire de chacune de ces deux races est étroitement liée à l'autre, et elle a une importance capitale dans l'histoire générale de l'Europe. Les états anglo-saxons et celtiques, dans l'île de Bretagne à la lin du huitième siècle. — La conquête teutonique de la Bretagne fut progressive ; tantôt les Bretons étaient violemment refoulés, tantôt ils empêchaient par quelques succès les progrès de leurs ennemis. Ceux-ci s'arrêtaient aussi quelquefois, soit d'eux-mêmes, soit à cause de la guerre qu'ils se faisaient. Les établissements teutoniques en Bretagne étaient nombreux et d'une importance bien différente. Nous distinguerons spécialement sept d'entre eux qui formaient des royaumes, dont trois principaux, ceux de Wessex, Mercie et Northumberland, aspiraient à la suprématie générale sur tous les pays qui portaient le nom anglais. A la fin du huitième siècle, une grande partie de la Bretagne restait, comme encore maintenant, à ses anciens habitants celtiques ; elle se composait
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de plusieurs états séparés les uns des autres et qui, sous les noms de Cornwall ou Galles de l'ouest, de Galles du Nord (répondant à peu près au pays de Galles actuel), de Strathclyde ou Cumberland (et il faut entendre par ce dernier nom un district beaucoup plus considérable que le comté moderne de ce nom), avaient des limites variables. Au delà du For th. se trouvaient les royaumes indépendants des Picls et des Scots, lesquels, dans le courant du neuvième siècle, n'en formèrent plus qu'un. Ce fut au royaume des Saxons occidentaux que la suprématie sur tous les royaumes de Bretagne, teutoniques et celtiques, finit par appartenir. Leur roi Egberht avait été l'ami et l'hôte de Charlemagne, et il est bien probable que l'exemple du grand empereur le poussa à faire dans son île ce que Charlemagne avait fait sur le continent. Sous son règne, les Gallois de l'ouest furent complètement soumis ; les Gallois du Nord durent, ainsi qué les autres royaumes de Me'rcie, de Northumberland et Est-Anglie, abdiquer une certaine partie de leur indépendance ; tous, ils conservèrent bien leurs rois locaux, mais ceux-ci reconnurent la suzeraineté du roi de Wessex, que nous voyons alors prendre quelquefois le nom de Roi des Anglais. Au nord, l'Ecosse et le royaume de Strathclyde restaient tout à fait indépendants. Danemark et JVorvège. — Origine de la Suède. — Quant à cette partie de la race teutonique qui se trouvait complètement en dehors des frontières de l'Empire, nous voyons qu'elle commence déjà à prendre de l'importance. Les Danois firent bien parler d'eux à une époque aussi ancienne que celle de Justinien, mais pas plus qu'aucune des autres nations Scandinaves, ils ne commencèrent à jouer un rôle important dans l'histoire, avant Charlemagne. Une multitude de petits états se réduisit progressivement aux trois grands royaumes qui subsistent toujours, bien que leurs frontières aient considérablement changé. La limite entre le Danemark et l'Empire était fixée, comme nous l'avons vu, à l'Eider. En dehors de la péninsule du Juttland et
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des îles qui continuent toujours à s'y rattacher, le Danemark comprenait la Scanie, et d'autres pays situés dans le sud de la grande péninsule où sont aujourd'hui la Suède et la Norvège. La Norvège, d'un autre côté, s'étendait bien plus à l'intérieur des terres, et descendait beaucoup plus au sud qu'elle ne le fait maintenant. Ces points ont une grande importance, parce qu'ils montrent les causes qui ont influencé dans la suite l'histoire des trois états Scandinaves; le Danemark et la Norvège avaient un grand développement sur l'Océan, tandis que les districts de Swithiod et Gauthiod, qui furent l'origine du royaume de Suède, étaient orientés d'une tout autre façon, et complètement tournés du côté de la Baltique. C'est ce qui fait que pendant plusieurs siècles nous voyons le Danemark et la Norvège jouer un rôle bien plus considérable que la Suède dans les affaires générales de l'Europe. Le Danemark était voisin immédiat de l'empire ; et du Danemark et de la Norvège sortirent des conquérants qui se répandirent en Bretagne, en Irlande et en Gaule, sans compter des pays beaucoup plus éloignés, tels que l'Islande et le Groenland, qui furent colonisés par eux. De leur côté, les Suédois avancèrent â l'est au détriment des Finnois et des peuples slaves situés au delà de la Baltique. De cette manière ils agirent considérablement sur l'histoire de l'empire d'Orient; mais dans l'histoire de l'Occident, la Suède ne commence à compter qu'à une époque beaucoup plus reculée. Résumé de l'histoire de l'Europe pendant les sixième, septième et huitième siècles. — Pendant toute la période qui fait l'objet .de ce chapitre, et qui comprend les sixième, septième et huitième siècles, nous voyons l'empire romain, reconstitué presque en entier sous Justinien, forcé ensuite d'abandonner ses provinces d'Orient et d'Afrique aux Sarrasins, et dépouillé peu à peu de tout le nord de l'Italie; à cette période en succède une autre, marquée par le rétablissement d'un empire d'Occident distinct, sous Charlemagne. Nous voyons alors deux grands états chré0
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tiens, les empires d'Orient et d'Occident, contre-balancés par deux grands états mahométans, les Califats d'Orient et d'Occident. Tous les anciens royaumes teutoniques ont ou disparu, ou subi une transformation complète. Le royaume des Vandales en Afrique, et le royaume des Ostrogoths en Italie, ont complètement disparu. Le royaume des Visigoths, entamé d'un côté par les Francs, et de l'autre par les Sarrasins, n'est plus représenté que par un certain nombre de principautés chrétiennes qui continuent à se maintenir dans l'Espagne septentrionale. Le royaume des Francs, après s'être substitué à la domination des Goths et des Bourguignons en Gaule, après s'être annexé les nations indépendantes de la Germanie, ainsi que le royaume lombard et la plus grande partie des possessions de, l'empire en Italie, a ressuscité à son profit l'empire d'Occident. Les deux empires restaient romains l'un et l'autre au point de vue politique, mais en réalité avec une tendance marquée à devenir, l'un germanique et l'autre grec. Pendant ce temps, des nations situées au delà des limites de l'empire commencent à grandir en importance. Un royaume d'Angleterre s'est substitué aux nombreux établissements teutoniques de la Bretagne, et les trois nations Scandinaves, Danois, Suédois, Norvégiens ou Northmans, commencent maintenant à se révéler. Au point de vue religieux, la Syrie, l'Egypte, l'Afrique, et la plus grande partie de l'Espagne, étaient perdues pour la Chrétienté, mais cette perte était compensée, en quelque sorte, par la conversion au christianisme des Angles et des Saxons en Bretagne, des vieux Saxons en Germanie, et des autres tribus germaniques qui, au commencement du sixième siècle, étaient encore païennes. A aucune époque dans l'histoire du monde la carte n'avait subi de changements aussi grands. Cette période marque l'époque où l'ancien état de choses représenté par une seule puissance, l'Empire Romain, est remplacé par un autre dans lequel l'Europe se trouve composée d'un nombre considérable d'états indépendants. En dehors des limites de l'Em-
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pire, dans la Grande-Bretagne et les pays Scandinaves, les royaumes modernes sont déjà en voie de formation ; mais les grandes nations continentales de l'Europe occidentale sont encore à peine dessinées, et leur existence ne commencera qu'après le démembrement de l'Empire carolingien, ou empire romain des Francs, dont elles font toujours partie1.
M. En revoyant ce chapitre, j'ai pris connaissance du troisième chapitre de l'Histoire des Bulgares de J. Jirèceck (Prague, 1876). En parlant des premiers établissements slaves dans la péninsule orientale, il établit avec quelque probabilité qu'ils eurent lieu à une époque antérieure à celle que l'on admet généralement. Les Slaves, ainsi que les Teutons, semblent être entrés d'abord dans l'Empire comme captifs et comme colons, et cela dès le second et le troisième siècles. L'auteur montre également que la marche de Théodoric eut pour effet d'ouvrir une large région aux établissements slaves. Il laisse cependant intactes mes propositions générales, et c'est seulement au sixième siècle que commencèrent ces mouvements slaves qui ont une réelle importance au point de vue de la géographie historique. (Note de l'auteur.)
��CHAPITRE V
COMMENCEMENTS DES ÉTATS DE L'EUROPE MODERNE
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DÉMEMBREMENT MAGNE. ROMAIN — ET LES LE DE L'EMPIRE FRANC DU APRÈS CHARLE-
TROIS
ROYAUMES DE
SAINT-EMPIRE
ROYAUME
FRANCE *.
Étendue et divisions de l'Empire carolingien.
— Le grand empire franc, le royaume germain qui s'était si étrangement changé en un nouvel empire romain d'Occident, ne dura pas longtemps. Dans le courant du neuvième siècle il tomba complèfement en pièces, et il importe de bien voir de quelle façon, parce que ce fut de ses ruines que sortirent les principaux états de l'Europe occidentale. D'une façon générale, on peut dire que l'empire carolingien comprenait la Germanie, aussi loin qu'elle s'étendait du côté de l'Orient, toute la Gaule, une grande partie de l'Italie et une petite partie de l'Espagne. En Italie seulement, et quelquefois en Aquitaine, se révéla le caractère d'un royaume distinct ou
1. Voir pour cette section les cartes 18 à 21.
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national. La Gaule septentrionale et la Germanie centrale formaient toujours le territoire réellement franc, la Francia, et, bien que la langue romane prévalût dans l'une, et la langue teutonique dans l'autre, aucune distinction de nationalité ne fut faite entre elles pendant tout le règne de Charlemagne. Dans les divers plans de partage que Charlemagne eut en vue, aucun ne séparait la Neustrie de YAustrasie, la Francia occidentale de la Francia orientale. L'Italie cependant formait un royaume séparé sons la suzeraineté de l'empereur. Il y eut aussi pendant quelque temps un sous-royaume d'Aquitaine, répondant à peu près à la Gaule située au sud de la Loire, c'est-à-dire le pays de langue provençale ou langue d'Oc, laquelle, il faut s'en souvenir, s'étendait jusqu'à l'Èbre. C'est dans les divers plans de partage projetés et réalisés entre les fils de Louis le Débonnaire, successeur de Charlemagne, que nous voyons se dessiner pour la première fois une distinction nationale entre la Germanie et la Gaule, et se former les premières assises d'un état faisant pressentir la France moderne. Partage de 817. — Première union de la Neustrie et de l'Aquitaine (838). — Le plus ancien de ces partages est celui de 817, par lequel deux nouveaux royaumes vassaux furent fondés dans l'empire. L'empereur Louis et son collègue immédiat Lothaire gardèrent la Francia germanique et gauloise, avec la plus grande partie de la Bourgogne. L'Aquitaine et quelques parties de la Septimanie et de la Bourgogne formèrent un premier sous-royaume ; le second comprenait toute la Germanie du sud-est, la Bavière, et les pays frontières situés au delà. L'Italie constituait toujours un royaume séparé entre les mains de Bernard, neveu de l'empereur. Nous ne voyons encore là rien de correspondant à la France moderne. La tendance est bien plutôt de maintenir intact le royaume franc immédiat, situé à la fois en Germanie et en Gaule, et de ne partager que les pays qui en dépendaient, situés en Germanie, en Gaule et en Italie.
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Cependant, dans la suite, Louis donna la Neustrieà. son quatrième fils Charles (837), et l'année suivante, à la mort de Pépin à'Aquitaine, il ajouta ce royaume à celui de Charles. C'était là dans son ensemble quelque chose d'approchant du royaume de France, tel qu'il devait se présenter plus tard, avant cette longue série d'agrandissements faits aux dépens de l'Allemagne et de la Bourgogne. Le royaume ainsi formé n'avait aucun nom bien déterminé; il ne correspondait à aucune division nationale, et, bien que la langue romane y fût à la vérité dominante, il ne correspondait à aucune des grandes divisions de cette langue. C'était un royaume formé .par accident, parce que Louis avait voulu augmenter la part de son plus jeune fils. Cependant, c'était bien là le berceau du royaume de France, quoique ce nom ne dût lui être appliqué que bien plus tard. Traité de Verdun (843).Partage de l'Empire en trois royaumes. Le dernier partage, qui eut lieu à Verdun, fit un pas de plus dans la direction de la carte moderne. Ce partage laissait Charles en possession d'un royaume qui répondait à peu près à la France, mais telle qu'elle était avant, ses nombreux agrandissements aux dépens de la Bourgogne et de l'Allemagne. Il fut également l'origine d'un royaume qui répondait à peu près au royaume germanique avant sa grande extension du côté de l'Est aux dépens des nations slaves. De même que le royaume occidental fut formé par l'addition de l'Aquitaine à la Francia occidentale, de même le royaume oriental fut formé par l'addition de la Francia orientale à la Bavière. Louis de Bavière devint roi d'un royaume que nous sommes tentés d'appeler le royaume d'Allemagne. Mais il serait tout à fait prématuré d'employer le mot de France ou même celui d'Allemagne, autrement que pour exprimer une idée abso-| lument géographique. Les deux royaumes ainsi formés sont l'un, celui des Francs orientaux, et l'autre, celui des Francs occidentaux. Cependant, entre ces deux états, la politique plaça instinctivement une barrière. L'empereur Lothaire
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conservait en dehors de l'Italie, une longue et étroite bande de territoire entre les domaines de ses frères, entre le royaume oriental et le royaume occidental. Après lui, l'Italie resta à son fils aîné Louis, tandis que les pays situés entre la Germanie et la Gaule passèrent au plus jeune, Lothaire. Ce pays qui passait ainsi une seconde fois sous l'autorité d'un Lothaire, prit le nom de Lotharingie, Lothringen ou Lorraine, qu'une de ses parties a conservé jusqu'à nos jours, et, quelquefois réuni au royaume oriental, ou au royaume occidental, quelquefois partagé entre les deux, ou séparé de l'un et de l'autre, il a toujours conservé son caractère de pays frontière. Le royaume situé à l'ouest de la Lotharingie prit de même le nom de Carolingie, lequel, par analogie, aurait dû devenir Charlaine. C'est seulement par un caprice de langue que le nom de Lotharingie a survécu, tandis que celui de Carolingie a totalement disparu. Reconstitution de l'Empire (884). Nouveau démembrement (887). Existence de quatre royaumes nationaux. Un autre royaume se forma bientôt (879-882) dans le sud-est de la Gaule, entre le Rhône et les Alpes, celui qui reçut le nom de Bourgogne. Sous Charles III, généralement connu sous le nom de Charles le Gros, toutes les possessions franques, excepté la Bourgogne, se trouvèrent réunies pour un moment. Lors de sa déposition (887), elles se séparèrent de nouveau, formant ainsi quatre royaumes : ceux des Francs orientaux et des Francs occidentaux, précurseurs de ceux de Germanie et de France ; 5° le royaume d'Italie, et 4° la Bourgogne, divisée quelquefois en deux royaumes. La Lotharingie restait un pays frontière entre le royaume oriental et le royaume occidental, quelquefois réunie à l'un et quelquefois à l'autre. Ce sont ces éléments qui donnèrent naissance à tous les grands royaumes et nations de l'Europe occidentale. Les anciennes chroniques de l'Angleterre nous décrivent ainsi ces quatre royaumes : « Arnulf résidait alors dans le pays situé à l'est du Rhin; Rodolphe prit le royaume intermédiaire; Eudes celui de
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l'Ouest; Bérenger et Guy possédaient le pays des Lombards et tous ceux qui étaient situés de ce côté des montagnes. » La géographie de ces quatre royaumes a cependant besoin d'être décrite avec plus de détails. JLe royaume oriental ou germanique. Ses différents noms. Sa connexion avec l'empire romain d'Occident. — Il faut bien se pénétrer de ceci, que tous ces partages de l'empire franc étaient tout à fait semblables, en théorie, aux anciens partages de l'empire romain, où une possession commune se trouvait divisée entre plusieurs collègues. Les rois n'avaient pas de titres spéciaux, et leurs domaines n'avaient pas davantage de nom spécial. Tout roi qui gouvernait une partie de l'ancienne Francia était un roi des Francs, de même qu'au temps de Dioclétien et de Constantin les chefs de l'empire romain étaient Augustes ou Césars. Cette absence de titres spéciaux pour les rois et leurs royaumes a fait que les écrivains de l'époque les ont désignés comme ils ont pu. C'est ainsi que la partie orientale de la domination franque, le lot de Louis le Germanique et de ses successeurs, est appelée le Royaume oriental, le Royaume teutonique. Son roi est le roi des Francs orientaux, quelquefois simp^ment le roi des hommes de l'Est, quelquefois le roi de Germanie. Ce dernier nom, commode dans l'usage, était inexact comme titre officiel, car le regnum teutonicum se trouvait, géographiquement, partie en Germanie et partie en Gaule1. Pour les hommes du royaume occidental, le roi oriental était quelquefois le roi d'Outre-Rhin. Le titre de roi de Germanie se rencontre quelquefois au neuvième siècle dans un sens géographique, mais jamais ce n'est un titre officiel. Le roi oriental, tout comme les autres rois francs, s'appelle simplement Rex,
1. Voici comment Vippo décrit la réunion des hommes du royaume : « Cis et circa Rhenum castra locabant. Qui dum Galliam a Germanis dividat, ex parte Germanise Saxones cum sibi adjacentibus Sclavis, Franci orientales, Norici, Alamanni convenere. De Gallia vero Franci qui super ilhenum habitant, llibuarii, Liutharingi, coadunati sunt. » Les deux groupes de Franks sont en outre distingués par le mot « Franci ». (Note de l'auteur.)
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jusqu'à ce que ce rang de roi de Germanie, ou des Francs orientaux, ne soit plus qu'une étape avant d'arriver au titre plus élevé d'empereur des Romains. Il faut remarquer cependant que cette connexion spéciale qui eut lieu entre l'empire romain et le royaume germanique, ne commence pas au partage de 887. Arnulf, premier roi de Germanie après ce partage, alla à Rome, et s'y fit bien couronner empereur en 896; en outre, avant cette date, en 888, Eudes, le roi élu des Francs occidentaux, lui rendit hommage, ce qui impliquait une sorte de supériorité du royaume oriental sur les autres royaumes francs. Néanmoins, la règle qui s'établit que quiconque était élu roi de Germanie était de droit roi d'Italie et empereur romain, ne commença qu'avec le couronnement d'Otton le Grand en 962. Jusqu'à cette époque, le roi de Germanie est simplement l'un des rois francs, bien qu'il soit certain qu'il occupe parmi eux la situation la plus importante. Étendue et composition du royaume germanique en 88*7. — Ce royaume oriental ou germanique, tel qu'il fut formé au partage de 887, avait, du nord au sud, à peu près la môme étendue que l'Allemagne dans les temps modernes. Il ^étendait des Alpes à l'Eider. Ses frontières méridionales étaient quelque peu changeantes., Vérone et Aquile'e font quelquefois partie d'une marche germanique, et la limite entre la Germanie et la Bourgogne, passant à travers la Suisse moderne, changea souvent. Au nordest, le royaume s'étendait à peine au delà de l'Elbe; et il ne comprenait guère que cette petite partie de la Saxe située entre l'Elbe et l'Eider, sa grande extension aux dépens des pays slaves, situés au delà de l'Elbe, ayant en effet à peine commencé. Au sud-est se trouvaient les deux provinces frontières ou marches : la Marche orientale, qui devint plus tard le duché d'Oesterreich ou Autriche, et au-dessous, la marche de Kârnthen ou Carinthie. Cependant, les quatre grands duchés de Saxe, Francia orientale, Alemannie et Bavière, composaient la plus grande partie du royaume, et parmi eux,
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la Saxe et la Bavière doivent être entendues dans un sens bien! différent de celui qu'elles ont sur la carte moderne. L'ancienne Saxe était comprise à peu près entre l'Eider, l'Elbe et le Rhin, quoiqu'elle n'arrivât jamais à toucher ce dernier fleuve. Au sud de la Saxe se trouvait la Francia orientale, centre et berceau tout à la fois du royaume germanique ; le Mein et le Necker se réunissent sur son territoire. Au sud de la Francia orientale ou Franconie, se trouvaient YAlemannie et la Bavière. La Bavière confine à l'Italie avec Bôtzen pour ville frontière. L'Alemannie est le pays où le Danube et le Rhin prennent tous les deux leur source; elle s'étend des deux côtés du Bodense'e ou lac de Constance, avec les Alpes Rhétiques pour limite au sud. Pendant plusieurs siècles il n'y a aucune distinction nationale entre les pays situés au nord et ceux situés au sud du lac de Constance. Tous ces pays constituent le territoire incontestablement germanique. A l'ouest se trouve le pays frontière de Lotharingie, qui a une histoire à part. Pendant le premier siècle qui suivit le partage de 887, la possession de la Lotharingie flotta longtemps entre le royaume oriental et le royaume occidental. Après le changement de dynastie qui eut lieu dans le royaume occidental en 987 d'une façon irrévocable, la Lotharingie fut rattachée à la Germanie, bien qu'elle conservât toujours une sorte d'existence séparée, et que sa langue fût en partie germanique et en partie romane. La Lotharingie se composait des deux duchés de Lotharingie Ripuaire (Basse-Lotharingie) et de Lotharingie sur la Moselle (Haute-Lotharingie). Le premier comprenait une grande partie de la Belgique moderne, et les pays rhénans avoisinants où se trouvait la ville royale d'Aix-la-Chapelle. Le second répondait à peu près au duché moderne de Lorraine, mais avec une étendue du côté de l'est considérablement plus grande. Le royaume occidental, ou France, en 887. Ses grands fiefs. — La partie de l'empire des Francs qui a conservé leur nom d'une façon vraiment durable a été
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le royaume occidental ou France, ce mot ayant peu à peu remplacé, pendant les neuvième et dixième siècles, celui de Carolingie qui servait à le désigner après le traité de Verdun. Le royaume occidental, tel qu'il fut constitué sous Charles le Chauve, et tel qu'il subsista après le partage de 887, comprenait nominalement une grande partie de la France moderne. Toute celle qui est située à l'ouest du Rhône et de la Saône en faisait partie; mais il ne comprenait rien à l'est de ces deux fleuves, et la Lotharingie, comme nous l'avons vu, était un pays frontière qui finit par suivre les destinées du royaume oriental. Par conséquent, l'étendue de la Carolingie vers l'est était bien inférieure à celle de la France moderne. Sur trois points cependant, la France moderne reste en deçà des limites du royaume qui lui a donné naissance ; elle ne comprend plus en effet, au nord, la marche ou comté de Flandre, dont la plus grande partie appartient maintenant au royaume de Belgique; au sud la Marche espagnole, ou comté de Barcelone, qui est maintenant tout entière en Espagne; enfin, à l'ouest, les lies normandes, qui font depuis longtemps partie de l'Angleterre. En outre, il est à peine nécessaire de dire que, même avec ces limites, le pays tout entier n'était pas au pouvoir du roi des Francs occidentaux. Il n'avait qu'une suprématie, susceptible de devenir purement nominale, sur les princes vassaux qui possédaient les grandes divisions du royaume. Au sud de la Loire, les plus importants de ces états vassaux étaient le duché d'Aquitaine, comprenant le pays entre Loire et Garonne, le duché de Gascogne entre la Garonne et les Pyrénées, le comté de Toulouse à l'est de ce dernier, et enfin les marches de Septimanie et de Barcelone. Au nord de la Loire se trouvaient : la Bretagne, habitée par des Celtes et dont les princes reconnaissaient à peine la suprématie des rois francs, la marche ou comté de Flandre, et le duché de Bourgogne, duché qui avait Dijon pour capitale, et qu'il faut distinguer soigneusement d'autres duchés et royaumes du même nom. Le plus grand de tous ces états était le duché
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de France, c'est-à-dire la France occidentale ou latine, Francia occidentalis ou latina. Sa capitale était Paris, ses princes étaient appelés duces Francorum, titre dans lequel le mot francus commence à perdre son ancienne signification de Frank pour prendre celle de Français. Plusieurs grands fiefs se détachèrent progressivement de ce grand duché, l'Anjou et la Champagne par exemple, et, lorsqu'en 912 toute la partie située entre la Seine et l'Epte eut été donnée au chef Scandinave Rolf, le duché de France et sa capitale, Paris, furent séparés de la mer par le duché de Normandie, dont Rouen devint la capitale. Union définitive du royaume occidental, ou 1 Carolingie, avec le duché de France (OS. **). — Origine de la France moderne.— Le royaume moderne de France prit naissance pendant le siècle qui suivit la déposition de Charles le Gros. Pendant ce laps de temps, la couronne du royaume occidental passa plus d'une fois des mains du duc de France à celles de princes de la maison de Charlemagne, dont la seule possession immédiate était la ville et le district de Laon, près la frontière lotharingienne. Ainsi, ' pendant une centaine d'années, la ville royale du royaume occidental fut tantôt Laon, et tantôt Paris, et le roi des Francs occidentaux et le duc de France furent quelquefois la même personne. Après l'élection d'Hugues Capet, le royaume et le duché ne furent plus jamais séparés. Les rois de la Carolingie ou du royaume occidental et les ducs de la Francia occidentale ne firent plus qu'un désormais.- Le nom de France appliqué alors à la Francia occidentale ou latine, pour la distinguer de la Francia germanique ou Franconie, ne signifie réellement que le domaine royal proprement dit. Bien que la Normandie, l'Aquitaine et le duché de Bourgogne reconnussent tous la suzeraineté du roi français, il ne serait venu à l'esprit de 'personne que ces fiefs fissent partie intégrante de la France. ^Cependant, comme ces rois se rendirent progressivement maîtres de tous les domaines de leurs vassaux, et de
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ques-uns de ceux de leurs voisins, le nom de France prit une signification de plus en plus étendue, jusqu'à s'appliquer, comme cela a lieu maintenant, à la plus grande partie de la Gaule. D'un autre côté, la Flandre, Barcelone, et les îles normandes, qui reconnaissaient dans le principe leur suzeraineté, ont échappé complètement à l'autorité de leurs successeurs, et ne doivent plus être considérées, par conséquent, comme des parties de la France. Le nom de France s'est donc substitué à celui de Carolingie pour désigner le royaume occidental. En outre, comme les rois occidentaux conservèrent le titre de Rex Francorum, après que celui-ci eut totalement disparu du royaume oriental, ce titre finit peu à peu par signifier, non plus le Roi des Franks, mais le Roi des Français, le roi de la nouvelle nation de langue romane qui se forma sous leur autorité. Cette prise de la couronne du royaume occidental par les ducs de la Francia occidentale, est tout à fait le point de départ du royaume et de la nation française, et Paris, qui est le berceau autour duquel l'une et l'autre ont grandi, en est très justement la capitale. Distinction entre le duché et le royaume de Bourgogne. De tous les noms géographiques, la Bourgogne est celui dont la signification a le plus souvent changé. Il est particulièrement nécessaire d'expliquer ses différentes significations à une époque où il y avait au moins deux états distincts portant le nom bourguignon. De l'ancien royaume des Burgondes. toute cette partie située au nord-ouest qui est mieux connue sous le nom de duché de Bourgogne, figure dans les partages du neuvième siècle comme fief de la Carolingie ou royaume occidental. Cette Bourgogne qui avait Dijon pour capitale, et qui fut possédée par plusieurs dynasties de ducs vassaux des rois occidentaux, de ceux de Laon d'abord, de ceux de Paris ensuite, doit être soigneusement distinguée de la Bourgogne royale, le royaume du Milieu (Middle Kingdom) des anciens chroniqueurs, et pour cela nous pouvons, étant donnée la
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nouvelle signification qu'a déjà prise le nom de France, l'appeler le duché français.
Royaume de Bourgogne ou d'Arles. Son étendue. Bourgogne cisjurane et transjurane.
— Quant au royaume de Bourgogne, il sortit des partages du neuvième siècle, et forma quelquefois deux royaumes. Il comprenait l'ancien royaume des Burgondes, moins le duché français. On peut le définir comme le pays compris entre la Saône, le Rhône et les Alpes, bien que ses limites fort variables fussent, du côté de l'ouest quelquefois portées au delà du Rhône, et du côté de l'est plus ou moins avancées du côté de l'Allemagne. Il comprenait ainsi la première province romaine en Gaule, celle que nous pouvons appeler maintenant la Provence, avec ses grandes cités dont la principale, Arelale ouÂrles, devint la capitale du royaume; d'où le nom de royaume d'Arles appliqué quelquefois à toute cette région. Il comprenait aussi Lyon, siège du primat des Gaules, Genève, Besançon, et autres villes romaines importantes. En un mot, par sa position, il se trouvait comprendre un plus grand nombre des anciens sièges de la puissance romaine qu'aucun de tous les royaumes nouvellement formés, si ce n'est cependant celui d'Italie. Lorsque la Bourgogne formait deux royaumes, celui du Nord ou Bourgogne transjurane comprenait à peu près tout ce qui était au nord de Lyon, et la Bourgogne cisjurane la partie située entre Lyon et la mer. Cette dernière est maintetenant complètement française; quant à l'ancienne Bourgogne transjurane, elle est actuellement répartie entre la France et la Suisse. L'histoire de ce royaume bourguignon diffère en un point, de celle de tous les autres états qui s'élevèrent sur les ruines de l'empire franc. Il fut en effet complètement détaché de la domination carolingienne avant le partage de 887. Il ne formait aucune partie de l'empire réuni de Charles le Gros; on peut donc le considérer comme s'étant complètement affranchi de l'autorité des Francs, bien qu'il appa-
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raisse assez souvent plus ou moins dépendant des rois des Francs orientaux. Mais ce temps d'existence séparée fut court. Environ un siècle et demi après sa fondation (1052), le royaume de Bourgogne fut cédé aux rois de Germanie; et son histoire est ensuite celle de son absorption progressive par le royaume moderne de France. La seule partie qui ait eu un sort différent est celle qui forme maintenant les cantons occidentaux de la Suisse, et c'est ce qui fait que la confédération suisse peut être regardée comme ayant hérité, en quelque sorte, de la position de la Bourgogne en tant qu'état intermédiaire. Ce n'est pas seulement son indépendance que le royaume de Bourgogne a perdue; ce nom a même disparu de la région qu'il embrassait, et le duché français, seul, le conserve depuis un long espace de temps. Royaume d'Italie. Son étendue et son caractère. L'Italie, elle, au contraire de la Bourgogne, faisait partie de l'empire réuni de Charles le Gros ; mais, au partage de 887, elle échappa complètement à l'autorité des Francs. Il faut se rappeler que la Lombardie, toute conquise qu'elle fût par Charlemagne, ne fut pas annexée d'une façon absolue à la domination franque, et qu'elle formait un royaume séparé sous l'autorité du roi des Francs et des Lombards. Jusqu'à sa réunion sous Charles le Gros, l'Italie resta un royaume séparé, gouverné par des rois de la dynastie carolingienne, dont quelques-uns furent couronnés empereurs à Rome. Après le démembrement final elle eut des rois rivaux; le plus souvent elle fut disputée entre deux rois rivaux, et quelques-uns de ces rois obtinrent même rang impérial. Le royaume d'Italie, il faut s'en souvenir, était loin de comprendre toute la péninsule. Sa frontière méridionale coïncidait presque avec les anciennes limites du Latium et du Picenum, sauf sur la côte adriatique, où elle descendait plus bas. Au sud se trouvaient les principautés séparées de Bénévent et de Salerne, et les possessions qu'avaient toujours dans cette région les empereurs d'Orient. Le royaume
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comprenait ainsi : la Ligurie, la Lombardie, le Frioul dans sa plus grande extension, c'est-à-dire avec le Trentin et l'Islrie, quoiqu'ils constituassent quelquefois une marche germanique; quant à Venise, elle conservait toujours sa connexion avec l'empire d'Orient. Le royaume d'Italie comprenait encore la Toscane, la Romagne ou ancien exarchat de Ravenne, Spolète et Rome, et il représentait ainsi l'ancien royaume lombard, augmenté des provinces qui passèrent de l'empire d'Orient à celui d'Occident par l'élection de Charlemagne. Malgré cette augmentation, on peut le considérer comme la continuation du royaume lombard. La métropole ecclésiastique de Milan remplaça Pavie, l'ancienne capitale des rois lombards, et ce fut à Milan que les rois d'Italie vinrent se faire couronner. Union définitive du royaume de Germa* nie avec le royaume d'Italie et l'empire romain d'Occident (963), et avec le royaume de Bourgogne (1033). — Pendant près de quatre-vingts ans après le partage de 887, l'empire romain d'Occident peut être regardé comme devenu vacant. Un roi de Germanie et plusieurs rois d'Italie prirent la couronne impériale, mais ni les uns ni les autres ne furent reconnus tels par tout l'Occident. Cet état de choses se modifia dans la seconde moitié du dixième siècle, sous le roi de Germanie Otton le Grand. Bérenger, roi d'Italie, fit à son égard ce que le comte Eudes avait fait à l'égard d'Arnulf, et il lui rendit hommage pour son royaume en 952. Plus tard, Otton obtint pour lui-môme le royaume d'Italie, et fut couronné empereur à Rome en 962. Il fut alors bien établi que le roi de Germanie qui était couronné à Aix-la-Chapelle avait droit à être couronné roi d'Italie à Milan et empereur à Rome. Un empire d'Occident, avec des limites géographiques bien définies, se trouva ainsi constitué par les deux royaumes d'Italie et de Germanie, auxquels celui de Bourgogne fut ajouté dans la suite (1052). C'était l'empire de Charlemagne, diminué à l'ouest du royaume occidental, et avec une frontière du
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côté de l'est qui différait également dans une certaine mesure. Cette union de trois des quatre royaumes donna au quatrième, c'est-à-dire à la Carolingie, ou France, un caractère plus distinct et plus hostile. La Carolingie n'était bien qu'une partie du grand empire franc, qui s'était détachée du corps principal ; mais, maintenant que les rois germains ou les rois des Francs orientaux se trouvaient en même temps rois d'Italie et de Bourgogne et empereurs des Romains, ils abandonnèrent peu à peu leur nom de Francs. Les rois occidentaux, eux, continuèrent à le garder; le nom du duché de France arriva même à s'appliquer à une grande partie de la Gaule, ce qui fit que le royaume de France pouvait passer à première vue pour la continuation de l'ancien royaume des Francs. L'Empire qui venait de se constituer à nouveau avait donc à côté de lui une puissance nettement rivale, et nous verrons que les progrès de la frontière française aux dépens de la frontière impériale entrent pour une grande part dans l'histoire de la géographie politique de l'Europe. Du côté de l'est, au contraire, la frontière de l'Empire était susceptible de s'avancer considérablement aux dépens des populations slaves qui étaient en contact avec lui.
II
L'EMPIRE D'ORIENT
Transformation de l'empire d'Orient en empire grec. — Les divers événements qui se produisirent au septième et au huitième siècle, — apparition des Sarrasins, établissement des Slaves, transfert aux Francs de l'empire d'Occident, — événements qui portèrent des coups
li Voir cartes 57 et 58.
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terribles à l'empire d'Orient, semblent cependant avoir eu pour résultat final de lui donner une nouvelle force. En effet, il commença pour la première fois à prendre un caractère national, et de même que l'empire d'Occident tendait de plus en plus à devenir germanique, lui-même devint de plus en plus grec. Un autre caractère distinctif s'attacha encore à lui lorsque le schisme qui séparait les deux églises alla en s'accentuant, car les pays de langue grecque adoptèrent le christianisme de l'Église d'Orient. L'empire d'Orient, tout en conservant ses titres et traditions romaines, s'identifiait ainsi avec ce que l'on peut appeler la nation grecque artificielle. Il poursuivait l'œuvre d'hellénisation qui avait commencé avec les anciennes colonies grecques, et qui s'était continuée sous les rois macédoniens. Aucun état ne donne plus de travail aux géographes ; pendant les périodes alternatives de décadence et de renaissance qui composent presque en totalité l'histoire byzantine, des provinces sont constamment prises et recouvrées. Nous avons aussi à nous occuper des nouvelles divisions qui furent appliquées à l'Empire, lesquelles, pour la plupart, ne se rapportaient que très peu aux divisions des temps antérieurs. lies Thèmes d'Asie et d'Europe au dixième siècle. — Les Thèmes ou provinces de l'empire d'Orient, : tels qu'ils furent établis au dixième siècle, ont eu le privi lège d'être décrits avec le plus grand soin par l'empereur 1 Constantin Porphyrogénète . Il en parle comme d'une chose faite depuis peu, et de quelques-uns même de ces thèmes comme ayant été établis presque de son temps; tout prouve, en tous cas, que les thèmes durent être établis après que l'Empire eut été considérablement affaibli au nord et au sud. Leur nomenclature présente à la fois beaucoup de singularité et de diversité. Parmi les anciens noms nationaux, quelques-uns sont conservés avec une signification
1. Voir le traité spécial des thèmes dans le troisième volume de l'édition de Bonn. Le traité suivant : De administrando Imperio, est également rempli de documents géographiques. (Note de l'auteur.)
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géographique équivalente, tandis que d'autres sont employés d'une façon assez fantaisiste. Ainsi en Asie, la Paphlagonie et la Cappadoce sont des thèmes qui représentent à peu près ces anciennes provinces; mais le thème d'Arménie s'étend tellement à l'ouest de ce qui avait pu être autrefois l'Arménie, que le cours du fleuve Ilalys s'y trouve compris. Entre ce thème et le pays d'Arménie toujours indépendant, se trouvait le thème de Chalde'e avec Trébizonde, la future capitale d'un empire. Le long de la frontière sarrasine se trouvaient les thèmes de Colonée, de Mésopotamie (laquelle n'était que l'ombre de la Mésopotamie trajane, dont elle ne faisait même pas' partie),deSébastée, de Lycandos, deCappadoce et de Séleucie, ce dernier ainsi appelé à cause de la ville isaurienne ou cilicienne de ce nom. Le long de la côté méridionale, la ville de Kibyra donna son nom au thème des Cibyrrhéotes, lequel s'étendait jusqu'à Milet. L'île de Samos donna le sien à un thème s'étendant de Milet à Adramyttium, tandis que le thème de la Mer Égée, outre la plupart des îles de cette mer, comprenait également la terre ferme de l'ancienne Éolide. Le reste de la Propontide était bordé par des thèmes portant les noms étranges d'Opsikion et d'Optimaton, noms d'origine latine, dans le premier desquels se retrouve le mot obsequium. Plus à l'est, un autre thème non moins étrangement nommé, le thème Boukellarion, comprenait la ville d'Héraclée sur le I'ont-Euxin. A l'intérieur et loin de la frontière, étaient les thèmes Thrakesion et Anatolicon, tandis qu'un autre thème d'Asie était formé par l'île de Chypre. La nomenclature des thèmes européens est plus intelligible. La plupart portaient des noms anciens, et les districts auxquels ceux-ci s'appliquaient, occupaient au moins la place des pays qui en étaient autrefois revêtus. Après avoir considérablement varié, par suite de la perte et de la reprise de tant de districts, le nombre des thèmes européens, sous Constantin Porphyrogénète, était de douze. La Thrace n'était plus qu'un petit district comprenant la région qui entoure immédiatement Constantinople et Andrinople, cette dernière '
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ville étant alors ville frontière contre les Bulgares. La Macédoine avait été rejetée à l'est, les parties du littoral strictement macédonien qui restaient toujours à l'empire formant maintenant les thèmes du Strymon et de Thessalonii/ue. En descendant plus au sud, on retrouvait le nom d'Hellade, qui avait reçu cette fois une application singulièrement exacte, car il désignait la partie orientale de la Grèce continentale, et comprenait ainsi le pays d'Achille. Le nom d'Achaïe, que nous avons vu si tenace, avait disparu momentanément, et la péninsule terminale, reprise aux Slaves, portait de nouveau son nom de Péloponnèse. Sparte était toujours une des principales villes, mais son nom avait été remplacé par celui de Lacédémone. Cet exemple et bien d'autres, où nous voyons un nom grec remplacé par un autre, nous montrent que l'IIellade, après avoir été occupée par les Slaves, revint de nouveau au pouvoir d'un état où se parlait la langue grecque. Au large de la côte occidentale, le royaume d'Ulysse semblait revivre dans le thème de Céphalonie, qui comprenait aussi L'île mythologique d'Alkinoos. Certaines parties de l'Épire et de la Grèce occidentale, restées à l'Empire, formaient le thème de Nicopolis. Au nord, sur la côte de l'Adriatique, se trouvait le thème de Dyrrhachium, au delà duquel il y avait encore des villes en Dalmatie et en Vénétie, mais celles-ci considérées comme des parties extérieures de l'Empire. Dans l'Italie méridionale, le thème de Loiubardie était coupé par la principauté de Salerne, tandis que Naples.Gaëte et Amalfi étaient, comme Venise et Raguse, au nombre des possessions extérieures. La Sicile comptait toujours comme thème ; mais elle se trouvait alors complètement au pouvoir des Sarrasins. Enfin, bien loin, dans la péninsule Taurique ou Crimée, la dernière des républiques grecques, le point le plus éloigné qu'eût atteint la civilisation grecque, avait fini par former au neuvième siècle le thème byzantin de Cherson. La première impression qui se dégage de cette description géographique, c'est que l'empire d'Orient était devenu main-
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tenant un état plutôt asiatique qu'européen. En Asie seulement il présente une masse assez solide de territoire; ailleurs, ce ne sont que des îles et des bandes de terre le long des côtes. Cependant, celles-ci n'offraient presque pas de solution de continuité; elles contenaient en outre les plus grandes villes de la Chrétienté, et elles donnaient à ceux qui les possédaient une suprématie incontestée sur mer. Si la Méditerranée n'était pas un lac byzantin, la présence des Sarrasins et les incursions des Normands empêchaient seules qu'il en fût ainsi. Les armées romaines ne devaient pas tarder à se montrer de nouveau redoutables, et si la description de Constantin Porphyrogénète nous montre l'empire à une époque de tranquillité, avant comme après lui nous le voyons alternativement perdre et regagner de sa puissance. Pertes et conquêtes de l'Empire pendant les neuvième et dixième siècles. — Ainsi, au commencement du neuvième siècle, la Crète fut subitement envahie et prise par des aventuriers sarrasins venus d'Espagne (823-960); à peu près à la même époque, commença la longue et lente conquête de la Sicile par les Musulmans (827965). Mais presque au même moment que la Sicile était perdue (vers 902), les possessions de l'Empire étaient considérablement augmentées en Italie, et son influence en Dalmatie largement rétablie. C'est à peu près à la même époque que le Péloponnèse était repris sur les Slaves. La Crète fut reconquise dans la seconde moitié du dixième siècle; de même, la Cilicie, et une partie de la Syrie comprenant les villes fameuses de Tarse, Édesse, et Antioche sur l'Oronte. Peu après, Basile II renversa le royaume de Bulgarie en Europe (981-1018), et celui d'Arménie en Asie; les pays situés au pied du Caucase reconnurent la suprématie impériale, et l'autorité de Byzance se fit sentir autour de la plus grande partie du Pont-Euxin. Cherson toutefois fut perdue (988), et l'ancienne ville mégarienne passa au pouvoir des Russes. A l'autre extrémité de l'Empire, la Sicile
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fut .disputée de nouveau aux Sarrasins, et s'ils réussirent à s'y maintenir, leur puissance cependant se trouva bien affaiblie quand vinrent de nouveaux envahisseurs. Au commencement du onzième siècle, la Rome orientale était de nouveau la capitale d'un empire qui était sans contredit le plus important de tous les états chrétiens, un empire qui n'avait j amais été aussi étendu depuis que les Sarrasins et les Slaves avaient envahi son territoire.
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ORIGINE DES ROYAUMES ESPAGNOLS1
La géographie historique de deux des trois grandes péninsules méridionales est ainsi liée avec celle des empires dont elles furent séparément les centres. Il en est tout différemment pour la troisième grande péninsule, celle d'Espagne. Là, en effet, la domination romaine avait tout à fait disparu, même de la province qui avait été reprise par Justinien; et il n'y eut jamais qu'une bien petite partie de la région tout entière qui fut réincorporée, soit à l'un ou à l'autre empire. Conquête sarrasine de l'Espagne (710-713). — L'Espagne fut conquise par les Sarrasins, comme elle l'avait été auparavant par les Romains ; avec cette différence que pour les Romains, elle avait été une de leurs conquêtes les plus longues et les plus difficiles, tandis que dans toute l'étendue de la domination sarrasine, pas une ne fut aussi rapide. Mais si la conquête romaine fut lente, elle finit par être complète ; tandis que les Sarrasins ne purent enlever son indépendance à une petite partie de la péninsule, qui devait ensuite affranchir celle-ci tout entière de la domi
1 Voir pour cette section la carte 65.
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COMMENCEMENTS DES ÉTATS DE L'EUROPE MODERNE.
nation étrangère. Il arriva, comme cela devait être, que cette partie de l'Espagne restée indépendante, fut la même que celle qui avait le plus résisté aux Romains. Formation, de royaumes indépendants dans le nord de la péninsule. — Démembrement du califat de Cordoue ( 1038). — La Cantabrie et YAsturie, qui n'avaient jamais été complètement soumises aux Goths, devinrent alors le siège de la résistance sous des princes qui prétendaient représenter les rois goths, et dont une partie des possessions portail le nom de Gothie. Vingt ans après la conquête, l'Asturie était de nouveau une principauté chrétienne (752), et, réunie ensuite avec la Gantabrie (751), elle devint plus tard le royaume de Léon (916). Les grands fiefs de ce royaume situés à l'est et à l'ouest, les comtés de Galice et de Castille, — ces derniers étant originairement une ligne de châteaux élevés contre les Sarrasins,— montrèrent l'un et l'autre, dès le début, de fortes tendances à se séparer. Pendant ce temps, le royaume de Navarre qui s'étendait, il faut bien le remarquer, de chaque côté des Pyrénées (la partie située au sud de cette chaîne étant d'ailleurs la plus considérable), s'agrandissait"du côté de l'est. À l'est de la Navarre, les petits comtés d'imgon et de Ribagorce devaient donner naissance au royaume d'Aragon. Plus à l'est encore, était ce pays qui, après que les Sarrasins eurent été définitivement chassés de la Gaule, lit partie de l'empire carolingien sous le nom de Marche espagnole (778). Les accroissements et diminutions de territoire, les unions et séparations de ces différents royaumes et principautés, appartiennent à l'histoire particulière de l'Espagne. Mais au commencement du onzième siècle, tout le nord-ouest de la péninsule et une bande considérable de territoire au nord-est étaient en la possession d'états chrétiens. Ces états devaient dans la suite se réduire à deux royaumes, ceux de Castille et d'Aragon, qui jouèrent un rôle considérable dans les affaires de l'Europe. Tout d'abord nous voyons que ceux de ces états espagnols,
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qui devaient être dans la suite les plus importants, ne furent pas les premiers à s'ériger en royaumes séparés. C'est à peine si, à cette époque, la Castille même comptait comme un état distinct. L'Aragon ne fait que commencer, et il n'est pas même question du Portugal. Or la Castille était destinée à jouer un rôle équivalent à celui de Wessex en Angleterre et de la France en Gaule, c'est-à-dire à grouper autour d'elle tous les états de la péninsule. L'Aragon, lorsque des progrès continus l'eurent porté jusqu'à la Méditerranée, devait, pendant longtemps, tenir dans la politique générale de l'Europe une place plus considérable que celle de n'importe quel autre état espagnol. L'union de la Castille et de l'Aragon devait former la grande monarchie espagnole qui devint la terreur de l'Europe. Le Portugal eut une autre destinée; obligé tout d'abord de s'étendre aux dépens de l'ennemi commun, sa situation sur l'Océan le porta ensuite aux entreprises maritimes en pays lointains, où la Castille et les autres états devaient le suivre plus tard. La division qui éclata bientôt chez les Sarrasins favorisa le développement des états chrétiens. Les califats d'Orient et d'Occident tombèrent en pièces, absolument comme cela avait eu lieu pour les empires chrétiens. La domination mahométane en Espagne était à l'apogée de sa puissance au dixième siècle. Malgré cela, on peut dire que la frontière chrétienne, au milieu de nombreuses fluctuations, avançait en général au nord-ouest, un peu plus lentement au nordest. Mais lorsqu'au commencement du onzième siècle le califat de Cordoue tomba en pièces, et que de ses débris se formèrent une foule de royaumes mahométans à Cordoue, Séville, Lisbonne, Saragosse, Valence et autres lieux, les Musulmans ne se maintinrent en Espagne que grâce à des invasions incessantes venues d'Afrique. Maintenant d'ailleurs que les états chrétiens sont complètement formés, il convient de reporter à la période suivante l'histoire de ces dynasties africaines, en tant qu'elle eut de l'influence sur la géographie.
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COMMENCEMENTS DES ÉTATS DE L'EUROPE MODERNE.
ORIGINE
DES
ÉTATS
SLAVES <
Les nations tonraniennes à partir du neuvième siècle. Établissement des Magyars au nord du Danube (895). — Nous avo.îs laissé les frontières des deux empires d'Orient et d'Occident assaillies par des populations slaves qui, dans l'empire d'Orient, se trouvaient considérablement mêlées avec d'autres populations de race touranienne. Parmi ces dernières les Avares, les Petche'nègues, les Khazars ont tout à fait disparu, n'ayant laissé aucune trace sur la carte de l'Europe moderne. Il n'en est pas de même de deux autres établissements touraniens. Les Bulgares, dont nous avons déjà parlé, fondèrent un royaume de touraniens slavonisés, et, malgré la perte de leur indépendance, ils ont gardé leur place comme nation. Un autre établissement touranien, au nord des Bulgares, a eu une plus grande importance dans l'histoire européenne. Dans les dernières années du neuvième siècle, les Magyars ou Hongrois, appartenant à la race finnoise (les Turks des écrivains byzantins), commencèrent à figurer parmi les états européens (895). De leurs cantonnements situés entre les bouches du Dniéper et du Danube, ils pénétrèrent dans les pays qui avaient été la Dacie et la Pannonie. Les Bulgares furent de la sorte tout à fait refoulés au sud du Danube, et la Grande Moravie, qui comprenait alors la partie occidentale de la Hongrie moderne, tomba complètement sous la domination magyare.
1. Cartes 57 et 58.
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Les Magyars et les Turks Ottomans plus tard sont les seuls qui aient réussi à fonder en Europe une puissance touranienne durable. Les Bulgares se sont fondus dans la masse de leurs voisins et sujets slaves, dont ils ont adopté la langue. Les Magyars et les Ottomans parlent toujours une langue touranienne sur un sol aryen. Les Magyars cependant ont seuls constitué un état réellement européen. Après avoir ravagé pendant un certain temps la Germanie, l'Italie et même la Gaule, ils finirent par fonder un royaume chrétien qui, au milieu de nombreuses vicissitudes de suprématie et de dépendance, est resté jusqu'à «os jours un royaume distinct. Les Hongrois cependant reçurent leur christianisme de l'Église d'Occident, et ce fait eut une influence considérable. En effet,'- sans cette connexité presque accidentelle avec l'ancienne Rome, la Hongrie, quoique totiranienne, aurait pris tout naturellement sa place parmi les états slaves qui bordaient l'empire de la nouvelle Rome. Or cette différence de religion ne fit qu'accentuer la différence de race; aussi la Hongrie forma-t-elle un royaume tout à fait à part, étroitement lié par son histoire avec la Servie et la Bulgarie, mais entraîné sur bien des points dans un cercle tout différent de celui de ces deux états. Les trois principales divisions de la race slave. — L'un des principaux résultats de l'établissement des Magyai's, au point de vue géographique, fut de placer une barrière entre les Slaves du Nord et ceux du Sud. Le premier territoire occupé par les Magyars avait été précédemment envahi par les Petchônègues, et l'Empereur géographe nous parle de ces derniers comme d'une nation avec laquelle l'Empire essaya toujours de se maintenir en paix, car elle formait une barrière contre les Hongrois et les Russes. Les Russes, qui appartenaient à la branche orientale de la race slave, commencent en effet à prendre de l'importance au neuvième siècle, et ils étaient séparés des autres membres de cette branche, établis au sud du Danube, par ces nouveaux envahisseurs touraniens. Les Magyars sépa-
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COMMENCEMENTS DES ÉTATS DE L'EUROPE MODELNE.
rèrent aussi les Slaves du Sud-Est de ceux du Nord-Ouest, mais en laissant ceux-ci en contact avec les Russes. La position géographique de ces trois divisions de la race slave a eu une influence considérable sur l'histoire européenne. La Servie, la Croatie, la Dalmatie et les pays avoisinants peuplés par les Slaves du Sud-Est étaient convoités par les deux empires, le royaume magyar et la république de Venise, aussitôt que Venise fut devenue un état distinct et conquérant. Mais la place qu'ils ont occupée dans l'histoire jusqu'à notre époque, tout importante qu'elle soit, n'est cependant*que secondaire,*car cette histoire n'est guère que celle de leurs soumissions successives à de nouveaux maîtres. Nous parlerons des états qui se trouvèrent ainsi formés^'ten même temps que de leurs rapports Wéc les états plus -consijdérja-b'les et plus durables auxquels, ils ont été le plus généralement 'réunis;.'Quant ' aux Slaves du Nord-Ouest, ils paraissent pour fa plupart avoir été, à des degrés différents, incorporés à l'empire d'Occident ou vassaux de cet empire. Cependant, outre quelques duchés d'une certaine importance, nous verrons se former parmi eux les royaumes de Bohême et de Pologne, ce dernier ayant réussi dans la suite à s'affranchir complètement de l'Empire, et à devenir pendant quelque temps l'un des principaux états de l'Europe. La troisième division, comprenant les Russes, apparaît au neuvième et au dixième siècle, d'abord comme un ennemi formidable, puis comme une conquête spirituelle de l'empire et de l'Église de Constantinople. La Russie a déjà pris le caractère, qu'elle devait perdre ensuite pendant quelque temps, d'être le seul grand état européen appartenant à la fois à la race slave et à l'Église d'Orient, et nous retracerons dans un chapitre distinct les variations de son étendue territoriale.
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L'EUROPE MODERNE.
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V
EUROPE SEPTENTRIONALE
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Les trois nations Scandinaves. Invasions des Northmans. L'importance des nations Scandinaves pendant cette période ressort principalement de leurs établissements dans les différentes parties de l'Europe, et particulièrement dans la Grande-Bretagne et en Irlande. Les trois grands royaumes Scandinaves étaient déjà formés, et la Suède accomplissait son œuvre du côté de l'Est^Les Norvégiens, désignés sous le nom de Northmans, colonisèrent l'extrême nord de la Grande Bretagne, les comtés Scandinaves de Caithness et Sutherland, ainsi que les iles situées au nord et à l'ouest de la Grande-Bretagne, les Orcades, Shetland, Fœroé, Hébrides et Man. Ils colonisèrent également la côte orientale de l'Irlande, où ils reçurent le nom SOstmen. Ce fut aussi de la Norvège que vinrent ces envahisseurs qui allèrent ravager le duché de France et se firent donner le duché de Normandie. Quant au Danemark proprement dit, le théâtre où se déploya son énergie fut surtout cette partie de la Grande-Bretagne que nous pouvons commencer maintenant à appeler Angleterre. Ce fut pendant cette période que tous 'les établissements anglo-saxons de la Bretagne aboutirent à la formation de la nation anglaise et du royaume d'Angleterre. Et cette œuvre fut singulièrement favorisée par la chose qui semblait le plus devoir la contrarier, par les invasions danoises.
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La Grande-Bretagne au neuvième siècle. Suprématie des rois de Wessex et les inva1. Carte 53.
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COMMENCEMENTS DES ÉTATS DE L'EUROPE MODERNE.
sions danoises. — Jusqu'à cette époque, la grande île avait été, ainsi qu'on l'a souvent appelée, un autre monde, ayant très peu d'influence au dehors, et très peu influencé lui-même par aucun des pays relevant de l'un des deux empires. L'histoire anglaise de cette époque, histoire qui a un rapport tout spécial avec la géographie, repose sur deux grands faits. Le premier est l'union, sous les rois de Wessex, de tous les états anglo-saxons de la Grande-Bretagne en un seul royaume. L'autre est l'établissement par ces rois d'une suprématie assez vague sur toute l'île. La domination établie par Egberht (825-850) n'était sous aucun rapport un royaume d'Angleterre. Elle consistait simplement en une suprématie des rois de Wessex sur tous les princes de la Grande-Bretagne, teutoniques et celtiques, sauf cependant les Pietés, les Scots et les Bretons de Strathclyde et de Cumberland. Les petits royaumes de Kent, Susses et Essex formaient des apanages pour les ethelings de Wessex ; mais la suprématie sur l'EstAnglie, la Mercie, leNorthumberland, et les princes gallois, était purement extérieure. Les incursions danoises commencèrent dans les dernières années du huitième siècle (789) ; elles devinrent plus fréquentes et plus dangereuses dans le milieu du neuvième, et, dans la dernière partie de ce siècle, elles aboutirent à de véritables établissements danois. C'est ainsi, en effet, que se termina la grande lutte soutenue par le premier Ethelred, et son frère Alfred plus illustre encore. Par le traité d'Alfred avecGothrum (878), le roi de Wessex garda son propre royaume et les'pays situés au sud de la Tamise, ainsi que la Mercie occidentale. • Le reste de la Mercie, avec l'Est-Anglie, et le Deira ou Northumberland méridional, passa aux Danois. La Bernicie ou Northumberland septentrional, s'étendant depuis la Tee jusqu'au Forth, conservait toujours ses princes angles, vraisemblablement sous la suprématie danoise. Le roi de Wessex cependant continua toujours à garder une suprématie purement nominale et précaire sur tous les pays qui devinrent ainsi danois. En Ecosse et en Strathclyde la succession des princes celtiques ne fut
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pas troublée, mais dans une partie au moins du Strathclyde, dans le Cumberland moderne, il a dû s'implanter une notable population Scandinave, plutôt norvégienne d'ailleurs que danoise. Formation du royaume d'Angleterre sous les rois de "Wessex (91 ©-954). — Rapports avec l'Ecosse.— Parsuite de tous ces changements, lapuissance du roi de Wessex reçut dans son ensemble une forte atteinte, mais son royaume immédiat se trouva augmenté. La dynastie qui avait été si près d'acquérir la suprématie sur toute l'île sembla de nouveau réduite à son propre royaume et aux pays immédiatement avoisinants. Mais en renversant les autres royaumes anglo-saxons, les Danois avaient préparé la voie qui devait permettre aux rois de Wessex de reprendre l'avance au dixième siècle. Le roi de Wessex devint alors seul roi d'un royaume que nous pouvons appeler maintenant Angleterre, et il devint en outre le champion de l'Angleterre et du christianisme contre les étrangers, qui, pour la plupart, restaient païens. Ce fut pendant la première moitié du dixième siècle que nous voyons le royaume de Wessex se transformer de plus en plus en royaume d'Angleterre. Une fois ce résultat obtenu, le roi Edouard l'Ancien porta la frontière du royaume jusqu'à l'IIumber. Le pays de Galles, le Northumberland anglais et danois, et, pour la première fois, l'Ecosse et le Strathclyde, tous reconnurent la suprématie anglaise (923). SousEthelstan, le Northumberland fut pour la première fois incorporé au royaume (926) ; après des phases différentes, il devint finalement partie intégrante de l'Angleterre, formant quelquefois un, quelquefois deux comtés anglais. Plus tard, le Cumberland fut subjugué par Edmond (945), et donné comme fief aux rois des Scots qui en firent généralemenf des apanages pour leurs fils. De plus, à la fois par conquête et par cession, les rois écossais devinrent possesseurs du Northumberland septentrional, qui prit le nom de comté de Lothian. Ainsi, dans la seconde moitié du
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dixième siècle, il existait un royaume unique d'Angleterre, ayant parmi ses vassaux les principautés galloises, l'Ecosse, le Stratchlyde et le Lothian. L'empire du Nord de Cnut (1010-1037). — Le royaume d'Angleterre se trouva donc formé, et avec lui l'empire anglais. En effet, au dixième et au onzième siècle, les rois anglais né reconnaissaient aucune supériorité au César d'Orient ou d'Occident. Ils avaient dans leur île une position analogue à celle des empereurs sur le continent, et ne se faisaient aucun scrupule de se faire appeler empereurs de tout le monde breton. Le royaume et l'empire ainsi formés se trouvèrent passer, par suite des guerres de Svvegen et de Cnut, du roi de Wessex à un roi danois. Sous Cnut, l'Angleterre devint pour un moment la partie principale, et Winchester la capitale d'un empire du Nord qui pouvait parfaitement prendre place à côté de ceux de l'ancienne et de la nouvelle Home. L'Angleterre, le Danemark, et la Norvège eurent un roi unique, dont la suprématie s'étendait sur le reste de la Grande-Bretagne, sur la Suède, et une grande partie du littoral de la Baltique. Le royaume moderne d'Angleterre après la conquête normande. — Cet empire s'écroula à la mort de Cnut. Les royaumes Scandinaves furent de nouveau séparés ; l'Angleterre elle-même fut un moment divisée. Le royaume, de nouveau réuni, revint d'abord à la maison de Wessex, pour passer ensuite, après une seconde conquête, aux Normands (1066-1070). Après cette dernière révolution, le royaume ne fut plus jamais divisé. Guillaume le Conquérant acheva l'œuvre d'Egberht, et fit l'Angleterre une pour toujours. Réunie ainsi sous la même autorité que la Normandie, l'Angleterre se trouva alors amenée dans le courant général des affaires continentales, et cela lui donna en Europe une position qu'elle n'avait jamais eue sous ses rois indigènes.
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VI
LES ÉTATS EUROPÉENS A LA FIN DU XI' SIÈCLE
Ainsi, vers la fin du onzième siècle, les principales nations de l'Europe étaient formées. L'empire d'Occident, après de nombreuses vicissitudes, avait pris une forme définitive. La dignité impériale et les deux couronnes royales d'Italie et de Bourgogne étaient maintenant attachées au royaume de Germanie. L'Empire, bien qu'il gardât son titre de romain, ainsi que les prérogatives et l'influence que ce titre avait sur les esprits, était en réalité devenu un état germanique. Son histoire, à partir de cette époque, se compose principalement des événements qui amenèrent pour les empereurs germains de Rome la perte de leurs royaumes d'Italie et de Bourgogne, et l'extension de la domination germanique sur les Slaves de l'Est. Le royaume occidental s'est complètement séparé de l'Empire ; l'union de sa couronne avec le duché de France a créé le royaume de France et la nation française, ayant Paris comme centre, et une suprématie qui n'était guère encore que nominale sur une grande partie de la Gaule. De même que l'empire d'Occident était devenu germanique, de même l'empire d'Orient est devenu grec ; dans les premières années du onzième siècle, il forme de nouveau un état puissant et compact, étendant son autorité depuis Naples jusqu'à Antioche. Parmi les états situés au nord, la Bulgarie a été réincorporée à l'Empire; la Servie, la Hongrie, la Russie, ont pris leur place parmi les états chrétiens de l'Europe. Il en est de même de la Pologne et de la Bohême sur les frontières de l'empire d'Occident. La Prusse, la Lilhuanie et les pays finnois situés immédiatement au nord, restent
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païens. En Espagne, les Chrétiens ont regagné une grande partie de la péninsule. La Castille et la Navarre sont déjà des royaumes ; Y Aragon n'en est pas encore là, mais il est entré déjà dans l'histoire. Dans le nord de l'Europe, les trois royaumes Scandinaves sont nettement indiqués, et fortement établis. Dans l'île de Bretagne, les royaumes d'Angleterre et à'Ëcosse sont formés, et l'union de Y Angleterre et de la Normandie sous un même prince a ouvert la voie à des relations complètement nouvelles entre le continent et la grande île. En un mot, les seuls états européens jouant un rôle dans l'histoire du Moyen Age qui ne sont pas encore formés sont le Portugal et les royaumes siciliens. Maintenant donc que la plupart des états européens sont formés, que les deux empires romains tendent de plus en plus à devenir, l'un germanique et l'autre grec, il convient de changer le plan de notre travail. Jusqu'ici, en effet, nous avons pris la géographie historique de l'Europe dans son ensemble, la groupant autour de deux centres, l'ancienne et la nouvelle Rome. Désormais, nous prendrons séparément l'histoire des grandes divisions de l'Europe, et nous retracerons dans des chapitres distincts les changements que les limites de chacune ont subis depuis le onzième siècle jusqu'à maintenant. Mais au préalable nous ferons bien de parler des divisions ecclésiastiques établies dans l'Occident chrétien, car elles ont eu une importance considérable dans la période que nous allons parcourir, et nous serons obligés constamment de nous y reporter.
�CHAPITRE VI
GEOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUE DE L'EUROPE OCCIDENTALE
Rapports des divisions ecclésiastiques avec les divisions politiques. — Au onzième siècle, les grandes divisions ecclésiastiques étaient établies presque partout dans l'Europe occidentale ; correspondant aux divisions politiques qui existaient à l'époque de leur formation, elles se sont cependant maintenues bien davantage. Ainsi, en France, les diocèses représentaient les juridictions des cités romaines ; en Angleterre, ils représentaient les anciens royaumes et principautés. Or, dans l'un et l'autre cas, ils survécurent très longtemps aux divisions politiques qui leur avaient donné naissance. Tandis que la carte politique se trouva en maintes circonstances entièrement modifiée, les divisions ecclésiastiques se maintinrent presque intactes jusqu'à une époque tout à fait récente, n'ayant guère à subir d'autres changements que ceux qui résultaient de la nécessité de diviser un diocèse trop étendu, ou d'en réunir deux trop petits. Aussi ce caractère de permanence inhérent aux divisions ecclésiastiques fait-il qu'il est souvent utile d'y recourir, quand on envisage les changements politiques. Pour prendre un exemple, la ville de
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Lyon a appartenu à différentes époques aux rois bourguignons et aux rois francs ; elle a été ville libre de l'Empire, et elle est devenue une ville du royaume de France. Mais, au milieu de tous ces changements, l'archevêque de Lyon rst toujours resté le primat de toutes les Gaules, tandis que l'archevêque de Reims avait à côté de lui une position tout à fait différente, comme le premier prélat et le premier pair du royaume moderne de France. De plus, Paris, qui était devenu la capitale politique de ce royaume, resta jusqu'au dix-septième siècle le siège d'un simple évêché. C'est ainsi que nous verrons presque constamment chaque division ecclésiastique perpétuer le souvenir d'un état politique plus ancien. Lorsque l'Empire fut devenu chrétien, il fut institué autant de patriarcats que de préfectures ; ceuxci furent partagés en districts métropolitains et épiscopaux, qui prirent dans la suite, avec un ordre hiérarchique renversé, les noms des divisions civiles ceux de provinces et de diocèses. Lorsque l'Église eut porté sa puissance spirituelle au delà des limites de l'Empire, de nouveaux districts ecclésiastiques furent naturellement formés dans les pays nouvellement convertis. La règle s'établit que chaque royaume eût au moins un archevêché; les petites principautés, provinces ou autres divisions, devinrent les diocèses des évêques. Mais, par suite des. conditions sociales différentes où se trouvaient le nord et le sud de l'Europe, une différence notable exista dans l'organisation ecclésiastique de ces deux régions. Dans le Sud, chaque évêque était l'évêque d'une ville; dans le Nord, il était l'évèque d'une tribu ou d'un district. Dans l'Empire, chaque ville avait son évêque; de sorte qu'en Italie et dans la Gaule méridionale, où les villes étaient très rapprochées les unes des autres, les évèques étaient très nombreux et leurs diocèses très petits. Dans la Gaule septentrionale, les villes étaient bien plus rares, et les diocèses plus étendus; tandis qu'en dehors de l'Empire les diocèses, représentant une tribu ou une principauté, avaient encore plus d'extension. De ceci il résulta
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encore que dans l'Empire l'évêque prit toujours le nom de la ville dont il avait la direction spirituelle, et qu'en dehors 'de l'Empire, spécialement dans les Jles Britanniques (aussi bien celles qui étaient celtiques que celles qui étaient teutoniques), l'évêque tira son nom de la tribu ou de la principauté qu'il dirigeait.
LES GRANDS
PATRIARCATS
Les cinq premiers patriarcats. — Les plus hautes divisions ecclésiastiques, les patriarcats, bien qu'ils ne répondissent pas exactement aux préfectures, étaient bien évidemment basés sur elles; et, chaque fois qu'ils en dépassaient les limites, c'était pour concorder davantage avec les grandes divisions de race et de langue. Pour notre sujet, il nons suffit de prendre les patriarcats tels qu'ils se formèrent après l'établissement du christianisme, au quatrième et au cinquième siècle. L'ancienne et la nouvelle Rome, et les deux grandes villes orientales d'Antioche et d'Alexandrie furent les sièges des quatre plus anciens patriarcats. De celui d'Antioche on détacha plus tard le petit patriarcat de Jérusalem. Mais, si ce n'est ce dernier, à la formation duquel des considérations plus ou moins sentimentales semblent avoir présidé, ils avaient tous une base réelle. Que la juridiction de l'évêque de Rome s'exerçât originairement sur toute la préfecture d'Italie ou seulement sur ce diocèse, il n'en n'est pas moins certain qu'elle s'étendit graduellement sur les deux préfectures d'Italie et de Gaule, c'est-à-dire qu'elle embrassa toute la partie latine de l'Empire, pour s'étendre de là dans l'Occident sur les Teutons convertis, aussi bien que sur la Hongrie et les Slaves
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de l'ouest. Le patriarcat de Constantinople, ou de la nouvelle Rome, comprenait la préfecture d'Illyrie et trois diocèses de la préfecture d'Orient, ceux de Thrace, d'Asie et de Pont. ' Cela représentait à peu près toute l'étendue du territoire où la langue et l'influence de la Grèce dominaient. Les deux diocèses illyriens, probablement par suite d'une certaine confusion due aux deux significations du mot Illyrie, étaient réclamés par les pontifes de l'ancienne Rome ; mais, lorsqu'il y eut définitivement deux empires et deux églises, il n'était pas vraisemblable que la Macédoine et la Grèce dussent appartenir à l'Occident. Enfin il arriva que le patriarcat de Byzance en vint presque à coïncider comme étendue avec l'empire byzantin, et il fut le centre de conversion pour les Slaves de l'Est, comme le patriarcat de l'ancienne Rome l'avait été pour les Teutons d'Occident. Le patriarcat d'Antioche, avant son démembrement en faveur du petit patriarcat de Jérusalem, comprenait tout le diocèse d'Orient, ainsi que les églises situées au delà des limites de l'Empire dans cette direction. Le patriarcat d'Alexandrie répondait au diocèse d'Egypte ; il comprenait également les églises extérieures à l'Empire de ce côté, particulièrement l'église abyssinienne qui a gardé jusqu'à maintenant sa nationalité. Tous ces patriarcats d'Orient ont été disputés pendant des siècles par nombre de prétendants appartenant aux différentes sectes du christianisme, mais ce sont là des faits qui concernent la théologie et l'histoire, et n'ont rien à voir avec la géographie. Que le siège patriarcal fût entre des mains orthodoxes ou hérétiques (c'est-à-dire généralement nationales), le diocèse n'en conservait pas moins la même étendue géographique. Les nouveaux patriarcats. — Tels sont les cinq grands patriarcats qui formaient les plus anciennes divisions géographiques de l'Église. Dans la suite, le nom de patriarcat a été employé un peu arbitrairement. Lorsque la situation de l'évêque de Rome eut tellement grandi qu'il ne fut plus simplement le patriarche d'Occident, le titre de
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patriarche fut donné à plusieurs métropolitains, et cela quelquefois sans raisons bien plausibles. C'est ainsi qu'il a été porté par les évêques de Lisbonne et de Venise, et particulièrement par les métropolitains à'Aquilée. Ceux-ci s'en emparèrent pendant une période de temps où ils restèrent séparés de l'église romaine. Mais tous-ces patriarcats doivent être soigneusement distingués des cinq grandes églises auxquelles ce nom fut attaché à l'origine. En Orient, il ne fut établi aucun nouveau patriarcat avant le seizième siècle ; et la Russie posséda dès lors celui de Moscou, qui marque la plus importante conquête spirituelle de l'église orthodoxe (1587). Des quatre premiers patriarcats orientaux, celui de Constantinople joua seul plus tard un certain rôle dans l'histoire. Les sièges des trois autres tombèrent aux mains des Sarrasins, cruand ceux-ci commencèrent leurs conquêtes.
DIVISIONS
ECCLÉSIASTIQUES
DE
L'ITALIE
Particularités des évêchés et des provinces en Italie. — Influence de la position de Rome et de l'histoire italienne. — Dans aucune partie de la chrétienté les évêchés n'étaient aussi rapprochés qu'en Italie, et particulièrement dans la partie méridionale de la péninsule. Il s'ensuit que les divisions ecclésiastiques de l'Italie ont historiquement moins d'importance que celles de la plupart des autres pays d'Occident. Dans l'Italie méridionale principalement, les évêchés étaient si nombreux, et les diocèses par conséquent si petits, que les provinces archiépiscopales égalaient à peine comme étendue les diocèses épiscopaux des pays situés au nord. Il en était de même
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pour les îles ; la Sicile comprenait quatre provinces et la Sardaigne trois. Les particularités qui caractérisent l'histoire italienne empêchèrent également la géographie ecclésiastique de ce pays d'avoir la même importance que partout ailleurs. Partout où la cité devint une république indépendante, l'évêque et même le métropolitain arrivèrent à une position inférieure à celle des autres prélats qui étaient en même temps de grands seigneurs féodaux. Il s'ensuit qu'il n'y a que peu d'archevêchés et d'évêchés italiens qui entrent dans le cadre de l'histoire générale. L'importance à laquelle parvint le pontife romain eut également pour résultat de laisser dans l'ombre, plus que partout ailleurs, les évêques italiens. Les évêchés qui ont le plus d'importance au point de vue historique sont ceux qui, à un moment ou à un autre, ont été rivaux de la cour de Rome ou en opposition avec elle. Tel était le grand siège de Milan, dont la province comprenait une masse d'évêchés lombards. De même, le siège patriarcal à'Aquilée, dont la juridiction métropolitaine s'étendait de Gôme jusqu'à Pola en Istrie. Les patriarches d'Àquilée, qui se trouvaient au point d'intersection des pays italiens, teutoniques et slaves, s'élevèrent bien au-dessus de tous les autres prélats italiens, et devinrent des princes temporels très puissants. La province de Ravenne était plus petite que celle de Milan ou d'Àquilée, mais Ravenne était le siège d'une église qui garda pendant un certain temps, en face de la puissance croissante de Rome, une position indépendante. En un mot, Milan et Ravenne ne perdirent jamais le souvenir de la situation qu'elles avaient sous l'Empire, et Aquilée mit à profit pour s'élever, en premier lieu des différends théologiques, et ensuite sa situation de frontière. Dans le reste de l'Italie, les choses se passèrent tout autrement. Rome était la capitale immédiate d'une province très étendue, allant d'une mer à l'autre, et dans laquelle les sièges suburbicaires, c'est-à-dire ceux qui étaient à une petite distance autour de Rome, étaient reliés au siège
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patriarcal d'une façon toute spéciale et très étroite à la fois. Les villes fameuses de Gênes, Bologne, I>ise, Florence et Sienne étaient également des sièges métropolitains, mais leur importance ecclésiastique fut tout à fait éclipsée par leur grandeur civique, hucques ne le devint qu'à une époque beaucoup plus récente. Lorsque les Sarrasins eurent été chassés de Corse, File releva des provinces de Pise et de Gênes. Mais à part ces quelques exceptions, l'histoire et l'étendue des diocèses italiens n'ont rien à voir avec un sujet général comme le nôtre. Dans le Sud, et dans la province méridionale de Sicile, les sièges archiépiscopaux sont innombrables; quelques-uns conservent les noms de villes célèbres, comme Capone,— celle qui fut élevée sur l'emplacement de Casilinum — Tarente, Bari, etc.; à côté d'elles, nous voyons des églises métropolitaines instituées dans des villes d'une importance tout à fait secondaire, et quant aux simples évêchés, leur nombre est incalculable.
III
DIVISIONS ECCLÉSIASTIQUES EN GAULE ET EN GERMANIE
Divisions ecclésiastiques de la Gaule correspondant aux anciennes divisions politiques de l'Empire romain. Un simple coup d'œil jeté sur l'ensemble des divisions ecclésiastiques de l'empire d'Occident nous montre immédiatement la différence qui sépare les sièges institués à l'origine de ceux de fondation plus récente. Si nous prenons le nom de Gaule avec son ancienne signification géographique, c'est-à-dire avec les pays germaniquessitués àl'ouest duRhin qui faisaient partie de l'ancien Empire, nous voyons que quelques provinces ecclésiastiques sont aussi bien gauloises que germaniques. Quant aux fron-
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tières du royaume franc, nous n'avons point à nous en occuper, si ce n'est dans la mesure où la limite qui sépare le royaume oriental du royaume occidental sert en même temps de délimitation ecclésiastique, enlaissant tout naturellement de côté les annexions qui eurent lieu dans la suite. Et d'abord, le caractère que nous" avons trouvé en Italie, nous le retrouvons en Gaule, immédiatement après avoir passé les Alpes. Les provinces de Tarantaise (répondant à la division politique des Alpes Pennines), et d'Embrun (Alpes Maritimes), comprenaient le pays montagneux qui s'étend entre l'Italie et la Gaule. Quoiqu'elles eussent peu d'étendue, la nature du pays empêcha que les évêques y devinssent aussi nombreux que dans un pays de plaine. La Tarantaise ne comprenait que trois sièges suffragants, Sion, Aoste et Saint-Jean de Maurienne, trois évêchés qui relèvent maintenant de trois états distincts. C'est seulement dans la partie méridionale de la province d'Embrun qui s'étend jusqu'à la mer que nous voyons les sièges épiscopaux aussi rapprochés qu'en Italie. La même chose se retrouve dans les petites provinces d'Aix (Narbonnaise Seconde) et d'Arles. Mais aussitôt que nous quittons la Provence pour ces parties de la Gaule qui furent moins complètement romanisées, et dans lesquelles les cités, et par conséquent les évêchés étaient moins rapprochés les uns des autres, l'aspect de la carte ecclésiastique commence à changer. Au nord et à l'ouest des provinces provençales d'Aix et d'Arles, nous trouvons celle de Vienne (qui, avec celle d'Arles correspond à peu près à la province politique de Viennensis) et celle de Narbonne (répondant à peu près à la Narbonnaise première). Ces provinces ont une étendue bien plus considérable, et les sièges suffragants y sont bien plus éloignés les uns des autres. Plus à l'ouest, nous trouvons la province d'Auch, répondant à l'Aquitaine primitive ou Novempopulana. En remontant au nord, les provinces ecclésiastiques deviennent encore plus considérables, et elles répondent presque complètement aux anciennes divisions politiques. L'Aquitaine
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première forme la province de Bourges, Y Aquitaine seconde celle de Bordeaux. Les Lugdunaises première, seconde, troisième et quatrième répondent aux provinces de Lyon, Rouen, Tours et Sens. Lyon, qui avait été la capitale temporelle de la Gaule, devint la résidence du Primat de toutes les Gaules. La province de Rouen correspond à peu près au duché dont cette métropole devint la capitale; son archevêque conserve toujours le titre de Primat de Normandie. Nouvelles divisions ecclésiastiques en Gaule à partir du seizième siècle. Telles sont les divisions ecclésiastiques liées d'une façon très étroite aux divisions politiques de l'Empire. Elles survécurent à l'invasion des Barbares, et malgré le déplacement de quelques sièges, elles ne reçurent pas de modification bien sérieuse jusqu'au quatorzième siècle. Le pape Jean XXII forma deux nouvelles provinces, en élevant (1522) au rang de métropolitains le siège de Toulouse, dans la province de Narbonne, et celui d'Albi dans la province de Bourges. Au siècle suivant, Sixte IV fit de même pour Avignon (1475), et toute cette région eut ainsi davantage le caractère de l'Italie et de la Provence. Plus tard, au dix-septième siècle, la province de Sens fut également divisée, et Paris devint un siège métropolitain (1622). Ceci nous montre quelle influence les anciennes divisions politiques avaient sur les divisions ecclésiastiques, et combien les changements politiques survenus étaient lents à les modifier. Dans le principe, Toulouse avait bien moins d'importance que Narbonne ; de même les Parisii et leur ville, en comparaison de la grande nation des Senones. Toulouse devint la capitale des rois goths, mais elle ne fut élevée à la plus haute dignité ecclésiastique que longtemps après la disparition du royaume des Goths. Paris, après avoir été à différentes époques une capitale temporaire, devint le berceau du royaume moderne de France et la résidence de ses rois ; il s'est écoulé cependant, depuis cette époque, plus de six cents ans, avant qu'elle devînt le siège d'un archevêché.
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�172 GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUE DE L'EUROPE OCCIDENTALE. Divisions ecclésiastiques du nord-est de la Gaule. — Formation des six archevêchés de l'ancien royaume germanique et de la province de Prague. — En nous rapprochant de l'Allemagne, nous verrons que les divisions ecclésiastiques ont été davantage modifiées par les changements politiques. La province ecclésiastique de Besançon répond à la Maxirna Sequanorum des Romains, mais elle n'a pas tout à fait la même étendue; la limite des royaumes de Germanie et de Bourgogne passant à travers la province romaine, toute la partie située à l'est de cette frontière fut rattachée à un diocèse germanique. La province de Reims répondait presque à la Belgique seconde. Elle contenait en plus une petite portion de territoire située à l'est de l'Escaut. Là aussi la frontière des royaumes oriental et occidental passait à travers la province. La cité métropolitaine se trouvait dans la région qui fit partie du royaume de France, et elle devint la capitale ecclésiastique de ce royaume. Cependant, un de ses sièges suffragants, Cambrai, comptait comme ville de l'Empire. La province de Trêves, qui datait de 785, ne comprit aucune partie du royaume occidental ; mais, en dehors de l'ancienne province de Belgique première, elle s'étendit bien loin sur les pays germaniques situés au delà du Rhin. Lorsque l'ancien évêché gaulois de Colonia Agrippina ou Cologne devint métropolitain sous Charlemagne (785), sa province comprenait presque toute l'ancienne Germanie seconde, mais elle arriva également à s'étendre au delà du Rhin et du Weser. Ces deux sièges métropolitains, Trêves et Cologne, étaient d'anciens évêchés gaulois situés sur la frontière. L'existence de celui de Mayence n'offre aucune certitude historique avant le huitième siècle (747). Il fut également établi en pays gaulois ; mais la plus grande partie de son vaste ressort était strictement germanique. Trois seulement de ses sièges suffragants, Worms, Spire, et Argentoratum ou Strasbourg, étaient géographiquement en Gaule. Aucune province n'eut des limites plus variables.
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Lorsque Cologne fut élevée au rang archiépiscopal, la province de Mayence fut diminuée du côté de l'ouest, mais elle s'agrandit indéfiniment au nord, au sud et à l'est, par suite de conversions ou de conquêtes. Au quatorzième siècle, son étendue du côté de l'est fut diminuée lorsque le royaume de Bohême et ses dépendances formèrent la province ecclésiastique de Prague (1544). Quant au célèbre évêché de Bamberg, bien que géographiquement il fût situé dans la province de Mayence, il devint dès l'origine immédiatement dépendant du siège de Rome (1007). Ces trois grands archevêchés de la frontière, dont les sièges se trouvaient tous sur la rive gauloise du Rhin, eurent un rang temporel bien distinct pendant toute la durée du royaume germanique. Tous les prélats allemands devinrent princes; mais ces trois-là seulement devinrent électeurs, et ils étaient aussi archichanceliers des trois royaumes impériaux ; celui de Mayence pour la Germanie, celui de Cologne pour l'Italie, celui de Trêves pour la Gaule. Mais lorsque le royaume franc ou germanique s'étendit vers le nord-est, de nouvelles provinces ecclésiastiques furent formées. L'évêché de Salzbourg devint métropolitain sous Charlemagne (798), et sa province s'étendit du côté de l'Orient en même temps que les conquêtes sur les Avares. L'évêché de Brème, également fondé par Charlemagne (788), fut reporté par son fils à Hambourg, et devint alors, comme siège métropolitain, un centre de conversion pour les nations Scandinaves. Après diverses fluctuations, le siège de cette province fut finalement établi à Brème (1223), avec la mission de convertir, non plus des Scandinaves, mais des Saxons et des Wendes. Finalement, Otton le Grand fonda le siège métropolitain de Magolebourg (968), sur la frontière slave. Le royaume germanique forma alors six provinces ecclésiastiques, dont l'étendue était incomparablement plus grande que celle des provinces de l'Europe méridionale, et dont les sièges suffragants étaient à la fois plus nombreux et plus éloignés les uns des autres. Il y a aussi une différence
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nettement marquée entre les premiers sièges institués dès le début dans les villes romaines et ceux plus récents qui étaient successivement fondés à mesure que de nouveaux pays étaient portés sous la domination de l'Empire et de l'Église. Cependant, même dans ce cas, l'ancienne tradition avait cours, en ce sens que chaque évêque avait son siège dans, une ville et empruntait son nom à cette ville. Bien que les diocèses germaniques fussent très étendus, aucun des évêchés germaniques ne fut strictement territorial. Changements de la carte ecclésiastique. Nouveaux sièges métropolitains. — Dans aucune partie de la chrétienté les divisions ecclésiastiques n'ont été, dans les temps modernes, plus bouleversées qu'en Allemagne. En France, le nombre des diocèses fut considérablement diminué par le Concordat de Bonaparte, premier consul. Cependant l'étendue du ressort des principaux sièges ecclésiastiques fut en grande partie respectée. En Allemagne, au contraire, il n'en reste aucune trace ; il y a eu un remaniement complet de la carte ecclésiastique, afin qu'elle pût concorder avec la carte politique refaite à nouveau. Mayence et Trêves ne sont plus des sièges métropolitains, et nous voyons, au contraire, un archevêque de Munich et un archevêque de Fribourg qui n'ont jamais existé dans l'histoire. Longtemps auparavant, sous Philippe II, un changement complet des divisions ecclésiastiques se produisit dans ces parties du royaume germanique qui s'en étaient pour ainsi dire détachées sous les ducs.de Bourgogne. Cambrai et Matines dans la province de Reims, et Utrecht dans la province de Cologne, devinrent des sièges métropolitains. Des changements politiques récents ont fait que ces trois villes appartiennent maintenant à trois états distincts.
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IV
DIVISIONS ECCLÉSIASTIQUES DE L'ESPAGNE
Avant et après l'occupation arabe. — L'histoire ecclésiastique de l'Espagne est bien différente de celle de l'Italie, de la Gaule et de l'Allemagne. En Italie et en Gaule, les divisions ecclésiastiques n'ont pas cessé d'exister depuis les premiers temps du christianisme. L'Allemagne occidentale, à ce point de vue, doit être regardée comme une partie de la Gaule. Dans l'Allemagne orientale, les divisions ecclésiastiques furent établies plus tard, suivant les . progrès qhi christianisme dans cette région. En Espagne, elles durent l'être à une époque au moins aussi reculée qu'en Gaule. Mais l'invasion des Arabes vint tout bouleverser, et lorsque le christianisme, de nouveau victorieux, s'étendit progressivement sur tout le pays, des ' divisions ecclésiastiques absolument nouvelles furent établies. C'est ainsi qu'à l'époque du royaume gothique, elles étaient la reproduction des divisions politiques de celte période, celles-ci d'ailleurs concordant à peu près avec les provinces romaines. La Lusitanie et la Bétique continuèrent, sauf de légers changements de frontière, à représenter des divisions politiques et ecclésiastiques. La Tarragonaise fut partagée en trois provinces, Tarragonaise, Carthaginoise et Galice. A mesure que le pays fut reconquis sur les infidèles, le nombre des provinces ecclésiastiques fut très augmenté, et quelques-unes des anciennes furent déplacées. C'est ainsi que la province tarragonaise fut partagée en trois, les provinces de Tarragone, Saragosse et Valence, qui répondaient à peu près au royaume d'Aragon. La Nouvelle-Carthage perdit son titre.de métropole, qui passa à Tolède
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avec les sièges de Cor doue et Valladolid comme suffragants. En laissant de côté quelques districts anormaux, le reste de la péninsule formait les provinces de Saint-Jacques de Composteîle, Burgos, Se'ville, Grenade, Braga, Evora, Lisbonne, ces trois dernières répondant au royaume de Portugal. En outre, il faut bien se souvenir que les Pyrénées n'ont jamais été une frontière vraiment constante, aussi bien dans la géographie ecclésiastique que dans la géographie politique. De même que le royaume de Navarre s'étendait de chaque côté de cette chaîne, de même le diocèse de Pampelune allait au delà et en deçà des Pyrénées. Le diocèse gaulois de Bayonne comprenait aussi des pays qui appartiennent maintenant à l'Espagne. ïoxis ces diocèses s'étaient formés dans un temps où, pour employer un mot prononcé bien plus tard, il n'y avait pas de Pyrénées; à une époque où les mêmes maîtres, les Goths d'abord, et les Sarrasins ensuite, régnaient au nord et au sud de la chaîne.
V
DIVISIONS ECCLÉSIASTIQUES DES ILES BRITANNIQUES
Lies Églises celtiques. — Li'épiscopat de tribus. — Les Iles Britanniques ont, au point de vue ecclésiastique, nombre de points communs avec plusieurs des pays du continent. En regardant les choses dans leur ensemble, la Grande-Bretagne a quelques analogies avec l'Espagne. Ce n'est pas tout à fait sans raison que, dans quelques récits légendaires, les noms des Sarrasins et des Saxons se trouvent confondus. D'un côté comme de l'autre, nous voyons un pays chrétien, subjugué par des conquérants appartenant à une autre religion, et rendu au christianisme par une partie de ses anciens habitants qui avaient réussi à maintenir
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leur indépendance. Mais, si le résultat fut le même, les moyens employés furent bien différents, et même opposés dans les deux cas. Il n'y a aucune raison de croire que les églises celtiques des Iles Britanniques eussent, en quoi que ce fût, la même organisation que les églises espagnoles sous les Gotlis. L'épiscopat celtique présentait de l'irrégularité et de l'anomalie, et, dans sa forme la plus tangible, il était, chose bien naturelle vu les circonstances, non un épiscopat de villes, ni même un épiscopat territorial, mais réellement un épiscopat de tribus. C'est à peu près le seul fait dans .l'histoire des premières églises celtiques qui ait quelque importance pour notre sujet. On s'avancerait trop en affirmant que l'église celtique a légué à l'église anglicane des traces de cette particularité. Ce qui est vrai, c'est que la légère ressemblance qui existe entre elles tient à ce .fait que, dans l'Europe septentrionale en général, celtique ou teutonique, un épiscopat de villes, tel que ceux d'Italie et de Gaule, était tout à fait contraire à la nature des choses. Plans de Grégoire le Grand pour les églises de la Grande-Bretagne. — À la vérité, tout ce qui concerne les premières églises celtiques peut parfaitement être laissé de côté comme se rapportant à un sujet tout à fait local et spécial. Elles ont eu peu d'influence sur l'histoire, et encore moins sur la géographie historique. Nous pouvons donc très bien prendre les choses à la mission d'Augustin (596-610). L'Église anglaise fut formée, et les églises galloise, écossaise et irlandaise furent reconstituées, en partie sous son autorité, complètement d'après ses indications. Dans le plan originaire de Grégoire le Grand, la Grande-Bretagne devait être partagée en deux provinces ecclésiastiques presque égales en étendue. Les églises celtiques devaient ainsi relever de la même autorité que les Anglo-Saxons idolâtres. De même que le pays de Galles devait obéir au métropolitain méridional, de même l'Ecosse devait obéir à celui du nord. Ce plan ne fut jamais com12
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plètement exécuté; le pays de Galles fut à la vérité placé sous l'autorité du siège de Cantorbéry, mais il n'en fut jamais de même de l'Ecosse vis-à-vis d'York. La fidélité des sièges écossais à leur métropole northumbrienne fut presque toujours précaire, et elle finit même par disparaître absolument. Il en est résulté une singulière disproportion dans l'étendue des deux provinces ecclésiastiques de l'Angleterre. Lorsque l'église anglaise fut tout à fait organisée, le siège de Cantorbéry eut une quantité de suffragants tout à fait inusitée sur le continent; York n'en eut comparativement qu'un très petit nombre, qui en réalité, pendant un temps considérable, se réduisit à un seul. Le plan de Grégoire le Grand ne fut donc jamais complètement exécuté, et les diverses provinces et diocèses se formèrent progressivement selon les progrès du christianisme dans les royaumes existants. 11 arriva presque régulièrement que chaque royaume ou principauté indépendante devint un diocèse. Et, si ce n'est dans quelques cas où des sièges furent établis dans les villes qui avaient gardé le souvenir de la domination romaine, les évêques étaient le plus généralement désignés d'après les peuples dont ils avaient la charge spirituelle. En effet, dans beaucoup de cas, la résidence de l'évêque, le bishop-settle, telle qu'elle s'appelait alors, était placée, non dans une ville, mais dans un village ou même dans quelque lieu solitaire. C'est seulement à l'époque de la conquête normande que les sièges ecclésiastiques commencèrent à être placés dans les villes principales; à partir de ce moment, le titre territorial disparaît tout à fait devant le titre civique. Province de Cantorbéry. Le royaume de Kent ayant été la première partie de la Bretagne teutonique devenue chrétienne, le siège métropolitain du sud fut placé à Cantorbéry, capitale de ce royaume. 11 fut ainsi fixé dans dans une ville qui n'eut jamais de suprématie temporelle, comme en eurent à différentes époques York, Winchester et Londres. Après Cantorbéry, les sièges les plus anciens
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furent Rochester pour le royaume de Kent occidental, et Londres pour Essex. La conversion des Saxons occidentaux amena la fondation du grand diocèse dont le siège fut placé d'abord à Dorchester sur la Tamise, puis à Winchester, et duquel on détacha successivement les sièges de Sherborne, Wells et Ramsbury. L'Est-Anglie forma un diocèse ayant son siège à Elmham; après de nombreuses vicissitudes, l'Anglie centrale forma un vaste diocèse qui s'étendit de la Tamise à l'Humber, et dont le siège, d'abord placé à Dorchester, fut ensuite transporté à Lincoln. Dans la Mercie occidentale, le diocèse des Hwiccas eut son siège à Worcester, et celui des Magesœtas à Hereford; enfin, le grand diocèse de Lichfield s'étendit vers le nord jusqu'à la Ribble. Le diocèse des Saxons occidentaux garda son nom de tribu jusqu'à la conquête normande; son siège, placé d'abord à Selsey, le fut ensuite à Chichester. Le Devonshire et la Cornouailles, après avoir formé deux diocèses, n'en formèrent plus qu'un très peu avant la conquête Normande, et le siège en fut placé à Exeter. La conquête rendit également plus complète la dépendance des quatre sièges gallois de Saint-David, Llandaff, Bangor et Saint-Asaph. Ce fut aussi dans les temps qui précédèrent et suivirent immédiatement la conquête, que les diocèses de Sherborne et Ramsbury furent réunis pour former le diocèse de Salisbury (1078), et que le grand diocèse de Lincoln fut démembré par la fondation du siège épiscopal d'Ely (1109). La province de Cantorbéry, avec ses sièges suffragants, reçut ainsi peu à peu l'organisation qu'elle devait avoir depuis le règne d'Henri Ier jusqu'à celui d'Henri VIII. Province d'York. — Lies quatre provinces de l'Irlande. — Dans la province du nord, les choses ne se passèrent pas avec- la même régularité. Après divers changements, York devint siège métropolitain, avec un seul suffragant, Lindisfarn d'abord, et ensuite Durham ; à partir de 1133 il en eut un autre à Carlisle. Lorsque les diocèses écossais se furent détachés d'York, ils reconnurent
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tout d'abord une sorte de préséance à l'évêque de SaintAndrews; mais ce ne fut que bien plus tard que l'Ecosse fut partagée d'une façon régulière en deux provinces ecclésiastiques, ayant leurs sièges à Saint-Andrews (1471) et à Glasgow (1492). Plusieurs des diocèses écossais gardèrent toujours leurs titres territoriaux, et leurs sièges étaient pour la plupart fixés dans des endroits peu importants. C'est ainsi que, parmi les principales résidences des rois d'Ecosse, Dunfermline et Stirling ne parvinrent jamais au rang épiscopal, et cela n'eut lieu pour Édimbourg qu'à une époque tout à fait postérieure (1634). Quant aux évêchés d'Irlande, leur nombre et leurs variations furent considérables; au douzième siècle, ils furent répartis entre les quatre provinces d'Armagh, Dublin, Cashel et Tuam, répondant aux divisions politiques d'Ulsler, Leinster, Munster et Connaught. Il est bon de remarquer que, contrairement à ce qui s'est pratiqué sur le continent, le principal siège pour chacun des trois royaumes britanniques a été placé dans une ville qui n'obtint jamais politiquement le premier rang. Cantorbéry, Saint-Andrews, Armagh ne furent jamais les capitales temporelles de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande. York, Dublin, Glasgow, quoique sièges métropolitains, n'occupaient que le second rang; Londres et Winchester étaient des évêchés ordinaires.
VI
DIVISIONS ET ECCLÉSIASTIQUES DANS LE NORD
DANS L'EST DE L'EUROPE
Lies sièges métropolitains des trois royaumes Scandinaves et leurs suffragants. — Dans les autres parties de l'Europe qui firent partie de l'Église
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latine, les divisions ecclésiastiques marquèrent les étapes que suivit le christianisme, par voie de conversion ou par voie de conquête. Elles furent la continuation de l'organisation ecclésiastique qui avait commencé dans l'Allemagne orientale. En règle générale, elles se rapportent aux divisions politiques de l'époque à laquelle elles furent établies. A mesure que l'Église s'affermit dans les royaumes Scandinaves, les évêchés de ces pays cessèrent de dépendre de Hambourg ou de Brème, et chacun des trois royaumes forma une province ecclésiastique, dont les limites répondirent exactement aux limites primitives de ces royaumes. Le Danemark eut son siège métropolitain à Lund (1151), dans cette partie du royaume danois qui fait géographiquement partie de la grande péninsule Scandinave, et qui est maintenant territoire suédois. Sa limite au sud était l'Eider, l'ancienne frontière du Danemark et de l'Empire. Les sièges suffragants de cette province, parmi lesquels le plus fameux était l'évêché royal de Roskild, se trouvaient naturellement plus rapprochés que dans les régions beaucoup plus désertes des deux royaumes septentrionaux. Les conquêtes du Danemark dans les pays de la Baltique firent également rentrer dans la province de Lund et le diocèse de Boskild une partie de l'île de Bùgen, et donnèrent au métropolitain danois un suffragant encore plus éloigné dans l'évêque de Revel, ville située sur le golfe de Finlande. La Suède eut sa métropole à Upscd. Les conquêtes suédoises portèrent les limites de cette province jusqu'à l'est du golfe de Bothnie ; toute la région qui devint ainsi suédoise fit partie de l'évêché à'Abo. De même, la province norvégienne de Nidaros ou Drontheim était loin de s'arrêter à l'Océan, et elle comprenait les colonies et dépendances éloignées de la Norvège en Islande, dans le Groenland et dans l'île de Man. Formation des provinces de Gnesen, L.eopol et Riga. — La conversion de la Pologne, ainsi que la conquête de la Prusse et de la Livonie firent entrer d'autres pays dans la communion de l'Église latine. Le royaume
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primitif de Pologne forma la province de Gnesen, dont l'étendue fut très variable pendant plusieurs siècles, selon que la Pologne ou l'Empire l'emportait dans les pays slaves de la Baltique. Chaque changement dans la domination temporelle faisait avancer ou reculer les frontières ecclésiastiques de Gnesen et de Magdebourg. L'évêché silésien de Breslau resta toujours dans sa situation première à l'égard de la métropole polonaise, jusqu'au jour où il fut placé sous la suzeraineté immédiate de Rome. Lorsque plus fard la Lithuanie fut ajoutée au royaume de Pologne, la province de Gnesen s'augmenta d'un évêché lithuanien et d'un évêché samogitien. Les premières conquêtes de la Pologne aux dépens de la Russie formèrent une nouvelle province, la province latine de Leopol ou Lemberg, province qui suivit au sud les mêmes fluctuations que le royaume dont elle faisait partie. Les conquêtes des chevaliers teutoniques en Prusse et en Livonie formèrent la province ecclésiastique de Riga, laquelle fut partagée en deux par la province de Gnesen, lorsque celle-ci atteignit sa plus grande étendue. Lies autres divisions ecclésiastiques de l'Église latine. — On voit que quelques-unes parmi ces dernières divisions ecclésiastiques appartiennent à une période de l'histoire européenne postérieure au point que nous avons atteint dans notre description générale. Mais il nous a semblé préférable d'embrasser la totalité de l'Église latine en Europe, étant donné que les dernières fondations sont de même nature que les premières. Les divisions ecclésiastiques, en effet, représentent toujours les divisions politiques de l'époque où elles furent fondées, que ces divisions politiques fussent des provinces romaines ou des royaumes indépendants, teutoniques ou slaves. Mais les divisions ecclésiastiques une fois fixées étaient plus durables que les divisions temporelles, et de nombreuses contestations se sont élevées à la suite de changements politiques, qui entraînaient pour certaines parties de pro-
�GÉOGRAPHIE ECCLESIASTIQUE DE L'EUROPE OCCIDENTALE. 185 vinces ou de diocèses des changements dans leur dépendance temporelle. Après le grand schisme d'Occident, l'ancienne organisation ecclésiastique disparut complètement de quelques pays, et fut grandement modifiée dans d'autres, en Allemagne principalement. Les deux provinces de Hongrie. — Les trois provinces de Dalmatie. — Il ne semble guère nécessaire pour l'intelligence de l'histoire européenne de porter cette description de la géographie ecclésiastique au delà des limites de l'Église latine. Une seule des provinces polonaises, celle de Leopol, nous a portés à la limite des églises d'Orient et d'Occident, et, si nous descendons au sud, dans les pays magyars et slaves, nous nous trouvons encore plus distinctement sur une frontière ecclésiastique. Le royaume de Hongrie formait deux provinces latines, celle de Strigonium ou Gran, et celle de Kolocza; cette dernière avait une étendue très variable dans la direction du sud. La côte dalmatienne, frontière politique et religieuse, forma trois provinces latines. Iadera ou Tara, située dans la péninsule de ce nom, était la capitale d'une petite province composée principalement d'îles. Un autre métropolitain avait son trône dans le mausolée de Dioclétien, et la province de Spalato s'étendait assez loin dans l'intérieur d'une région qui a si souvent changé de maîtres. Au sud, le siège de Raguse, le poste le plus éloigné de la chrétienté latine proprement dite, avait en plus de ses côtes et de ses îles une frontière intérieure indéterminée. Là peut s'arrêter notre description géographique de l'Église latine. En effet, les conquêtes faites par les Croisés et les Vénitiens plus au sud et à l'est, ont eu peu d'effet sur la géographie historique; au contraire, dans les limites de la chrétienté latine, ies divisions ecclésiastiques des provinces et diocèses ont une importance considérable ; elles servent à l'intelligence de la géographie politique, qu'elles soient comprises dans les limites de l'ancien Empire ou de ce que nous pouvons appeler les provinces missionnaires situées au delà.
��LIVRE II EUROPE CENTRALE
CHAPITRE PREMIER
LE ROYAUME DE GERMANIE (887-1806)1
I
LE ROYAUME DE GERMANIE ET L'EMPIRE D'OCCIDENT
Comparaison entre les trois royaumes impériaux. — Le partage de 887 détacha de la masse géné-
rale de la domination franque un royaume des Francs orientaux reconnu comme le premier des royaumes francs. Le nom de regnum teutonicum servit à le désigner, et nous pouvons alors très bien lui appliquer le nom de royaume de Germanie. Mais, lorsque les rois allemands eurent acquis d'une façon durable la couronne d'Italie et celle de l'Empire, lorsqu'ils eurent acquis plus tard le royaume de Bourgogne, la notion d'un royaume germanique distinct tendit de plus en plus à s'obscurcir, et l'idée du royaume finit par se confondre avec celle de l'Empire dont il faisait partie. Les événements qui eurent lieu dans la suite tendirent égale1. Voir pour ce chapitre les cartes 21 à 28 et la carte 34.
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LE ROYAUME DE GERMANIE.
jment au même résultat. Les empereurs finirent par n'avoir plus sur le royaume d'Italie qu'une autorité absolument nominale, et il en fut de même pour la plus grande partie du royaume de Bourgogne. D'un autre côté, leur puissance comme rois d'Allemagne alla constamment en diminuant ; là cependant elle ne cessa vraiment d'exister que de nos jours. Les empereurs, en un mot, perdirent leurs royaumes d'Italie et de Bourgogne, et conservèrent leur royaume de Germanie. Au quinzième siècle, le couronnement de l'empereur à Borne était devenu une pure cérémonie d'où ne découlait aucune autorité réelle en Italie, et cette cérémonie eut lieu pour la dernière fois au seizième siècle. Le couronnement qui avait lieu à Arles se faisait irrégulièrement presque dès le principe, et après le quatorzième siècle 1 il n'en est plus question. Mais l'élection des rois d'Allemagne à Francfort, leur couronnement qui avait lieu originairement à Aix-la-Chapelle et ensuite à Francfort, se continuèrent régulièrement jusque dans les dernières années du dix-huitième siècle. En outre, tandis que les assemblées nationales d'Italie et de Bourgogne se tenaient pour ainsi dire sans aucune régularité, et cessèrent même complètement à une époque très ancienne, l'assemblée nationale germanique persista sous une forme ou sous une autre, tant qu'il y eut-un empereur ou un roi de Germanie. Il y avait dans les trois royaumes une tendance manifeste à la formation de principautés et de républiques séparées. Mais, tandis qu'en Allemagne les principautés et républiques gardèrent toujours quelque apparence de connexion l'une avec l'autre et un reste de fidélité envers leur chef impérial, en Italie et en Bourgogne elles se séparèrent complètement. Quelques-unes devinrent absolument indépendantes; il en est qui furent incorporées à d'autres royaumes ou qui en devinrent des dépendances; il en est enfin qui furent possédées par les empereurs tout à fait en dehors de leur
1. Après le couronnement de Charles IV à Arles (1363). (Note du traducteur.)
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caractère d'empereur ou de roi. L'empire d'Occident et le royaume germanique tendant ainsi à se confondre, la distinction entre l'un et l'autre s'effaça progressivement, et le peu des autres royaumes qui resta fidèle à l'empire finit par être rattaché à l'Allemagne. I.e royaume de Germanie finit par s'identifier avec l'empire d'Occident. —En résumé, l'empire d'Occident devint un royaume germanique ou plutôt une confédération germanique ayant un chef royal à sa tète, confédération qui conservait toujours les formes et les titres de l'empire. Comme après Charles-Quint il n'y eut plus de toi germanique couronné empereur, on peut dire, en prenant les choses strictement, que l'empire se termine à son abdication (1556). Et de fait, à partir de cette époque, l'empire devint réellement un état purement germanique. Cependant, comme les formes et les titres de l'empire furent maintenus, on peut considérer l'empire d'Occident comme se continuant sous la forme d'un royaume ou d'une confédération germanique, jusqu'à son renversement final. Le royaume de Germanie peut donc être regardé comme représentant l'empire d'Occident; il était ce qui restait de cet empire après que les autres parties en eurent été détachées. Il eut d'ailleurs, dans son étendue propre, le même sort que les deux autres royaumes impériaux, mais à un degré moindre. Tandis que toute l'Italie et toute la Bourgogne, sauf quelques légères exceptions, se séparèrent de l'empire, la grande masse de l'Allemagne resta impériale. Cependant un territoire considérable situé sur les frontières ouest et sud-ouest de l'Allemagne s'en détacha peu à peu ; une partie vit se développer des états indépendants; une autre partie fut incorporée au royaume de France. La Confédération suisse s'est formée dans une région appartenant en partie à l'Allemagne, à la Bourgogne et à l'Italie, mais sa partie la plus ancienne appartenait au royaume germanique. Le territoire de la confédération des Provinces-Unies, .aquelle est représentée par le royaume moderne de Hol-
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LE ROYAUME DE GERMANIE.
lande, se trouvait compris entièrement1 dans l'ancien royaume germanique; de même celui de la plus grande partie du royaume moderne de Belgique. Pareille tendance s'est également manifestée de notre temps pour le sud-est de l'Allemagne, où certaines parties qui dépendaient de l'ancien royaume appartiennent maintenant à la monarchie austrohongroise. C'est le contraire qui s'est produit au nord et au nord-est, et de ce côté le royaume a toujours, à part quelques fluctuations, manifesté une grande tendance à l'extension. Cette double tendance a eu pour effet de rendre l'empire d'Occident, continué par le royaume germanique, tout à fait différent au point de vue géographique de l'empire romain d'Occident dont il était la continuation historique. Le Saint-Empire Romain, à l'époque de sa chute finale, ne contenait qu'une bien faible partie du territoire qui avait appartenu à l'empire de Trajan. Il n'en contenait aucune de l'empire de Justinien, sauf quelques parcelles situées tout à fait au nord-est de l'ancien royaume d'Italie. Particularités de la géographie politique de l'Allemagne. — Nous allons nous occuper maintenant des révolutions géographiques de l'Allemagne, en les prenant autant que possible dans leur aspect européen, car notre sujet ne comporte pas davantage. Aucun autre pays n'a eu autant à enregistrer de changements intérieurs, et cela parce que les divers membres de l'empire ont fini par devenir en réalité de véritables souverains, et que les principautés étaient divisées entre plusieurs membres de la même famille. Il y a peu de pays également où la nomenclature ait varié d'une façon aussi singulière. Pour prendre deux exemples qui se présentent immédiatement, le royaume moderne de Saxe n'a de commun que le nom avec la Saxe qui fut soumise par Charlemagne. Le royaume moderne de Bavière représente en grande partie l'ancienne Bavière, mais il s'est tellement agrandi d'un côté,
1. Sauf la petite partie de la Flandre qui faisait partie de cette confédération. (Note de l'auteur.)
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et son étendue est tellement diminuée de l'autre, qu'il est bien difficile d'y voir réellement le même pays. Le nom d'Austrie, qui servait à désigner la partie orientale de l'ancienne Francia, s'est appliqué à la marche germanique contre le Magyar [Autriche), et depuis 1866 il se trouve en dehors de la frontière de l'Allemagne moderne. Le nom de Bourgogne a reçu un nombre infini de significations, aussi bien au dedans qu'en dehors de l'empire. Enfin, l'état placé à la tête de l'Allemagne moderne, état qui s'étend de l'est à l'ouest sur la totalité de cette partie de l'Europe, porte le nom d'une race qui fut conquise par les Allemands, et qui est actuellement éteinte, les Prussiens. Beaucoup de ces changements se rapportent autant à l'histoire de l'Europe qu'à celle de l'Allemagne, mais il y en a un grand nombre concernant les membres inférieurs de l'Empire, qui n'offrent qu'un intérêt purement local, et ne peuvent prendre place dans la géographie historique de l'Europe. Nous allons donc maintenant tracer avec soin les fluctuations de la frontière germanique en regard des autres états, et faire ressortir ensuite ceux des changements intérieurs qui ont eu une influence sur l'histoire générale de l'Europe.
II
FRONTIÈRES DE L'OUEST ET DU SUD.
Frontière occidentale de l'Allemagne. — Lies annexions de la France (1552-1801). — Nous avons déjà décrit dans son ensemble l'étendue du royaume germanique telle qu'elle était après le partage de 887. Nous allons maintenant entrer dans plus de détails et marquer ses frontières à l'époque où l'empire se sépara définitive-
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LE ROYAUME DE GERMANIE.
ment du royaume des Francs occidentaux pour se confondre avec celui des Francs orientaux, c'est-à-dire pendant la grande période des Ottons de la dynastie saxonne (936-1002). La frontière du côté du royaume occidental était alors clairement établie, et elle n'était sujette à contestations que sur un petit nombre de points. Il est à peine besoin d'insister sur ce fait que la Lotharingie, qui à cette époque comprenait tous les Pays-Bas sauf la Flandre, appartenait tout entière à l'Empire. C'est dans cette région que la frontière germanique a dans la suite le plus grandement reculé. La Bourgogne a été bien plus atteinte que l'Allemagne par les progrès de la France; mais une portion considérable du royaume germanique n'en a pas moins tout d'abord été absorbée par la France, qui a dû la rendre ensuite en partie. Les Pays-Bas étaient en réalité tellement en dehors de l'Allemagne avant le commencement des annexions de la France de ce côté, qu'il sera préférable d'en parler dans un autre chapitre. Les autres points sur lesquels la frontière germanique a considérablement reculé au profit de la France, ont été la Haute-Loiharingie ou Lorraine, —la Basse-Lotharingie se trouvant plutôt reliée à l'histoire des Pays-Bas, — et Y Alsace qui dépendait de la Souabe. Le duché de Bar, placé entre la Lorraine et la France, subit de nombreuses fluctuations jusqu'à sa réunion (1475) au duché de Lorraine, dont il suivit à partir de ce moment la destinée. Au siècle suivant, l'annexion des trois évèchés lorrains de Mets, Toul et Verdun donna accès à la France dans l'intérieur même du duché (1552). A la paix de Westphalie, la France obtint la cession formelle de ces conquêtes, ainsi qu'un agrandissement considérable par suite du démembrement de l'Alsace (1648). Mais ce dernier pays n'était pas cédé en totalité à la France; celle-ci ne faisait que remplacer la maison d'Autriche dans les possessions et les droits qu'elle y avait. Strasbourg, en effet, restait toujours à l'Empire ainsi que différentes petites villes et districts de l'Alsace ; mais l'occasion devait naturelle-
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ment se présenter pour la France de faire de nouveaux progrès dans un pays où la frontière était si compliquée, et dans lequel les droits à exercer pouvaient faire surgir tant de difficultés. Une série d'annexions, de réunions comme on disait alors, rendirent graduellement française presque toute l'Alsace (1679-1689) ; Strasbourg fut saisie par Louis XIV en temps de paix (1681), et pendant les guerres de ce prince, le duché de Lorraine fut occupé par la France (1678-1697). Dans le siècle suivant, le même duché fut séparé de l'empire pour être donné au roi de Pologne Stanislas sa vie durant (1737-1766) ; après quoi il fut définitivement annexé à la France. Enfin les guerres de la Révolution française enlevèrent à l'Allemagne et à l'Empire toute la rive gauche du Rhin, et ce résultat fut confirmé par la paix de Lunéville (1801). En d'autres termes, la Francia occidentale, le duché des seigneurs de Paris, s'avança jusqu'à la limite la plus reculée de la Gaule de César. Ce fut la dernière annexion de la France aux dépens du royaume germanique et la cause principale de la dissolution de ce royaume, dissolution qui devait arriver quelques années plus tard (1806); il s'ensuivit d'ailleurs une transformation complète de l'Allemagne dont nous parlerons bientôt. Frontières du côté de la Bourgogne et de l'Italie. — Tant que l'Allemagne et la Bourgogne restèrent des royaumes distincts, la frontière qui les séparait varia beaucoup, particulièrement dans les pays qui forment maintenant la Suisse; mais, lorsque le royaume de Bourgogne fut réuni à l'Empire en 1055, cette frontière n'eut plus en réalité d'importance. Dans l'histoire postérieure de la Bourgogne, histoire qui trouvera sa place dans un autre chapitre, nous verrons que la plus grande partie de ce royaume a été incorporée à la France, et que le reste a contribué à former les cantons occidentaux de la confédération suisse. I Du côté de l'Italie, la frontière se trouvait parfois assez incertaine. Chiavenna par exemple apparaît quelquefois aux dixième et onzième siècles comme faisant partie de l'Aile-
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LE ROYAUME DE GERMANIE.
magne; de même les grands districts de Trente, d'Aquitée, d'Istrie, et même Vérone. Toute la région qu'ils embrassaient constituait un margraviat, dont une partie finit par être rattachée à l'Allemagne et l'autre à l'Italie. Mais là aussi, la frontière n'avait aucune importance pratique tant que les couronnes d'Italie et d'Allemagne furent réunies (961-1550), tant que le roi commun à l'un et à l'autre de ces pays conserva une autorité réelle dans tous deux (961-1250). Aussi voyons-nous que dans la suite, aussi bien avant qu'après la dissolution du royaume germanique, la question était bien plutôt entre l'Italie et la maison d'Autriche qu'entre l'Italie et l'Allemagne. Tous ces changements d'ailleurs seront rapportés dans un autre chapitre
III
FRONTIÈRES DU NORD ET DE L'EST. — LES MARCHES.
Les marches du sud-est et la marche danoise. — Les choses se présentent tout différemment pour les frontières de l'est et du nord. De ce côté eurent lieu des changements réellement importants, et l'Allemagne, en tant qu'Allemagne, y fit des progrès plus grands que partout ailleurs. Le long de cette frontière, l'empire romain et le royaume germanique signifiaient la même chose; la frontière avait à être tracée, autant qu'elle pouvait l'être, avec des nations qui n'avaient jamais eu affaire à l'ancien empire; et, pendant des siècles, le terminus romain avança ou recula, suivant les péripéties d'une lutte qui fut de longue durée. Une série de marches ou territoires de la frontière, avec des gouverneurs revêtus de pouvoirs spéciaux pour la défense et l'extension de cette frontière, étaient échelonnées sur toute sa longueur. Elles avaient à
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faire, face au Danois dans le nord, et au Slave tout le long de la frontière orientale, si ce n'est dans cette partie où les Magyars étaient venus, daus les dernières années du neuvième siècle, s'interposer entre les Slaves du nord et ceux du sud.. ; 01. '■ Vis-à-vis de la Hongrie et de la Croatie nous trouvons les marches de Krain ou Carniole, de Kârnlhen ou Carinthie, et la marche orientale ou autrichienne, au nord de ces deux dernières. C'est sur ce point'que la frontière impériale a subi le moins de changements. On peut dire, sans; crainte ; d'être inexact, ' qu'elle n'a pas sensiblement varié depu s l'époque des empereurs saxons jusqu'à maintenant,' principalement le long.de la marche autrichienne. Les empereurs prétendirent exercer une'. suprématie féodale sur les rois de Hongrie, et ils les forcèrent quelquefois à reconnaître celle suprématie. Mais c'était là une soumission bien précaire, qui n'affectait en rien la géographie. La Hongrie fut toujours un royaume séparé, la suprématie impériale restant quelque chose de purement extérieur, et qui disparaissait entièrement à la première occasion. On peut en dire autant du Danemark. Pendant quelque temps une marche germanique exista au nord de l'Eider (934-1027). Mais lorsque le royaume danois de Cnut devint un véritable empire septentrional, la frontière germanique dut reculer, et de ce côté, l'Eider resta la limite de l'Empire jusqu'à sa chute. De! même qu'en Hongrie, plusieurs rois danois rendirent hommage à l'empereur, mais ce n'était là qu'une soumission bien précaire, qui n'avait aucun effet sur la géographie.
Germanisation des pays slaves du nord-est.
— C'est dans les pays intermédiaires, le long de,cette vaste frontière où l'empire avait en face de lui les.pays slaves du nôrd, que la géographie historique de l'Allemagne a réellement de l'importance pendant des siècles. La frontière, de ce côté, était constamment changeante. A l'époque du partage de 887, les Slaves, complètement indépendants à l'est
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de l'Elbe, s'avançaient en outre à l'ouest de ce fleuve sur une certaine étendue. Nous n'avons point à rechercher jusqu'à quel point, dans la migration des peuples, ils avaient pris la place des anciens habitants teutoniques; le seul fait géographique qui constitue, notre point de départ, c'est qu'à l'époque où les États modernes de l'Europe commencent à se former, les Slaves se trouvent en possession de cette grande région qui forme le nord-est de l'Allemagne moderne. Nous aurons à nous occuper d'eux d'une façon spéciale; tout ce que nous avons à dire maintenant, c'est que l'Allemagne moderne s'est en grande partie formée par la conquête progressive et par la colonisation de pays qui étaient slaves à la fin du neuvième siècle. Le royaume germanique s'étendit très loin dans la direction du nord-est, et les établissements et l'influence germanique se répandirent eux-mêmes bien au delà des limites réelles de ce royaume. Cette œuvre fut accomplie de trois manières différentes : par les ducs de Saxe d'abord; plus tard par la grande ligue des cités allemandes, la fameuse Hanse qui, comme d'autres associations faites originairement en vue du commerce, devint ensuite une puissance politique, et répandit l'influence allemande sur tous les rivages de la Baltique. Enfin, au treizième siècle commencèrent les conquêtes des chevaliers Teutoniques, conquêtes qui donnèrent naissance à la Prusse et répandirent la langue allemande sur une région considérable; cette région, qui appartient maintenant à la Russie, reconnut alors l'autorité germanique. Dans une histoire de la nation allemande, toutes ces causes devraient être étudiées en raison de l'action qu'elles exercèrent en commun vers un même but. Dans un aperçu purement géographique, il en est tout autrement. Quelques-unes de ces influences se rapportent à la formation de l'Allemagne moderne ; d'autres ont géographiquement plus de rapports avec le groupe d'états situés plus au nord-est, la Pologne et la Russie, la Lithuanie et la Finlande. La grandeur et la décadence des ordres mili-
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taires trouveront donc mieux leur place dans un autre chapitre. Nous allons seulement passer en revue ceux de ces changements qui contribuèrent à donner au royaume germanique l'étendue géographique bien définie qu'il a possédée pendant les quelques siècles qui se sont écoulés avant sa chute. Les marches du nord-est. — En commençant par le nord, dans cette région où l'Allemand, le Slave et le Danois se trouvaient en contact, dans la Saxe au delà de l'Elbe (le Holstein moderne), les Slaves occupaient la côte occidentale, et la petite Marche saxonne formait la limite de l'Allemagne. Une autre marche germanique se trouva formée sous les ducs saxons de la maison de Billung (960), et cette marche s'étendait depuis l'Elbe jusqu'au détroit qui sépare l'île de Rùgen du continent. Mais cette possession fut toujours précaire, et elle redevint un royaume slave (1106); elle passa ensuite au Danemark, et on ne peut la considérer comme faisant définitivement partie du royaume germanique qu'au treizième siècle. Parmi les états qui se formèrent dans cette région il faut citer notamment le duché de Mecklenbourg, qui s'est maintenu jusqu'à nos jours; divisé dans les temps modernes en deux parties, ses princes sont actuellement les seuls représentants, en Europe, d'une ancienne maison royale slave. Pendant ce temps l'influence germanique trouvait une nouvelle voie pour se répandre dans le nord, et cela par suite de l'importance croissante de la ville de Lubeck. Fondée une seconde fois par le duc de Saxe Henri le Lion (1158), elle devint peu à peu la tète de la grande ligue marchande. Au sud de cette région se trouvaient les pays slaves qui sont devenus le royaume moderne de Saxe et la partie centrale du royaume actuel de Prusse; c'étaient alors principalement des marches, et quelques-unes d'entre elles ont gardé ce nom jusqu'à notre époque. La marche de Brande^ bourg, avec ses différentes divisions, la marche de Lausitz ou Lusace, où les Slaves n'ont pas totalement disparu) et la
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marche de Misnie ont conservé pendant longtemps des traces de l'époque où tous ces pays, qui devaient jouer un rôle si considérable dans l'histoire intérieure de l'Allemagne, étaient encore des possessions éloignées et précaires > du royaume germanique. La Bohême fief de l'empire (938). — La Moravie réunie à la Bohême (1029). — Au sud-est nous trouvons la Bohême, dont l'histoire a été quelque peu différente. Le duché de Bohême, transformé plus tard en royaume (1198), devint au commencement du dixième siècle un fief du royaume germanique. A partir de cette époque il resta toujours, sauf une réunion tout à fait passagère à la Pologne (1003), un des principaux états de l'Empire et qui fut gouverné, tant que l'empire subsista, par des princes ayant rang d'électeurs. Les frontières de ce royaume ont elles-mêmes très peu varié. La marche de Moravie, qui en dépendait à l'est, et qui était un débris du grand royaume morave dont l'histoire trouvera plus utilement sa place dans un autre chapitre, flotta pendant longtemps entre la suprématie de la Hongrie, de la Pologne et de la Bohême; enfin, au commencement du onzième siècle, elle passa définitivement sous l'autorité des rois de Bohême et par suite sous la dépendance de l'empire. La seconde zone de pays slaves. — A l'est de cette zone slave plus rapprochée, il y avait une autre série d'états slaves dont quelques-uns ont été graduellement incorporés au royaume germanique, tandis que d'autres ont eu une existence distincte jusqu'à nos jours. La Poméravie, située sur le littoral de la Baltique, a eu une étendue de territoire bien variable et une condition politique qui a subi bien des fluctuations. La partie orientale du pays naguère ainsi appelé se trouvait ouverte, comme nous le verrons dans la suite, aux Pôles, et sa partie occidentale aux Danois. Finalement cependant elle figura sur la carte sous la forme de deux duchés gouvernés, comme le Mecklen-
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bourg, par des princes indigènes reconnaissant la ï suprématie impériale. . Au sud de la Poméranie, la frontière germanique touchait à l'état grandissant de Pologne; entre la Pologne et la Hongrie se trouvait la. Croatie, ou Ghrobatie du nord. Il semble : que l'Allemagne ait étendu parfois sa suprématie en Pologne jusqu'à la Warta, et dans la région chrobatienne jusque par delà la Vistule. Mais ce n'étaient là que des possessions tout à fait temporaires; comme la Hongrie, la Pologne eut des ducs et des rois qui reconnurent la suprématie impériale, mais qui finirent peu à peu par devenir complètement indépendants. La province limitrophe de Sile'sie, après avoir flotté quelque temps entre la Bohême et la Pologne, finit par devenir polonaise à la fin du dixième siècle .(999)- Plus tard elle, fut. divisée en plusieurs principautés dont les ducs devinrent vassaux de la Bohême (12891527), et de la sorte membres de l'empire. La frontière qui se trouva ainsi établie au bout de quelques siècles, entre l'Allemagne et la Pologne, subsista jusqu'aux temps modernes.'! ■■■ ' -, ■ \ .'.■:',:]■■■■ <■ em i'vrr; C;J o ' ;<>': Importance des agrandissements . germaniques du côté de l'est. — Nous voyons ainsi quelle importance acquit peu à peu du côté de l'est la domination germanique: Un empire romain avec un littoral considérable surla Baltique était quelque chose de tout àiait insolite; de plus, si le nom germanique se trouvait de nouveau appliqué à des pays qui avaient appartenu pendant longtemps à la race teutonique, le nom d'empire, identiflé.maintenant. avec celui d'Allemagne, qui leur était également appliqué, était pour le moins une chose toute nouvelle. L'annexion de tous ces pays à l'Allemagne eut la valeur, sauf dans quelques districts exceptionnels, d'une colonisation germanique et d'une assimilation de leurs habitants à la langue et aux coutumes de l'Allemagne. Des colons s'y implantèrent, et il en vint particulièrement de la Frise, grâce auxquels le bas-allemand se répandit sur toute la côte méridionale de la Baltique. Des
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cités allemandes furent fondées. Les marches devinrent de puissants états germaniques. Finalement l'une de ces marches, celle de Brandebourg, réunie à une conquête germanique encore plus éloignée et tout à fait séparée du cœur de l'ancien royaume germanique, la Prusse, est devenue un État dont l'importance s'est accrue dans une proportion considérable, et qui a fini de nos jours par prendre la première place dans l'empire d'Allemagne restauré.
IV
GÉOGRAPHIE POLITIQUE INTÉRIEURE DE L'ALLEMAGNE
Caractères qu'elle présente. — La géographie intérieure de l'Allemagne est la plus grande difficulté qu'offre un travail comme celui-ci. Tracer les limites d'un royaume par rapport à d'autres royaumes est une chose comparativement aisée; mais retracer les changements innombrables, les unions et divisions des petites principautés et des républiques sans importance qui se formèrent dans le royaume est une tâche bien difficile. Cependant l'élévation des ducs, comtes et autres princes allemands au rang de souverains indépendants est la grande particularité de l'histoire germanique, de même que la disparition des anciennes divisions et les changements incessants des anciens noms sont ce qui distingue spécialement la géographie historique de l'Allemagne. La disparition des anciens noms a un intérêt historique, et le développement des nouveaux états qui les ont remplacés présente un intérêt à la fois politique et historique. Il est notamment important de remarquer que les deux états qui ont été à la tête de l'Allemasne dans les temps modernes
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ne représentent en rien aucune des anciennes divisions du nom germanique. A l'origine, ce n'étaient que de simples marches éloignées du centre, et destinées à défendre la frontière contre le Slave et le Magyar. La marche de Brandebourg, qui faisait face au Slave, est devenue le royaume de Prusse, l'état placé à la tête de l'empire d'Allemagne dans sa dernière forme. La Marche orientale, celle qui faisait face au Magyar, se changea en un archiduché qui donna à l'Allemagne un grand nombre de souverains, puis en empire d'Autriche, et enfin, de nos jours, en monarchie austro-hongroise. L'extension qu'a prise en Allemagne le Brandebourg ou Prusse offre une analogie instructive avec l'extension de Wessex en Angleterre, de la France en Gaule, et de la Castille en Espagne. Dans chacun de ces cas nous nous trouvons en face d'une simple division placée à la frontière, et elle grandit peu à peu jusqu'à devenir la tête de la nation réunie. Les différentes périodes de la géographie politique de l'Allemagne. — En prenant pour point de départ le partage de 887, nous trouverons dans l'histoire du royaume germanique plusieurs dates importantes qui nous aideront dans cette partie difficile de notre tâche. Sous les rois saxons et franconiens (919-1125), les grands duchés forment toujours les principales divisions, tandis que le royaume se trouve agrandi du côté de l'est aux dépens des Slaves, et du côté de l'ouest par l'adjonction bien nette de la Lotharingie. Sous les princes de la maison de Souabe (1137-1254), les grands duchés se désagrègent en général d'une façon silencieuse et progressive ; mais, pour la Saxe, le fait eut lieu directement par la volonté de l'empereur et de la nation. Le Gauverfassung, le système qui régissait de temps immémorial les communautés teutoniques, se change maintenant en un système de principautés territoriales, entremêlées seulement de quelques villes èt districts libres ne reconnaissant d'autre maître que le roi. Pendant cette période également,
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nous ..voyons les commencements des états qui devaient devenir dans la suite des États principaux, et qui étaient placés alors le long de la frontière orientale; le Brandebourg, l'Autriche et la Saxe, celle-ci entendue dans son sens moderne. Pendant la période qui s'étend de ce qu'on a appelé l'interrègne jusqu'aux réformes de Maximilien (1254-1512), nous voyons grandir ces états frontières dont nous venons de parler. Nous voyons commencer aussi cette connexion du duché d'Autriche et de la couronne impériale avec des pays situés en dehors des limites du royaume et de l'empire, connexion qui devait aboutir fînalemènt à la position particulière et anormale de la maison d'Autriche comme puissance européenne. Pendant cette même période, nous' voyons se produire la séparation pratique d'avec le royaume germanique, de la Suisse (1495) et des 'Pays-Bas (1430). En résumé, ce fut pendant cette période que l'Allemagne moderne se forma. Les lois de Maximilien-(1500-1512), les efforts qui furent faits pour donner au royaume une plus grande unité, ont laissé leur empreinte sur :la géographie, dans la division de l'Allemagne en cercles. Cette division, tout en n'étant pas parfaite, et bien qu'elle ne s'étendît pas à toutes les parties du royaume, était strictement une division administrative du royaume, en tant que royaume; mais le tracé des cercles, dont l'importance territoriale varia beaucoup, fut lui-même influencé par l'étendue géographique des possessions appartenant ; aux princes qui en faisaient partie. Parmi les changements du dix-septième siècle, les plus importants résultèrent de la guerre de Trente ans (16.181648) et de la formation d'États qui, ! comme la maison d'Autriche, possédaient, des territoires à la fois en dedans et en dehors de l'empire. Ainsi, outre la réunion du royaume de Hongrie avec l'archiduché d'Autriche, nous voyons lé roi de Suède possesseur de fiefs qui font de lui un prince de l'Empire, et la même chose se produisit, sous une autre forme, après l'union de l'électorat de Brandebourg avec le duché
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de Prusse. Cette augmentation de territoire, jointe à d'autres, rendit le Brandebourg aussi manifestement le premier État du'nord de l'Allemagne que l'Autriche l'était au sud,', et au dix-huitième siècle la rivalité de ces deux États devint le centre principal de la politique européenne comme de la politique allemande. L'union sous un même prince (1715) de l'électorat de Hanovre et du royaume de la Grande-Bretagne, augmenta encore le nombre des princes régnant à la fois en dedans et en dehors de l'Allemagne. Enfin, les guerres des dernières années du dix-huitième siècle et du commencement du dix-neuvième ont entraîné la dissolution du royaume germanique et du saint-empire romain. Alors, après un temps de confusion et d'occupation étrangère, nous voyons se former une confédération ayant des frontières presque semblables à celles qu'avait le royaume dans les dernières années de son existence. Cette confédération cependant apparaît comme quelque chose de tout à fait subordonné à ses deux membres principaux. L'Allemagne, en tant qu'Allemagne, ne compte plus en Europe comme une grande puissance ; par contre, la Prusse et l'Autriche, les deux principaux États de cette confédération, s'étendent sur des pays à la fois allemands et non-allemands, et occupent chacun un rang élevé en Europe. Plus récemment encore, nous venons d'assister à la restauration d'un Empire d'Allemagne avec des frontières géographiques complètement nouvelles, et ne comprenant plus tous les pays germaniques situés au sud-est tandis qu'il renferme au nord-est toutes les provinces polonaises et autres non-allemandes qui appartenaient à la Prusse. La tâche du géographe se trouve par suite considérablement simplifiée. Jusqu'alors il avait, entre autres difficultés, à montrer sur la carte quelle était l'étendue du royaume ou de la confédération germanique, quels étaient les pays que les princes qui régnaient en- dehors de l'Allemagne occupaient à la fois au dedans et au dehors de celle-ci. Par suite
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de l'organisation qui a été donnée récemment à l'Allemagne cette difficulté a complètement disparu. Les quatre anciens duchés. — La division en cercles. — Si nous prenons la carte de l'Allemagne sous les rois saxons et franconiens (919-1125), nous voyons que les anciens noms marquant les grandes divisions du peuple allemand conservent toujours leur prédominance. Le royaume reste composé des quatre grands duchés, — la Francia orientale, la Saxe, VAlemannie et la Bavière, — et il comprend en outre le grand territoire frontière de Lotharingie. Ce sont là toujours les grands duchés, auxquels sont subordonnées les autres divisions de moindre importance. Parmi eux, la Francia orientale, berceau du royaume, était le seul dont les limites n'avaient guère de chances d'être étendues ou diminuées aux dépens de pays étrangers, car sa frontière du côté des Slaves était aussi petite que possible. La Saxe au contraire avait une frontière constamment changeante du côté des Slaves et du Danemark ; la Bavière touchait au Slave, au Magyar et au royaume d'Italie, tandis que YAlemannie avait une frontière variable du côté de la Bourgogne et de l'Italie. La Lotharingie, et la Bourgogne après son annexion, étaient lés pays qui se trouvaient exposés aux attaques venant de l'ouest. C'est peut-être pour toutes ces raisons que, des quatre grands duchés qui conservaient les noms des quatre grandes divisions de la nation germanique, la Francia orientale est celui dont il reste le moins de traces sur la carte moderne et dans la mémoire des hommes. Cette tendance à disparaître peut encore avoir été favorisée par une autre cause. En effet, les rois de Germanie avaient pour principe d'empêcher que le duché franc ne tombât dans l'héritage de quelque famille princière. Nous voyons à deux périodes différentes le titre ducal de la Francia orientale porté par des princes ecclésiastiques dans, la personne des évêques de Wurtzhourg; mais jamais, comme la Saxe et la Bavière, il ne donna son
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nom à une maison souveraine. Il y a là quelque analogie avec ce qui s'est passé en Angleterre, où detous les royaumes anglo-saxons, celui de Wessex, le berceau de la monarchie anglaise, est le seul dont le nom se trouve actuellement le plus effacé. La seule manière de retracer les changements et divisions innombrables des principautés germaniques, de manière à en donner une vue d'ensemble présentant quelque clarté, est de prendre les grands duchés et de montrer d'une façon générale comment ils arrivèrent à se désagréger ; puis d'indiquer les principaux états ayant quelque importance historique, qui sortirent de leurs divisions. La plupart de ces nouveaux états commencèrent à être importants au douzième siècle, époque qui est particulièrement celle où les deux états qui ont joué un rôle considérable dans l'organisation de l'Allemagne moderne commencent à figurer dans l'histoire. C'est alors, en effet, que les deux grandes marches de Brandebourg et d'Autriche commencent à prendre place parmi les états prépondérants du royaume germanique. Et, en faisant cette description, il sera bon d'avoir présente à l'esprit la division en cercles, division bien postérieure à notre point de départ. Établis à titre de divisions administratives du royaume, ces cercles étaient dans une faible mesure un retour aux anciens duchés, dont ils conservèrent relativement les noms. C'est ainsi que nous avons les deux cercles de Haute et Basse-Saxe, et les trois cercles de Franconie, Souabe et Bavière. Ce sont là les noms des anciens duchés, et tous ces cercles ont une connexion géographique plus ou moins grande avec les anciens pays dont ils portent le nom. Les autres cercles, ceux du Haut-Bhin et du BasRhin, et ceux de Westphalie, d'Autriche et de Bourgogne, — ce dernier nom employé dans un sens entièrement nouveau, '— furent la conséquence des changements qui se produisirent entre le douzième et le quinzième siècle, changements dont nous aurons à rapporter quelques-uns.
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V '
LE DUCHÉ DE SAXE ET LES PRINCIPAUTÉS SAXONNES. FORMATION DU ROYAUME DE PRUSSE
Lies divisions du duché de Saxe. — Son démembrement (1183-1191). — Nouvelle acception du mot Saxe. — Le grand duché de Saxe comprenait trois divisions principales : la Westphalie, YEngern ou Angrie et VOstphalie. La Thuringe au sud-est et la Frise au nord-ouest peuvent être considérées comme attenant en quelque sorte au duché de Saxe. Le duché était également en situation de s'agrandir du côté de l'est, et les pays conquis progressivement sur les Wendes, dans cette direction, furent regardés comme autant d'additions faites au territoire saxon. Le grand duché de Saxe fut démembré après la chute d'Henri le Lion (1182-1191), et les électeurs archiépiscopaux de Cologne reçurent le titre de ducs de Westphalie et d'Angrie. Mais dans la plus grande partie de ces districts les électeurs de Cologne ne furent ducs que de nom, bien que le titre ducal ainsi qu'un duché comprenant une petite partie de la Westphalie aient toujours continué à être la propriété de l'électorat. A partir de ce moment, les deux premières divisions du duché de Saxe perdent complètement ce nom de Saxe, et celui-ci s'appliquera, en tant qu'expression géographique, au reste de la partie ostphalienne de l'ancien duché, ainsi qu'à la Thuringe et aux pays conquis à l'est sur les Slaves, lors de la division de l'Allemagne en cercles, ces derniers pays formèrent les deux cercles de Haute et Basse-Saxe, et
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ce fut dans leurs limites que s'élevèrent les différents états qui ont conservé jusqu'à nos jours le nom saxon. , Duchés de Brunswick. — Électoral de Hanovre (1693).— Les terres allodiales que conservèrent les descendants d'Henri le Lion finirent même par perdre le mot saxon, sauf une partie qui fut comprise dans. le cercle de Basse-Saxe. Les descendants d'Henri le Lion perdirent euxmêmes le nom saxon, car s'ils restèrent princes de l'empire, ce ne fut plus comme ducs de Saxe, mais comme ducs de Brunswick, maison qui donna à Rome un empereur1 et à l'Angleterre une dynastie-royale. Ce dernier duché se divisa à son tour (1203), et après un certain nombre de partages, deux principautés de Brunswick finirent par prendre place sur la carte : les principautés de Lùnebourg et de Wolfenbùttel, cette dernière ayant la ville de Brunswick pour capitale. Le duché de Lùnebourg vit son importance s'accroître. A la fin du dix-septième siècle, il fut élevé au rang électoral (1692), et, au commencement du siècle suivant, il finit par acquérir les évêchés de Brème et de Verden (1715-1719). C'est ainsi que se trouva formé Yélectorat de Hanovre, qui devint un royaume en 1715, tandis que l'autre ligne des princes de Brunswick conserva simplement le titre ducal. Lia dynastie aseanienne. — Saxe-Lauenbourg. — Saxe-Wittenberg et Électoral de Saxe. — Le nom saxon finit même par disparaître des pays qui avaient formé l'ancienne Saxe, pour s'appliquer à d'autres qui furent conquis sur les Slaves. Après la mise d'Henri le Lion au ban de l'empire, le duché de Saxe fut démembré, comme nous l'avons vu, en faveur des archevêques de Cologne. Il fut alors donné à Bernard de Ballensted, le fondateur de la dynastie aseanienne (1180); une petite partie de l'ancienne Saxe, celle qui est située au nord de l'Elbe, et qui conserva le nom de Saxe-Lauenbourg, resta seule pendant
1. Otton de Brunswick, fils d'Henri le'Lion, couronné empereur en 1209 après la mort de Philippe de Souabe son compétiteur (Note du traducteur).
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un certain temps à ses descendants, après quoi elle passa au Hanovre (1689). Mais ce fut en Thuringe, et dans les pays conquis sur les Slaves à l'est de la Thuringe, que se forma une nouvelle Saxe, laquelle conserva jusque dans les temps modernes quelque chose de l'importance européenne du nom saxon (1260). Cette nouvelle Saxe, avec Wittenberg pour capitale, fut élevée en 1355 au rang d'électorat, et après s'être agrandie (1422) de la Thuringe et de la Misnie, elle joua un rôle considérable pendant les trois derniers siècles du royaume germanique. Mais là aussi se produisirent les divisions habituelles ; les dignités ducale et électorale furent partagées (1464), jusqu'à ce que par leur réunion sous le fameux Maurice (1547), Yélectorat de Saxe se trouvât formé tel qu'il était à la dissolution du royaume. C'était en somme un nouvel état, qui avait bien hérité du nom, mais qui ne pouvait être considéré en aucune façon comme représentant la Saxe dont la conquête avait coûté tant d'expéditions à Cliarlemagne. Marche et électoral de Brandebourg. — Duché et royaume de Prusse. — A la limite qui séparait le Saxon du Slave, au nord de la Saxe dans le sens moderne de ce nom, se forma un autre état qui, dans le principe, n'était qu'une simple marche, et qui devait devenir dans la suite le premier état de l'Allemagne. La Marche septentrionale de la Saxe devint la Marche de Brandebourg. Au douzième et" au treizième siècle, sous Albert l'Ours (11341170) et sous ses descendants, la marche s'étendit considérablement aux dépens des Slaves. Réunie pendant quelque temps au royaume de Bohème (1573-1415), elle passa ensuite à la maison des burgraves de Nuremberg, à cette maison de Hohenzollern qui s'est élevée progressivement jusqu'à la dignité impériale. L'état ainsi formé prit un caractère tout spécial lorsqu'il eut acquis ce que nous pouvons appeler un pays allemand en dehors de l'Allemagne, un pays qui devait dans la suite lui
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donner un titre plus élevé, et qui, à cause de sa position géographique, devait l'amener immanquablement à s'agrandir encore davantage. Au commencement du dix-septième siècle, les électeurs de Brandebourg acquirent par héritage le duché de Prusse (1611-1618), c'est-à-dire simplement la Prusse orientale, et ce duché, fief, non de l'Empire, mais de la couronne de Pologne, se trouvait géographiquement tout à fait séparé de leurs possessions strictement germaniques. Le souverain commun au Brandebourg et à la Prusse était ainsi le vassal de deux seigneurs; mais le grand électeur Frédéric-Guillaume rendit son duché réellement indépendant de la Pologne à partir de 1656, et son fils Frédéric, en prenant le titre de roi (1701), l'affranchit même de tout hommage. Agrandissements du Brandebourg et de la Prusse. — Formation de la monarchie prussienne. — Mais avant comme après leur union avec la Prusse, les électeurs de Brandebourg ne cessèrent d'augmenter l'étendue de leurs possessions en Allemagne. La principauté silésienne de Jâgerndorf, qu'ils possédèrent quelque temps (1523-1625), était peu de chose par elle-même, mais elle fut dans la suite l'occasion d'événements d'une grande importance. Clèves et d'autres pays situés en Westphalie furent acquis au dix-septième siècle (1614-1666); des acquisitions plus importantes furent faites au siècle suivant (1702-1744), et elles contribuèrent encore à étendre la domination de la Prusse dans l'Allemagne occidentale. Cependant l'acquisition la plus solide que fit le Brandebourg à cette époque fut celle de la Poméranie orientale (1658-1648), à laquelle fut ajoutée, après les guerres de Charles XII, roi de Suède, une certaine étendue de territoire comprenant la ville de Stetlin (1715-1719). La guerre de Trente ans eut aussi pour résultat d'agrandir le Brandebourg aux dépens des princes ecclésiastiques voisins. Les dernières acquisitions de la maison de Hohenzollern,
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une fois ,que les électeurs de Brandebourg eurent pris le titre ■ de: rois de Prusse, regardent la Prusse comme puissance européenne au moins autant que le Brandebourg comme état germanique. Elles sont cependant à leur place dans l'histoire de l'Allemagne. En effet, contrairement aux autres princes qui avaient des possessions à la fois en dedans et en dehors du royaume germanique, les rois de Prusse et électeurs de Brandebourg sont restés essentiellement des princes allemands. Les territoires qu'ils ont acquis en dehors de l'Allemagne ont tous été en réalité des agrandissements, sinon du sol germanique, tout au moins de la sphère de l'influence germanique.' Enfin ce qui offre un contraste remarquable avec les destinées de la maison rivale d'Autriche, toutes les possessions prussiennes font partie du nouvel empire allemand, et forment la domination immédiate de leur souverain devenu chef de cet "empire. Le signe extérieur de ce changeriient, celui ; qui distingue le Brandebourg , du Holstein et de l'Autriche, c'est l'extension étrange du nom de Prusse à toutes les possessions germaniques des rois de Prusse, ce qui n'eut aucunement lieu pour les noms de Danemark et de Hongrie. . ; , Le plus grand accroissement en Allemagne de la domination prussienne, — car nous pouvons maintenant donner ce nom à l'état qui prit naissance dans la marche de Brandebourg, — fut l'acquisition au dix-huitième siècle (1741) de la Silésie; ce pays avait été auparavant vassal de la Bohème, puis il avait passé avec ce royaume à la maison d'Autriche. Il faut bien remarquer que c'était là une acquisition qui devait presque infailliblement en amener d'autres. Ce qui caractérise en effet tout spécialement la monarchie prussienne, c'est le morcellement de toutes ses parties et l'énorme développement de sa frontière en comparaison de son étendue territoriale. Le royaume proprement dit se trouvait comme enfermé et découpé par les possessions de la couronne de Pologne. Seul' Yélectorat, avec la Poméranie, formait une masse un peu plus compacte, mais là encore le
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développement de la frontière était considérable en comparaison de l'étendue du territoire. Les possessions westphaliennes, le district de Cottbus, et les autres possessions éloignées, s'en trouvaient entièrement séparées. L'annexion de la Silésie ne fit qu'augmenter encore cette disposition, et le nouveau duché, relié par une simple langue de terre à l'électorat, s'avançait comme une sorte de péninsule entre la Saxe, la Bohême et la Pologne. Avec la Pologne, puis avec la Bohême, la Silésie faisait partie d'un ensemble géographique assez compact ; quand elle fut placée sous la même domination que la Prusse et le Brandebourg, elle devint un pays presque isolé, avec un développement de frontières considérable. Les acquisitions de la Prusse aux dépens de la Pologne seront mieux à leur place quand nous parlerons du démembrement de la Pologne; tout ce que nous avons à dire maintenant, c'est que chacune des acquisitions faites par la Prusse dans les différents partages avait au point de vue géographique un caractère propre. En 1772, l'annexion de la Prusse occidentale réunit le royaume à l'électorat, chose qui devait arriver Jôt ou tard. En 1795, l'annexion de la Prusse méridionale enlève à la Silésie ce caractère péninsulaire que nous avons signalé. Enfin au dernier partage, en 1795, eut lieu l'annexion de la nouvelle Prusse orientale, qui ne se présentait pas avec la même nécessité géographique que les deux autres, et qui eut d'ailleurs moins de durée. Elle eut cependant pour effet de rendre le royaume plus compact, et de diminuer sa frontière relativement à son étendue territoriale. Une autre acquisition de la maison de Hohenzoliern pendant le dix-huitième siècle mérite également d'être remarquée, malgré sa durée tout à fait temporaire. Nous voulons parler de la Frise orientale annexée à la Prusse en 1744. Le roi de Prusse se trouva ainsi pendant la seconde moitié du dix-huitième siècle avoir accès sur l'Océan. Il perdit •14
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ensuite cet avantage qu'il a retrouvé seulement de nos jours après l'annexion du Sleswig-Holstein (1866). La Saxe dans sa plus large acception. — Parties occupées par des souverains étrangers. — Une grande partie de l'ancienne Saxe, dans le sens le plus large de ce mot, arriva donc ainsi à faire partie d'une domination s'étendant sur des pays allemands et non-allemands, mais dans lesquels le caractère germanique était de toutes façons prédominant. D'autres parties dé la Saxe, ainsi entendue, arrivèrent également à faire partie des possessions de princes régnant à la fois en Allemagne et hors de ce pays, mais dont la domination, prise dans son ensemble, avait surtout un caractère non-allemand, L'ancienne Saxe au delà de l'Elbe, le Holstein moderne, passa au pouvoir des rois de Danemark. Ses rapports avec le Danemark, l'Allemagne et le pays voisin de Sleswig varièrent à l'infini, et devinrent l'origine de contestations nombreuses entre les deux nations danoise et allemande; mais à cet égard il sera préférable d'en parler lorsque nous nous occuperons du Danemark. Les événements de la guerre de Trente ans eurent également pour résultat de rendre les rois de Suède, momentanément, des potentats puissants dans le nord de l'Allemagne. La Paix de Westphalie leur confirma la possession de la Poméranie occidentale et de la ville de Wismar sur la Baltique, ainsi que les évêchés de Brème et de Verden qui leur donnaient une certaine étendue de côtes sur l'Océan. Ces derniers pays furent ensuite, comme nous l'avons vu, cédés au Hanovre (1720), et les possessions suédoises en Poméranie furent également diminuées par la cession faite au Brandebourg. Mais avec Wismar et une partie de la Poméranie, qu'ils gardèrent jusqu'en 1815, les rois de Suède conservèrent leur position de princes germaniques jusqu'à la dissolution de l'Empire.
1. La Frise orientale fut enlevée a la Prusse en 1807. Recouvrée en 1811, elle passa ensuite au Hanovre en 1815. (Note du traducteur.)
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Lies villes libres de la Saxe. La Hanse. — Tels sont les principaux états qui ont pris naissance dans les limites de la Saxe, en entendant ce mot dans sa plus large acception, ceux du moins qui ont quelque importance historique. Parler des autres petites principautés, retracer les partages et les réunions qui les engendrèrent ou les firent disparaître, serait chose impossible, et il en est de même pour les changements de frontières entre les états d'une plus grande importance. Cependant il est encore bon de remarquer que les cercles saxons contenaient quelques-unes des villes libres les plus considérables de l'Allemagne, celles qui étaient à la tête de la Ligue Ilanséatique. Lorsque le commerce de l'Allemagne commença à se développer, les pays rhénans prirent la tête du mouvement, et, dans les premiers temps de la Hanse, Cologne occupait la première place parmi les villes qui en faisaient partie. La prééminence passa ensuite aux villes situées sur l'Océan et sur la Baltique ; à la tête de celles-ci étaient les villes impériales de Brème et Lubeck, puis Hambourg, rivale qui finit dans la suite par les dépasser. Remarquons en outre que Brème et Lubeck inaugurèrent un régime qui s'étendit à la plupart des autres villes épiscopales de l'Allemagne. L'évêque devint un prince temporel, et à ce titre il posséda une étendue plus ou moins grande de territoire. Mais la ville qui renfermait son siège, restait indépendante de lui dans les choses temporelles, tout en reconnaissant son autorité spirituelle. L'archevêché de Brème et l'évêché de Lubeck étaient des principautés qui, après la Réforme, passèrent en des mains séculières. L'archevêché de Brème passa d'abord à la Suède et ensuite au Hanovre, mais les deux villes de Brème et de Lubeck continuèrent à rester des républiques indépendantes ne reconnaissant d'autre souverain que l'empereur.
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Principautés
germaniques des cercles
de
Franconie, du Haut et Bas-Rhin et de Bavière.
— Celui, des grands duchés qui vient après la Saxe, la Francia orientale, Franken ou Franconie, a beaucoup moins d'importance dans l'histoire européenne. Le titre ducal fut donné aux évêques de Wurtzbourg, mais à quelque point de vue qu'on se place, on ne peut dire qu'un état moderne représente le duché. Son nom perdit progressivement du terrain, et le cercle de Franken ou Franconie embrassa seulement la partie la plus orientale de i'ancien duché. Les parties occidentale et septentrionale entrèrent dans la composition des deux cercles rhénans, ainsi qu'une grande étendue de territoire qui était strictement lotharingienne. ; Le cercle de Franconie comprenait Wurtzbourg, la ville des évèques-ducs, Bamberg, siège d'un autre grand évêché, la ville libre de Nuremberg et différentes petites principautés. Dans les pays rhénans, à la fois en dedans et en dehors de l'ancienne Francia, la prédominance dès principautés ecclésiastiques forme le caractère principal, et nous y trouvons celles de Mayence, Cologne, Worms, Spire et Strasbourg. Le principal état laïque qui se forma dans cette région fut le Palatinat du Rhin, état qui passa comme bien d'autres par une multitude d'unions et de divisions, et qui s'étendit dans quatre cercles différents, ceux du Haut et Bas-Rhin, de Westphalie et de Bavière. Ce district bavarois de l'élëetorât' palatin fut dès la première partie du quatorzième siècle distingué du Palatinat du Rhin, sous le nom de Oberpfalz ou Haiil-Palatinat.
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Au sud du Haut-Palatinat se trouvaient les principautés bavaroises. Celles-ci, réunies en un seul duché, formèrent l'état qui devint le royaume moderne de Bavière. Mais ni ce duché de Bavière, ni la totalité du cercle bavarois, n'eurent jamais l'étendue de l'ancienne Bavière qui longeait l'Italie. La première période de la guerre de Trente ans donna le Palatinat du Rhin, avec ses droits électoraux, à la Bavière (1625). La Paix de Westphalie rétablit le Palatinat, mais sans toucher hY électoral de Bavière, qui fut ainsi créé (1648). Vers la fin du dix-huitième siècle, la Bavière ellemême passa à l'électeur palatin (1777), formant ainsi ce qu'on peut appeler la Bavière moderne avec ses possessions rhénanes éloignées. Cette acquisition fut balancée en partie, à la même époque, par la cession faite à l'Autriche des pays situés à l'est de l'Inn, et désignés sous le nom d'Innvierlel (1778). L'autre état important du cercle bavarois était la grande principauté ecclésiastique des archevêques de Salzbourg, située tout à fait au sud-est. Les anciennes divisions lotharingiennes, telles que nous les voyons figurer à l'époque des grands duchés, ont complètement disparu. Les états qui se formèrent dans la Basse-Lotharingie sont de ceux qui se détachèrent silencieusement du royaume germanique pour prendre une position spéciale sous le nom de Pays-Bas. Le duché particulier de Lothringen ou Lorraine fut rattaché au cercle du Haut-Rhin. L'Alsace ût également partie de ce cercle, qui eut à subir tout particulièrement les empiétements de la France. > Principautés du cercle de Souabe. — Le cercle de Souabe répondait bien mieux que la plupart des nouvelles divisions à l'ancien duché dont il portait le nom, ce duché moins l'Alsace. Aucune partie de l'Allemagne ne fut découpée en autant de petits états que l'ancien pays des Hohenstaufen. Une multitude de principautés séculières et ecclésiastiques (entre autres les principautés de. la maison de Hohenzollern), de villes libres et de possessions éloignées
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de la maison d'Autriche, composaient la plus grande partie de ce cercle. Strasbourg, Augsbourg, Constance, Saint-Gall, Coire, Zurich, figuraient au nombre des évêchés et autres fondations ecclésiastiques de l'ancienne Souabe. Mais, comme nous le verrons plus complètement dans un autre chapitre, des districts considérables situés au sud-est, ceux qui formèrent l'Ancienne Ligue de la Haute Germanie, s'étaient en réalité détachés du royaume avant que la nouvelle division ne fût faite, et ne firent par conséquent jamais partie d'aucun cercle. Deux principautés souabes, la marche de Bade, et le comté puis duché de Wurtemberg, arrivèrent peu à peu à occuper le premier rang dans cette région; ils l'ont toujours conservé depuis, représentant ainsi en quelque sorte à eux deux l'ancienne Souabe. Cercle d'Autriche. — Nous avons encore à parler de deux parties importantes de l'ancien royaume, qui formaient deux cercles de la division de Maximilien; c'est là que se trouvent les pays qui, à des époques bien différentes, se sont complètement séparés du royaume germanique. Le cercle d'Autriche se composa des pays qui furent successivement groupés sous la domination de la seconde dynastie autrichienne, la maison de Habsbourg. En prenant pour point de départ la marche originelle sur la frontière hongroise, nous voyons que tous ces pays arrivèrent à former en Allemagne un état important, puis une grande puissance européenne, et que, par suite d'événements encore plus récents, la partie de cet état qui était allemande est devenue politiquement tout à fait étrangère à l'Allemagne. Il convient donc de remettre à un chapitre spécial la description des agrandissements de la maison d'Autriche; disons seulement que la domination autrichienne en Allemagne comprenait, outre le duché originel, les duchés de Styrie, Carinthie et Carniole, avec les pays qui longeaient la frontière italienne tels que Goritz, Aquile'e et une partie de Ylstrie. Les possessions occidentales de la maison d'Autriche se
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trouvaient réunies à tous ces pays par une sorte d'isthme géographique comme celui qui réunissait la Silésie au Brandebourg; elles comprenaient le comté bavarois de Tyrol et quelques territoires peu importants en Souabe et en Alsace. L'Autriche vit ses possessions en Souabe bien diminuées après les victoires des Confédérés; il en fut de même de ses possessions en Alsace après la cession qui fut faite plus tard à la France, mais elle en conserva toujours une petite partie jusqu'à la dissolution du royaume germanique. Le royaume de Bohême, avec la Moravie et la Silésie qui en dépendaient, appartenait aux archiducs d'Autriche et leur donnait rang électoral, mais il n'était compris dans aucun cercle. D'un autre côté le cercle d'Autriche comprenait des pays qui n'appartenaient pas à la maison d'Autriche ; les évêchés de Trente et de Brixen, sur la frontière litigieuse de l'Italie et de l'ancienne Bavière, étaient dans ce cas. Cercle de Bourgogne. — Le cercle de Bourgogne, le dernier et le plus étrange emploi qui ait été fait du nom bourguignon, comprenait tous ceux des domaines des ducs de Bourgogne de la maison de Valois qui étaient restés à leurs descendants de la maison d'Autriche à l'époque de la division en cercles. Ils ne se trouvaient pas tous strictement dans les limites du royaume germanique, et celui-ci comprenait seulement les pays frisons de Hollande, Zélande et Frise occidentale, ainsi que le Brabant et les autres pays lotharingiens. Le cercle comprenait en outre le comté de Bourgogne, ou Franche-Comté, qui faisait partie de l'ancien royaume de Bourgogne, et enfin la Flandre et Y Artois, pays situés en dehors des limites de l'empire et fiefs français, mais affranchis de tout hommage envers la couronne de France depuis le traité conclu entre Charles-Quint et François I«" (1526). Le cercle de Bourgogne comprenait donc tous les fiefs impériaux des ducs de la maison de Valois et une petite partie de leurs fiefs français. Comme tous ces pays, ou presque tous, ont été entièrement séparés du royaume germanique
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et qu'une partie, celle qui forme maintenant les deux royaumes des Pays-Bas, a une certaine importance historique, nous nous réservons d'en parler avec plus de détails dans un chapitre spécial.
�CHAPITRE II
L'ALLEMAGNE PENDANT LE XIXe SIÈCLE1
Les transformations modernes de l'Allemagne. — Nous avons été conduits dans le dernier chapitre jusqu'à une époque où se produisirent des événements graves, qui devaient amener le renversement de l'ancien royaume germanique. L'Allemagne est le seul pays dans l'histoire qui ait passé de l'état de royaume à celui de confédération. Le lien qui unissait au roi les princes vassaux devint peu à peu si relâché, qu'il finit par disparaître totalement. L'invasion étrangère contribua largement à ce résultat; elle fut suivie d'un temps de chaos où les frontières changèrent constamment, où surgirent de nouveaux états, destinés eux-mêmes à disparaître quelque temps après. A la fin, presque tous les pays qui avaient composé l'ancien royaume furent de nouveau réunis par les liens assez relâchés d'une confédération, où ils figurèrent avec des noms et des frontières nouvelles. Des événements tout à fait récents ont eu pour effet d'exclure de cette Confédération l'état qui en tenait primitivement la tête, et de resserrer
1. Voir pour ce chapitre les cartes 28 à 52.
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L'ALLEMAGNE PENDANT LE XIX" SIÈCLE.
;en même temps les liens qui unissaient les autres (1866); celui de ses membres qui n'occupait que le second rang dans l'ancienne confédération devint le chef perpétuel de la nouvelle, et plus tard la dignité impériale lui fut conférée (1871). Cependant il faut bien se mettre dans l'esprit que l'empire d'Allemagne actuel est toujours un état fédéral. Son chef porte bien le titre d'empereur ; sa constitution néanmoins est fédérale et non féodale. Les princes qui appartiennent à l'empire ne sont plus les vassaux de l'empereur comme ils l'étaient à l'époque de l'ancien royaume; ils sont liés à lui et ils sont liés les uns aux autres par un lien qui est purement fédéral. Que l'état dont le prince est revêtu de la dignité impériale surpasse de beaucoup tous les autres comme étendue et comme puissance, c'est là un fait politique qui a son importance, mais qui ne modifie en rien le fédéralisme de tous les états de l'empire, grands et petits. La principauté de Reuss-Schleiz n'est pas vassale de la Prusse ; elle fait partie d'une confédération où la voix de la Prusse compte naturellement beaucoup plus que la sienne. La dissolution du royaume germanique, qui entraîna avec elle la disparition de la dernière tradition de l'empire romain, ne peut être séparée de l'histoire des guerres de la Révolution française qui la précédèrent et qui y conduisirent. Pour nous renfermer strictement dans notre sujet, nous devons distinguer les changements qui affectèrent directement le royaume germanique d'avec ceux qui affectèrent les États autrichiens, les Pays-Bas, et la Suisse, pays qui avaient alors une existence indépendante de l'Allemagne.
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PREMIERE PERIODE (I 801 -181 4)
Traité de Liunéville (1801). Perte de la rive gauche du Rhin. — Création de quatre nouveaux électorals. La dernière guerre que l'Empire, en tant qu'empire, eut à soutenir contre la France, fut celle qui se termina au bout de huit ans par la Paix de Lunéville (1801), et qui mit la France en possession de toute l'Allemagne située sur la rive gauche du Rhin. Nous pouvons nous rendre compte de l'importance de ce sacrifice pour l'Allemagne, en songeant que les trois villes métropolitaines de Cologne, Mayence et Trêves, la ville royale d'Âixla-Chapelle, et les célèbres évêchés de Worms et Spire en faisaient partie. Nombre de princes perdirent ainsi tout ou partie de leurs possessions, et il fut ensuite convenu qu'ils trouveraient une compensation dans le reste du royaume, aux dépens des villes libres et des princes ecclésiastiques (1805). La grande hiérarchie germanique d'évêques et abbés princiers fut alors supprimée, sauf une seule et unique exception. L'ancienne métropole de Mayence ayant passé à la France, le siège de son archevêque fut reporté à Ratisbonne, où, sous le titre de Prince-Primat, ce prélat resta électeur et archichancelier de l'empire. Salzbourg devint un électorat séculier. Les autres états ecclésiastiques furent ajoutés aux possessions des princes voisins, et de toutes les villes libres il n'en resta plus que six : les trois villes hanséatiques de Lubeck, Brème et Hambourg, et les villes intérieures de Francfort, Nuremberg et Augsboivrg. Trois nouveaux électorats furent créés en sus de celui de Salzbourg: ce furent ceux de Wurtemberg, Bade etHesse-
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L'ALLEMAGNE PENDANT LE XIX' SIÈCLE.
Cassel. Aucun de ces nouveaux électeurs n'eut jamais à participer au choix d'un roi ou d'un empereur. Traité de Presbourg (1805). — Confédération «in Rhin (18©©).— Dissolution de l'empire d'Allemagne. — Dans la guerre suivante, les électeurs de Bavière, de Wurtemberg et de Bade apparaissent comme alliés de la France, et le traité de Presbourg, qui termina cette guerre, conféra aux deux premiers de ces princes le titre de roi. Les possessions autrichiennes en Souabe furent partagées entre le Wurtemberg et Bade, tandis que le Tyrol, Trente et Brixen formèrent avec la ville libre d'Augsbourg le lot de la Bavière. Un Grand-Duché de Wurtzbourg fut créé et donné à l'électeur de Salzbourg dont les possessions passèrent à l'Autriche. Ce furent là les derniers changements qui s'opérèrent tant qu'il resta quelque ombre de l'ancien royaume et de l'Empire. Le roi et empereur élu qui régnait alors en Allemagne, François roi de Hongrie et de Bohême, et archiduc d'Autriche, avait déjà commencé à prendre le nom d'empereur héréditaire d'Autriche. Au traité de Presbourg, il est désigné d'une façon assez étrange, tout à fait inusitée jusqu'alors et qui n'eut jamais de suite, sous le titre d'empereur d'Allemagne et d'Autriche; quant à l'empire, nous voyons qu'on se sert de l'expression Confédération germanique. Ces formules étaient prophétiques. L'année suivante, une masse de princes renoncèrent à leurs serments et se formèrent en Confédération du Rhin, sous le protectorat de la France (12 juin 1806).La dissolution formelle de l'Empire s'ensuivit immédiatement (6 août 1806). Cette longue succession d'empereurs qui avait commencé à Auguste se trouva arrêtée, et l'œuvre de Çharlemagne détruite. Au Franc, maître de la Gaule, avait succédé le Français, maître de l'Allemagne. Alors commença pour l'Allemagne une époque de confusion qui vit surgir et tomber quantité de nouveaux États, pendant que de nouvelles portions du sol germanique étaient continuellement annexées à la France (1806-1811).
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Allemagne, Autriche et Prusse (1811-1813). — A l'époque où la domination française était à son apogée (1811-1815), voici quel était l'état politique de l'Allemagne. La dissolution de l'empire avait relevé tous ses membres de leurs serments, et les possessions en Allemagne des rois de Danemark et de Suède avaient été incorporées à leurs autres possessions. Le Hanovre était complètement perdu pour son souverain insulaire ; pris et repris plus d'une fois par la Prusse et par la France, il finit par rester en la possession de celle-ci. La Prusse d'ailleurs perdit bien plus que le Hanovre, et elle dut céder tout ce qu'elle possédait à l'ouest de l'Elbe. L'Autriche, de son côté, avait été forcée d'abandonner Salzbourg à la Bavière (1809); et une partie du territoire qu'elle possédait au sud-ouest, en Carniole et en Carinthie, avait passé à la France sous le nom de Provinces illyriennes (1805). En' sus de toute la rive gauche du Bhin, la France s'était annexé la Frise orientale, l'Oldenbourg, une partie du Hanovre et les trois villes hanséatiques (1807). Le reste des états allemands formait la confédération du Rhin, et les principaux parmi ces états étaient les quatre royaumes de Bavière, de Wurtemberg, de Saxe et de Westphalie. L'électeur de Saxe avait pris le titre de roi après la dissolution de l'empire; le royaume de Westphalie, de formation encore plus récente, avait à sa tète un prince français, Jérôme Bonaparte. Parmi les états de la nouvelle confédération figuraient toujours les principautés de Mecklenbourg, de Bade, devenue un grand-duché, de Berg, Nassau, liesse et autres de moindre importance ; on y voyait en outre un grand-duché de Wurtzbourg, ainsi qu'un grandduché de Francfort qui appartenait au prince-primat, et nous avons vu que la résidence de ce dernier, qui avait été d'abord Mayence, avait été placée ensuite à Ratisbonne. Nous pouvons dire sans crainte de nous tromper que pendant toute cette époque l'Allemagne avait cessé d'exister : jusqu'à son nom avait disparu de la carte de l'Europe.
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La Prusse était un état si complètement germanique qu'il n'est guère possible de séparer de l'Allemagne la géographie de celles de ses possessions qui étaient situées en dehors. Le royaume de Prusse ne fut guère moins atteint dans ses possessions polonaises que dans l'ancien électorat de Brandebourg, car de tous les territoires acquis aux derniers partages de la Pologne il conserva seulement la Prusse occidentale1 ; encore Dantzig s'en trouvait-il détaché pour former une république séparée (1807). Les autres territoires polonais de la Prusse formèrent le duché' de Varsovie, qui fut placé sous l'autorité du nouveau roi de Saxe. La Silésie retrouva donc sa position de semi-isolement, d'autant plus qu'elle se trouvait placée entre les possessions allemandes et polonaises du roi de Saxe. Le territoire ainsi laissé à la Prusse était d'un seul tenant, mais l'étendue de ses frontières et la forme singulièrement étrange qu'elles avaient sur la carte étaient encore plus frappantes que jamais.
II
DEUXIÈME PÉRIODE (1815- 1871). — LA CONFÉDÉRATION
GERMANIQUE ET L'EMPIRE D'ALLEMAGNE
!Les cinq États appartenant partiellement à la Confédération germanique. — La délivrance de l'Allemagne et la chute de Napoléon amenèrent' un remaniement complet du territoire allemand. L'Allemagne redevint non plus un empire ou un royaume, mais une confédération dont les membres n'étaient pas liés étroitement les uns aux autres* L'Autriche, c'est-à-dire le duché dont les princes avaient été si souvent élus empereurs, de-*
1. Ou ancienne province polonaise de Pomërélie. (Note du traducteur*)
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vint son état dirigeant. Les frontières de la nouvelle confédération ne différaient que très légèrement de celles de l'ancien royaume; mais les divisions intérieures se trouvaient considérablement changées. Il y eut de nouveau un certain nombre de princes ayant des possessions en dedans et en dehors de l'Allemagne. L'empereur d'Autriche, les rois de Prusse, de Danemark, et des Pays-Bas, devinrent membres de la confédération pour. les parties de leurs possessions qui avaient été jadis des états de l'empire. De même, le roi de la Grande-Bretagne et d'Irlande, après avoir recouvré ses possessions continentales, entra dans la confédération comme roi de Hanovre. Ce nouveau royaume était formé de l'ancien électorat, avec quelques additions comprenant la Frise orientale. Le territoire de la Prusse fut considérablement augmenté : Magdebonrg et Halberstadt en firent de nouveau partie, et la Pome'ranie suédoise fut ajoutée au reste de l'ancien duché poméranien. Un changement bien plus important encore fit qu'une grande partie du royaume de Saxe, comprenant presque toute la Lusace et le district de Cottbus, jadis tout à fait séparé de la Prusse, fut incorporée au royaume de Prusse. Le nouveau royaume de Saxe se trouva, ainsi moins étendu que l'ancien électorat, et la Silésie cessa d'être péninsulaire. Le royaume de Prusse devint en même temps plus compact en recouvrant ses possessions polonaises sous le nom de grand-duché de Posen. Il faut enfin ajouter à tout cela de grandes acquisitions dans l'Allemagne occidentale, grâce auxquelles les anciennes possessions rhénanes et westphaliennes de la Prusse formèrent un assemblage assez large et compact, bien que ces possessions se trouvassent toujours séparées du corps principal de la monarchie. En effet, la plus grande partie de la rive gauche du Rhin, laquelle avait été cédée à la France en 1801, devint alors complètement prussienne; la ville de Cologne, qui n'était plus un siège métropolitain, celles de Munster, Trêves et Paderborn s'y trouvaient comprises. Les possessions prus-
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siennes formaient ainsi deux masses détachées, de dimensions bien inégales, et.qui semblaient aspirer à une union géographique plus étroite. Quant à la principauté de Neuchâtel, qui rendit le roi de Prusse membre de la confédération suisse, il en sera question à un autre moment. Parmi les territoires allemands recouvrés par l'Autriche, et pour lesquels elle fit partie de la confédération, figurèrent Sahbourg, le Tyrol, Trente, Brixen, ainsi que les pays du sud-est qui avaient passé à la France. Le territoire de la confédération arriva ainsi jusqu'à l'Adriatique comme celui de l'ancien royaume. Le Danemark entra dans la confédération pour le Holstein et pour une nouvelle possession, celle du Lauenbourg, c'est-à-dire le duché qui. représentait, en quelque sorte l'ancienne Saxe. Le roi des Pays-Bas entra dans la confédération pour le grand-duché de Luxembourg, dont une partie avait été détachée dans le but de grossir les possessions rhénanes de la Prusse. La Suède, après avoir cédé, la partie de la' Poméranie qui lui restait, cessa complètement d'être un état germanique. Il y eut donc ainsi cinq états entrant partiellement dans la confédération. Pour l'un d'eux seulement, la distinction entre les territoires allemands et non-allemands n'existait que dans la forme. La Prusse, en effet, était en réalité un état purement allemand et le plus grand de tous les états purement allemands. U Autriche, sa rivale, avait un rang plus élevé clans la confédération, et son autorité s'étendait sur un territoire continu beaucoup plus considérable ; mais pour elle la distinction entre les pays allemands et nonallemands avait une base réelle, comme les derniers événements l'ont prouvé. Il a été possible d'exclure l'Autriche de l'Allemagne; faire de même pour la Prusse eût été abolir l'Allemagne Le Hanovre avait le même souverain que la Grande-Bretagne ; mais il était tellement en dehors de la Grande-Bretagne, et avait si peu d'influence sur ses affaires, qu'il était avant sa séparation d'avec la Grande-Bretagne,,
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un état tout aussi germanique qu'il le fut après. Pour le Danemark et les Pays-Bas, la plus grande partie de leur territoire se trouvait en dehors de l'Allemagne et confinait à celui que leurs princes possédaient en Allemagne. Il y avait là matière à toutes sortes de questions et de difficultés politiques qui, dans le cas du Danemark notamment, eurent les conséquences les plus graves. Les États appartenant en entier à la Confédération. Papmi les membres de la confédération dont le territoire se trouvait complètement en Allemagne, la Bavière occupait le premier rang. Elle dut restituer à l'Autriche tous les pays qu'elle avait acquis récemment au sud, mais elle eut de larges compensations au nord-est. La Bavière moderne comprend une étendue assez considérable de l'ancienne Bavière, de la Souabe et de la Franconie; elle renferme les villes fameuses d'Augsbourg et de Nuremberg, ainsi que les grands évêchés de Bamberg et de Wurtzbourg ; elle . a recouvré en outre une partie de l'ancien Palatinat, à l'ouest du Rhin, ce qui a porté Spire sur la liste des villes bavaroises.
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Les autres royaumes de la confédération avaient une étendue moins considérable. Cependant, quoique que la Saxe fût bien diminuée, elle conservait, à beaucoup de points de vue, une importance tout à fait disproportionnée avec son étendue géographique. Le Wurtemberg, agrandi par l'annexion de différents territoires provenant des possessions souabes de l'Autriche et par celle d'autres petites principautés, était encore, malgré cela, le plus petit des royaumes; sa position toutefois était supérieure à celle qu'il avait eue sous ses anciens comtes et ducs. On peut ranger à côté de ces états le grand-duché de Bade, qui avait une frontière étrangement irrégulière, et qui comprenait les villes d'Heidelberg et de Constance. Viennent ensuite une foule de petits états à la tête desquels nous trouvons les deux principautés de liesse, — le grandduché de Ilesse-Darmstadl, et la Ilesse-Cassel dont le prince
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continuait à porter le titre d'électeur, — et le grand-duché de Nassau. Le grand-duché d'Oldenbourg s'avançait au milieu du royaume de Hanovre qu'il partageait presque en deux parties. Les principautés d'Anhalt, enclavées dans le territoire prussien, s'étendaient entre Halberstadt et les pays qui venaient d'être enlevés à la Saxe. Le duché de Brunswick se trouvait placé entre les deux grandes masses du territoire prussien. Au nord, le Mecklenbourg restait, comme auparavant, inégalement réparti entre les grands7ducs de Schwérin et deStrélitz. L'Allemagne se trouvait ainsi partagée d'une façon tout à fait nouvelle. Quelques-uns des anciens noms ont disparu; d'autres ont reçu des significations différentes. Les états de quelque importance se sont tous agrandis, à l'exception de la Saxe. Une foule de principautés insignifiantes ont disparu; parmi celles qui subsistent, notons particulièrement les petits duchés saxons dans le pays qui avait été jadis la Thuringe. Si maintenant nous regardons ce que sont devenus deux des traits les plus caractéristiques de l'ancien empire, nous voyons que l'un a totalement disparu, tandis que l'autre s'est considérablement amoindri. En premier lieu, aucune principauté ecclésiastique n'était rétablie dans le nouvel ordre de choses; le territoire de l'ancien évêché de Liège, après avoir été annexé un moment à la France, fut alors définitivement rayé de la carte de l'Allemagne, et il devint par la suite une partie du royaume de Belgique. En second lieu, quatre villes libres seulement figurèrent dans la confédération : d'une part les trois villes hanséatiques, qui avaient été un moment françaises, et Francfort, d'autre part, qui cessa d'être la capitale d'un grand-duché. L'Allemagne sortit ainsi de l'abîme où elle avait été jetée, et elle retrouva une certaine unité qui ne pouvait guère manquer de s'accroître1 dans la suite.
I. Aucune influence ne fut pour cela plus puissante que le Zollverein, ou association douanière, lequel réunit peu à peu la plupart des états allemands
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Partage du Luxembourg (1831). — Sleswig et Holstein (1848-1866). — La confédération ainsi formée ne reçut guère de modifications, au point de vue géographique, avant la guerre de 1866. Le grand-duché de Luxembourg, que les traités de 1815 avaient donné au Roi des Pays-Bas, et qui rendait ce roi membre de la confédération germanique, fut, lors de la séparation de la Belgique et de la Hollande, divisé en deux parties : une partie fut ajoutée à la Belgique; l'autre, tout à fait séparée du royaume de Hollande, resta cependant au roi de ce pays à titre d'état faisant partie de la confédération, et en 1839 la même chose eut lieu pour le duché de Limbourg. La révolution de 1848, et la guerre du Sleswig-Holstein qui commença à la même époque (1848-1851), n'arrivèrent pas à modifier la géographie d'une manière durable. En 1849, les principautés de Eohenzollern en Souabe furent annexées à la couronne de Prusse. La guerre qui eut lieu plus tard avec le Danemark se termina par la cession, faite à la Prusse et à l'Autriche conjointement, du Sleswig, du Holstein et du Lauenbourg (1864). Cet état de choses était naturellement provisoire. L'année suivante, l'Autriche céda à la Prusse son droit sur le Lauenbourg (1865), et l'année d'après commença cette guerre de sept semaines qui devait avoir géographiquement de si grands résultats. Nouvelle Confédération du Nord (1866). Agrandissements de la Prusse.— La confédération germanique fut abolie (1866), et l'Autriche, exclue de toute participation dans les affaires de l'Allemagne, céda en outre à la Prusse sa part de droits sur le Sleswig et le Holstein. Les états du nord de l'Allemagne formèrent une confédération distincte, sous la présidence de la>Prusse, laquelle vit ses possessions immédiates augmentées par l'annexion du
en vue d'objets déterminés. Cependant, comme les limites ou la puissance des états souverains n'en recevaient aucune modification, il concerne à peine la géographie. Il en est de même des essais qui furent faits en vue d'une union plus parfaite en 18i8, et dans les années suivantes. (Note de l'auteur.)
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royaume de Hanovre, du duché de Nassau, de la Hesse électorale et de la ville de Francfort. Les états situés au sud du Mein, la Bavière, le Wurtemberg, Bade et la partie méridionale de la Hesse-Darmstadt restèrent pendant un cer- _ tain temps séparés de la nouvelle confédération. Les possessions non-allemandes de la Prusse, c'est-à-dire la Prusse proprement dite et le duché polonais de Posen, firent partie de la nouvelle confédération, ainsi que le Sleswig nouvellement conquis ; d'un autre côté, tout ce qui appartenait à l'Autriche dans l'ancienne confédération se trouva exclu de la nouvelle. Le Luxembourg ne fut pas davantage compris dans la nouvelle ligue, et après quelques contestations, il fut l'année suivante reconnu comme territoire neutre gouverné par son propre duc, le roi de Hollande. La petite principauté de Liechtenstein fut peut-être complètement oubliée; néanmoins, comme elle ne fut pas comprise dans la confédération, comme elle ne fut pas non plus incorporée à quelque autre état, on peut dire qu'elle était devenue absolument indépendante. Les frontières géographiques de l'Allemagne subirent ainsi des changements aussi grands que ceux qui provinrent des guerres de la Révolution française. L'aspect géographique de l'état placé à la tête de la nouvelle ligue fut aussi sensiblement modifié. La longueur extraordinaire de sa frontière, qui avait jusque-là caractérisé la Prusse, ne fut pas complètement détruite par le fait de ses nouvelles annexions, mais elle fut considérablement diminuée. Si nous considérons le royaume de Prusse proprement dit, nous voyons qu'il est devenu bien plus compact, et que les deux grandes masses détachées qui le constituaient sont maintenant réunies. En outre, maintenant que la Prusse touche en grande partie aux états d'une confédération dont ellemême est le chef, sa position géographique a une importance politique bien moins grande.
Conquête de L'Alsace-Lorraine (1870-1871). Rétablissement de l'Empire d'Allemagne. —
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Quelques années après cette transformation de l'Allemagne, eut lieu la guerre franco-prussienne dont le premier effet fut de faire entrer tous les états-du sud de l'Allemagne dans la nouvelle confédération, laquelle prit ensuite le nom d'empire, avec le roi de Prusse comme empereur héréditaire. Lorsque la paix fut conclue avec la France, presque toute Y Alsace et une partie de la Lorraine, avec les villes de Strasbourg et Metz, passèrent à l'Allemagne. Ces pays font partie de l'empire sous le nom à'Alsace-Lorraine ; ils reconnaissent la souveraineté de l'empereur, sans cependant faire partie du royaume de Prusse ou de quelque autre état allemand. Il était difficile de ne pas rétablir la dignité impériale dans une confédération dont la constitution était monarchique, et qui comptait des rois parmi ses membres. Aucun autre titre que celui d'empereur ne pouvait mieux convenir à un souverain placé à la tête d'autres souverains. Cependant, il faut bien se mettre dans l'esprit que le nouvel empire a"Allemagne n'est en aucune façon la continuation ou la restauration du Saint-Empire Romain qui était tombé soixante-quatre ans auparavant. Mais on peut très bien le regarder comme une restauration de l'ancien royaume germanique, du royaume des Francs orientaux, bien que, si l'on regarde les choses au point de vue géographique, il n'y ait rien de plus différent que les frontières de l'Allemagne au neuvième et au dix-neuvième siècle. Le nouvel empire, bien diminué au nord-ouest, au sud-ouest, et au sud-est, s'est agrandi quelque peu au nord, et d'une façon prodigieuse au nord-est. La Prusse, le plus important des états qui le composent, état qui contient des villes aussi célèbres que Cologne, Trêves et Francfort, se contente du nom d'un peuple païen totalement disparu, un nom qui n'a probablement jamais atteint les oreilles de Charlemagne. La capitale du nouvel empire, tout à fait éloignée de l'un quelconque des anciens sièges de la royauté germanique, se trouve dans un pays qui, au temps de Charlemagne, était slave et resta tel longtemps après. L'Allemagne, avec
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son état principal portant le nom de Prusse, avec le siège de ses assemblées nationales transporté de Francfort à Berlin, nous offre l'exemple d'un des changements les plus étranges quepuisse nous montrer la géographie historique. Néanmoins, si étrange que soit ce changement, il s'est produit progressivement par l'effet naturel des causes historiques. Les pays slaves et prussiens ont été germanisés, tandis que les parties occidentales de l'ancien royaume, qui se sont détachées de lui, ont pour la plupart perdu leur caractère germanique. Les pays germaniques qui ont formé le berceau de la confédération suisse se sont élevés à une situation politique encore plus haute que celle de royaume ou d'empire; quant aux pays allemands qui restent toujours si étrangement unis avec ceux des Magyars et des Slaves du sud, ils attendent leur réunion naturelle et inévitable à l'Allemagne, si éloignée qu'en soit la date. De même, un groupe de populations danoises, tout à fait au nord de l'empire, attend avec moins d'espoir sa séparation non moins naturelle d'avec la nation allemande. Posen, qui est resté principalement slave, est toujours réuni contre nature à un corps teutonique, mais il est bien vraisemblable qu'il ne gagnerait pas à changer de maître. La reconstitution du royaume germanique sous sa forme actuelle, forme si nouvelle à nos yeux, mais qui se rapporte si bien à la vie et à l'histoire des temps passés, est le plus grand événement historique et géographique de notre époque.
�CHAPITRE III
LE ROYAUME D'ITALIE DES EMPEREURS ALLEMANDS1
I
SON ÉTENDUE ET SA COMPOSITION
Limites du royaume d'Italie. — Nous avons vu que le royaume d'Italie, après avoir été un moment séparé du royaume des Francs orientaux et de celui des Francs occidentaux, finit ensuite par être uni au royaume oriental, lorsque les chefs de ce royaume devinrent empereurs (962). Son histoire, en tant que royaume, est celle des phases par lesquelles passa graduellement le pouvoir royal avant de s'éteindre dans la péninsule. Il y a bien peu de chose à dire sur les changements de frontières du royaume proprement dit. Tant que l'Allemagne, l'Italie et la Bourgogne reconnurent le même roi, des changements de frontières entre les trois royaumes avaient une importance tout à fait secondaire. Lorsque le pouvoir des empereurs eut disparu en Italie, il s'y forma tout un système de républiques et de principautés indépendantes, ayant trop peu d'unité entre
1. Voir pour ce chapitre les cartes 20 à 25 et la carte 55.
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elles pour que l'on pût dire que tel ou tel territoire était ajouté ou enlevé à l'Italie. Si même une certaine étendue de territoire passait de la domination d'un prince italien sous celle d'un prince allemand ou bourguignon, c'était bien plutôt un changement dans la frontière de tel ou tel État italien, qu'un changement de frontière pour l'Italie proprement dite. Tout le long de la frontière des Alpes il y a eu des modifications considérables, mais c'est seulement de nos jours que nous pouvons dire que l'Italie, en tant qu'Italie, est devenue susceptible d'agrandissement ou de diminution. Lorsqu'en 1866, Venise et Vérone furent ajoutées au royaume d'Italie, c'était là un changement bien distinct dans la frontière italienne; nous ne pouvons guère en dire autant des changements innombrables qui eurent lieu précédemment dans cette région. Au quatorzième siècle par exemple, la ville de Trieste que se disputaient les patriarches d'Aquilée et la république de Venise, vit reconnaître son indépendance à laquelle elle renonça ensuite en se recommandant au duc d'Autriche (1382). Si les limites de l'Allemagne et de l'Italie étaient ou non modifiées par ce fait, cela était probablement alors bien indifférent. Qu'elle restât libre ou devint vassale de l'Autriche, Trieste restait sous la suzeraineté incontestable, quoiqu'en réalité nominale, de l'empereur, souverain commun à l'Allemagne et à l'Italie. Il est très vraisemblable que personne ne songeait à se demander si cet hommage nominal lui était dû à titre de roi d'Allemagne ou de roi d'Italie. A l'est et à l'ouest, le royaume d'Italie était sans frontières; il ne pouvait y avoir d'autre question, à cet égard, que celle des rapports des îles de Corse et de Sardaigne avec le royaume lui-même ou l'un quelconque des états qui se formèrent dans ses limites. Au sud se trouvaient les duchés lombards indépendants, ainsi que les possessions qui restaient à l'empire d'Orient et qui devinrent avec le temps le duché normand d'Apulie et le royaume de Sicile. Quant à ce dernier royaume, comme
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il dépendait du siège de Rome, il ne fut jamais incorporé au royaume italien des empereurs, et ses rois ne rendirent jamais aucun hommage à ceux-ci. Certains empereurs au treizième, au seizième et au dix-huitième siècle, devinrent en même temps rois de l'un ou des deux royaumes de Sicile ; mais jamais avant l'époque actuelle, la Sicile et l'Italie méridionale n'ont été incorporées à un royaume d'Italie. Si nous songeons que c'est à la partie méridionale de la péninsule que le nom d'Italie fut donné pour la première fois, nous voyons là une de ces particularités de nomenclature aussi surprenantes que les diverses significations des mots Saxe et Bourgogne. Ainsi Naples et la Sicile, ou les Deux-Siciles d'après la nomenclature politique adoptée dans la suite, se trouvent actuellement en dehors de notre sujet. Il en est de même de Venise, qui y entrera cependant pour une certaine part lors qu'elle aura établi sa domination sur une certaine étendue du continent italien. Ces deux états se rapportent à l'Italie en tant qu'expression géographique, mais aucun d'eux n'est italien dans le sens où nous l'entendons dans le présent chapitre. Ils ne faisaient aucunement partie de l'empire carolingien. Ils relevaient de l'empire d'Orient et non de celui d'Occident. Ils restèrent attachés à Constantinople après que le trône impérial eut été rétabli à Rome, et, bien que le lien qui les rattachait à l'empire d'Orient ait été toujours en s'affaiblissant, ils n'ont jamais été incorporés à l'empire d'Occident. Nous n'aurons donc à en parler dans ce chapitre que dans leurs rapports avec le royaume impérial d'Italie, leur histoire spéciale devant trouver sa place avec celle des états qui s'élevèrent sur les ruines de l'empire d'Orient. D'un autre côté, sur la frontière nord-ouest de l'Italie, nous verrons grandir peu à peu un autre état, en partie italien, mais dont le caractère dominant resta pendant longtemps bourguignon, et qui, dans la suite, par une destinée assez étrange, se changea en un nouveau royaume d'Italie. Nous voulons parler de la maison de Savoie, dont il
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ne sera question actuellement que dans ses rapports avec le royaume italien des empereurs, réservant pour un autre chapitre l'histoire de ses agrandissements, et celle des diverses phases après lesquelles elle perdit peu à peu son caractère bourguignon et prit un caractère italien. Divisions du royaume. — Le royaume italien des Carolingiens, celui qui fut réuni à l'Allemagne sous Otlon le Grand, était, comme nous l'avons déjà dit, la continuation de l'ancien royaume lombard. Il comprenait ce royaume, agrandi des pays italiens que perdit l'empire d'Orient au huitième siècle, c'est-à-dire l'Exarchat et la Pentapole, plus le territoire immédiat de Rome. Le royaume lombard, dans son sens le plus strict, comprenait les deux provinces au nord- du Pô, dans lesquelles nous trouvons, comme dans d'autres régions, une Austrie à l'est et une Neustrie à l'ouest. Il comprenait aussi l'Émilie, au sud du Pô, — c'est-à-dire le district de Plaisance, Parme, Reggio et Modène, — et la Toscane. La Toscane, à cette époque, ne s'étendait plus jusqu'au Tibre, c'est donc à peu près avec son sens moderne qu'il faut entendre ce mot. Gomme la province formée par l'Exarchat et la Pentapole était celle où avait principalement résidé le gouvernement du précédent empire d'Occident tant qu'il se maintint en Italie, elle prit le nom de Romania, Romandiola, ou Romagne, nom qui a également survécu. La Neustrie et l'Austrie lombardes ne tardèrent pas au contraire à disparaître bientôt de la carte; et cela est peutêtre assez heureux, car autrement, quels arguments n'auraiton pas pu tirer de la présence d'une Austrie au sud des Alpes? La Neustrie lombarde, jointe à l'Emilie, prit le nom spécial de Lombardie, tandis que l'Austrie lombarde, après avoir porté différents noms empruntés aux principautés qui s'élevèrent dans ses limites, retrouva à la fin celui de Véne'tie qu'elle avait anciennement. Tout à fait au nord-ouest, Ipore'die ou Ivre'e formait comme une marche distincte, mais la marche de Vénétie, à l'extré-
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mité opposée, avait bien plus d'importance, et elle portait à cette époque le nom de duché de Friouî. Ce duché comprenait le comté de Trente, la marche spéciale du Frioul et la marche d'Istrie. C'est dans celte région extrême que les frontières de l'Allemagne et de l'Italie ont si souvent changé. Nous avons vu qu'après l'union des couronnes d'Italie et d'Allemagne, Vérone elle-même fut quelquefois regardée comme territoire germanique. Lies diverses périodes de l'histoire italienne. — Lorsqu'elle eut passé au pouvoir des rois d'Allemagne, l'Italie fut travaillée par les mêmes influences que les deux autres royaumes impériaux. Les principautés et les villes libres s'y développèrent, mais tandis qu'en Allemagne les principautés étaient la règle et les villes l'exception, il en fut tout autrement en Italie où se développa graduellement tout un système de républiques réellement indépendantes; c'est seulement au nord-est et au nord-ouest que nous voyons quelques princes féodaux, ecclésiastiques ou temporels. Mais si l'essor des cités germaniques fut moins grand, et leur carrière moins brillante que celle des villes d'Italie, leur liberté fut plus durable. Les villes italiennes passèrent progressivement au pouvoir de tyrans qui se firent reconnaître peu à peu comme princes légitimes. Les évêques de Rome, à leur tour, par une série de droits habilement mis en avant à plusieurs reprises, travaillèrent à former la plus grande de toutes les principautés ecclésiastiques, principauté qui s'étendit à travers la péninsule d'une mer à l'autre. La géographie historique de l'Italie comprend quatre périodes. Dans la première, le royaume se décompose en principautés. Dans la seconde, les principautés disparaissent, devant les progrès des villes libres. Dans la troisième, les villes sont de nouveau massées en principautés jusqu'à la quatrième période, où nous voyons celles-ci se fondre dans le royaume comprenant l'Italie unifiée
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II
L'ITALIE IMPÉRIALE DE 962 A 1250
Les princes féodaux et les villes libres du nord de l'Italie. — Guelfes et Gibelins. — Sous les empereurs saxons et franconiens, les anciens noms lombards de Neustrie et d'Emilie disparaissent. Le long de la frontière bourguignonne, il y avait plusieurs petites marches, celle de Savone sur la côte, celle d'Ivre'e au milieu des montagnes du nord-ouest, et entre elles deux, les princes de Montferrat, Vasto et Suse dont le rôle était de surveiller le passage entre les deux royaumes, et qui, à ce titre, étaient marquis en Italie. Ce fut dans cette région que les princes féodaux acquirent le plus de puissance, et que le système des villes libres eut son plus petit développement. La domination savoisienne commençait déjà à prendre de l'importance à l'extrémité nord-ouest; mais, à cette époque, les marquis de Montferrat jouaient un plus grand rôle dans l'histoire strictement italienne, et ils conservèrent pendant plusieurs siècles (938-1535) leur position de princes féodaux tout à fait en dehors des seigneurs des villes. Au nord-est du royaume, l'ancienne Austrie fut remplacée par des principautés où l'Italien, l'Allemand et le Slave se trouvaient en contact, et qui dépendirent tantôt de l'une, tantôt de l'autre des deux couronnes d'Italie et d'Allemagne. Il y avait dans cette région la grande marche de Vérone; plus loin celle du Frioul; Trente entre. Vérone et la Bavière, et la presqu 'île istrienne sur la rive slave de l'Adriatique. Entre ces deux districts de principautés frontières, situés l'un au nord-ouest et l'autre au nord-est, s'étendait la
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Lombardic, dans le sens restreint de ce mot, et dans laquelle les villes libres étaient particulièrement nombreuses. Chacune d'elles, vers le milieu du douzième siècle, était devenue réellement une république séparée, reconnaissant la suzeraineté de l'empereur, mais d'une façon toute nominale. Les cités guelfes étaient contre lui, les'cités gibelines étaient pour lui; mais toutes, en réalité, étaient des républiques indépendantes. De là vinrent ces longues guerres entre les empereurs de la maison de Souabe et les villes italiennes, guerres qui remplissent la seconde moitié du douzième siècle et la première moitié du treizième, et qui forment le caractère principal de l'histoire italienne pendant cette période. Nous voyons autour de Milan, la nouvelle capitale et la première des cités guelfes, et autour de Pavie, l'ancienne capitale et la première des cités gibelines, une multitude de noms fameux tels que Corne, Bergame, Brescia, Lodi, Crema et Crémone, Tortona, Plaisance, Parme et Alexandrie, cette dernière, trophée de la résistance des républiques et du pape à l'empereur (1168). Dans la marche véronaise nous trouvons moins de villes ayant la même importance historique ; cependant Vérone et Padoue furent les premières à se former en républiques, les premières aussi à avoir des tyrans. En s'avançant davantage au nord et à -Test, l'élément urbain redevenait plus faible. Trente se sépara peu à peu de -l'Italie pour devenir une principauté ecclésiastique du royaume.germanique, et les patriarches d'Acjuile'e devinrent des princes puissants au nord-est de "l'Adriatique. Avant de quitter la marche véronaise ou trévisane, il nous faut parler des seigneurs de Romano et des marquis d'Esté plus importants encore. Romano donna à la marche trévisane son fameux tyran Eccelino à l'époque de l'empereur Frédéric II; et les marquis d'Esté, alliés aux -grands ducs saxons, arrivèrent à prendre rang, avec le temps, parmi les principaux princes italiens. Quant à l'extrémité nord-est de cette marche, elle se détacha
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si complètement de l'Italie, qu'il sera préférable d'en parler quand nous aurons à traiter des agrandissements de Venise et de l'Autriche. Lies républiques du centre. — Rivalité de Pise et de Gênes. — Situation de Rome. — Au centre du royaume, dans l'ancien exarchat, qui portait maintenant le nom de Romagne, dans la marche diversement appelée par les noms de Camerino, Fermo ou Ancône, et par-dessus tout dans la marche de Toscane, nous constatons le même développement urbain; seulement il se produisit un peu plus tard. Au nord des Apennins, le long de l'Adriatique, il se forma une masse de petites républiques qui se transformèrent peu à peu en tyrannies. La Toscane, d'un autre côté, se divisa en un petit nombre de républiques qui eurent un nom illustre. L'une d'elles, Pise, devint, au commencement du onzième siècle l'un des plus grands états maritimes et commerçants de l'Europe, et, anticipant sur les croisades, elle lutta avec avantage contre les Sarrasins (1005-1115). Sans cesser d'être, à tous égards, une ville du royaume d'Italie, Pise n'en avait pas moins, à cette époque, une position assez semblable à celle que Venise eut plus tard. Comme Venise, elle colonisa, étendit ses conquêtes au delà des mers, et n'arriva que peu à peu à se mêler au courant principal des affaires italiennes. Au delà des limites de la Toscane, sur le golfe ligurien, Gênes se trouvait dans la même position. Pise enleva la Sardaigne aux Sarrasins ; Gênes, après de longues disputes avec Pise, occupa la Corse (1284), qui devint entre ses mains une possession plus durable. Pour revenir à la Toscane, nous voyons s'y former les trois grandes républiques de Lacques, Sienne et Florence. entre lesquelles elle se trouva progressivement partagée. Florence fut la dernière des villes italiennes à acquérir de l'importance; mais, sous bien des rapports, elle surpassa ses devancières. Au centre de l'Italie, dans les limites de l'ancienne Étrurie, mais en dehors de la Toscane moderne,
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Pérouse obtint une grande place parmi les villes italiennes, à la fois comme république et comme tyrannie. Quant à Rome, il est presque impossible d'en parler. Son histoire tient beaucoup de place, mais sa géographie se réduit à très peu de chose. Les empereurs y étaient couronnés ; les papes y résidaient quelquefois ; quelquefois aussi elle apparaît de nouveau comme une simple ville latine, eu guerre avec Tusculum ou quelque autre de ses anciennes rivales. Les prétentions de ses évêques à fonder un pouvoir temporel indépendant, prétentions basées sur une succession de dons impériaux et royaux, réels ou déclarés tels, restaient toujours à l'arrière-plan; mais elles étaient prêtes à se changer en réalité, à la première occasion.
[Il
FORMATION DES PRINCIPAUTÉS ITALIENNES (1250-1530)
Affaiblissement de l'autorité impériale en Italie. — La seconde période de la géographie politique de l'Italie commence à la mort de Frédéric II, alors que les empereurs ont pour ainsi dire perdu tout pouvoir dans leur royaume d'Italie. Les républiques vont alors se changer progressivement en tyrannies dont la plupart se grouperont pour former des états plus considérables. Les papes vont également viser d'une manière plus définie à l'établissement de leur pouvoir temporel. Pendant les trois cents ans qui s'écoulent du règne de Frédéric II à celui de Charles-Quint, l'aspect du royaume d'Italie va changer graduellement, et il finira par devenir une collection de principautés au milieu desquelles subsisteront seulement quelques républiques oligarchiques et la domination quelque peu anormale de Venise sur le continent. Pendant ce laps de temps, nous pouvons
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considérer l'empire comme réellement devenu vacant en Italie. La venue d'un empereur y causait toujours une grande agitation, mais celle-ci ne se prolongeait pas au delà de la visite du souverain. Après le don qui fut fait aux papes par Rodolphe de Habsbourg (1278), une distinction fut établie en Italie entre le territoire impérial et le territoire pontifical. Tandis que quelques princes et quelques républiques continuèrent toujours à reconnaître, au moins nominalement, la suzeraineté de l'empereur, d'autres finirent par se trouver dans le même rapport de vasselage avec le pape. Savoie et Montferrat. — Nous allons maintenant retracer la formation des principaux états qui prirent naissance pendant cette période. Et d'abord, nous avons à nous rappeler que pendant tout ce temps l'état de Savoie fit des progrès au nord-ouest de l'Italie, c'est-à-dire là où les influences qui agirent principalement pendant cette période, eurent moins de force que partout ailleurs (1250-1530). .. Le Montferrat conserva également son ancien caractère de principauté féodale, et ses princes eurent avec l'Orient des rapports singulièrement variés. De même que des marquis de Montferrat avaient disputé la couronne de Jérusalem et porté celle de Thessalonique, de même, par une sorte de compensation, une branche de la maison impériale des Paléologues vint régner à Montferrat (1306). Les "Visconti à Milan (131©). — ÏLe duché de Milan de 1395 à 153©. — A l'est de ces deux anciennes principautés, deux grands états, d'une nature toute différente, se formèrent dans les anciennes provinces de Neustrie et d'Austrie : le duché' de Milan et la domination continentale de Venise. Milan, comme la plupart des villes italiennes, tomba sous l'influence de chefs de parti qui, après s'être transformés en tyrans, firent ensuite légitimer leur souveraineté. Tels furent les Délia Torre, dont la domination éphémère fut remplacée par celle plus durable des Visconti (1310-1447).
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Après toutes sortes de fluctuations et de révolutions, le pouvoir des Visconti se trouva définitivement établi lors de la venue de l'empereur Henri VII, qui fortifia d'une façon générale l'autorité des seigneurs des villes dans toute l'Italie. A la fin du quatorzième siècle, leur souveraineté reçut la consécration officielle en devenant un duché de l'empire (1395). La domination qu'ils avaient progressivement formée, et qui se trouva ainsi dans une certaine mesure légalisée, comprenait toutes les grandes villes de la Lombardie, particulièrement celles qui étaient entrées dans la ligue lombarde contre les empereurs souabes. Pavie, il est vrai, l'ancienne rivale de Milan, conserva une sorte d'existence séparée et forma un comté distinct. Mais le duché constitué par le roi Wenceslas en faveur de Jean Galéas s'étendait jusque sur les deux rives du lac de Garde. Bellune d'un côté, et Verceilàe l'autre en faisaient partie. Il comprenait aussi les territoires montagneux qui passèrent dans la suite aux deux confédérations alpines1 : Parme, Plaisance et Reggio au sud du Pô, ainsi que Vérone et Vicence dans l'ancienne Austrie ou Vénét.ie. En outre, Padoue, Bologne, Gênes même, ainsi que Pise, passèrent à différentes époques sous la suzeraineté des Visconti. Cependant cette grande domination ne fut pas durable. Le duché de Milan, gouverné par une succession de princes indigènes et étrangers, subsista jusqu'aux guerres de la Révolution Française; mais, longtemps avant cette époque, il avait perdu de son étendue première. La mort du premier duc, Jean Galéas (1402), fut suivie d'un partage du duché de Milan et du comté de Pavie entre ses fils, et le duché rétabli ne retrouva jamais son ancienne puissance. A l'est, Padoue, Vérone, Brescia, Bergame, passèrent successivement (1406-1447) sous la domination de la république de Venise, qui était devenue, vers le milieu du quinzième siècle, l'état le plus important de l'Italie septentrionale.
1. La ligue des Treize Cantons et celle des Grisons. (.Note du traducteur:) 16
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Les Sforza remplacèrent les Visconti à Milan (1450-1535); mais les rois de France émirent des prétentions opposées, et ce fut l'une des causes principales de ces longues guerres qui dévastèrent l'Italie dans les dernières années du quinzième siècle et les premières années du seizième (14991525). Pendant que l'empereur, le roi de France et ses ducs particuliers luttaient ainsi pour la possession du duché, celui-ci subissait un premier démembrement au nord en faveur des deux ligues alpines (1512-1515), comme nous le verrons dans la suite avec plus de détails. Au sud du Pô, les papes obtinrent Parme et Plaisance (1515), et ils en firent plus tard un duché qu'ils donnèrent en fief à la maison de Farnèse (1545). Le duché de Milan, qui devint finalement la possession de Charles-Quint et qui passa ensuite à ses successeurs de la branche espagnole, puis de la branche autrichienne, était donc bien loin, comme étendue, de l'ancien grand-duché, et nous verrons qu'il subit encore dans la suite d'autres démembrements. Progrès de Venise en Italie au quinzième siècle. — Nous allons nous occuper maintenant de Venise et de la position quelque peu étrange qu'elle acquit en Italie au quinzième siècle, et qu'elle perdit momentanément au seizième, dans la guerre de la ligue de Cambrai (année 1508 et suivantes). Cette puissance territoriale de Venise en Italie est tout à fait distincte des possessions vénitiennes à l'est de l'Adriatique, parmi lesquelles doit figurer le littoral de la presqu'île istrienne. Ces deux groupes étaient séparés par Aquilée, Trieste et les autres territoires de cette région qui avaient passé progressivement au pouvoir de la maison d'Autriche. La domination de Venise en Italie s'étendait sans interruption depuis la ville à'Udine à l'est jusqu'à celle de Bergame à l'ouest; Crema, séparée du groupe principal, en faisait également partie. Ravenne, l'ancienne capitale de l'exarchat, devint aussi dépendante de Venise pendant un certain temps (1441-1530).
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Il convient cependant de remarquer que le territoire continu de Venise en Italie était divisé en deux parties. Brescia et Bergame étaient presque séparées de Vérone et des autres possessions situées à l'est du lac de Garde, par l'évêché de Trente au nord et la principauté de Mantoue au sud. Lia, maison de Gonzague à Mantoue, de 1328 à 153©. — La maison d'Esté à Modène et à Ferrare, de 1264 à 1484. — La principauté de Mantoue, que nous venons de citer, nous ramène aux républiques qui, à l'instar de Milan, se changèrent en tyrannies, puis ensuite en principautés reconnues. H est impossible de les mentionner toutes, et quelques-unes de celles qui jouèrent pendant un certain temps un rôle très brillant dans l'histoire italienne n'ont fait subir à la géographie de ce pays aucun changement durable. La domination exercée par les Scala à Vérone et par les Carrare à Padoue n'a laissé aucune trace durable sur la carte. Il en fut autrement des deux états qui bordaient les possessions vénitiennes au sud. Les princes de la maison de Gonzague furent souverains à Mantoue pendant près de quatre cents ans (1328-1708), comme capitaines d'abord, puis comme marquis (1433), et ducs (1530). La maison d'Esté, branche italienne de .la maison des Welfs, s'acquit une renommée encore plus grande, et de plus elle nous montre les différentes formes de domination qui existaient alors. Les marquis d'Esté, seigneurs féodaux de la petite principauté de ce nom, devinrent, après quelques-unes des fluctuations habituelles, seigneurs permanents des villes de Ferrare et de Modène (1264-1288). A peu près à la même époque, ils perdirent Este, leur première possession, qui passa à Padoue et avec Padoue à. Venise, de sorte que les marquis nominaux d'Esté et seigneurs réels de Ferrare furent généralement désignés comme marquis de Ferrare ; au quinzième siècle, ils reçurent le titre ducal. Mais à cette époque la nouvelle doctrine de la domination temporelle des papes avait fait de grands progrès. Modène,
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cela n'était pas douteux, était ville de l'empire, tandis que Ferrare était alors considérée comme relevant de la suprématie du pape. Le marquis Borso eut donc à demander son élévation au rang ducal à deux suzerains distincts. Il fut créé duc de Modène et de Reggio par l'empereur (1453), et ensuite duc de Ferrare par le pape (1471). Cette différence de tenure amena, comme nous le verrons dans la suite, la ruine de la maison d'Esté. Vers le milieu du quinzième siècle, les possessions de la maison d'Esté formaient deux groupes séparés : à l'ouest, le duché de Modène et de Reggio; à l'est, le duché de Ferrare, lequel, peu de temps après sa création, fut diminué du district frontière de Rovigo au profit de Venise (1484). Principautés de la Romagne. — Commencements des États de l'Église. — Entre les deux grands-duchés de la maison d'Esté se trouvait Bologne. Comme beaucoup d'autres villes italiennes, les républiques de l'exarchat et de la pentapole se changèrent en tyrannies, et leurs petits princes furent renversés les uns après les autres par la puissance croissante des papes. Chaque ville avait sa dynastie ; mais quelques-unes seulement, comme les Bentivoglio à Bologne, les Baglioni à Pe'rouse et les Malatesta à Rimini, acquirent une certaine importance historique. Les Montefeltro, seigneurs d'Urbin, virent en outre leur titre do ducs reconnu par le pape (1478). Après eux, le duché passa à la maison de la Rovère (1508) et il eut une certaine importance sous cinq princes des deux dynasties. Peu à peu, par des annexions successives, la domination des papes s'étendit, avant le milieu du seizième siècle, depuis le Pô jusqu'à Terracine. Ferrare et Urbin restaient toujours des états distincts, mais ils n'en relevaient pas moins ouvertement du saint-siège. , Républiques de la Toscane. — En Toscane, les choses se présentent d'une façon assez différente. La caractéristique de cette partie de l'Italie, c'était le groupement des petites villes sous le pouvoir de la plus grande. Là aussi,
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presque tout le pays finit par appartenir à des princes; mais ces principautés reconnues, ainsi que les tyrannies quii les avaient précédées.., eurent de l'importance en Toscane plus tard que partout ailleurs. Lucques eut au quatorzième siècle une courte époque de grandeur sous son célèbre tyran Castruccio (1520-1338) ; niais, avant et après cette époque, elle ne joua, comme république, qu'un rôle secondaire en Italie. Cependant elle put se maintenir en république jusqu'au bouleversement général de la Révolution française; dans les derniers temps, toutefois, elle était devenue une oligarchie. Pise conserva pendant un certain temps sa grandeur maritime et elle resta la rivale de Gênes. Cette dernière république, moins célèbre au début, forma un état bien plus durable. Elle établit sa domination sur le littoral situé do chaque côté de sa rivale, et elle conserva la Corse jusqu'à une époque très peu éloignée de nous. Des causes physiques amenèrent la ruine de la puissance maritime de Pise; après une guerre de plus de cent ans (1309-1428), la Sardaigne devint un royaume de la maison d'Aragon, et Pise passa elle-même sous la domination de Florence (1416). Cette ville célèbre, la plus grande des républiques de Toscane et même d'Italie, commençait à être telle à peu près à l'époque où sa devancière, Milan, tombait sous l'autorité des tyrans. Florence étendit sa domination sur Vollerra, Arezzo et beaucoup d'autres villes de moindre importance, et elle finit par devenir maîtresse de toute la Toscane septentrionale. Au sud, la république de Sienne forma également une domination assez étendue. Les Médicis à Florence (1434-1567). — Duché et présides de Toscane. — Les Médicis, à Florence, arrivèrent à former une tyrannie héréditaire, mais cette tyrannie eut un caractère intermittent (de 1434 à 1494 et de 1512 à 1527); elle était soutenue seulement par la force étrangère, et elle était renversée chaque fois que Florence avait la force d'agir par elle-même. Ce fut seulement après la
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LE ROYAUME D'ITALIE DES EMPEREURS ALLEMANDS.
dernière défaite de Florence par les forces combinées' de l'empereur et du pape qu'elle devint, sous Alexandre, premier duc de la maison de Médicis, une principauté reconnue (1530). Gosme Ier, le second duc, annexa Sienne et tout le territoire de cette république (1557), excepté l'île d'Elbe et quelques points sur la côte, qui passèrent la même année au royaume de Naples, — c'est-à-dire à la monarchie espagnole, dont ce royaume faisait alors partie, — et qui reçurent le nom de présides (stati degli presidï). L'état fondé ainsi par Gosme était l'un des plus considérables de l'Italie; il comprenait toute la Toscane, excepté le territoire de Lucques et les pays qui devinrent espagnols. Son chef échangea ensuite, avec la permission du pape, son titre de duc de Florence pour celui de grand-duc de Toscane (1567).
�CHAPITRE IV
LA PÉNINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVIe SIÈCLE1
I
PREMIÈRE PÉRIODE (1530-1797)
Aperçu général. — Après le couronnement de CharlesQuint à Bologne en 1530, il aurait pu sembler qu'une nouvelle existence allait commencer pour l'empire romain et le royaume d'Italie. Un prince qui portait les deux couronnes était réellement maître de la péninsule. Mais, si le pouvoir de l'empereur était rétabli, celui de l'empire ne l'était pas. A partir de ce moment cessa, pour ainsi dire, toute notion d'un royaume d'Italie tel qu'il existait autrefois ; le fait était accompli déjà depuis longtemps, et le couronnement pompeux de 1530 ne fit qu'en réveiller le nom, qui disparut ensuite pendant plus de deux siècles et demi. L'Italie devint véritablement une « expression géographique ». On y voyait un certain nombre de principautés et de républiques, toutes nominalement indépendantes ; mais en fait cela n'était vrai " que pour quelques-unes et à des degrés différents. Elles
1. Voir pour ce chapitre les cartes 25 à 52,
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LA PENINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI" SIECLE.
étaient pour la plupart placées sous l'influence étrangère, et quelques-unes d'entre elles étaient même gouvernées par des princes étrangers. Les états italiens furent unis, partagés, passèrent d'un maître à un autre, selon les fluctuations de la guerre et de la diplomatie, sans que la volonté de ses habitants ou l'autorité d'un pouvoir central quelconque y fussent pour quelque chose. En réalité, il y eut bien un pouvoir dominant pendant la plus grande partie de cette' période, mais ce ne fut pas celui d'un roi d'Italie, même nominal. Pendant longtemps ce pouvoir appartint à la maison d'Autriche, à la branche espagnole d'abord, car ce fut elle qui hérita à l'abdication de Charles-Quint de sa suprématie en Italie (1555-1701), puis à la branche allemande (1713-1793), dont la domination, moins absolue, fut exercée, non pas au nom de l'empire ou de l'un quelconque des royaumes impériaux, mais dans son caractère exclusivement autrichien. Et maintenant que le nom d'Italie ne signifie plus qu'une certaine étendue de la carte, il nous faut accorder quelque attention à deux états qui vont avoir une influence plus directe sur l'histoire italienne ; ces deux états sont au nord la Savoie et au sud les royaumes Siciliens. Groupement de l'Italie septentrionale en États plus considérables (1540-1748). — Vers l'époque du couronnement de Charles-Quint, ou du moins pendant la génération qui suivit, la plus.grande partie de l'Italie finit par ne plus comprendre qu'un petit nombre d'états, d'une étendue considérable comparativement à ceux qui existaient auparavant. 11 y avait bien encore quelques petites principautés, comme celle de Monaco, située tout à fait au nord-ouest, et qui existe encore ; de même la petite république de San Marin, enclavée d'abord dans les États de l'Église, et maintenant dans le royaume moderne d'Italie. Mais tous ces petits états n'étaient que de simples survivants. Au nord-est, Venise perdit momentanément ses possessions continentales dans la guerre de la ligue de Cambrai ; mais
�LA PENINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVP SIECLE.
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elle les conserva ensuite jusqu'à sa chute finale (1517-1797). Au traité de Bologne 1530, elle perdit Ravenne; elle perdit également les villes de Brindisi et Monopoli, qu'elle avait acquises pendant les guerres napolitaines; mais ses possessions continues en Vénétie et en Lombardie restèrent intactes jusqu'à sa chute finale A l'ouest des possessions vénitiennes, le duché de Milan passa par succession aux deux branches de la maison d'Autriche, à la branche espagnole d'abord (1540-1700), puis à la branche allemande (1700-1796). Mais lorsqu'il fut devenu possession autrichienne, le duché subit des empiétements constants de la part de la Savoie. Le marquisat de Montferrat, tant qu'il resta une principauté séparée, se trouvait placé entre le Milanais et les possessions italiennes des ducs de Savoie. Lorsque l'ancienne ligne de marquis fut éteinte, le Montferrat fut disputé entre les ducs de Savoie et de Mantoue. Adjugé à Mantoue et élevé au rang de duché par l'autorité impériale (1536), il fut en partie conquis par la Savoie (1615-1631). Enfin, par l'un des derniers exercices de l'autorité impériale en Italie, le duché de Mantoue fut confisqué au profit de l'empire, c'est-à-dire qu'il devint possession autrichienne. A la même époque, l'autorité impériale confirma le Montferrat à la Savoie (1708-1713). La domination autrichienne en Italie s'agrandit ainsi au sud-est par l'addition du territoire de Mantoue, mais toute la frontière occidentale du Milanais se trouva alors ouverte aux agrandissements de la Savoie. Les mêmes traités qui confirmèrent le Montferrat à la Savoie, et Mantoue à l'Autriche, démembrèrent également le Milanais en faveur de la Savoie. La Savoie acquit ainsi l'extrémité sud-ouest du duché, Alexandrie et les districts voisins (1713); plus tard, au traité de Vienne (1758), elle acquit Novare au nord et Tortone au sud, et enfin, au traité d'Aix-la-Chapelle (1748), tout ce qui était à l'ouest du Tessin, lequel servit dorénavant de frontière. Lies États de l'Italie centrale et la Corse
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U-PENINSULÈ ITALIENNE DEPUIS LE XVI» SIECLE.
(1598-1768). — Le duché de Parme et Plaisance, à l'extinction de la maison de Farnèse, passa à la branche espagnole de la maison de Bourbon (1751-1749). Modène et Ferrare restèrent unis jusqu'à l'annexion de Ferrare aux états du pape, son suzerain, comme fief tombé en déshérence (1598). Au siècle suivant, les Étals de l'Église s'agrandirent encore, par l'annexion du duché A'Urbin (1651). La maison d'Esté continua à régner sur Modène, ainsi que sur Regyio et Mirandole; en 1718, elle étendit ses possessions jusqu'à la mer par l'acquisition de Massa et d'autres petits territoires situés entre Lucques et Gênes. Le duché passa finalement, par succession féminine, à la maison d'Autriche (1771-1805). Gênes et Lucques restèrent des républiques aristocratiques ; mais Gênes perdit la Corse, qui passa à la France (1768). Le grand-duché de Toscane, après l'extinction de la maison de Médicis (1757), fut assigné au duc François de Lorraine, plus tard empereur sous le nom de François Ier ; après quoi il resta dans la maison de Habsbourg-Lorraine. Formation du royaume des Deux-Siciles (1265-1528). — Royaume de Sar daigne (1718). — Ainsi, excepté pour le Piémont et le Milanais, tout le temps qui s'écoule depuis Charles-Quint jusqu'à la Révolution française fut, dans l'ancien royaume d'Italie, bien moins remarquable par les changements survenus dans les frontières des différents états que par la manière dont ils passèrent d'un maître à un autre. Cela est encore plus remarquable si nous considérons le sud de la péninsule et les deux grandes îles que, dans la géographie moderne, nous sommes convenus de rattacher à l'Italie. Le royaume normand, dont la formation au sud de l'Italie trouvera place dans un autre chapitre de ce livre, ne subit jamais, pour ainsi dire, d'autres changements de frontières que ceux résultant des différentes séparations et réunions de ses deux parties insulaire et continentale. La principauté de Bénévent, enclavée dans le royaume et appartenant aux papes, retourna
�LA PENINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI0 SIECLE
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après chaque guerre à son souverain ecclésiastique. Mais les changements, divisions et réunions des Deux-Siciles et de l'île de Sardaigne ont été innombrables. Le royaume sicilien des rois normands et souabes, comprenant à la fois l'île de ce nom et les provinces continentales, passa intact en 1265 à Charles d'Anjou. Après la révolte de la Sicile en 1282, le royaume fut divisé en deux parties, l'une insulaire, l'autre continentale, chacune conservant le nom de royaume de Sicile, quoique le royaume continental fût plus généralement appelé royaume de Naples. Les guerres des quatorzième et quinzième siècles amenèrent des changements de dynastie interminables dans le royaume continental, mais point de changements de frontières. Enfin en 1442, sous le fameux Alphonse, l'Aragon, la Sardaigne et la Sicile continentale devinrent trois royaumes ayant le même' souverain, alors que la Sicile insulaire était, depuis 1296, sous l'autorité d'une autre branche de la même maison. La Sicile continentale passa ensuite (1458) à une branche illégitime de la maison d'Aragon, tandis que la Sardaigne et la Sicile insulaire restèrent en la possession de la branche légitime. L'invasion du roi de France, Charles VIII, et les longues guerres qui en furent la suite (1494-1528), les conquêtes, les restaurations, les plans de partage, tout se termina par l'union finale des deux royaumes siciliens, ou royaume des Deux-Siciles, comme il fut alors désigné. Ce royaume, ainsi que la Sardaigne, fit partie après Charles-Quint delà grande monarchie espagnole (1556-1701). Une séparation momentanée du royaume insulaire, qui fut faite pour donner à Philippe H le titre de roi pendant que son père régnait encore, n'a d'importance qu'à cause du titre de roi de Naples, employé alors officiellement pour la première fois (1554-1555). Lors du partage de la monarchie espagnole, la Sardaigne et Naples furent compris dans le lot de la maison d'Autriche, et la Sicile dans celui du duc de Savoie, qui eut dès lors rang de roi (1713). En 1718, il y eut accord pour échanger
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LA. PÉNINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI" SIECLE.
les deux îles : la Sardaigne passa à la Savoie, et l'empereur Charles VI régna, comme Frédéric II et Cliarles-Quint, sur les Deux-Siciles. Celles-ci passèrent bientôt à un nouveau maître espagnol1, premier prince de la dynastie des Bourbons de Naples (1735). Les Deux-Siciles formaient ainsi, à la fin du siècle dernier, un royaume distinct et unifié, tandis que la Sardaigne formait le royaume éloigné du duc de Savoie et prince de Piémont. Le royaume avait bien moins d'importance que la principauté ou le duché ; mais, comme la Sardaigne donnait à leur souverain commun son titre le plus élevé, le nom sarde arriva souvent, dans la langue ordinaire, à être étendu aux possessions continentales de son roi.
Période révolutionnaire et républicaine (17»6-1801). — A la période que nous venons de parcourir, et dans laquelle les changements géographiques furent comparativement restreints, en succède une autre où, en Italie comme en Allemagne, les frontières furent constamment déplacées ; de nouveaux noms furent inventés et d'autres oubliés furent remis en usage; les anciennes délimitations furent complètement effacées; les trônes enfin, élevés et renversés avec une rapidité qui déroute l'historien. Le premier changement strictement géographique qui eut lieu en Italie par le fait des guerres révolutionnaires fut caractéristique. Une République Cispadane, la première d'une série de républiques éphémères portant des noms empruntés aux temps passés, comprit le duché de Modène et les léga1. Après la guerre de succession d'Autriche. (Note du traducteur.)
�LA PENINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI' SIECLE.
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tions pontificales de la Romagne ; et, sans suivre exactement les mêmes limites, elle répondait à peu près à l'ancien exarchat (1796). Après les victoires successives de la France sur l'Autriche, les duchés autrichiens de Milan et de Mantoue furent transformés en une République Transpadane (1797). Lorsque le traité de Campo-Formio eut consommé la ruine de Venise, ses possessions en Lombardie furent réunies aux deux nouvelles républiques pour former un seul état, qui prit le nom de République cisalpine; Venise elle-même, ainsi que les possessions qu elle avait dans l'ancienne Vénétie et dans l'Austrie lombarde, furent données à l'Autriche (1797). Ce dernier changement diminuait d'une façon bien nette les limites de l'Italie. En effet, le duché de Milan aux mains de l'Autriche était une possession autrichienne isolée, tandis que la Vénétie, confinant à l'ancien territoire de la maison d'Autriche, se trouva après son incorporation à l'Autriche bien plus complètement séparée de l'Italie. Toute la côte septentrionale de l'Adriatique devint ainsi autrichienne dans le sens moderne de ce mot. Une république italienne — car Venise comptait depuis longtemps en Italie — fut ainsi renversée, et placée sous la domination d'un prince étranger. Mais partout ailleurs, à cette époque de changements révolutionnaires, le courant était à la création de républiques locales. Les possessions de Gênes devinrent une République Ligurienne; Naples une République Parthénopéenne ; Rome elle-même, laissant momentanément de côté le souvenir de ses rois, consuls, empereurs et pontifes, devint la capitale d'une République Tibérine. La plus grande partie du Piémont fut incorporée à la France. Quelques petits districts furent donnés aux républiques voisines, et le roi de Sardaigne se trouva réduit à la possession de son île. Au milieu de tous ces bouleversements d'états et de noms, l'ancienne république de San Marin continua d'exister. Retour aux formes monarchiques. — L'Italie
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LA PÉNINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI» SIÈCLE.
suivait donc l'exemple de la France révolutionnaire, et les nouveaux états étaient tous, au moins de nom, des républiques. Dans la période suivante, lorsque la France se rangea sous l'autorité d'un seul, principalement lorsque ce maître unique prit le titre impérial, la forme monarchique reprit partout le dessus. A Rome et à Naples la chose s'était déjà faite grâce à l'intervention du Gzar et du Sultan ; le Pape et le roi des Deux-Siciles furent en effet rétablis dans leurs états (1801). Parme fut annexé à la France, et son duc alla régner en Toscane avec le titre de Roi d'Étrurie (1801-1808). Le territoire de la république cisalpine fut augmenté de Venise et des autres territoires cédés à l'Autriche par le traité de Campo-Formio, de la Valteline, de l'ancien évêché de Trente et de la marche d'Ancône; la région ainsi décrite forma un royaume d'Italie (1805-1814). Son roi, le premier depuis Charles-Quint qui eût porté la couronne d'Italie, n'était autre que le chef du nouvel « empire français ». Les nouveaux territoires qu'il y eut à distribuer en Italie furent ajoutés, non pas au royaume, mais à l'empire, tels furent celui de la république ligurienne en 1805, et celui du royaume d'Étrurie en 1808. Lucques fut transformée en un grand-duché pour la sœur du conquérant. Enfin Rome ellemême, avec ce qui restait des anciennes possessions pontificales, fut incorporée à la France (1809). L'œuvre accomplie par Auguste et Charlemagne n'eut plus rien de commun avec la ville éternelle, et l'empire des Gaules que Civilis avait rêvé plus de dix-sept siècles auparavant, finit par se réaliser. L'Italie sous la domination française (18051814). — Le sort du reste de la péninsule avait été déjà décidé avant que Rome ne devînt française. Le roi bourbon des Deux-Siciles ne garda que la partie insulaire de son royaume, ainsi que le roi de Sardaigne; la partie continentale passa sous le nom de Royaume de Naples à Joseph Bonaparte (1806), puis à Joachim Murât (1809). Les Présides de Toscane, qui dépendaient de la couronne de Sicile,
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avaient été déjà annexées à la France, et Bénévent, enclave pontificale au milieu du royaume, devint une principauté séparée. Ainsi toute l'Italie —, en laissant de côté la Sardaigne et la Sicile — reconnut sous une forme ou sous une autre la domination française. Toute la partie occidentale, depuis Aoste jusqu'à Terracine, fut, à l'exception du. nouveau duché de Lucques, formellement incorporée à la France. La partie du nord-est, depuis Bôzen jusqu'à Ascoli, forma un royaume d'Italie distinct de la France, mais gouverné par le même souverain ; ce royaume s'agrandit en outre plus tard, vers le nord, des pays italiens qui étaient devenus suisses et allemands. Au sud, le royaume de Naples resta indépendant, dans la forme seulement, car il fut gouverné par des princes qui ne pouvaient guère se considérer que comme les humbles vassaux du puissant empereur leur parent. Jamais l'Italie n'avait subi si complètement la domination étrangère ; le nom d'Italie cependant, et même l'ombre d'un royaume d'Italie subsistaient toujours, au moins dans une partie de la péninsule. Et, comme les noms et les ombres ne sont pas sans influence sur les affaires humaines, le seul fait qu'un état italien existât et fût désigné par ce nom, produisit son effet. Cette création d'une Italie factice devait aider dans la suite à la création d'une véritable Italie. Réorganisation de l'Italie (1814-1815). — La réorganisation de l'Italie, après la chute de Napoléon, fut bien plus strictement un retour à l'ancien état de choses que celle qui eut lieu pour l'Allemagne à la même époque. L'Italie resta une expression géographique, et ses états furent comme par le passé indépendants les uns des autres. En réalité ils étaient dépendants d'une puissance étrangère, mais aucun lien, si faible qu'il fût, ne les reliait entre eux. Le principe qui présida à cette réorganisation fut que les princes dépossédés devaient recouvrer leurs états, tandis que les républiques qui avaient été renversées ne devaient pas être rétablies. La petite république de San Marin fut
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LA PENINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI' SIÈCLE
cependant maintenue. Venise, Lucques et Gênes restèrent gouvernées par des princes. Le souverain de la Hongrie et de l'Autriche, qui avait pris le titre « d'empereur » de son archiduché, se tailla un royaume en Italie. Ce royaume porta le nom de Royaume de Lombardie et de Venise. Il arriva alors que, comme son prédécesseur français, le monarque autrichien prit sur lui de porter la couronne d'Italie. Le nouveau royaume comprenait les anciennes possessions de la maison d'Autriche en Italie, c'est-à-dire les duchés de Milan et de Mantoue, agrandis des anciennes possessions de Venise qui étaient devenues autrichiennes au traité de Campo-Formio. L'ancienne limite de l'Allemagne et de l'Italie fut rétablie. Trente, Aquilée, Trieste, furent de nouveau séparées de l'Italie ; elles eurent le même prince que Milan et Venise, mais elles ne firent pas partie du royaume lombard-vénitien de ce prince. Sur une autre frontière, comme il s'agissait de restitutions à une république, on eut moins d'égards pour le passé, et la Valteline fit partie du nouveau royaume autrichien, Le Tessin redevint comme jadis la frontière du côté du Piémont, après que celui-ci eut été rendu au roi de Sardaigne. Ce prince bénéficia en outre des anciennes possessions de Gênes, ce qui lui donna la totalité du littoral ligurien, saul la petite principauté de Monaco, qui fut maintenue. Parme, Modène et la Toscane redevinrent des duchés séparés, et Lucques continua d'en être un. Les arrangements de famille qui firent passer tous ces états à telle ou telle veuve, n'ont rien à voir avec la géographie; tout ce qu'il est nécessaire de noter, c'est qu'en vertu d'un de ces arrangements, Lucques fut finalement ajouté à la Toscane. Gte grand-duché fut en outre augmenté des anciennes possessions de la couronne sicilienne, au nombre desquelles était l'île d'Elbe, cette [île qui fut momentanément un empire. Le pape recouvra tout ce qu'il possédait en Italie avant la tourmente révolutionnaire, y compris la principauté de Benévent. Enfin, le royaume des Deux-Siciles fut aussi
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rétabli, lorsque le royaume de Naples eut été rendu à son roi bourbon. Telle fut l'Italie de 1815. Sauf la disparition de ses républiques, et l'augmentation de territoire au profit de la Sardaigne et de l'Autriche qui en résulta, elle différait très peu, géographiquement, de l'Italie de 1748. Mais en 1815 il y avait des espérances qui n'existaient pas en 1748. L'Italie était divisée sur la carte, mais elle avait résolu de s'unifier. Unification de l'Italie sous la maison de Savoie (1859-186©). — Cette œuvre d'unification devait partir de l'une de ces régions extrêmes que nous avons vues, à une époque plus ancienne, appartenir à peine à l'Italie. Elle ne devait pas être accomplie par Milan, Florence ou Rome, mais par une maison princière dont les origines avaient été plutôt bourguignonnes qu'italiennes, dont les principales possessions avaient été pendant longtemps sur le versant bourguignon des Alpes. Cette maison, en effet, ne prit que peu à peu un caractère italien, et elle se trouvait alors (1815) la seule dynastie nationale en Italie. Les possessions italiennes de la maison de Savoie, le Piémont, Gênes et l'île de Sardaigne, formaient maintenant l'un des principaux états italiens, et le seul qui, tout en étant gouverné despotjquement, ne fut pas en des mains étrangères. Les événements de 1848 n'amenèrent pas plus de changements durables sur la carte qu'en Allemagne ; et, si Rome, Venise, Milan, devinrent un moment des républiques, si les Deux-Siciles furent un moment séparées, l'état de choses 1 précédent fut rétabli l'année suivante. Il n'en fut pas de même en 1859 : les Français alliés aux Sardes enlevèrent la Lombardie à l'Autriche. Cette province nouvelle ajoutée au royaume de Sardaigne comprenait toute la partie du royaume lombard-vénitien située à l'ouest du Mincio, sauf Mantoue qui était laissée à l'Autriche. La France voulut former une confédération italienne, mais ce plan n'aboutit pas. La Toscane, Modène, Parme et la Romagne votèrent leur an47
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LA PÉNINSULE ITALIENNE DEPUIS LE XVI' SIÈCLE.
nexion au Piémont (1860). Les Deux-Siciles furent conquises par Garibaldi, et le titre royal de Sardaigne se confondit avec celui du royaume d'Italie restauré. Ce nouveau royaume d'Italie s'étendait, par suite de l'addition des Siciles, sur des pays qui n'avaient jamais fait partie de l'ancien royaume d'Italie. La Vénétie cependant restait toujours en dehors, et les Papes conservèrent les territoires situés à droite et à gauche de Rome, ceux qu'on appelait le Patrimoine et la Campagne. D'un autre côté, la France acquit la Savoie et Nice, pays plutôt bourguignons qu'italiens. Le royaume d'Italie était ainsi rappelé à l'existence; mais il n'était pas encore arrivé à la perfection. L'Italie avait cessé d'être une expression géographique, mais la frontière italienne présentait encore quelques anomalies géographiques. Annexion de la Vénétie (1866) et de Rome (187©). —La guerre de 1866, entre la Prusse et l'Autriche, donna la Vénétie à l'Italie; celle de 1870, entre l'Allemagne et la France, lui permit de recouvrer Rome. Les deux grandes lacunes de sa frontière se trouvèrent ainsi améliorées; mais, pour ne rien dire des annexions faites par la France, un groupe considérable de populations, parlant italien, et comprises dans les limites de l'ancien royaume d'Italie, restent toujours en dehors de celles du royaume moderne. Trente, Aquilée, Trieste, l'Istrie, font encore partie, non d'un royaume d'Italie, ni d'un royaume, confédération, ou empire germanique, mais d'une monarchie austro-hongroise. D'un autre côté, le nouveau royaume d'Italie a pris place parmi les grandes puissances européennes ; sauf la république de San Marin qu'il entoure de toutes parts, et qui, comme Rhodes et Byzance sous les premiers empereurs romains, conserve .on antique liberté, il s'étend d'un bout à l'autre de la péninsule.
�CHAPITRE V
LE ROYAUME DE BOURGOGNE1
Sa disparition comme état européen. — Son étendue et sa composition. — Le royaume de Bourgogne, qui fut réuni à ceux dAllemagne et d'Italie après la mort de son dernier roi Rodolphe III (1032), a eu une destinée tout à fait différente de celle des autres parties de l'Europe. Le souvenir d'un royaume de Bourgogne a fini par disparaître peu à peu. La plus grande partie de son territoire a été absorbée par un puissant voisin, et la petite partie qui a échappé à cette destinée a longtemps gardé des traces de son nom originel et de ses premières relations politiques. Une longue série d'annexions, réparties sur un espace de plus de cinq siècles, a fini par incorporer à la France la plus grande partie du royaume. Le reste appartient maintenant pour une petite partie au nouveau royaume d'Italie, tandis que le surplus conserve toujours son indépendance, sous la forme républicaine, dans les cantons de la Suisse occidentale. Ces cantons sont actuellement les représentants les plus vrais du royaume de Bourgogne ; et la confédération
1. Voir pour ce chapitre les cartes 21 à 2b\
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dont ils font partie, placée comme elle est, avec une neutralité garantie, entre la France, l'Italie, le nouvel empire d'Allemagne et la nouvelle monarchie autrichienne, continue en quelques sorte l'ancienne fonction de la Bourgogne comme royaume intermédiaire. Elle a cela d'ailleurs de commun avec les pays lotharingiens situés à l'autre extrémité de l'Empire ; ceux-ci font partie du royaume également neutre de Belgique, et se sont eux-mêmes trouvés, à une époque assez antérieure, bourguignons dans un autre sens. Le royaume de Bourgogne, placé entre les Alpes, la Saône, le Rhône et la Méditerranée, avait, on peut le dire, des frontières naturelles parfaitement définies ; et tant qu'il garda une ombre d'existence séparée, ses frontières ne changèrent pas sensiblement. Elles étaient cependant quelque peu variables du côté' du royaume occidental, où la limite était parfois le Rhône, et parfois aussi s'étendait jusqu'à la chaîne de collines situées à l'ouest de ce fleuve. Elles étaient aussi, comme nous l'avons vu, quelque peu changeantes du côté de l'Allemagne, et le royaume renfermait dans cette région quelques districts de langue allemande; partout ailleurs la langue romane prévalait, et elle comprenait plusieurs dialectes de la langue d'oc. La partie septentrionale du royaume, correspondant à pou près à l'ancien royaume de Bourgogne transjurane — le Regnum Jurense — formait deux états principaux : le comté palatin de Bourgogne — la Franche Comté moderne — et la Petite Bourgogne, correspondant à peu près à la Suisse occidentale et à la Savoie septentrionale. Le grand comté de Provence, touchant à la Méditerranée, était séparé des deux principautés septentrionales par un certain nombre de petits comtés. Mais ce qui caractérisait surtout le pays, c'était que nulle part en Europe, si ce n'est en Italie, il n'y avait autant de cités considérables à côté les unes des autres. Beaucoup d'entre elles essayèrent à plusieurs reprises, et avec plus ou moins de succès, de se transformer en républiques indépendantes.
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PARTIE
SEPTENTRIONALE. [— LE COMTE DE ET LA PETITE BOURGOGNE
BOURGOGNE
ILe Comté de Bourgogne. — Besançon et Montbéliard. — Cependant, bien que le royaume de Bourgogne eût ainsi, comme on pourrait le penser, sur trois côtés au moins, une vraie frontière naturelle, il n'avait réellement qu'une très petite unité. La partie septentrionale conserva naturellement ses rapports avec l'Empire plus longtemps que la partie méridionale. Le comté palatin de Bourgogne changea souvent de dynastie ; et il est à remarquer combien de fois il fut possédé séparément par plusieurs des grands princes de l'Europe. L'empereur Frédéric Barberousse le posséda de 1156 à 1189, en vertu des droits qu'il tenait de sa femme; le mariage de l'un de ses descendants 1 le donna (1515-1522) à Philippe V, roi de France. Il fut ensuite réuni avec le duché français de Bourgogne sous les ducs de la maison de Valois (1369) ; et sauf une occupation française momentanée, après la mort de Charles le Téméraire (1477), il resta à ces ducs et à leurs successeurs autrichiens et espagnols. Parmi ceux-ci, il eut une seconde fois un empereur pour comte dans la personne de Charles-Quint. Cependant, malgré tous ces changements de dynastie, il resta fief reconnu de l'empire jusqu'à son annexion à la France sous Louis XIV (1678). La capitale de ce comté, on doit s'en souvenir, était Dôle. La métropole ecclésiastique de Besançon se trouvait entourée par le comté ; mais, depuis Frédéric Barberousse jusqu'à
1. Jeanne de Bourgogne, fille d'Otton IV. (Noie du traducteur.)
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Ferdinand III (1189-1651), elle resta ville libre de l'Empire. Elle fut alors réunie au comté et passa avec lui à la France. Il faut noter aussi qu'un petit pays bourguignon de cette région, le comté de Montbéliard ou Mumpelgard, resta fidèle à l'Empire jusqu'aux guerres de la Révolution française, d'abord comme état séparé, puis comme état réuni au duché de Wurtemberg ; il fut alors annexé pour toujours à la France (1796).
La Petite Bourgogne des Ducs de Zahringen. — Sa désagrégation au treizième siècle.
— Tandis que le Palatinat bourguignon conservait ainsi son unité dans la géographie européenne, la Petite Bourgogne avait une histoire bien différente. La géographie devient ici quelque peu confuse, parce que la Petite Bourgogne, dont au douzième siècle les ducs souabes de Zahringen devinrent recteurs, comprenait quelques districts qui ne faisaient pas partie du royaume de Bourgogne; et en outre parce que, le royaume étant lui-même dans sa partie orientale habité par des peuplades germaniques, sa frontière du côté de l'Alemannie, ou Souabe, était assez changeante. L'Aar peut être prise comme limite du royaume, tandis que la Petite Bourgogne, comme division administrative, s'étendait plus loin du côté de l'est. Ainsi Bâle, Berne, Fribourg étaient réellement en pays bourguignon, tandis que la ville de Lucerne et le pays d'Unterwalden étaient compris dans la Petite Bourgogne sans avoir fait jamais partie du royaume de Bourgogne. Tous ces pays conservèrent longtemps leur connexion avec l'empire, bien que l'agglomération qui formait la Petite Bourgogne ne restât pas longtemps intacte. Lorsque la maison de Zahringen s'éteignit (1218), le pays commença à se diviser en petites principautés et en villes libres, qui devinrent graduellement des républiques indépendantes. Les comtes de Savoie acquirent un territoire considérable sur les deux bords du lac de Genève. Les évêques de Bâle, Lausanne, Genève et Sion (Sitten), ainsi
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que les comtes de Genève, Kybourg, Gruyères et Neuchâtel devinrent des princes importants. Bâle, Soleure et Berne devinrent des'villes libres impériales; les rapports assez compliqués qui existaient entre les évêques et la ville de Genève faisaient que cette ville n'avait pas un droit tout à fait strict à ce titre de ville libre. Dans Unterwalden et dans le Valais, malgré les possessions et les prétentions des différents seigneurs spirituels et temporels, le trait le plus caractéristique était le maintien de l'ancienne indépendance rurale. Lucerne, Berne, Fribourg, Soleure et Bâle devinrent successivement membres de l'ancienne ligue de la Haute Germanie, qui a été le point de départ de la confédération suisse. Les pays savoisiens au nord du lac de Genève furent conquis par Berne et l'ribourg au seizième siècle, et cette conquête assura également l'indépendance de Genève. Tous ces pays, après avoir passé par l'état intermédiaire d'alliés ou de sujets des divers états confédérés, sont devenus à leur tour, dans les temps modernes, des cantons indépendants. Lorsque nous arriverons à l'histoire de la confédération suisse, nous décrirons avec plus de détails de quelle façon s'opérèrent ces diverses annexions et affranchissements.
II
PARTIE MÉRIDIONALE. LES ANNEXIONS DE LA FRANCE
Le comté de Savoie et les autres principautés bourguignonnes du sud. — Au sud de ce groupe de principautés il y en avait d'autres, mêlées dans une certaine mesure avec elles, et qui se trouvaient en partie dans la Bourgogne cisjurane, et en partie dans la
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Bourgogne transjurane. Ces principautés se transformèrent en un grand état, après avoir été réunies successivement par les comtes de Maurienne, devenus dans la suite comtes de Savoie. Alors que la domination de ces princes avait sa plus grande étendue, elle comprenait le Genevois, le Chablais et le Faucigny au sud du lac de Genève ; Maurienne et la Savoie proprement dite, les districts à'Aoste et de Tarantaise, les pays de Vaud et de Gex au nord du lac. Nous consacrerons d'ailleurs un chapitre spécial à la formation territoriale de cet état, que nous avons déjà envisagé dans son aspect purement italien. Le royaume de Bourgogne comprenait enfin un certain nombre de petits états s'étendant depuis la frontière méridionale du comté bourguignon jusqu'à la Méditerranée; au nord du Rhône, il y avait la Bresse et le Bugey, qui devinrent à plusieurs reprises la propriété de la maison de Savoie1. Au sud du Rhône, les plus importants, historiquement, de tous ces états étaient l'archevêché, le comté et la ville libre de Lyon, le comté ou dauphine' de Vienne et la ville de Vienne, le comté ou principauté d'Orange, la ville d'Avignon, le comté de Venaissin, la ville libre d'Arles, capitale du royaume disparu, la ville libre de Massalia ou Marseille, le comté de Nizza ou Nice, et le grand comté ou marquisat de Provence. Gouvernée par des princes indigènes, puis par des rois d'Aragon, la Provence passa ensuite par mariage (1246) à un prince français, Charles d'Anjou, celui qui conquit la Sicile et par qui Marseille perdit pour la seconde fois sa liberté.
Les annexions de la France (131©-17 91). —
Lorsque l'état le plus important du royaume de Rourgogne fut ainsi devenu la possession d'un prince français, l'ancien état de choses ne se trouva pas immédiatement changé. Cependant, cela donna une force toute nouvelle à la tendance qui éloignait de l'Empire les pays bourguignons, en les
1. La Bresse (1272 et 1402) ; le Bugey (1137 et 1544)
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rapprochant de la France à laquelle ils devaient être ensuite incorporés. Peu à peu, et par un procédé qui dura plusieurs siècles, toutes les principautés et républiques du royaume de Bourgogne passèrent à la France, sauf les pays qui sont devenus suisses, et l'unique vallée d'Àoste qui est maintenant italienne. Cette tendance se manifesta de bonne heure. Avignon fut occupée un moment pendant les guerres contre les Albigeois (1226) ; mais le procédé d'annexion commença avec Philippe le Bel qui, à la faveur des disputes existant entre l'archevêque de Lyon et les citoyens de cette ville, s'empara de la ville impériale pour la joindre à ses domaines (1510). La capitale de toutes les Gaules, le siège du primat de toutes les Gaules, passa ainsi entre les mains de la nouvelle monarchie de Paris, et c'est ainsi que commencèrent les agrandissements de la France aux dépens du royaume intermédiaire. Au milieu du quatorzième siècle, le Dauphiné de Vienne fut le prix d'un marché consenti par son dernier prince indépendant (1343). Avant de devenir simple province du royaume de France, le Dauphiné passa également par l'état intermédiaire de fief impérial aux mains de l'héritier présomptif de la couronne de France ; mais son acquisition n'entraîna pas celle de la ville de Vienne, qui resta en dehors pendant plus d'un siècle. Entre l'acquisition du Dauphiné et celle de la ville de Vienne (1448), le comté de Valence avait été annexé au Dauphiné (1446). La Provence fut elle-même définitivement annexée vers la fin du quinzième siècle (1481). Le gouvernement des princes français dans ce comté, pendant deux siècles, avait sans aucun doute tout fait pour cette annexion. L'acquisition de la Provence entraîna avec elle celle des villes d'Arles et de Marseille auxquelles les comtes de Provence avaient enlevé leur liberté. La totalité du pays compris entre le Rhône et la mer fut alors annexée à la France, sauf un état situé tout à fait au' sud-est du royaume, et un groupe de petits états qui se
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3 ROYAUME DE BOURGOGNE.
trouvaient maintenant entourés de tous côtés par le territoire français. Le premier était le comté de Nizza ou Nice, qui avait passé de la Provence à la Savoie (1388), avant l'annexion française de la Provence. Mais à cette époque la Savoie était devenue un état italien ; Nice doit donc, à partir de ce moment, être considéré comme italien plutôt que bourguignon. Entre la Provence et le Dauphiné se trouvaient la ville d'Avignon, le comté de Venaissin et la principauté d'Orange. Avignon et le Venaissin passèrent aux mains des Papes, qui les achetèrent au souverain de la Provence (1348); et, bien que le territoire français les entourât, à la fin, de toutes parts, ils ne furent annexés à la France qu'en 1791. Ces possessions éloignées des papes aidèrent peut-être à sauvegarder, dans une certaine mesure, l'indépendance d'un autre fragment plus intéressant de l'ancien royaume. Nous voulons parler de la principauté A'Orange que le voisinage des papes empêchait d'être circonvenue par le territoire français. Ce petit état, dont le nom a été illustré par des princes fameux, fut possédé par plusieurs dynasties; pendant longtemps, il fut régulièrement saisi par la France dans le courant de chaque guerre, pour être d'ailleurs régulièrement rétabli dans son indépendance à chaque traité ; ce ne fut pas, en effet, avant le dix-huitième siècle qu'il fut définitivement annexé (1714-1771)-. Les acquisitions d'Orange, d'Avignon et du Venaissin complétaient les agrandissements de la France dans les pays compris entre le Rhône et le Var ; nous décrirons dans un autre chapitre la manière dont ils s'opérèrent dans les pays savoisiens
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III
LES ÉTATS MODERNES ISSUS DES TROIS ROYAUMES IMPÉRIAUX
Nous avons décrit la géographie historique des trois royaumes impériaux ; il nous reste maintenant à décrire de la même manière l'origine et le développement des États modernes de l'Europe qui sont sortis de l'un ou de plusieurs de ces royaumes. Certaines parties des royaumes de Germanie, d'Italie et de Bourgogne s'en sont détachées, de manière à former de nouvelles unités politiques, tout à fait distinctes de ces royaumes. Cinq états, qui ont joué dans la suite un rôle important dans l'histoire européenne, ont ainsi pris naissance ; et la plupart d'entre eux possèdent, plus ou moins, le caractère d'états intermédiaires placés entre la France et l'un quelconque ou plusieurs des royaumes impériaux. Premièrement, il y a la Confédération Suisse, qui se forma par l'alliance de certains districts et villes d'Allemagne; alliance qui devint si étroite, que leur commune fidélité à l'empire disparut graduellement. La confédération arriva à sa forme actuelle par l'addition de certains districts italiens et bourguignons. Secondement il y a, ou plutôt il y avait les possessions des ducs de Savoie, qui se formèrent par l'union de différents districts italiens et bourguignons; elles perdirent peu à peu ce caractère d'état intermédiaire, car toute la partie bourguignonne a été réunie à la France, et la partie italienne a été le point de départ d'une nouvelle Italie. Troisièmement, il y avait les domaines des ducs de Bourgogne, qui, formés par l'union de fiefs français et de fiefs impériaux, constituaient un état intermédiaire placé entre la
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France et l'Allemagne ; état qui est représenté, sur les caries modernes, par les royaumes de Hollande et de Belgique. La presque totalité du territoire de ces royaumes avait appartenu aux ducs de Bourgogne et avait été comprise dans l'ancien royaume de Germanie ; quelques parties furent aussi pendant un certain temps des fiefs français. La position intermédiaire de trois de ces quatre états et leur importance à ce titre ont été reconnues par la diplomatie moderne dans la neutralité qui est toujours garantie à la Belgique et à la Suisse, et qui a été jadis également étendue à certains districts de la Savoie. De tous ces états, la Suisse, la Savoie, et le duché de Bourgogne réprésenté par les deux royaumes des Pays-Bas, quelques-uns ont été réunis, en totalité ou en partie, à d'autres états, et ceux qui restent occupent seulement en Europe un rang secondaire. Mais il y a un cinquième état qui, maintenant tout à fait en dehors de l'Allemagne, conserve toujours en Europe son caractère de grande puissance ; c'est celui qui, à l'origine, simple petite marche germanique sur le Danube, s'est annexé successivement différents territoires allemands et non-allemands, puis s'est transformé en quelque chose de tout à fait distinct de l'Allemagne, en premier lieu sous le nom d'empire d'Autriche, et plus récemment sous celui de monarchie austro-hongroise. Cet état se distingue des autres, non seulement par son étendue qui est bien plus considérable, mais aussi par sa position. C'est un pays frontière, un royaume intermédiaire, mais dans un sens différent de la Bourgogne, de la Suisse, de la Savoie, ou de la Belgique. Tous ces pays que nous venons de nommer, étaient placés entre des états chrétiens, entre des états qui avaient tous fait partie de l'empire carolingien. Tous étaient situés sur le côté occidental des royaumes d'Allemagne et d'Italie. L'Autriche, elle, comme son nom latin d'Austria l'indique, s'est formée sur le côté oriental du royaume d'Allemagne, et elle a commencé par n'être qu'une marche, destinée à faire face aux envahisseurs touraniens et païens.
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La première mission de l'Autriche fut de garder l'Allemagne contre le Magyar; lorsque le Magyar eut sa place en Europe et dans la chrétienté, et que son royaume, au bout d'un certain temps, eut le même souverain que l'Autriche, celle-ci eut à accomplir le même devoir sous une autre forme. L'état formé par l'union de la Hongrie et de l'Autriche est un de ceux qui eurent principalement pour mission de défendre la Chrétienté contre les Turcs. Son histoire, par conséquent, forme un des traits d'union qui relient l'Europe orientale à l'Europe occidentale. 11 sera surtout question dans ce chapitre de sa partie occidentale, c'est-à-dire de celle qui eut des rapports avec l'Allemagne et l'Italie; dans son aspect oriental, la puissance austro-hongroise appartient bien plutôt à la catégorie des états qui se formèrent sur les ruines de l'empire d'Orient. Ainsi donc la Suisse, la Savoie, le duché de Bourgogne, les Pays-Bas et l'Autriche viennent naturellement s'ajouter aux chapitres que nous venons de consacrer aux trois royaumes impériaux, et nous allons prendre chacun de ces états dans l'ordre qui se trouve ainsi indiqué.
��CHAPITRE VI
LA CONFÉDÉRATION SUISSE1
Origines de la Confédération. Emploi du mot Suisse. — Nous avons déjà dit que la Confédération Suisse était, à son origine, purement germanique. Cette affirmation est parfaitement vraie, car tous les cantons originels étaient allemands de langue et de sentiments, et le titre officiel de leur union était l'Ancienne Ligue de la Haute-Germanie*. Cependant, pour être strictement exact, il y eut, comme nous l'avons dit dans le dernier chapitre, un petit élément bourguignon dans la confédération ; sinon dès l'origine, au moins à partir de son agrandissement au treizième et au quatorzième siècle. Nous voulons dire qu'une partie du territoire des états qui formèrent l'ancienne confédération se trouvait géographiquement dans le royaume de Bourgogne, et que, postérieurement, il s'en ajouta une autre, située dans la Petite-Bourgogne des ducs de Zahringen. . Mais à l'époque où l'histoire de la confédération commence, le royaume de Bourgogne était à peu près oublié, et le petit
1. Voir pour ce chapitre les caries 23 à 32 cl la carte 54. 2. Comprenant les trois cantons primitifs d'U?'i, Schwitz et Unterwalden* (Note du traducteur.)
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territoire de langue germanique qu'il comprenait tout à fait au nord-est peut être considéré comme entièrement germanique. Une division plus logique que les anciennes limites des royaumes est celle qui suit la limite des langues teutoniques et romanes. A ce point de vue, tous les cantons de l'ancienne confédération, excepté une partie de Fribourg, sont allemands; les cantons romans sont ceux qui se trouvèrent formés, dans les temps modernes, par l'adjonction . d'états alliés ou sujets. Il faut bien se mettre dans l'esprit que jusqu'aux dernières années du treizième siècle, pas même le germe de la Suisse moderne n'était apparu sur la carte ; ensuite, que la confédération ne devint un État indépendant qu'au dix-septième siècle ; enfin que le nom de Suisse, tout en ayant été employé d'une façon générale pendant des siècles, n'est cependant devenu le titre officiel do la confédération qu'au dix-neuvième. Il est de toute nécessité, en étudiant la géographie historique, de détruire cette idée qu'il y a toujours eu une région du nom de Suisse comme il y a toujours eu des régions de Germanie, de Gaule et d'Italie. 11 n'est pas moins nécessaire de bien établir que les cantons originels de la Suisse ne représentent en aucune façon les Helvètes de César ; que la Confédération Suisse n'est pas autre chose qu'une des nombreuses ligues germaniques; qu'elle fut plus durable, et devint plus étroitement unie que les autres ligues germaniques; qu'elle se détacha progressivement du royaume de Germanie ; et qu'en même temps, elle et ses membres acquirent une quantité notable d'alliés et de sujets, Italiens et Bourguignons ; enfin, que tous ces alliés et sujets ont été, dans les temps modernes, réunis en un seul corps fédéral avec les premiers confédérés germaniques,
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LES PREMIERS CONFÉDÉRÉS (1291-15(3)
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L'ancienne Ligue de la Haute Germanie (1291). — Les trois cantons souabes d'Uri, Schwitz et Unterwalden, qui formèrent le berceau de l'ancienne ligue, se trouvaient au point de jonction des trois royaumes impériaux, et une partie de chacun de ces royaumes figura dans la confédération telle qu'elle fut constituée plus tard. Le premier document que nous ayons sur la confédération entre les trois cantons date des dernières années du treizième siècle (1291). Mais ce document doit vraisemblablement avoir été plutôt la confirmation que le commencement réel de leur union. Ils avaient pour voisins plusieurs princes ecclésiastiques et temporels, d'autres pays et villes relevant de l'Empire, et au-dessus d'eux tous, les comtes de la maison de Kybourg et Habsbourg, qui avaient pris tout récemment un caractère plus dangereux en devenant ducs d'Autriche. Formation des huit anciens cantons (13321353). Leurs conquêtes aux dépens de l'Autriche (1415-1460). •— La Confédération s'agrandit pendant quelque temps par l'admission de pays et de villes voisines ; tous ces pays formèrent alors une confédération germanique ne reconnaissant d'autre supérieur que l'empereur. C'est ainsi que la ville de Lucerne se joignit la première à la ligue primitive. (1352); puis en 1351 la ville impériale de Zurich, qui avait déjà commencé à former une petite domination dans les pays avoisinants ; l'année suivante, le pays de Glaris, ainsi que la ville de Zug avec le petit territoire qui en dépendait (1352), et enfin (1553) la ville de Berne,
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LA CONFÉDÉRATION SUISSE.
qui avait déjà sous sa domination un nombre considérable d'alliés et de sujets détachés et éloignés. La ligue des Huit Anciens Cantons se trouva ainsi formée. L'alliance de tous ces cantons les uns avec les autres favorisa le développement de chacun en particulier, aussi bien que celui de la ligue en général. Tous ceux auxquels le permettait leur position géographique purent ainsi étendre leur domination, sous forme de conquêtes ou d'alliances, sur les petits pays et les villes avoisinantes. Il est impossible de rapporter ici tous ceux de ces changements et annexions qui n'ont pas une grande importance ; ce qu'il est nécessaire de bien remarquer, c'est que l'œuvre suivit constamment son cours. Zurich, et mieux encore Berne, formèrent chacune, à la manière des anciennes cités grecques, le centre d'une petite domination territoriale.. Au quinzième siècle, des conquêtes considérables furent faites aux dépens de la maison d'Autriche. La Confédération, par elle-même ou par l'un de ses membres, s'étendit alors jusqu'au Rhin et au lac de Constance. Les pays ainsi conquis, YAargau, le Thurgau et quelques autres districts, devinrent des territoirés sujets de l'un ou de l'autre des états confédérés. Conquêtes en Italie et dans les pays savoisiens. — Adjonction de cinq nouveaux cantons (1481-1513). — Il y a un point qui mérite d'être remarqué tout spécialement dans l'histoire de la Confédération, c'est que, pendant près décent trente années, bien que le territoire et la puissance de la Confédération allassent constamment en augmentant, aucun nouvel état ne fut admis au rang des cantons confédérés. Avant qu'un nouveau groupe de cantons eût été admis, la situation générale de la Confédération et sa position en Europe avaient considérablement changé ; elle avait en effet cessé d'être un état purement germanique. La première extension au delà des pays germaniques primitifs et dés pays bourguignons qui étaient devenus réelle-
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menl germaniques, commença dans la direction de l'Italie. Par l'annexion d'Urseren, Uri était devenu le voisin du duché de Milan, et dans le milieu du quinzième siècle ce canton acquit quelques droits dans la Levantine sur le versanL italien des Alpes (1441). Ce fut là l'origine de l'extension de la Confédération en Italie. Mais les progrès des Confédérés, dàns les pays bourguignons situés à l'ouest, furent d'une bien plus grande importance. La guerre avec Charles le Téméraire permit à Berne d'acquérir plusieurs possessions détachées dans les pays savoisiens situés au nord et à l'est du Léman (1475), et même dans ceux de ces pays qui étaient situes sur le Rhône après sa sortie du lac. Pendant que Berne faisait ainsi des progrès, quelques points étaient gagnés dans la même direction par ses alliés, qui n'étaient pas encore membres de la Confédération, par la ville de Fribonrg et la ligue du Valais. Cette dernière confédération s'était formée sur le cours supérieur du Rhône, où les petits pays libres avaient graduellement remplacé les seigneurs territoriaux. C'est peu de temps après, que de nouveaux cantons furent admis dans la Confédération. Les premiers furent formés par les villes de Fribourg et de Soleure (1481), chacune d'elles apportant une petite étendue de territoire allié ou sujet. Vingt ans plus tard, Bâle et Schaffouse (cette dernière formant le seul canton au nord du Rhin) furent admises de la même manière avec leurs adjonctions (1501). Douze ans plus lard, Appenzell, petit pays qui s'était affranchi de l'autorité des abbés de Saint-Gall, fut admis au rang de canton (1515), après avoir été pendant longtemps l'allié des Confédérés. Ainsi se trouva formée la ligue des Treize Cantons, dont le nombre resta intact jusqu'aux guerres de la Révolution française.
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II
LA CONFÉDÉRATION DES TREIZE CANTONS
Alliance des Confédérés avec les Lignes Grises (1495). Agrandissements des uns et des autres en Italie (1513-1513). — L'époque à laquelle la Confédération se trouva définitivement formée fut également une époque de grande extension pour elle et pour plusieurs de ses membres. Tout à fait au sud-est du territoire des Confédérés, sur les frontières du duché de Milan et du comté de Tyrol, une autre ligue s'était peu à peu formée, celle des Graubùnden (Ligtùes Grises ou Grisons). De même que dans le Valais, un certain nombre de communautés avaient pris la place des seigneurs avoisinants et s'étaient groupées en trois ligues : la Ligue Grise proprement dite, la ligue de Gotteshausbund et la ligue des Dix Juridictions; ces trois ligues furent ensuite réunies par un lien fédéral plus accentué. A la fin du quinzième siècle, les ligues ainsi formées entrèrent en alliance avec les Confédérés (1495), alliance qui fut le point de départ d'agrandissements importants, vers le sud, pour la Confédération et ses nouveaux alliés. Les Confédérés reçurent, en récompense des services qu'ils avaient rendus à la maison de Sforza, une part considérable du duché de Milan (1512). L'année suivante, leurs nouveaux alliés des Ligues Grises s'agrandirent également en Italie, et ils acquirent ainsi la Valleline et les districts de Chiavenna et de Bormio (1515). • Alliance de Berne et de Fribourg avec le Valais et Genève. Leurs agrandissements (1536-1567). — Plus tard, la totalité du territoire savoisien qui était situé au nord du lac de Genève, et une
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grande partie de celui qui était situé au sud furent conquises par Berne, Fribourg et le Valais réunis (1536). Berne et Fribourg se partagèrent le pays de Vaud dans des proportions très inégales ; Berne et le Valais se partagèrent le Chablais sur la rive méridionale du lac, et Berne s'annexa l'évêché de Lausanne, situé au nord. Genève, l'alliée de . Berne et de Fribourg, avec son petit territoire composé de morceaux détachés, fut complètement entourée par les possessions de ses puissants alliés de Berne. Mais, par un traité postérieur (1564), Berne et le Valais rendirent à la Savoie tout ce qu'ils avaient acquis au sud du lac, avec le petit territoire de Gex situé à l'ouest. Genève eut ainsi de nouveau la Savoie pour voisin, un voisin aux dépens duquel elle fit même quelques conquêtes, — entre autres Gex, — conquêtes que l'allié français de la ville libre ne devait pas lui permettre de garder ; des changements postérieurs lui donnèrent un voisin encore plus dangereux que la Savoie, lorsque ce voisin fut la France. Mais auparavant, Berne et Fribourg s'étaient partagé le comté de Gruyères (1554), dernier exemple important de ces sortes d'agrandissements. Les alliés des Treize Cantons. — La Confédération se trouva alors complètement formée avec ses treize cantons et leurs alliés. Parmi ces alliés, l'abbe' de Saint-Gall, la ville de Saint-Gall et la ville de Biel ou Bienne étaient si étroitement unis avec les Confédérés qu'ils avaient place dans leurs diètes. A côté des relations moins étroites qu'avaient avec les Confédérés différentes villes alsaciennes, plusieurs autres états avaient une connexion si étroite et si durable avec la Confédération, qu'ils faisaient partie du même système politique. La ligue du Valais et les Ligues Grises, VÉvêque de Belle, la ville éloignée de Mulhouse en Alsace, et pendant quelque temps celle de Rolweil, étaient dans ce cas. En outre, Berne et quelquefois d'autres cantons eurent des rapports avec la ville et la principauté de Neuchâtel; plu-
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LA CONFÉDÉRATION SUISSE.
sieurs dynasties s'y succédèrent, et finalement elle passa par héritage au roi de Prusse (1707). Constance, à l'autre extrémité de la Confédération, se vit refuser son admission au nombre des cantons; mais, pendant quelque temps, elle fut l'alliée de quelques-uns d'entre eux. Cet état de choses cessa complètement, lorsque de ville libre impériale elle devint possession autrichienne (1548). Affranchissement de la Confëdération(l 648). — L'État ainsi formé par un corps de confédérés germaniques autour desquels étaient \ groupés toute une série d'alliés et de sujets allemands, italiens et bourguignons, tous originairement membres de l'Empire, se vit formellement affranchi, à la paix de Westphalie, de toute obéissance à l'Empire et à son chef. En réalité, cette séparation avait eu lieu beaucoup plus tôt, et on peut la reporter à l'époque où les Confédérés refusèrent d'accepter la législation de Maximilien (1495). . Il n'est pas douteux que sa position géographique, qui la mettait en possession de la citadelle naturelle de l'Europe, n'ait été une des causes qui permirent ainsi à la Confédération de se transformer en un état indépendant. D'un autre côté, le manque d'unité dans la formation territoriale de cet état explique les anomalies de sa frontière sur plusieurs points. Au nord, il semble que le Rhin devait former sa limite naturelle : or Schaffouse, située au delà du fleuve, entra dans la Confédération, tandis que Constance et d'autres points situés en deçà de son cours restèrent en dehors d'elle. Au sud,' nous lui voyons une certaine partie de territoire située sur le versant italien des Alpes, et l'anomalie saule encore davantage aux yeux en présence de la manière singulière et tout à fait arbitraire dont la frontière a été tracée. Mais, si l'on considère la Confédération comme l'état intermédiaire s'élevant au point de jonction des trois royaumes impériaux, on se fait facilement à cette idée qu'elle devait, en quelque sorte, se trouver répartie sur eux trois.
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III
LA SUISSE A PARTIR DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Démembrement des Ligues grises (i.r79'7).— République Helvétique (ÎT'OS). — La forme que prit ainsi la Confédération au seizième siècle resta intacte jusqu'aux guerres de la Révolution française. Le premier changement qui eut lieu porta sur les districts italiens dépendant des Ligues grises, ou Grisons, districts qui furent, annexés à la République cisalpine nouvellement formée (1797). L'année suivante, il y eut un renversement complet du système existant. Le système fédéral fut aboli; au lieu de l'ancienne Ligue de la Haute Germanie, il y eut, d'après la nouvelle nomenclature, une République helvétique, dans laquelle le mot canton ne signifiait guère plus que département. Il sortit cependant de tout ce bouleversement un bon résultat. Les districts sujets furent affranchis du joug de leurs maîtres, que ces maîtres fussent toute la Confédération, ou un seul canton, ou plusieurs cantons réunis. Ainsi, pardessus tout, le pays roman de Vaud fut affranchi de toute sujétion envers ses maîtres allemands de'Berne. Quelquesuns des districts alliés, comme l'évêché de Râle et la ville de Genève, furent, annexés à la France. Mais les ligues du Valais et des Grisons furent incorporées à la République helvétique. République des dix-neuf cantons (1803). République des vingt-deux cantons (1815). — En 1805, l'acte de médiation de Bonaparte rétablit le système fédéral, et la république des dix-neuf cantons se trouva ainsi établie. Aux treize cantons originels avaient été ajoutés ceux
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d'Aargau, des Grisons, de Saint-Gall, du Tessin, de Thurgau et de Faite?, comprenant les pays autrefois alliés et sujets. Le Valais fut séparé de la Confédération, et devint d'abord, nominalement, une république distincte, et ensuite un département français. Neuchâtel fut détaché de la Prusse pendant les guerres de la France avec cet état, pour former une principauté à laquelle Napoléon donna pour chef l'un de ses généraux, Berthier. Enfin, en 1815, la Confédération Suisse telle qu'elle existe actuellement, avec ses vingt-deux cantons, fut définitivement établie ; les trois nouveaux cantons furent ceux de Neuchâtel, du Valais et de Genève. L'évêché de Bâle fut également détaché de la France et ajouté au canton de Berne, bien qu'il en différât beaucoup comme langue et comme religion, et qu'une chaîne de montagnes les séparât. Les grands changements constitutionnels qui ont eu lieu depuis cette époque n'ont point affecté la géographie. Mais il faut mentionner la division qui fut effectuée (1831) entre la ville et le district de Bâle {Bâle ville et Bâle campagne, formant ainsi des demi-cantons distincts), et l'abandon fait par le roi de Prusse de tous ses droits sur Neuchâtel (1848). Ce dernier changement n'était pas strictement géographique; c'était plutôt le changement d'un gouvernement quasi. monarchique en un gouvernement purement républicain, dans ce canton particulier.
�CHAPITRE VII
LA MAISON DE SAYOIE1
Caractères généraux de la domination savoisienne. Ses différentes parties. — Nous avons déjà, dans des chapitres précédents, parlé de la Savoie et de son développement comme état limitrophe de la Bourgogne et de l'Italie ; mais il nous paraît nécessaire de retracer d'une façon sommaire les diverses phases de ce développement, et d'indiquer comment un état, originairement bourguignon, arriva à perdre peu à peu ce caractère pour s'agrandir en Italie, et réunir finalement à lui toute l'Italie. Les pays qui passèrent à différentes époques sous la domination de la maison de Savoie étaient reliés les uns aux autres d'une façon continue, bien qu'ils eussent une frontière irrégulière, et qu'ils se trouvassent divisés par la grande barrière des Alpes. Gôographiquement cependant, on peut les diviser en trois parties, qui devinrent également des divisions politiques, gouvernées par différentes branches de la maison de Savoie. L'une d'elles, comprenant les possessions sur le versant italien des Alpes, a donné naissance au royaume moï. Voir pour ce chapitre les cartes 25 à 52, 5-i et 55.
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LA MAISON DE SAVOIE.
derne d'Italie. Les pays plus strictement savoisiens, au sud du lac de Genève, en formaient une autre avec les pays situés au sud du Rhône après sa sortie du lac, et les uns et les autres ont tous passe dans la suite au pouvoir de la France. Restent enfin les pays situés au nord du lac et du Rhône, dont une partie est également devenue française, tandis que l'autre a fini par appartenir à la Confédération suisse. De ces trois parties, les deux, dernières étaient comprises clans les limites du royaume de Bourgogne, et s'étendaient à la fois dans la Bourgogne cisjurane et dans la Bourgogne transjurane. Nulle autre part dans ce livre, il ne sera plus nécessaire de se mettre en garde contre des termes qui anticipent sur des arrangements survenus dans la suite, et qui sont par conséquent de nature à donner une expression complètement fausse des choses auxquelles ils sont appliqués. C'est ainsi que l'on parle souvent de princes de Savoie possédant des territoires en « France » et en « Suisse ». Or ces pays ne sont devenus français et suisses qu'en cessant, d'être savoisiens, et il est tout aussi inexact de dire que ces princes possédaient dès l'origine des territoires en Italie ; ce qui est vrai, c'est que les états de ces princes formaient un vaste et flottant assemblage de pays situés des deux côtés des Alpes, clans les royaumes d'Italie et de Bourgogne, et que ceux qui étaient situés dans le royaume de Bourgogne ont eu le sort des autres fiefs de cette couronne.
I
ORIGINES ET FORMATION DE LA DOMINATION SAVOISIENNE
Premières possessions des comtes de Savoie en Bourgogne et en Italie. — La maison de Savoie
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eut pour berceau les pays bourguignons qui étaient situés sur les deux versants des Alpes et qui touchaient immédiatement à l'Italie. Ce fut à leur position géographique, qui les mettait en possession de plusieurs grandes passes montagnardes, que les princes savoisiens durent leur importance première, position dans laquelle ils succédèrent, en quelque sorte, aux rois de Bourgogne1. Une grande obscurité règne sur les commencements de la maison de Savoie, et son pouvoir ne semble avoir pris naissance qu'après la réunion de la Bourgogne à l'Empire. Néanmoins, vers la fin du onzième siècle, les comtes de Maurienne, comme s'appelaient à l'origine les princes savoisiens, paraissent exercer des droits de souveraineté dans les districts bourguignons de Maurienne, de Savoie proprement dite, de Tarentaise et à'Aoste. La vallée d'Aoste, comprenant la ville de ce nom, se trouvait sur le versant italien des Alpes, mais elle n'en avait pas moins été jusque-là plutôt bourguignonne qu'italienne1. Elle avait passé plusieurs fois d'un royaume à l'autre; mais, à partir du moment où la maison de Savoie eut un pied dans les deux royaumes, la question cessa réellement d'avoir de l'importance. Sans entrer dans de minutieuses questions de tenure, on peut dire que les anciennes possessions savoisiennes atteignaient jusqu'au lac de Genève et s'étendaient de chaque côté de l'embouchure du Rhône dans ce lac. La
1. Voyez la lettre de Cnut, lors de son pèlerinage à Rome, dans Florence de Worcester, 1051. En parlant de Rodolphe, il dit : « Rodulphus rex, qui maxime ipsarum clausurarum dominatur. » (Note de l'auteur.) 2. On trouve la preuve qu'Aoste dépendait du royaume de Rourgogne dans le « Divisio imperii » de 806 (Pertz, Leges, I, 1-41). En effet, l'Italie tout entière est donnée à Pépin, et la Bourgogne est partagée entre Charles et Louis ; mais il y a une clause qui dit que Charles et Louis auront tous les deux accès en Italie : « Karolus per vallem Augustanam quse ad regnum ejus pertinet ». Le Divisio Imperii de 859 est encore plus explicite (Pertz, Leges, I, 575, Scriptores. I, 454). Il n'y a plus qu'une seule part, qui comprend « Regnum Italife partemque Rurgundiœ, id est, vallem Augustanam », et certains autres districts. De même Eginhard (Vita Karoli, 15) place Aoste en dehors de l'Italie : « Italia total quœ ab Augusta Pra3toria usque in Calahriam inferiorem, in qua Grœcorum et Reneventanorum constat esse confinia, porrigitur ». Comme la Calahro ne faisait pas partie de l'Italie, dans ce sens, il devait en être de même d'Aoste. (Note de l'auteur.) ;
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puissance des princes savoisiens clans cette région était grandement due à leur position d'avoués de l'abbaye de Saint-Maurice. Leurs possessions avaient ainsi un contour très irrégulier, et enfermaient presque le Genevois et le Faucigny. Un état qui était ainsi ce que devait être la Prusse, beaucoup plus tard et sur une plus grande échelle, était prédestiné, en quelque sorte, à s'étendre encore davantage; pendant plusieurs siècles, cette extension fut bien plus considérable en Bourgogne qu'en Italie. Les possessions originelles de la maison de Savoie en Italie touchaient aux comtés bourguignons de Maurienne et d'Aoste; Suse et Turin en faisaient partie, et cette petite marche donna à ses princes le titre ronflant de marquis en Italie. Les changements interminables de frontière qui eurent lieu de ce côté ne pourraient être abordés qu'avec une extrême longueur, et ils n'ont d'ailleurs qu'un intérêt purement local. 11 est en effet certain crue ce ne sont pas toujours des fluctuations de territoire, mais plutôt des fluctuations de droits entre les princes féodaux, les villes et leurs évêques. Aux douzième et treizième siècles, les possessions italiennes des princes savoisiens étaient encore cirr consentes au milieu de celles de princes ayant une puissance égale, ou plus grande que la leur : les princes de Montferrat, de Saluées, d'Ivrée et de Biandrate. En outre, il est bon de se rappeler que la position qu'ils avaient comme princes à la fois italiens et bourguignons ne leur était pas particulière; caries dauphins de Viennois et les comtes de Provence occupèrent aussi, à différentes époques, des territoires sur les deux versants des Alpes. Les possessions italiennes des princes de Savoie restèrent pendant longtemps subordonnées à leurs possessions bourguignonnes ; ce sont donc celles-ci que nous allons tout d'abord passer en revue. Agrandissements dans les pays bourguignons au nord et au sud du lac de Genève (1198-1450). — Le principal objet de la politique savoisienne dans cette région était nécessairement l'acquisition
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du Faucigny et du Genevois. Mais l'incorporation finale de ces pays n'eut lieu qu'après l'extension de la domination savoisienne au nord du lac, extension qui eut pour effet de les enfermer plus complètement encore qu'auparavant. L'acquisition de Moudon, faite par le comte Thomas de Savoie1 (1198), inaugura cette nouvelle phase. L'acquisition de Romont vint ensuite, et cette ville devint le centre de la domination savoisienne au nord du lac. Bientôt après, par suite des conquêtes (1265-1268) de Pierre de Savoie, lequel fut appelé le petit Charlemagne et joue un rôle dans l'histoire d'Angleterre aussi bien que dans l'histoire de Bourgogne, ces possessions formèrent une vaste dômination comprenant une grande partie des rivages du lac de Neuchâtel, et s'étendant au nord jusqu'à Murten ou Morat. C'était cependant là une domination sans cohésion, et faite, en quelques parties, de pièces et de morceaux au milieu desquels venaient s'intercaler les possessions des évêques de Lausanne, et celles d'autres princes ecclésiastiques et temporels. Cette grande extension mit Pierre en rapports assez étroits avec les pays et les villes qui devaient former plus tard l'ancienne ligue de la. haute Germanie. Berne principalement, qui devait hériter plus tard de ses conquêtes, le regardait à ce moment comme un protecteur. Cette nouvelle domination au nord du lac passa, après le règne de Pierre, au pouvoir d'une branche séparée des princes savoisiens, les barons de Vaud; mais au milieu du quatorzième siècle, leur baronnie redevint la possession directe de la branche aînée (1349). Le Faucigny et le Genevois se trouvèrent alors complètement entourés par le territoire savoisien. Le Faucigny était devenu la propriété des dauphins du Viennois, lesquels furent constamment les rivaux des comtes de Savoie, jusqu'au moment où leur dauphiné fut transféré
1. Au début de sa lutte avec Otton de Brunswick et Innocent III, le régent d'Allemagne, Philippe de Souabe, donna au comte Thomas de Savoie la ville de Moudon dans le pays de Vaud, ainsi que Chieri et d'autres places dans le Piémont; il le nomma en outre vicaire impérial en Lombardie. (Note du traducteur.)
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à la France ; peu de temps après cette annexion (1555), la Savoie obtint le Faucigny avec Gex et quelques autres districts situés au delà du Rhône, en échange de quelques petits territoires situés dans le Dauphiné. Pour le Genevois, il y eut une longue lutte qui se termina, au commencement du quinzième siècle, par l'achat du comté de Genève (1401); la ville de Genève, restée en dehors de cette transaction, se trouva alors complètement entourée par le territoire savoisien, et cette position ne tarda pas à changer complètement les rapports qui existaient entre elle et les comtes de Savoie. Jusqu'alors, dans les luttes interminables qui existaient entre les comtes, les évêques et les citoyens de Genève, les comtes de Savoie étaient intervenus plus d'une fois comme amis et protecteurs des citoyens de Genève. Maintenant qu'ils étaient devenus voisins immédiats de la cité, ils ne tardèrent pas à être ses plus dangereux ennemis. Création du duché de Savoie (1417). — L'acquisition du Genevois eut lieu pendant le règne du fameux Amédôe VIII (1591-1451), qui porta le premier le titre de duc de Savoie à lui conféré par le roi Sigismond (1417), et devint plus tard l'antipape Félix (1440). Sous son règne, la domination savoisienne, en tant que celle d'un état situé sur les deux versants des Alpes, atteignit sa plus grande étendue. Elle conservait néanmoins un caractère surtout bourguignon ; elle avait Chambéry pour capitale, allait des Alpes jusqu'à la Saône, faisait le tour du lac de Genève et s'étendait sur les deux rives du lac de Neuchâtel. En outre, depuis 1588, la maison de Savoie arrivait aussi jusqu'à la mer par la possession du comté de Nice ; mais, bien que ce dernier fut en réalité bourguignon, il doit plutôt, géographiquement, être rangé parmi les possessions italiennes de la maison. Mais cette grande extension mit la Savoie, du côté de l'ouest, en rapports plus étroits avec le plus dangereux de ses voisins ; une partie de sa frontière occidentale fut
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alors en contact direct avec le royaume de France; le reste touchait au Dauphiné, qui était en réalité devenu français, et au comté de Provence qui, gouverné par des princes français, devait, avant la fin du siècle, appartenir complètement à la France. Du côté du nord, les nouveaux rapports qui s'établirent entre la maison de Savoie et la ville de Genève en amenèrent également d'autres, au bout de quelque temps, avec Berne et les Confédérés. Toutes ces causes ont fait que tout ce qui reste actuellement à la Savoie de ce grand territoire bourguignon se réduit simplement à la ville et à la vallée d'Aoste. A partir du quinzième siècle, l'histoire bourguignonne de la maison de Savoie est celle de la perte progressive, pendant un espace de plus de trois cents ans, de cette vaste domination. Agrandissements en Italie (1198-1435). — Princes de Piémont (1429). —• L'importance réelle de la maison de Savoie en Italie commence à peu près en même temps que la grande extension de sa puissance en Bourgogne. Pendant les onzième et douzième siècles, l'importance croissante des villes et l'hostilité de l'empereur Henri VI contribuèrent à affaiblir les possessions des princes savoisiens comme marquis de Suse, et ils ne détenaient presque plus rien en dehors de leurs vallées alpines au commencement du treizième siècle. En même temps qu'il prenait pied au nord du lac de Genève par l'acquisition de Moudon, le comte Thomas obtint également Chieri et d'autres places dans le voisinage de Turin. Ces dons étaient purement nominaux ; ils n'en étaient pas moins le commencement des agrandissements de la - maison de Savoie en Italie. Sous le même règne, Salaces rendit pour la première fois un hommage précaire à la Savoie (1216). Plus tard au treizième siècle, Charles d'Anjou, comte de Provence et roi de Sicile, pénétra dans l'Italie septentrionale et donna ainsi à la maison de Savoie un voisinage aussi dangereux en Italie que celui qu'elle avait en Bourgogne. La frontière savoisienne continua à s'étendre pendant les
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treizième et quatorzième siècles ; mais les possessions italiennes de la maison furent séparées de la masse principale du territoire savoisien pour constituer un fief au profit de l'une des branches cadettes, ainsi que cela avait eu lieu pour les possessions situées au nord du lac de Genève. Cette branche porta par mariage le titre stérile de comtes d'Achaïe et Morée (1501-1418), — restes de la domination franque dans l'empire d'Orient, — alors que par une sorte de compensation une branche de la maison des Paléologues régna à Montferrat. Pendant le quatorzième siècle, à la faveur des nombreuses luttes qui eurent lieu entre les marquis de Montferrat et de Saluées, les comtes angevins de Provence et les seigneurs de Milan, la puissance savoisienne s'accrut généralement en Italie. Sous Amédée VIÏÏ, les possessions des princes d'Achaïe, c'est-à-dire le Piémont, furent réunies à celles du chef de la maison (1418). Avant la fin du règne d'Amédée (1435), la domination savoisienne en Italie s'étendait jusqu'à la Sesia, comprenant Biella, Santhia et Verceil; en comptant Nice et Aoste comme italiens, et ils l'étaient devenus réellement, elle allait des Alpes du Valais jusqu'à la mer. Cependant, elle était presque coupée en deux par les domaines des marquis de Montferrat dont les ducs de Savoie, naturellement, exigèrent désormais l'hommage. Saluées, placé entre l'ancien patrimoine de Suse et la nouvelle possession de Nice, passa également sous la suprématie de la Savoie ; mais un précédent hommage fait aux dauphins du Viennois laissait le champ libre à de dangereuses revendications de la part de la France. Amédée VIII, premier duc de Savoie, prit le titre de comte et ensuite de prince de Piémont; ses possessions à peu près égales en Italie et en Bourgogne constituèrent dès lors un état parfaitement intermédiaire.
1. Voir page 430.
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II
TRANSFORMATION DE L'ÉTAT DE SAVOIE EN ÉTAT ITALIEN A PARTIR DU XVI- SIÈCLE
Position particulière de l'État de Savoie au milieu du quinzième siècle. — Dans les cent cinquante ans qui suivirent, ce caractère d'état intermédiaire changea de bien des façons. Les changements qui affectèrent toute l'Europe, spécialement les grandes guerres d'Italie, ne pouvaient manquer d'affecter considérablement l'état qui se trouvait ainsi placé entre l'Italie et la Gaule. Nulle part ailleurs il ne nous sera possible de préciser aussi bien les limites de notre sujet. En effet, pendant tout ce temps, nous allons avoir une période d'influence française, une période d'occupation française et de nombreux remaniements de la frontière. Or l'influence pure et simple ne nous concerne en rien ; quant à l'occupation, nous n'avons à nous en occuper que dans le cas où elle prend la forme d'une conquête permanente. Une occupation de près de quarante années approche beaucoup d'une conquête permanente ; mais lorsqu'il arrive, comme dans le cas qui nous occupe, qu'elle se termine sans avoir abouti à aucune annexion formelle, il est difficile de la considérer comme ayant apporté une modification quelconque à la carte. Cependant toutes ces causes, l'influence, l'occupation, les modifications réelles de la frontière, tendirent toutes au même résultat : elles contribuèrent à donner plus de force au caractère italien de la maison de Savoie, à affaiblir ses possessions bourguignonnes et, si ce n'est à augmenter beaucoup ses possessions en Italie, à préparer du moins ce résultat. Pertes et fluctuations dans les pays trans19
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alpins (l^S-lCOl). — Variations dans la situation de Genève. — Pendant la seconde moitié du quinzième siècle, la puissance de la maison de Savoie, déclina beaucoup, en partie par suite de l'influence croissante de la France, en partie par la division, sous forme d'apanages, des pays qui venaient d'être réunis depuis si peu a de temps en un tout compact. Vinrent ensuite les guerres d'Italie, pendant lesquelles les possessions savoisiennes devinrent le grand chemin des rois de France dans leurs invasions en Italie. Les changements strictement territoriaux de cette période concernent principalement le marquisat de Saluées, sur le versant italien des Alpes, et la frontière septentrionale sur le versant bourguignon; ces deux questions finirent par être réglées toutes les deux en même temps. La première perle de territoire sur la frontière septentrionale, celle qui inaugure cette période où la puissance savoisienne en Bourgogne va rétrograder progressivement, fut le résultat de la guerre entre Charles le Téméraire et les Confédérés, et elle embrassa les pays situés au nord du lac de' Genève -.Granson, sur le lac de Neuchâtel; Murlen ou Morat, sur le lac du même nom ; Aigle, au sud-est du lac de Genève ; Echallens, au cœur du pays de Vaud. Tous ces pays lurent détachés de la Savoie et devinrent pour toujours territoire des Confédérés (1475). Soixante ans plus tard, les affaires de Genève amenèrent la grande intervention de Berne, de Fribourg et du Valais, après laquelle la Savoie fut à jamais chassée de ses possessions au nord du lac (1556). Pendant un certain temps, elle fut même complètement séparée de celui-ci ; le Chablais lui fut enlevé, ainsi que le pays de Vaud, et Genève, avec ses enclaves, se trouva alors complètement entourée par ses propres alliés. Cet état de choses dura jusqu'en 1564 ; Berne restitua alors toutes ses conquêtes au sud du lac, ainsi que le territoire de Gex, situé à l'ouest, de sorte que Genève se trouva de nouveau investie par le territoire savoisien. Le Valais rendit
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également une partie de ce qu'il avait pris, ne conservant que la bande étroite de territoire sur la rive gauche du Rhône. Ces événements donnent aux règnes de Charles III appelé le Bon (1504-1555), et d'Emmanuel-Philibert surnommé Tête de Fer (1555-1580), un caractère bien différent, et cette différence est tout aussi marquée vis-à-vis de la France. C'est en effet presque à la même époque où Berne empiétait ainsi sur la Savoie, que les armées françaises vinrent à occuper, d'une façon plus ou moins complète, le territoire savoisien (1556-1574). Pendant ce temps, la Savoie nous apparaît comme un état dont la principale force réside en Italie, avec Turin pour capitale au lieu de Chambéry. Tous les changements de frontières qui eurent lieu dans la suite, toutes les variations qui se produisirent dans ses possessions plus méridionales, tendirent de la même manière à augmenter le caractère italien de l'état de Savoie, et à diminuer son étendue dans les pays que nous pouvons appeler transalpins, car ils ont maintenant cessé de porter le nom bourguignon. ■ La première fois qu'eut lieu d'une façon formelle un échange de pays bourguignons pour des pays italiens, ce fut sous Emmanuel-Philibert, peu de temps après qu'il eut recouvré ses possessions (1575). Le petit comté de Tende fut acquis en échange du marquisat de Villars en Bresse. La frontière italienne se trouva ainsi agrandie sans que, pour cela, la frontière bourguignonne fût formellement diminuée. C'était cependant un oas de fait vers des changements plus importants. Le premier de ces changements fut amené par les disputes interminables qui s'élevèrent au sujet de l'hommage dû par le marquisat de Saluées. Les marquis de Saluées préféraient en cela le Français au Savoisien, et leur marquisat finit par être annexé à la France (1548). Ce fut la première acquisition par la France d'un territoire italien, car nous ne comptons pas comme tels les droits obtenus par des princes français sur Milan, Naples et Asti. La France eut alors une enclave assez importante en plein cœur des états
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savoisiens. Lorsque l'occupation française cessa, Saluées continua à rester aux mains de la France ; mais le duc Charles-Emmanuel en fit plus tard la conquête (1588). Le règne du duc Charles-Emmanuel (1580-1650) marque le changement définitif qui eut lieu dans la destinée de la maison de Savoie. Après avoir rêvé sur le versant gaulois des Alpes des conquêtes plus étendues qu'aucune de celles de ses prédécesseurs, après avoir voulu être comte de Provence, peut-être roi de France, le règne de ce prince aboutit finalement à un résultat diamétralement opposé. Le traité qui termina ses luttes avec la France laissa Saluées à la Savoie, mais en échange de la Bresse, du Bugey, du Valromey et de Gex (1601). Les états savoisiens cessèrent ainsi d'être coupés en deux par un puissant voisin ; mais le prix auquel cet avantage était obtenu aboutissait en somme au renversement de l'ancienne position de la maison de Savoie sur le versant gaulois des Alpes. Le Rhône, et non plus la Saône, servit alors de frontière, et l'acquisition de Gex fit arriver la France jusqu'aux rives du lac Léman. Genève eut ainsi, outre Berne, deux autres puissants voisins, la France et la Savoie. Les deux tentatives faites par Charles-Emmanuel (1602 et 1609) pour s'emparer de la ville demeurèrent sans résultat. La Savoie devint alors bien distinctement une puissance italienne, conservant à la vérité les pays compris entre les Alpes et le lac de Genève, le duché de Savoie proprement dit, mais ayant ses principales possessions et ses principaux intérêts en Italie. Perte des dernières possessions transalpines de la maison de Savoie (1860). — Nous pouvons donc finir ici l'histoire des possessions transalpines de la maison de Savoie. Le duché de Savoie resta entre les mains de ses ducs jusqu'à la grande tourmente de la Révolution française, qui renversa complètement leur domination sur le continent (1792-1796). Celle-ci fut rétablie après la première abdication, mais avec une frontière écourtôe qui
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laissait à la France Chambéry, sa capitale (1814). Les traités de 1815 rétablirent les choses dans leur état primitif. Enfin tout récemment, comme chacun sait, la Savoie proprement dite, avec les pays riverains du lac dont la neutralité était garantie, a été cédée à la France ainsi que le comté de Nice (1860). Au contraire de la première annexion française qui en avait fait les départements du Léman et du Mont-Blanc, la Savoie conserva cette fois son nom, et elle forme maintenant les départements de Savoie et de Haute-Savoie. Les comtes bourguignons qui se sont élevés jusqu'à être rois d'Italie ont ainsi perdu le pays sous le nom duquel leur maison a acquis sa célébrité, et Aoste seule leur reste comme une dernière relique des temps où les ducs de Savoie, les plus grands seigneurs du royaume intermédiaire, se montraient les véritables représentants de ce royaume. Résumé de l'histoire italienne de la maison de Savoie. — C'est au dix-septième siècle que commence l'histoire purement italienne de la maison de Savoie, histoire qui a déjà été esquissée lorsque nous avons parlé de la géographie politique de l'Italie. La Savoie prend part désormais à toutes les guerres européennes, et, bien qu'à cause de sa situation il s'ensuive presque constamment pour elle l'occupation étrangère, elle bénéficie généralement à chaque traité de quelque addition de territoire. C'est ainsi qu'avant la fin du règne de Charles-Emmanuel, le Piémont était de nouveau envahi par les troupes françaises (1629).-Bien que les possessions savoisiennes eussent été augmentées d'une partie du duché de Montferrat (1651), c'était là une bien faible compensation pour l'occupation de Pignerol et d'autres points situés en plein cœur du Piémont, occupation qui dura presque jusqu'à la fin du siècle (1630-1696). Les acquisitions successives dans le Milanais, l'acquisition el 1 l'échange de deux royaumes insulaires , la dernière annexion
1. La Sicile, acquise en 1715, donna au duc de Savoie le titre de roi de Sicile; lorsqu'il eut échangé avec l'Autriche cette île contre la Sardaigne (1718) il prit alors le titre de roi de Sardaigne. (Note du traducteur )
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française, l'acquisition du littoral génois (1815), la transformation du royaume de Sardaigne en Royaume d'Italie, tous ces faits ont été déjà rapportés1. Actuellement, nous ne nous occupons de la Savoie que comme puissance intermédiaire, caractère qu'elle perdit effectivement en perdant Vaud et la Bresse, et qui se trouve maintenant confondu avec le caractère plus élevé, mais moins intéressant, de grande puissance européenne. Nous allons passer à un autre état intermédiaire qui prolongea pendant longtemps l'existence du nom bourguignon, et dont une partie, quoique étrangère à l'ancien royaume de Bourgogne, fournit encore aux besoins de la politique moderne quelque trace des fonctions que remplissait autrefois ce dernier, comme royaume intermédiaire.
1. Voyez pages 249 à 251, 256 à 258.
�CHAPITRE VIII
LE DUCHÉ DE BOURGOGNE ET LES PAYS-BAS '
Position particulière des ducs de Bourgogne. — Parmi tous les états auxquels nous avons reconnu pour caractère spécial d'être des états intermédiaires, aucun n'arriva aussi complètement à les faire revivre, tels qu'ils étaient à l'origine, que le duché de Bourgogne sous les ducs de Valois. Un grand état fut alors formé, mais ses princes n'avaient en aucune partie de leurs possessions une souveraineté complètement indépendante. En réalité, ils étaient les pairs de l'empereur et du roi leurs voisins, mais le caractère officiel auquel ils n'échappaient dans aucune de leurs possessions, c'était d'être vassaux de l'un et de l'autre. Cette situation devait suggérer tout naturellement la pensée de s'affranchir de tout lien, et de grouper en un seul royaume une série interminable de fiefs séparés ; et cela avec d'autant plus de force, qu'il y avait cette double vassalité. Les acquisitions successives des premiers princes, particulièrement celles de Philippe le Bon, devaient inévitablement les conduire à vouloir échanger le titre de duc pour celui de
1. Voir pour chapitre les cartes 2i à 52, 34 et 36.
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roi, et ce projet fut, déclaré ouvertement par Charles le Téméraire. Dans les plans que forma ce prince, le souvenir des anciens royaumes de Bourgogne et de Lotharingie entrait incontestablement pour une bonne part, car une grande partie des provinces qui avaient formé ces royaumes lui appartenait. Il voulait, cela est tout à fait certain, reconstituer un royaume semblable à celui de Lothaire, un royaume qui devait s'étendre de l'Océan à la Méditerranée. Ses possessions, dans leur plus grande étendue, formèrent un étal, auquel la Bourgogne donna son nom, mais qui, historiquement, était lotharingien au moins autant que bourguignon. Bien que cette domination n'ait eu alors qu'une courte durée, jamais aucun état n'eut dans l'histoire une place plus grande et plus universelle que la dynastie des ducs de Valois. Leur domination, liée à la formation des états européens aux différentes époques, relie par conséquent à mille ans de distance le partage de Verdun au traité récent qui a garanti la neutralité de la Belgique. L'accroissement de cet état fut influencé d'une façon toute directe par le souvenir des anciens partages carlovingiens, et 1 ui-même, malgré sa chute, il n'a pas cessé d'influencer la géographie et la politique européennes. En tant qu'état bourguignon, il fut éphémère, comme l'ont toujours été les états bourguignons. En tant qu'état lotharingien, son effet subsiste toujours. L'union sous un seul prince, le duc de Bourgogne, de la plus grande partie des Pays-Bas, alors que ce prince était en fait étranger à l'Empire, ne fit qu'accentuer la tendance qu'avaient déjà un certain nombre de ces pays à se détacher de l'Empire. Les événements qui eurent lieu dans la suite, firent que tous ces pays se divisèrent en deux parties (Hollande et Belgique) au lieu de rester groupés. Cette nouvelle tendance prit une telle consistance, qu'un essai récent pour les réunir (traité de Vienne 181 y) a complètement échoué, et que leur place sur la carte de l'Europe moderne est celle de deux royaumes distincts. L'existence de ces deux royaumes est le résultat final de l'exlension de l'état bourguignon au
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quinzième siècle; et cette extension, en amenant la séparation des Pays-Bas d'avec l'Empire, est la cause, bien surprenante à la vérité, de la conservation d'une branche du bas-allemand, comme langue reconnue et littéraire d'une nation indépendante. Ses résultats politiques ont été les suivants : d'un côté la création, sous la forme des Pays-Bas du nord (Hollande), d'un état qui tint une place considérable dans les affaires de l'Europe et du monde, et d'un autre le développement plus lent, sous la forme des Pays-Pas du sud (Belgique), d'un état que la politique moderne continue toujours à regarder comme un royaume intermédiaire. De même que la Suisse neutre représente le royaume intermédiaire de Bourgogne, de même le royaume neutre de Belgique représente le royaume intermédiaire de Lotharingie. Le duché de Bourgogne, qui a donné son nom à l'état bourguignon du quinzième siècle, était de tous les pays portant le nom bourguignon, celui qui se trouvait le plus complètement en dehors du royaume bourguignon des empereurs. Cette Bourgogne, la seule qui ait conservé ce nom jusqu'à nos jours, le duché qui avait Dijon pour capitale, ne fut jamais un fief du royaume oriental ou de l'Empire après la séparation finale. Il reconnut toujours la suprématie des rois de Laou et de Paris, qui le donnèrent deux fois en fief à des princes de leur maison, au onzième siècle d'abord (1052), au quatorzième ensuite (1565). Ce dernier don fut l'origine des ducs de la maison de Valois dont nous allons maintenant suivre les agrandissements. Réunion au duché de Bourgogne de la Flandre, de l'Artois et du comté de Bourgogne (1384). — Philippe le Hardi, premier duc de cêtte dynastie, qui avait épousé Marguerite de Flandre (156!)), se trouva posséder, après la mort de son beau-père Louis le Mâle (1584), les comtés de Flandre, d'Artois, de Retheletde. Nevers, tous fiefs de la couronne de France, plus le comte palatin de Bourgogne comme fief de l'Empire. La situation
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particulière des nouveaux ducs de Bourgogne se trouva tout de suite établie par ce mariage. Le duc Philippe tenait de deux suzerains, et ses domaines formaient deux masses bien distinctes. Les deux Bourgognes, duché et comté, ainsi que le comté de Nevers, se trouvaient géographiquement réunis; la Flandre et l'Artois formaient un autre groupe à une grande distance du premier, et la petite possession de Réthel se trouvait isolée entre les deux. Des princes qui possédaient un tel territoire ne pouvaient guère manquer d'avoir pour objectif principal l'union géographique de leurs possessions éparpillées. Ce n'était pas tout. En même temps que la possession des deux Bourgognes rendit leur souverain com- . mun vassal à la fois de l'Empire et de la France, la possession de la Flandre et de l'Artois le mit en rapport, avec les pays de l'Empire et du royaume de France qui formaient la limite de ces deux états. Or, dans ces pays, l'autorité de l'un et l'autre suzerain était très affaiblie, et la tendance à se former en un système politique distinct s'y était manifestée de bonne heure. Ce qui résulta d'une position aussi complexe sous le prudent Philippe, et sous l'audacieux Charles le Téméraire, constitue l'histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois.
I
LES PAYS-BAS AVANT LA DOMINATION BOURGUIGNONNE
Les états de la partie occidentale. Les pays que l'on a coutume de grouper sous le nom de Neerlanden ou Pays-Bas étaient compris pour la plupart dans les limites de l'Empire; cependant, le comté de Flandre avait toujours été fief de la France, sauf une petite partie des possessions de ses comtes, les pays à'ÂlosI et de Waas, situés au nord-est,
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qui relevaient de l'Empire. Ces derniers, avec les îles voisines désignées ensemble sous le nom de Zélande, étaient l'objet de disputes interminables entre les comtes de Flandre et leurs voisins septentrionaux les comtes de Hollande. Ce dernier comté s'était séparé progressivement de la masse générale des pays frisons, qui s'étendaient le long de la côte depuis l'embouchure de l'Escaut jusqu'à celle du Weser. Les grands empiétements de la mer qui eurent lieu au treizième siècle (1219, 1282), et qui donnèrent au Zuyderzée sa configuration actuelle, donnèrent en même temps une frontière naturelle à la Hollande en la séparant des pays frisons du nord-est; à la fin du treizième siècle, la Frise située à l'ouest du Zuyderzée faisait partie des possessions des comtes de Hollande. Les pays situés immédiatement à l'est du golfe devinrent indépendants (1417-1447), et portèrent le nom de Frise occidentale. Quant à la Frise orientale, elle passa (1454) à une ligne de comtes sous lesquels elle eut des destinées tout à fait différentes du reste des Pays-Bas, et nous avons déjà l'apporté une partie de son histoire dans son caractère d'état purement germanique. Les comtes de Frise et la Frise libre avaient un voisin dangereux dans l'évêque d'Uti*echt, le grand prince ecclésiastique de cette région, qui possédait à l'est du golfe une souveraineté temporelle très étendue, et tout à fait séparée de son siège épiscopal. Cependant leur situation respective, pas plus que celle des ducs de. Gueldre avec lesquels ils étaient également en lutte, ne changea guère jusqu'à l'époque où tous ces pays commencèrent à être réunis sous le pouvoir des ducs de Bourgogne. Mais avant cette époque, les comtes de Hollande étaient ■ entrés dans une connexion plus étroite avec les pays situés plus au sud. Parmi les états de cette région, le plus puissant était, le duché de Brabant, qui représentait le duché de BasseLotharingie, et dont les princes possédaient la marche d'Anvers et les villes de Bruxelles, de Lowen ou Louvain, de Mechlin ou Matines. Plus au sud, il y avait le comté de
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llennegau ou Hainaut qui, à la fin du treizième siècle, se trouva par suite de mariage réuni au comté de Hollande (1299). La Hollande et le Hainaut furent ainsi des possessions détachées d'un même prince, et le Brabant se trouvait placé entre elles. Au sud du Brabant, il y avait la petite marche, ou comté de Namur qui, sans être uni à la Flandre, était aux mains d'une branche princière de cette maison. Bien que tous ces états et leurs princes ne relevassent pas du même suzerain, ils avaient beaucoup de rapports entre eux; le caractère, physique du "pays était partout le même ; ils contenaient tous un nombre extraordinaire de villes grandes et florissantes, et tout concordait pour qu'ils arrivassent à figurer dans le même système politique. Aucune de ces villes, à la vérité, n'avait encore une situation aussi belle que celle des grandes villes libres de l'Empire, mais leurs richesses et l'indépendance véritable qu'elles possédaient constituent le caractère principal de l'histoire des Pays-Bas. Au point de vue de la langue, la partie septentrionale de ces états parlait différents dialectes du bas-allemand, depuis le flamand jusqu'au frison ; dans la région méridionale, qui comprenait le Hainaut, l'Artois et Namur, la langue, sans être française, n'était pas non plus teutonique, mais une langue romane indépendante, le wallon. Lies états de la partie orientale. — A l'est de ces états, se trouvait un autre groupe de petites principautés reliées également à eux de bien des manières, mais moins étroitement. La grande principauté de Lûttich ou Liège, avec ses deux parties détachées, séparait les pays dont nous avons parlé plus haut d'avec les comtés, devenus plus tard des duchés, de Lùzelbourg ou Luxembourg et de Limbonrg. Ce dernier passa au quatorzième siècle aux ducs de Brabant. Le Luxembourg est célèbre pour avoir donné une série de princes au royaume de Bohême et à l'Empire, et, entre les mains de ces ducs, il s'éleva au rang de duché (1555). Enfin, au nord de Liège se trouvait le duché de Gueldre,
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dont la pointe septentrionale arrivait au Zuyderzée, et qui était intermédiaire entre ce second groupe d'états et les états plus spécialement frisons. Ces états de la partie orientale, tout en n'ayant pas entre eux un lieu aussi étroit que ceux de la partie occidentale, furent cependant amenés assez facilement à faire partie du môme système politique. Il est difficile de tirer une ligne de démarcation bien nette entre tous les états de cette région ; nous pouvons dire cependant que, sans former encore un état intermédiaire, ils formaient un système qui était à part de la France comme de l'Empire, tout en ayant avec l'un et avec l'autre des rapports de toutes sortes. On ne peut dire qu'ils fussent principalement impériaux et, teuloniques, car en dehors de l'hommage qui était du à la France par la Flandre et par l'Artois, l'influence française avait fait de grands progrès dans le sud des Pays-Bas, au point de vue politique comme au point de vue de la langue et de la civilisation. En réalité, le Brabant et le Hainaut avaient autant de rapports avec la France qu'avec l'Empire, et cette influence de la France fut grandement favorisée par ce fait qu'une partie considérable de la région méridionale ne parlait pas une langue teutonique. Enfin, tout en constatant qu'il fut fait beaucoup pour effectuer comme pour empêcher leur réunion aux grands étals qui les entouraient, et beaucoup plus encore pour les réunir les uns aux autres, on peut dire que les états des Pays-Bas semblaient désignés par la nature pour être rassemblés sous un même chef politique. Ce chef exista dans la personne des ducs de Bourgogne et des comtes de Flandre, par lesquels, aux quatorzième et quinzième siècles, la presque totalité des Pays-Bas fut réunie en un seul état, qui devait ensuite se séparer en deux par l'effet des divisions religieuses.
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LE DUCHÉ DE BOURGOGNE ET LES t'AïS-BAS.
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FORMATION DES PAYS-BAS BOURGUIGNONS JUSQU'A LEUR RÉUNION SOUS CHARLES-QUINT
Formation des provinces occidentales (14051526). — Laissant de côté pour le moment le développement et la chute de la puissance bourguignonne dans les pays situés au sud, nous allons voir de quelle manière les provinces des Pays-Bas furent progressivement réunies sous les ducs de Valois et sous leurs successeurs autrichiens. Ce fut sous Philippe le Bon (1419-1467) qu'eut lieu la première acquisition importante dans cette région ; cette acquisition lut celle du comté de Namur (1421-1429), dont l'exiguïté et l'isolement devaient suggérer tout naturellement des pensées d'agrandissement. Le Brabant et le Limbourg avaient passé entre les mains d'une branche cadette de la maison de Bourgogne (1405), . et Jean, duc de Brabant et cousin de Philippe, avait, par son mariage avec Jacqueline, comtesse de Hollande et de Hainaut, réuni un moment tous ces états (1418). Les divorces et mariages de cette princesse furent l'origine de disputes et de confusions sans nombre, qui aboutirent à l'occupation de ses domaines par le duc de Bourgogne, et cette occupation se changea finalement (1455) en une cession formelle de la part de Jacqueline. En oulre, Philippe venait d'hériter (1450) du Brabant et du Limbourg, de sorte que l'union de la Flandre, du Brabant, du Hainaut, de la Zélande et de la Hollande fit une domination comprenant les états les plus importants des Pays-Bas, et formant une masse de territoire bien compacte. En 1455, Philippe fit une autre grande acquisition de
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territoire, lequel était plus strictement français que les iiefs qu'il tenait déjà de la couronne de France, en Flandre et en Artois. En effet, le traité d'Arras qu'il conclut à cette époque avec son suzerain, en renonçant à son alliance avec l'Angleterre, lui donna sous forme d'hypothèque les comtés de Ponthieu et de Vermandois, YAmie'nois et le Boulonnais. La frontière bourguignonne arriva ainsi, de ce côté, dans un voisinage aussi dangereux pour la France qu'elle l'était déjà d'un autre côté, et elle sépara aussi du territoire français les petites possessions qui restaient toujours aux Anglais sur le continent, Calais et Guines. Pendant les règnes de Philippe le Bon et de son fils Charles le Téméraire, le voisin de l'Angleterre sur le continent fut la Bourgogne et non la France. Mais cette grande extension des ducs de Bourgogne ne fut pas durable. Les villes de la Somme, après bien des fluctuations, furent reprises par la France à la mort de Charles le Téméraire (1477), ainsi que l'Artois; et si cette dernière province fit retour à ses successeurs (1495), il n'en fut pas de même d'Amiens et des autres villes1. Si cependant les villes de la Somme avaient continué à dépendre des maîtres successifs des Pays-Bas, il paraîtrait aussi naturel maintenant de voir Amiens en Belgique, que de voir Cambrai et Valenciennes en France. Ce fut le traité de Madrid qui établit d'une façon définitive la frontière (1526) ; la France y renonça à tout hommage sur la Flandre et l'Artois, tandis que Charles-Quint, comme prince bourguignon, ou plutôt, comme, prince flamand, abandonna toutes ses prétentions sur les villes de la Somme. Formation des provinces orientales (1443 - ' 1543). — Mais avant que la frontière du nouvel état eût été ainsi fixée au sud-ouest, celui-ci avait avancé dans d'autres directions. La dernière grande acquisition de Philippe fut le duché de Luxembourg (1445). Ce prince se trouva
1. Voyez page 547
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alors possesseur de la plus grande partie des Pays-Bas, quoique ses domaines continuassent toujours à être interceptés par les évêchés d'Utrecht et de Liège, et par le duché de Gueldre. Charles le Téméraire réunit (1472) le duché de Gueldre et le comté de Zutphen à ses états; mais ils formèrent une possession bien précaire, perdue et recouvrée plus d'une fois, jusqu'à leur annexion définitive sous CharlesQuint (1545). 11 y avait encore les deux grandes principautés ecclésiastiques d'Utrecht et de 'Liège; bien que l'histoire de cette dernière ait été grandement mêlée à celle des ducs de Bourgogne, bien qu'elle ait elle-même subi leur influence dans une large mesure, elle ne fut cependant jamais annexée d'une manière formelle, tandis que la puissance temporelle de l'évêque d'Utrecht fut sécularisée sous CharlesQuint (1551). Avant cette époque, la Frise occidentale, celle qui était située immédiatement à l'est du Zuyderzée, avait été incorporée (1515) aux possessions du prince qui représentait les anciens comtes de Hollande. Les Pays-Bas se trouvèrent ainsi groupés en totalité sous Charles-Quint; réunis avec le comté palatin de Bourgogne, qui était très éloigné d'eux, ils formèrent le cercle de Bourgogne dans la nouvelle division de l'Empire. L'évêché de Liège, qui coupait en deux toute la partie méridionale des PaysBas, resta dans le cercle de Westphalie. Dix-sept provinces, dont chacune conservait une large part d'existence séparée, se trouvèrent ainsi réunies entre les mains d'un seul prince, et, depuis le traité de Madrid, elles furent affranchies de toutes prétentions de la part d'états étrangers. Les Pays-Bas entraient ainsi pour un élément des plus compacts et des plus importants dans les possessions d'un empereur qui était également souverain de Bourgogne et de Castille.
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III
LES PAYS-BAS APRÈS CHARLES-QUINT
Révolte et scission des Pays-Ras (15681609). — Cependant l'union finale de tous ces pays sous la domination directe d'un empereur entraîna du même coup leur séparation effective d'avec l'empire. Après Charles-Quint, ils passèrent à Philippe d'Espagne avec tous les autres droits et possessions de la maison de Bourgogne (1555), et ils figurèrent au nombre des dépendances éloignées qui relevaient des couronnes de Gastille et d'Aragon. Après leur réunion à l'Espagne, le rôle des Pays-Bas fut bien plutôt d'enfermer la France de tous côtés que le rôle d'un état intermédiaire. Si la grande révolte des Pays-Bas s'était terminée par l'affranchissement total des dix-sept provinces, l'état intermédiaire aurait été créé dans toute sa force. Mais l'œuvre de la guerre d'indépendance ne s'acheva qu'imparfaitement. Les provinces du nord conservèrent leur liberté sous la forme d'une république fédérale. Les provinces du sud restèrent sous la dépendance de l'Espagne, pour devenir le champ de bataille préféré des armées 'européennes, l'objet de prédilection de la diplomatie européenne. jLa république des Sept-Provïnces-Unies et ses colonies. — En 1578, les provinces septentrionales se séparèrent de celles du sud pour former la célèbre république fédérale des Sept-Provinces-Unies, dont l'indépendance fut reconnue de fait en 1609, et officiellement en 1648; ces sept provinces étaient celles de Hollande, Zélande, Utrecht, Gueldre, Over-Yssel, Frise et Groningue. Elles répondaient aux possessions qui appartenaient anciennement aux comtes de Hollande et aux évêques d'Utrecht; une partie
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du duché de Gueldre, cependant, formait une des provinces de la nouvelle république, tandis que la partie méridionale de ce duché partagea le sort des autres provinces du sud. D'ailleurs, en dehors des sept provinces, la confédération conservait également certaines parties du Brabant, de la Gueldre et de la Flandre, à titre de possessions communes. L'état ainsi formé, état qui eut si longtemps en Europe une importance tout à fait disproportionnée avec son étendue géographique, était déjà devenu, sous le gouvernement bourguignon, réellement indépendant de l'empire ; mais ce fut seulement à la paix de Wesphalie que cette indépendance fut reconnue officiellement (1648). La puissance maritime de la confédération devint telle, qu'elle ne fut plus seulement un état européen, car elle eut des colonies dans les trois parties du monde. Au dixseptième et au dix-huitième siècle, les Sept-Provinces étendirent leur domination sur plusieurs points du continent indien ainsi que sur l'île voisine de Geylan, sur les grandes îles équatoriales' de Java, de Sumatra et des Moluques, sur plusieurs points de la Guinée et de l'Afrique méridionale, et sur une partie de la Guyane, dans l'Amérique du Sud. Mais en 1664, la grande colonie de l'Amérique du Nord, la Nouvelle-Néerlande, passa à l'Angleterre, et NouvelleAmsterdam devint New-York. Chose assez singulière, ce grand état n'eut jamais un nom géographique bien établi. Le nom de Neerlanden impliquait la totalité des Pays-Bas, et à ce titre sa signification était trop étendue, puisqu'il n'y en avait qu'une partie d'affranchie; celle du mot Hollande était trop restreinte, car c'était le nom d'une seule des provinces, quoiqu'elle fût la plus grande. D'un autre côté, par suite d'un étrange caprice de langue, l'usage a prévalu en Angleterre de réserver exclusivement aux habitants des Provinces-Unies, c'est-à-dire à une petite partie seulement de la race teutonique, le nom de Deutsch, qui est celui de la race tout entière.
lies Pays-Bas espagnols jusqu'à leur peu-
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nion à l'Autriche (1578 - 1713). — Quant aux provinces méridionales, c'est-à-dire la plus grande partie du Brabant et de la Flandre, avec l'Artois, le Hainaut, Namur, le Limbourg, le Luxembourg et la partie méridionale de la Gueldre (Haute-Gueldre), — Anvers se trouvant à une extrémité et Cambrai à une autre, — elles restèrent groupées sous la souveraineté des représentants des ducs de Bourgogne. Elles continuèrent donc à former une dépendance éloignée de la monarchie espagnole. Mais leur frontière méridionale était ouverte à des agressions constantes de la part de la France, et, d'un autre côté, Dunkerque fut occupée un moment par les Anglais (1658-1662), comme l'avaient été Calais et Guines à une époque plus ancienne. Le traité des Pyrénées donna à la France Arras et la plus grande partie de l'Artois, moins Saint-Omer, qui restait à l'Espagne. La France s'avança également le long de la côte de Flandre, en prenant d'abord Gravelines (1659), en vertu du traité, et ensuite en achetant Dunkerque à l'Angleterre (1662). Le même traité donna encore à la France plusieurs territoires situés sur les frontières du Hainaut, de Liège et du Luxembourg, et comprenant les forteresses détachées de Phïlippevïlle et Marienbourg, ainsi que Thionville. Pendant les guerres incessantes du règne de Louis XIY, la frontière varia à chaque traité. De toutes les acquisitions faites par la France au traité d'Aix-la-Chapelle (1668), quelques-unes furent rendues à la paix de Nimègue (1677). Enfin, après la guerre de succession d'Espagne, la frontière, telle qu'elle fut fixée au traité d'Utrecht (1715), confirma à la France la possession de certaines parties de la Flandre et du Hainaut, et cette puissance conserva ainsi Lille, Cambrai et Valenciennes. Les provinces des Pays-Bas qui avaient été jusque-là espagnoles passèrent alors à la seule branche survivante de la maison d'Autriche, celle qui régnait sur l'archiduché et qui fournissait des candidats héréditaires à l'empire. Lies Pays-Bas sous la domination française
I
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LE DUCHÉ DE BOURGOGNE ET LES PAYS-BAS.
(1793-1814). — Les premières guerres de la Révolution française ajoutèrent les Pays-Bas autrichiens à la France, ainsi que Vévêche' de Liège, qui se trouvait intercalé d'une façon si étrange au milieu d'eux (1792). Plus tard, les Sept-Provinces-Unies formèrent avec la Frise orientale un Royaume de Hollande, à la tête duquel le nouveau conquérant plaça l'un de ses frères (1806), et qui fut ensuite incorporé au nouvel empire avec les pays allemands qui le longeaient au nord-est (1810). Le nouvel empereur avait enfin réalisé le plan des rois de la maison de Valois, et l'héritage bourguignon tout entier fit partie de la France pendant un moment. Royaume des Pays-Bas (1814). Royaumes de Belgique et de Hollande (1831). — A la réorganisation générale de l'Europe, qui eut lieu après la défaite de la France, le rétablissement des Pays-Bas comme état intermédiaire fut un des principaux objectifs de la diplomatie européenne, et toutes les provinces qui en faisaient partie furent réunies pour former le royaume de Ne'erlande (1814). Sa frontière méridionale ne différait pas sensiblement de celle qui avait été donnée à la France par le traité d'Utrecht. De même que du côté de la Savoie, la frontière française de 1814 était plus large que celle de 1815. A l'est, la Frise orientale fut donnée au Hanovre : de ce côté donc, la frontière du nouveau royaume ne différait guère de celle des deux états plus anciens qu'il représentait, et elle s'agrandit seulement d'un petit territoire sur les bords de la Meuse. L'évêclié de Liège fut incorporé avec les pays qu'il avait jadis séparés, et cessa ainsi complètement d'être territoire germanique. Le nouveau roi, comme nous l'avons déjà vu, entra dans la confédération germanique avec son caractère de grand-duc de Luxembourg, le duché ayant été notablement réduit, à l'est, en faveur de la Prusse. j Finalement, après quinze ans d'union, le nouveau royaume se divisa à son tour (1851), et fut remplacé par deux autres : le royaume des Pays-Bas ou de Hollande, répondant aux
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anciennes Provinces-Unies, et le royaume de Belgique, répondant aux Pays-Bas espagnols ou autrichiens. Il faut cependant remarquer qu'une partie du Limbourg resta au royaume septentrional, et que le souverain de ce royaume garda également une partie du Luxembourg, à titre d'état faisant partie de la confédération germanique ; la partie occidentale du Luxembourg fut rattachée au royaume de Belgique. Nous avons déjà dit que des événements postérieurs ont brisé le dernier lien qui existait entre l'Allemagne et les Pays-Bas (1867), et ont effacé pour jamais tout souvenir d'une époque où les comtes de Hollande et ceux de Luxembourg étaient en môme temps des princes du royaume germanique. Résultats généraux de la domination des ducs de Bourgogne. — Nous venons ainsi de tracer, sous leur aspect européen, les changements de frontière des Pays-Bas, et il n'est guère nécessaire d'ajouter à cette description l'histoire des petites principautés frontières, comme celles de Saint-Pol et de Bouillon. Le principal aspect historique de tous ces pays est leur tendance, dans tous les siècles, à former comme un système intermédiaire entre les deux grands états situés de chaque côté d'eux. L'existence de la Belgique et de la Suisse, avec leur neutralité garantie, est la preuve que le sentiment instinctif qui avait présidé à la formation du royaume lotharingien, au neuvième siècle,'ne s'est pas éteint ou bien s'est réveillé, sans qu'il soit possible de préciser laquelle de ces deux hypothèses est la vraie. Or, la forme_moderne, sous laquelle cette idée vieille de mille ans s'est réalisée, a été rendue possible par l'extension de la puissance des ducs de Bourgogne de la maison de Valois. La véritable œuvre historique de ces ducs a donc été ac complie dans celles de leurs possessions qui ne leur donné rent pas leur nom, mais qui reçurent d'eux celui qu'elles portèrent. L'histoire de leurs autres possessions peut être dite en quelques mots, et de fait, il en a déjà été dit une
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LE DUCHE DE BOURGOGNE ET LES PAYS-BAS.
grande partie. Les projets de Charles le Téméraire, qui voulait unir ses possessions éparpillées par la conquête du duché de Lorraine, étendre l'état ainsi formé jusqu'à la mer qui baignait la Bourgogne royale, former en un mot un royaume intermédiaire s'étendant de l'Océan à la Méditerranée et placé comme une barrière entre l'Allemagne et la France, restèrent purement et simplement à l'état de projets. Leur importance vient uniquement de ce qu'ils nous montrent jusqu'à quel point l'idée ou le souvenir d'un royaume intermédiaire restait fixé dans l'esprit des hommes. Les conquêtes de Charles en Lorraine, ses acquisitions en Alsace, furent des possessions momentanées, qui concernent à peine la géographie politique. Cependant, la chute de Charles, en amenant la ruine de la domination de sa famille dans le sud, contribua à donner plus d'importance à celle qu'elle avait dans le nord. Le duché de Bourgogne fut perdu pour toujours; le comté de Bourgogne resta, avec le comté éloigné de Charolais, à ceux qui, par les femmes, représentaient les ducs de Bourgogne, c'est-à-dire à CharlesQuint et à son fils Philippe d'Espagne. L'annexion par Louis XIV du comté de Bourgogne et de la ville de Besançon a déjà été mentionnée dans un autre chapitre.
�CHAPITRE IX
LA MAISON D'AUTRICHE4
Origine du mot Autriche. — Nous arrivons maintenant à celui de tous les états qui se sont détachés du royaume germanique, dont la carrière a été complètement différente de tous les autres, et dont l'importance dans l'Europe moderne repose sur une base entièrement différente. Les pays lotharingiens et frisons au nord-ouest, et la Souabe au sud-ouest, se détachèrent du royaume ; il en fut de même de la Marche orientale ou Marche d'Autriche, mais avec des conséquences cette fois bien différentes. Le nom $ Austrie, Oesterreich, Autriche, servait, cela est tout naturel, à désigner la partie orientale de tout royaume. Le royaume franc des Mérovingiens avait son Austrie; le royaume italien des Lombards avait également son Austrie; et l'on peut, dans une certaine mesure, s'étonner que pareil nom n'ait jamais été appliqué dans la Grande-Bretagne au royaume d'Essex ou à celui d'EstAnglie. Cependant, au contraire de toutes les Austries disparues, celle qui désignait la Marche orientale du royaume
1. Voir pour ce chapitre les cartes 21 à 52 et la carte 5i.
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LA MAISON D'AUTRICHE.
germanique, cette marche qui avait pour but de le défendre contre le Magyar, a survécu jusqu'à nos jours. Elle n'a pas fait d'ailleurs que se maintenir, elle est devenue l'une des principales puissances européennes, et cela par un procédé qui trouverait difficilement son semblable. Le duché d'Autriche a donné à l'Allemagne tant de rois, et à Rome tant d'empereurs, que quelque chose du caractère impérial a fini par s'attacher à lui. Ses ducs, en résignant d'abord la couronne de Germanie, puis ensuite toute espèce de connexion avec l'Allemagne, ont emporté avec eux, dans leur nouvelle situation, les titres et les attributs des empereurs germaniques. L'état, qui avait commençé par être une marche contre le Magyar, en vint à avoir le même souverain que le royaume magyar; et le duché d'Autriche et le royaume magyar, chacun groupant autour de lui une masse de petits états de nationalités différentes, figurent ensemble sur les cartes modernes sous le nom d'empire d'Autriche ou de monarchie austro-hongroise. Il n'est pas aisé, en faisant le tracé d'une carte, de trouver une place pour « l'empire d'Autriche1 ». L'archiduché est toujours là, et son souverain ne s'est pas dépouillé de son titre archiducal. A côté, se trouve une masse de royaumes, duchés, comtés et principautés, tous reconnaissant la souveraineté du même prince. Mais il n'est pas facile de trouver la place d'un « empire d'Autriche », distinct de l'archiduché. 11 n'est pas facile non plus de s'expliquer comment un « empire d'Autriche » peut comprendre tous les états qui reconnaissent le roi de Hongrie et archiduc d'Autriche pour leur souverain. Cela devient encore plus difficile si l'on se souvient que le titre d' « Empereur héréditaire d'Autriche » fut donné pour la première fois à un souverain qui était encore roi de Germanie et empereur romain élu. Mais laissons do côté tontes ces
1. Actuellement, il semblerait que ce nom mystérieux s'applique à tous ces royaumes, comtés, principautés, etc...., qui sont sous l'autorité de l'archiduc d'Autriche et ne font pas partie du royaume de Hongrie et de ses parties annexes. Pour celles-ci j'ai suggéré ailleurs, et en me rapportant à une ancienne analogie, le nom plus intelligible de Non-Hongrie (Nungary). (Note de l'auteur.)
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questions, et disons que l'union progressive d'un grand nombre de pays, allemands et non-allemands, sous l'autorité commune de la maison archiducale d'Autriche, est, quel que soit le nom donné à l'état ainsi formé, un fait considérable d'histoire et de géographie. Caractères de la monarchie autrichienne. — Un certain nombre d'états, indépendants dans le principe les uns des autres, tout à fait dissemblables comme origine et comme langue, dont quelques-uns faisaient partie do l'empire primitif et d'autres pas, en sont arrivés à former, par leur réunion, un état qui occupe une place considérable dans l'histoire et sur la carte moderne. Mais c'est un état qui n'a aucune cohésion, aucune unité nationale. Il ne repose vraiment sur aucune nation; il en renferme beaucoup, mais pas en totalité. On ne peut même pas dire qu'il y a une nation dominante entourée de nations sujettes. La nation magyare tout entière et un fragment de la nation germanique se font presque équilibre, et autour de ces deux principaux groupes se trouvent des Italiens, des Roumains et des Slaves de presque toutes les branches. 11 n'y a aucun lien fédéral ; c'est un abus de langage d'appliquer le mot fédéral aux rapports qui existent actuellement entre l'Autriche et la Hongrie. On ne peut non plus venir dire qu'un lien fédéral réunit la Bohème, la Dalmatie, la Croatie et la Galicie. Cependant ce ne sont pas de simples provinces sujettes comme les possessions de l'ancienne Rome. Le même prince est souverain d'une multitude d'états séparés, dont deux tiennent un rang proéminent II n'y a ni unité nationale, ni fédéralisme, ni sujétion pure et simple de l'un de ces pays ou de l'une de ces nations à une autre. Tout cela est arrivé par l'union faite progressivement et par des moyens différents, d'un certain nombre de couronnes sur un même front. 11 en est résulté un état tout à fait anormal, auquel absolument rien ne ressemble, ni dans le passé, ni dans le présent; mais toutes ces anomalies font de la formation de cet état une étude très curieuse.
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LES OUCS AUTRICHIENS DE
LA MAISON
DE BABENBERG
Formation du duché d'Autriche (1156). — L'origine de l'Autriche est la petite marche, située sur le Danube, et comprise entre la Bohême, la Moravie et le duché de Kâriithën ou Carinthie. Elle apparaît sous sa première forme comme un appendice de la Bavière'.Cette marche fut élevée par Frédéric Barberousse au rang de duché; Henri II en fut le premier duc, et elle fut agrandie du côté de l'ouest, aux dépens de la Bavière, par l'annexion des pays situés audessus de l'Enns. C'est ainsi que se trouva formé à l'origine le duché d'Autriche, sous la maison de Babenberg (1156). Il n'y avait pas longtemps qu'il s'était élevé au rang ducal, qu'il commençait déjà à s'étendre aux dépens d'états qui avaient eu jusque-là plus d'importance que lui. Dédoublement du duché de Carinthie (1180). — Réunion de la Styrie à l'Autriche (1193). — De même qu'elle était dans le principe une marche contre le Magyar, l'Autriche avait, au sud d'elle, des pays où le royaume germanique touchait à la fois au Magyar, au Slave et au royaume d'Italie. C'est là que se trouvait le grand duché de Carinthie; la population y était principalement slave, mais elle était soumise depuis plus de temps et plus complètement aux rois germaniques, que les Slaves de la frontière du nord-est. A l'époque de la fondation du duché d'Autriche, le duché de Carinthie avait commencé à se morceler, et sa partie septentrionale, qui jusque-là avait
1 Voyez Waitz, Deutsche Verfassungsgeschichte, IV, 75.
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été la Marche carinthienne supérieure, était devenue le duché de Steyermark ou Styrie (1180). Douze ans plus tard, Léopold V d'Autriche acquit le duché de Styrie après la mort du duc Ottocar, qui le fit son héritier (1192). La Carinthie proprement dite resta un duché séparé, mais elle était réduite maintenant à une bande étroite de territoire située au sud-ouest de l'ancien duché, et où venaient encore s'enclaver les possessions détachées des archevêques de Salzbourg et autres princes ecclésiastiques. lie comté de Goritz. — Au sud, et sur la frontière italienne, un état considérable fut formé par les comtes de Gôrz ou Goritz. Les possessions de ces comtes s'étendaient, pas d'une façon continue toutefois, du Tyrol jusqu'à l'Istrie, et ils accrurent leur influence dans la suite, en devenant avoués des évêques de Trente et de Brixen et des puissants patriarches à'Aquilée. C'étaient là les pays qui mettaient l'Allemagne en contact avec ses voisins de l'est et du sud-est, et ce sont eux qui, par une série d'annexions successives, formèrent les possessions allemandes de l'état au trichien. Mais la grande extension de cet état ne commença qu'après que le duché d'Autriche proprement dit eut passé à une ligne de princes tout à fait nouvelle. Union momentanée de la Bohême et de l'Autriche sous Ottocar II. — Le premier changement qui eut lieu ensuite consista dans une union qui devait être réalisée plus tard d'une manière plus durable. Nous voulons parler de la réunion de l'Autriche à la Bohême, laquelle avait été érigée de duché en royaume (1158), c'est-à-dire peu de temps après que l'Autriche avait été elle-même érigée en duché ; et cela sans cesser cependant d'être fief de l'em-' pire. Après la mort du dernier duc autrichien de Babenberg (1250), sa succession fut vivement disputée et donna lieu à toute une série de guerres auxquelles prirent part les princes de Bavière, de Bohême et de Hongrie. Finalement, par mariage, conquête et don royal, Ottocar II, roi de Bohême, obtint les duchés d'Autriche et de Styrie (1252-
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1262), auxquels il ajouta bientôt les possessions àlui léguées par le duc de Carinthie (1269). Ainsi se trouva formé un état slave, comprenant des provinces germaniques, et qui s'étendit un moment de la Baltique à l'Adriatique ; Ottocar, en effet, porta ses armes jusqu'en Prusse et devint le fondateur de Kœnigsberg. Mais cette grande puissance fut éphémère. La Bohême et l'Autriche furent de nouveau séparées, et l'Autriche passa à une maison allemande dont le berceau était bien éloigné de là.
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LA SECONDE MAISON D'AUTRICHE, OU MAISON DE HABSBOURG, JUSQU'AU XVI* SIÈCLE
Possessions des Habshorarg en Souabe et en Alsace. — Nous allons voir maintenant quels furent les débuts en Europe de la seconde maison d'Autriche, de cette maison de Habsbourg dont le nom semble lié d'une façon inéluctable avec celui d'Autriche, et qui a perdu depuis longtemps ses possessions originelles. Les comtes de Habsbourg portaient ce nom à cause d'un château situé sur le cours inférieur de l'Aar, tout à fait au nord-ouest de l'Aargau, dans cette partie méridionale de la Souabe où l'ancienne Ligue de la Haute Germanie allait bientôt se former et s'étendre, dans une si grande mesure, aux dépens de la puissance habsbourgeoise. Par l'union de leurs territoires avec ceux des contes de Kybourg et de Lenzbourg, les Habsbourg exercèrent une domination considérable, quoique assez morcelée, qui s'étendait sur une région de lacs et de montagnes et même au-delà; elle comprenait Lucerne et formait un dangereux voisinage pour la ville libre de Zurich. En sus de tous ces pays, les Habsbourg possédaient également la
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Haute-Alsace dont ils étaient landgraves, et qui était séparée de leurs autres possessions" en Souabe par le territoire de la ville libre de Bâle. Rodolphe de Habsbourg, roi de Germanie. — Acquisition de l'Autriche et de la Styrie (1283). — Le maitre de cette domination souabe, le fameux Rodolphe, fut appelé à porter la couronne germanique (1273) ; après avoir brisé la puissance d'Ottocar (1276-1278), il donna (1282) les duchés d'Autriche et de Styrie à son fils Albert, qui devint roi de Germanie dans la suite (1298). La Carinthie faisait également, dans le principe, partie de ce don; mais elle fut plus tard donnée à Méinhard, comte de Goritz et de Tyrol (1286). Goritz passa à une autre branche de la maison de ses comtes, de sorte que trois états furent ainsi formés dans ces régions : Autriche et Styrie, Carinthie et Tyrol et le comté de Goritz. Nous voyons que sous Albert Ier, les possessions de la maison de Habsbourg occupaient une grande étendue sur la carte, maïs qu'elles étaient loin de tenir les unes aux autres. Les deux duchés orientaux nouvellement acquis donnèrent non seulement un titre plus élevé aux Habsbourg, mais ils formèrent encore une masse compacte de territoire qui tendait à s'étendre au nord et au sud. Quant aux possessions de Souabe, elles avaient une tendance marquée à diminuer et à se séparer du royaume germanique; la maison d'Autriche cependant ne cessa d'en conserver une partie jusqu'à la fin de ce royaume. Celles qui étaient au sud du Rhin allèrent se réunir aux Confédérés ; celles qui étaient en Alsace furent annexées par la France. Connexion de l'Autriche avec l'Empire, lies primées autrichiens. — Il va sans dire que les pays héréditaires de la maison de Habsbourg ou d'Autriche n'avaient d'autre connexion inhérente avec le royaume germanique et l'empire romain, dont ils étaient fiefs, que ce fait d'être précisément au nombre de ses fiefs. Cette connexion se
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trouva plus tard augmentée, uniquement par accident, parce que, à partir de Rodolphe, un grand nombre de princes de cette maison furent élus rois d'Allemagne, et qu'à partir du milieu du quinzième siècle, tous les rois d'Allemagne furent choisis dans cette maison; mais, de même que tout empereur n'était pas nécessairement duc d'Autriche, tout duc d'Autriche n'était pas nécessairement empereur. Mais, d'autre part, il est bon d'insister sur ce fait, que tout duc d'Autriche n'avait pas en son pouvoir toute l'étendue des possessions de la maison d'Autriche. Celle-ci, comme toutes les autres maisons princiôres d'Allemagne, passa par une série considérable de divisions.et de réunions; mais, par suite de sa tendance à prendre en Europe un rang bien supérieur à toutes les autres, toutes ces divisions et réunions deviennent tout de suite plus importantes et plus embarrassantes. On ne saurait notamment être trop circonspect pour ce qui regarde ses possessions de Souabe, car on s'exposerait à de grandes confusions dans l'histoire des Confédérés, si chaque duc d'Autriche que nous voyons apparaître était pris pour le souverain unique de toutes les possessions autrichiennes. Nous n'avons pas ici à entrer dans tous les changements qui eurent lieu entre les princes de cette maison, car elle conserva son unité et l'intégrité de ses possessions, soit que celles-ci fussent partagées ou tenues en commun pas ses différents membres. Il est d'ailleurs important de noter que parmi les ducs d'Autriche qui figurent dans l'histoire suisse, quelques-uns étaient plutôt landgraves d'Alsace ou comtes de Tyrol que ducs d'Autriche dans le vrai sens de ce mot. Acquisition de la, Carinthie et du Tyrol (1335) et de Trieste (1383). — Perte du Thnrgau (146©). — Pendant les quatorzième et quinzième siècles, on peut dire que l'ensemble des possessions de la maison d'Autriche avança du côté de l'est et recula du côté de l'ouest. Dans le cours du quatorzième siècle cependant, elle fit une acquisition qui, sans relier celles-ci d'une façon
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absolue les unes aux autres, établit entre elles un lien plus fort au point de vue géographique. Telle fut l'acquisition du duché de Carinthie et du comté de Tyrol (1555). Les possessions autrichiennes s'étendirent alors d'une façon continue de la Bohême à l'Istrie, et elles projetaient en outre, par le Tyrol et par la Souabe, un territoire morcelé, mais presque continu, s'étendant jusqu'aux confins de la Lorraine et du comté de Bourgogne. Elles touchaient maintenant le golfe oriental de l'Adriatique, et elles arrivaient jusque dans le voisinage de l'Archipel dalmatien. Un peu plus tard, elles atteignirent l'Adriatique proprement dite, en englobant la ville de Trieste qui, placée entre la république de Venise et les patriarches d'Aquilée, se recommanda (1582) au duc Léopold comme à son suzerain; c'est ce même Léopold qui tomba quatre ans plus tard à Sempach. A cette époque, les possessions autrichiennes en Souabe, qui avaient augmenté au nord du Rhin, subirent des pertes sensibles au sud de ce fleuve. Les Confédérés gagnèrent du terrain de toutes manières, par transactions et par conquêtes, jusqu'à ce que, après la perte du Thurgau (1460), il ne restât plus au sud du Rhin, à la maison d'Autriche, que les villes connues sous le nom de villes forestières : Rlieinfelden, Lauffenbourg, Saeckingen et Wadshut. Lies diverses branches de la maison d'Autriche. — Lieur réunion sous Maximilien» — Au quinzième siècle, la division des étals de la maison d'Autriche avait pris une forme plus durable. Une branche régnait en Autriche, une autre en Carinthie et en Styrie*, une troisième sur le Tyrol et les autres possessions occidentales. C'est alors que nous voyons commencer cette longue série d'éleclions de princes autrichiens aux couronnes germanique et impériale. Après Albert II, duc d'Autriche (1406) et
1. Cette branche était elle-même divisée en deux autres, qui ne furent réunies qu'après la mort du frère de Frédéric III, Albert VI de Styrie (1465). (Note du traducteur.)
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roi d'Allemagne (1457-1439), Frédéric III lui succéda comme roi (1440), et devint le premier .empereur de cette maison (1452). Il éleva le duché d'Autriche au rang d'archiduché (1455), et il le réunit ensuite à son duché de Carinthie après la mort de Wladislas le Posthume (1457). Les possessions occidentales de la maison d'Autriche appartenaient pendant ce temps à Sigismond, comte de Tyrol (1429-1496), qui apparaît comme duc d'Autriche dans l'histoire des Confédérés et du duché de Bourgogne; ce fut lui, en effet, qui fut forcé d'abandonner le Thurgau aux Confédérés, et qui hypothéqua ses possessions alsaciennes à Charles le Téméraire (1469-1474). Sous Maximilien1, toutes les possessions de la maison d'Autriche furent réunies. C'est aussi au quinzième siècle que la maison d'Autriche commença à sortir des pays purement germaniques, pour s'immiscer dans des questions concernant des pays et des royaumes situés en dehors de l'empire, et d'autres pays qui, tout en se trouvant de fait dans l'empire, avaient une existence complètement distincte. La maison d'Autriche, qui avait été simplement jusque-là une des principales maisons princières germaniques, prit ainsi à cette époque deux caractères spéciaux. Elle devint, comme nous l'avons déjà vu, la maison qui donna, à l'exclusion de toutes les autres, des rois et des empereurs à l'Allemagne et à l'Empire. Elle devint également, en vertu de ses droits héréditaires bien plutôt que par sa" position dans l'empire, l'un des principaux états européens. Elle n'est plus maintenant, ce qu'elle a été pendant quelque temps, le plus grand de tous ces états, mais elle a conservé une grande importance en Europe jusqu'à nos jours.
1. Roi des Romains (HS6); archiduc d'Autriche (1495); comte de Tyrol et landgrave d'Alsace (1496) ; empereur élu (1508). Maximilien recueillit en outre l'héritage des comtes de Goritz, qui étaient une branche cadette de la maison de Tyrol (1500). (Note du traducteur.)
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UNION DE LA BOHÊME ET DE LA HONGRIE A L'AUTRICHE
Conséquences de la réunion à la maison d'Autriche de pays situés en dehors de l'empire. —
Le principal caractère qu'offre l'histoire de la maison d'Autriche, à partir du quinzième siècle, c'est sa connexion avec le royaume de Bohême, situé dans l'empire, et avec le royaume de Hongrie, situé en dehors de l'empire. Une telle connexion fut, il est vrai, détruite plus d'une fois, mais elle fut toujours rétablie, et devint finalement permanente. Les deux royaumes ont donné à la monarchie autrichienne son caractère spécial, celui d'un état formé par l'union, sous un même prince, de plusieurs nations complètement différentes, ou de parties de nations n'ayant entre elles d'autre, lien que celui résultant de cette union. Les princes autrichiens, dont l'origine était purement germanique, en Souabe comme en Autriche, avaient déjà, par suite de l'extension qu'ils avaient prise au sud, un certain nombre de sujets slaves et italiens ; mais leur domination restait toujours celle d'un état purement germanique. Du quinzième au dix-neuvième siècle, nous les verrons grouper successivement sous leur domination une masse de royaumes, duchés et comtés répartis sur toute l'Europe, depuis les Flandres jusqu'à la Transylvanie, et cela par toutes sortes de procédés et. avec de nombreuses vicissitudes. Toutefois, ce fut l'acquisition des couronnes de Bohême et de Hongrie qui, par-dessus tout, donna à la maison d'Autriche sa position spéciale d'état intermédiaire, participant à la fois du système de l'Europe occidentale et de celui de l'Europe orientale. Par suite des changements innombrables survenus parmi
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les états qui ont été groupés sous l'autorité de la maison de Habsbourg, celle-ci a été plus d'une fois, au même moment, voisine de la France et de la Turquie ; et elle a trouvé quelquefois ces deux voisins ligués contre elle. En outre, bien que la connexion qui existait entre la maison [l'Autriche et l'empire fût purement personnelle, et renouvelée à chaque génération par une élection spéciale, le fait que tant de rois de Hongrie et d'archiducs d'Autriche furent successivement choisis comme empereurs, fit qu'à bien des yeux, la maison d'Autriche, après l'abolition de l'empire, semblait continuer celui-ci. La position particulière de la maison d'Autriche aurait été difficilement obtenue par la simple union de la Hongrie, de l'Autriche et des autres états sous des princes dont aucun n'aurait été élevé au rang impérial; et il en aurait été de même d'une sérié de simples ducs d'Autriche, quand bien même ils auraient revêtu la dignité impériale de génération en génération. H fallut, en effet, qu'une masse d'états n'ayant aucune connexion naturelle l'un avec l'autre fussent réunis accidentellement sous un même souverain, et de plus que l'empire lui-même semblât être devenu la propriété de la maison de Habsbourg, pour que celle-ci, continuée par la maison de Lorraine, arrivât à la position unique qu'elle occupe parmi les puissances européennes. La Bohême et l'Autriche jusqu'à leur union définitive (ÎSST). — Ce fut comme nous l'avons vu, sous Ottocar II, que l'union qui devait se réaliser entre les royaumes de Hongrie et de Bohême et le duché d'Autriche, commença à se révéler. Un roi de Bohême avait alors pris possession du duché d'Autriche, tandis qu'un roi de Hongrie avait momentanément pris possession d'une partie de la Styrie. Cependant, ce n'était pas sous cette forme que l'union devait se réaliser d'une façon définitive, et, au lieu que le duché fût ajouté à l'un ou à l'autre de ces deux royaumes, c'était au contraire ces royaumes qui devaient appartenir aux princes autrichiens. Il sera parlé ailleurs de
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la formation des royaumes de Hongrie et de Bohème; nous n'avons à nous occuper ici que de leurs relations avec la maison d'Autriche. Pendant un moment, au commencement du quatorzième siècle, un prince autrichien, fils du premier roi autrichien d'Allemagne, fut reconnu comme roi de Bohême1. Mais cette connexion fut tout à fait momentanée, et il faut attendre cent trente années avant de voir à celle-ci un caractère de permanence. Le second roi autrichien d'Allemagne, Albert II, porta les deux couronnes de Hongrie et de Bohême en vertu de son mariage avec la fille de l'empereur et roi Sigismond2. Celui-ci fut le troisième roi de Bohême qui porta la couronne de l'empire. Sous son gendre, la Hongrie, la Bohême et l'Autriche furent réunies un moment à la couronne germanique, et c'est sous le successeur de ce dernier que commence, comme nous l'avons vu, la connexion permanente de l'Autriche avec l'empire. Les royaumes de Hongrie et de Bohême vinrent cependant à se détacher de nouveau. Wladislas le Posthume, fils d'Albert II, régna seul, au moins nominalement, sur les deux royaumes (1453-1457), comme sur le duché spécial d'Autriche (1440-1457). Mais l'union définitive ne devait être réalisée que quatrevingts ans plus tard, à une époque où les Turcs, étendant leurs conquêtes, devenaient de plus en plus menaçants. Louis3, souverain des deux royaumes de Hongrie et Bohême, fut complètement défait par eux à la bataille de Mohacz (1526), et son royaume de Bohême passa à Ferdinand
1. Rodolphe, fils d'Albert I" (1506). , 2. Sigismond succéda à son beau-père, Louis le Grand, comme roi de Hongrie (1586). II devint roi des Romains (1414), roi de Bohême après la mort de son frère Venceslas (1419), fut couronné empereur (1455), et mourut en 1457. Son gendre, Albert d'Autriche, lui succéda comme roi de Hongrie et de Bohême (1457), devint le roi d'Allemagne Albert II, et mourut en 1459. (Note du traducteur.) o. A la mort de Wladislas le Posthume, roi de Hongrie et de Bohême, la Hongrie élut Mathias Corvin, fils de Jean Huniade (1457). Ladislas II Jagellon, déjà roi de Bohême depuis 1471, lui succéda en 1490, et c'est le fils de celui-ci, Louis H Jagellon, roi de Hongrie et de Bohème en 1516, qui périt à Mohacz. Ferdinand Iat d'Autriche lui succéda. (Note du traducteur.)
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, d'Autriche (1527). A -partir de cette époque, excepté le choix tout à fait temporaire de l'électeur palatin, Frédéric, le roi d'un hiver, la couronne de Bohême est toujours restée dans la maison d'Autriche; et pendant plusieurs générations, elle a appartenu à celui de ses membres qui était archiduc d'Autriche. Union de l'Autriche et de la Hongrie (152*7). — Guerres avec les Turcs (1526-1718). — L'acquisition de la couronne de Hongrie eut une plus grande importance encore que celle de la couronne de Bohême. Elle plaça la maison d'Autriche dans une position toute nouvelle, en lui donnant le caractère d'un état tenant le milieu entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale. Le duché avait été, à l'origine, une marche destinée à contenir les envahisseurs touraniens et païens, les Magyars. Ceux-ci avaient ensuite formé un royaume chrétien, et ils étaient eux-mêmes devenus les champions les plus avancés de la chrétienté contre les Mahométans, d'origine également touranienne, qui s'étaient emparés du trône des empereurs d'Orient. Cette tâche passa donc aux archiducs et empereurs de la maison d'Autriche après qu'ils eurent acquis la couronne de Hongrie. Mais pendant longtemps la Hongrie fut pour ses rois autrichiens une possession très imparfaite et très précaire ; malgré l'élection de Ferdinand, son autorité et celle de ses successeurs fut bien contestée et bien partielle pendant plus de cent cinquante ans (1526-1699). Ils eurent, dès l'origine, à lutter contre des rois rivaux, tandis que la plus grande partie du royaume et des pays dépendant de la couronne était entre les mains des Turcs, ou bien entre celles de princes qui reconnaissaient leur suzeraineté. Mais ce sont là des affaires qui concernent plus particulièrement la Hongrie, et, il en sera parlé ailleurs en parlant des variations de frontières du côté des Turcs. Ce ne fut pas avant le dix-huitième siècle que la totalité du royaume de Hongrie et de ses dépendances appartint complètement à ses rois autrichiens (traité de Passarowitz, 1718).
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LA IVIAISON
D'AUTRICHE A PARTIR
DU
ÎCVI- SIECLE
Acquisition de Goritz (15©©). — Domination de l'Autriche en Italie. — A la fin du quinzième siècle, l'état autrichien avait fait de grands progrès au nord-est de l'Adriatique par suite de l'addition du comté de Goritz, qui comprenait l'ancienne ville d'Aquilée (-1500). C'était là Lien ouvertement un acheminement vers la domination de l'Italie. Les guerres de la ligue de Cambrai n'ajoutèrent aucune possession durable à cette partie de la domination autrichienne ; mais le maître de Trieste et d'Aquilée, qui séparait ainsi Venise de ses possessions istriennes, pouvait presque déjà s'attribuer le titre de souverain en Italie. Sous Charles-Quint, nous avons vu que la maison d'Autriche fonda une grande domination en Italie; mais, après lui, cette domination se détacha de l'empire et de la branche allemande de la maison d'Autriche pour devenir une partie de l'héritage des rois autrichiens d'Espagne. Il faut attendre jusqu'au commencement du dix-huitième siècle, pour voir un empereur, ou un archiduc régnant, posséder de nouveau quelque territoire en Italie (traités d'Utrecht et de Rastadt 1713-1714). Les fluctuations de la domination autrichienne en Italie, depuis l'acquisition du duché de Milan jusqu'à nos jours, ont déjà été décrites dans le chapitre sur l'Italie. La Lombardie et la Vénétie sont redevenues italiennes ; mais l'Autriche garde toujours l'extrémité nord-est du grand golfe, c'est-à-dire Goritz et Aquilée, Trieste, et l'Istrie tout entière, pour ne rien dire de cette partie, tout à fait italienne, qui comprend les pays de Trente et de Roveredo. L'Autriche dans les Pays-Bas (1713). — Ses
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pertes en Alsace (1648). — Une autre série d'acqui' sitions autrichiennes, celles-ci dans l'Europe occidentale, ont complètement disparu. Le grand héritage des ducs de Bourgogne passa à la maison d'Autriche (1477) ; mais ce fut seulement pendant un temps très court, sous Maximilien et sous son fils Philippe le Beau, qu'il fit corps avec l'archiduché d'Autriche (1477-1519). Après Charles-Quint, les possessions bourguignonnes passèrent, comme celles d'Italie, à la branche espagnole de la maison d'Autriche et, de même qu'en Italie, ce ne fut pas avant le dix-huitième siècle que des empereurs ou des archiducs régnèrent de nouveau sur une partie des Pays-Bas (1715-1714). Avant cette époque, la France avait remplacé l'Autriche en Alsace (1648), et, comme nous l'avons déjà vu, elle lui enleva également, à une époque de confusion générale, le reste de ses possessions en Souabe. Il a déjà été question des variations du territoire autrichien en Allemagne pendant cette période. Les acquisitions de l'Autriche dans l'Europe orientale seront décrites plus complètement dans une autre partie de ce livre, mais nous devons en dire un mot ici. Perte de la Silésie (1741). — Acquisitions en Pologne (1773-1795) et en Dalmatie (17971814). — En considérant la maison d'Autriche simplement comme un état, sans nous occuper du caractère germanique ou non germanique de ses possessions, la perte de la Silésie fut en quelque sorte compensée par les parties de la Pologne qui lui revinrent au premier et au troisième partage1. Le premier partage lui donna un territoire dont la plus grande partie était, originairement, plutôt russe que polonaise, et dans laquelle les anciens noms russes de Halicz et de Wladimir furent étrangement remplacés par celui de royaume de Galicie et Lodomérie. Au troisième partage, elle acquil Cracovie et un territoire considérable qui était strictement polonais ; ces acquisitions, qui formèrent la province aulri1. Voyez pages 556 et 337.
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chienne de Nouvelle-Galicie, passèrent ensuite au duché de Varsovie et au royaume de Pologne restauré. Mais l'ancienne Galicie resta à l'Autriche, et la république de Cracovie, renversée en 1846, y fut ajoutée. Tous ces pays étaient situés au nord du royaume de Hongrie, et au sud-ouest de ce royaume venaient aboutir les possessions autrichiennes situées sur les côtes de l'Adriatique. Au traité de Gampo-Formio (1797), l'Autriche acquit la Dalmatie proprement dite, et au sud, tout ce que Venise possédait jusqu'à Budua. Perdues pendant les guerres avec la France, et recouvrées après la conclusion de la paix (1814), ces dernières possessions furent accrues en outre de Raguse et de son territoire. Toutes ces acquisitions et toutes ces pertes faites de tant de côtés présentent nécessairement un ensemble quelque peu décousu. Il ne sera donc pas inutile de terminer ce chapitre par un tableau des possessions autrichiennes à des époques différentes, prises dans les cent cinquante dernières années, en ne parlant pas, bien entendu, des fluctuations du côté des Turcs, lesquelles trouveront mieux leur place dans l'histoire des pays orientaux. Ju Autriche sous Marie - Thérèse (1740iHSO). — La première date que nous choisirons nous reporte à l'impératrice-reine Marie-Thérèse, — reine de Hongrie et de Bohème en vertu de ses propres droits, impératrice par l'élection de son mari à la couronne impériale—. La pragmatique sanction de son père Charles VI la fit héritière de tous ses domaines héréditaires, c'est-à-dire qu'elle lui donnait dans l'empire : le royaume de Bohême avec ses dépendances de Moravie et de Silésie; l'archiduché d'Autriche avec' les duchés, comtés et principautés de Styrie, Carinthie, Carniole, Tyrol, Goritz et Trieste; Constances* quelques autres points éloignés en Souabe ;, et enfin Milan, Mantoue et les Pays-Bas autrichiens qu'on ne pouvait rattacher à l'empire que par une sorte de fiction légale, et en souvenir d'un temps bien éloigné. Complètement en dehors de l'empire, elle lui
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donnait le royaume de Hongrie avec les pays dépendants de Croatie, de Slavonie et de Transylvanie ou Siebenbûrgen. Ces domaines héréditaires, diminués par la perte de la Silésie et augmentés par l'addition de la Galicie, passèrent par suite de son mariage, et l'empire indirectement avec eux, à une nouvelle famille, la maison de Lorraine. Le mari de Marie-Thérèse, François, qui avait échangé son duché de Lorraine pour celui de Toscane, fut en vérité le premier empereur lotharingien. Trois empereurs de sa famille .lui succédèrent, et sous le règne du troisième, la succession d'Auguste et de Charlemagne s'éteignit tout à fait (1806). Li'Autriche en 1811. — Nous pouvons considérer maintenant l'ensemble des possessions autrichiennes à un moment où la domination française était à son apogée en Allemagne. L'empire romain et le royaume germanique n'existaient plus, et leur dernier chef avait pris le titre d'empereur de son archiduché, tout en conservant son propre titre d'archiduc. A partir de cette époque, le mot Autriche servit généralement, quoique très inexactement, à désigner toutes les possessions de la maison d'Autriche. Comme celles-ci étaient alors parfaitement continues, on pouvait naturellement mieux les désigner par un seul mot, que lorsque les possessions de la maison d'Autriche en Italie et dans les Pays-Bas se trouvaient séparées de la grande masse du territoire autrichien. A cette époque d'ailleurs (1811), l'empire avait disparu, la Confédération germanique n'existait pas encore, et il n'y avait aucune distinction entre les pays allemands et non-allemands. L'empire de François II ou François Ier *, tel qu'il était à l'apogée de la puissance de Bonaparte, avait, si on le compare avec les domaines héréditaires de Marie-Thérèse, subi de grands changements. Le Tyrol et les territoires de la Souabe avaient été donnés à d'autres princes allemands ; Salzbourg avait été acquis, puis reperdu. En Italie, les pos1. François H comme dernier empereur d'Allemagne, ou François I" comme premier empereur d'Autriche. (Note du traducteur.)
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sessions acquises après la ruine de Venise avaient passé, avec les anciennes possessions de l'Autriche dans ce pays, au royaume français d'Italie. A la France proprement dite avaient été annexées, d'un côté les possessions autrichiennes dans les Pays-Bas, et d'un autre, celles qui avaient été nouvellement acquises par l'Autriche en Dalmatie. Ce dernier territoire, avec des parties de la Carinthie et de la Carniole, et le royaume hongrois de Croatie, reçut en passant à la France le nom de provinces illyriennes. Illyriennes, elles l'étaient dans le sens le plus étendu et le plus géographique de ce mot. Cet usage du nom illyrien, cependant, tendait à introduire une certaine confusion en laissant perdre de vue que les véritables représentants de l'antique race illyrienne habitaient non seulement au sud de la Carinthie et de la Carniole, mais encore au sud de la Dalmatie. La perte des possessions autrichiennes dans cette région ramena le nouvel empire d'Autriche à la condition du duché autrichien originel. Il devint un état tout à fait intérieur, sans accès d'aucune sorte à la mer. L'Autriche en 1815. — Nous avons déjà vu comment l'Autriche recouvra les territoires qu'elle avait perdus en Italie et en Dalmatie, ainsi que tous ceux qui, en Allemagne, se reliaient d'une façon continue à l'ensemble de ses possessions. Après avoir retrouvé une certaine étendue de littoral sur les deux rives de l'Adriatique, elle refusa de rendre à Raguse sa liberté, et enleva au Monténégro le port de Cattaro que celui-ci avait conquis à grand'peine. Tous les pays recouvrés formèrent, dans la nouvelle nomenclature des possessions autrichiennes, les royaumes de Lombardie et de Venise, à'Illyrie et de Dalmatie. Ce dernier nom était un ancien titre de la couronne de Hongrie. Le royaume d'Illyrie était la continuation d'un nom employé, d'une façon assez étrange, sous la domination française. Annexion de Craeovie (1846). — Perte des possessions italiennes (1859-1866). — Nous avons déjà montré de quelle façon la puissance autrichienne
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LA MAISON D'AUTRICHE.
disparut de la Lombardie et de la Vénétie, et comment elle se trouva pendant quelque temps posséder, en commun avec la Prusse, le Sleswig, le Holstein et le Lauenbourg. Le seul autre changement de frontière du dix-neuvième siècle a été l'annexion de la république intérieure de Craeovie, qui fait pendant à l'annexion de la république de Raguse. La révolution de 1848 sépara momentanément la Hongrie de l'Autriche. Reconquis en partie avec l'aide de la Russie, en partie par les armes de ceux de ses sujets qui étaient d'origine slave (1849), le royaume magyar ne se releva de son écrasement qu'après que l'Autriche eut été chassée tout à la fois de l'Allemagne et de l'Italie. Monarchie austro-hongroise (1867). — Bosnie et Herzégovine (1878). — C'est alors que fut inauguré le système actuel, le dualisme, comme on l'appelle, qui fait de la monarchie austro-hongroise deux États sous un môme souverain. Par un étrange bouleversement de significations, l'Autriche, qui était jadis en réalité le pays oriental de l'Allemagne, l'Austrie, est maintenant placée tout à fait à l'ouest de la nouvelle monarchie ; elle est devenue une Neustrie. Avec le royaume de Hongrie sont groupés la principauté de Transylvanie et les royaumes de Slavonie et de Croatie. L'Etat autrichien comprend donc l'Autriche proprement dite, — c'est-à-dire l'archiduché augmenté de Salzbourg, — le duché de Styrie, le comté de Tyrol, les royaumes de Bohême, de Galicie et Lodome'rie, d'Illyrie et de Dalmatie, avec Raguse et Cattaro. Ces derniers territoires ne sont pas continus. Deux états ont été ainsi formés. Dans l'un, le duché allemand domine ; il est au nord et au sud entouré de territoires slaves, et son littoral est habité par des populations italiennes. Dans l'autre, c'est le Magyar qui gouverne, et son autorité s'étend sur des Slaves, des Roumains, et même sur des Saxons dans la province de Transylvanie. Enfin, des arrangements encore plus récents ont ajouté aux possessions autrichiennes, sous le titre diplomatique
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« d'administration », les pays slaves de Bosnie et d'Herzégovine, et au royaume de Dalmatie le port de Spizza (1878). Un pareil état, qui ne repose sur aucune base nationale, qui a simplement, pendant un espace de six cents ans, bénéficié de tel et tel don, de tel et tel mariage, de tel et tel traité, est à coup sûr un anachronisme sur la carte de l'Europe moderne. L'Allemagne et l'Italie sont des nations aussi bien que des états. Le nom d'Autriche, signifiant d'abord YAustrie de l'Allemagne et ensuite la Neustrie de la Hongrie, n'a aucun sens. Nous avons ainsi passé en revue les changements géographiques des trois royaumes impériaux, ainsi que ceux des états qui se formèrent sur les débris de ces royaumes et allèrent s'unir dans certains cas avec des pays situés en dehors de l'empire. L'histoire de tous ces pays a conservé jusqu'à nos jours une certaine connexion. Nous allons maintenant revenir sur nos pas et passer à un autre pays qui se détacha de l'empire à peu près de la même façon, mais si longtemps auparavant qu'il devint pour lui un pays complètement étranger et rival, avec une histoire spéciale tout à fait indépendante.
��CHAPITRE X
LE ROYAUME DE FRANCE1
I
ORIGINES. — DOMAINE ROYAL ET ÉTATS VASSAUX
Comparaison avec les autres parties de l'empire franc. — Là formation d'un grand état à l'ouest de l'empire d'Occident a quelque chose d'analogue avec la manière dont se sont détachés de cet empire les états que nous avons passés en revue dans les derniers chapitres. De même que la Suisse et les Pays-Bas, un pays qui avait fait partie de l'empire de Charlemagne s'affranchit, de l'autorité de ses successeurs. Comme ce fut le cas de l'Autriche à l'est, de même la France, à l'ouest, nous montre un duché de l'empire primitif arrivant à devenir un état distinct de cet empire, et essayant de rattacher à lui les anciennes distinctions et traditions impériales. Il y a pourtant dans les deux cas plus d'une différence. A considérer les choses géographiquement, la puissance de la maison d'Autriche a reposé largement, pendant plusieurs siècles, sur la
1. Voir pour ce chapitre les cartes 21 à 55 et 56
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LE ROYAUME DE FRANCE.
possession de domaines situés en dehors des frontières de l'empire carolingien, tandis que si la France a jamais possédé en Europe des territoires ne faisant pas partie de cet empire, ce n'a été que tout à fait temporairement, et principalement par suite de l'annexion de territoires appartenant à cette même maison d'Autriche1. La véritable différence résulte cependant de l'époque et des circonstances dans lesquelles se produisit cette séparation. En effet, c'est après que l'empire eut été réuni définitivement à la couronne de Germanie, que les pays de Souabe, de Lotharingie, de Frise et d'Autriche s'en détachèrent graduellement pour former des états distincts. Mais il est difficile de dire que la France s'est séparée du royaume de Germanie ou de l'Empire. Le prince de la Francia occidentale, qui porta le premier le titre royal, rendit bien hommage pour son royaume au roi des Francs orientaux2, mais il ne sortit de là aucune relation durable, semblable à celle qui relia dans la suite les princes germaniques au chef de l'empire. En outre, de 887 à 963, la dignité impériale ne fut attachée d'une façon définitive à aucun royaume; elle flotta entre l'Allemagne et l'Italie ; elle aurait pu passer à la Bourgogne; elle aurait pu passer à la Carolingie, ainsi que cela avait déjà eu lieu du temps de Charles le Chauve. La manière la plus véridique de présenter les choses, c'est de dire qu'en 887 l'empire se divisa en quatre royaumes, et que trois d'entre eux, ayant été de nouveau réunis, reconstituèrent l'empire sous une autre forme. Le quatrième resta à part, empêchant ainsi l'empire de se reconstituer comme par le passé, sans pour cela qu'il se soit réellement séparé de lui. Il a eu une histoire bien distincte, qui a fait de lui le rival spécial de l'empire, et son nom de Carolingie va être remplacé peu à peu par celui de France, après le changement de dynastie survenu en 987.
JLa France est une nation aussi bien qu'un
1. Les provinces Illyriennes et les Mes Ioniennes 2. Voyez page 138.
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Etat. — H y a cependant une autre distinction à faire, laquelle, pratiquement, a une plus grande importance encore. La France se détacha de si bonne heure des autres pays qui avaient formé avec elle l'empire franc, qu'elle fut à même de former, dès l'origine, non seulement un état, mais encore une nation distincte. Cette séparation arriva à l'époque où les nations européennes étaient en voie de formation. Aussi la France est-elle une nation parfaitement distincte, et l'on n'en peut dire autant des autres états qui se formèrent dans les limites de l'ancien empire franc, parce que leur séparation n'eut lieu que longtemps après. Son histoire est par conséquent bien différente de celle de l'Autriche, de la Bourgogne, de la Suisse, et même de l'Italie. En tant qu'état devenu complètement distinct de l'empire, qui fut en général le rival et l'ennemi de l'empire et s'agrandit considérablement à ses dépens, par-dessus tout comme un état qui se fit à lui-même une existence nationale bien distincte, la France mérite complètement d'avoir un chapitre à part. Ce chapitre vient naturellement à la suite des pages que nous venons de consacrer aux royaumes de l'empire d'Occident, et avant celles que nous consacrerons aux états européens qui sortirent du démembrement de l'empire d'Orient. Étendue du domaine royal à l'avènement de la dynastie de Paris (987). Nous avons laissé la
—
Carolingie, ou royaume occidental, au point où commence réellement l'État français moderne sous les rois de Paris (987). Le duché de France n'était plus aussi vaste qu'à l'origine, car une grande partie en avait été cédée aux Northmans, et les comtes d'Anjou., du Maine et de Chartres étaient en réalité devenus indépendants. Par suite de leur élection au royaume occidental, les ducs de France ajoutèrent à leurs domaines le petit territoire qui, jusqu'à cette époque avait toujours été la possession immédiate des rois carolingiens de Laon, et ils héritèrent non seulement de leur couronne et de leur territoire immédiat, mais encore de leur droit
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LE ROYAUME DE FRANCE.
de suzeraineté sur tous les états qui s'étaient formés dans les limites du royaume occidental. Le nom de France cependant, à cette époque, ne signifiait pas autre chose que le territoire immédiat du roi ; cette signification s'étendit en même temps que le domaine royal lui-même, que cela fût le résultat de l'incorporation d'un fief ou de l'annexion d'un territoire complètement étranger au royaume. Ces deux procédés doivent être distingués avec soin, bien qu'ils aient marché de front pendant des siècles. L'incorporation des états vassaux fut naturellement le premier mis en œuvre, et nous nous occuperons de lui en premier lieu. Aspect féodal du royaume. — Parmi les fiefs qui furent successivement annexés, il faut distinguer deux cas : dans l'un, les titulaires sont de grands princes n'accordant à la couronne de France qu'un hommage purement extérieur; dans l'autre, de simples comtes dont les possessions avaient fait partie à l'origine du duché de France, et qu'il ne faut pas confondre cependant avec les tenanciers immédiats de la couronne, ceux-ci étant vassaux du duc aussi bien que du roi. Les ducs et comtes de Bourgogne, d'Aquitaine, de Toulouse et de Flandre appartiennent à la première catégorie ; les comtes d'Anjou, de Chartres et de Champagne à la seconde. C'est aussi à cette dernière qu'appartient historiquement la Normandie, car la concession qui l'ut faite à Rolf le fut, sans aucun doute, aux dépens du duché de France; néanmoins, le duché de Normandie était, en toutes choses, un état véritablement national, n'accordant à la couronne de France qu'un hommage purement extérieur. La Bretagne, pour laquelle ce caractère était encore plus nettement marqué, était considérée, au point de vue de l'hommage, comme relevant du duc de Normandie. Lies douze Pairs. —Au treizième siècle apparaissent les douze pairs, qui sont les plus grands vassaux de la couronne. Les six pairs laïques étaient les ducs de Bourgogne, de. Normandie, et d'Aquitaine, les comtes de Flandre, de Toulouse et de Champagne. Ce dernier était le seul,
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parmi les six pairs, qui ne pouvait êlre considéré comme un souverain national. Ses domaines étaient français, dan» un sens qui ne pouvait s'appliquer à la Normandie ou à l'Aquitaine. Quant aux six pairs ecclésiastiques, ils offrent un contraste marqué avec les électeurs ecclésiastiques de l'empire Les évêques allemands devinrent des princes tenant directement de l'empire, tandis que les évêques français étaient les sujets de leur suzerain immédiat, que celui-ci fût le roi de France ou l'un de ses vassaux. Ainsi, l'archevêque de Rouen et celui de Bordeaux n'avaient aucune relation avec le roi de France. La pairie ecclésiastique de France comprenait seulement certains évêques, qui étaient vassaux immédiats du roi, en tant que roi et non comme duc de France, et parmi eux il n'y avait qu'un prélat revêtu de la dignité suprême, l'archevêque et duc de Reims. Les autres pairs ecclésiastiques étaient les évêques et ducs de Langres et de Laon, les évêques et comtes de Beauvais, Noyon et Châlons. Semblables aux évêques qui relevaient des fiefs des grands feudataires, les prélats qui relevaient du domaine royal, qui étaient par conséquent vassaux du duc de France aussi bien que du roi de la Carolingie ou France, n'avaient aucun droit à la pairie. Ainsi, l'évêque de Paris et son métropolitain l'archevêque de Sens n'avaient aucune place parmi les douze pairs.
ÏI
INCORPORATION DES ÉTATS VASSAUX
Situation des États vassaux. — A l'avènement de la dynastie de Paris, le domaine royal comprenait la plus grande partie du territoire qui forma plus tard l'Ile de
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LE ROYAUME DE FRANCE.
France (c'est-à-dire de celui qui conserva d'une façon toute spéciale le nom franc), la plus grande partie du territoire qui composa dans la suite le gouvernement d'Orléans, plus quelques fiefs éloignés relevant immédiatement du roi. De ce domaine dépendaient les comtés de Clermont, de Dreux, de Moulins, de Valois et du Gatinais, dont l'importance .historique est très grande; il était traversé par deux des 'grands fleuves de la Gaule, la Seine et la Loire, mais le roi était complètement séparé de la mer par les grands feuda.taires qui commandaient leur cours inférieur. La côte de la Manche appartenait aux princes de Bretagne, de Normandie et de Flandre, et le petit comté de Ponthieu, situé entre les possessions du duc de Normandie et du comte de Flandre, rendait hommage tantôt à l'un et tantôt à l'autre. La côte de l'Océan appartenait aux princes de Bretagne, de Poitou, d'Aquitaine, et de Gascogne (le Poitou et l'Aquitaine dépendant d'un même prince). La petite partie de la côte méditerranéenne qui dépendait nominalement du royaume occidental appartenait aux comtes de Toulouse et de Barcelone. Parmi les grands feudataires, les princes de Flandre, de Bourgogne, de Normandie et de Champagne étaient tous voisins immédiats du roi. A l'ouest du domaine royal se trouvaient différents états de second rang qui jouèrent un rôle considérable dans l'histoire de France et de Normandie. Il y avait parmi ces états les comtés de Chartres et de Blois, qui se trouvèrent momentanément réunis à la Champagne (1125-1152); au delà, et à côté de comtés de moindre importance, il y avait l'Anjou et la Touraine, réunis en 1044, et le Maine, le grand pays frontière de la Normandie et de la France. Ainsi entourés par leurs propres vassaux, les premiers rois de la maison de Paris eurent bien moins de rapports avec les états situés en dehors de leur royaume que leurs prédécesseurs carolingiens, et avant de devenir l'une des grandes puissances de l'Europe , ils avaient à devenir les maîtres de la Gaule
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Premiers agrandissements du domaine royal (1068=1187). — Eu égard à l'étendue de leur territoire, les rois de France avaient complètement perdu, au commencement du onzième siècle, la position prépondérante qu'avaient les ducs de France au milieu du dixième. Mais cette perte apparente était plus que compensée par ce fait qu'ils étaient maintenant rois au lieu d'être de simples ducs, et qu'ils exerçaient un pouvoir souverain au lieu d'être de simples vassaux ; et à mesure que les principes féodaux se développèrent, le seigneur trouva constamment des occasions de s'annexer les terres de son vassal. Vers la fin du onzième siècle, le domaine royal avait déjà commencé à s'agrandir par l'acquisition du Gatinais (1068) et de la vicomté de Bourges (1100); cette vicomté n'était qu'une petite partie de la future province de Berry, mais elle n'en eut pas moins pour effet de rapprocher bien davantage la France et l'Aquitaine. Vers la fin du douzième siècle, des progrès plus importants commencèrent à se dessiner au nord-est, et le premier agrandissement de la France aux dépens de la Flandre fut le premier chaînon d'une série d'événements qui jouèrent un rôle considérable dans l'histoire européenne. Au début du règne de Philippe Auguste, les comtés d'Amiens et de Vermandois furent réunis à la couronne (1185), et il en fut de même du comté de Valois deux années plus tard (1185); l'Artois, qui avait plus d'importance encore, le fut pendant sept ans seulement (1180-1187). Enfin, dans les premières années du treizième siècle, le même prince fil une autre annexion bien plus importante ; elle fut le résultat de causes qui étaient en jeu depuis le onzième siècle et que nous allons examiner. Formation de la maison d'Anjou. Son union avec la couronne d'Angleterre. — Le douzième siècle vit se former dans les limites du royaume occidental un état dont le territoire dépassa de beaucoup celui du roi de France. Les deux grands états du nord et du sud de la
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LE ROYAUME DE FRANCE.
Gaule, la Normandie et l'Aquitaine, chacun d'eux amenant avec lui un nombre considérable d'états inférieurs, furent réunis entre les mains d'un prince qui était en même temps roi d'un puissant royaume à l'étranger. Le duché d'Aquitaine comprenait, outre le comté de Poitou, un certain nombre de fiefs dont les plus importants étaient ceux de Périgueux et de Limoges, le dauphiné d'Auvergne, et le comté de la Marche, qui donna des rois à Jéru ■ salem et à Chypre. A tous ces fiefs vint s'ajouter, au onzième siècle, le duché de Gascogne avec les fiefs qui en dépendaient (1052), de sorte que la domination du seigneur de Poitiers s'étendit jusqu'aux Pyrénées. Quant à la Normandie, son duc Guillaume y avait ajouté, avant de conquérir l'Angleterre, la suzeraineté du comté de Ponthieu (1056), et la souveraineté immédiate du petit district de Domfront (1049) et de la totalité du Maine (1065). Le Maine fut perdu par son successeur et passa finalement à la maison d'Anjou (1110). Enfin, par suite de la réunion sur une seule tête de plusieurs lignes descendantes, l'Angleterre, la Normandie, VAnjou et le Maine se trouvèrent unis dans la personne d'Henri II, fils de Geoffroy comte d'Anjou et de Mathilde d'Angleterre. > Cependant, avant que les deux grands états du nord et du sud de la Gaule ne fussent ainsi réunis en un seul état, rival de la couronne de France, l'un d'eux fut placé dans des conditions qui semblaient devoir l'unir définitivement à la France. En effet, le mariage de Louis VII de France avec Éléonore d'Aquitaine, en 1157, réunit à son royaume le duché d'Aquitaine ; et un roi de Paris régna pour la première fois sur la Garonne et au pied des Pyrénées. Mais, Louis ayant divorcé avec Éléonore en 1152, celle-ci se remaria immédiatement avec le duc de Normandie et comte d'Anjou, et le duché méridional fut séparé du royaume de France. Les deux grands états du nord et du sud de la Gaule furent alors unis, et leur maître commun y ajouta une couronne en devenant le premier roi angevin d'Angleterre (1154).
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Un autre mariage porta la Bretagne, qui était depuis longtemps un fief nominal des ducs de Normandie, sous leur domination réelle (1169). La maison d'Anjou acquit donc en Gaule une puissance territoriale égale à celle du roi de France et de ses vassaux réunis ; elle détenait l'embouchure des trois grands fleuves, et le royaume d'Angleterre était venu en outre s'ajouter à cette vaste domination. Conquêtes par Philippe Auguste de la, Normandie, de l'Anjou, du Maine, de la Touraine et du Poitou (1203-1205). — Traité d'Abbéville (1359). — Mais l'occasion devait bientôt se présenter pour le roi de France d'ajouter à ses propres domaines la plus grande partie des états de son dangereux vassal. A la mort de Richard (1199), Ier d'Angleterre at IVe de Normandie, la Normandie et l'Angleterre passèrent à son frère Jean, tandis que dans les autres possessions continentales des premiers Angevins, les droits de son neveu Arthur, héritier de la Bretagne, furent mis en avant. Si Arthur avait réussi, il en serait résulté pour la Gaule un aspect géographique tout différent; les possessions angevines sur le continent auraient appartenu, non pas à un roi d'Angleterre, mais à un duc de Bretagne, c'est-à-dire au chef d'un état qui, sans être géographiquement aussi séparé de la France que l'Angleterre, lui était cependant encore plus étranger. Après la mort d'Arthur (1203), Philippe déclara en vertu de la jurisprudence féodale, que tous les fiefs que Jean tenait de la couronne de France étaient confisqués au profit de cette couronne. Cette sentence, qui ne s'appliquait pas aux fiefs que Jean tenait de sa mère Éléonore, fut exécutée dans l'espace de deux ans (1203-1205), et la Normandie continentale', le Maine, l'Anjou, la Touraine et le Poitou furent, dans un traité postérieur (1259), abandonnés formellement par le fils de Jean, Henri III. C'était à peu près le rétablissement de l'ancien ordre de choses, car tous ces pays, sauf le Poitou, avaient appartenu à l'ancien duché de France. Possessions des rois d'Angleterre en France.
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LE ROYAUME DE FRANCE.
Situation de la France. — Les rois d'Angleterre gardaient toujours le duché d'Aquitaine, avec la Gascogne; ils gardaient également la Normandie insulaire, c'est-à-dire les Iles normandes, qui sont toujours restées, depuis cette époque, des états distincts dépendant de la couronne d'Angleterre. L'Aquitaine, au lieu de faire partie des possessions continentales d'un prince qui était également chez lui sur les deux bords de la Manche, n'était plus qu'une dépendance éloignée de son royaume insulaire, et, tandis que les grandes cités de cette province restaient fidèles à l'Angleterre, sa position géographique et les sentiments de sa noblesse féodale tendaient de plus en plus à la l'approcher de la France. Le résultat de cette grande et subite acquisition de territoire fut de rendre le roi de France, en Gaule, incomparablement plus puissant qu'aucun de ses vassaux. La France avait maintenant un littoral considérable sur la Manche, et un autre beaucoup plus petit sur l'Océan. Nous allons maintenant passer à une autre série d'événements, d'où résulta pour la couronne l'acquisition d'un territoire considérable qui n'avait eu en réalité jusque-là aucun rapport avec elle, et qui donna au royaume un autre littoral, situé, celui-là, sur la Méditerranée. Acquisitions dans le Midi (1339-1370) et dans le Centre (1334-1357). — Pendant que le nordouest et le sud-ouest de la Gaule se trouvaient ainsi réunis entre les mains d'un roi insulaire, le roi d'un royaume péninsulaire devenait presque aussi puissant dans le sud de la Gaule. Jusque-là, les plus grands princes de cette région avaient été les comtes de Toulouse, qui, en dehors de leurs fiefs français, avaient également des possessions au delà du Rhône, dans le royaume de Bourgogne. Mais, pendant la dernière partie du onzième siècle et le commencement
1. L'Aquitaine, héritage d'Éléonore, ne tomba pas sous le coup de la confiscation prononcée contre les ûefs que Jean tenait de la couronne de France (Note de l'auteur.)
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du douzième, les comtes de Barcelone, et les rois d'Aragon qui leur succédèrent, acquirent de différentes manières un certain nombre de fiefs toulousains, aussi bien de ceux qui étaient français que de ceux qui étaient impériaux. Carcassonne, Albi et Nîmes passèrent ainsi sous la suzeraineté de la couronne d'Aragon. Lors de la guerre des Albigeois (1207-1229), il sembla un moment que la maison de Montfort allait devenir l'état principal de la Gaule méridionale; mais la lutte se termina par un accroissement considérable au profit de la couronne de France, aux dépens des maisons de Toulouse et d'Aragon. Les possessions du comte de Toulouse furent partagées. Béziers, Narbonne, Nîmes, Albi et quelques autres districts furent immédiatement annexés à la couronne (1229), et cinquante ans plus tard, il en fut de même du comté de Toulouse et de sa capitale (1270). Par un arrangement avec l'Aragon, le domaine particulier du roi de France fut. augmenté, tandis que le royaume proprement dit se trouva nominalement diminué par l'abandon de tout hommage de la part de deux des fiefs aragonais, les comtés de Roussillon et de Barcelone (1258). Le nom de Toulouse ne s'appliqua plus désormais qu'à la ville elle-même, et les nouvelles acquisitions de la France reçurent un nom qui était celui de la langue qu'elles avaient en commun avec l'Aquitaine et la Bourgogne impériale. Sous le nom de Languedoc, elles devinrent l'une des provinces les plus grandes et les plus importantes du royaume de France. La grande extension de la couronne pendant le règne de saint Louis eut donc lieu dans le Sud ; mais elle ne fut pas la seule. Dans des régions beaucoup plus rapprochées, ce monarque recouvra une partie de l'ancien duché de France en achetant la suzeraineté des comtés de Blois et de Chartres (1254), et en acquérant plus tard le Perche, tombé en déshérence (1257). Mâcon, situé beaucoup plus loin, fut également ajouté à la couronne (1259); mais il passa dans la suite à la maison de Bourgogne.
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LE ROYAUME DE FRANCE.
Champagne et Navarre. — Incorporation de la Champagne (1361). — Les apanages. — Ainsi, pendant les règnes de Philippe Auguste et de son petit-fils, deux des principaux états vassaux, qui comptaient parmi les pairies laïques, avaient été annexés à la couronne. Le roi de France eut alors accès sur la Méditerranée et sur l'Océan, et de plus il fut mis en contact immédiat avec l'Espagne. Plus tard, au treizième siècle, le mariage de Philippe le Bel avec l'héritière de Champagne (1284) n'éteignit pas seulement une autre pairie, car il fit momentanément les rois de France souverains aussi en Espagne, et il rendit la France voisine immédiate du royaume germanique. En effet, le comté de Champagne avait été réuni pendant deux générations au royaume de Navarre, et trois rois de France régnèrent sur l'un et sur l'autre en vertu du droit qu'ils en avaient par leurs femmes. La Navarre fut ensuite entièrement séparée de la France (1528), tout en passant à un prince français, tandis que la Champagne finit par être incorporée au royaume (1555-1561). Cette dernière annexion donna à la France une frontière considérable du côté de l'Allemagne, et elle amena le royaume en voisinage immédiat avec les évêchés lotharingiens. L'acquisition de la Normandie avec les états qui en dépendaient, celles de Toulouse et du reste du Languedoc, puis de la Champagne, nous montrent les principales formes que revêtit l'incorporation des états vassaux jusqu'au milieu du quatorzième siècle. Pour tout ce qui touche aux apanages, leur établissement et leur fin, cela concerne à peine la géographie politique. Nous allons passer maintenant aux deux grandes luttes que les rois de France eurent à soutenir contre deux de leurs principaux vassaux, dans le courant des quatorzième et quinzième siècles, vassaux qui étaient en même temps de puissants souverains étrangers. Dans l'un et l'autre cas, des événements qui semblaient devoir tourner à la ruine complète de la France finirent par amener pour elle un large accroissement de territoire.
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Guerre de Cent ans (1337-1453). — Traités de Brétigny et de Troyes. — La première de ces luttes est celle que les écrivains français ont appelée la guerre de Cent ans. On pourrait dire que ce fut une guerre en vue de l'annexion de la France à l'Angleterre, ou une guerre en vue de l'annexion de l'Aquitaine à la France. Lorsque la paix eut été signée entre Henri 111 et saint Louis (1259), l'Aquitaine devint un pays possédé par le roi d'Angleterre comme vassal de la couronne de France. A partir de cette époque, ce fut un des principaux objectifs des rois de France de changer leur suzeraineté sur ce grand duché en une possession réelle. La chose s'était déjà réalisée une fois, par suite du mariage d'Éléonore avec Louis VIL Elle le fut de nouveau sous Philippe le Bel, qui occupa momentanément cette province en 1294. La guerre de Cent ans commença en 1537, lorsque Philippe de Valois voulut s'emparer des possessions d'Edouard III en Aquitaine. Deux ans après, le roi d'Angleterre trouva de son intérêt de prendre le titre de roi de France1. La première période de cette guerre finit au traité de Brétigny (1560), lequel montre bien la» nature véritable de toutes ces controverses. Edouard y fit abandon de tous ses droits à la couronne de France, en échange de la souveraineté directe de ses anciens fiefs et de quelques-unes de ses conquêtes récentes. L'Aquitaine et la Gascogne, y compris le Poitou mais non l'Auvergne, les districts sur la Manche, Calais et Guines, et le comté de Ponthieu, furent laissés au roi d'Angleterre, sans aucune condition d'hommage ou de vassalité. Tous ces pays devinrent aussi étrangers au royaume de France que les pays allemands et espagnols avoisinants. Quelques années après, la France déchira le traité, et ses victoires (1570-1574) ne laissèrent à l'Angleterre que Calais et Guines, avec quelques petites parties de lAquitaine dépendant des villes de Bordeaux et de Bayonne. L'invasion
1. En vertu du droit qu'il tenait de sa mère, fllle de Philippe le Bel. (Note du traducteur.)
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d'Henri V changea la face des choses, et le traité de Troyei réunit les couronnes d'Angleterre et de France (1420). L'Aquitaine et la Normandie furent enlevées à la France, et en 1451, année où un roi anglais fut couronné à Paris, l'héritier du royaume de Paris n'était plus que le roi de Bourges, et possédait seulement la partie centrale de la France. Union finale de l'Aquitaine à la France (145 3). — Cependant, le résultat final de cette longue lutte fut l'expulsion des Anglais de toute l'Aquitaine et de la France, hormis le simple district de Calais (1451-1455); et l'Aquitaine, qui avait été complètement séparée du royaume au traité de Brétigny, fut finalement incorporée à ce royaume. Cette conquête française de l'Aquitaine, qui était en apparence celle d'un pays n'ayant plus aucun rapport avec la couronne de France, était en réalité l'incorporation de son plus grand fief ; elle était d'ailleurs balancée par la perte d'un petit territoire dont l'importance était tout à fait hors de proportion avec son étendue géographique. . L'annexion de l'Aquitaine à la France présente encore historiquement un autre aspect. Le royaume de France, tel qu'il apparaît dans les temps modernes, fut constitué, on peut le dire, du jour où l'Aquitaine fit corps avec laNeustrie, et la Gaule méridionale avec la Gaule septentrionale1. Cette union, effectuée après tant de vicissitudes, était maintenant accomplie pour toujours. Le don qui avait été fait à Charles le Chauve recevait ainsi sa complète exécution après six cents ans. La France, au sens où ce mot est entendu dans la langue moderne, peut dater sa complète existence de l'addition de Bordeaux aux domaines de Charles VII. Annexion du duché de Bourgogne (1479)0 — Perte de la Flandre et de l'Artois (1526). — Ainsi, dans l'espace de quatre cents ans, la conquête de l'Angleterre par un vassal de la France, suivie de l'union
1, Voir page 155.
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d'une masse d'autres fiefs français entre les mains d'un souverain régnant à la fois sur l'Angleterre et la Normandie, avait abouti à la réunion à la France de toutes les possessions continentales du prince qui régnait sur les deux bords de la Manche. Pendant ce temps, à l'est du royaume, le possesseur d'un grand fief français arrivait à former un état véritablement européen et ayant un caractère tout spécial de rivalité vis-à-vis de son suzerain français. Le duché de Bourgogne, donné à une branche de la famille royale dans les premiers temps de la dynastie de Paris (1052), revint à la'couronne dans le courant du quatorzième siècle (1561), et fut de nouveau donné au fils du roi régnant (1564). Une série de mariages, de conquêtes et de transactions de toute nature, rassembla dans les mains des ducs de Bourgogne une masse de fiefs tenant à la fois de la France et de l'empire1 : le duché de Bourgogne avec le comté de Charolais et les comtés de Flandre et à'Artois, fiefs français; le comté impérial de Bourgogne et plusieurs autres fiefs impériaux dans les Pays-Bas. Sous Philippe le Bon et Charles le Téméraire, la frontière bourguignonne s'avança plus d'une fois jusqu'à la Somme, et Amiens fut séparé de la couronne. La mort de Charles le Téméraire (1477) permit à la France de faire de nombreuses annexions du côté de la Bourgogne comme du côté de la Flandre (1479). Tout d'abord, Louis XI put se rendre maître d'une grande partie des fiefs français et impériaux de son rival (1477-1479). Mais le duché de Bourgogne, le Boulonnais et les villes de la Somme restèrent seules à la France; la Flandre et l'Artois redevinrent des fiefs français possédés par la maison de Bourgogne, qui recouvra également la Franche-Comté et le comté isolé de Charolais2. C'était là l'addition d'un territoire considérable, que les rois de France n'avaient jamais gouverné, et elle marque une période importante dans l'acheminement de la France vers les pays impériaux situés sur sa frontière orien1. Voir page 29". 2. Traités d'Arras (1482) et de Sentis (1493).
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taie. Par suite du mariage de Marie de Bourgogne avec Maximilien d'Autriche, tout ce qui restait des possessions bourguignonnes passa à la maison d'Autriche, et de Là finalement à l'Espagne. Il en résulta qu'un roi de France eut momentanément pour vassal un empereur, en tant que celui-ci était comte de Flandre et 'd'Artois; Il n'en fut plus de même après le traité de Madrid (1526), qui fit pour ces deux provinces ce que le traité de Brétigny avait fait pour l'Aquitaine. Elles devinrent des pays complètement étrangers à la France, et c'est comme tels que la France en conquit dans la suite des parties considérables, comme nous le verrons dans la suite en parlant des agrandissements de la France aux dépens de l'empire. Incorporation de la Bretagne (1533). — Ainsi, vers la fin du règne de Louis XI, tous les fiefs de la couronne de France qui pouvaient prétendre au caractère de souverainetés séparées avaient été, sauf une seule exception, ajoutés au domaine royal. La Bretagne restait seule indépendante, sous ses ducs particuliers ; elle représentait d'ailleurs, plus que toute autre province, une nationalité complètement distincte de celle du duché de France. Les mariages successifs de la duchesse Anne avec Charles VIII (1491), et avec Louis XII (1499), amenèrent l'incorporation de la Bretagne à la France (1532), et l'œuvre se trouva ainsi complétée. La totalité du royaume occidental, en exceptant celles de ses parties qui étaient alors devenues territoires complètement étrangers, c'est-à-dire la Normandie insulaire, Calais, Barcelone, la Flandre et. l'Artois, était maintenant réunie sous les rois de Paris, et leur duché originel avait étendu son nom de France à tout ce royaume. Nous avons maintenant à voir de quelle façon pareille extension eut lieu pour des pays qui n'avaient jamais fait partie de ce royaume.
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III
ANNEXIONS DE LA FRANCE EN DEHORS DU ROYAUME
OCCIDENTAL
Rapports de la France avec l'Angleterre et avec l'Espagne. — Réunion de la Navarre (1589). ■— Après que le royaume occidental se fut définitivement séparé de l'empire, ses seuls voisins immédiats étaient, à l'est, les royaumes impériaux, et au sud, les royaumes espagnols. L'union de l'Angleterre et de la Normandie rendit également, en quelque sorte, l'Angleterre et la France voisines immédiates, et la longue possession de l'Aquitaine par l'Angleterre, celle de Calais pendant plus de deux cents ans, ainsi que celle des Iles normandes jusqu'à nos jours, ont toutes eu pour effet de continuer cet état de choses. Cependant, les acquisitions de la France aux dépens de l'Angleterre et de l'Espagne ont été comparativement petites, et la perte de la Marche espagnole, et celle des Iles normandes peuvent être regardées comme leur équivalent dans l'autre sens. La France reprit à l'Angleterre l'Aquitaine et Calais, pays qui avaient été autrefois placés sous la suzeraineté du roi français. Il en fut de même au seizième siècle de Boulogne, qui, prise par les Anglais en 1544, fut restituée par eux en 1550, et au dix-septième de Bunker que, qui, après être devenue possession anglaise (1658), passa à la France (1662). Depuis la perte de l'Aquitaine, les guerres entre l'Angleterre et la France ont apporté des changements très importants dans leurs possessions respectives en des mondes éloignés, mais elles n'ont eu aucun effet sur la
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géographie politique de l'Angleterre et très peu sur celle de la France. On peut presque dire la même chose des rapports de la France avec l'Espagne. Après de longues guerres entre ces deux puissances, un grand nombre des possessions éloignées de l'Espagne ont passé à la France, mais les frontières des deux pays proprement dits n'ont été que très peu modifiées. La seule exception importante est le comté de Roussillon, situé au nord des Pyrénées. Réuni à la France sous Louis XI, rendu à l'Aragon par Charles VIII, il fut finalement annexé à la France au traité des Pyrénées. A l'autre extrémité de la chaîne, une petite partie de l'ancien royaume de Navarre, celle qui est située au nord des montagnes, a été annexée à la France peut-être tout à fait inconsciemment. La Navarre avait déjà appartenu à plus d'un roi de France, en vertu de successions féminines; mais elle ne fut véritablement unie avec la France que lors de l'avènement d'Henri IV au trône de France, et pour cette partie seulement de l'ancienne Navarre dont il était roi, c'est-à-dire celle qui était située au nord des Pyrénées (1589). D'un autre côté, comme successeurs des comtes de Foix, les rois de France et les gouvernements qui leur ont succédé ont exercé sur la petite république à'Andorre, située sur le versant espagnol de la chaîne, non point une domination quelconque, mais certains droits à titre d'avoués ou de protecteurs. Caractères et conséquences des agrandissements de la France au nord et à l'est. — Les agrandissements du territoire français, aux dépens des royaumes impériaux et des états modernes qui les représentent, sont d'une bien plus grande importance. Pour le royaume de Bourgogne, cette annexion a pris la forme d'une absorption progressive de la presque totalité du royaume, depuis l'annexion de Lyon par Philippe le Bel (1510) jusqu'à l'acquisition de la Savoie dans ce siècle (1860). Ce fut
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seulement lorsque la plus grande partie de ce royaume eut été absorbée que le royaume germanique fut entamé à son tour, et la frontière nord-est du royaume occidental ne changea que très peu depuis l'avènement de la maison de Paris, au dixième siècle, jusqu'à la grande extension des ducs de Bourgogne au quinzième. Après que la Lotharingie eut été définitivement rattachée au royaume oriental, l'hommage de la Flandre était incontestablement dû à la France, et celui des états qui avaient formé la basse Lotharingie à l'empire. La frontière du royaume occidental avec la haute Lotharingie ou Lorraine et avec le comté de Bourgogne resta également intacte, et la Saône servit de limite longtemps après que le Rhône avait cessé d'en être une. Ce fut en effet sur ce dernier fleuve que les annexions de la France commencèrent, annexions qui donnèrent à la France une position tout à fait nouvelle en Europe1. L'acquisition du Dauphiné fit de la France le voisin immédiat de l'Italie, et celle de la Provence (1481), outre qu'elle accentuait davantage cette nouvelle situation, fit plus que doubler le littoral de la France sur la Méditerranée. De plus, bien que le territoire français et celui des Confédérés ne se touchassent pas encore, les guerres avec les ducs de Bourgogne, et plusieurs autres événements de la dernière moitié du quinzième siècle, permirent à la France d'établir des rapports très étroits avec l'état qui s'était formé au nord du lac Léman. La France était ainsi devenue un grand état méditerranéen et alpin, prêta menacer l'Italie à la génération suivante. La France fit plus tard d'autres acquisitions dans les anciennes limites du royaume de Bourgogne, et elles eurent un caractère quelque peu différent. Les annexions aux dépens de la maison de Savoie, tout en étant géographiquement bourguignonnes, étaient faites aux dépens d'un état qui commençait à être plutôt italien que bourguignon. L'annexion
1. Voir pour ces annexions pages 265 et 260.
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de la Franche-Comté va plutôt avec celle de l'Alsace, car elle était faite aux dépens de l'empire et de la maison d'Autriche. Au contraire, les pays compris entre le Rhône, la Saône et les Alpes gardaient toujours, au moins négativement, leur caractère intermédiaire; ils n'étaient, en effet,ni allemands, ni français, ni italiens. Les événements des quatorzième et quinzième siècles firent que toute cette région devint française; et en fait, aucune des acquisitions de la France ne contribua davantage à accroître réellement sa puissance. Extinction de la langue d'oc et de la nation provençale après le quinzième siècle. D'un autre côté, ce fut également dans la dernière moitié du quinzième siècle que les rois de France ajoutèrent à leur domaine royal l'Aquitaine et le duché de Bourgogne. En dehors de ses autres caractères, l'acquisition de l'Aquitaine a un troisième aspect qui la relie étroitement avec les annexions des pays situés entre le Rhône et les Alpes. La lutte entre la Gaule septentrionale et la Gaule méridionale, entre la langue d'oil et la langue d'oc touche alors à sa fin. Si l'état principal de la Gaule s'était formé en'Bourgogne et en Aquitaine, la langue d'oil pourrait passer maintenant pour un patois de la langue d'oc. Si la domination française en Italie avait commencé d'aussi bonne heure, et d'une façon aussi permanente qu'en. Bourgogne et en Aquitaine, la langue de si pourrait, aussi bien que la langue d'oc, passer maintenant pour un patois de la langue d'oil- Au lieu de cela, il était certain que le français, et non le provençal, allait devenir la langue dominante de la Gaule ; et comme les pays de langue d'oc qui échappèrent à la domination française faisaient presque entièrement partie des possessions d'autres états, comme il n'y eut'plus, à part la petite principauté d'Orange, aucun état séparé conservant l'usage de cette langue, l'œuvre que se trouvaient maintenant avoir accomplie les rois de France équivalait, à peu de chose près, à l'extinction d'une nationa-
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lité européenne. Une langue, qui avait joui d'une consi-
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dération au moins égale à celle de Paris et de Tours, descendit au rang d'un dialecte provincial après avoir été une langue nationale. Caractères des conquêtes de la France en Italie. — Les grandes conquêtes faites ensuite par la France eurent lieu en Italie, mais elles n'ont guère modifié la' géographie politique. C'est ce qui distingue les rapports que la France eut avec l'Italie de ceux qu'elle eut avec la Bourgogne. La France est intervenue d'une façon constante dans les affaires italiennes; elle a, à différentes époques, occupé des territoires considérables en Italie, et exercé son influence sur toute la péninsule, mais elle n'en a jamais gouverné, d'une façon permanente, quelque partie un peu étendue. Naples et Milan n'ont été aux mains des Français que des possessions tout à fait temporaires, et, quand bien même elles auraient été durables, il eut été difficile de voir dans ces territoires isolés une véritable extension de frontières. Tous ces pays n'auraient jamais pu être incorporés comme le furent les autres conquêtes des rois de France. Si la France les avait conservés, son histoire ultérieure en aurait certes reçu un caractère différent, et qui aurait ressemblé davantage à celui de la monarchie espagnole. La longue occupation du territoire savoyard sur les deux versants des Alpes aurait été une véritable extension de frontières, si elle s'était maintenue. Au lieu de cela, les seuls territoires italiens que la France conserve actuellement sont l'ile de Corse et le district insignifiant de Menton, tandis que les pays qui avaient fait partie de l'ancien royaume de Bourgogne entrent pour une grande partie dans l'étendue du territoire français. Conquête des Troïs-Évêchés (1552). — Reprise de Calais (1558). — Annexion de la Bresse et du Bugey (1601). — Les grandes annexions de la France, aux dépens du royaume germanique et des pays qui s'y rattachent étroitement, commencèrent au milieu du seizième siècle : les trois évêchés lotharingiens, Metz,
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Toul et Verdun, devinrent en réalité français dès cette époque (1552), bien qu'ils n'aient été formellement séparés de l'empire qu'au traité de Westphalie (1648). Il était difficile que cette conquête n'en entraînât pas d'autres, car elle se composait de morceaux de territoires ne se reliant pas entre eux, et séparés également de la masse générale du royaume. Néanmoins, les agrandissements de la France qui vinrent immédiatement après n'eurent pas lieu de ce côté, et cela tient très vraisemblablement aux liens étroits qui existèrent, pendant un certain temps, entre les maisons de France et de Lorraine. En effet, peu de temps après la conquête des TroisÉvèchés, Calais fut repris à l'Angleterre (1558) : Boulogne, qui avait aussi appartenu à l'Angleterre pendant quelque temps, avait été également rendu par elle (1550). Au commencement du dix-septième siècle, la France céda Saluées au duc de Savoie en échange de la Bresse, du Bugey et de Gex (1601). Trente ans plus tard, nouvelle occupation de Pignerol et autres territoires italiens du Piémont, occupation qui dura jusqu'à la fin du dix-septième siècle (16301696). Traité de Westphalie (1648). Acquisitions en Alsace. — Le grand progrès qui fut ensuite réalisé fut le résultat de la guerre de Trente ans, et de la guerre qui se continua pendant onze ans encore avec l'Espagne. La cession des Trois Évêchés y fut faite légalement, et la France acquit en outre les possessions et droits de la maisou d'Autriche en Alsace. Les irrégularités de la frontière, et la tentation pour la France d'arrondir ses angles, se trouvèrent ainsi décuplées. Ce nouveau territoire de la France était isolé; il était situé à l'est de ses conquêtes précédentes et des pays indépendants qui les entouraient; il comprenait des villes et des districts isolés qui n'étaient point français, et il s'étendait ainsi, sans aucune espèce de connexion, au milieu de l'empire. Eu effet, le duché de Lorraine, avec ses enclaves de Metz, Toul et Verdun appartenant à la France, se
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trouvait placé en Ire l'ancienne province française de Champagne et la nouvelle province française â'Elsass ou Alsace. La France acquit en outre la ville de Vieux-Brissach, située sur la rive droite du Rhin ; mais dans son nouveau territoire sur la rive gauche de ce fleuve, Strasbourg, comme ville libre, et quelques autres villes et districts d'Alsace, continuaient a faire partie de l'empire. Une telle frontière pouvait difficilement être durable; maintenant que la France avait atteint et même dépassé le Rhin, l'annexion des territoires éloignés que l'empire conservait à l'ouest de ce fleuve ne pouvait pas manquer d'arriver. Traité des Pyrénées (1659). Acquisition du Roussillon. — Ces lacunes ne furent pas comblées dans la nouvelle série d'annexions qui eut lieu onze ans plus tard. Par le traité des Pyrénées, la France obtint les territoires disséminés du duché de Bar qui reliaient la plus grande partie des Trois Évêchés à la masse principale de ses possessions. Rar fut cependant rendu par la France au duc de Lorraine (1661); en outre, bien que la Lorraine continuât à être occupée par les armées françaises jusqu'en 1697, elle ne fut incorporée à la France qu'au siècle suivant, et les Trois Évêchés restèrent jusque-là des possessions françaises isolées au milieu de pays appartenant à l'empire. Le même traité agrandit la France aux dépens des possessions espagnoles éloignées qui n'étaient que nominalement impériales, et aux dépens des pays espagnols qui touchaient sa frontière méridionale. Le Roussillon devint définitivement français, et il n'y eut plus désormais de territoire appartenant à un royaume espagnol au nord de la grande barrière septentrionale de la péninsule. Frontière des Pays-Bas (ICSO-l'TlR). — Le traité des Pyrénées donna également à la France ses premières acquisitions dans la Flandre et VArtois, — pays qui lui étaient depuis 1526 complètement étrangers, — ainsi que dans ceux de Hainaut, Liège et Luxembourg, qui ne lui avaient jamais dû aucun hommage. Là aussi, la frontière prit le
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même caractère q ue celle qui regardait l'Allemagne. La France posséda sur le territoire espagnol ou impérial des points isolés, tels que Philippeville et Marienbourg, et l'Espagne conserva de son côté, sur le territoire qui venait d'être cédé à la France, des enclaves comme Aire et Saint-Omer. De nouveaux agrandissements eurent lieu pour la France à la paix d'Aix-la-Chapelle (1668), qui lui donna entre autres places Douai, Tournai, Lille, Oudenarde et Courtrai. Dix ans plus tard, à la paix de Nimègue (1678), la frontière française recula de nouveau dans la Flandre orientale. Courtrai et Oudenarde furent perdues par la France,' mais dans les districts situés plus au sud, elle acquit les villes espagnoles de l'Artois, Cambrai et son district, ainsi que Valenciennes dans le Hainaut. Le traité de Ryswick (1697) laissa la frontière telle qu'elle avait été fixée à la paix de Nimègue. Enfin, les traités d'Ulrechl et de la Barrière (1713-1,715) donnèrent à la France une grande partie de la Flandre, et beaucoup de territoires qui avaient appartenu à l'empire. Les Pays-Bas espagnols devinrent alors autrichiens, et ils eurent une frontière protégée par les villes de Fumes, Ypres, Menin, Tournai, Mons, Charleroi et Namur, tandis que la frontière française était gardée par une série de places fortes s'étendant depuis Saint-Omer jusqu'à Charlemont sur la Meuse. Les arrangements qui eurent lieu à cette époque n'ont subi depuis que de très légers changements, sauf pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire, où la totalité des Pays-Bas fut annexée à la France. Frontière de l'Est (1668-1714). Annexion de la Franche-Comté (1678). — Pendant le règne de Louis XIV, la France fit sur sa frontière plus strictement germanique des progrès au moins équivalents à ceux que nous venons de citer. L'époque était alors venue de consolider les possessions éparses entre la Champagne et le Rhin.1 La Franche-Comté, comme s'appelait alors généralement le comté de Bourgogne, fut prise deux fois par Louis XIV (1668 et 1674), et la ville de Besançon en faisait alors
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partie; cette possession fut confirmée à la France par la paix de Nimègue (1678), qui lui donnait également Fribourgen-Brisgau, sur la rive droite du Rhin. Un certain nombre de petites places furent annexées après la paix de Nimègue, en vertu du procédé connu sous le nom de réunion. En 1681, Strasbourg elle-même fut prise en temps de paix, et sa possession fut assurée définitivement à la France par le traité de Ryswick (1697). Mais ce même traité enlevait à la France Fribourg et Rrissach; et la Lorraine, occupée par la France, sans qu'elle lui eût été formellement cédée, fut rendue à son duc particulier. Les arrangements de Ryswick furent confirmés par la paix de Rastadt (1714). Cette même année, la principauté d'Orange fut annexée à la France, et il ne resta plus de l'ancien royaume de Bourgogne que les possessions pontificales d'Avignon et du Comtat Yenaissin, complètement entourées par le territoire français. La France était ainsi en possession d'une vraie frontière naturelle du côté de l'Espagne et de l'Italie; et du côté des Pays-Bas, devenus maintenant autrichiens, sa frontière était nettement indiquée sur la carte. Du côté de l'est, sa frontière restait toujours interrompue par le duché de Lorraine et quelques districts en Alsace, par le comté de Montbéliard, et par les territoires détachés de la république de Genève. La France cependant pouvait considérer maintenant le Rhin, dans une bonne partie de son cours, comme sa frontière, et de là à le considérer comme tel, en totalité, il n'y avait qu'un pas. Annexion de la Lorraine (1I735-1'766). Situation de la France. — Sous le règne suivant, l'œuvre de Henri II et de Louis XIV se trouva en quelque sorte complétée, et la lacune qui avait si longtemps existé entre la Champagne et l'Alsace fut alors comblée. La France obtint en 1735 un droit de réversibilité sur le duché de Lorraine, qui fut incorporé trente et un ans plus tard (1766). Metz, Toul et Verdun ne furent plus isolés, et l'Alsace, qui avait déjà perdu son caractère insulaire par suite de l'acqui-
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sition de la Franche-Comté, cessa même dès lors d'être péninsulaire. En laissant maintenant de côté quelques parcelles de sol impérial qui se trouvaient complètement enclavées dans le territoire français, nous voyons que celui-ci s'étendait comme une masse solide et ininterrompue de l'Océan jusqu'au Rhin. Et il faut bien remarquer que tous les pays que la monarchie de Paris avait ainsi successivement placés sous son pouvoir, étaient, dans le sens le plus strict de ce mot, incorporés au royaume. Ils ne furent jamais des territoires dépendants, ni des royaumes ou des duchés séparés. La continuité géographique du territoire français permit à la France d'incorporer réellement ses conquêtes, comme ne le pouvaient ni l'Espagne, ni l'Autriche, et cela put d'autant mieux se faire que chacune de ces annexions était peu importante eu égard à l'étendue générale de la monarchie française. Excepté pour le fragment de la Navarre qui conserva son roi bourbon, la France n'annexa jamais aucun royaume, et ne fit aucune addition permanente au titre de ses rois. Acquisition de la Corse (1768). — Le même règne vit une autre acquisition complètement différente des autres, sous la forme d'une île italienne, l'île de Corse (1768). En elle-même, l'incorporation de cette île semble aussi étrange que la domination espagnole ou autrichienne en Sicile ou en Sardaigne; les conséquences, cependant, ont été différentes. La Corse a été bien plus complètement incorporée à la France que ne le sont généralement ces sortes de possessions éloignées, et cela est dû en grande partie à la forte continuité qui existait entre les possessions continentales de la France. Il n'y avait aucune tradition, aucun précédent, qui pût suggérer l'idée de donner à cette possession une forme particulière d'indépendance ou d'état séparé. En outre, la Corse fut d'autant plus facilement rattachée à la France que l'homme, qui étendit le plus la domination française, n'était Français que-si les habitants de cette île l'étaient aussi. La
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Corse est donc devenue française, comme jamais la Sardaigne et la Sicile ne sont devenues espagnoles, en partie parce que la France n'avait aucune possession de cette nature, en partie parce que Napoléon Bonaparte naquit à Ajaccio (1769).
IV
DOMINATION COLONIALE DE LA FRANCE'
Dans l'Amérique du Nord (1506-1763). — La France, comme tous les états européens baignés par l'Océan, entra de bonne heure dans la voie de la colonisation et des possessions lointaines. Il y eut une époque où elle sembla devoir les surpasser tous sur le continent indien; il en fut de même dans l'Amérique du Nord, où ses essais de colonisation remontent au commencement du seizième siècle. Le cap Breton, à l'embouchure du Saint-Laurent, fut atteint en 1506; la colonisation du Canada commença une génération plus tard (1540), et la domination française en Amérique fut assurée par la fondation de Québec (1603). La péninsule d'Acadie ou Nouvelle-Écosse devint, à partir de cette époque, un sujet de disputes entre la France et la Grande-Bretagne, et elle fut définitivement abandonnée par la France au traité d'Utrecht (1713). La France possédait alors ou prétendait posséder, sous les noms de Canada et de Louisiane, ou de Nouvelle-France, une vaste région intérieure s'étendant de l'embouchure du Saint-Laurent à celle du Mississipi, tandis que la côte orientale était colonisée par d'autres états. C'est à la fin du dixseptième siècle qu'avait commencé la colonisation à l'em1. Voir pour les colonies les cartes 72 et 75.
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bouchure du Mississipi (1699), et la fondation de la NouvelleOrléans eut lieu dix-huit ans plus tard (1717). La France et l'Angleterre devinrent ainsi des états distinctement rivaux en Amérique aussi bien qu'en Europe. Les Français voulaient empêcher les colons anglais qui s'établissaient sur le littoral de l'Océan de s'avancer au delà de la chaîne des Alleghanys, et dans chaque guerre européenne entre les deux états, les colonies américaines jouèrent un rôle important. La France perdit ainsi le Canada (1759), et, au traité de Paris (1763), elle dut abandonner à l'Angleterre tout ce qu'elle possédait au nord des États-Unis actuels, excepté quelques petites îles ne servant qu'à la pêche. La Louisiane s'arrêta désormais au Mississipi, sur la rive gauche duquel il ne resta plus à la France que la Nouvelle-Orléans. Il résulta de toutes ces cessions que la prépondérance était désormais acquise sur le continent de l'Amérique du Nord aux hommes de race anglaise, soit que ceux-ci continuassent à rester sujets de la mère patrie, ou formassent des états indépendants. Colonies des Indes occidentales et de l'Amérique du Sud. — La France colonisa également, au dixseptième siècle, plusieurs des Antilles, dont quelques-unes furent ensuite prises par l'Angleterre. En 1697, elle acquit une partie de la grande île appelée diversement Espagnola, Saint-Domingue et Haïti. • Sur la côte de l'Amérique du Sud, des colons français s'établirent en Guyane (1624), et celle nouvelle colonie, avec Cayenne pour capitale (1635), grandit en importance après la guerre du Canada. Colonies des Indes orientales (1664-1763). — Les choses se passèrent dans le monde oriental à peu près de la même façon que dans le monde occidental. La France et l'Angleterre ne fondèrent, à proprement parler, aucune colonie dans l'Inde ; il y eut dans cette partie du monde des comptoirs commerciaux, français et anglais, qui établirent peu à peu une sorte de domination ; et là, comme
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en Amérique, la grandeur temporaire de la France précéda la grandeur plus durable de l'Angleterre. La Compagnie française des Indes orientales (1064) est postérieure, à la Compagnie anglaise, mais elle marcha plus vite, pendant longtemps, dans la voie de la domination. Avant cette époque, les Français avaient déjà occupé Vile Bourbon, point important sur la route de l'Inde. La première factorerie française sur le continent fut établie à Surate (1668). Pendant les dernières années du dix-septième siècle, il n'y eut pas d'acquisition importante ou durable en dehors de Pondichéry (1672), et celle-ci, souvent perdue en temps de guerre, mais constamment rendue à chaque traité, est toujours restée depuis lors une possession française. Un peu plus tard, la France obtint Chandernagor dans le Bengale (1676). En, 1720, l'île Maurice, abandonnée par les Hollandais, devint une colonie française sous le nom d'île de France. La domination française dans l'Inde devint un moment considérable sous La Bourdonnais et Dupleix, et, après la prise de Madras (1746), elle s'étendit sur la côte orientale de l'Inde, dans le Carnatique et le pays des Cireurs. Les dernières années de la guerre de Sept ans enlevèrent à la France tout espoir de suprématie dans l'Inde ; outre Madras, perdue depuis 1748, le traité de Paris (1765) lui enleva ses nouvelles conquêtes, et ne lui laissa qu'un petit nombre de points qui ne pouvaient être une menace sérieuse pour la domination anglaisé sur la côte orientale.
V
LA FRANCE A PARTIR DE 1790
Achèvement delà frontière de l'est (1791 1801). — Ainsi, la monarchie française, de simple duché
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de Paris qu'elle était à l'origine, s'était transformée en un royaume qui, s'étendant dans toutes les directions, finit par englober tous les fiefs du royaume occidental et un grand nombre de ceux qui avaient appartenu aux autres royaumes de l'empire. Avec la grande Révolution française commença une série d'annexions d'un tout autre ordre. Elles portèrent en premier lieu sur ces petites parties de territoire enclavées ou à peu près dans le territoire français, et qui étaient nécessaires pour rendre celui-ci parfaitement continu. Avignon, le Comtat Venaissin, lecomte'deMontbéliard, les quelques points de l'Alsace qui avaient échappé aux réunions, la ville de Midhouse, appartenant aux confédérés, étaient dans ce cas. Avignon et le Venaissin furent annexés (1791), ainsi que les derniers fragments de l'Alsace, avant la grande période de guerres et de conquêtes. Tant que le territoire des confédérés fut respecté, il en fut de même de Mulhouse ; Montbéliard avait été déjà annexé (1796). Nous serions portés à ajouter à ces annexions celles de Genève et de Yévêché de Bâle (1801), pour lesquelles la tentation n'était guère moins forte une fois qu'on était entré dans cette voie. Autres conquêtes de la France républicaine. — La France ainsi arrondie, il y avait, en dehors de ses limites, toute une zone de laquelle on pouvait penser que c'était un sol français injustement perdu. Lorsque la Francia occidentale se fut rapprochée à ce point de la Gaule de César, il était bien facile d'en conclure qu'elle devait avoir la même étendue que celle-ci, et la conséquence toute naturelle fut la conquête et l'incorporation des Pays-Bas autrichiens, de toute l'Allemagne située sur la rive gauche du Rhin, de la Savoie et de Nice. Si la Gaule de César n'a pas été complétée par l'entière incorporation de la Suisse, cela semble avoir été' dû à une tendresse personnelle de Napoléon Bonaparte pour la Confédération; jamais, en effet, celui-ci n'ajouta à son empire aucune partie du territoire des Treize-Cantons. La France, sous le Consulat, pouvait passer pour une
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renaissance de la Gaule transalpine de la géographie romaine; en outre, au delà des limites de la Gaule transalpine, il y avait d'autres pays qui avaient fait partie de la Gaule, dans le sens encore plus ancien de ce mot, et dont l'annexion, une fois qu'on était entré dans cette voie, n'était guère moins surprenante que celle des pays situés en deçà du Rhin et des Alpes. L'incorporation du Piémont et de Gênes n'avait rien d'étonnant après celle de la Savoie. En résumé, les annexions de la France républicaine peuvent au moins se comprendre. Elles ont une signification; nous pouvons suivre leur but et leur objet, et elles n'ont rien de commun avec les projets extraordinaires de domination universelle qui marquent la période de « l'empire ». Caractères des conquêtes du premier empire. — Cependant, l'ancienne monarchie donna dans ses derniers temps l'exemple de pareils projets. Une annexion de la Corse n'avait guère plus de raisons d'être, pour la France, qu'une annexion de Cerigo. Toutes les deux étaient exactement de même nature; elles différaient complètement de l'annexion des fragments isolés de l'Alsace ou de l'ancienne Bourgogne, de celle de Montbéliard, ou même de l'incorporation de la rive gauche du Rhin. Les changements qui eurent lieu sur la carte pendant les dix dernières années du premier empire français, les partages et unions, les conditions différentes faites aux états conquis, font l'effet de plusieurs siècles de conquêtes de l'ancienne république romaine réunis en un seul jour. Dans les deux cas, nous avons à établir une distinction entre des pays qui étaient simplement dépendants, et d'autres qui étaient complètement incorporés; en outre, la dépendance n'était le plus généralement qu'une étape qui précédait la complète incorporation. L'histoire, là tradition, les sentiments des peuples, les distinctions de race et de langue, rien ne put arrêter cette vaste extension de la domination française. Même sans aucune attaque du dehors, un tel état devait immanquablement tomber en pièces, avant que ses différentes parties pussent se fondre
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ensemble. Napoléon ne prononça jamais ouvertement l'incorporation de l'Espagne ou de la totalité de l'Italie et de l'Allemagne à son empire. Il se contenta d'en laisser de grandes parties dans un état de dépendance formelle, entre les mains de princes qui n'étaient que ses esclaves, ou à des états qu'il jugeait beaucoup trop affaiblis pour une résistance ultérieure. Une grande partie de Y Allemagne fut incorporée à la France, une partie également considérable fut placée sous sa protection ou sa dépendance, mais les souverains nationaux de la Prusse et de l'Autriche en conservèrent une autre assez notable. En Italie, tout ce qui ne fut pas incorporé appartint, en partie au conquérant, sous un autre titre, en partie à un prince de sa famille. Ce dernier cas fut celui de YEspagne. Jusqu'à sa rupture finale avec la Russie, l'idée de Napoléon semble avoir été de partager avec elle la domination de l'Europe, de faire une sorte de résurrection, sur une plus grande échelle, des empires d'Orient et d'Occident. Le potentat occidental eut soin de se réserver partout dans son propre monde une influence dominante; mais c'était dans tous les cas la volonté du conquérant qui décidait si tel territoire devait être incorporé ou restitué, rendu dépendant ou bien donné à quelqu'un de sa famille ou de ses favoris. Situation de l'Europe en 1811. — Un coup d'œil sur la carte de l'Europe, à la fin de 18H, nous montrera jusqu'à quel point de tels projets furent près d'être exécutés. A son origine, l'empire français comprenait l'étendue de la France d'avant la Révolution, augmentée de ces conquêtes de la République qui lui donnèrent la frontière du Rhin depuis Bâle jusqu'à Nimègue. Au delà de ces limites, les anciennes Provinces-Unies, avec toute la côte océanique de l'Allemagne jusqu'à l'Elbe, ainsi que les villes de Brème, Hambourg et Lubeck, furent incorporées à la France. La France s'étendit alors jusqu'à la Baltique, et comme le Holstein faisait, à ce moment partie du Danemark, la France
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et le Danemark eurent une frontière commune. La Confédération du Rhin fut placée sous la protection de la France ; le royaume de Prusse et l'empire d'Autriche se trouvèrent en réalité à peu près dans le même cas. Parmi les anciennes possessions de l'Autriche, celles qui avaient passé à la Bavière et au royaume d'Italie étaient tombées dans un état formel de dépendance, tandis que les Provinces lllyriennes avaient été positivement incorporées à la France. Il en fut de même des Iles ioniennes un peu plus tard. En Italie, toute la côte occidentale de l'ancien royaume, y compris Rome, fut incorporée à la France. L'Italie du nord-est forma un royaume séparé dont le maître de la France prit le titre. Naples devint un royaume dépendant ainsi que l'Espagne. Dans l'Europe septentrionale, le Danemark et la Suède, ainsi que la Prusse et l'Autriche, ne pouvaient guère prétendre à un rang plus élevé. Enfin, le nouveau duché de Varsovie et la nouvelle république de Dantzig portèrent l'influence française au delà des anciennes limites de la Germanie. Traités de 1814 et 1815. — Telle était l'étendue de la domination française à l'apogée de la puissance de Napoléon. Quand il tomba, la France perdit toutes ses conquêtes importantes et éloignées, mais celles de ses annexions qui lui donnaient son complément nécessaire furent respectées. Cologne, Trêves et Mayence refirent partie du nouveau corps germanique, ainsi que Worms et Spire, mais Montbéliard et l'Alsace restèrent à la France. La nouvelle Confédération suisse reçut Févêc'hé de Bàlc, Neuchâtel, Genève et le Valais. La Savoie et Nice furent rendues au roi de Sardaigne; mais après la première chute de Napoléon, l.a France conservait Chambéry qu'elle perdit après la seconde. Le Pape recouvra la ville deBomeetsespossessions en Italie, mais non Avignon et le Comtat Venaissin. La frontière du nouveau royaume des Pays-Bas, bien qu'elle différât légèrement sur quelques points, en 1814 et en 1815, était dans l'un et l'autre cas assez semblable à la frontière du traité de la Barrière.
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En somme, la France de la Restauration était la France des anciens Bourbons, augmentée de ces petits fragments isolés de sol étranger qui étaient nécessaires pour assurer la continuité de son territoire. Annexion de la Savoie et de Nice (1860). — Perte de l'Alsace-!Lorraine (ÎS1?!). — Le règne du second Napoléon eut géographiquement comme résultat d'achever l'œuvre qui avait commencé sous Philippe le Bel, de détruire complètement celle de Richelieu, et en partie celle d'Henri II et de Louis XIV. La Savoie, Nice et Menton ont été ajoutés à la France; mais l'Allemagne a repris presque toute l'Alsace et une partie de la Lorraine (1871). Le Rhin est complètement en dehors du territoire français; comme dans les premiers temps de l'histoire de l'Europe septentrionale, l'Allemagne s'étend maintenant sur les deux rives du fleuve germanique. L<es colonies françaises (1790-1815) Conquête de l'Algérie. — L'époque à laquelle la France acquit sa plus grande puissance en Europe ne fut en aucune façon aussi favorable à ses progrès dans d'autres parties du monde. Sa plus grande colonie dans l'Inde occidentale, Saint-Domingue, connue maintenant sous le nom d'Haïti, devint (1801) un état indépendant dont les chefs prirent à leur tour le titre d'empereurs. Vers la même époque, le dernier débris de la domination française sur le continent de l'Amérique du Nord fut volontairement abandonné. La Louisiane, cédée à l'Espagne par le traité de Paris (1765), et recouvrée sous le Consulat (1800), fut vendue aux États-Unis (1803). Toutes les petites Antilles françaises furent conquises par l'Angleterre; mais lorsque la paix fut conclue, elles furent toutes rendues à la France sauf Tobago et SainteLucie. Les îles Bourbon et Maurice furent également prises par l'Angleterre, et Bourbon fut seule rendue à la France à la fin des hostilités. Dans l'Inde, Poncliche'ry fut prise deux fois et deux fois également rendue. Mais depuis que la France a vu échouer ainsi ses vastes
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plans de domination dans des contrées lointaines, elle est entrée dans une voie de conquêtes et de colonisation à laquelle rien ne pourrait être exactement comparé dans les temps modernes. L'occupation française de l'Algérie est quelque chose de tout à fait différent des conquêtes politiques en Europe, et des conquêtes isolées dans les contrées lointaines. C'est une conquête, faite non pas positivement en Europe, mais dans une région située sur les rives de la grande mer européenne, dans une région qui faisait partie de l'empire de Constantin, de Justinien et d'Héraclius. C'est une conquête qui a repris à l'Islam un pays qui faisait jadis partie de la chrétienté latine ; et si ce n'est qu'entre des conquêtes continentales et insulaires il y a nécessairement quelques différences, on ne peut guère mieux la comparer qu'à la conquête de la Sicile par les Normands. La Sicile a pu être entièrement rendue à l'Europe et à la chrétienté, mais la colonie algérienne des Français ne sera jamais qu'un appendice de l'Europe et de sa civilisation sur le littoral de l'Afrique barbare. C'est strictement la première colonie de cette nature. Le Portugal, l'Espagne, l'Angleterre, ont bien occupé tel ou tel point sur la côte septentrionale de l'Afrique; la France est le premier état européen qui se soit rendu maître d'une grande étendue du littoral méridional de la Méditerranée, d'un pays qui répond en quelque sorte aussi bien à l'Inde qu'à l'Australie, mais situé à deux journées de navigation de ses propres côtes1. Nous avons ainsi passé en revue tous les états qui sont sortis des ruines du dernier empire d'Occident, et nous parlerons plus tard du reste de l'Europe occidentale, car les royaumes espagnols, bretons et Scandinaves ne sortirent ni les uns ni les autres des ruines de l'empire de Charlemagné.
i l. ïh reste a ajouter à ce tableau des colonies françaises l'établissement récent des Français dans l'Indo-Chine, après la cession de Saigon par les Annamites (1862). La reconnaissance du protectorat français par l'empire d'Annam (1884) a ensuite amené la guerre du Tonkin avec la Chine. Le protectorat de la France a été en outre reconnu par le bey de Tunis (1881). (Note du traducteur.)
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LE ROYAUME DE FRANCE.
Dans notre prochain chapitre, nous tracerons la géographie historique des états qui sortirent du démembrement progressif de l'empire de la Rome orientale, et cette étude nous amènera à une série d'événements extrêmement mouvementés, et aux changements géographiques de notre époque les plus rapprochés de nous.
�LIVRE III
L'EUROPE DU SUD-EST
CHAPITRE PREMIER
L'EMPIRE D'ORIENT
I
GÉNÉRALITÉS SUR L'EMPIRE D'ORIENT
lies deux empires d'Orient et d'Occident après leur séparation définitive (800). — L'histoire de
l'empire d'Orient est tout à fait différente de celle de l'empire d'Occident, au point de vue géographique comme au point de vue politique. L'empire d'Occident a fini, à proprement parler, par se partager en deux. Auparavant, il avait déjà perdu certaines de ses parties2, les unes officiellement, les autres tout aussi réellement, et le lien qui soutenait tout le reste se brisa aux premières attaques vigoureuses dirigées contre lui. Mais ces attaques provenaient d'un état européen, la France, dont le territoire lui avait jadis appartenu, et
1. Voir pour ce chapitre les cartes 42 à 51; revoir également les cartes 15 et 17 pour les dates antérieures au dixième siècle. 2. L'Italie, les Pays-Bas, l'ancien royaume de Bourgogne, etc. (Note du traducteur.)
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L'EMPIRE D'ORIENT.
l'empire d'Occident, considéré comme tel, eut très peu à souffrir d'invasions qui fussent le fait de nations étrangères. En outre, si le mot État peut lui être appliqué, il était devenu longtemps avant sa chute un État national, l'empire romain de nation germanique. Sa chute fut le partage, presque volontaire, d'une nation et d'un empire en deuxparti.es. De plus, les empereurs d'Occident avaient, en tant qu'empereurs, réellement cessé d'être des princes territoriaux. Aucun territoire de quelque importance ne reconnaissait l'empereur, en tant qu'empereur, pour son souverain immédiat. Lorsque l'empire tomba, l'empereur garda ses états héréditaires, en conservant par devers lui le titre impérial. Dans l'empire d'Orient tout fut différent. La division s'y mit bien dans une certaine mesure, mais sa chute résulta principalement de sa mise en pièces par des forces extérieures. Néanmoins, pendant toute son histoire, l'empereur resta le souverain immédiat de tout ce qui dépendait de l'empire, et lorsque l'empire tomba, l'empereur tomba avec lui. Le renversement de l'empire fut surtout dû à l'invasion étrangère dans son sens le plus strict. Il fut affaibli et démembré par les chrétiens d'Europe, et absorbé à la fin par les barbares de l'Asie. Il ne faut pas perdre de vue que l'empire d'Orient montra la même tendance à se diviser que l'empire d'Occident, mais elle n'exista chez lui que dans certaines parties et avec des conditions spéciales. On la trouve principalement dans les possessions de l'empire qui étaient devenues isolées, dans les pays qui avaient été perdus et recouvrés, et dans ceux qui avaient subi l'influence des idées occidentales. L'importance de cette tendance ressort de ce fait que trois états, qui avaient été de différentes façons séparés du corps de l'empire, la Bulgarie, Venise et la Sicile, devinrent trois de ses plus dangereux ennemis. Cependant, les coups sous lesquels succomba l'empire vinrent de barbares dont l'Occident eut peu à souffrir. Pour parler d'une façon générale, l'empire d'Occident mourut de sa propre désagrégation; l'empire d'Orient suc^
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comba sous le choc de forces extérieures. Parmi les nombreuses causes qui produisirent cette différence, une seule peut-être se rapporte à la géographie politique. A l'époque de la séparation des empires, l'empire d'Occident n'était en réalité qu'un autre nom appliqué aux possessions du roi des Francs, que celles-ci se trouvassent en dedans ou en dehors de l'ancien empire; l'empire d'Orient conservait au contraire la tradition politique de l'empire primitif. Aucun nom géographique ou national ne s'appliqua à l'ensemble des trois royaumes impériaux d'Occident ou à leurs sujets. Au contraire, pour les sujets de l'empire d'Orient, il y en eut un, et un seul,' celui de Romains; aussi le pays reçut-il peu à peu le nom géographique de Romanie. L'empire d'Occident, lui, ne fut point une Romanie, et ses sujets ne furent pas Romains. La seule Romanie d'Occident, le pays italien de Romagne, reçut ce nom à cause de sa connexion prolongée avec l'empire d'Orient. En outre, les différences de races sont bien plus importantes en Orient qu'elles ne l'ont jamais été en Occident. En Occident, les nations se sont formées par un certain mélange des divers éléments; en Orient, ces éléments restent toujours séparés. Toutes les nations de la péninsule du sudest, qu'elles soient antérieures à la conquête romaine ou qu'elles soient le fait de nouvelles immigrations, restent toujours à l'état de nations distinctes. Les nations primitives de la péninsule du sud-est. — En tête de ces nations, il y en a trois dont l'établissement dans la péninsule est antérieur à la conquête romaine. L'une d'elles a toujours conservé son nom et sa langue; une autre, tout en conservant sa langue, a perdu son nom pendant longtemps et ne l'a retrouvé que dans les temps modernes ; la troisième a perdu l'un et l'autre depuis des siècles. De tous les peuples de la péninsule, celui qui a le moins changé sont les Albanais, qui s'appellent eux-mêmes Sldpetars, et représentent les anciens Illyriens. Viennent ensuite les Grecs, qui conservent leur langue ; mais leur nom â'Hellènes n'a été rétabli dans sa signification habituelle qu'à
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L'EMPIRE D'ORIENT.
une époque récente. Enfin il y a les Valaqnes, qui représentent les anciens habitants de la Thrace, de la Mœsie et des autres parties de la péninsule où le latin, comme cela eut lieu en Occident, remplaça les langues indigènes; ils doivent principalement représenter la race thrace dans son sens le plus étendu. Grecs et Valaques conservèrent les uns et les autres le nom romain sous des formes différentes ; et les Valaques, les Roumains de nos jours, le conservent encore. Lies nations qui ont envahi l'empire d'Orient. — Les Goths passèrent à travers l'empire sans y faire aucun établissement durable, et les derniers Aryens établis dans la péninsule, en laissant de côté les simples colons venus plus tard, furent les Slaves. La péninsule fut ensuite envahie par les nations touraniennes. Les Bulgares, qui y pénétrèrent les premiers, se laissèrent assimiler par les Slaves, et l'état bulgare doit historiquement être considéré comme slave. Vinrent ensuite les Avares, les Khazars, les Magyars, les Petche'nègues, les Cumans, qui s'établirent sur les frontières de l'empire ou à proximité. Parmi eux, les Magyars arrivèrent seuls à établir une domination durable sur des régions qui avaient fait partie de l'empire. Tous ces envahisseurs pénétrèrent par les pays situés au nord du Pont-Euxin. Enfin, il y a les envahisseurs non-aryens qui pénétrèrent par la voie de l'Asie Mineure ou de la mer Méditerranée. Les Sarrasins, de race sémitique, après leurs premières conquêtes en Syrie, en Égypte et en Afrique, n'en firent plus de durables. Ils occupèrent pendant un certain temps quelques-unes des grandes îles ; mais sur le continent de l'empire, en Europe et en Asie, ils furent de simples pillards. A leur suite vinrent les plus terribles de tous les ennemis de l'Empire, les Turcs Seljoucides, puis les Turcs Ottomans. Ethnologiquement, ils doivent être groupés avec les nations qui pénétrèrent par lê nord du Pont-Euxin. Historiquement, en tant que mahométans arrivant par la route du sud, il faut les ranger avec les Sarrasins, et ils réalisèrent ce que ceux-ci avaient entrepris.
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La plupart de ces races envahissantes ont disparu de l'histoire; il en reste cependant encore trois, et elles sont placées dans des conditions bien différentes. Le Bulgare est perdu au milieu du peuple aryen qui a pris son nom. Le Magyar conserve sa langue non-aryenne, mais il appartient à l'ensemble des peuples européens depuis qu'il s'est fait chrétien. L'Otloman est toujours en Europe; mais comme il est resté mahométan, il n'a subi aucun changement, et il est toujours' en dehors de la religion et des langues de l'Europe. L<a nation grecque. — Parmi toutes ces nations, il y en a une qui tient une place spéciale dans l'histoire de l'empire d'Orient. La perte des provinces orientales et latines fit que, réellement sinon formellement, l'empire d'Orient devint de plus en plus grec, de môme que l'empire d'Occident devint de plus en plus germanique. Pour un état qui avait à la fois un côté romain et un côté grec, la perte de provinces qui n'étaient ni grecques ni romaines, n'était pas une perte, mais une source de force. Et si la perte des provinces latines n'était pas une source de force, elle faisait au moins beaucoup pour faire prévaloir l'élément grec dans l'empire. En outre, dans les pays qui étaient laissés à l'empire, la langue latine d'abord, puis les idées et traditions romaines en général, s'éteignirent progressivement. Avant la fin du onzième siècle, l'empire était bien plus grec qu'autre chose. Avant la fin du douzième siècle, il avait presque la même étendue que la nation grecque, en tant que définie par l'usage de la langue grecque combiné avec la profession de foi orthodoxe. Le nom de Bomaiti, dans sa forme grecque, arriva peu à peu à prendre la signification de Grec, et, presque à la même époque, les autres nations primitives de la péninsule, jusque-là confondues avec la masse commune des sujets Romains, commencèrent à se distinguer davantage des Grecs. Nous entendons pour la première fois parler des Albanais et des Valaques, en ces termes, et l'importance des nations qui se trouvent ainsi remises en lumière ne va faire
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que s'accroître dans l'avenir. Cette agglomération grecque qui survivait dans l'empire fut mise en pièces à son tour par la grande invasion latine du commencement du treizième siècle, et au lieu d'un seul état romain ou grec, il y eut une multitude d'états séparés, grecs et francs. La réunion de quelques-uns de ces fragments forma l'empire restauré des Paléologues; mais jamais, depuis le douzième siècle, la totalité de la nation grecque n'a été réunie sous un même gouvernement, indigène ou étranger. Bien plus, à partir de la conquête de Trébizonde par les Ottomans jusqu'à la guerre de l'Indépendance grecque au siècle actuel, la nation grecque tout entière a constamment subi le joug de maîtres étrangers1. Les états qui se sont formés dans l'empire d'Orient. — Nous avons maintenant à faire ressortir les diverses phases de la chute de l'empire d'Orient, puis à tracer séparément la géographie historique des états qui s'élevèrent sur ses débris; et avec ces derniers nous pouvons ranger certains états auxquels cette définition ne peut s'appliquer strictement, mais qui font cependant partie du même ensemble géographique, et qui absorbèrent des parties du territoire impérial. En commençant par l'ouest, le territoire que l'empire d'Orient conserva à l'ouest de l'Adriatique, après la restauration de l'empire d'Occident, lui fut enlevé progressivement par les attaques des Sarrasins, et ensuite par celles des Normands. Ces pays formèrent le royaume de Sicile, qui a ici sa place propre comme rameau détaché de l'empire d'Orient. A l'autre extrémité de la péninsule italienne, Venise se détacha progressivement de l'empire, et prit ensuite une part des plus actives à son démembrement ; c'est donc ici la place de Venise comme puissance maritime. Viennent ensuite les états qui se formèrent au nord et au nord-ouest de l'empire, états principalement slaves, en comptant comme slave le grand royaume bulgare. Là aussi
1. Sauf pendant la durée de la première République septinsulaire dont il sera parlé plus tard. (Note de l'auteur.)
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viendra le royaume de Hongrie qui, comme état non-aryen au cœur de l'Europe, présente à la fois beaucoup de ressemblance et de contraste avec la Bulgarie. Le royaume de Hongrie proprement dit se trouvait en dehors des limites de l'empire, mais une grande partie du sol qui en dépendait avait été sol impérial. Ici aussi nous devrons parler des états qui se formèrent par suite du nouveau développement pris par les races albanaise et roumaine, ainsi que des états grecs et francs qui se formèrent immédiatement avant la conquête latine et à l'époque de cette conquête. Il y a ensuite les états chrétiens et mahométans qui prirent naissance dans les possessions impériales en Asie, et nous aurons ainsi à parler des états fondés par les Croisés, et de la formation de l'empire ottoman. Finalement, nous arriverons à l'œuvre accomplie de nos jours, aux nouveaux états européens qui se sont formés après que des pays qui avaient appartenu autrefois à l'empire eurent été affranchis du joug ottoman. Nous allons donc tracer en premier lieu les changements géographiques survenus dans les limites de l'empire jusqu'à la conquête latine (800 à 1204). L'empire latin de Romanie, l'empire grec de Nice'e, l'empire grec rétabli à Constantinople, viendront faire suite, au moins géographiquement, au véritable empire d'Orient. Puis viendront les étals qui se sont détachés de l'empire, ou qui se sont formés à l'intérieur de ses limites, depuis la Sicile jusqu'à la Bulgarie libre. Mais, il faut bien noter qu'il n'est pas toujours facile d'indiquer au moyen d'une date, où de faire figurer sur la carte le moment où telle partie de territoire a été définitivement perdue pour l'empire. Cela est vrai sur la frontière slave, où, il est souvent difficile de distinguer entre la conquête aux dépens de l'empire et l'établissement dans l'empire; cela est également vrai pour l'Italie méridionale. Dans l'un et l'autre cas, la frontière en dedans de laquelle les empereurs exerçaient directement leur autorité avançait ou reculait constamment. Au delà, il y avait une zone qu'on
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L'EMPIRE D'ORIENT.
ne pouvait guère regarder comme placée sous l'autorité directe de l'empereur, mais dans laquelle la' suzeraineté de celui-ci é:ait plus ou moins reconnue, selon la force relative de l'empire et de ses vassaux réels ou nominaux.
II
FLUCTUATIONS DANS LES LIMITES DE 800 A (204 DE L'EMPIRE
Les possessions impériales en Italie jusqu'au onzième siècle. — Perte de la Sicile (SS2"î'-ÎHï5). — En traçant les fluctuations des frontières de l'empire d'Orient depuis le commencement du neuvième siècle, nous sommes frappés de l'étonnant pouvoir de renaissance dont il fait preuve pendant toute son histoire. Excepté les pays qui furent conquis par les premiers Sarrasins, il n'y eut guère finalement qu'une province de perdue ; encore fut-elle reconquise une ou deux fois. Personne n'aurait pu penser que l'empire du septième siècle, réduit par les établissements slaves à une simple bande de son littoral européen, aurait pu jamais devenir l'empire du onzième siècle, occupant une masse solide de territoire depuis le cap Ténare jusqu'au Danube. Mais avant cette grande renaissance, les frontières de l'empire avaient avancé et reculé dans ses possessions occidentales éloignées. À l'époque de la séparation des empires (800), la nouvelle P«ome occupait toujours la Sardaigne, la Sicile et une petite partie de l'Italie méridionale. Le talon de la botte formait toujours le thème de Lombardie1, tandis que la semelle avait pris
1. Les Grecs donnaient à ce mot deux formes différentes; celle de AoyYiSaçii» était réservée au théine en question; celle de Aa;jntapioi, quelque peu contractée, s'appliquait aux Lombards do l'Italie septentrionale. (Note de l'auteur.)
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le nom de Calabve, qui jadis appartenait au talon. Najrtes, Gaële et Amalfi étaient des villes italiennes détachées, appartenant à l'empire. Venise, qui ne pouvait guère être regardée comme une ville italienne, en dépendait également. Dans le cours du neuvième siècle, la puissance impériale diminua dans les îles, mais augmenta sur le continent. L'histoire de la Sardaigne est tout à fait obscure; elle semble cependant avoir été enlevée à l'empire au commencement du neuvième siècle. Quant à la Sicile, elle fût conquise pied à pied par les Sarrasins d'Afrique au cours d'une lutte qui dura cent quarante ans. Agrigente, faisant face à la côte africaine, tomba la première (827) ; Palerme, jadis capitale du gouvernement phénicien, devint plus tard la nouvelle capitale sémitique (851). Messine, sur le détroit dû même nom, subit bientôt le même sort (842). Mais la côte orientale de l'île, celle qui était la plus complètement grecque, résista bien davantage, et avant qu'elle fût conquise à son tour, Malle, l'appendice naturel de la Sicile, avait passé aux Sarrasins (869). Syracuse, la capitale chrétienne, ne tomba que cinquante ans après la première invasion (878) ; et enfin, il fallut encore près de quatre-vingt-dix ans pour que l'extrémité nord-est de l'île passât sous la domination musulmane. Tauromenium ou Taormina, placée au sommet, dut être prise deux fois dans le cours du dixième siècle (902 et 963), et le simple fort de Rametta, dernier boulevard de la chrétienté orientale en Occident, résista encore plus longtemps (965). La chrétienté orientale faisait à cette époque de grands progrès sur l'Islam, en Asie ; mais la plus grande des îles méditerranéennes n'en passa pas moins de la chrétienté à l'Islam, de l'Europe à l'Afrique, et un peuple parlant la langue grecque fut séparé de l'empire, qui devenait de plus en plus grec. Cependant, la domination complète et ininterrompue des musulmans en Sicile fut de courte durée. Les droits impériaux ne furent jamais oubliés, et, au onzième siècle, ils furent de nouveau renforcés. Grâce aux exploits de Georges Maniacès, Messine et Syracuse, avec une partie de l'île qui
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comprenait au moins la totalité de sa côte orientale, furent rendues à l'autorité impériale pendant quelques années (1058-1042). Tandis que la Sicile était ainsi perdue pied à pied, la domination impériale faisait des progrès dans la partie du continent italien la plus proche. Bari fut reprise aux Sarrasins (871) grâce aux efforts combinés des deux empires, mais ce fut l'empereur d'Orient qui en conserva la possession durable. A la fin du neuvième siècle, l'empire d'Orient prétendait avoir la possession directe, ou au moins la suzeraineté de toute l'Italie située au sud de Gaëte. L'étendue de la domination impériale fut constamment variable. 11 n'y eut peut-être aucun moment où le pouvoir des empereurs fût réellement établi sur toute cette région ; mais il n'y eut peutêtre pas une seule de ses parties qui, à un moment ou à un autre, ne reconnût la suzeraineté impériale. La côte orientale, avec le talon et la semelle dans un sens plus étendu qu'auparavant, devint une possession réelle et solide, tandis que la fidélité de Bénévent, Ccrpoue et Salerne fut toujours très précaire. Quant à Najtles, Gaële et Amalfi, quelque nominale que pût être leur fidélité, ces villes ne la méconnurent jamais formellement. Ainsi, au commencement du neuvième siècle, les empereurs d'Orient possédaient toute la Sicile avec quelques parcelles de territoire sur la terre ferme voisine. Au commencement du onzième siècle, l'île était complètement perdue, tandis que la domination sur la terre ferme était considérablement agrandie. Dans le cours du onzième siècle, des nouveaux venus, les Normands d'Apulie, conquirent les possessions italiennes de l'empire, reprirent la Sicile aux Musulmans et firent même des conquêtes aux dépens de l'empire, à l'est de l'Adriatique. Ainsi se forma le royaume de Sicile, dont nous décrirons les progrès avec ceux des états qui s'élevèrent sur les ruines de l'empire. Fluctuations dans les îles de Crète et de Chypre (708-1191). — Les grandes îles de la Médi-
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terranée orientale flottèrent également entre la domination byzantine et la domination sarrasine. La Crète fut conquise (825) par une bande d'aventuriers musulmans venus d'Espagne presque à la même époque où commençait la conquête de la Sicile. Elle fut recouvrée cent quarante ans plus tard (965), pendant la grande renaissance de l'empire. Chypre fut perdue de meilleure heure (708), mais elle passa par de nombreuses fluctuations et divisions. Elle fut reprise et perdue une seconde fois (881-888), puis finalement recouvrée en 965, c'est-à-dire deux ans plus tard que la Crète, et l'année même où la Sicile était complètement perdue. En considérant l'empire comme un état ordinaire, il n'y a pas de doute que la reprise de la Crète et de Chypre faisait plus que compenser la perte de la Sicile. Géographiquement, la Sicile était une île grecque éloignée; la Crète et Chypre tenaient de très près au corps de l'empire, et étaient des parties essentielles d'un état grec. Mais la Crète et Chypre, en tant que pays qui avaient été perdus et recouvrés, furent de ceux- où la tendance à se séparer se montra de très bonne heure. La Crète ne se sépara jamais positivement de l'empire. Chypre s'en détacha sous un empereur rebelle (1182-1185), pour être ensuite conquise par Richard, comte de Poitou et roi d'Angleterre (1191); après quoi elle resta pour toujours en dehors de l'empire. Sardaigne, Sicile, Crète et Chypre, de 801 à iSOl. — Nous pouvons ainsi résumer les fluctuations que subit la possession des grandes îles. Au commencement du neuvième siècle, l'empire d'Orient comprenait toujours la Sardaigne, la Sicile et la Crète; Chypre était aux mains dés Sarrasins. Au commencement du dixième siècle, l'empire ne possédait plus rien dans aucune des quatre îles, si ce n'est l'extrémité nord-est de la Sicile. Au commencement du onzième, la Crète et Chypre étaient reconquises ; la Sicile complètement perdue. Au commencement du douzième, la Crète et Chypre étaient toujours des possessions impé-
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riales; une grande partie de la Sicile avait été reprise et perdue de nouveau. Au commencement du treizième, Chypre, comme la Sicile, avait passé sous une domination occidentale; la Crète restait toujours attachée à l'empire, mais par un lien bien faible. Telle était la situation de toutes ces îles à la chute de l'ancien empire romain d'Orient; aucune no fit jamais partie de l'empire restauré des Paléologues. L'empire et les établissements slaves. — Dans les îles, les ennemis avec lesquels l'empire eut à lutter furent d'abord les Sarrasins, et ensuite les Latins ou Francs. Sur la terre ferme, les Slaves jouèrent le même rôle que les Sarrasins dans les îles. Pendant les quatre cents ans qui séparent la division des empires de la conquête franque de l'Orient (800-1204), la géographie historique de l'empire d'Orient consiste principalement dans les variations de sa frontière par rapport aux établissements slaves. Ceux-ci peuvent se diviser en trois groupes principaux. Premièrement, tout à fait au nord-ouest de l'empire, les établissements croates et serbes, dont l'histoire est étroitement liée avec celle du royaume de Hongrie et de la République de Venise. Secondement, les Slaves de Thrace, de Macédoine et de Grèce. Troisièmement, le grand royaume bulgare placé entre ces deux agglomérations slaves. Le deuxième et le troisième de ces groupes se réduisirent progressivement à un seul; le premier resta toujours parfaitement distinct. La Servie, la Croatie et la Dalmatie trouveront mieux leur place dans un autre chapitre; et il faudra se bien rappeler qu'au milieu de toutes les vicissitudes les droits de l'empire sur ces pays ne furent jamais méconnus ni oubliés, et furent même à certains moments rigoureusement exercés. Ce fut du côté du royaume bulgare que la frontière impériale subit les plus grandes-fluctuations. Rapports de l'empire avec les Bulgares et les Slaves jusqu'au neuvième siècle. — Les premiers Bulgares, d'origine finnoise, furent l'avant-garde des
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invasions louraniennes dans cette région. Bien qu'ils semblent être venus en Europe même avant les Avares, ils ne s'établirent cependant que postérieurement à eux sur une partie de son territoire. Mais cette partie, au lieu d'être placée aux extrémités de l'empire, était une de ses provinces bien reconnues, et, vers la fin du septième siècle, le premier royaume bulgare fut établi entre le Danube et l'IIémus (679). Il ne faut pas oublier qu'une autre migration, dans une tout autre direction, fonda un autre établissement bulgare sur le Volga et la Kama1. Ce dernier, qui reçut le nom de Grande Bulgarie ou Bulgarie Blanche, resta touranien et devint mahométan; la Bulgarie Noire, sur le Danube, devint chrétienne et slave. Si les Bulgares modernes portent ce nom, c'est absolument comme les Celtes romanisés de la Gaule portent celui de leurs conquérants Francs venus de Germanie, comme les Slaves de Kief et de Moscou portent celui des Russes, leurs maîtres Scandinaves. Dans chacun de ces trois cas, la nation formée par l'union des vainqueurs et des vaincus a pris le nom des vainqueurs et conservé la langue des vaincus. Mais si l'état bulgare devint essentiellement slave, il prit un tout autre caractère que les établissements slaves, moins complètement organisés, qui étaient ses voisins à l'ouest et au sud. Du côté des Slaves de Thrace, de Macédoine et de Grèce, on ne peut dire que l'empire eût quelque frontière bien définie. Établis dans l'empire, ces derniers étaient ses tributaires ou ses ennemis, selon qu'il était plus ou moins fort. Jusqu'à la venue des Bulgares, nous pourrions, en nous plaçant à différents points de vue, placer la frontière de l'empire soit au Danube, soit à une petite distance de la mer Egée. Mais à partir de la conquête bulgare, il y eut du côté de la Bulgarie une frontière réelle, frontière extrêmement variable, mais qui souvent aussi fut fixée par des traités, avec désignation des pays qui, de ce fait, étaient complèlc1. Voyez carte 55.
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ment perdus pour l'empire. Avec le premier établissement bulgare, la frontière impériale recula d'une façon bien déterminée, pendant un espace de trois cents ans, du cours inférieur du Danube à la ligne de lTIémus ou Balkan. Lorsque les Bulgares firent des progrès au sud et à l'ouest, il arriva qu'ils ne formèrent plus qu'un seul et même ennemi avec les Slaves à moitié indépendants de l'ouest. Mais tant que les empereurs isauriens régnèrent (711-802), les deux champs de combats restèrent distincts. La ligne des Balkans fut maintenue contre les Bulgares, dont le royaume s'étendant au nord-ouest sur des pays qui maintenant sont serbes, n'avait pas encore, à la fin du huitième siècle, dépassé la chaîné de montagnes qui forme la barrière de l'empire. Les Slaves en Macédoine et en Grèce an huitième siècle. — Disparition du nom d'Hellènes. — D'un autre côté, l'autorité impériale fut rétablie sur les Slaves de Thrace, de Macédoine et de Grèce. Au milieu du huitième siècle, les régions intérieures de la Grèce étaient occupées en grande partie par des peuples slaves, tandis que les côtes et les villes restaient grecques. Avant la fin de ce siècle, les Slaves de Macédoine furent forcés de payer tribut (775-784), et, au commencement du neuvième, ceux de Grèce échouèrent complètement en voulant recouvrer leur indépendance (807). Le pays se peupla progressivement de nouveaux colons grecs, et, vers le milieu du dixième siècle, deux tribus slaves seulement, les Mélinges et les Ezérites (Melinci et Jezercï), conservaient, quoique tributaires, leur autonomie sur la chaîne du Taygète ou Pentedaktylos. A partir de cette époque jusqu'à la conquête franque, la Grèce, dans son énsemble, fut possédée par l'empire. Mais, en tant que pays qui avait été séparé quelque temps de l'empire, elle fut de ceux qui montrèrent bientôt de la tendance à s'en détacher complètement. Au milieu de tous ces changements, le nom d'Hellènes disparut tout à fait comme nom national. 11 eut pendant
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longtemps la signification de païen, et il fut réservé aux habitants de Mainà, qui restèrent païens presque jusqu'à la fin du neuvième siècle. Les Grecs ne connurent plus alors d'autre nom que celui de Romains. Le nom local des habitants de l'Hellade était celui d'Heltadikoi, auquel s'ajoutait peut-être une signification de mépris. IL® premier royaume bulgare (©'79-968)= — Ainsi, lors de la division des empires (800), la Thrace, la Macédoine et la Grèce étaient plus ou moins revenues en la possession de l'empire d'Orient, tandis que les pays entre lTIémus et le Danube étaient complètement perdus pour lui. La domination impériale, depuis l'Adriatique jusqu'à l'Euxin, formait, avec les provinces asiatiques, la Romanie, le pays des Romains d'Orient. Les empereurs possédaient également les villes de la côte dalmatienne, et les principautés serbes et croates reconnaissaient, quoique d'une façon assez précaire, leur suzeraineté. Tous ces pays tenaient à l'empire par la. crainte commune des empiétements des Bulgares, qui firent de grands progrès au neuvième siècle et dans les premières années du dixième. Ils semblent n'avoir pas réussi à fonder une domination durable au nord-ouest, en Pannonie1 (818-829), mais ils furent plus heureux aux dépens de l'empire. Anchialos et Sardica, Sofia ou Triaditza, étaient villes frontières à la fin du huitième siècle. La conquête de Sardica,'au commencement du neuvième, marque une période dans les progrès des Bulgares. A la fin du siècle, après leur conversion au cbristianisme (861), commence la grande période du premier royaume bulgare, le royaume de Péristhlava. Le tzar Siméon établit la suprématie bulgare sur la Servie et porta ses conquêtes au cœur de l'empire (925934). Il ne resta plus à celui-ci, dans la Macédoine et dans
1. Une occupation temporaire par les Bulgares semble évidente d'après Egmhard (Annales, S27-82S). Mais, sur l'existence supposée d'un duché bulgare dans la Hongrie actuelle, voyez Roesler, Ronianisçhe Studien, 201. (Note de l'auteur^)
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l'Epire, que le littoral de la mer Egée et de l'Adriatique; Sardica, Philippopolis, Ochrida, devinrent toutes des cités du royaume bulgare. Ândrinople, ville frontière de l'empire, passa plus d'une fois aux mains des Bulgares. Si ce n'est dans l'ancienne Hellade, la domination impériale ne s'étendit plus nulle part en Europe d'une mer à l'autre. La Bulgarie conquise par les Russes (968), reprise par l'Empire (9KS'l). — Tel était l'état des choses au milieu du dixième siècle. C'est alors que la puissance impériale se réveilla de la façon la plus éclatante ; la Crète et Chypre furent reprises, et l'empire ne fut pas moins heureux sur la terre ferme, en Europe et en Asie. La Bulgarie fut conquise, perdue et conquise de nouveau. Cependant, la première fois, ce ne fut pas sur les Bulgares, mais sur les Russes qu'elle fut conquise. Les Russes, qui étaient depuis longtemps un danger pour Constantinople, apparaissent alors tout à coup comme une puissance territoriale. Leur prince Sviatoslas renversa le premier royaume bulgare (968), et Philippopolis devint pendant quelque temps un poste avancé des Russes. Mais Jean Zimiscès rétablit l'autorité de l'empire sur toute l'étendue de la Rulgarie (971), et le Danube devint une fois de plus la frontière de la Rome orientale. Second royaume bulgare (980), renversé par l'empire (1018). — Servie et Croatie. — Pendant plus de deux cents ans, le cours inférieur du Danube servit ainsi'de frontière. Mais dans les régions intérieures, la puissance impériale recula presque immédiatement, pour avancer ensuite plus qu'elle ne l'avait jamais fait. Une grande partie du pays conquis se révolta bientôt, et un second royaume bulgare, plutôt macédonien que mœsien, se forma. Le royaume à'Ochrida, le royaume de Samuel, laissa à l'empire la partie orientale de l'ancienne Bulgarie, entre le Danube et lTIémus, avec toute la Thrace et la côte macédonienne. Mais ce royaume comprenait toute la partie intérieure de la Macédoine et il descendait jusque dans la
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Thessalie et l'Épire ; en outre, alors qu'il ne touchait en aucun point le Pont-Euxin ou la mer Egée, il comprenait une petite partie du littoral de l'Adriatique. C'est alors qu'eut lieu la grande lutte entre la Romanie et la Bulgarie, lutte qui remplit les dernières années du dixième siècle et les premières années du onzième. Finalement, l'empire recouvra toute la Bulgarie (1018), et avec elle, pendant un certain temps, la Servie. La Croatie continua d'être vassale, et ses princes furent élevés par la faveur impériale jusqu'au rang de rois. Venise et Cherson villes de l'empire. — L'empire d'Orient arriva donc à embrasser de nouveau toute la péninsule du sud-est. Parmi ses possessions éloignées en Europe, l'Italie méridionale restait toujours intacte. A quel moment Venise cessa-t-elle d'être une dépendance de l'empire? il serait difficile de le dire. Ses ducs recevaient toujours l'investiture impériale et les vaisseaux vénitiens allaient souvent se joindre à la flotte impériale. Cet état de choses semble n'avoir jamais été formellement aboli, mais être tombé plutôt en désuétude, à mesure que Venise et Constantinople devinrent réellement hostiles. Lés neuvième et dixième siècles amenèrent de même des changements pour une autre ville impériale, également très éloignée. L'empire conserva toujours sa province maritime dans la Ghersonèse Taurique; mais la ville alliée de Cherson, qui en faisait partie, et qui fut formellement annexée à l'empire au neuvième siècle (829-842), fut prise par le Russe Vladimir dans l'intervalle qui sépare les deux grandes guerres bulgares (988). Progrès de l'empire en Asie (963-1064). — En'Asie, la frontière impériale avait peu changé depuis les premières conquêtes sarrasines. L'Asie Mineure fut souvent ravagée par les Musulmans, mais elle ne fut jamais conquise. A la date où nous sommes, en Asie comme en 'Europe, commence une époque dé progrès. Pendant quatrevingts ans, avec diverses vicissitudes, l'empire s'agrandit du
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côté de l'est. Le Califat de Bagdad était alors en pièces, et les petits émirats disparurent avec encore plus de facilité. Les guerres de Nicôphore Phocas et de Jean Zimiscès (965-976) rétablirent la Cilicie et la Syrie sur la liste des provinces romaines; et les villes de Tarse, Antioche et Édesse furent rendues à la Chrétienté. Basile II étendit la puissance impériale sur ïlbe'rie et VAbasgie, pays situés à l'est de l'Euxin (991-1022); il commença en outre (1021) une série de transactions grâce auxquelles, dans l'espace de quarante ans, Y Arménie tout entière fut annexée à l'empire (Ani en 1045 et Kars en 1064), c'est-à-dire à la veille du jour où la puissance impériale allait être tout à fait renversée en Asie. Révolte de la Servie (1040). — Progrès des Turcs en Asie (1064-1081). — Les Normands en Épire (1081). —Cette grande extension de l'empire le mit en contact avec de nouveaux ennemis dans les deux continents. Eu Asie, il devint le voisin des Turcs Seldjoucides, en Europe, celui des Magyars ou Hongrois, qui sont appelés Turcs par les écrivains byzantins du dixième siècle. La Hongrie était alors devenue un royaume chrétien. La Servie étant venue à se révolter (1040), un nouvel état indépendant se trouva placé entre la Hongrie et la Romanie ; mais Belgrade resta possession impériale jusqu'en 1064, où elle passa sous la domination magyare. Vers cette époque, l'empire avait déjà subi des échecs bien plus considérables en Asie. Les Turcs Seldjoucides touchaient maintenant la nouvelle frontière romaine. De pillards ils se firent conquérants, etlapremière conquête turque, celle à'Ani, eut lieu la même année que la dernière acquisition de l'empire, celle de Kars (1064). Les empereurs essayèrent alors de fortifier cette frontière si menacée en érigeant "des principautés vassales. Le nom d'Arménie fut déplacé. Une nouvelle Arménie, ou Petite Arménie, fut constituée dans les montagnes de la Cilicie (1080), et elle fut gouvernée par des princes de l'ancienne dynastie arménienne, dont la fidélité à l'empire
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alla progressivement en s'éteignant. Mais avant cette époque, le pouvoir des Turcs était complètement établi dans la péninsule de l'Asie Mineure. Les pillards étaient devenus conque rants, et la bataille de Manzikert (1071) fut pour eux le point de départ de cessions formelles et de nouveaux progrès (1074). Dans toute l'étendue de l'Asie Mineure, l'empire conserva tout au plus le littoral, et la masse intérieure du pays devint turque. Le nom romain cependant ne disparut pas complètement, car les envahisseurs prirent le nom de sultans de Roum (1081). Leur capitale fut placée à Nicée, position qui n'était pas sans être menaçante pour Constantinople. Mais l'empire conservait encore des dépendances éloignées, telles que Trébizonde et Antioche ; cette dernière ville pourtant tomba bientôt par trahison au pouvoir des Turcs (1081). Vers la même époque, un nouvel ennemi vint attaquer l'empire dans sa péninsule européenne. Les conquérants Normands de l'Apulie et de la Sicile traversèrent l'Adriatique et prirent divers points, à la fois dans les îles et sur la terre ferme, particulièrement Dyrrhachium ou Durazzo el l'île de Corcyre, appelée, à cette époque, d'un nouveau nom grec, Koryphô ou Cor fou (1081-1085). L'empire à la fin du onzième siècle. Sur toute l'étendue de sa frontière, l'empire se trouvait, vers la lin du onzième siècle, avoir complètement perdu la magnifique position qu'il avait au commencement de ce même siècle. L'empire présentait maintenant, géographiquement, un aspect tout à fait opposé à celui qu'il avait aux huitième et neuvième siècles. Sa principale force semblait alors résider en Asie, car ses possessions en Europe étaient réduites aux côtes et aux îles, tandis que sa péninsule asiatique résistait fermement, traversée seulement par des ravages passagers. Maintenant, c'était en Asie qu'il ne restait plus que les îles et les côtes, tandis que la grande péninsule européenne restait intacte dans la plus grande partie de son étendue. Jamais, auparavant, la principale force de l'empire
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n'avait été si complètement européenne. Et il n'était, nullement extraordinaire qu'aux yeux de l'Occident l'empire de Romanie commençât à apparaître comme un royaume de Grèce. Conquêtes des premiers Comnène (1097-
1168). — Nous parlerons à un autre moment des états fondés par les Croisés. Les croisades ne nous intéressent que dans la mesure où elles favorisèrent la nouvelle renaissance du pouvoir impérial sous la maison de Comnène. Alexis reprit Nicée et les autres grandes villes de l'Asie Mineure occidentale. Quelques-unes d'entre elles, telles que Laodicée, entrèrent dans l'empire plutôt comme cités libres que comme simples sujettes. Sous les règnes de Jean et de Manuel Comnène, l'empire fit des conquêtes à la fois dans les deux continents. Le Turc resta maître des parties intérieures de l'Asie, mais il dut reculer sa capitale de Nicée à Iconium (1097). Antioche et Y Arménie cilicienne furent replacées sous la suprématie impériale, ainsi que la Servie en Europe (1157). La Hongrie elle-même dut céder Zeugmin, Sirmium et toute la Dalmalie (1148). Pendant un moment, l'empire posséda de nouveau toute la côte orientale de l'Adriatique et ses îles ; Ancône même, sur la rive occidentale de cette mer, devint comme une dépendance de l'empereur d'Orient (1165-1168). Pertes de la Dalmatie (1181), de Chypre (1193), de la Bulgarie (1187). — Les conquêtes de Manuel étaient évidemment trop grandes pour la force réelle de l'empire, et quelques-unes furent immédiatement perdues. La Dalmalie fut abandonnée, et Venise et la Hongrie s'en disputèrent la possession. La tendance qu'avaient certains pays à se détacher de l'empire reçut une impulsion plus grande à mesure que les idées féodales de l'Occident firent des progrès : Chypre, Trébizonde, l'ancienne Grèce elle-même, tombèrent aux mains de princes qui étaient plutôt des vassaux féodaux que des gouverneurs romains. Nous avons déjà vu comment Chypre se sépara de cet cm-
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pire. Conquise par un comte de Poitou , celui-ci en fit don à Guy deLusignan (1192). Ainsi, avant la conquête latine de Gonstantinople, une province avait déjà été enlevée à l'em-' pire d'Orient pour devenir un royaume latin. Les pays de langue grecque commencèrent alors à passer dans une large mesure sous l'autorité des Latins. En Sicile, les Francs pouvaient être regardés comme des libérateurs; dans les îles de Gorfou et de Chypre, ils n'étaient que des envahisseurs. Pendant ce temps, l'empire était entamé au nord par une nouvelle révolte des Bulgares, laquelle aboutit à l'établissement d'un troisième royaume bulgare. Mais ce royaume semble avoir été tout autant valaque ou roumain que bulgare, dans le sens strict de ce mot. Le nouveau royaume comprenait l'ancienne Bulgarie, entre le Danube et l'Remus, et dans la suite il s'étendit plus loin à l'ouest et au sud. La révolte des Bulgares fut suivie d'autres mouvements parmi les Slaves de Thracè et de Macédoine; il n'en résulta pas de nouveaux états, mais ces mouvements contribuèrent également au renversement général de l'empire. L'empire à la fin du douzième siècle. — L'œuvre de Basile et de Manuel était maintenant détruite, mais l'empire était devenu plus que jamàis un état presque grec. 11 ne comprenait pas la totalité, des pays de langue grecque ; il avait en outre des sujets qui n'étaient point grecs, et il y avait des Grecs qui n'étaient pas ses sujets. Cependant la langue grecque et la nouvelle nationalité grecque dominaient dans les pays qui restaient toujours à l'empire. Le nom de Bomain n'était plus véritablement qu'un nom; Romain et Grec signifiaient la même chose. Tout ce qui n'était pas grec dans la Romanie européenne était principalement albanais et valaque. La domination de l'empire dans la Péninsule était presque réduite aux races primitives. Les Slaves, ce grand élément venu plus tard, s'étaient presque entièrement séparés de l'empire après avoir
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établi leur indépendance, mais non leur unité; ils formaient un groupe d'états indépendants, qui s'étaient simplement détachés de l'empire.
III
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Le traité de partage et l'empire latin de Romanie. La prise de Constantinople, dans la quatrième croisade, fut le résultat d'une alliance entre la nouvelle république indépendante de Venise et une armée de Croisés occidentaux que l'on peut, aussi bien que les états qu'ils fondèrent, appeler indifféremment Latins ou Francs. Un traité régulier de partage fut dressé, par lequel trois parts devaient être faites de l'empire. L'une d'elles devait être donnée à un empereur latin de Romanie, une autre partagée entre les pèlerins qui deviendraient ses feudataires; une troisième devait être le lot de la république de Venise. Mais ce partage ne fut jamais réalisé. Une grande partie de l'empire ne fut jamais conquise; une autre partie considérable n'était pas visée par le traité de partage. En fait, le plan de partage est à peine un fait géographique. Le partage réel auquel conduisit la conquête latine eut une tout autre forme, et il aboutit à une division de l'empire en une masse d'états, grecs, francs et vénitiens; et plus d'un de ces états avait quelques droits à représenter l'Empire lui-même. Dans ce cas étaient l'empire latin de Romanie, ainsi que l'empire grec qui se maintint à Nice'e; ce dernier, après un éloignement de près de soixante ans, put recouvrer la ville impériale. Dans le plan des Croisés, l'empereur latin devait être le seigneur féodal des princes inférieurs qui
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s'établiraient dans l'empire; son domaine propre devait
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comprendre la totalité des possessions impériales en Asie, avec une province de Thrace s'étendant au nord jusqu'à Àçjalhopolis. Les Vénitiens devaient avoir Andrinople avec une bande étroite de territoire descendant jusqu'à la Propontide. En réalité, les choses se passèrent tout autrement. Les empereurs latins n'eurent jamais en Asie que certaines parties des Thèmes baignés par la Propontide, depuis Adramyttium jusqu'à l'embouchure du Sangarius. En Europe, ils possédèrent la partie orientale de la Thrace, avec une frontière qui changea souvent, au nord par rapport à la Bulgarie, à l'ouest par rapport aux nouveaux états latins et grecs qui s'y formèrent. Ils avaient également Lemnos, Lesbos, Chios, et quelques autres des îles de la mer Egée. Mais l'empire latin de Romanie ne fut pas le seul empire qui s'éleva .sur les ruines de celui qui avait pour capitale la Rome orientale. Deux princes grecs, et pendant un moment trois, portèrent le titre impérial; il y eut aussi un roi latin. Il sera bon pour un moment de laisser de côté l'Asie et la Grèce méridionale, et de considérer les révolutions qui eurent lieu en Thrace, en Macédoine, dans la Grèce septentrionale, et dans cette partie de la péninsule à laquelle nous pouvons maintenant donner le nom d'Albanie. Le résultat immédiat de la conquête latine fut de partager ces pays entre trois états, deux latins et un grec. En dehors de l'empire deBomanie, il y eut le royaume latin de Thessalonique, et le despotat1 grec d'Épire, gouverné par la maison d'Ange. Le royaume latin de Thessalonique :(13©41223). — Le royaume de Thessalonique fut celui qui dura le moins longtemps, et l'on ne peut guère mettre en doute que sa création ne fut la ruine de l'empire latin. Il Séparait l'empereur de ses vassaux éloignés de Grèce, et le lien qui rattachait ceux-ci devint bientôt nominal. Dans des règnes successifs, il fut pour l'empire, d'abord un voi1. U faut se rappeler que StaxiT^ était et est toujours un titre byzantin très commun, nullement pris en mauvaise part; pas plus que dominus pu l'un quelconque des mots qui en sont la traduction. (Note de l'auteur.)
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sin puissant qui connaissait sa propre puissance, puis un voisin affaibli qui tomba au pouvoir des Grecs plus tôt que l'empire. Mais les commencements du royaume, sous son premier roi Boniface, furent pleins de promesses. Boniface étendit sa puissance sur la Thessalie, qui était alors la Grande Valachie, et il reçut l'hommage des princes francs situés plus au sud. Mais vingt ans après son établissement, le gouvernement des Francs cessa en Macédoine. Thessalonique redevint ville grecque et ville impériale, et l'empire latin se trouva séparé en deux parties. !Le despotat grec d'Épire et l'empire grec de Thessalonique (1304-1346). Le coup qui frappait ainsi l'empire latin venait de l'ouest, mais ce fut l'empire de Nicée qui, finalement, recouvra la ville impériale; néanmoins, quelques années après la conquête latine, il semblait que le rétablissement de la domination grecque en Europe dût venir de YÉpire. Le premier despote, Michel, accorda tour à tour un hommage nominal à tous ses puissants voisins, grecs et francs; mais, en réalité, il était le maître d'un état indépendant et grandissant. Sa domination commença dans la partie de l'Épire située à l'oUest du Pinde. Pendant un moment il posséda le Péloponnèse, Corinthe, Nauplie et Argos (1208-1210), et il conquit sur Venise Durazzo et Corfou (1215-1216). La puissance épirote avança également du côté de l'est. Thessalonique fut prise, et son conquérant prit le titre d'empereur de Thessalonique (1222). Après la prise d'Andrinople (1225), le nouvel empire s'étendit à travers la péninsule, d'une mer à l'autre, et comprit la Thessalie au sud. Mais l'empire de Thessalonique eut une existence à peine plus longue que le royaume de Thessalonique. Il y eut d'abord un partage entre les membres de la famille régnante. Le despotat d'Épire primitif, avec Corfou, fut séparé (1257) du nouvel état macédonien, auquel il devait survivre un certain nombre d'années. Vers cette époque, le rôle de champion de la langue et de la religion grecques
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contre les empereurs latins de Constantinople avait passé au plus puissant des états grecs d'Asie, à l'empire de Nicée. L'empire grec de Trébizonde (1204-1461). Sa plus grande étendue. — Ces états grecs de l'Asie étaient au nombre de deux; leur origine remonte à la même époque, mais elle fut différente, ainsi que devaient être leurs destinées. L'empire de Nicée était la continuation la plus vraie de l'ancien empire de la Rome orientale; l'empire de Trapezous ou Trébizonde fut le dernier représentant indépendant de la domination romaine et de la civilisation grecque. L'empire de Trébizonde fut bien un des étals qui sortirent du partage latin; mais, pour parler strictement, il faut dire que parmi les parties de l'empire qui montraient le plus de tendance à s'en séparer, l'une d'elles fut confisquée par un empereur rival à la faveur de la conquête latine. Alexis Comnène s'empara de Trébizonde (1204), grandement aidé en cela par les Ibériens, comme si l'empire, déjà démembré par les chrétiens d'Occident, devait également subir un autre démembrement de la part des chrétiens de l'extrême Orient. Les possessions d'Alexis, agrandies à l'ouest par son frère David, comprenaient d'abord toute la côte méridionale du Pont-Euxin située à l'est du Sangarius, sauf la ville à'Amisos, qui s'efforçait de rester virtuellement indépendante, et la colonie turque voisine, de Samsoum. Cependant cette domination ne fut que momentanée. Elle se réduisit à sa partie orientale, qui composa l'empire de Trébizonde dans sa dernière forme ; la partie occidentale, qui formait le gouvernement de David, fut bientôt absorbée par l'état grandissant'de Nicée (1215). L'empire grec de ]Vicée. — Ses progrès en Asie (1206-1247); en Europe (1215-1261). — Cet état eut pour fondateur Théodore Lascaris, qui fut regardé comme le successeur des empereurs d'Orient. Dix années après la prise de Constantinople (1214), un traité délimita sa frontière et celle de la petite domination des
�L'EMPIRE D'ORIENT. Latins en Asie. Six ans plus tard, les Latins ne possédaient plus que les pays situés au nord du golfe de Nicomédie (1220); au bout de vingt autres années, ils ne conservaient plus que la côte asiatique du Bosphore. Sept ans plus tard, Chios, Lemnos, Samos, Cos et autres îles furent reprises par l'état grec qui grandissait tous les jours (1247). Mais longtemps avant cette époque, l'empire de Nice'e était devenu un état européen. La Chersonèse de Thrace fut sa première conquête, et elle commença par la prise de Gallipoli (1255). Plus tard, l'empereur de Thessalonique devint un simple despote subordonné à l'empereur de Nicée (1242); quatre ans après, Thessalonique fut incorporée à la domination nicéenne (1246). Une série de campagnes en Bulgarie (1245-1250) portèrent la frontière impériale, d'abord jusqu'à Yllébrus (déjà la Maritza slave), et ensuite jusqu'au pied de l'Hémus. Une série de campagnes en Épire (1254-1259) donnèrent à l'empire un littoral sur l'Adriatique, et Durazzo devint pendant un certain temps ville de l'empire. La victoire de Pélagonie (1259), gagnée sur les forces combinées de l'Épire, de l'Achaïe et de la Sicile, affermit le pouvoir de Nicée dans ces régions. L'année suivante, Selymbria fut enlevée aux Latins, et l'empire franc fut réduit à la quantité de territoire qui pouvait être défendue du haut des murailles de Constantinople. Enfin Constantinople, la ville impériale, finit elle-même par succomber (1261), et l'empire de Nicée devint l'empire byzantin restauré des Paléologues. L'empire grec des Paléologues. — Ses progrès en Europe (1361-1430). — Cet empire se maintint encore pendant cent quatre-vingt-dix ans, et nous'devons distinguer avec soin son histoire européenne et son histoire asiatique. La frontière asiatique rétrograda presque aussitôt que le siège du gouvernement fut rétabli en Europe. En Europe, l'empire restauré conserva le caractère d'un état progressant sans cesse, jusqu'à la venue des Ottomans, et dans certaines parties, jusqu'à la chute môme de Constantinople.
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Plusieurs événements concoururent à affaiblir la puissance réelle de l'empire sans affecter en rien son étendue géographique. Telles furent les premières incursions des Turcs et le passage dévastateur des Catalans (1502). Les progrès de l'empire furent particulièrement marqués dans le Péloponnèse, où l'empire ne possédait pas un pouce de territoire lors de la reprise de Constantinople. Misithra, Monembasie, Maïna, furent les fruits de la victoire de Pélagonie (1262). La frontière impériale resta quelque temps stationnairé ; mais à partir du commencement du quatorzième siècle elle fit des progrès constants, qui furent peut-être favorisés par ce fait que le Péloponnèse devint une dépendance impériale, ou un apanage pour les princes de la famille impériale, au lieu d'être une possession immédiate de l'empire. Au commencement du quinzième siècle, la plus grande partie de la péninsule, y compris Corinthe, était de nouveau aux mains des Grecs (1404). Enfin, vingt-trois ans seulement avant la conquête turque de Constantinople, tout le Péloponnèse, sauf les points occupés par Venise, reconnaissait la suprématie de l'empire (1450). Plus au nord, l'empire eut des succès moins constants, mais ils se continuèrent jusqu'au milieu du quatorzième siècle, époque à laquelle les Serbes arrivèrent à une grande puissance. La frontière varia du côté de la Servie; de la Bulgarie, de l'Ëpire et de la domination angevine qui s'établit sur la côte de l'Adriatique. Ainsi, sous Andronic II, la domination impériale fut étendue sur la plus grande partie de la Thessalie ou Grande Valachie (1518). Plus tard, toute YÉpire, Janina et Arta (l'ancienne Ambracié] passèrent au pouvoir de l'empire (1518-1559). Au moment où la Servie allait prendre tant d'extension, l'empire possédait sans interruption toute la côte qui va de l'Euxin jusqu'au golfe dePagase, et sur l'Adriatique toute celle qui s'étend du golfe d'Amhracie jusqu'à Durazzo. Mais les principautés franques séparaient toujours la masse principale de l'empire de ses possessions dans le Péloponnèse.
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Pertes de l'empire en Asie (126Û-1338). —
En Asie, tout était bien différent. Là, après la reprise de Constantinople, la frontière recula d'une façon constante. Il n'y a à signaler, par rapport à des états européens, que quelques acquisitions ou pertes sans importance. Smyrne passa temporairement à Gènes (1260). Les chevaliers de Saint-Jean conquirent Rhodes, Cos et autres îles (15091515); mais leur puissance s'établit sur le continent asiatique seulement après que l'empire eut été lui-même presque chassé de ce continent. La puissance impériale recula constamment devant les progrès des Turcs, des Seldjoucides d'abord, des Ottomans ensuite. Les petits états turcs, entre lesquels le sultanat de Roum se trouvait alors démembré, commencèrent à empiéter sur la domination grecque en Asie, aussitôt que son centre fut transporté en Europe. Vers la fin du treizième siècle, les possessions impériales en Asie étaient de nouveau réduites à une bande étroite sur la Propontide, depuis la mer Egée jusqu'à l'Euxin. Lorsque les Seldjoucides eurent fait place aux Ottomans, Prousa, Nice'e, Nicomédie, furent toutes perdues dans l'espace d'une douzaine d'années (1526-1558). Vers le milieu du quatorzième siècle, les empereurs ne conservaient plus rien en Asie, si ce n'est une bande de terre faisant juste face à Constantinople, ainsi que les villes de Philadelphie et Phoce'e, leurs alliées plutôt que leurs sujettes.
Pertes de l'empire en Europe (1333-1453).—
Les Ottomans étaient alors sur le point de passer en Europe. La chute d'un état européen, la Servie, qui avait entamé fortement l'empire dans ses provinces occidentales, leur facilita ce passage. En effet, tandis que la frontière impériale avançait en Epire et en Thessalie, elle reculait du côté de la Servie (1551), et elle n'avançait vers la Bulgarie que pour reculer de nouveau. Philippopolis, si souvent prise et reprise, fut alors perdue pour toujours (1544). C'est à cette époque que le grand Etienne Douchan lit faire de grands progrès à la
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Servie, en enlevant à l'empire une grande partie de ses possessions en Thrace, en Macédoine, en Albanie et en Grèce1. Au milieu du quatorzième siècle, l'empire, presque chassé de l'Asie, ne conservait plus en Europe, en dehors de la Thrace, que des possessions isolées : Thessalonique et la Chalcidique, avec une petite bande de la Macédoine s'étendant jusqu'à Berrhoia et Vodena; il conservait encore une parcelle de la Thessalie aux environs de Lamia ou Zeilouni. La province de Péloponnèse prit de plus en plus d'importance. Enfin, Lesbos et quelques autres îles restaient encore à l'empire. La domination d'Etienne Douchan s'écroula après sa mort (1555), mais l'empire ne reprit pas possession des pays qu'il avait perdus, et les Ottomans, déjà en Europe, allaient, dans les cent ans qui vont suivre, s'emparer de tout ce qui lui restait. De même que les Grecs de Nicée n'étaient pas encore en possession de Constantinople, alors qu'ils avaient déjà repris toute la Romanie, de même, dans la conquête finale de la Romanie par les Turcs de Brousse, Constantinople fut (sauf le Péloponnèse qui formait un apanage), le dernier point de l'empire qui succomba. Les Turcs, comme les Grecs, débarquèrent à Gallijwli (1554), et ils enveloppèrent également pendant des années la ville impériale avant qu'elle tombât en leur pouvoir. Sept ans après le premier débarquement des Turcs, Andrinople était devenue leur capitale en Europe (1561); l'empire leur payait tribut, et ne gardait, eu dehors de ses possessions éloignées, que le pays situé immédiatement autour de la ville impériale. La chevaleresque expédition d'Amédée de Savoie rendit à l'empire son littoral sur le Pont-Euxin jusqu'à Mesembria (1566). Avant la fin du siècle,Philadelphie étaitperdue en Asie (1574-1591), et la domination impériale en Europe s'étendait à peine au delà de la ville impériale et de la province du Péloponnèse. Thessalonique et la province de Thessalie furent un moment perdues.
1. Voir pages 15S et 459.
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Bajazet fut sur le point d'accomplir l'œuvre de Mahomet, mais l'invasion de Timour, et l'écroulement de la puissance ottomane qui en fut la conséquence (1402), vinrent donner cinquante ans de répit à l'empire. Pendant les guerres civiles des Ottomans, l'empire prit et perdit plus d'une fois quelques points éloignés. Finalement, en 1424, un traité entre le sultan Mahomet et l'empereur Manuel donna à l'empire à peu près les mêmes frontières qu'il avait soixante ans auparavant. Le littoral de la Propontide jusqu'à Selymbria, celui du Pont-Euxin jusqu'à Mesembria, Thessalonique et la Chalcidique, la province de Péloponnèse, celle de Thessalie bien diminuée, la suzeraineté de Lesbos, Enos, Thasos, c'était tout ce qui lui restait. Deux ans après, il perdit Thessalonique. Enfin, en 1453, Constantinople tomba elle-même au pouvoir des Turcs, et le nom de l'empire romain d'Orient disparut complètement de la géographie européenne. Six ans plus tard, le Péloponnèse fut conquis à son tour (1460), et la Grèce européenne tout entière obéit à des maîtres étrangers. Ees états qui se sont formés dans l'Europe du Sud«Est. — Après avoir ainsi esquissé les changements qui se sont produits dans l'étendue de l'empire d'Orient, pendant une période de six cent cinquante ans, nous avons maintenant à tracer la géographie des états qui, durant ce laps de temps, se formèrent en deçà de ses limites ou sur ses frontières. Ils se divisent naturellement en quatre groupes. Le premier comprend les états nationaux qui se formèrent après avoir secoué le joug de l'empire. Tels sont principalement les états slaves situés au nord, la Bulgarie, la Servie, la Croatie, et ceux qui sortirent postérieurement de leurs partages. Nous devons y ajouter, quoique leur origine fût bien différente, d'une part le royaume de Hongrie, qui s'annexa tant de pays slaves ; d'autre part, les états roumains, dont l'histoire est si intimement liée avec celle de la Hongrie, et qui durent leur formation à des migrations faites en dehors de l'empire.
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Les états grecs qui se séparèrent de l'empire avant la conquête latine ou à l'époque de cette conquête, et qui ne furent pas recouvrés par les empereurs grecs de Nicée et de Constantinople, forment un autre groupe. Ces deux groupes d'états appartiennent strictement à la chrétienté orientale. La Hongrie catholique régnant sur des Slaves orthodoxes forme un trait d'union entre l'Orient et l'Occident, et l'on peut en dire autant des Slaves qui appartiennent à l'Église latine. Nous retrouvons un autre trait d'union dans un troisième groupe d'états, ceux-ci composés de ces parties de l'empire qui, soit au moment de la conquête latine, soit avant, passèrent sous la domination des Latins. Cette classe, en effet, ne comprend pas seulement les états francs de Romanie, ou les points occupés en Orient par Venise et par Gênes; à notre point de vue, il comprend aussi le royaume normand de Sicile et le royaume des croisés de Jérusalem, avec ses fiefs. Dans tous ces cas, nous voyons passer sous la domination latine des territoires qui avaient fait partie de l'empire d'Orient, et des conquérants latins régnant sur des peuples étrangers, Grecs, Slaves, Syriens ou autres. Aucun de ces états latins n'était un état national, comme l'étaient les états slaves ou même les états grecs. Du moins les maîtres étrangers de ces pays étaient européens et chrétiens. Le dernier groupe d'états comprend au contraire ceux qui étaient complètement en'dehors de la civilisation européenne et chrétienne. De ce nombre sont les dynasties turques qui s'élevèrent dans l'empire; mais parmi elles, la dernière et la plus grande, celle A'Olhman, devint seule géographiquement européenne. Sa domination s'étendit sur presque tous les pays qui avaient appartenu à l'empire en Europe, et sur beaucoup d'autres qui n'en avaient jamais fait partie. Une pareille domination n'a nullement le caractère d'un état national, elle est celle de l'Asiatique sur l'Européen, du Musulman sur le Chrétien. Plus tard, cette anomalie disparaîtra en partie, et dans le siècle actuel nous verrons le rétablissement d'états indépendants, grecs et slaves.
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L'EMPIRE D'ORIENT.
Tous ces états semblent donc bien se diviser en quatre groupes naturels, et il est nécessaire de ne pas perdre de vue la nature de chacun et les rapports qui existent entre eux. Cependant, pour arriver à chacun d'eux en particulier, il est préférable de suivre un ordre se rapprochant davantage de celui dans lequel ils se séparèrent de l'empire. C'est ainsi que le premier dont nous allons parler se sépara de si bonne heure de l'empire d'Orient, et se rattacha si complètement à l'Europe occidentale, qu'il faut un effort pour se figurer que sa vraie place est parmi les états qui ne purent se former qu'en se séparant du trône impérial de Constanlinople.
�CHAPITRE II
LE ROYAUME DE SICILE1
Origines si!M royaume. — Formation des principautés de Capoue et d'Apulie. — Le royaume de Sicile est l'état qui, dans le cours du onzième siècle, fut formé par des aventuriers Normands dans l'Italie méridionale et en Sicile. Il ne fut pas formé entièrement aux dépens de l'empire d'Orient. Mais toute sa partie insulaire et lapins grande partie de son territoire continental furent enlevées à l'empire d'Orient et à ses vassaux, ou avaient fait jadis partie de cet empire. Ses rois d'ailleurs établirent souvent leur autorité, pendant plus ou moins longtemps, sur les pays impériaux situés à l'est de l'Adriatique. A son origine, le royaume de Sicile n'avait aucune connexion avec l'empire d'Occident el le royaume d'Italie, quoique dans la suite il se soit agrandi quelque peu à leurs dépens. Lorsque les Normands commencèrent leurs conquêtes en Italie, dans les premières années du onzième siècle, l'empire d'Orient conservait toujours le littoral des deux mers, depuis la partie septentrionale de la péninsule de Gargano jusqu'au
Voir pour ce chapitre les cartes 58 i 5U 26
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LE ROYAUME DE SICILE.
milieu du golfe de Policastro. Les duchés impériaux de Naples, Gaëte, et Amalfi, situés au nord de ce dernier point, étaient séparés des autres possessions impériales par les duchés de Bénévent, Capoue et Salerne, sur lesquels l'empire n'avait tout au plus qu'une suprématie assez précaire. Dans l'espace d'une centaine d'années, tous ces pays, ainsi que l'île de Sicile, passèrent sous la domination des Normands. Ainsi grandit un nouvel état européen, formant selon les cas un ou deux royaumes, et quelquefois aussi réuni à d'autres royaumes. Cet état supplanta l'empire d'Orient, les états sarrasins de Sicile, et les princes lombards de l'Italie méridionale. Il eut deux points de départ, répondant aux deux états distincts fondés par les Normands. Le premier de ces états fut le comté d'Averse, que ses nouveaux titulaires reçurent comme vassaux du duché impérial de Naples (1021), et auquel ils ajoutèrent, quarante ans plus tard, la principauté de Capoue; pour celle-ci, ils reçurent confirmation du pape, ce qui impliquait l'absence de toute dépendance vis-à-vis de l'un ou de l'autre empire (1062-1068). Le duché d'Apulie, qui dura plus longtemps, commença avec des aventuriers de la maison d'IIauteville, un peu plus tard que le comté d'Averse. Sous le commandement de Guillaume Bras-de-Fer, ceux-ci fondèrent d'abord le comté d'Apulie, avec Melfi, pour capitale (1042); ce comté comprenait la péninsule de Gargano, avec la partie de territoire située immédiatement au sud. Le pape Léon IX investit ensuite le comte Humfrey, ou plutôt tous les Normands réunis, de tout ce qu'ils pourraient conquérir en Apulie, en Calabre et en Sicile (1053). Une troisième période commença à la prise de Tarente, après laquelle Robert Guiscard prit le titre ducal (1059); moins de vingt ans après (1077), le duché d'Apulie se trouva complété. L'empire ne possédait plus à la fin du onzième siècle que le duché de Naples; Bénévent était devenu la possession des papes, et le reste des pays qui avaient appartenu à l'empire et aux princes lombards était très inégalement partagé entre
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deux princes normands, le duc d'Apulie et le prince de Capoue. Les ducs d'Apulie en Épire (1O81-H50). — La domination byzantine ayant ainsi disparu à l'ouest de l'Adriatique, Robert Guiscard s'attaqua pour la première fois à la péninsule orientale. Pendant les dernières années de sa vie, il posséda les îles de Corfou et Ce'phalonie, avec Durazzo et la côte située au sud, et même dans l'intérieur, un territoire s'étendant jusqu'à Castoria et Trikkala (10811085). Son fils Bohémond retrouva pendant un moment la puissance de son père, et dans le milieu du siècle suivant, Corfou fut de nouveau, pendant un court espace de temps, occupée par le roi Roger (1147-1150). Conquête de la Sicile par les Normands d'Apulie (10G1-1091). —La seconde période de domination mulsumane sur la Sicile fut courte. Dans l'espace de trente ans, le comte Roger enleva la grande île à l'Islam ainsi qu"à la Chrétienté orientale. La ville grecque de Messine fut prise la première (1061); peu de temps après, ce fut Païenne, ville sarrasine (1072) ; Syracuse fut prisé beaucoup plus tard (1086). Le dernier point occupé par les Sarrasins dans l'île fut Noto, à l'extrémité sud-est ; Malte, appendice naturel de la Sicile, fut prise la même année (1091). La première capitale des Normands fut Messine. Le duc Robert, comme suzerain de son frère le comte Roger, garda par devers lui Palerme et le district environnant, et ce fut seulement au siècle suivant que le comte de Sicile eut pleine possession de cette ville. Palerme devint alors ce qu'elle avait été sous les Sarrasins, la capitale de la Sicile. Roger II, comte, puis roi de Sicile (11 ©5= 1154). — Ses conquêtes en Europe et en Afrique. — Le chef de la Sicile devint également un potentat ur le continent italien; et la moitié d'abord, ensuite la sotalité de la Calabre,. fit partie de ses possessions. Le troisième grand comte, celui qui prit le premier le titre de Roi de Sicile (1130), Roger H, se rendit progressivement
�ÀOi
M ROYAUME DE SICILE.
/naître de, toutes les possessions de sa famille, sur le couti-, nent, c'est-à-dire de toute YApulie. Il y ajouta ensuite la, principauté normande de Capoue. (1152-1156), d'abord comme territoire dépendant, ensuite avec tous les caractères d'une véritable incorporation. Eu 1138, il enleva aux empereurs d'Orient leur dernière possession en Occident, la ville de Naples. Dépassant ensuite les limites de l'empire. d'Orient et les premières conquêtes normandes en Italie, il conquit les Abruz-zes (1140). Enfin, nous avons vu qu'il étendit sa domination, pendant un moment, à l'est de l'Adriatique. Il s'attaqua également, et avec plus de succès, à l'ennemi commun des deux empires chrétiens d'Orient et d'Occident. De même que la Sicile avait été deux fois conquise par des envahisseurs venus d'Afrique, ce fut le tour de l'Afrique d'être assaillie par des conquérants siciliens. Roger étendit sa domination (1135-1157) sur une partie considérable delà côte africaine, comprenant Mehadia, Bône et autres points qui furent perdus sous son fils Guillaume. Ainsi se trouva fondé un royaume qui a été, peut-être plus qu'aucun autre état européen, divisé et réuni, qui a passé plus d'une fois d'une dynastie étrangère à une autre, mais dont les frontières ont à proprement parler à peine changé. En effet, le seul voisin immédiat du roi de Sicile était son suzerain ecclésiastique, et la seule question qui pouvait se soulever était celle-ci : le roi qui régnait sur la terre ferme serait-il aussi roi de l'île? Mais les dynasties successives qui régnèrent sur toute l'étendue du royaume, et sur ses différentes parties quand il était divisé, suivirent pendant longtemps avec ardeur la politique de leur fondateur, celle des conquêtes à l'est de l'Adriatique. Domination en Épire des princes siciliens (1185-1386). Avant la quatrième croisade, Guillaume le Bon avait repris pied en Épire par la conquête de Durazzo., et conquis de nouveau les îles de Corfou, Céphalonie et Zante (1185). Ces possessions éloignées furent données en
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fief à l'amiral sicilien Margarito (1186).Celui-ci, qui s'était donné le nom étrange de Roi des Épiro.les, fonda une dynastie qui dura jusqu'en 1538, et dont les princes possédèrent Ce'phalonie, Zante et Ithaque comme comtes palatins. Ainsi, tous ces pays furent, comme Chypre et Trébizonde, séparés de l'empire au moment où celui-ci allait succomber ; et les révolutions siciliennes les séparèrent également du ..royaume de Sicile. ..>:', Une domination plus durable fut établie dans ■ ces régions sous Manfred (1258). La femme de ce prince, Grecque d'origine, lui apporta Corfou, ainsi que Durazzo avec une bande de territoire le long de la côte d'Albanie, et il reçut le titre de Prince de Romanie. Cette domination passa (1266-1269) à son vainqueur Charles d'Anjou, qui se rendit plus tard suzerain féodal du despotat d'Épire (1272-1276). Mais les plans de Charles furent complètement modifiés par les Vêpres siciliennes (1282). Durazzo fut prise et perdue plus d'une fois; après avoir fait retour à la maison d'Anjou (1322), elle forma un duché angevin indépendant, qui finit par tomber au pouvoir des états qui grandissaient en Albanie (1553-1566). Une autre branche de la maison d'Anjou se maintint à Le'pante (l'ancienne Naupacte) jusqu'en 1578 ; Corfou et Butrinto devinrent possessions immédiates de la couronne de Naples (1373-1586) ; après quoi elles passèrent à Venise, qui les garda bien plus longtemps. Limites des royaumes siciliens. — Cette domination orientale des deux couronnes siciliennes, outre l'influence qu'elle eut sur la Grèce méridionale, influence dont nous aurons à parler, tendit aussi à perpétuer la connexion des royaumes siciliens avec l'empire dont ils étaient sortis. Mais il est difficile d'y voir un agrandissement géographique des royaumes eux-mêmes. Encore moins peut-on donner ce
1. Sur ce petit état si singulier, mais très obscur, voyez Benedict (II, 199), Roger de Hovrden (III, 161, 249) et les Annales gibelines de Plaisance (Pertz, XIX, 468J; voyez également Hopf, Gcschichte griechenlands (VI, 161). (Note de 1 auteur.}
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LE ROYAUME DE SICILE.
nom à la courte occupation d'Acre, faite par Charles d'Anjou en tant que l'un des nombreux rois de Jérusalem. Si ce n'est sous Charles-Quint, qui donna Malte aux chevaliers de SaintJean (1530) *, et sous Philippe II, qui donna les présides de Toscane* aux Deux-Siciles (1557), on peut dire que les royaumes siciliens, après la conquête des Abruzzes, n'ont rien perdu ni rien acquis. De toutes les révolutions, la plus importante s'est produite de nos jours, où le nom de Sicile a été pour la première fois rayé de la carte d'Europe. L'île d'Hiéron et de Roger n'est plus que l'assemblage de sept provinces appartenant à un prince qui n'a pas daigné prendre la couronne et le titre de ce célèbre royaume. ï.
1. Voir pages 426 et 559. Voir pages 246 et 559.
�CHAPITRE III
LES ETATS FONDÉS PAR LES CROISÉS
Caractères des états fondés par les Croisés. — Les états fondés par les croisés en Asie et dans l'Europe orientale ont beaucoup de rapports avec le royaume de Sicile. Us se formèrent tous dans des pays conquis par des envahisseurs venus de l'Occident, soit que ces pays eussent été conquis sur l'empire d'Orient lui-même, ou bien sur des Musulmans qui les avaient antérieurement enlevés à cet empire. Les Normands de Sicile commencèrent par conquérir des pays appartenant à l'empire, et allèrent ensuite à la conquête de l'île enlevée par les Musulmans à l'empire. Les différentes croisades fondèrent d'abord des états chrétiens dans les pays que les Musulmans avaient enlevés à l'empire et elles amenèrent ensuite le démembrement de l'empire. Au premier rang de tous ces états figurent le royaume de Jérusalem et les autres principautés franques qui sortirent de la première croisade. Le royaume de Chypre, qui continuait en quelque sorte le royaume de Jérusalem, forme un lien entre les états des véritables croisés et les états qui
1. Voir pour ce chapitre les cartes il à io.
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LES ÉTATS FONDÉS PAR LES CROISÉS.
sortirent du partage de l'empire pendant la quatrième croisade. Le royaume d'Arménie cilicienne, dont nous avons 1 déjà mentionné la fondation , était étroitement lié à lui, et d'état oriental qu'il était, il s'était dans une certaine mesure latinisé. Mais les principautés de Syrie et de Chypre, comme les états latins qui sortirent du partage de l'empire, avaient bien tous le caractère de colonies fondées en Orient par l'Europe occidentale; ce furent des états où la race latine établit sa domination sur les indigènes, à quelque sang ou quelque croyance qu'ils appartinssent. Royaume de «Jérusalem et principautés franques de Syrie (1 ©951-1291). — Le grand résultat géographique de la première croisade fut d'éloigner les états musulmans des mers de l'Asie et de l'Europe orientale. Dans les premières années du douzième siècle, toute la côte de l'Asie Mineure et de la Syrie appartenait à des états chrétiens, que; ceux-ci fussent byzantins, arméniens ou latins. Le royaume de Jérusalem, dans sa plus grande étendue, longeait la côte depuis Beyrouth jusqu'à Gaza. A l'est, il s'étendait quelque peu au delà du Jourdain et de la mer Morte, avec une bande de territoire atteignant au sud le golfe oriental de la mer Rouge. Au nord, se. trouvaient deux états latins qui, à l'époque de là renaissance comnénienne, reconnurent la suprématie de l'empereur d'Orient. C'étaient le comté de Tripoli, qui s'étendit, pendant quelque temps, jusqu'à la ville syrienne d'Alexandrette, et la principauté d'Antioche, plus célèbre encore. Cette grande ville, perdue pour la chrétienté dans les premiers temps de la conquête sarrasine (640), rendue à l'empire à l'époque de la renaissance macédonienne (968), reprise par les Turcs (1081), reconquise par les Francs (1098), resta une, principauté chrétienne longtemps après la chute de Jérusalem, et ne retomba sous le joug des Musulmans que vers la fin du treizième siècle (1268). .
1. Voir page 586.
�• LES ÉTATS FOSDÉS PAU LES CROISÉS.
SO'J
Au nord-est d'Antioche se trouvait là plus éloignée de toutes lés possessions latines, le comté d'Édesse,' situé tout à fait à l'intérieur, et qui succomba le premier : sous : les coups des Turcs Attabegs de Syrie (1128-1175).'Ces derniers entamèrent également le royaume de Jérusalem, en lui : enlevant ce qu'il possédait'à l'est du Jourdain, mais ils : furent vaincus à leur tour par Saladin,' qui se rendit maitre à la fois de l'Egypte et de la Syrie. Saladin prit Jérusalem (1187), et le royaume qui portait encore ce nom fut réduit aux pays situés immédiatement autour de Tyr. ■ :< VA Lés croisades suivantes rendirent aux chrétiens Acre : et divers autres points; enfin, grâce à la diplomatie de Frédéric II, le sultan d'Egypte rendit Tyr, Sidon et la Ville Sainte elle-même (1228). Une bande de littoral s'enfonçant dans l'intérieur en deux endroits, de manière à comprendre Tibériàde et Nazareth d'un côté, Jérusalem et Bethléem de l'autre, forma le royaume oriental du maître de Rome et de la Sicile (1.239-1243). rJx i : -••■:;■:!
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Perdue et reprise de nouveau par les chrétiens, Jérusalem fut finalement .acquise à l'Islam (1244), après l'invasion des Chorasmiens, venus des bords de la Caspienne. Mais, pendant près de cinquante ans encore, les points situés sur la côte furent perdus et recouvrés selon le degré de résistance que les Musulmans pouvaient opposer à de nouvelles croisades. Avec la chute d'Acre (1291), la domination latine en Syrie cessa d'exister. Les pays conquis sur les Musulmans par les chrétiens d'Occident retournèrent aux disciples du , Prophète. Les pays conquis par les chrétiens d'Occident sur ! les chrétiens d'Orient, ainsi que ceux où les chrétiens d'Orient continuaient à maintenir leur indépendance, résistèrent plus longtemps. *;>i ' i ' ' Chypre et Arménie cilicienne (1192-1489). — Les royaumes de Chypre et d'Arménie se trouvaient dansj ce dernier cas. Nous avons vu comment ils furent fondés1, le
1. Voir payes 38G et 589.
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LES ÉTATS FONDÉS PAR LES CHOISÉS.
premier en 1192, le second en 1080. La frontière de Chypre n'était guère susceptible de subir des changements géographiques; néanmoins, pendant une partie des quatorzième et quinzième siècles, la ville et le port de Famagousie passèrent à Gênes. D'un autre côté, les rois de Chypre s'attribuèrent des droits à la couronne de Jérusalem, et avant que toute la côte de la Syrie eût été complètement perdue, ils occupèrent par intervalles telle ou telle partie de territoire sur le continent. Quant au royaume à'Arménie, il entra en quelque sorte dans le monde occidental après que son roi, qui avait déjà reçu de l'empereur d'Orient la confirmation de son titre1, eut trouvé qu'il était sage de le voir également confirmé par l'empereur d'Occident (1190). Le royaume, malgré les pertes qu'il fut obligé de subir par suite des attaques des Musulmans ses voisins, garda ses princes indigènes jusque vers le milieu du quatorzième siècle (1342). Il passa alors à une branche de la famille royale de Chypre, et un peu plus tard au roi de Chypre lui-même (1393). Celui-ci n'eut pas de successeur pour son double royaume. Le reste de l'Arménie indépendante fut absorbé par les Mameluks maîtres de la Syrie, tandis que Chypre continua à végéter jusqu'à ce que. Saint Marc et sa république devinssent les héritiers de son dernier roi (1489). Les états latins fondés en Romanie. — Le royaume de Chypre forme un lien entre les états latins de Syrie et ceux qui surgirent en Romanie après la prise de Constantinople par les croisés. Ces derniers se divisent à leur tour en deux classes. Ce sont les principautés franques de la Grèce continentale, et les pays, principalement insulaires, qui formèrent le lot des républiques maritimes de l'Occident et de leurs citoyens. Parmi ces républiques, la première place appartient à celle de Venise, qui avait maintenant complètement abandonné toute trace de fidélité à l'empire.
1 Voir page 588. , ..s,
�LES ÉTATS FONDÉS PAR LES CROISÉS.
411
Gênes, qui n'eut aucune part dans le partage projeté de l'empire, obtint plusieurs points du territoire impérial, à la fois pour la république elle-même et pour quelques-uns de ses citoyens. Mais le rôle joué par Gênes en Orient est bien petit en présence de la grande et durable domination de Venise. Le plus grand résultat du partage de l'empire fut le champ qu'il laissa à l'accroissement de la puissance vénitienne. La position des deux républiques était bien différente. Gênes était un simple étranger en Orient; Venise, sous un certain rapport, était chez elle Jadis possession éloignée de l'empire, sa véritable grandeur historique est due à la part qu'elle eut au renversement de ce même empire.
��CHAPITRE IV
DOMINATION EN ORIENT DE VENISE, DE GÊNES ET DES CHEVALIERS DE SAINT-JEAN1
Origine et caractères de la domination de Venise. — Nous avons vu quelle fut l'origine de l'état vénitien, et comment son autorité commença à s'étendre sur les côtes slaves de l'Adriatique. C'est là le début de la domination orientale de Venise. Cependant Venise ne devint un grand état européen qu'après avoir passé des pays slaves, dont la connexion avec l'empire était nominale ou précaire, aux pays albanais et grecs qui faisaient partie des possessions immédiates de l'empire. La grandeur de Venise date de ce partage de l'empire qui fut la preuve la plus sûre qu'elle s'était complètement affranchie de toute fidélité à Ryzance. A ce point de vue, l'histoire de Venise peut être comparée avec l'histoire de Sicile, et fait contrasté avec elle. Dans l'un et l'autre cas, nous voyons une partie des possessions de la Rome orientale devenir un état séparé ; état qui passa pour ainsi dire de l'Europe orientale à l'Europe
1. Voir pour ce chapitre les cartes 59 à 50
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
occidentale, et qui, dans son nouveau caractère occidental, fît des conquêtes en Orient. Cependant, Venise et la Sicile se séparèrent de l'empire d'une façon différente, et leurs derniers rapports avec lui furent de même complètement différents. L'état sicilien dut son origine à des envahisseurs étrangers qui firent des conquêtes aux dépens de l'empire, tandis que Venise passa progressivement de la dépendance à l'indépendance. Aussi la Sicile devint-elle plus complètement que Venise une puissance occidentale. Les rois de tout le royaume sicilien, ou de ses diverses parties, essayèrent d'établir une domination orientale; mais c'étaient là des attaques venues du dehors, et qui n'étaient vraiment pas durablès. Venise au contraire, dont les princes étaient maîtres d'un quart et d'un huitième de l'empire de Romanie S prit en quelque sorte la place de l'empire. Si elle détruisit un boulevard de la chrétienté contre le Musulman, elle en éleva un autre. Aussi longtemps que Venise fut réellement un grand état, ses principaux intérêts étaient à l'est de l'Adriatique. La quatrième croisade fut en cela décisive pour elle; elle eut pour effet immédiat d'établir sa domination en Grèce, et de lui rendre celle qu'elle avait eue en Dalmatie. Possessions assignées à Venise par le traité de partage. — Le traité de partage donnait à Venise une vaste domination, à la fois insulaire et continentale, qui devait la rendre maîtresse de l'Adriatique et de la mer Ionienne. Elle devait avoir, non seulement les îles situées au large de la côte occidentale de l'empire, mais encore toute celte côte, depuis le nord de l'Albanie jusqu'à la pointe, méridionale du Péloponnèse. Elle devait également avoir quelques points dans la mer Egée, entre autres Orcos et Carystos, aux deux extrémités de l'Eubée: Enfin, un quartier de la capitale devait aussi lui appartenir, avec une partie de
1. Voyez Georges Akropolitès, 15, éd. de Bonn. Le duc (So\15 BBintasj était
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(Note de l'auteur.)
�DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
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la Thrace et quelques points en Asie, au nombre desquels il semblerait qu'on doive placer, si étrange que cela soit, le Lazique \ à l'est de l'Euxin. Mais les possessions de Venise en Orient eurent réellement un tout autre aspect. Une grande partie du territoire qui était assigné à la république ne lui appartint jamais; et d'autre part elle obtint d'immenses, possessions qui ne lui étaient pas destinées. Cependant le point principal, la domination de l'Adriatique, ne fut jamais perdu de vue par Venise, bien que quelques-unes de ses premières et de ses dernières conquêtes aient eu une autre base. Occupation par Venise de la Crète (1S061669); de Chypre (1489-1571); de Thessalonique (1436-1430). — Parmi les possessions de Venise, la plus grande et la plus durable de toutes, l'île de Crète, ne lui était pas assignée dans le traité de partage. Venise s'en empara dans les premiers temps de la conquête (1206), et elle la conserva pendant plus de quatre siècles et demi, jusqu'à la guerre de Candie (1645-1669), qui laissa l'île tout entière, sauf deux forteresses, aux Ottomans. Dans cet intervalle, la république de Saint-Marc-avait eu le temps d'acquérir et de perdre une autre grande île, également en dehors du plan de partage des conquérants latins de Constantinople. Vers la fin du quinzième siècle, la république succéda aux rois latins de Chypre (1489). Mais cette île ne resta pas même un siècle en sa possession ; comme la Crète et la Sicile, Chypre fut tout spécialement le théâtre de la lutte entre les Européens et les barbares, et, après que la chrétienté eut remporté la stérile victoire de Lépante (1571), elle resta définitivement acquise aux Ottomans. Une autre possession, qui se trouvait en dehors de la direction ordinaire de la domination vénitienne, fut la courte occupation de Thessalonique (1426-1450). Achetée à un des1. Si toutefois c'est bien ce que signifie le mot Laza ou Lacli inscrit dans le traité de partage. Voyez Muratori, III, 357. (Note de l'auteur.)
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
pote grec, elle fut prise quatre ans après par les Turcs. Si la république avait pu conserver Thessalonique, cela aurait compensé pour elle Andrinople et les autres territoires de Thrace qu'elle avait perdus presque tout de suite. Politique de Venise en Orient. — Mais le véritable champ des expéditions vénitiennes en Orient fut dès le principe l'Adriatique, ainsi que les côtes et les îles de la mer Égée qui s'en rapprochent. Elle resta un état à la fois dalmate et grec jusqu'à l'époque de sa chute, et lorsque celle-ci arriva, il n'y avait pas quatre-vingts ans qu'elle avait cessé d'être un état péloponnésien et égéen. La domination grecque de Venise était l'extension de sa domination en Dalmatie. La ville de Zara fut prise, chose significative, par une armée qui allait à la conquête de Gonstantinople (1202), et ce ne devait être ni la première ni la dernière fois. Alors qu'elle était déjà maîtresse de toute la partie nord de la côte orientale de l'Adriatique, ou qu'elle s'efforçait de le devenir, le partage de l'empire ouvrit à Venise l'espérance de devenir maîtresse de la partie méridionale de cette côte. Maîtresse de toute la côte, elle ne le fut jamais à aucun moment ; pendant qu'un point était acquis, un autre était perdu. Mais s'étendre dans tous ces pays fut un but fermement poursuivi pendant plus de sept cents ans, et la plus grande partie de la côte orientale de l'Adriatique a été à divers moments sous l'autorité des Vénitiens. Lia Croatie et la Dalmatie avant la quatrième croisade. — Raguse et Polizza. — L'histoire de la domination vénitienne sur la côte orientale de l'Adriatique ne peut être séparée de l'histoire des pays slaves avoisinants. Les villes de la côte dalmatienne eurent dès l'origine pour voisins la Servie et la Croatie, ces deux états pouvant être considérés comme ayant là Tsettina pour frontière commune. La Paganie, sur la Narenta, la Zachloumie, entre la Narenta et P.aguse, la Terbounie, représentée par la moderne Trébinje, le district côtier du Canalé, celui de Dioklée comprenant le Monténégro moderne, avec la côte correspondante '
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jusqu'au Drin, Scodra ou Scutari sur le lac du même nom, les ports de Spizza, Antivari, Dulcigno, étaient tous serbes à l'origine. Les villes dalmatiennes de la côte, Decatera ou Cattaro, Raousium ou Raguse, Tragourium ou Traû, Diadora (ladera ou Zara), formaient une bordure romaine à cette agglomération slave. Ce n'était même pas une bordure continue, car les Slaves arrivaient jusqu'à la mer en plus d'un point. La Paganie principalement, le pays des Narentans païens, séparait la Dalmatie romaine en deux parties bien tranchées ; elle comprenait môme la plupart des grandes îles, Curzola — jadis Corcyre Noire, — Meleda, Lésina — jadis Pliaros, — et d'autres encore. •A l'époque de la séparation des deux empires, la Croatie était l'état le plus puissant de cette région. Les guerres de Charlemagne laissèrent les villes du littoral à l'empire d'Orient, tandis que la Dalmatie intérieure et la Croatie passèrent sous l'autorité des Francs (806-810). Plus tard, la Croatie se rendit indépendante de l'empire d'Occident, et les villes du littoral furent en réalité perdues pour l'empire d'Orient; mais sous Basile le Macédonien, l'autorité impériale fut reconnue, au moins nominalement, par le prince croate et par les villes dalmatiennes (868-878). Plus d'un siècle après, eut lieu la première conquête vénitienne (995-997), qui fut considérée à Venise comme l'affranchissement des villes dalmatiennes du joug croate. L'état païen de la Narenta fut détruit, et le duc de Venise prit le titre de Duc de Dalmatie, sans que cela impliquât aucune séparation formelle de l'empire1. Celle-ci n'eut lieu, on peut le dire, qu'au milieu du siècle suivant; les villes passèrent alors de nouveau sous l'autorité croate (1052), et la prise du titre de Roi de Dalmatie par le prince croate Casimir
1. Voir les chroniques de Venise dans Pertz, VIII, 29, 32. Après la conquête ■vénitienne, le nom du duc fut placé après celui de l'empereur dans les cérémonies religieuses. Mais le lien qui rattachait à l'empire ces dépendances éloignées était bien léger, car nous voyons qu'après la soumission de la Croatie et de la Dalmatie à Basile le Macédonien, le tribut des villes fut assigné au prince croate. (Note de l'auteur.) 27
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
(1062) put passer pour l'affirmation d'une complète indépendance, Mais les deux royaumes de Croatie et de Dalmatie ne tardèrent pas à être absorbés par la domination croissante du Magyar, la Croatie d'abord (1091), puis la Dalmatie (1102). Il y eut ensuite une période où les villes dalmatiennes subirent de nombreuses fluctuations entre Venise et la Hongrie. La Croatie et la Dalmatie tout entières furent rendues à l'empire sous Manuel Gomnène (1171); mais dix ans plus tard les villes passèrent de nouveau à la Hongrie (1181). Ce fut leur séparation définitive de l'empire; et, à peu près à cette époque, Venise s'était complètement affranchie de la suzeraineté byzantine. A partir de cette époque, l'histoire de la Croatie rentre dans celle du royaume de Hongrie ; l'histoire de la Dalmatie dans celle de la longue lutte soutenue par Venise pour la domination de l'Adriatique. Pendant cinq cents ans, les puissances de la terre ferme se disputèrent les villes et les îles situées le long de la côte orientale de l'Adriatique ; c'est-à-dire, au nord, les rois de Bosnie et de Hongrie, et plus au sud, ces états innombrables qui se succédèrent dans l'Albanie et la Grèce septentrionale, et qui finirent tous par céder la place aux Ottomans. Beaucoup de ces villes purent, à la faveur des disputes qui divisaient leurs puissants voisins, s'ériger en républiques indépendantes, et se maintenir ainsi plus ou moins longtemps. Baguse, notamment, conserva son indépendance, laquelle ne fit place que bien plus tard à une sorte de dépendance purement extérieure à l'égard des Turcs. Quant à la république presque imperceptible de Polizza — le SanMarin slave — elle conserva son existence séparée jusque dans le siècle actuel. Premières conquêtes de Venise au nord-est de l'Adriatique (1202-121 G). — Histoire de Corfou (1210-1800). — La conquête de Zara par les croisés (1202) fut le commencement de cette longue
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lutte. La frontière varia constamment pendant tout le treizième siècle; au commencement du quatorzième, toute la côte nord-est était de nouveau vénitienne (1315). Dans cet intervalle, la république avait tenté des conquêtes plus au sud ; mais le despotat d'Épire l'empêcha pendant longtemps de s'établir sur les côtes ou dans les îles de la Grèce septentrionale.- Durazzo, point central entre les anciennes et nouvelles possessions vénitiennes, avait été pris ainsi que Corfou dans les premiers jours de la conquête (1206); mais dix ans après, cette double conquête fut perdue (1216). L'île célèbre de Corcyre ou Corfou a une histoire tout à fait spéciale. De toutes les parties de la Grèce, c'est celle qui en a été le plus souvent séparée. Sous Pyrrhus et sous Agathocle, elle dut obéir à un maître épirote ou sicilien, et elle eut plus tard le même sort sous Michel l'Ange et sous Roger. Elle fut l'une des premières parties de la Grèce à passer d'une façon permanente sous la dépendance de Rome; elle eut à subir une seconde domination sicilienne1; elle passa ensuite pour quatre cents ans à la grande république vénitienne (1586-1797). De nos jours, Corfou n'a été réunie à la Grèce libre que longtemps après la délivrance de l'Attique et du Péloponnèse. Cependant, malgré cette longue série de dominations étrangères, Corfou n'a jamais cessé d'appartenir à l'Europe et à la chrétienté ; seule de tous les pays grecs, elle n'a jamais subi le joug des barbares. Le Turc y parut en 1716, mais seulement en envahisseur; il en devint plus tard le souverain nominal (1800), mais tout aussi temporairement. Conquêtes de "Venise en Grèce (12G6-1390). Perte de l'Eubée et des îles Égéennes (147©1718). —La seconde occupation vénitienne de Corfou fut suivie de progrès considérables dans les îles voisines. Mais, pendant les cent quatre-vingts ans qui la précédèrent, l'action de Venise s'exerça principalement au nord et au sud de cette
1 Voir page 405.
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
région. Les acquisitions de la république en Grèce, pendant cette période, eurent lieu dans le Péloponnèse et dans les îles de la mer Égée. Sur la terre ferme nous la voyons, au commencement de l'invasion des Latins en Orient, s'assurer la possession de la péninsule sud-ouest du Péloponnèse ; elle acquit ainsi les villes de Methônê et Kôrônê (1206), — Modon et Coron, — et elle les conserva pendant près de trois cents ans. Parmi les îles de la mer Égée, Venise commença de très bonne heure à acquérir de l'influence dans la plus grande de toutes, l'île d'Eubée, souvent désignée sous le nom particulièrement barbare de Négrepont1. L'histoire de cette île, ses fluctuations incessantes entre ses princes latins et les états de toutes sortes qui l'avoisinaient, forment la partie la plus confuse de l'histoire déjà si embrouillée de la Grèce à cette époque. Venise s'immisça complètement dans ses affaires, et elle finit par en obtenir l'entière possession en 1590, c'est-à-dire seulement après la seconde occupation de Corfou. Quatre-vingts ans plus tard (1470), les Turcs s'en emparèrent. Plusieurs autres îles furent occupées par la République à différentes époques ; parmi ces îles, Tenos et Mycône ne furent définitivement perdues qu'au dix-huitième siècle (1718), et la domination de Venise ne dépassa plus dès lors les mers occidentales. Fluctuations de "Venise en Dalmatie (1206» 1455). — Entre la première et la seconde occupation de Corfou, la domination de Venise avait été rétablie en Dalmatie, et de nouveau détruite. La paix de Zara (1558), conclue avec Louis le Grand, roi de Hongrie, chassa complètement Venise du littoral dalmatien, et le duc de Venise fut forcé d'abandonner son titre de duc de Dalmatie. Quelques années après, Venise regagna du terrain ; ses possessions en Dalmatie, en Albanie
1. Le nom de Negroponte — corruption étrange i'Evripos — était strictement celui d'une des baronnies latines de l'Eubée; c'est complètement à tort qu'il a été appliqué à l'île tout entière, de même que Candie a souvent servi i désigner la Crète. (Note de l'auteur.)
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' et en Grèce commencèrent à se rapprocher, et à former un ensemble qui ne fut jamais cependant entièrement continu. Dans un espace d'environ quatre-vingts ans, pendant lesquels il y eut de nombreuses fluctuations du côté de la Hongrie, de la Bosnie et de Gênes, — nouveau rival amené par la guerre de Chioggia, — Venise devint de nouveau maîtresse de la plus grande partie de la Dalmatie (1578-1455). Quelques districts dalmatiens restèrent cependant au duché de Saint-Sava, et la Hongrie garda une partie de la région intérieure, ainsi que la forteresse de Glissa. Conquêtes en Albanie et en Grèce (13921449). —Le point où la côte de l'Adriatique tourne presque au sud peut être pris pour la limite de la domination durable et à peu près continue de la république. Mais cette domination s'étendit bien plus au sud ; la seconde occupation de Corfou fut suivie de l'acquisition de Durazzo, d'Alessio, de Scodra ou Scutari en Albanie (1592-1401); Butrinto et la ville à jamais mémorable de Parga se placèrent sous la protection de Venise (1407), etLépante fut cédée par un prince d'Achaïe. Dans le Péloponnèse, Venise possédait toujours les villes messéniennes, Modon et Coron ; elle y ajouta Argos (1588), ainsi que son port de Nauplie, appelé par les Italiens Napoli di Romania. Patras fut occupée pendant quelques années (1408 à 1415). Monembasie fut prise en 1419, et quatre ans plus tard l'île d'Égine, qui pourrait presque être considérée comme partie du Péloponnèse. De l'autre côté de la Grèce, la possession de Corfou amena l'acquisition des îles appelées îles Ioniennes. Le prince de Ce'phalonie, de Zacynthe ou Zante, et de Leucade ou Sainte-Maure trouva de son intérêt, en face de la marche envahissante des Ottomans, de se placer sous la suzeraineté de Saint-Marc1 (1449). Guerres de "Venise avec les Turcs (14631. Voir page ioô.
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENr.
ITIS). — Le milieu du quinzième siècle est une époque considérable dans l'histoire de Venise et de l'Europe. La ville byzantine des lagunes remplace dès lors la nouvelle Rome dans la lutte contre les Turcs. La courte occupation de Thessalonique (1426-1450) peut passer pour le commencement de cette lutte. Plus tard, au quinzième siècle, Venise et les Turcs se rencontrèrent sur tous les points. Ceux-ci commencèrent à s'emparer d'Argos dans le Péloponnèse (1463) ; au nord, ils occupèrent successivement les districts hongrois et bosniens de la Dalmatie. Pendant tout le seizième et le dix-septième siècle (1505-1699), les districts intérieurs et les petites villes furent perdus plus d'une fois pour la République, tandis que les principales villes de la côte, Zara, Sebenico et Spalato lui restèrent toujours; mais au sud de la Dalmatie, la puissance de Venise recula partout, si ce n'est dans les îles occidentales. Venise réussit à occuper momentanément Croïa, la ville de Scanderberg (1474-1478); mais Mahomet le Conquérant s'en empara ainsi que de Scodra, et le traité qui termina cette guerre ne laissa à Venise, sur les côtes de l'Albanie et de la Grèce septentrionale, que Durazzo, Antivari et Butrinto (1479). Le traité qui termina la guerre suivante lui enleva Durazzo, Butrinto et Lépanle (1500). Venise, qui exerçait déjà une certaine suprématie sur les îles occidentales, en obtint la possession immédiate après une série de révolutions (1481-1485); mais les Turcs vinrent lui disputer cette possession. Par le traité de 1485, Zante fut laissée à Venise sous condition d'un tribut à payer au sultan; Ce'phalonie passa aux Turcs, mais dix-sept ans après, Venise s'en empara de nouveau (1502), et la garda alors d'une façon permanente. Leucade fut, à la même époque, momentanément conquise, puis reperdue (1502-1504). Dans le Péloponnèse, Modon et Coron furent perdues en même temps que Durazzo et Le'pante (1502), et la grande guerre navale avec Soliman II coûta à la république ses
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dernières possessions péloponnésiennes, Nauplie et Monembasie (1540), ainsi que toutes ses îles égéennes, excepté Ténos et Mycône. La domination strictement grecque de Venise fut alors, pendant cent quarante ans, à peu près réduite aux îles ; après la perte de Chypre et de la Crète, elle ne comprenait guère plus que les îles occidentales. Mais il y eut au dix-sep,tième siècle un réveil de la puissance vénitienne, semblable à celui qui eut lieu antérieurement pour l'empire. Les grandes victoires de François Morosini, confirmées par la paix de Carlowitz (1699), affranchirent tout le Péloponnèse de la domination turque, et l'ajoutèrent à la domination de Saint-Marc (1685-1699). Le même traité confirma Venise dans la possession de la plus grande partie de la Dalmatie. La guerre suivante coûta à Venise tout le Péloponnèse, ses deux forteresses en Crète, et les deux îles qui lui restaient dans la mer Égée (1705-1718); de sorte que sa domination ne s'étendit pas plus loin que les côtes occidentales de la Grèce, où elle avait repris possession de Leucade et de Butrinto, et acquis en outre Prevesa. Frontières de Venise et de Ragnse au dixhuitième siècle—Les possessions vénitiennes en Grèce, pendant le siècle dernier, se composaient donc des sept îlesf appelées îles Ioniennes, et de Butrinto, Prevesa et Parga sur la terre ferme. Les possessions dalmatiennes de la République, pendant la même période, comprenaient un territoire intérieur considérable dans la région du nord-est et tout le littoral de la Dalmatie jusqu'à Budua, en exceptant ce qui appartenait à Raguse. La république indépendante de Baguse était si jalouse de sa puissante voisine qu'elle préférait avoir le Turc pour voisin. Sur deux points du littoral, à Elek, situé au fond du golfe formé par la longue péninsule de Sabbioncello, et à Sutorina sur le Bocche, le territoire ottoman arrivait jusqu'à la mer, de manière à isoler le territoire de Baguse des dossessions vénitiennes situées de chaque côté. Telle était
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
la frontière des deux républiques de l'Adriatique jusqu'à l'époque où Venise d'abord, et Raguse ensuite, disparurent. Le duché de JVaxos et les Cyclades sous les princes vénitiens (12©'*'-161,7).— En dehors des possessions directes de là république de Venise, il y avait d'autres pays, ayant fait anciennement partie de l'empire d'Orient, qui furent occupés par des seigneurs vénitiens, comme vassaux de cette république ou de l'empire de Romanie. Il serait sans fin de retracer les révolutions de chaque île égéenne; mais nous devons mentionner l'une d'entre elles qui devint, sous une dynastie vénitienne, le siège d'un état latin dont la durée dans le monde grec fut seulement inférieure à celle de la république de Venise. Nous voulons parler du duché diversement appelé duché de Naxos, de Dodekannesos, ou d'Archipelago ; le dernier de ces noms était le nom barbare de la mer Égée ou mer Blanche1. Fondé dans les premières années de l'invasion latine par le Vénitien Marco Sanudo (1207), le duché insulaire se maintint comme état latin, généralement vassal ou tributaire de quelque état plus puissant, jusqu'à la dernière moitié du seizième siècle (1566). Il reconnut alors la suzeraineté de l'Ottoman, par qui il fut donné, dépouillé de la plupart de ses îles, à un duc juif; treize ans après, il passa sous la domination immédiate du Sultan (1579). La plupart des Cyclades faisaient partie de ce duché, ou bien étaient des fiefs possédés par d'autres familles vénitiennes. Toutes finirent par passer aux mains des Turcs, sauf quelques-unes des plus petites, qui restèrent simplement tributaires, et qui ne furent complètement annexées à leur empire qu'au dix-septième siècle (1617).
1. Ampïi SW.acia, pour la distinguer de l'Euxin, la n».0fi OaAowdju. (Note de auteur.)
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I
DOMINATION DE GÊNES EN ORIENT
Possessions de Gênes et des familles génoises (1304-1566). — L'année qui vit le duché de Naxos passer dé mains latines à des mains juives vit également disparaître la plus célèbre des colonies génoises dans les pays grecs. Comme les possessions de Venise, celles-ci se divisaient en deux classes ; l'une comprenant tout ce qui appartenait à la république proprement dite, l'autre tout ce qui appartenait à des citoyens génois. Gênes ne prit aucune part à la quatrième croisade ; elle resta donc en dehors du partage de l'empire, mais après la restauration de l'empire byzantin, sa colonie de Galata (1304) lui donna presque un quartier de la capitale. Néanmoins, le véritable centre de la domination génoise en Orient fut le Pont-Euxin, et non la mer Egée. Sur la côte méridionale de cette mer, la république occupa Amastris et Amisos (1461), et elle eut sa grande colonie de Kaffa dans la Chersonèse Taurique. La domination de Gênes sur l'Euxin prit fin pendant la dernière moitié du quinzième siècle (1475) ; mais elle survécut à l'empire de Constantinople et à celui de Trébizonde. La mer Égée garda plus longtemps des traces de la domination des citoyens génois que le Pont-Euxin n'en garda de celle de la république. Au quatorzième siècle, les Gattilusio reçurent Lesbos comme fief impérial (1354), et ils la gardèrent jusqu'en 1462, c'est-à-dire après la chute de Constantinople. Mais la colonie génoise la plus célèbre de la mer Égée fut celle de Chios. Possédée d'abord par des princes de la maison génoise de Zaccaria (1304-1546), l'île et quelques-
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DOMINATION DE VENISE EN ORIENT.
unes de ses voisines passèrent entre les mains d'une comgnie commerciale génoise, la Maona (1546-1566), dont l'organisation rappelle assez la compagnie anglaise desIndesOrientales. Samos, Cos, et la ville de Phocée sur le continent, tombèrent à différentes époques au pouvoir de la Maona, et Chios ne subit le joug des Ottomans qu'en 1566, la même année que le duché de Naxos. Les chevaliers de Saint-Jean à Rhodes et :< Malte (1310-1814). .— Il nous reste à parler d'une domination encore plus insulaire et fondée, non par une république, mais par un ordre célèbre. Au treizième siècle, dans l'espace de quelques années, l'île de Rhodes passa par toutes les révolutions possibles. Bans le premier moment de la conquête latine, elle devint une principauté grecque indépendante, comme l'Épire et Trébizonde. Elle reconnut ensuite la suzeraineté des empereurs de Nicée (1253). Saisie par Gênes (1246), elle fit retour trois ans plus tard à l'empire, mais les chevaliers de Saint-Jean s'en emparèrent à leur tour en 1510. De Rhodes comme centre, l'ordre établit sa domination sur Cos et quelques autres îles (1315), et sur quelques points de la côte asiatique, spécialement Halicarnasse, dont ils firent une forteresse célèbre. Ils firent reculer Mahomet le Conquérant (1480) ; mais, quarante ans plus fard, ils durent se soumettre à Soliman le Législateur (1522). Banni de Rhodes, l'ordre reçut de Charles-Quint l'île de Malte (1550) comme fief de son royaume de Sicile. De cette île, perdue par l'empire d'Orient depuis sept cents ans, les chevaliers battirent (1566) ce même Soliman qui les avait chassés de Rhodes, et elle leur resta jusqu'à une époque où tout devint confusion. Malte fut alors occupée par la France, par l'Angleterre, puis, au moins nominalement, par son propre suzerain de Sicile, jusqu'au moment où ce fragment de l'empire de Léon et du royaume de Roger passa définitivement, lors de la pacification générale, sous l'autorité reconnue de l'Angleterre (1814).
�CHAPITRE V
ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE ET EMPIRE DE TRÉBIZONDE1
LE DUCHE D'ATHENES ET
LA
PRINCIPAUTE
D'ACHAIE
Comparaison entre ces deux principautés. — Les possessions grecques de Venise, de Gênes, et des chevaliers de Saint-Jean, se composaient principalement d'îles, et de points détachés sur la côte ; la conquête vénitienne du Péloponnèse fut la seule exception importante. C'est ce qui les distingue de plusieurs états, grecs et francs, qui s'élevèrent en Grèce sur la terre ferme. Nous avons déjà parlé, et nous aurons encore à reparler du despotat grec d'Épire, qui se changea un moment en un empire de Thessalonique. Parmi les états latins, deux acquirent une importance européenne. Ce furent le duché d'Athènes, dans la Grèce centrale, — dans YHellade, selon la nomenclature byzantine, — et la
1. Voir pour ce chapitre les cartes 42 à 48.
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ÉTAIS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
principauté à'Achaïe ou Morée dans le Péloponnèse. Ce dernier nom, dont l'origine est incertaine, est devenu, dans sa forme italienne, un nom moderne servant à désigner toute la péninsule1. Mais le nom de Môraia, Morée, semble devoir être réservé strictement au pays qui constituait le domaine propre de la principauté ainsi appelée, laquelle, à aucune époque, ne comprit la totalité du Péloponnèse. Ces deux états furent fondés dans les premiers jours de la conquête latine, et les Turcs ne les annexèrent définitivement à leur empire qu'après la chute de Constantinople. Mais, tandis que le duché d'Athènes subsista comme principauté latine jusqu'à son annexion par Mahomet le Conquérant, les pays formant l'autre principauté achéenne avaient déjà, avant de devenir turcs, repassé aux mains des Grecs. Histoire du duché d'Athènes (1S05-1460). — La seigneurie d'Athènes, fondée par Othon de la Roche (12041205), fut d'abord un fief du royaume de Thessalonique, et ensuite de l'empire de Romanie. Mais ce fut saint Louis, roi de France, qui permit que le titre de grand sire2 fût échangé pour celui de duc (1260). En 15H, le duché tomba aux mains de la grande compagnie catalane, qui occupait déjà le pays de Néopatra en Thessalie, et qui transféra le titre nominal de duc d'Athènes, et de Néopatra aux princes de la branche sicilienne de la maison d'Aragon; les deux prétendants à la couronne de Sicile se trouvèrent ainsi face à face également en Grèce. Le duché d'Athènes passa ensuite à la maison florentine d'Acciauoli, qui occupait déjà Corinthe, Mégare, Sicyone et la plus grande partie de l'Argolide5. Mais la domination péloponnésienne de cette famille passa aux maîtres byzan1. Fallmorayer attribue à ce nom une origine slave ; Hopf et Hertzberg font de Mmçaia une transposition de PS!|«QK. Aucune de ces explications n'est satisfaisante. (A'ote de l'auteur.) 2. Grand sire, Megaskyr, — niY«; xûfioç. — Voyez Nicéphore Grégoras, VII, o, vol. I, p. 259. (Note de l'auteur.) 5. Voir page 450.
�ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
4'20
tins de la péninsule1, et Néopatra tomba aux mains des Turcs (1590). Le duché d'Athènes proprement dit, comprenant VAttique et la Béotie, continua à se maintenir, vassal tour à tour du roi angevin de Naples, du despote grec du Péloponnèse, et du sultan ottoman. Annexée finalement à l'empire ottoman (1456-1460), Athènes est restée en esclavage jusqu'à nos jours, si ce n'est pendant deux occupations temporaires de Venise, l'une peu de temps après la première conquête (1466), l'autre pendant la grande expédition de Morosini (1687). Il nous faut également mentionner les petites principautés de Salona et Bodonitza, qui jouent un certain rôle dans l'histoire du duché d'Athènes. Formation de la principauté d'Achaïe(13©51337). — Cette principauté fut le principal état latin du Péloponnèse. Ses changements de dynastie et ses rapports féodaux sont innombrables ; géographiquement, son histoire est plus simple. La péninsule péloponnésienne commençait déjà à se détacher de l'empire à l'époque de la conquête latine, et le roi de Thessalonique, Boniface, fut forcé de la conquérir sur son seigneur grec Léon Sgure (1205). Les princes de la maison de Champlitte et Villehardouin devinrent ses vassaux comme premiers princes d'Achaïe; ils eurent à lutter avec les Vénitiens de Messénie, et avec le despotat grec d'Epire qui occupait, depuis assez longtemps, Corinthe, Argos et Nauplie2. Ces villes furent conquises par les Latins (1210-1212), et devinrent entre les mains d'Othon, seigneur d'Athènes, un fief de l'Achaïe. La moitié du siècle n'était pas écoulée, que la possession de toute la péninsule était complétée, sauf toutefois ce qui appartenait à Venise, par la prise de Monembasie (1248). Aussi semblait-il, maintenant que la puissance latine déclinait à Constantinople, qu'un état latin plus fort s'était formé dans le Péloponnèse. Une multitude de pays grecs, Zante,
1. Voir pages 395 et 430, 2. Voir page 392. .
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ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
Naxos, YEabée, Athènes, YÉpire et Thessalonique reconnurent tous, à un moment ou à un autre, la suprématie de l'Achaïe. Les Latins d'Âchaïe et de Constantinople durent cependant s'incliner devant le réveil de la nationalité grecque. L'empire grec de Nicée reconquit les trois forteresses lacédémoniennes1 (1262), et fit ensuite de Calabryta, dans l'Arcadie septentrionale, un poste grec avancé (1265); après quoi sa marche en avant s'arrêta pendant quelque temps. Le siècle n'était pas terminé que la principauté franque avait perdu son indépendance. Elle devint vassale de la couronne angevine de Naples (1278), tantôt possédée directement par les rois napolitains, tantôt par des princes de leur famille, — quelques-uns d'entre eux empereurs nominaux de Romanie, — quelquefois aussi par des princes de Savoie, qui transportèrent le nom d'Achaïe dans l'Italie septentrionale2. Démembrement de la principauté d'Achaïe (133T-1460) Luttes des Turcs et de Venise dans le Péloponnèse (1460-1685). — Dans le cours du quatorzième siècle, la principauté fut démembrée (1337). Patras devint- une principauté ecclésiastique sous la suzeraineté du pontife de l'ancienne Rome. Argos, avec son port de Nauplie, devint une seigneurie à part (1356). L'une et l'autre passèrent ensuite, pendant un temps plus ou moins long, au pouvoir de Venise5. Corinthe et l'extrémité nord-est de la péninsule passèrent aux Acciauoli (1558-1370). Dans l'intervalle, la province byzantine de cette région prit de l'extension, et pendant quelque temps, sous- les despotes de la maison de Cantacuzène (1348-1555), elle pouvait presque passer pour un état grec indépendant. Malgré les incursions des Navarrais, les seconds envahisseurs espagnols de la Grèce (1381), et la première apparition des Ottomans (1387), la domination grecque gagna
1. Voir page 595. 2. Voir page 288. 5. Voir pages 421 et 122.
�ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
451
du terrain; et tout le Péloponnèse, sauf les villes appartenant à Venise, finit par en faire partie (1442). Le dernier Constantin apparut même comme un conquérant à Athènes et dans la Grèce centrale. Les invasions ottomanes devinrent ensuite plus fréquentes; il y eut démembrement, puis l'immigration albanaise, et enfin l'annexion à la Turquie (1458-1460). Mais les Turcs furent chassés deux fois du Péloponnèse avant de le posséder définitivement. La première révolte, fomentée par Venise, fut écrasée quelques années après la première conquête. Les ports vénitiens passèrent ensuite successivement au pouvoir des Turcs (1465-1540), et toute la péninsule finit par leur appartenir, excepté Maina, qui conserva une sorte d'indépendance assez étrange jusqu'en 1670, presque jusqu'à la dernière conquête vénitienne. Jamais les Ottomans n'ont possédé tout le Péloponnèse intégralement, et d'une façon ininterrompue, pendant l'espace d'un siècle entier
II
L'ÉPIRE ET LA THESSALIE JUSQU'A LA CONQUÊTE
OTTOMANE
Démembrement du despotat d'Épire (13091355). — Nous avons vu comment le despotat d'Epire se sépara de l'empire temporaire de Thessalonique1. Les despotes, ainsi que leurs voisins, trouvèrent souvent avantageux de reconnaître la suzeraineté de quelque autre état, Venise, Nicée, la Sicile, ou l'Achaïe. L'étendue de leurs possessions diminua considérablement par suite des progrès de l'empire restauré, et des cessions faites à Manfred de
1. Voir pige 392
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ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
Sicile1. L'état qui en résulta comprenait l'ancienne Épire, l'Acarnanie et l'Étolie, sauf quelques points sur la côte appartenant à d'autres états. Arta, l'ancienne Ambracie, fut, comme à l'époque de Pyrrhus, sa capitale. Une autre branche de cette famille princière régna dans la Grande Valachie ou Thessalie (1271-1318), avec Ne'opatra pour capitale. Les Catalans s'emparèrent de Ne'opatra en 1309. L'empire recouvra de son côté la plus grande partie de la Thessalie (1318), puis YÉpire (1339), et ces pays passèrent ensuite successivement au pouvoir de la Servie (1531-1555). Lorsque la Servie tomba, il y eut une époque de complète confusion et de révolutions à l'infini. Cette période cependant a un caractère bien marqué. C'est celle où la race albanaise sort pleinement de l'ombre; toute la région méridionale est envahie par des hommes de cette race, et les principautés albanaises arrivent au même niveau que celles des princes grecs ou latins. Les principautés albanaises et serbes après la mort d'Étienne Douchan (1355-14©!). — La plus importante des principautés albanaises qui se formèrent dans les limites du despotat fut celle de la maison de Thopia, au nord de l'Epire (1558-1592). Les princes de cette maison se donnaient à eux-mêmes le nom de rois d'Albanie. Ils enlevèrent en 1366 Durazzo aux Angevins, et ce duché passa ensuite à Venise (1401). Le sud de l'Épire, l'Acarnanie et l'Étolie passèrent à une dynastie serbe (1359) ; Etienne Ouroshy ajouta la Thessalie, et se donna le titre d'empereur des Serbes et des Grecs (1363). La partie occidentale de cette domination cessa ensuite d'en faire partie ; un despote serbe régna à Janina, et un despote albanais à Arta. La Thessalie continua d'être un royaume, comprenant la plus grande partie du pays auquel ce nom s'appliquait
1. Voir page 403.
�ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
1
453
anciennement , et ce fut le premier territoire hellénique qui tomba au pouvoir des Turcs (1593). Ne'opatra et Salona vinrent après (1596) ; et les Ottomans, parvenus ainsi jusqu'au golfe de Coriuthe, séparèrent les états de la Grèce occidentale restés indépendants d'avec l'Attique et le Péloponnèse. La maison italienne de Tocco en Épire (14051449). — En Épire, les despotes serbes et albanais durent se soumettre à des maisons italiennes. Le nord de l'Épire passa ainsi aux Buondelmonti de Florence. Au sud, se fonda une dynastie présentant plus d'intérêt, la maison de Tocco, originaire deBénévent, dont les princes conservèrent les derniers leur indépendance dans la Grèce occidentale. Tout d'abord, comme comtes palatins, ils eurent Céphalonie et Zante à titre de fiefs de l'empire latin (1557). L'acquisition de Leucade leur donna plus tard le titre ducal (1562). Ils commencèrent ensuite une série d'annexions sur le continent, dans le Péloponnèse d'abord, puis dans les contrées plus rapprochées de leur duché insulaire; ces dernières furent les plus durables. Le duc Charles de Leucade conquit graduellement toute l'Épire, sauf les points appartenant à Venise (1405-1418) ; lui, sa femme et ses héritiers, reçurent les noms de despote de Romanie, de roi d'Épire, et même d'impératrice des Romains*. Quoiqu'elle ne se soit pas maintenue sur le continent, cette dynastie n'en n'a pas moins dans l'histoire de la nation grecque une importance réelle, et facile à constater. Les progrès de la race albanaise furent arrêtés; ses éléments colonisateurs furent rejetés plus au nord et plus au sud, tandis que la domination bénéventine devint et resta complètement grecque. Peu de temps après la mort du duc
1. C'est-à-dire la Thessalie moins Néopalra, dépendant d'Athènes, moins Ptcleon, occupée par Venise, et Zeitouni, occupée par l'empire. (Note de l'auteur.) 2. Easilissa Romœorum, Pu[i»(uv futs'Ckmm.. Le mot « Romœi » est généralement employé pour désigner les Pw^aïoi d'Orient; pour l'Occident, la locution employée est « Romanorum Impcrator ». (Note de l'auteur.)
28
�434
ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
Charles, les Turcs s'emparèrent de Janina et de la plus grande partie de l'Épire (1430) ; mais son fils conserva Arta et le pays avoisinant, comme vassal de Venise, pendant dix-neuf ans. Les possessions du duc Charles devinrent alors la province turque de Carlili (1449). La maison de Tocco conserva ses possessions insulaires trente ans encore après. Conquises alors par les Turcs(1479), elles furent recouvrées un moment par ses propres ducs (1481-1483), pour être disputées ensuite entre les Turcs et les Vénitiens. Conquête de l'Albanie septentrionale par les Turcs (1431-146'?). — Pendant ce temps, les pays strictement albanais, situés au nord du cap acrocéraunien, furent subjugués par les Turcs, puis affranchis, et subjugués de nouveau. Au commencement du quinzième siècle, les Turcs conquirent toute l'Albanie, sauf les points appartenant à Venise (1431). Quelques années plus tard, le pays se révolta et lutta avec succès (1443-1450) sous les ordres de Georges Castriot de Croïa, le fameux Scanderberg. A la mort de Scanderbeg (1467), les Ottomans redevinrent les maîtres de sa principauté, moins la ville de Croïa, qui fut un instant possédée par Venise. La totalité du continent grec et albanais se trouva alors répartie entre les Turcs et les Vénitiens.
III
L'EWPIRE GREC DE TRÉBIZONDE
Son titre d'empire d'Orient. — Conquête de Trêbïzonde par les Turcs (1461). — Il nous reste enfin à parler de l'état grec qui survécut à tous les autres. Situé bien loin sur les frontières de l'ancien empire, l'empire
�ÉTATS DE LA GRÈCE CONTINENTALE.
435
de Trébizonde eut l'honneur d'être le dernier fragment de la puissance romaine en Orient. La domination du grand Comnène survécut à la chute de Constantinople ; elle subsistait encore après la conquête d'Athènes et du Péloponnèse. Nous avons vu comment cet état prit naissance et quels furent1 ses commencements. Lorsque sa partie occidentale eut passé aux empereurs de Nicée, et Sinope aux Turcs, l'empire de Trébizonde fut réduit à la possession de la côte sud-est de l'Euxin; il s'étendait en outre sur une partie de l'Ibérie, et conservait les possessions impériales de la Chersonèse Taurique. Quelquefois indépendant, quelquefois tributaire des Turcs et des Mongols, l'état de Trébizonde se maintint pendant près de quatre-vingts ans comme empire romain distinct et rival. Lorsque Constantinople fut revenue aux mains des Grecs, Jean Comnène de Trébizonde trouva bon de reconnaître Michel Paléologue comme empereur des Ro^ mains (1281), et se contenta pour lui-même du titre a d'empereur de tout l'Orient, d'Ibérie et de Pérate'e » ; ce dernier nom signifie la province d'outre-mer, dans la Chersonèse Taurique ou Crimée. Nous voyons ainsi que le titre « d'empereur d'Orient », que l'on trouve quelquefois commode de donner à l'empereur de Constantinople, appartient strictement à celui de Trébizonde. Le territoire du nouvel empire d'Orient passa par de nombreuses fluctuations, notamment du fait des Turcomans ses voisins. La Clialybie, le pays du fer, fut perdu ; la ligne des côtes fut coupée en deux; l'empire plia devant Timour. Mais la capitale et une grande partie de la côte restèrent au souverain grec et ne passèrent sous le joug ottoman que huit ans après la chute de Constantinople (1461). La dépendance éloignée de Pératée ou Gothie ne fut conquise que onze ans plus tard (1472). De même que la Chersonèse Taurique avait été le refuge de la dernière république grecque, elle fut aussi celui de la dernière principauté grecque.
1. Voir page 595.
��CHAPITRE VI
LES ÉTATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE
£ie partage de l'empire et les états slaves. — Les états grecs et francs, dont nous venons de parler, sortirent directement pour la plupart du partage de l'empire entre les Latins. Ce partage n'eut sur les états slaves qu'un effet indirect. En effet, la Servie et la Bulgarie avaient déjà commencé leur carrière d'indépendance ; et ce partage leur enleva seulement la crainte de voir leur existence de nouveau compromise, à cause de la quantité de petits états qu'il fit surgir à la place de l'empire. Toute trace de la puissance impériale disparut en Croatie et en Dalmatie. Le Magyar occupa les parties intérieures, et le littoral devint un sujet de disputes entre lui et Venise. Les principaux états slaves indépendants étaient la Servie et la Bulgarie. La Servie représentait l'élément slave sans mélange, tandis qu'en Bulgarie il était mêlé dans une certaine mesure d'éléments touraniens, ou tout au moins sous leur influence. Là racé qui était la plus pure fournit également l'histoire la plus longue et la plus brillante. Les Serbes résistèrent aux Turcs plus longtemps que les Bulgares ; ils furent les premiers à secouer le joug; il y en eut une partie qui ne le subit pour ainsi dire jamais.
�458
LES ÉTATS SLAYES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE.
1
L'ANCIEN ROYAUME DE SERVIE'
La Servie jusqu'au partage de l'empire. —
L'ancienne Servie s'étendait, comme nous l'avons vu, bien au delà des limites de la principauté actuelle, et elle avait un littoral sur l'Adriatique assez considérable, quoique inter rompu par les villes romaines. Les principaux d'entre les Joupans, ainsi que s'appelaient les princes de la plupart des tribus serbes, étaient : au nord, le Grand-Joupan de Desnica sur le Drin, et au sud, le Grand-Joupan de Dioclée. Cette seconde principauté fut le germe du royaume historique de Servie. Mais l'empire, jusqu'à sa chute, n'abandonna jamais ses droits sur la Servie, et il employa plus d'une fois la force pour les soutenir. A la vérité, la haine commune des Bulgares, qui avaient conquis momentanément la Servie (925954), forma entre la Servie et l'Empire un lien qui dura jusqu'à la complète incorporation de la Servie par Basile II (1018). ' Après s'être révoltée plus tard avec succès (1040), la Servie ne manqua pas de prétendants se disputant sa possession et la royauté; mais les droits impériaux subsistèrent, et Manuel Comnène les rétablit dans leur intégrité (1148). Finalement, la conquête latine délivra la Servie de tout danger pouvant venir de Constantinople, et elle devint un état indépendant sous les rois de la maison de Nemanja.
!La Servie sous la maison de Nemanja. — L'empire serbe d'Étienne Douchait (13461. Voir pour cette section et la suivante les cartes 57 à 47.
�LES ÉTATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE.
459
1355). — Ces rois eurent à lutter, au nord, contre des ennemis plus dangereux, les rois de Hongrie. Déjà avant la dernière conquête impériale, les Magyars avaient enlevé à la Servie toute sa partie occidentale, à partir du Drin. Ce pays, qui s'appelait Bosnie ou Rama, donna aux princes hongrois, sous le dernier de ces noms, un de leurs titres royaux (1286) ; il fut repris plus d'une fois par la Servie, mais il avait une tendance marquée à s'en séparer et à s'agrandir à ses dépens. En effet, dans la première moitié du quatorzième siècle, la Bosnie s'augmenta (1526) des territoires qui bordaient la côte dalmatienne, la Zachloumie et la Terbounie (Trébinje), qui ne furent jamais repris d'une façon permanente. Les pays serbes situés sur la Save, entre le Drin et la Morava, et comprenant la capitale moderne de Belgrade, passèrent également par des changements de frontière innombrables ; c'est ainsi qu'ils appartinrent un moment à la Bulgarie et un autre moment à la Hongrie. Ainsi dépouillée au nord et à l'ouest, la Servie fut poussée à s'étendre au sud et à l'est, aux dépens de la Bulgarie et des états qui avaient pris la place de l'empire sur la côte sud de l'Adriatique. Les progrès de la Servie dans cette double direction commencèrent vers la fin du treizième siècle, et elle finit par devenir l'état le plus important de la péninsule du sud-est. Elle acquit un nouveau littoral sur l'Adriatique, plus considérable que celui qu'elle possédait jadis, et s'étendant depuis les bouches de Cattaro jusqu'à Durazzo (1296). Cette dernière ville tomba même deux fois aux mains des Serbes (1519 et 1522); mais à l'apogée de la puissance serbe, elle était redevenue un poste avancé des Angevins sur le continent serbe. Ce fut sous le règne d'Etienne Douchan, qui s'agrandit aux dépens des Grecs et des Francs, aux dépens des Slaves ses anciens voisins et des états naissants d'Albanie, que la domination serbe eut sa plus grande étendue (1551-1555). La nouvelle capitale serbe fut Scopia (Scoupi ou Scopje), et le tsar Etienne prit le titre d'Empereur des Serbes et des
�440
LES ÉTATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE.
Grecs (1346). Le nouvel empire s'étendait sans interruption depuis le Danube jusqu'au golfe de Corinthe, comprenant la Bosnie reconquise, l'Étolie, la Thessalie, la Macédoine, et la Thrace jusqu'à Ckristopolis. Il ne restait plus qu'à donner une tête à ce grand corps, et à faire de la nouvelle Rome la capitale de la puissance serbe. Démembrement de l'empire serbe et fin de la Servie (1355-1459). Cet empire s'écroula à la mort du grand tsar serbe (1555) ; quelque temps auparavant, les Ottomans avaient déjà pris pied en Europe Historiquement, le résultat de cette grande domination fut de porter la division dans les pays slaves et grecs, et de ne laisser en face des barbares aucun état de l'une ou de l'autre race capable de leur résister.
—
Nous avons déjà vu que le titre d'empereur des Serbes et des Grecs se maintint pendant une génération dans la partie grecque de cet empire1. Plusieurs petites principautés surgirent en Macédoine et en Thrace, et Scodra devint le centre d'un état dont nous aurons à parler. Au nord, la Bosnie se sépara, et elle entraîna la Zachloumie avec elle. La Servie sortit elle-même du chaos sous la forme d'un royaume distinct, complètement séparé de la mer, s'étendant au sud jusqu'à Prisrend, et comprenant de nouveau les pays situés entre le Drin et la Morava. La Servie ainsi reconstituée, les Turcs s'emparèrent de Nish, et la forcèrent à payer tribut (1575). Le désastre de Cassovie (Kossovo) rendit la Servie complètement dépendante (1589) ; mais après la chute de Bajazet (.1402), elle recouvra sa liberté pendant une génération. Les Turcs s'emparèrent ensuite de la totalité du pays, sauf Belgrade (1458); quatre ans après, les exploits d'Huniade refirent delà Servie un royaume libre (1442) ; la bataille de Varna la rendit de nouveau tributaire (1444). Finalement, Mahomet le Conquérant incorpora toute la Servie, sauf Belgrade, à son empire (1459).
1. Voir page 452.
�LES ÉTATS SLAVES JUSQU'À LA CONQUETE OTTOMANE.
441
II
LE ROYAUME DE BOSNIE ET LE DUCHÉ D'HERZÉGOVINE (1376-1483!
Étendue de la Bosnie. — Séparation de l'Herzégovine (1440). — L'histoire de la Bosnie, comme état réellement distinct, ayant sa place en Europe, commence à la ruine de l'empire serbe. Le Ban Etienne Tvartko devint le premier roi de l'ancienne dynastie bosnienne, sous la suzeraineté nominale de la couronne do Hongrie (1576). De la sorte, au moment de l'apparition des Turcs, un royaume, latin par sa religion et par ses rapports extérieurs, occupait une place prépondérante parmi les états slaves du sud-est. Il sembla même un moment que le royaume de Bosnie allait prendre la place de la Servie. Toute la Bosnie et l'Herzégovine actuelles én faisaient partie ; et, à ce qu'il semble, toute la Dalmatie excepté Zara, ainsi que l'extrémité nord-ouest de la Servie, au delà du Drin, paraissent également avoir été en sa possession (1582). Mais, à Cassovie, la puissance bosnienne s'écroula comme celle de la Servie (1589). Dans la période de confusion qui suivit, Jayce, tout à fait au nord-ouest du royaume, forma un état lié à la fois à la Hongrie et à la Bosnie, tandis que les Turcs s'établirent dans la partie la plus méridionale. Les Turcs furent ensuite chassés pour quelque temps, mais le royaume fut démembré pour former un nouvel état latin. Le prince de l'ancienne Zachloumie, vassal de la Bosnie, alla porter son hommage au roi autrichien des Romains, et devint duc souverain de Saint-Sava, peut-être plutôt de Primorie (1440). Ainsi se forma l'état qui devint l'Herzégovine, et qui fut d'abord un chiche rappelant, par son nom à
�442
LES ETATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE.
moitié germanique, le lien qui unissait son prince à l'empire d'Occident. • Mais royaume et duché ne vécurent longtemps ni l'un ni l'autre. Dix ans après la séparation de l'Herzégovine, le Turc occupa la Bosnie occidentale (1449). Quatorze ans plus tard, il subjugua le royaume tout entier (1465). L'année suivante, le duché d'Herzégovine devint tributaire, et vingt ans après la conquête de la Bosnie, il fut incorporé à la province turque de ce nom (1485). Toutefois, dans la longue lutte de Venise avec les Turcs, différentes parties du territoire bosnien, spécialement celles qui étaient sur la côte, passèrent au pouvoir de la république.
III
LE MONTÉNÉGRO1
Les Balsa et les Tsernoiévitch (1355-1499). — Les Vladikas (1499-1851). — Après le démembrement de l'empire serbe, un petit état, ayant Scodra pour capitale, se forma dâns le district de Zenta, et il s'étendit au nord jusqu'à Gattaro. Sous les princes de la maison de Balsa, sa domination s'étendit un moment sur toute l'Albanie septentrionale; mais le nouvel état fut entamé de tous côtés par la Bosnie, par Venise et par les Turcs; Scodra ellemême fut vendue à Venise (1594). Au milieu du quinzième siècle, il prit une forme mieux définie, avec un territoire bien diminué toutefois, sous une nouvelle dynastie, celle de Tsernoiévitch (1456). Ce dernier fragment indépendant de l'empire serbe répondait au Monténégro ou Tsernagora moderne, avec une étendue plus grande
1. Voir pour cette section les cartes 45 à 52.
�LES ÉTATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUETE OTTOMANE.
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du côté de l'est, et une petite partie de littoral comprenant Antivari. Sa capitale, Jabliak, fut plus d'une fois prise par les Turcs; à la fin du quinzième siècle, devant l'impossibilité de défendre les districts situés plus bas, le prince et son peuple se retirèrent dans la montagne Noire, leur forteresse naturelle, et c'est là que fut fondée la nouvelle capitale, Celtique (1488). Le dernier prince de cette dynastie résigna son pouvoir entre les mains de l'évêque métropolitain, et le Monténégro resta un état indépendant sous ses vladikas ou prélats héréditaires (1499). C'est seulement de nos jours que le gouvernement de ces vladikas a été remplacé par celui de princes temporels (1851). Pendant toute cette période, le territoire du Monténégro embrassa simplement la partie de région montagneuse capable de maintenir son indépendance contre les attaques incessantes des Turcs. Le Monténégro participa à la grande lutte européenne du commencement de ce siècle comme allié de l'Angleterre et de la Russie, et il conquit pour sa part un port et une capitale à Cattaro (1815). Ce fut l'Autriche qui bénéficia finalement de cette acquisition. Le Monténégro moderne (1851-18*78). — Plus de quarante ans après, lorsqu'on traça pour la première fois une frontière bien définie, la diplomatie occidentale s'arrangea pour laisser aux Turcs un bras de mer de chaque côté de ce pays chrétien resté indépendant (1858). Tout récemment, les Monténégrins ont affranchi une grande partie de leurs frères de l'Herzégovine, et se sont emparés, à l'est, d'un territoire considérable faisant jadis partie du Monténégro, et qui s'étendait notamment le long de la mer jusqu'à Dulcigno (1876-1877). La diplomatie occidentale, en traçant la frontière, a empêché le Monténégro, pays slave, de s'augmenter d'une certaine quantité de districts également slaves, et lui a permis seulement une légère extension dans la partie de son ancien territoire qui est devenue albanaise. Des trois ports conquis par le Monténé-
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gro, celui de Dulcigno 1 a été rendu aux Turcs. On a laissé l'Autriche prendre Spizza, comme elle avait pris auparavant Raguse et Cattaro; le troisième port, celui à'Antivari, est seul resté aux Monténégrins, et cela avec des restrictions comme celles que sait imposer la force armée, quand le droit se trouve le plus faible.
IV
LE TROISIÈME ROYAUME DE BULGARIE1 (1187-1393)
Grandeur de ce royaume (118'Î'-1S46). — La branche serbe de la race slave n'a donc jamais été entièrement asservie, puisque le Monténégro a su maintenir ainsi son indépendance. Il en a été tout autrement de la Bulgarie. Nous avons vu quelle fut l'origine du troisième royaume bulgare, ou plutôt valacho-bulgare, et comment il s'affranchit de l'empire dans les dernières années du douzième siècle3. A partir de ce moment jusqu'à la conquête turque, on put toujours compter un ou plusieurs états bulgares ; et pendant tout le treizième siècle, le royaume de Bulgarie, malgré des frontières continuellement changeantes, fut un des principaux états de la péninsule du sud-est. L'ancienne Bulgarie, entre le Danube et l'Hémus, fut la première à secouer le joug de la domination byzantine, et la dernière à subir celui des Turcs. Le nouvel état bulgare grandit rapidement, et rappela pendant quelque temps (11971207) l'époque de Siméon et de Samuel. Sous Joannice, sa
1. Depuis que ces lignes ont été imprimées, Dulcigno a été rendu au Monténégro, en échange d'une petite étendue de territoire albanais qui a été laissée aux Turcs. La formation de la ligue albanaise arrivera probablement à modifier la géographie de l'Herzégovine; mais actuellement (janvier 1881), il ne s'est encore produit aucun changement susceptible de figurer sur la carte. (Note de l'auteur.) 2. Voir pour cette section les cartes 42 à 45. 3. Voir page 389.
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frontière avança très loin vers le nord-ouest, englobant des pays qui passèrent peu à peu à la Servie, et dans lesquels se trouvaient Scopia, Nish et même Belgrade. Sous le tsar Jean Àsan, la nouvelle Bulgarie, ou royaume de Tirnovo, atteignit sa plus grande étendue (1218-1241). l.a plus grande partie de la ïhrace, Philippopolis et toute la province de Rhodopê ou Achridos, Andrinople elle-même, la Macédoine jusqu'à Ochrida, la ville de Samuel, et jusqu'à Arhanon ou Elbassan, reconnurent toutes sa domination. Si son royaume n'arriva pas jusqu'à l'Adriatique ou à la mer Égée, il arriva bien près de l'une et de l'autre; mais au moins Thessalonique resta toujours à ses princes francs et grecs1. Démembrements et conquête de la Bulgarie (1346-1393). — Cette grande domination ne survécut pas à son fondateur, comme tant d'autres de cette nature. Les nouveaux états grecs, l'empire de Nicée et le despotat d'Épire, attaquèrent le royaume bulgare5, et la lutte se poursuivit (1246-1257) comme à une époque plus ancienne et à une autre plus récente. La Bulgarie restait intacte au nord de l'Hémus, tandis qu'au sud la frontière changeait continuellement. Philippopolis et les villes maritimes d'Anchialos et de Mesembria passèrent constamment des Bulgares aux Grecs, et réciproquement. Dans le dernier état de choses qui eut lieu avant la conquête ottomane, Philippopolis appartenait à la Bulgarie, et les villes.du littoral à l'empire (1344-1566). Au nord, le.; Bulgares essayèrent de s'emparer du Banat hongrois de Severin, qui forme la partie occidentale de la Valachie moderne; la conséquence de cette tentative fut une invasion hongroise, la perte temporaire de Widin*, et la prise
1. Il se disait roi de tous les pays grecs, albanais et serbes, depuis Andrinople jusqu'à Durazzo. Voyez Jirececk, Histoire des Bulgares, p. 551. (Note de l'auteur.) 2. George Akropolilès donne de toutes ces guerres un récit très instructif, quand ce ne serait qu'à cause de la très grande analogie qu'il présente avec des événements tout récents. (Noie de l'auteur.) ô. Voir page 452.
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LES ETATS SLAVES JUSQU'A LA CONQUÊTE OTTOMANE
du titre de roi de Bulgarie par le roi magyar (1260). Une nouvelle dynastie touranienne, celle-là d'origine cumanienne, régna ensuite en Bulgarie (1280), et bientôt après le royaume eut un souverain plus puissant dans la personne de NogaïKhan. Au quatorzième siècle, le royaume s'effondra (1557). Le despote Droboditiits (ce nom a plusieurs orthographes) forma sur le littoral un état indépendant, allant du Danube jusqu'à la frontière impériale, et séparant de la mer le roi de ïirnovo. Une partie de ce pays a conservé le souvenir de cet état; c'est celle qui porte le nom moderne de Dobrutcha. . Il y eut ensuite jusqu'à trois Bulgaries : l'état central de Tirnovo, l'état maritime de Droboditius, et au nord-ouest celui de Widin. A cette époque, les Ottomans avaient commencé leurs incursions; Philippopolis fut prise par eux (1562), et les princes bulgares furent assez aveugles pour demander l'aide des Turcs dans une seconde attaque sur Severin, laquelle n'aboutit qu'à une seconde perte temporaire de Widin (1565-1369). Les Turcs devinrent alors plus pressants, et Sofia fut prise (1582). La Bulgarie devint ensuite tributaire (1588), jusqu'au moment où elle fut complètement conquise (1595), sauf la partie septentrionale de l'état de Droboditius, qui passa à la Valachie. La Bulgarie disparut de la liste des états européens, à la fois plus tôt et plus complètement que la Servie. Celle-ci eut encore ses"alternatives de liberté et d'esclavage pendant soixante ans; une partie considérable de la Servie passa dans la suite à un gouvernement qui, quoique étranger, était au moins européen. Plus récemment, la Servie fut de toutes les nations esclaves la première i recouvrer sa liberté. Quant à la Bulgarie, elle est restée en esclavage depuis Bajazct, et elle n'a été délivrée que de nos jours.
�CHAPITRE VII
LA HONGRIE ET LES PRINCIPAUTÉS ROUMAINES1
i Situation particulière de la Hongrie. — Nous avons déjà dit quelle fut l'origine du royaume de Hongrie, et pour quelles raisons il trouve sa place parmi les états qui s'élevèrent sur les ruines de l'empire d'Orient. Les conquérants finnois des Slaves, fondateurs d'une nouvelle Hongrie sur le Danube et la Theiss tandis qu'ils laissaient derrière eux une vieille Hongrie sur la Kama, reçus en outre dans le sein de la chrétienté occidentale, ont des points de contact tout à la fois avec l'Asie, avec l'Europe orientale et l'Europe occidentale. Cependant, comme leur histoire est étroitement liée avec celle des nations de la péninsule du sud-est, comme ils partagèrent l'esclavage et la délivrance de la Servie, de la Grèce et de la Bulgarie, leur place dans ce livre doit être la même que s'ils appartenaient véritablement au monde du sud-est. La Grande-Moravie et les Magyars2 (884906). — Nous avons vu que le résultat principal de l'iuvasion magyare fut de séparer de la région slave qui
1. Voir pour ce chapitre les cartes 57 à 52. 2. Voir également pages 151 et 155.
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LA HONGRIE ET LES PRINCIPAUTÉS ROUMAINES.
s'étend entre les Carpathes et la Baltique ce monde du sud-est dont la suprématie, disputée entre le Grec et le Slave, finit par appartenir complètement à l'Ottoman. Au moment où cette invasion se produisit, le royaume de Grande-Moravie venait d'être fondé, et il devenait ainsi plus vraisemblable que jamais que les Slaves des deux régions pouvaient être réunis en un seul et unique état. Ce royaume, sous Sviatopluk, s'étendait au sud jusqu'à Sirmium, et touchait de ce côté aux pays dépendants de l'empire d'Orient; au nord, il comprenait la région chrobatienne qui devint dans la suite la petite Pologne (884-894). Un tel état aurait pu être dangereux pour l'un et l'autre empire; pour remédier à ce péril, les deux empereurs firent appel à d'autres envahisseurs, qui devinrent beaucoup plus dangereux que la Grande-Moravie n'aurait jamais pu être. Les Magyars, Ogres ou Hongrois, les Turcs comme les appelle l'empereur géographe1, furent appelés d'un côté par l'empereur Léon, pour contenir les Bulgares, et de l'autre en Occident, par Arnulf, pour contenir le nouvel état morave. Us pénétrèrent dans le pays que se disputaient les Moraves et les Bulgares, plutôt par le nord que par l'est. Les Moraves furent complètement vaincus (906), et après avoir pris leur place, les Magyars ne cessèrent d'envahir les deux empires et les pays qui en dépendaient. Du côté de l'ouest, les rois saxons d'Allemagne mirent un frein à leurs incursions; et à part quelques variations de frontières du côté de la marche autrichienne, la limite de la Hongrie et de l'Allemagne est demeurée singulièrement constante. Extension de la domination magyare sur les deux branches de la race croate. — En formant ainsi une barrière entre les deux principales régions occupées par la race slave, l'établissement des Magyars en
1. Sur l'origine de ce nom, voyez Roesler, Romdnische Studien, 159, 118, 260. est assez étrange de voir Constantin appeler Toupxoi les Magyars, qui étaient Finnois, en opposition avec les Petchénègues, qui étaient vraiment Turcs. Sa Toufzia et sa *fc<YY!a sont naturellement la Hongrie et la Germanie. De Adm. Imp. 13, 40, p. 81,173, éd. Bonn. .'Nota de l'auteur.}
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plaçait une toute spéciale, entre les deux divisions de la branche croate ou chrobatienne, l'une sur la Yistule, l'autre sur la Drave et la Save. Le royaume magyar conquit au onzième siècle (1025) la partie de la Chrobatie du nord1 qui descendait au sud des Carpathes, et il eut ainsi une frontière naturelle qui, malgré quelques modifications, contribua à le séparer des états slaves situés au nord. Au sud-est, une contrée inculte et boisée séparait le territoire magyar des pays situés entre les Carpathes et le bas Danube, pays qui étaient toujours occupés par les Petchénègues. La partie centrale du royaume moderne, celle qui est arrosée par la Theiss et le Danube moyen, représente donc le plus ancien établissement des Magyars. Ces envahisseurs touraniens y formèrent une race dominante et centrale, bordée de chaque côté par une zone de Slaves croates : au nord les Slovaques, au nord-est les Ruthènes, qui étaient de la même famille que les habitants du pays de llalicz ou Russie Rouge. Après avoir pris rang, au commencement du onzième siècle, parmi les royaumes de la chrétienté latine, la Hongrie s'étendit dans toutes les directions. Nous avons déjà vu les progrès qu'elle avait faits aux dépens de la Chrobatie du nord. Ceux qu'elle fit aux dépens de la branche méridionale de cette race furent encore plus marqués. Tous ces pays fournirent à différentes époques des titres royaux aux rois de Hongrie, qui devinrent ainsi rois de Croatie, de Dalmatie, de Rama, et même de Bulgarie2. Cependant, dans la plupart de ces pays la royauté hongroise ne fut guère que temporaire ou nominale; dans la Croatie seule, elle s'est maintenue constamment, bien que la frontière ait souvent changé. La Croatie n'a jamais formé un état indépendant depuis la première conquête hongroise (1091); elle n'a jamais été détachée de la Hongrie depuis 1181. A cette époque, on pouvait se demander si la Iloc1. Voir pages 496 et 497. 2. Voir pages 418, 439 et 445.
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grie elle-même n'avait pas un suzerain dans la personne de l'empereur d'Orient. Après la première grande révolte bulgare, cette question ne put jamais plus se poser. La frontière hongroise, cependant, fut constamment changeante du côté des pays vénitiens, serbes, et bulgares, qui avaient jadis appartenu à l'empire. Une partie de l'ancien royaume croate, celle qui s'étend entre la Drave et la Save, 'en fut détachée pour former d'abord un apanage, et ensuite un royaume annexe de Slavonie (1492) ; des pays situés sur la mer Baltique reçurent également ce nom, et peut-être aussi d'autres, situés sur la mer Egée. Conquête hongroise de la Transylvanie (IO©4). —Les Szeklers. Dès les premiers temps de sa conversion, nous voyons le royaume de Hongrie s'avancer aussi dans d'autres directions, notamment dans des pays qui n'avaient jamais fait partie de l'empire romain depuis Aurélien. Avant leur conquête de la Croatie, les Magyars passèrent la limite qui les séparait des Petchénègues, et s'emparèrent (1004) du pays auquel sa position a l'ait donner le nom de Transylvanie1. Des colons furent appelés à s'établir dans ce pays très peu peuplé. Parmi les établissements qui s'y formèrent, un des principaux était d'origine saxonne et flamande, et le bas-allemand y fut la
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langue parlée2. Un autre élément fut formé par les Szeklers ; ils appartenaient à la race touranienne, malgré leur nom latin de Siculi qui pourrait facilement amener une confusion. Enfin, une autre émigration ramena le nom et la langue de l'ancienne Rome dans le pays qui avait vu le premier disparaître sa domination. Migrations roumaines au nord du Daimbc. — Commencements de la Valachie et de la
1. La Transylvanie s'appelle aussi Siebenbilrgen, corruption du nom ae la forteresse de Cibin, lequel s'écrit de différentes façons. (Note de l'auteur.) 2. La Transylvanie fut de nouveau envahie par les Petehénègues et n'appartint véritablement à la Hongrie qu'à la fin du onzième siècle. (Note du traducteur.)
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Moldavie. — C'est en effet une pure légende que celle qui nous montre le nom de la langue de l'ancienne Rome se maintenant au nord du Danube. Il faut se ranger tout à fait à cette opinion que la Roumanie actuelle, ainsi que les pays roumains situés au delà de ses limites, doivent leur population et leur langue à une émigration de Roumains venus des pays situés plus au sud. La population roumaine ou valaque, disséminée sur bien des points au milieu des Grecs, des Slaves et des Albanais, depuis la chaîne du Pindë jusqu'au Danube, a bien gardé sa nationalité distincte, mais elle n'a jamais formé un tout politique. En émigrant au nord du Danube, les Roumains purent avec le temps fonder deux principautés distinctes, et former l'élément principal dans la population d'une troisième. Avant le treizième siècle, il est impossible de trouver trace de populations roumaines au nord du Danube. Ce sont les événements survenus en ce siècle qui ouvrirent la voie à une émigration au rebours de toutes les autres, à la colonisation de pays situés en dehors de l'empire par des peuples qui étaient les plus anciens sujets de l'empire. Nous avons vu que le troisième royaume bulgare, celui qui se forma à la fin du douzième siècle, était, à son origine, autant roumain que bulgare. A cette époque, la domination des Petchénègues, au delà du bas Danube, avait fait place à 2 celle des Cumans , qui appartenaient à la même famille. C'est alors que le flot de l'invasion mongole, qui renversa momentanément la Hongrie, vint briser pour toujours la puissance cumane (1223). Tout ce qui resta de cette nation, cumane se réfugia clans le royaume magyar, et donna même à son chef un autre titre encore, celui de roi de Cumanie. L'ancien pays des Cumans se trouva alors ouvert à de nouveaux occupants, et les habitants roumains ou valaques
li Le livre de Roesler, Românische Studieti a complètement éclairci ce pointj et je ne puis penser que ses arguments soient détruits par la réponse de Jung, Romcr und Romanen in don Bonaulândern. Inspruck, 1877. (Note de l'auteur.) 2; Voir page SOL
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de la nouvelle Bulgarie commencèrent à traverser le Danube pour s'y établir, ainsi que dans les contrées voisines. Dans le courant du treizième siècle, ils occupaient la Valachie actuelle, et formaient déjà un élément dans la population mêlée de la Transylvanie. Un état roumain se trouva ainsi en voie de formation ; il prit le nom sous lequel les Roumains étaient désignés par leurs voisins, celui de Vlachie ou Valachie, et il s'étendit sur les deux rives de l'Àluta. A l'ouest de cette rivière, la Pelite-Valachie fit partie intégrante du royaume de Hongrie sous le nom de Banat de Severin ; la Grande-Valachie, à l'est, forma une principauté séparée, dépendant ou non de la Hongrie, selon sa force. Nous avons vu qu'à la fin du quatorzième siècle, le pays situé au sud du bas Danube, et appelé Dobrulcha, passa de la Bulgarie à la Valachie. Une autre émigration roumaine, venant du pays de Marmaros, au nord de la Transylvanie, fonda la principauté moderne de Moldavie, entre les Carpathes et le Dniester (vers 1341). Cette principauté fut, à l'égard de la Hongrie, dans la même situation que la Grande-Valachie; et elle se reconnut quelquefois vassale de la Lithuanie et de la Pologne. Conquêtes et grandeur de la Hongrie (1185139©). La domination hongroise atteignit son apogée au quatorzième siècle sous le roi angevin Louis le Grand (1342-1382); mais avant celte époque, la frontière hongroise avait déjà subi différentes fluctuations. La Hongrie, qui avait déjà sur son territoire un noyau de population russe, augmenta beaucoup cette population par l'annexion (1185-1220) du pays de Haliez ou Galicie, qui faisait partie de la Russie rouge. Elle avait également, pendant un temps plus court,
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occupé la ville bulgare de Widin (1260-1264). La grande puissance de la Hongrie fut contemporaine de celle de la Servie, mais elle dura plus longtemps, et elle profita de sa ruine. Louis annexa la Dalmalie (1356), et il établit, à différentes époques, sa suprématie sur la Bosnie et sur les principautés roumaines. Devenu roi de Pologne
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après la mort de son oncle Casimir le Grand (1570), il annexa la Russie rouge à son royaume de Hongrie, sous le prétexte qu'elle avait autrefois appartenu à ce royaume. Son successeur, Sigismond de Luxembourg, abandonna définitivement la Russie rouge à la Pologne (1392); un peu plus tard, un territoire situé en deçà de la frontière hongroise, et faisant partie du comté de Zips ou Czepusz, fut donné (1412) en gage à la Pologne, qui continua à l'occuper jusqu'au dixhuitième siècle. Décadence et asservissement de la Hongrie (1390-1683) Fluctuations dans les principautés roumaines. — La Dalmatie cessa d'appartenir à la Hongrie après le règne de Louis le Grand, et la Hongrie ne fut plus que l'un des nombreux rivaux entre lesquels la frontière dalmatienne changea si souvent1. A la fin du quatorzième siècle, les Ottomans étaient déjà en Europe, et, par suite de sa position, le royaume magyar fut le dernier à être asservi, et le premier à être délivré. Les incursions des Turcs n'avaient encore fait, à cette époque, qu'effleurer la frontière véritablement hongroise. La première fois que les Turcs enyahirent la Hongrie et imposèrent tribut à la Valachie, ce fut la même année que Sigismond établit sa suprématie sur la Bosnie (1391). La bataille de Nicopolis assura la suprématie des Turcs en Valachie (1396), mais cette suprématie repassa à la Hongrie dans la grande expédition d'Huniade (1443), pour être de nouveau perdue à Varna (1444). Plus tard, au quinzième siècle, le fils d'Huniade, Mathias Corvin (1458-1490), ramena une époque de prospérité pour la Hongrie, époque dont le caractère le plus marqué fut l'extension à l'ouest de la domination magyare, sur la Bohême1 et ses dépendances (1477), et même sur l'archiduché d'Autriche (1485). Au sud-est, la Valachie et la Moldavie dépendirent de nouveau de la Hongrie (1467). Jayce fut repris aux Turcs
1. Voir pages 420 et 421 2. Voir page 515 et carte 58. ,
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qui étaient devenus maîtres de la Bosnie; Belgrade appartenait à la Hongrie, et la frontière ainsi indiquée ne changea pas jusqu'à l'époque des grandes conquêtes ottomanes. En laissant de côté les simples dévastations, les conquêtes ottomanes en Hongrie commencent à la prise de Belgrade (1521); cinq ans après, la bataille de Mohacz (1526) mit fin à l'histoire de la Hongrie comme état distinct. Cette victoire, à la suite de laquelle un archiduc d'Autriche et un palatin de Transylvanie se disputèrent la couronne de Hongrie, permit à Soliman de s'emparer de la plus grande partie du royaume, et notamment de celle qui était la plus complètement magyare. A partir du milieu du seizième siècle, jusqu'aux dernières années du dix-septième, les rois autrichiens de Hongrie conservèrent seulement un fragment de la Croatie, comprenant Zagrab ou Agram, ainsi qu'une bande de territoire hongrois, au nord-ouest, comprenant Presbourg. Toute la partie centrale du royaume passa sous la domination immédiate des Turcs, et un pacha fut gouverneur de Bude. En outre, trois principautés, qui avaient fait partie de l'empire de Louis le Grand, devinrent vassales des Turcs : la Transylvanie, avec une grande partie de la Hongrie du nord-est ; la Valachie ; et la Moldavie, qui commença à payer tribut à la fin du quinzième siècle (1497). Les pays roumains devinrent de plus en plus dépendants des Turcs, qui se réservèrent de nommer leurs princes ; on pourrait même considérer le royaume autrichien de Hongrie comme un quatrième état vassal, car il paya tribut aux Turcs jusqu'au dix-septième siècle (1606). Une lutte sans fin s'engagea entre ceux-ci et la Pologne pour la suprématie des provinces roumaines. Affranchissement de la Hongrie (1683). — Guerres avec les Turcs (îeSS-l'î'Ol). — La Hongrie et l'Autriche durent leur délivrance à la Pologne. Avec la défaite des Turcs devant Vienne (1685), commença la réaction de la chrétienté contre l'islam, laquelle s'est continuée jusqu'à nos jours. Les guerres qui suivirent sont analogues aux guerres de l'indépendance de la Servie et de
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la Grèce, en tant qu'elles aboutirent à l'expulsion des Turcs d'une terre chrétienne. Elles en diffèrent en ceci, que dans le second cas les Turcs furent expulsés au profit de la Grèce et de la Servie elles-mêmes, tandis qu'en Hongrie ce fut au profit du roi autrichien. La première partie de cette tâche fut accomplie dans la guerre qui se termina par la paix de Garlowitz (1699), laquelle enleva aux Turcs la Croatie et la Slavonie presque en totalité, toute la Hongrie proprement dite, sauf le pays de Temeswar, situé entre le Danube, la Theiss et la Maros. La Transylvanie devint également dépendante du royaume de Hongrie, auquel elle fut incorporée en 1715. La Valachie et la Moldavie restèrent sous la suprématie des infidèles. La guerre suivante, terminée par la paix de Passarowitz (1718), rétablit dans son intégrité le royaume de Hongrie, et les Turcs ne gardèrent plus qu'une très minime partie de la Croatie. Toute la Slavonie et le banat de Temeswar furent repris ; la frontière fut même portée au sud de la Save, et engloba ainsi une bande de territoire bosnien, une grande partie de la Servie, et la Petite-Valachie, ou ancien Banat de Severin. Ainsi furent délivrées Bude- dans la première guerre, et Belgrade dans la seconde. La guerre suivante, qui se termina par la paix de Belgrade (1759), changea considérablement ces résultats. La frontière recula pour rester marquée jusqu'à nos jours par le Danube et la Save, depuis l'embouchure de l'Unna jusqu'à Orsova. Belgrade, et tous les pays situés au sud de ces rivières, passèrent de nouveau aux Turcs, et la Petite-Valachie redevint dépendante de la Turquie. Vers la fin du siècle, Belgrade fut reprise de nouveau aux Turcs, puis reperdue (1789-1791). Formation dé la monarchie austro-hongroise (17l7i6-l§,78). —Les dernières acquisitions de la maison d'Autriche eurent le caractère d'acquisitions faites par des rois de Hongrie, mais elles n'augmentèrent pas pour cela l'étendue du royaume de Hongrie. Ainsi, le droit sur lequel l'Autriche s'appuya au premier et au troisième par-
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tage de la Pologne reposait uniquement sur les deux occupations hongroises de la Russie rouge. Mais, sous les formes altérées de Galicie et Lodomérie1, les pays russes de Halicz et Wladimir devinrent, avec une partie de la Pologne proprement dite, un nouveau royaume de la maison de Habsbourg. Entre les deux partages le nouveau royaume fut augmenté ( 177G-1786) de la Bukovine, qui formait l'extrémité nord-ouest de la Moldavie, sous le prétexte qu'elle faisait anciennement partie de la principauté de Transylvanie. De même, ce fut uniquement à cause de son caractère hongrois que la maison de Habsbourg put élever des prétentions sur la Dalmatie. Bien certainement aucun duc d'Autriche ne régna jamais sur la Dalmatie, sur la Russie rouge, ou les principautés roumaines. Cependant, dans l'organisation actuelle de la monarchie austro-hongroise, le triple-royaume, ainsi appelé, de Croatie, Dalmatie, et Slavonie, est partagé entre Pesth et Vienne. La Galicie appartient en outre à la partie autrichienne, et non à la partie hongroise de la monarchie; tout ceci peut-être pour s'harmoniser avec le caractère généralement anormal de cet état1. Le port de Spizza a été ajouté au royaume de Dalmatie (1878). A quel titre le roi de Hongrie et archiduc d'Autriche occupe-t-il la Bosnie et l'Herzégovine dont le traité de Berlin lui confère, non la souveraineté, mais l'administration? il serait assez difficile de le dire. Le roi de Hongrie pourrait y prétendre à cause de son ancien caractère de roi de Rama. Mais si l'on s'en tient à l'aspect formel de la transaction, il semblerait plutôt que, comme ses prédécesseurs au seizième siècle, il est devenu le vassal des Turcs. Après que la Petite-Valachie eut été rendue aux Turcs, et la Bukovine ajoutée à la Galicie, la géographie historique des principautés roumaines se sépare tout à fait de celle de la Hongrie, et trouvera plus avantageusement sa place dans un autre chapitre.
1. Voir pages 326 et 536, -
�CHAPITRE VIII
L'EMPIRE OTTOMAN1
I
L'EMPIRE OTTOMAN JUSQU'AU TRAITÉ DE BERLIN
Lies Ottomans considérés comme peuple mahométan. Les Turcs Ottomans furent les derniers ennemis de l'empire d'Orient ; ils furent en même temps les plus puissants et les plus terribles, car ils renversèrent cet empire et la plupart des états qui s'étaient formés à ses dépens. Ils se distinguent en outre de tous les autres peuples qui envahirent les possessions continentales de l'empire en Europe, en ce qu'ils étaient des envahisseurs mahométans. L'exemple de la Bulgarie et de la Hongrie nous montre que des envahisseurs touraniens n'étaient pas pour cela incapables d'entrer dans la communauté européenne. Cela ne pouvait pas être le cas d'un état mahométan, obligé par sa religion à tenir en esclavage ses sujets chrétiens.
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1. Voir pour ce chapitre les cartes 43 à 52.
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Les Ottomans ne pouvaient pas, comme les Bulgares, se perdre dans la masse de ceux qu'ils venaient de conquérir. Mais cette nécessité contribua dans une certaine mesure à laisser à ces nations sujettes leur existence nationale. Les Grecs, les Serbes, les Bulgares, sont restés tels sous la domination ottomane, et prêts à recommencer à nouveau - leur carrière nationale, lorsque l'heure de l'indépendance viendrait à sonner. La domination des Turcs dans l'Europe orientale répond, en tant que domination mahométane, à la domination des Sarrasins dans l'Europe occidentale. Mais, • en ne tenant pas compte du nombre des années, elle a été en toutes choses bien plus durable. La domination mahométane s'est en effet maintenue en Espagne deux cents ans de plus que n'a jamais duré dans l'Europe orientale toute autre domination mahométane. D'un autre côté, tandis que la domination des Sarrasins en Occident commença à reculer presque aussitôt qu'elle fut établie, et que, pendant ses deux derniers .siècles d'existence, elle ne fit guère que se survivre à elle-même, les Ottomans n'eurent à subir de pertes considérables de territoire que plus de quatre siècles et demi après leur première apparition en Asie, plus de trois siècles après leur passage en Europe. Les Ottomans ont déjà possédé Constantinople soixante ans de plus que Tolède n'a appartenu aux Sarrasins. Comparaison entre l'empire ottoman et l'empire d'Orient. —La domination des Ottomans, possesseurs de la Rome orientale, représente à peu près comme étendue celle de l'empire dont cette Rome était la capitale. A l'apogée de la puissance des sultans, la totalité de leurs possessions ou dépendances comprenait presque toute l'étendue de l'empire de Justinien, avec un territoire considérable en liurope et en Asie que Justinien n'avait point possédé. Au nord du Danube, en effet, Justinien ne possédait rien, tandis que Soliman, comme souverain ou comme suzerain, exerçait une vaste domination depuis Bude jusqu'à Azof. D'un autre côté, aucune partie des possessions de Justinien
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dans l'Europe occidentale ne passa jamais, sauf une seule ville, et encore temporairement, sous la domination ottomane. L'empire d'Orient, dans l'année 800, était plus petit que la domination des Turcs, même réduite comme elle l'est à présent. L'empire d'Orient à son apogée, au onzième siècle, avait une étendue en Europe bien plus petite que celle de l'empire ottoman au seizième siècle, bien plus considérable que celle de cet empire à l'heure actuelle. Mais le caractère essentiel de la géographie byzantine, c'est-àdire la possession de Constantinople et des pays situés de chaque côté du Bosphore et de l'Hellespont, donna au sultan des Ottomans la place de l'empereur d'Orient, et il la conserve toujours. L'histoire de l'empire d'Orient, comme celle des Ottomans qui s'y relie, se ressentit beaucoup des mouvements des Mongols dans l'extrême Orient. Attaqués par les Mongols, les Turcs Seldjoucides cessèrent d'être aussi forts, et l'empire de Nicôe put alors s'agrandir. Les invasions mongoles contribuèrent aussi indirectement à faire naître la puissance ottomane, et dans la suite elles lui portèrent le coup le plus terrible qu'elle ait jamais reçu. A l'origine, les Ottomans n'étaient qu'une tribu de Turcs, au service des sultans seldjoucides contre les Mongols. Ce fut dans cet état de. vassalité qu'ils commencèrent à devenir une puissance asiatique, et à dévaster les côtes de l'Europe. Ils passèrent ensuite en Europe (1554), et ils y firent de grandes conquêtes, bien plus rapides que ne l'avaient été leurs conquêtes en Asie. C'est là ce qui caractérise spécialement la domination ottomane. Elle est essentiellement asiatique, mais géographiquement elle est européenne, et c'est d'un centre européen que la plus grande partie de ses possessions en Europe et en Asie furent conquises. Formant déjà un état en Europe, mais pas encore en possession de la cité impériale, la nouvelle domination ottomane fut complètement mise en pièces par le second flot de l'invasion mongole (1402). Que la domination ainsi brisée se soit rassemblée de nouveau, c'est là un événement sans analogie dans l'histoire orientale.
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Une fois rétablie, la puissance des Ottomans s'étendit sur Constantinople; et de Gonstantinople, où elle représentait l'empire déchu, elle reconquit la domination qu'avait perdue cet empire. La continuation de l'empire ottoman après la prise de Gonstantinople n'est en aucune façon surprenante. Une fois installé sur le trône de la nouvelle Rome, l'Asiatique, tout en restant opiniâtrement asiatique, hérita aussi de sa part de l'éternité de Rome. Commencements de l'empire ottoman (13991<103). L'invasion des Mongols. — Les premiers établissements des Turcs Ottomans1 eurent lieu sur les bords du Sangarius, ce qui leur donna dès le commencement une position menaçante vers l'Europe. Vers la fin du treizième siècle, ils étaient fortement établis dans cette région (1299). Dans la première moitié du quatorzième, ils devinrent prépondérants dans l'Asie occidentale. Prousa, leur capitale asiatique, conquise dans les premiers temps de l'émir Othman (1526-1530), avait une position menaçante pour l'Europe. Nicée et Nicomédie furent conquises plus tard (1550-1558), et les Ottomans occupèrent alors géographiquement, par rapport à l'empire grec restauré, la même position que les princes nicéens avaient occupée par rapport à l'empire latin. Dans les derniers jours de l'émir Othman, ils passèrent en Europe (1554) ; quelques années après, Àndrinople était devenue la capitale européenne d'Amurat (1361), et Constantinople était complètement bloquée. Pendant la seconde moitié du quatorzième siècle, les Ottomans firent des progrès très rapides, et l'étendue réelle de ces progrès n'est en aucune façon représentée sur la carte. Nous avons vu que pour la Servie, la Grèce et la Hongrie, l'invasion turque passa d'une façon générale par trois phases différentes. La première ne comprend que des ravages; la
i. Après le renversement du dernier sultan turc seldjoucide d'Iconium (1291), les émirs qui relevaient du sultan formèrent des principautés turques indépendantes; le plus célèbre, Othman, a donné son nom aux Turcs Ottomans. (Note du traducteur.)
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seconde est la période tributaire; la dernière est celle de l'asservissement réel. Sous Bajazet, le premier prince ottoman qui porta le titre de sultan (1589-1402), la domination immédiate des Ottomans s'étendit en Europe depuis la mer Egée jusqu'au Danube. Elle comprenait toute la Bulgarie, toute la Macédoine, la Thessalie et la Thrace, sauf toutefois la Chalcidique et le territoire situé immédiatement autour de Constantinople. La Servie et la Valachie étaient des états dépendants, comme l'était à vrai dire l'empire d'Orient luimême. La Grèce centrale et méridionale, la Bosnie, la Hongrie et même la Styrie étaient des terres ouvertes au pillage. Cette grande domination fut mise en pièces par la victoire de Timour à Angora (1402). il sembla que l'empire ottoman avait, comme l'empire serbe, complètement disparu. La domination de Bajazet fut partagée entre ses fils et les princes des dynasties turques dépossédés. Les états chrétiens eurent un temps de repos, et les fils de Bajazet furent heureux de rendre à l'empire d'Orient quelques parties importantes des territoires qu'il avait perdus. Rétablissement de l'empire ottoman (1413). Conquêtes en Europe et en Afrique (143©16'*'©). —L'empire ottoman fut rétabli sous Mahomet Ier (1415); mais pendant presque un demi-siècle, ses progrès furent plus lents que dans le demi-siècle précédent. Les conquêtes de Mahomet Ier et d'Àmurat II furent faites principalement clans les pays grecs et albanais. Les Turcs arrivèrent alors à l'Adriatique, et la conquête de Thessalonkpie (1450) les assit plus fermement sur la mer Egée; du côté de la Servie et de la Hongrie, ils reculèrent pour avancer de nouveau, mais sans faire pour ainsi dire de conquêtes. Ce fut pendant les trente années du règne de Mahomet le Conquérant (1451-1481) que la domination ottomane conquit définitivement sa situation en Europe. Après avoir pris la nouvelle Rome (1455), la première et la plus grande de ses conquêtes, Mahomet acheva de soumettre les Grecs, Francs et Slaves encore indépendants. La conquête de la Grèce
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continentale (1458-1460), de l'Albanie (1467), et de la Bosnie (1485), la conquête définitive de la Servie (1459), le rendirent maître de toute la péninsule du sud-est, sauf seulement les points occupés par Venise, et les sommets inexpugnables do la Montagne Noire. Il commença la conquête des îles occidentales, et celle de l'Eubée (1470) fut le premier grand coup porté à la puissance de Venise. Autour du Pont-Euxin, il conquit l'empire de Tre'bizonde (1461) et les points appartenant à Gênes (1475). La grande masse des îles et les quelques points de la côte au pouvoir de Venise échappaient toujours à sa domination. Néanmoins, Mahomet le Conquérant détenait toutes les possessions européennes de Basile II, et sa domination en Asie était plus considérable que celle de Manuel Comnène. Du Danube jusqu'au Tanaïs, et au delà, il exerçait une suprématie très étendue sur des pays qui n'avaient pas obéi à l'empire romain depuis Aurôlien, et sur d'autres qui n'avaient jamais obéi à aucun empereur. L'empereur musulman de Constantinople parut même sur le point de reconquérir les possessions italiennes de ses prédécesseurs chrétiens. A la fin de son règne, en effet, Mahomet prit possession d'Otrante (1480), et sa domination s'étendit ainsi à l'ouest de l'Adriatique. On aurait pu croire que le petit nuage qui venait ainsi de se former sur Otrante grossirait aussi vite que celui qui, cent trente ans auparavant, s'était abattu sur Gallipoli. Mais Bajazet II ne fit pas de conquêtes en dehors des points qui furent enlevés à Venise. Selim Ier, le prince de sa dynastie qui fit le plus de conquêtes aiix dépens de ses coreligionnaires, n'eut pas le loisir, tandis qu'il conquérait la Syrie et VËgypte (1516-1517), de faire aucun progrès aux dépens des chrétiens. Mais sous Soliman II le Législateur (1520-1566), non seulement la suzeraineté, mais encore l'autorité immédiate de Constantinople, sous ses Sultans turcSj fut étendue en Europe sur d'immenses pays qui n'avaient jamais obéi à ses empereurs Chrétiens. Les maîtres musulmans de Conslan-
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tinople rétablirent également sa suprématie, au moins nominalement, sur ces rivages africains qui lui avaient été soustraits par les premiers Musulmans. La plus grande conquête de Soliman fut la Hongrie (1526) ; mais il fit également de la mer Egée une mer ottomane. Dans les premières années de son règne, les chevaliers de Saint-Jean furent chassés de Rhodes (1522), et ils perdirent leur forteresse d'Ha- ' licamasse, dernière possession qui soit restée aux Européens en Asie. Ses derniers jours virent la conquête du duché de Naxos (1579); dans l'intervalle, Venise avait perdu ses forteresses du Péloponnèse1. En Afrique, le Turc vit reconnaître sa suprématie par Alger (V619), et par Tunis. Mais Tunis, rendu à la chrétienté par le roi impérial des Deux-Siciles, Charles-Quint (1531), fut perdu et conquis de nouveau par elle (1555), jusqu'à ce qu'il fit retour à l'Islam sous le règne du second Sélim (1575). Tripoli, qui avait été donné aux chevaliers (1551), passa aux Ottomans sous le règne de Soliman II (1551). Chypre fut annexée sous Sélim II (1571) ; la bataille de Lépante ne put ni la sauver ni la délivrer, mais les progrès des Turcs furent arrêtés. Comparées avec celles des premières années, les conquêtes du dix-septième siècle sont peu importantes, et ce siècle n'était pas écoulé que le terminus ottoman avait déjà commencé à reculer. Cependant, ce fut dans la dernière moitié du dix-septième siècle que l'empire ottoman atteignit sa plus grande étendue géographique. C'est à cette époque que la Crète y fut rattachée (1641-1669); quelques aimées après, Kamienetz et toute la Podolie furent cédées aux Turcs par la Pologne (1672-1676). Ce ne furent pas absolument les dernières acquisitions des Turcs en Europe, mais ce fut leur dernière acquisition d'une grande province. La domination ottomane couvrit alors plus d'espace sur la carte qu'elle n'avait fait jusqu'alors. Soliman II, dans toute sa gloire,
1. Voir page 422;
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n'avait pas régné sur Chypre, la Crète et la Podolie. A partir de ce moment, les choses prirent une direction tout à fait opposée; les Ottomans eurent comme leurs prédécesseurs byzantins des périodes de renaissance et de conquêtes nouvelles ; mais dans son ensemble, la frontière de leur empire suivit une marche fermement rétrograde. Décadence de l'empire ottoman à partir de la fin du dix-septième siècle. — Le premier grand coup porté à l'intégrité et à l'indépendance de l'empire ottoman le fut dans la guerre qui se termina par la pais de Carlowitz (1685-1699). Nous avons déjà vu comment la Hongrie et le Péloponnèse retournèrent à la chrétienté; il en fut de même de la Podolie. Nous avons vu également de quelle manière, dans la période suivante, les Turcs avancèrent d'un côté et reculèrent de l'autre, regagnant le Péloponnèse, prenant Mycône et Tenos, mais perdant du terrain sur la Save et le Danube1. La période qui vient ensuite nous montre la frontière ottomane avançant de nouveau (1856), et nous avons vu que de nos jours elle a de nouveau reculé (1878). Le changement qui a donné la Bosnie et l'Herzégovine au maître de la Dalmatie, de Raguse et de Cattaro n'a pas seulement fait rétrograder la frontière turque ; il a aussi réparé une faute très ancienne. En effet, depuis les premiers établissements slaves, la région intérieure de l'Illyrie septentrionale a toujours été plus ou moins complètement séparée des villes de la côte, qui constituent ses débouchés naturels. Cette séparation n'existe plus, et quel que puisse être le sort de ces pays, on concevrait difficilement que la chose puisse se renouveler. Les mêmes arrangements qui ont donné F « administration » de la Bosnie et de l'Herzégovine au roi de Hongrie et de Dalmatie, ont donné une autre partie de la domination ottomane à un état européen bien plus éloigné, et dans des termes qu'il est encore plus difficile de s'expliquer. L'île
1 Voir pages 423 et 4bo.
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grecque de Chypre est placée maintenant sous l'autorité de l'Angleterre (1878), mais de telle façon, que la conquête de Richard de Poitou est possédée — non pas, il faut l'espérer, par la reine de la Grande-Bretagne et d'Irlande, mais peutêtre par l'impératrice des Indes, — comme état tributaire du sultan des Ottomans. Pendant la première moitié du dix-huitième siècle, les variations du territoire ottoman vers le nord furent toutes du côté de l'Autriche et de la Hongrie. Mais un nouvel ennemi des Turcs apparut vers la fin du dix-septième siècle ; et le dix-huitième n'était pas terminé qu'il s'était déjà posé vis-àvis d'eux comme le plus redoutable. Sous Pierre le Grand, Azof fut prise par la Russie (1696), puis reperdue par elle (1711). Soixante ans plus tard, de grands changements eurent lieu dans cette*région. Par le traité de Kainardji (1774), le klianât de Crimée (comprenant l'ancienne Chersonèse Taurique et les pays avoisinants) fut affranchi de la suprématie des sultans. C'était là un acheminement naturel vers son annexion à la Russie (1783), qui se fraya ainsi une nouvelle voie vers le Pont-Euxin. Le Rug devint alors la frontière ; après l'annexion d'Oczakof et du Jéclisan à la Russie (1791), cette frontière fut reportée jusqu'au Dniester. Par le traité de Rucharest (1812), la limite de la domination et de la suzeraineté des Turcs recula jusqu'au Pruth et au bas Danube. La Russie acquit ainsi la Bessarabie et la partie orientale de la Moldavie. Par le traité d'Andrinoplo (1829) elle acquit en outre les îles situées à l'embouchure du Danube. Le traité de Paris (1856) rendit à la Moldavie une petite partie des pays cédés par le traité de Bucharest, de manière à éloigner du Danube la frontière russe. Le traité de Berlin (1878) rendit ces pays à la Russie à l'exception des îles. L'empire turc n'a plus désormais à se ressentir des changements de frontière dans ces régions.
1. Voir page 4G9
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Il
LES ÉTAIS MODERNES ISSUS DE L'EMPIRE OTTOMAN
Il faut distinguer les pertes subies par les Ottomans au profit de leurs voisins indépendants, la Russie, le Monténégro, et l'Autriche ou Hongrie, d'avec celles qui aboutirent à la formation de nouveaux états européens ou à la renaissance de quelques-uns de ceux qui existaient auparavant. Nous avons vu que le royaume de Hongrie et les pays qui en dépendaient pourraient très bien être classés clans cette dernière catégorie, et nous avons vu aussi en quoi leur affranchissement diffère de celui de la Grèce, de la Servie et de la Bulgarie. Mais il est important de bien remarquer que le Turc dut être chassé de la Hongrie, non moins que de la Grèce, de la Servie et de la Bulgarie. Si le Turc a régné à Relgrade, à Athènes et à Tirnovo, il n'en n'a pas moins régné à Bude; au contraire, il n'a jamais régné à Cettigne1. L.es îles Ioniennes (179fï'-1815). La République septinsulaire. — De même que le peuple serbe fut le seul parmi les nations du sud-est dont une partie maintint d'une façon continue son indépendance, de même cette autre partie qui fut asservie fut la première parmi les nations sujettes à secouer le joug. Mais le premier essai se rapprochant d'un état libre, dans l'Europe du sud-est, s'appliqua à une branche de la nation grecque, celle qui peuplait les îles dites Ioniennes. Cependant la forme que prit cet essai
1. Cela est parfaitement exact. En effet, bien que les Turcs aient souvent pillé le Monténégro et même Cettigne, bien qu'ils aient déclaré son incorporation à un pachalick, le Monténégro n'a jamais été un état régulièrement et franchement tributaire comme l'ont été la Servie et la Roumanie, comme l'est encore la Bulgarie. (Note de l'auteur.)
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ne fut pas l'affaiblissement, mais l'accroissement de la domination turque. Par le traité de Campo-Formio (1797), ces îles, avec les quelques points de la terre ferme qui appartenaient à Venise, furent assignées à la France. Mais l'année suivante, le traité qui fut conclu avec la Russie attribua les points situés sur la terre ferme aux Turcs, tandis que les îles devaient former une république tributaire des Turcs, mais placée sous la protection de la Russie (1798). Ainsi, outre l'accroissement de la domination des Turcs sur le continent, leur suprématie s'étendit sur les îles occidentales, et de la sorte sur Corfou, la seule qui ne tomba jamais en leur pouvoir. Les autres points sur la terre ferme passèrent, non pas tant au sultan qu'à son vassal rebelle Ali de Janina; Parga cependant conserva sa liberté jusqu'en 1819, cinq ans encore après la pacification générale. Ce fut le dernier empiétement des Turcs sur la chrétienté, et ils occupèrent ainsi pendant un moment toute l'Albanie et la Grèce continentale. Quant aux îles, ballottées pendant toute cette période entre la France et l'Angleterre, elles furent réunies de nouveau à la fin des hostilités (1815) ; elles formèrent alors nominalement une république, mais qui fut placée de telle manière sous la protection de la Grande-Bretagne, qu'il est difficile de bien distinguer si celle-ci n'y exerçait pas une véritable souveraineté. Cependant un état grec, nominalement libre, fut ainsi reconstitué, et la possibilité de voir la liberté grecque exister sur une plus grande échelle fut reconnue une réalité.
Formation du royaume de Grèce (18311833). Ses agrandissements (1864-1878)
Les Turcs n'occupèrent que très peu de temps la totalité de l'Albanie et de la Grèce continentale. La guerre de l'indépendance grecque commença en 1821, deux ans après que Parga eut été livrée aux Turcs. La disposition géographique de la nation grecque diffère actuellement très peu de ce qu'elle était après la conquête latine de Constantinople, et même de ce qu'elle était depuis les derniers jours de l'an-
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cienne Hellade. A toutes ces époques, d'autres peuples ont occupé le continent solide de l'Europe du sud-est et de l'Asie occidentale, mais les Grecs ont toujours prévalu sur les côtes, les îles et les parties péninsulaires des deux continents, depuis Durazzo jusqu'à Trébizonde. Sur tous les points où les Grecs furent assez forts pour se révolter, ils se révoltèrent, mais ce fut seulement dans l'ancien continent hellénique, en Crète et dans quelques autres îles de la mer Egée qu'ils purent se maintenir. Quelquesuns de ces pays durent à la diplomatie occidentale de conserver leur liberté (1829-1833). Il se forma un royaume de Grèce comprenant le Péloponnèse, YEubée, les Cyclades, et une petite partie de la Grèce centrale, au sud d'une ligne allant du golfe d'Arta au golfe deYolo; on laissa aux Turcs, non seulement les pays et îles grecques plus éloignés, mais encore l'Épire, la Thessalie, et la Crète. Le royaume fut agrandi dans la suite des îles Ioniennes, et la république septinsulaire ne fit plus qu'un avec lui (1864). La Crète, qui s'était déjà révoltée deux fois, fut au traité de Berlin replacée sous le joug; mais certaines parties de la Thessalie et de l'Épire reçurent alors leur brevet d'affranchissement et de réunion au royaume de Grèce. Cependant, si petite que fût cette partie de la Grèce pour laquelle l'émancipation était prononcée, celle-ci en fait n'a pas encore eu lieu à l'heure actuelle (janvier 1881) La Servie de 18©5 à 1813 et de 1817 à 1878. — Entre le premier et le second établissement de la république ionienne, la Servie, délivrée une première fois, devint une principauté tributaire (1805), puis fut reconquise (1812). De nouveau délivrée (1817), elle dut, en vertu des conventions d'Akerman (1826), payer tribut et avoir des garnisons turques dans certaines villes ; sa liberté ainsi modifiée fut complètement reconnue par le traité d'Andrinople (1829).
1. La convention du 27 novembre 18S1 a fixé définitivement la frontière turco-grecque, qui a été reportée jusqu'à une ligne partant du golfe d'Arta et aboutissant au golfe de Salonique. (Note du traducteur.)
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Cinquante ans après le second établissement de la principauté, les garnisons turques se retirèrent (1867). Les derniers changements ont fait de la Servie, sous une dynastie indigène, un état indépendant, affranchi de tout tribut ou vasselage (1878). Les mêmes changements ont donné à la Servie une légère augmentation de territoire. Cependant, la frontière est tracée de manière à laisser aux Turcs une partie de l'ancienne Servie, et à empêcher soigneusement tout contact entre la frontière serbe et la frontière monténégrine. De la sorte, la nation serbe est séparée en quatre parties : le Monténégro, la Servie libre, la Servie turque, et ces pays serbes qui sont placés, les uns sous l'administration, les autres sous l'autorité reconnue du roi de Hongrie et de Dalmatie. Formation de la principauté actuelle de Roumanie (1856-1 S'îë). — Si la Servie et la Grèce tombèrent ainsi sous le joug immédiat des Turcs, les pays roumains de Valachie et de Moldavie gardèrent toujours une certaine liberté. Les Turcs nommaient et déposaient leurs princes, mais cela n'entraînait pas de leur part un gouvernement direct. Apres le traité de Paris (1856), les deux principautés recouvrèrent la faculté de choisir leurs princes, et firent alors en portant leur choix sur le même prince le premier pas qui devait les conduire à l'union. Cette union fut réalisée en 1861 sous le nom de Principauté' de Roumanie; celle-ci dut payer tribut aux Turcs, mais à tous les autres points de vue elle était libre. Les derniers changements ont fait de la Roumanie un état complètement indépendant (1878). La frontière roumaine 1 du côté de la Russie avait été élargie au congrès de Paris ; elle dut rétrograder au congrès de Berlin. D'un autre côté, le traité de Berlin lui a rendu la Dobrutcha, au sud du Danube, de sorte que le nouvel état a une certaine étendue
1. De la partie de la Bessarabie qui toucbe au bas Danube.
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de littoral sur la mer Noire. C'est ainsi que les Roumains, le peuple de l'Europe orientale qui parle la langue romane, et dont il subsiste toujours quelques débris dans leur ancienne patrie, se sont fait dans leur grande colonie sur le Danube une place parmi les nations européennes. Principauté de Bulgarie et Roumélie orientale (1878). — Enfin, tandis que la Servie et la Roumanie ont été complètement affranchies du joug, une partie de la Bulgarie a été appelée à jouir de cette indépendance effective qu'elles possédaient avant leur affranchissement. Le traité de San-Stefano entre la Turquie et la Russie (1878) décréta une principauté de Bulgarie, tributaire des Turcs, et dont les limites étaient à peu près celles du troisième royaume de Bulgarie dans sa plus grande étendue. Mais elle devait avoir ce que n'avait jamais eu auparavant aucun état bulgare, un littoral considérable sur la mer Egée. La domination immédiate des Turcs aurait été de la sorte coupée en deux, et l'on aurait commis en outre une faute réelle en ajoutant ainsi à la Bulgarie quelques districts qui devraient plutôt appartenir à la Grèce libre. Le traité de Berlin permit aux Turcs de conserver la côte septentrionale de la mer Egée, tandis que la nation bulgare fut séparée en trois parties, ayant chacune une condition politique différente. Le pays situé entre le Danube et les Balkans, c'est-à-dire celui qui correspondait à la première comme à la dernière Bulgarie, a été converti en une principauté de Bulgarie, qui n'est que tributaire des Turcs ; toutefois, cette nouvelle Bulgarie ne contient plus la Dobrutcha, qui a été cédée à la Roumanie en vertu du même traité. La partie située immédiatement au sud des Balkans, la Bulgarie méridionale de l'histoire, — la Roumélie septentrionale si l'on veut désigner exactement son orientation, — a reçu de la diplomatie le nom de Roumélie orientale, ce qui impliquerait assez naturellement qu'elle comprend la ville de Constantinople. Sa condition politique est indiquée par le mot « autonomie administrative », qui semble un terme
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moyen entre l'asservissement et la liberté. Quant à l'ancienne Macédoine, le pays que Basile et Samuel se disputèrent si énergiquement, la question est considérée comme résolue entre les Grecs et les Bulgares, parce qu'on a livré les uns et les autres à la complète discrétion des Turcs.
III
LA PÉNINSULE DU SUD-EST DEPUIS LE VIII- SIECLE
Diverses vues d'ensemble sur la géographie historique de la péninsule. — Nous pouvons terminer notre revue des pays du sud-est en considérant d'une façon générale leur position géographique à quelques-unes des époques les plus importantes de leur histoire. A la fin du huitième siècle (800), l'empire d'Orient s'étend toujours du Taurus à la Sardaigne; mais à part la péninsule asiatique où il s'est maintenu solidement, sa domination ne s'étend plus que sur des côtes et des îles. Il détient toujours la Sicile, la Sardaigne et la Crète, le talon et la botte de l'Italie, le duché éloigné de Campanie, et cet autre duché éloigné situé au fond de l'Adriatique, Venise. Dans sa péninsule européenne, il conserve la totalité de la côte égéenne, une grande partie des côtes de l'Euxin et de l'Adriatique. Mais l'autorité du maître de la mer ne s'étend pas loin de celle-ci; les régions intérieures appartiennent en partie au grand état bulgare, en partie aux petites tribus slaves flottant entre l'indépendance et une soumission nettement établie A la fin du siècle suivant (900), le caractère général de la domination de la Rome orientale reste le même, mais il y a de nombreux changements de détails. La Sardaigne et la Crète sont perdues; il ne reste plus qu'une parcelle de la Sicile ; mais la puissance impériale est reconnue tout le long
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L'EMPIRE OTTOMAN.
de la côte de l'Adriatique, et ce n'est plus le talon et la botte seulement, mais toute l'Italie méridionale qui admet sa domination, ainsi que toute la Grèce. Mais l'empire a maintenant de nouveaux voisins. Des Touraniens, les Magyars, sont établis sur le Danube, et d'autres nations de la même famille se pressent à leur suite. Les Russes, c'est-à-dire des Slaves gouvernés par des Scandinaves, menacent l'empire par mer. La dernière année du dixième siècle (1000) nous montre la Sicile entièrement perdue, mais la Crète et Chypre reconquises ; la Cilicie et la Syrie septentrionale sont acquises à l'empire ; la Bulgarie, recouvrée dans l'intervalle, est de nouveau reperdue. L'établissement des Russes sur le Danube est reculé de huit cents ans ; la grande lutte qui décidera si la péninsule du sud-est appartiendra au Slave ou au Romain d'Orient se continue. La domination de la nouvelle Rome atteint un moment au onzième siècle son plus grand développement (vers 1040). L'Europe au sud du Danube et de ses grands tributaires, l'Asie jusqu'au Caucase et presque jusqu'à la Caspienne, forment une domination compacte, s'étendant depuis les îles de la Vénétie jusqu'aux antiques cités phéniciennes. En Italie et dans les îles, les possessions impériales n'ont pas varié, et des conquêtes en Sicile viennent un moment s'y ajouter. Un demi-siècle plus tard (vers 1090), nous voyons au contraire l'empire terriblement entamé par d'anciens et de nouveaux ennemis. Le Serbe recouvre son propre pays, et le Sarrasin reprend la Sicile. Le Normand réduit la domination impériale en Italie à la suzeraineté nominale de Naples, la dernière des villes grecques en Occident comme Cumes avait été la première ; pendant un moment il prend même pied à l'est de l'Adriatique, et il enlève CorfouetDurazzoau monde oriental, comme Rome avait fait treize siècles auparavant. Le Turc s'empare des provinces intérieures de l'Asie; il plante son trône à Nicée, et ne laisse à l'empire en Asie qu'une bande de littoral sur l'Euxin et sur la mer Egée;
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Vers la fin du douzième siècle (1180), l'empire est rétabli en Europe dans toute son étendue. La Servie et la Dalmatie sont reconquises, et la Hongrie elle-même se regarde comme vassale. En Asie, tout le littoral de l'Euxin, de la mer Égée et de la Méditerranée lui appartient, et les Turcs ne conser-, vent plus qu'un petit royaume intérieur fortement serré de toutes parts au milieu de ses possessions. Le moment qui va suivre (vers 1200), verra commencer le renversement final ; avant la fin du siècle, les possessions éloignées de l'empire s'en seront détachées d'elles-mêmes, ou en auront été arrachées par d'autres puissances. La Bulgarie, Chypre, Trébizonde, Corfou, l'Épire même, ainsi que l'Hellade, se sont séparées de l'empire, ou sont désignées dans le traité de partage. Venise, renonçant complètement à son hommage nominal, se joint à de perfides croisés pour mettre l'empire en pièces (1204). Un empereur flamand règne à Constantinople ; un roi lombard à Thessalonique ; l'Achaïe, Athènes, Naxos, donnent leurs noms à des dynasties plus durables. Venise s'implante fortement en Crète et dans le Péloponnèse. L'empire cependant n'est pas mort. Le Franc, victorieux en Europe, prend à peine pied en Asie. Nicée et Trébizonde conservent l'héritage impérial, et un troisième état grec, pendant un moment également impérial, détient la Grèce occidentale et ses îles. Cinquante ans plus tard (1250), l'empire de Nicée est devenu un état européen ; et tandis que la domination latine de'Thessalonique a déjà vécu, il arrête le nouvel essor de la puissance bulgare, et réduit l'empire latin au voisinage immédiat de la cité impériale. Au nord, la Servie se fortifie, la Bosnie apparaît, les villes dalmatiennes sont vivement disputées entre leurs voisins. Un autre aperçu à la fin du treizième siècle (1500) nous montre l'empire romain d'Orient rétabli dans son ancienne capitale, continuant à faire des progrès et à étendre ses conquêtes en Europe, maître des trois mers de sa propre péninsule, établi une fois de plus dans le Péloponnèse, et
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L'EMPIRE OTTOMAN.
formant un état compact et tout-puissant si on le compare avec l'Épire, l'Àchaïe et les principautés athéniennes, ou avec les possessions éparpillées de Venise dans les contrées grecques. Mais la puissance qui semble si fortement établie en Europe s'est presque effondrée en Asie. Là, l'état des choses est le même qu'une centaine d'années auparavant, si ce n'est que les Turcs ont pris la place des Grecs, et les Grecs celle des Francs. Et en arrière des Turcs, ennemis immédiats, un nouvel état turc, encore plus puissant, se prépare à absorber tous ses voisins musulmans et chrétiens. Au milieu du quatorzième siècle (vers 1354), nous voyons l'empire enfermé entre deux ennemis, l'un en Europe, l'autre en Asie, qui sont arrivés au même moment à une puissance inattendue. Une partie de la Thrace, la Chalcidique,une partie de la Thessalie, quelques points épars en Asie, sont tout ce qui reste à l'empire ; à part le Péloponnèse où il fait des progrès, ses frontières ont partout ailleurs reculé. Le tsar de Servie gouverne du Danube au golfe de Corinthe. L'émir ottoman n'a laissé à l'empire en Asie que quelques fragments, et il a déjà posé son étreinte sur l'Europe. Avant que le quatorzième siècle soit terminé, il n'y a plus dans la péninsule du sud-est aucun état chrétien dominant, pas plus Constantinople que la Servie. L'empire est réduit à un petit fragment de la Thrace, avec Thessalonique, la Chalcidique, et la province péloponnésienne qui forme maintenant sa plus importante possession. A la place du grand état serbe, nous voyons une multitude de petites principautés grecques, slaves, et albanaises, tombant pour la plupart sous la suprématie ottomane ou vénitienne. Le nom serbe est toujours porté par l'une d'elles, mais son prince est vassal des Turcs; le véritable représentant de l'indépendance serbe a déjà commencé à apparaître dans les montagnes qui dominent les bouches de Cattaro et le lac de Scodra. La Bulgarie est tombée plus bas encore, et la domination immédiate du Turc atteint jusqu'au Danube. La Bosnie, les principautés franques ainsi que les îles appar-
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tenant à Venise dans chacune des deux mers, résistent encore, mais le Turc a déjà commencé à les ravager. Pour ceux qui avaient présente à l'esprit l'époque où l'empire serbe n'existait pas encore, où les aigles de Constantinople allaient de victoires en victoires, l'Ottoman était devenu le maître de tous les pays du sud-est ; tout ce qui avait échappé à son étreinte n'était que débris prêts à être moissonnés. Notre premier aperçu sera pris maintenant dans les dernières années du quinzième siècle, peu de temps après la mort de Mahomet le conquérant (1500). C'est alors la fin de toutes choses. La nouvelle Rome est la capitale d'un état barbare qui comprend Trébizonde, le Péloponnèse, Athènes, l'Eubée, les dernières parties de l'Épire restées indépendantes, la Servie, la Bosnie et l'Albanie. Les îles restent toujours pour la plupart en dehors de cette vaste domination; mais toute la terre ferme est conquise, sauf quelques points, les uns toujours occupés par Venise, les autres défendus avec succès par les belliqueux prélats de la montagne Noire, — seul état chrétien resté indépendant depuis la Save jusqu'au cap Matapan, et pour lequel commençait une carrière de gloire immortelle. A part ces légères exceptions, toute la domination des empereurs macédoniens était passée aux mains des Ottomans; ceux-ci recevaient en outre tribut d'une vaste région, dont la plus grande partie n'avait jamais été soumise à l'ancienne ou à la nouvelle Piome. A la fin d'un autre siècle (1600), nous voyons toute la Hongrie soumise aux Turcs, sauf une petite partie qui était seulement tributaire. Venise s'est vu enlever Chypre et toutes ses possessions dans le Péloponnèse; Naxos n'est plus à ses ducs; Bhodes n'est plus aux chevaliers; et le Musulman, maître de tant d'états chrétiens, a étendu sa domination sur ses coreligionnaires de Syrie, d'Egypte et d'Afrique. Un autre siècle s'écoule, et le courant a changé (1700). Le Turc a pu encore faire des conquêtes. Il a acquis la Crète d'une manière durable, et la Podolie temporairement; mais le croissant a disparu pour toujours de Bude et des îles occi-
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L'EJIPIKE 0XIOMA.N.
dentales ; il a disparu pour un moment de Cormtlie et de tout le Péloponnèse. A la fin du siècle suivant (1800), nous voyons la domination immédiate du Turc limitée par la Save et par le Danube, et sa suprématie s'arrêter au Dniester. Ses anciens rivaux, la Pologne et Venise, n'existent plus ; mais l'Autriche enveloppe ses provinces slaves ; la France cherche à avoir la possession des îles situées au large de sa côte occidentale; la Russie le guette de la péninsule si longtemps occupée par le Goth et par le Grec devenus également libres. Soixante-dix-huit ans plus tard (1878), son ombre de suprématie s'arrête au Danube, et son ombre de domination immédiate aux Balkans. La Grèce libre, la Servie libre, la Roumanie libre, — le Monténégro, arrivant de nouveau jusqu'à la mer, — la Bulgarie, divisée en trois parties qui n'aspirent qu'à la réunion1, — la Bosnie, l'Herzégovine, Chypre, possédées d'une façon assez mystérieuse par des états européens voisins ou éloignés, — tous ces pays réunis forment moins un tableau précis qu'une esquisse flottante. Nous voyons en eux un état de choses transitoire, que la. diplomatie prend follement pour l'arrangement éternel d'une éternelle question, et à propos duquel la raison et l'histoire ne peuvent nous dire que ce que nous savons, et non ce qui peut survenir un jour ou l'autre2.
1. L'événement a confirmé ces prévisions, et le mouvement qui vient d'éclater dans la Roumélie-0 rien laie aboutira probablement à l'union de cette province avec la principauté de Bulgarie. (Note du traducteur, septembre 18S5.) 2. Ce chapitre était écrit depuis longtemps; il élait imprimé en totalité, et une grande partie des épreuves étaient déjà corrigées, lorsque parut le premier volume de la grande collection de C. iN. Sathas, Mvïifuîa zf^ *KX7.r,vi-xî;; 'itnoplaç, Documents inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au moyen âge. Paris, 1880. Dans sa préface, M. Sathas insiste sur deux points, dont l'un est le caractère grec de l'empire d'Orient pendant toute la durée de son existence ; or personne n'a jamais pensé à contester que cet empire eût un côté grec. Il apporte en même temps de nombreux exemples, tirés principalement de manuscrits inédits, pour prouver que les noms d'^EXW et d'"EÀXâç ont été employés pendant toute la durée de l'empire. Que ce nom ait été employé en figure de rhétorique au treizième siècle, par une sorte de renaissance, cela ne fait aucun doute. J'en ai moi-même donné quelques exemples dans mes Essais historiques, III, 246, et toute l'histoire de Laonic Chalcondylas en est une longue preuve.
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M. Sathas en apporte quelques autres se rapportant à des temps beaucoup plus anciens. Mais il me semble que ce sont, là des cas de l'emploi d'un mot remontant à l'antiquité, comme cela se fait chez toutes les nations, et que, comme je l'ai dit, le véritable nom national de l'Empire et de ses habitants a toujours été celui de Romain. L'autre assertion de M. Sathas, c'est que l'occupation d'une grande partie de la Grèce par les Slaves est une erreur complète; on a beaucoup discuté sur l'étendue de cette occupation, mais jamais elle n'avait été absolument niée. L'occupation de la Grèce aurait été faite, suivant lui, non par des Slaves, mais par des Albanais, appelés Slaves, a cause de cette facile extension des noms nationaux dont il y a de nombreux exemples. Il m'est impossible de chercher à accepter ou à réfuter la doctrine de M. Sathas dans un livre qui est en cours de publication. Tout ce que je puis faire, c'est de citer l'opinion d'un homme qui s'est occupé beaucoup de ces questions, et qui est arrivé à une conclusion absolument nouvelle, au moins pour moi. {Note de l'auteur.)
��LIVRE IV
EUROPE DU NORD-EST
CHAPITRE PREMIER
L'EUROPE DU NORD-EST DU IXe AU XIIIe SIÈCLE
I
VUES GÉNÉRALES SUR LES PAYS DE LA BALTIQUE
Comparaison avec d'autres parties de l'Europe. — Notre description géographique des deux empires et des États auxquels ils ont donné naissance a cependant passé sous silence une grande partie de l'Europe comprenant des pays qui dépendaient de l'ancien empire romain. Nous n'avons parlé qu'indirectement des régions situées tout à fait au nord, à l'est et à l'ouest de l'Europe. Dans toutes ces régions, divers états, qui pourraient passer pour les ombres des deux empires de Rome, se sont succédé. Ainsi, au nord-ouest, il y avait deux grandes îles, accompagnées d'autres plus petites; l'ancien empire ne posséda jamais qu'une partie de la plus grande, et celles des plus petites qui ne pouvaient être séparées d'elle. L'île de Bretagne était considérée comme un monde à part, et les princes appartenant à ce monde, qui s'élevèrent à une position
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX» AU XIII SIÈCLE.
quasi impériale, prirent, par une sorte d'analogie, les titres impériaux1. Tout à fait au nord, nous trouvons deux péninsules de grandeurs différentes, la péninsule Scandinave et la péninsule danoise, accompagnées chacune d'un certain nombre d'îles. Toutes deux furent 'en dehors de l'ancien empire ; et si l'empire d'Occident, dans sa dernière forme, c'est-à-dire la forme carolingienne ou germanique, en posséda une petite partie, ce fut pendant un temps très court. L'union momentanée de ces deux systèmes d'îles et de presqu'îles forma réellement un troisième empire, un empire du Nord2, tout à fait analogue à ceux d'Orient et d'Occident. Au sud-ouest de l'Europe, nous trouvons également une autre grande péninsule qui fut complètement incorporée à l'ancien empire romain, et dont certaines parties, situées à deux extrémités opposées, ont appartenu à l'empire- de Justinien et à l'empire de Charlemagne; mais l'histoire de cette péninsule est en général complètement étrangère à celle des empires romains d'Orient et d'Occident. L'Espagne d'ailleurs, ayant en quelque sorte formé, comme la Bretagne, un monde à part, il est arrivé que l'état qui y devint dominant prit aussi le titre d'empire ; aussi la Castille eut-elle comme Wessex ses empereurs3. La Grande-Bretagne, la Scandinavie et l'Espagne forment ainsi trois ensembles géographiques bien marqués, trois grandes divisions de cette partie de l'Europe qui se trouvait en dehors des limites des deux empires à l'époque de leur séparation. Cependant la position géographique de chacune de ces trois régions a entraîné des différences marquées dans leur histoire. La Grande-Bretagne est une île complètement océanique. L'Espagne et la Scandinavie sont péninsulaires ; elles ont chacune un côté océanique, mais elles en ont un autre, tourné vers l'une des grandes mers inté1. Voir pages 158 et 159. 2. Voir page 165., . Voir page 555.
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Heures de l'Europe : la Méditerranée pour l'Espagne, la Baltique, cette Méditerranée du nord, pour la Scandinavie. Mais le côté baltique de la Scandinavie a une importance relativement plus considérable que le côté méditerranéen de l'Espagne. Des trois principaux royaumes espagnols, celui d'Aragon est le seul qui ait eu une histoire méditerranéenne ; l'Espagne et le Portugal furent entraînés tous les deux vers l'Océan. Le Danemark est plutôt baltique qu'océanique ; toute l'existence historique de la Suède se passe sur les côtes delà Baltique. La position méditerranéenne de l'Aragon lui permit de placer des royaumes entiers sous sa dépendance, mais ceux-ci ne se reliaient pas géographiquement à lui et ne purent jamais lui être réellement incorporés. Quant à la Suède, elle put fonder une domination continue sur les deux rives des deux grands golfes du Nord; et ses conquêtes s'approchèrent, pour le moins, bien plus près de l'incorporation que ne le tirent jamais celles de l'Aragon. L'histoire de la Suède consiste principalement dans l'extension et la perte de sa domination sur les pays baltiques situés en dehors de sa propre péninsule. C'est seulement à une époque toutà fait moderne que, les couronnes de Suède et de Norvège ayant été réunies, les royaumes toutefois restant séparés, un état entièrement péninsulaire, aussi bien baltique qu'océanique, a été créé en Scandinavie. Cet aspect oriental de l'histoire Scandinave est celui sur lequel il est le plus nécessaire d'insister, parce qu'elle en a un autre dont il est naturel que nous soyons plus frappés. Les incursions et conquêtes des Scandinaves, c'est-à-dire de peuples qui venaient du Danemark et de la Norvège, composent en grande partie l'histoire primitive de la Gaule et de la Grande-Bretagne. Lorsque se termine cette phase de leur histoire, les royaumes Scandinaves passent tout à fait à l'arrière-plan jusqu'au dix-septième siècle, époque à laquelle le rôle considérable qu'ils vont jouer en Europe ne peut guère manquer de nous surprendre. Néanmoins, pendant ce laps de temps, le Danemark et la Suède ont fait leur chemin dans
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX° AU XIII" SIÈCLE.
les pays situés au nord, à l'est et au sud de la Baltique. Et c'est ce côté baltique de leur histoire qui a une importance capitale dans notre revue générale de la géographie politique de l'Europe. Par conséquent, tandis que les îles Britanniques et l'Espagne seront l'objet d'un chapitre spécial, nous ne pouvons séparer les péninsules Scandinaves de la masse générale des pays de la Baltique. La Scandinavie doit nous présenter une connexion géographique très étroite avec larégion qui s'étend ' du centre de l'Europe jusqu'à sa limite orientale ; région qui, sans être entièrement slave, est bien caractérisée par ce fait que la branche septentrionale de la race slave y est
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établie. La région des Slaves du PYord. — Cette région, dont l'histoire est constamment mêlée à celle de l'Allemagne et des pays Scandinaves, comprend ces immenses pays, jadis slaves, qui ont été à différentes époques plus ou moins incorporés à l'Allemagne, mais qui ne devinrent allemands qu'après de sérieux efforts pour les rendre en grande partie Scandinaves. Dans une autre partie de ce livre, nous avons vu de quelle façon se fit leur jonction à la masse des pays teutoniques; nous allons voir maintenant comment se fit leur séparation d'avec la masse des pays slaves. En même temps, nous aurons à considérer sous un autre aspect ceux des Slaves du Nord qui furent soumis par les Magyars, et qui entrèrent dans cette domination hétérogène dont font également partie ces mêmes Magyars. Ces pays slaves du Nord, qui ont passé à des maîtres non slaves, forment une région s'étendant depuis le Holstein jusqu'au royaume autrichien de Galicie et Lodomérie, et jusqu'aux districts slovaques et ruthènes de la Hongrie. La région des Slaves du Nord comprend par-dessus tout ces deux branches de la race slave qui se sont successivement dominées l'une l'autre, dont aucune n'a passé d'une façon permanente sous la suzeraineté des empires d'Orient et d'Occident, mais dont l'une a dû son unité et sa vie nationale
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à des colons venus de la Scandinavie du Nord. Nous voulons parler des Polonais et des Russes qui passèrent sous la domination spirituelle, les premiers de l'ancienne Rome, les seconds de la nouvelle, sans avoir jamais fait partie de la domination temporelle de l'une ou de l'autre. A cette région se rattachent encore les restes de ces nations aryennes et non-aryennes qui refusèrent pendant longtemps toute obéissance aux deux églises comme aux deux empires. Parmi ces nations figurent les membres plus anciens de la grande famille européenne, ceux dont la langue s'est écartée moins qu'aucune autre, en Europe, de la langue aryenne, jadis commune à toutes. A côté du Russe orthodoxe, du Polonais catholique, du Suédois, catholique d'abord et luthérien ensuite, nous aurons à considérer le Lithuanien et le Prussien, restés si longtemps païens Enfin tout près de ces nations il y en a d'autres encore plus anciennes et qui sont antérieures aux Aryens; elles se trouvent répandues sur les deux rives des golfes de Bothnie et de Finlande. L'histoire de la côte orientale de la Baltique est celle de la lutte qui amena la soumission ou la disparition de ces anciennes nations au profit de leurs voisins teutoniques et slaves. Toute la région des Slaves du Nord, placée ainsi plutôt au nord-est qu'au centre de l'Europe, a cependant un caractère central qui lui est propre : son histoire se relie en effet à celle du nord, de l'ouest, et du sud-est de l'Europe. La germanisation de tant de pays slaves est déjà par elle-même une partie importante de l'histoire germanique. Mais en outre nous voyons que la région strictement polonaise et russe touchait à la fois à l'empire d'Occident, aux pays qui bordaient l'empire d'Orient, au nord Scandinave, et aux pays barbares situés au nord-est. Ce dernier caractère était commun à la région des Slaves du Nord et à la péninsule scan1. Un nom commun pour ces races étroitement alliées est quelquefois nécessaire. Lettons est celui qui convient le mieux; le mot Letles est le nom spécial d'un des membres les plus obscurs de cette famille. (Note de l'auteur.)
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX» AU XIII» SIÈCLE.
dinave. La Norvège, la Suède, la Russie, sont les seuls étals européens dont le territoire ait été constamment en contact avec des contrées barbares, et qui aient pu par conséquent conquérir et coloniser en pays barbares, par la simple extension de leurs frontières. Gela fut fait par la Norvège et la Suède autant que le leur permettait leur position géographique; mais la Russie le fit sur une bien plus grande échelle. Tandis que les autres nations européennes ont conquis et colonisé par mer, la Russie est le seul état européen qui ait trouvé un champ illimité de conquêtes et de colonisation en s'avançant en Asie par terre. Elle a eu ses Indes, son Canada, son Australie, son Brésil, son Java, sou Algérie, se reliant géographiquement avec son territoire européen. Cela explique bien des choses dans l'histoire moderne de la Russie. Rapports avec les deux empires d'Orient et d'Occident. — Les pays situés autour de la Raltique nous montrent des rapports de plusieurs sortes avec les deux empires. La Norvège est le seul des pays Scandinaves qui n'ait jamais eu affaire avec la puissance romaine, sous n'importe laquelle de ses formes. La Suède proprement dite a toujours été pareillement indépendante; plus tard cependant, les rois de Suède ont occupé des fiefs dans l'empire d'Occident1. Par suite de sa position, le Danemark a naturellement eu plus de rapports avec son voisin romain ou germanique. A l'origine, quelques rois danois devinrent vassaux de l'empire pour la couronne de Danemark; d'autres firent des conquêtes sur les pays appartenant à l'empire. Bien plus tard, les rois danois ont possédé des fiefs du royaume germanique, et ont été membres de cet état sous sa forme plus moderne de confédération. Les parties occidentales de la région slave arrivèrent à faire officiellement partie de l'empire d'Occident, mais seulement lorsque celui-ci eut revêtu le caractère d'état germanique, et sans
1. L'empire d'Occident sous sa dernière forme, c'est-à-dire l'empire germanique. (Note du traducteur.)
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que l'acquisition de ces pays fût faite à un point de vue strictement impérial. La Pologne fut quelquefois, à l'origine, fief du royaume germanique; beaucoup plus tard, elle fut partagée entre les deux principaux états auxquels ce royaume donna naissance. Pour la Russie, quoique pupille de l'empire d'Orient, elle ne fut jamais ni sujette ni vassale d'aucun des deux empires; quand elle eut un maître étranger, ce fut un barbare asiatique. Cette soumission spirituelle, combinée avec l'indépendance temporelle dans laquelle la Russie se trouvait placée vis-à-vis de Constantinople, y fit surgir des idées et des titres impériaux; pareille chose eut lieu en Espagne et dans la Grande-Bretagne, mais avec une signification bien différente. En effet, le prince russe s'attribue le caractère et les prérogatives d'empereur, non seulement parce qu'il est réellement empereur dans son propre monde, mais aussi et surtout parce qu'il est le prince le plus puissant de la chrétienté orientale, et qu'alors il se regarde, en quelque sorte, comme l'héritier de l'empereur d'Orient dans le monde général européen.
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LES NATIONS SCANDINAVES'
Scandinaves et Slaves à la fin du huitième siècle. — A la fin du huitième siècle, les peuples Scandinaves et slaves des pays de la Baltique se touchaient encore à peine. Ceux d'entre eux qui étaient le plus au nord étaient toujours très éloignés les uns des autres, et si les deux races se trouvaient quelque part en contact, ce devait être à l'extrémité sud-ouest du littoral de la Baltique. La
1. Voir pour celte section les cartes 53 et oi.
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX= AU XIII" SIÈCLE.
plus grande partie de ce littoral, c'est-à-dire le nord et l'est, était toujours occupée par les nations primitives aryennes et non-aryennes. Cependant, dans les deux péninsules Scandinaves, les trois nations Scandinaves étaient en voie rapide déformation. Un certain nombre de tribus de même origine finirent par se grouper pour former les trois royaumes de Danemark, de Norvège et de Suède, lesquels, tantôt séparés, tantôt réunis, ont toujours existé depuis1. Formation du Danemark. — De ces trois royaumes, le Danemark était le seul qui eût une frontière du côté de l'empire, et il fut naturellement le premier qui joua un rôle dans l'histoire générale de l'Europe. Dans le courant du dixième siècle, sous le règne à demi fabuleux de Gorm, et de ses successeurs Ilarold et Sven, le royaume de Danemark proprement dit, pour le distinguer des autres pays possédés dans la suite par ses rois, atteignit presque entièrement son étendue historique dans les deux péninsules et dans les îles qui se trouvent disséminées entre elles. Les provinces de Halland et de Skane ou Scanie étaient à l'origine, il faut bien s'en souvenir, au moins autant danoises que celles de Seeland et de Juttland. L'Eider resta la frontière du côté de l'empire, sauf pendant une partie des dixième et onzième siècles. La frontière danoise recula alors jusqu'au Dannewerk, et le pays compris entre ces deux limites forma la marche danoise de l'empire (934-1027). Sous Is règne de Cnut (1014-1036), l'ancienne frontière fut réfcblie. Formation de la Norvège et de la Suède. — Le nom de Northmen*, que les Francs étendirent à toutes les
1. Voir page 128. 2. Voyez Éginhard, Annales, A. 815 : « Trans ^Egidoram fluviiïm in terram Nordmannorum perveniunt. » De même, Vie de Charlemagne, 12 : « Dani ac Sueonoç quos Nortmannos vocamus », et 11 : « Nortmanni qui Dani vocanturp. Adam de Brème, lui, dit (II, 3) : « Mare novissimum, quod Nortmannos a Danis dirimit ». Mais le nom s'applique également aux Suédois ; car, toujours d'après lui (I, 63) : « Sueones et Gothi, vel, si ita melius dicuntur, Nortmanni », et (I, 16) : « Dani et cseteri qui trans Daniam sunt populi ab historicis Francorum omnes Nordmanni vocantur ». (Note de l'auteur.)
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nations Scandinaves, désignait les seuls habitants de la Norvège. Toutes ces peuplades furent réunies en un seul royaume sous Harold Harfagra, à la fin du neuvième siècle. Le royaume norvégien de cette époque allait bien au delà des limites postérieures de la Norvège, et il s'étendait d'une façon indéfinie jusqu'à la mer Blanche, sur les tribus finnoises tributaires. Le milieu de la côte orientale de la péninsule du nord, entre le Danemark au sud et les nations finnoises au nord, était occupé par deux groupes Scandinaves qui contribuèrent à former le royaume de Suède. Ces deux groupes se composaient des Suédois proprement dits et des Geâtas ou Gauts. Ce dernier nom a été naturellement confondu avec celui des Goths et a fait donner le nom de roi des Goths aux princes suédois. Le Gothland s'étendait à l'est et à l'ouest du lac Wettern. Le Swithiod ou Svealand, c'est-à-dire la Suède proprement dite, se trouvait sur les deux rives du grand bras de mer dont l'entrée est gardée par la capitale moderne. L'union du Gothland et du Svealand forma le royaume de Suède. Premiers rapports entre les trois royaumes Scandinaves. — Les limites primitives du royaume de Suède avec le Danemark et la Norvège furent changeantes. Le Wermeland, immédiatement au nord du lac Wenern, et le Jamteland, bien plus au nord, furent longtemps un terrain disputé. Au commencement du douzième siècle (1111) le Wermeland passa définitivement à la Suède, et le Jamteland pour plusieurs siècles à la Norvège D'un autre côté, la Ble'khigie, située tout à fait au sud de la péninsule, finit, après avoir été disputée entre la Suède et le Danemark, par rester au Danemark. Pour la Suède ainsi limitée, la voie naturelle d'extension par terre se trouvait au nord, le long de la côte occidentale du golfe de Bothnie; et en effet, dans le courant du douzième siècle, la Suède commença à s'étendre dans cette direction sur Y Helsingland.
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX* AU XIll» SIÈCLE.
Les Northmans et les Danois au delà de l'Océan. — La Suède se trouvait ainsi bien mieux à portée que le Danemark et la Norvège d'étendre ses frontières par terre. D'un autre côté, le Danemark et la Norvège, tournés vers l'ouest, eurent leur grande époque de conquêtes et de colonies océaniques au neuvième et au dixième siècle. Ces deux modes d'extension demandent à être' distingués. Quelques pays, comme les royaumes de Northumbrie et d'Est-Anglie en Bretagne et le duché de Normandie en Gaule, eurent à leur tête des princes Scandinaves, et un élément Scandinave entra dans leur population; mais la surface géographique de la Scandinavie ne s'en trouva pas pour cela augmentée. Il n'en fut pas de même des colonies Scandinaves1 qui furent fondées dans les îles Orcades, Shetland et Foeroé, situées au large de la côte occidentale de l'Ecosse, dans l'île de Man, l'Islande et lé Groenland. Quelques-uns de ces pays furent découverts par les Northmans et colonisés pour la première fois par eux. De même, les établissements Scandinaves sur la côte orientale de l'Irlande, Dublin, Waterford, Wexford, peuvent passer pour des postes avancés de la Scandinavie en pays celtique. De ces régions Scandinaves éloignées, quelques îles, et particulièrement l'Islande, sont restées Scandinaves ; les établissements qui eurent lieu sur le continent de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, et dans les îles voisines, ont fini par faire corps avec les royaumes britanniques, ou bien sont devenus des dépendances de la couronne britannique. • Conquêtes des Scandinaves dans les pays de la Baltique. — A côté de cette vaste série de conquêtes océaniques, les conquêtes de la Norvège et du Danemark dans les pays de la Baltique sont presque nulles. La Norvège, il est vrai, pouvait difficilement devenir un état baltique; mais il y eut une occupation danoise du Samland en Prusse
1. Voir pages 157 et 579.
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au dixième siècle (950), et il en résulta que ce pays figura parmi les royaumes qui composaient l'empire du Nord de Chut1. Il y a également à signaler la célèbre colonie des Wikings (rois de mer) Jomsbourg à l'embouchure de l'Oder (955-1045). : La grande extension de la puissance danoise dans les pays de la Baltique eut lieu plus tard, et la Suède n'eut pas de possession durable à l'est du golfe de Bothnie avant le douzième siècle; mais il est hors de doute que, longtemps auparavant, les Suédois pénétrèrent dans d'autres parties des pays baltiques, et qu'ils y firent même à l'occasion des conquêtes. C'est ainsi que la Gourlande parait avoir été un moment en la possession de la Suède, puis reconquise par ses propres habitants lettons2. Le neuvième siècle, il est vrai, vit une extension surprenante de la domination Scandinave à l'est et au sud, mais on ne peut pas dire que ce fussent là des conquêtes, ou une colonisation, au sens ordinaire du mot. Aucun élément Scandinave ne s'y implanta comme dans les Orcades et l'Islande; aucun poste avancé n'y fut fondé comme en Irlande; mais des princes Scandinaves, qui dans l'espace de trois générations perdirent toute trace de leur origine Scandinave, créèrent, sous le nom de Russie, le plus grand des états slaves. Ce fait a eu des conséquences considérables pour l'histoire et la géographie des Slaves, mais la géographie Scandinave n'en subit aucun effet direct; il forme cependant un lien entre les pays Scandinaves situés à l'ouest et au nord de la Baltique, et la région slave située au sud et à l'est de cette mer.
1. Voir page 160. 2. Voyez Adam de Drème, IV, 10.
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III
LES DIFFÉRENTES DE LA NATIONS SLAVES. — COMMENCEMENTS ET DE LA POLOGNE1
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BOHÊME
Les Slaves du Nord jusqu'au neuvième siècle. — Au commencement du neuvième siècle, la région intérieure qui s'étend depuis l'Elbe jusqu'au Dnieper et un peu au delà, était occupée sans interruption par différentes nations slaves. Elles étaient en contact, d'un côté avec le royaume germanique, de l'autre avec diverses nations finnoises et turques, mais elles n'avaient accès à la mer que sur une étendue de côtes relativement petite. Complètement séparées du Pont-Euxin, de l'Océan septentrional et des grands golfes de la Baltique, elles n'avaient pour tout littoral que celui qui s'étend du port moderne de Kiel jusqu'à l'embouchure de la Vistule. Ce littoral slave passa progressivement sous l'influence et la domination germaniques, et finit par être incorporé complètement au royaume germanique. Il s'ensuit qu'en traçant l'histoire des principaux états slaves de cette région, ceux de Bohême, de Pologne et de Bussie, nous avons affaire à des états qui sont presque compléter ment intérieurs. A l'époque de la séparation des empires (800), il n'y avait pas de grand état slave dans cette région. Un seul de cette espèce, ayant la Bohème pour centre, avait existé un moment au septième siècle ; c'était le royaume bohémien de Samo (623), lequel, si son fondateur est réellement d'origine franque, est tout à fait analogue à la Bulgarie et à la llussie, puisque ce sont également des états slaves créés par
1. Voir pour cette section les cartes 20, 21, 23, 53 et 5i. Voir également les oages 19a à 198 et cartes correspondantes.
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des princes étrangers1. Presque à la même place s'éleva ensuite (884) la Grande Moravie^ ou royaume de Sviatopluk, qui fut brisé par l'invasion des Magyars. Avant cette époque, l'état russe était déjà en voie de formation assez loin vers le nord-est. Division des Slaves du Nord en quatre groupes. — En considérant la carte au moment où vont se former la Grande Moravie et la Russie, états dont le second seul devait durer, les nations slaves du Nord "peuvent se répartir en quatre principaux groupes historiques. Premièrement, les tribus du nord-ouest, dont le territoire, répondant à peu près au Mecklenbourg moderne, à la Pomôranie, au Brandebourg et à la Saxe, a été complètement germanisé. Secondement, les tribus du sud-ouest, répandues dans la Bohême, la Moravie et la Lusace, ont subi également la domination ou la suprématie germanique, mais elles n'ont pas perdu au même titre leur nationalité slave. La Silésie, liée de différentes manières avec ces deux groupes, les relie en outre avec le troisième, qui est formé par les tribus centrales de la région des Slaves du Nord. Ce sont toutes ces tribus centrales, placées entre les Magyars au sud et les Prussiens au nord, qui, une fois réunies, formèrent le royaume de Pologne primitif. Enfin, à l'est, se trouvaient les tribus dont l'union forma l'état russe primitif. En considérant tous ces groupes à l'époque actuelle, nous pouvons dire que toute trace de nationalité slave a disparu du premier; le second et le troisième, pour parler d'une façon générale, ont conservé leur nationalité, mais non leur indépendance politique ; le quatrième est devenu le seul des grands États modernes où règne la race slave. Les Slaves Polabiques et leurs subdivisions. — Leur incorporation au royaume germani1. Le professeur Fasching de Harbourg (Autriche) a discute dans le Zweiler Jahresbei-icht der k.k. Staals-Oberrealschula in Marburg, 1872, quelle était l'origine de Samo et si le principal siège de sa domination était en linhême ou en Carintbie. (Note de l'auteur.) 2. Voir page «8.
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que. — Nous allons prendre maintenant le premier de ces groupes, et retracer avec plus de détails, en nous plaçant du côté slave, les mômes changements de frontières que nous avons déjà esquissés du côté germanique1. Dans la région qui est située entre l'Elbe et l'Oder, et qui comprend le bassin supérieur de ces fleuves, représenté par leurs affluents la Saale et la Bober, nous trouvons cette division des Slaves que leur propre historien désigne sous le nom de Polabiques2. Cette division se subdivise elle-même en trois groupes : premièrement, au sud, dans la Saxe moderne, les Sorabes ou Serbes septentrionaux, que l'invasion magyare sépara pour toujours de leurs frères du sud; secondement, au nord des Sorabes, se trouvaient les Leuticiens, Wélètes, Wélétabes ou Witees, et autres tribus s'étendant jusqu'à la Baltique dans le Mecklenbourg moderne et la Poméranie occidentale; toiità fait au nord-ouest, dans le Mecklenbourg et le Holstein oriental, se trouvaient les Obotrites, Wagriens et autres tribus. Pendant les neuvième, dixième et onzième siècles, les rapports de ces peuples avec l'empire d'Occident sont la contre-partie des rapports que l'empire d'Orient eut avec les Slaves du Sud pendant la même période. Toutefois, les empereurs d'Occident n'eurent jamais sur leur frontière immédiate un rival comparable à la Bulgarie de Siméon ou de Samuel. Les tribus slaves de la frontière nord-est de l'empire d'Occident étaient tributaires ou indépendantes selon la force ou la faiblesse de l'empire. Tributaires sous Charlemagne et les grands rois saxons, il y eut pour elles une période intermédiaire de tribut d'indépendance (921-968) ' La domination germanique, qui recula dans la dernière partie du dixième siècle, fut raffermie par les ducs et margraves de Saxe au onzième et au douzième. Longtemps avant la fin du douzième siècle, l'œuvre était accomplie. La domination germanique, et avec elle la religion chrétienne,
1. Voir pages 192-198. 2. Yoyez Schafarick, Slawische Allerthiimer, II, 505.
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avait été imposée aux Slaves répandus entre l'Elbe et l'Oder. Les Serbes entre l'Elbe et la Saale semblent avoir été les premiers et les plus complètement soumis; ils ne reconquirent jamais leur entière indépendance après les victoires des premiers rois saxons. Les Serbes entre l'Elbe et laBober, quelquefois tributaires de l'empire, redevinrent aussi quelquefois indépendants ; ils reconnurent aussi la suzeraineté de la Bohême et de la Pologne, états également slaves. Les pays compris dans la marche de Misnie furent complètement germanisés vers le douzième siècle ; mais la langue et la nationalité slaves ont encore de puissantes racines dans ceux qui étaient compris dans la marche de Lusace. Au nord des Sorabes, la région leuticienne subit de nombreuses fluctuations. Branibor, le Brandebourg des Allemands, fut pris et repris plusieurs fois pendant un espace de plus de deux cents ans (927-1157). Vers la fin du dixième siècle, le pays tout entier redevint libre (985). Au onzième, il passa au pouvoir de la Pologne (1030-1101). Enfin, au temps du margrave saxon Albert Ier l'Ours (1134-1157), l'Allemagne acquit définitivement le pays qui devait contenir sa capitale actuelle; le Brandebourg devint une marche germanique. Dans la région située sur cette petite partie de la Baltique qui porta le nom spécial de golfe slave, les alternatives de révolte et de soumission sont interminables depuis le neuvième siècle jusqu'au douzième. Nous y voyons des dynasties indigènes, et l'une d'elles a duré jusqu'à nos jours (dans le Mecklenbourg). Tantôt c'est la marche saxonne des Billungs qui l'emporte, tantôt le royaume indigène de Sclavinie ou Slavonie, et ce royaume alterne lui-même entre des princes païens et des princes chrétiens. Enfin, au douzième siècle, Premyslas, dernier roi païen des Wendes, devint leur premier duc chrétien, et fut le fondateur de la maison de Mecklenbourg (1161). Une partie de cette région, comprenant la Poméranie à
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX" AU XIII" SIÈCLE.
l'ouest de l'Oder et l'île de Rùgen, devint, aussi bien à cette époque qu'à une époque beaucoup plus récente, un pays frontière spécial entre l'Allemagne et la Scandinavie. Rùgen et le littoral avoisinant passèrent (1168) au Danemark, qui les garda jusqu'au quatorzième siècle (1525). Le royaume de Sclavinie devint même danois pendant un temps assez court (1214-1225). Une autre puissance Scandinave, la Suède, s'implanta également clans cette même région au dix-septième siècle. A part ces exceptions, l'histoire de ces pays, à partir du douzième siècle, est celle de contrées relevant entièrement du royaume germanique. Tchèques et Moraves. — Commencements de la Bohême. — Il en fut autrement du second groupe, c'est-à-dire des Slaves répandus dans l'enceinte des montagnes des Géants et de ceux qui s'étendaient un peu plus au nord-est, sur le cours supérieur de l'Oder, et dans les vallées de la Wag et de la Morava septentrionale. Il y eut dans cette région un royaume slave qui existe encore actuellement, bien qu'il ait passé de bonne heure sous la suprématie germanique, et qu'il ait à sa tête, depuis des siècles, des rois allemands. La Bohême, le pays des Tchèques, tributaire de Charlemagne, partie du royaume de Sviatopluk, devint définitivement un fief germanique après les victoires des rois saxons (928). Mais cela n'empêcha pas la Bohême de devenir vers la fin du siècle un état conquérant, le centre d'une domination qui fut de courte durée comme celle de Samo et de Sviatopluk. A l'est des Tchèques de Bohême se trouvaient les Moraves et les Slovaques, cette branche de la race slave qui forma le centre du royaume Sviatopluk, et qui supporta le choc principal de l'invasion magyare. Une grande partie des Slaves de cette région tomba d'une façon permanente sous la domination magyare, et il en fut de même momentanément pour la Moravie (906-955). Depuis lors la Bohêmg et la Moravie ont généralement eu une destinée commune. Vers la fin du dixième siècle, la domination tchèque se-
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lendit jusqu'à l'Oder, et la Chrobatie septentrionale, sur la haute Vistule, en fit partie (973-999). Cette domination dis1 parut lors de la grande extension de la puissance polonaise . La Bohême proprement dite devint momentanément une dépendance de la Pologne (1003-1004), et il en fut de même de la Moravie pendant un temps beaucoup plus long (1003-1029) ; le pays compris entre la Wag et l'Olzava passa en outre au pouvoir du Magyar. La Bohême retrouva dans la suite une certaine grandeur, et cela sous plusieurs formes, mais en continuant toujours à appartenir à l'empire romain germanique. Les Lieckques ou Pôles et les Croates blancs. — Commencements de la Pologne. — Tandis que le second groupe des Slaves passait ainsi sous la domination germanique, sans cesser d'être slave, un grand état se forma dans le troisième groupe. Cet état, par suite de son adhésion à l'Église occidentale, fit partie du monde général de l'Occident, sans jamais toutefois avoir reconnu d'une manière durable la suprématie de l'empire d'Occident. Des parties considérables de l'ancienne Pologne ont passé sous la domination germanique; quelques-unes ont été largement germanisées ; mais la Pologne, dans son ensemble, n'a jamais été germanisée, ou placée d'une manière durable sous la domination germanique. Par suite de sa position, plus centrale que celle de n'importe quel autre état européen, la Pologne a eu à lutter dans toutes les directions, aussi bien contre les Suédois que contre les Turcs. Mais ce qui distingue particulièrement son histoire, c'est sa rivalité séculaire avec l'état slave qui se trouvait à l'est. La partie de l'histoire qui est commune à la Bussie et à la Pologne est une suite de conquêtes et de partages effectués par celui des deux états qui était momentanément le plus fort. Lorsque la lumière commence à se faire pour nous dans ces régions, nous nous trouvons en face d'un certain nombre de tribus ayant la même origine, et occupant tout le pays
1. Voir page 496.
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entre l'Oder et la Vistulc, y compris le littoral compris entre les bouches de ces deux fleuves. Elles s'étendent un peu plus loin à l'est de la Yistule, mais seulement dans la partie intérieure, car le littoral de cette région est occupé par les Prussiens. A l'ouest, l'Oder et la Bober peuvent être prises pour leurs limites. Dans la partie supérieure du cours de ces deux fleuves, il y a une autre nation appartenant à la même famille, celle qui est formée par la branche septentrionale des Chrobates ou Croates; le pays qu'ils habitent, ou Croatie blanche, s'étend sur les deux versants des Carpathes. . Le nom qui conviendrait le mieux à ces Slaves du cours inférieur et central de l'Oder et de la Vistule semble celui de Leckques ou Léchites; Pologne est plutôt le nom de la région que celui de ses habitants. La Mazovie, la Cujavie, la Silésie, — en allemand Schlesien, — ainsi que la contrée maritime de Pomore, Pommern ou Poméranie, sont les noms de différents districts occupés par des tribus ayant une même origine. Au dixième siècle, un état considérable se forma pour 'la première fois dans, ces régions; il avait son centre entre la Warta et la Yistule, à Gniezno ou Gnesen, ville qui est toujours restée la métropole ecclésiastique de la Pologne. Sous son premier prince chrétien Micislas (951-992), cet état répondait à peu près à ce que fut plus tard la Grande-Pologne, augmentée de la Mazovie et de la Silésie. Mais, en 965, le duc 'de Pologne devint vassal de l'empire pour ses possessions situées à l'ouest de la Warta, et en 975 il eut à subir quelques démembrements au profit de la Bohême. Sous son fils Boleslas Ie1' (992-1025), la Pologne s'éleva au même degré de grandeur momentanée qu'avaient atteint déjà auparavant la Moravie et la Bohême. Boleslas étendit sa domination, pendant des périodes plus ou moins longues, sur la Bohême, la Moravie, la Lusace, la Silésie, la Poméranie, la Prusse, la Chrobatie septentrionale, sur une partie de la Russie, et sur les districts de Barnim et de Custrin, qui passèrent plus tard au Brandebourg.
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Cette grande domination s'écroula en partie pendant la er vie de Boleslas I , et partiellement encore après sa mort. Mais ce prince n'en fit pas moins de la Pologne un état, et quelques-unes de ses conquêtes furent durables. La partie 1 de la Chrobatie blanche qui est située au nord des Carpathes, — celle qui est au sud de cette chaîne tomba aux er mains des Magyars à la mort de Boleslas I , — devint la Petite Pologne: elle fit partie du royaume de Pologne jusqu'à sa chute, et elle lui donna sa seconde capitale, Cracovie. A partir de la mort de Boleslas (1025), la Pologne compta 2 tantôt comme royaume, tantôt comme duché . Des partages continuels entre les membres de la famille régnante, et des passages accidentels sous la suprématie extérieure de l'empire, ne détruisirent pas son unité nationale et son indépendance. Un état polonais continua toujours à subsister, et à partir de la fin du treizième siècle il figura en Europe comme un royaume important, qui était en outre le seul état slave attaché à l'Eglise occidentale et en même temps indépendant de l'empire d'Occident.
IV
ORIGINES DE LA RUSSIE. — LES DU RACES PRIMITIVES
DE L'EUROPE
NORD-EST3
Contrasté entre les Slaves orientaux et les Slaves occidentaux. — Le groupe considérable formé
1. Voir page -119. 2. Les Pôles revendiquent Boleslas 1", comme leur premier roi. Mais Lambert (10G7), qui insiste énergiquement sur la condition tributaire de la Pologne, fait de Boleslas II le premier roi. Dans tous les cas, la' dignité royale fut certainement supprimée après sa mort. (Note de l'auteur.) 5. Voir pour cette section les cartes 53, 5i et 55. 52
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par les tribus slaves qui sont à l'est des Lekques et des Chrobates a comme caractère historique distinctif d'avoir eu avec la chrétienté orientale les mêmes rapports que ceux de la Pologne avec la chrétienté occidentale. Bien qu'elles fussent disciples de l'église orientale, elles ne furent jamais vassales de l'empire d'Orient. Les Slaves occidentaux subirent l'influence chrétienne de la même manière qu'ils subirent l'influence teutonique, par leur soumission à l'empire d'Occident ou à quelques-uns de ses princes, ou par suite des tentatives qui furent faites pour effectuer cette soumission. Les Slaves orientaux subirent également l'influence chrétienne et l'influence teutonique, mais sous des formes absolument différentes. L'influence teutonique vint la première; mais au lieu de se produire par suite de la soumission à quelque état teutonique déjà existant, elle provint de la création d'un nouvel état slave par des chefs teutoniques. C'est seulement après que cette influence teutonique primitive eut disparu, en laissant persister toutefois ses résultats, que le christianisme fit son apparition ; et comme il provenait du centre oriental de la chrétienté, il s'ensuivit que ses nouveaux disciples restèrent à l'abri tout à la fois et de l'influence chrétienne et de l'influence teutonique de l'Occident. Un certain nombre de tribus slaves parvinrent à l'unité nationale sans perdre leur caractère slave, et leur nom national fut celui d'envahisseurs Scandinaves, les Varègues ou Russes de la péninsule suédoise K Fondation de l'état russe par les Varègues (862-957). — L'origine de l'état russe remonte à la dernière moitié du neuvième siècle. Des chefs Scandinaves établirent alors leur domination sur les membres les plus septentrionaux de la race slave, les Slaves de Novgorod sur
1. II n'ya pas de doute que le nom russe appartient strictement aux chefs Scandinaves et non à leurs sujets slaves. Voyez Schafarick, I, 165; Essais historiques île Frecman, III, 386. C'est là un cas qui peut être comparé avec celui des Bulgares et des Francs, sauf que le nom Rus serait, dit-on, non pas un nom Scandinave, mais un nom donné aux Suédois par les Finnois. (Note de l'auteur,)
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l'Ilmen (862), et cette domination s'étendit ensuite plus au sud. A l'est et au nord-est des Lekques et des Chrobates, il v avait une masse de tribus slaves qui s'étendaient au delà du Dniéper, jusqu'au cours supérieur de l'Oka. Outre qu'elles étaient séparées de la Baltique par les Finnois et les ! Lettons, différentes races touraniennes vinrent tour à tour s'interposer entre elles et le Pont-Euxin, les Magyars I d'abord, et plus tard les Petchénègues. Au sud-est, du Dniéper jusqu'à la Caspienne, s'étendait l'empire des Khazars; les Slaves répandus à l'est du Dniéper devinrent ses tributaires. Au nord-est, il y avait une masse de tribus finnoises, parmi lesquelles figure un seul état finnois ayant Un nom historique, le royaume de Grande Bulgarie ou Bulgarie Blanche, sur le Volga. Les différentes tribus slaves de toute cette région arrivèrent dans l'espace de cinquante ans (862-912) à se réunir à des degrés différents, et elles formèrent un état qui reçut le nom de Russie, à cause de ses chefs Scandinaves. Les tribus qui étaient tributaires des Khazars furent affranchies (vers 966). Finalement, l'état russe se trouva comprendre une certaine étendue de pays finnois sur le haut Volga et ses tributaires; et dans la direction du nord, il parvint presque jusqu'au lac Biélo. Le centre du nouvel état fut d'abord Novgorod, et plus tard Kief, sur le Dniéper. Lia Russie des Varègues devient slave et chrétienne (957-1054). Son étendue. — C'est à 1 partir du prince Sviatoslas , dont nous avons déjà vu le nom à propos de la Bulgarie danubienne, que les chefs Scandinaves devinrent eux mêmes réellement slaves (957-972). Les entreprises des Busses avaient déjà pris la direction qu'elles devaient avoir à une époque bien postérieure. Il était nécessaire au développement de la nouvelle nation russe d'avoir libre accès au Pont-Euxin ; et par une destinée étrange, les Busses s'en trouvèrent séparés pendant un espace de plus de
1. Voir pages
384
et
58S.
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L'EUROPE DU NORD-EST DU IX° AU XIII" SIÈCLE.
deux cents ans. Mais, dès l'origine, ils firent plus d'une tentative sur Constanlinople, bien que, pour atteindre Tsargrad, la ville impériale, il leur fallût descendre à la voile le cours du Dniéper à travers une région ennemie. Sviatoslas apparaît également comme un conquérant dans les pays du Caucase et de la Caspienne, et le premier prince chrétien, Vladimir (980-1015), trouva la voie qui devait le conduire au baptême en allant attaquer la ville impériale de Cherson (988). L'ancienne Russie était donc, comme l'ancienne Pologne, un état intérieur ; mais elle était bien' plus isolée que la Pologne. Sa situation ecclésiastique l'empêcha de partager la destinée des Slaves occidentaux. Sa situation géographique l'empêcha de partager la destinée des Serbes et des Rulgares. En outre, il ne faut pas oublier que l'ancienne Russie se composait principalement de pays qui passèrent plus tard sous la domination de la Pologne et de la Lithuanie. La Petite-Russie, la Russie Noire, la Russie Blanche, la Russie Rouge, passèrent toutes sous la domination étrangère. Le Dniéper, dont la Russie se trouva séparée dans la suite, était le grand fleuve central de l'ancienne Russie ; quant au Don et au Volga, elle n'en comprenait que le cours supérieur. La frontière septentrionale de cette Russie touchait à peine les grands lacs Ladoga et Onéga, et même le golfe de Finlande. Elle semble n'avoir pas atteint cet autre golfe qui devait être le golfe de Riga, mais quelques-uns d'entre les princes russes exercèrent une certaine suprématie sur les tribus finnoises et lettones de cette région. lies principautés et les républiques russes (1054-1186). — Dans le cours du onzième siècle, l'état russe, de même que l'état polonais, fut partagé entré des membres de la famille régnante, reconnaissant la suprématie du grand prince de Kief. Au siècle suivant, cette suprématie passa de Kief à la Vladimir du nord, sur la Kiazma (1169). L'ancien pays finnois de Sousdal, sur les hauts tributaires du Volga, devint ainsi le berceau du second état russe. D'un autre côté, Novgorod la Grande, gouvernée par des princes électifs,
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SOI
prétendait,'ainsi que sa voisine Pskof, s'ériger en république. Elle étendit sa domination assez loin sur les tribus finnoises du nord et de l'est. La mer Blanche et, ce qui était bien plus important, le golfe de Finlande, eurent alors un littoral russe. C'était de Vladimir et de Novgorod que devait sortir plus tard une nouvelle Russie. Une masse d'autres principautés s'élevèrent en outre sur la Duna et sur le Dniéper ; Polotsk, Smolensk, Novgorod-en-Sévérie, Tchernigofet autres. Tout à fait à l'est, la république de Viatka prit naissance (1174). Sur les frontières de la Pologne et de la Hongrie s'éleva la principauté de Halicz ou, de Galicie, qui devint plus tard et pendant quelque temps un puissant royaume. Russes et Cumans au douzième siècle. — L'invasion mongole au treizième siècle.—Au douzième siècle, les Petchénègues et les Khazars, ces anciens ennemis des Russes sur les bords du Pont-Euxin, firent place aux Cumans, qui sont connus dans l'histoire russe sous les noms de Polovtsi et de Parthi (1114). Ces nouveaux envahisseurs se répandirent depuis le fleuve Oural jusqu'aux frontières de la Servie et de la Bulgarie danubienne, et séparèrent la Bussie de la Caspienne au commencement du siècle suivant. Busses et Cumans, momentanément alliés, furent écrasés (1225) par .les Mongols, généralement désignés dans les histoires européennes sous le nom de Tartares. Tandis que, dans les pays situés plus à l'ouest, les Mongols se firent seulement connaître par leurs ravages, ils devinrent les maîtres de la Russie pendant un espace de deux cent cinquante ans ; tous les pays russes qui ne furent pas pris par les Lithuaniens devinrent tributaires de ces nouveaux envahisseurs touraniens. La Russie d'ailleurs, dans cette nouvelle situation, ne fut jamais que tributaire; elle ne fut jamais incorporée à la domination mongole, comme la Servie et la Rulgarie le furent à la domination ottomane. Mais Kief fut saccagée; Vladimir devint dépendante; Novgorod resta le représentant de la Russie libre dans les pays de la Raltique.
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Les races anciennes des bords de la Baltique. — A côté des Slaves de Pologne et de'Russie, nous avons également à parler des races anciennes qui les séparaient de la Baltique. Jusqu'au milieu du douzième siècle, à part des occupations polonaises ou Scandinaves tout à fait accidentelles, ces races conservèrent le littoral de la Baltique situé au nord-est de l'embouchure de la. Yistule. Les Finnois, race non-aryenne répandue au nord du golfe de Finlande, occupaient en outre au sud de ce golfe les côtes d'Esthonie et de Livonie, cette dernière dépassant un peu la Duna et comprenant une petite bande de la péninsule opposée. La partie intérieure de ce qui fut plus tard la Livonie était occupée par la branche la plus septentrionale des premiers émigrants aryens, les Lettes. A la même famille appartenaient les tribus de Courtaude, dans la péninsule de ce nom, celles de Semigola ou Semigalie, les Samaïtes de Samogiiie ; plus bas, les Lithuaniens proprement dits, et enfin les Iatvagues, Ialwingi, formant une bordure lithuanienne entre les pays slaves de Mazovie et de Russie noire. Les Lithuaniens proprement dits atteignaient le littoral juste au nord du Niémen ; depuis l'embouchure de ce fleuve jusqu'à celle de la Vistule, la côte était occupée par les Prussiens. De toutes ces nations, aryennes et non-aryennes, les Lithuaniens parvinrent seuls, dans les temps historiques, à fonder une domination nationale; quant aux autres, leur histoire est simplement celle de leur asservissement, et quel quefois de leur disparition. Les pays de la Baltique vers le milieu du douzième siècle. — Si nous voulons embrasser d'une façon générale la situation des pays de la Baltique vers le milieu du douzième siècle, nous voyons d'abord les trois royaumes Scandinaves, les premiers états complètement formés dans ces régions, pleins de vie et de force, mais avec des frontières changeantes. Les colonies qu'ils ont fondées à l'ouest de la Scandinavie sont toujours Scandinaves ; et ils
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n'ont encore fait que des entreprises isolées et temporaires à l'est et au sud de la Baltique. Les nations slaves de l'Elbe moyenne sont tombées sous la domination germanique ; au sud, la Bohême et ses dépendances conservent leur nationalité slave sous la domination allemande. La Pologne, souvent divisée et cessant d'être conquérante, conserve ses frontières, et elle reste toujours le seul état slave indépendant, appartenant à l'Église catholique. La Bussie, le grand état slave de l'est, après avoir acquis l'unité et la grandeur sous ses maîtres Scandinaves, s'est de nouveau divisée en plusieurs principautés reliées les unes aux autres par des liens bien faibles. La soumission de la Russie à de nouvelles hordes de barbares vient seulement après l'époque que nous avons prise pour cette vue d'ensemble ; toutefois, l'affaiblissement de la Russie, dû à sa division et à son assujettissement, est un élément essentiel dans l'état de choses qui va commencer. Cet état de choses consistera dans l'extension de la domination teutonique, allemande aussi bien que Scandinave, sur les côtes méridionales et orientales de la Baltique ; beaucoup aux dépens des Slaves, encore plus aux dépens des nations primitives, aryennes et non-aryennes.
��CHAPITRE II
L'EUROPE DU NORD-EST DU XIII0 AU XVIe SIÈCLE
1
Vues générales sur cette période. — Dans la première moitié du douzième siècle, aucun état teutonique, allemand ou Scandinave, n'avait encore occupé d'une façon durable aucune partie de la côte orientale de la Baltique, ou fait des progrès bien considérables sur la côte méridionale de cette mer. Au commencement du quatorzième siècle, toutes ces côtes étaient soumises, à des degrés différents, à plusieurs états teutoniques, allemands ou Scandinaves. L'influence germanique est celle des deux qui a été la plus durable. La domination Scandinave a maintenant complètement disparu de ces rivages, et c'est seulement dans les pays situés au nord du golfe de Finlande qu'elle peut passer pour avoir été réellement durable. La domination germanique, au contraire, a eu pour effet de détruire, d'assimiler ou de subjuguer tous les peuples primitifs qui s'étendaient depuis la Wagrie jusqu'à l'Esthonie. Actuellement, toute la côte, depuis l'île de Rûgen jusqu'au fond du golfe de Botlinie, est en la possession de deux états dont
1- Voir pour ce chapitré les cartes 5i à 59
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L'EUROPE DU NORD-EST DU XIII» AU XVI» SIÈCLE.
l'un est germanique et l'autre slave. Cependant, l'influence des Allemands persiste encore là où ils ne sont plus maîtres. Non seulement la Poméranie et la Prusse sont devenues allemandes à tous les points de vue, mais la Courlande, la Livonie et YEsthonie, actuellement sous la domination de la Russie, sont néanmoins toujours désignées comme provinces allemandes. Cette grande transformation fut le résultat assez singulier d'expéditions mercantiles et religieuses. La première de ces expéditions eut lieu à l'est du golfe de Bothnie, dans la Finlande proprement dite, dont le roi suédois saint Éric entreprit la conquête et la conversion (1155). Dans l'espace d'environ un siècle, une grande province fut ajoutée au royaume de Suède, province dont la limite orientale changea considérablement, mais dont la plus grande partie resta suédoise jusqu'au siècle actuel. Au sud du golfe de Finlande il y eut des changements de possession à l'infini. La domination suédoise dans cette région ne fut établie d'une façon durable que plus tard ; l'occupation danoise, quoique plus longue, ne fut cependant que temporaire. Peu de temps après la conquête suédoise de la Finlande, commencèrent les entreprises mercantiles des Allemands ; et cinquante ans plus tard la Livonie et les contrées voisines étaient conquises et converties par eux. Il en résulta qu'aucun état indigène ne put se développer sur ces côtes. Même à l'époque de sa grandeur, la Lithuanie était séparée de la mer, et certaines" tendances à reconnaître la suprématie russe ne purent se convertir en une domination russe effective. Après la conquête de la Livonie par les chevaliers porte-glaive, eut lieu la conquête de la Prusse par les chevaliers teutoniques, et les deux ordres n'en firent plus ensuite qu'un. Plus à l'ouest, la dernière partie du douzième siècle et le commencement du treizième virent Une extension considérable de la puissance danoise sur des pays allemands et slaves, mais cette domination fut tout à fait éphémère.
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Pendant que la possession des côtes change ainsi de mains, les rapports des royaumes Scandinaves les uns avec les autres varient constamment : la Pologne ne cesse de perdre du terrain à l'ouest, surtout après sa connexion avec la Lithuanie, mais elle en gagne toujours à l'est. Enfin, à côté de princes et d'ordres souverains, cette période est marquée par l'apparition de la grande ligue commerciale allemande. La Hanse ne devint pas strictement une puissance territoriale ; elle exerça néanmoins une très grande influence sur tous ses voisins
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LES ÉTATS SCANDINAVES
L<a Scandinavie proprement dite (13321530). — Dans les véritables pays Scandinaves, le principal changement strictement géographique eut lieu au quatorzième siècle, lorsque les pays danois de la péninsule septentrionale, Ilalland, Scanie, etc., passèrent pour un certain temps à la Suède (1552-1560). A la fin du quatorzième siècle, l'Union de Calmar donna aux trois royaumes un même souverain tout en les laissant des états séparés (1596). Mais cette union ne fut jamais solidement établie; il y eut toutes sortes d'arrangements à l'égard des trois couronnes pendant le quinzième siècle, et un état de choses durable commença seulement au seizième siècle, après la rupture finale de l'union. A partir de l'année 1520, la Suède sous la maison de Vasa, le Dane mark et là Norvège sous la maison d'Oldenbourg, formèrent deux états distincts. lies colonies norvégiennes dans les pays océaniques. — Si nous considérons pendant cette période
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les relations plus éloignées des trois royaumes, nous voyons que la domination Scandinave recule progressivement dans les régions océaniques. L'union de Y Islande et du Groenland avec la Norvège (1261-1262) fut l'union de pays Scandinaves à un autre pays Scandinave. Mais le Groënland, le plus éloigné de tous ces pays, disparaît de l'histoire à peu près à l'époque de l'union de Calmar. t De môme, si nous passons aux établissements Scandinaves des îles Britanniques1, nous voyons que les Ostmende l'Irlande se sont fondus dans la masse des colons teutoniques venus d'Angleterre en Irlande ; que les îles Hébrides furent réunies à l'Ecosse (1264), et que Man passa sous la suprématie de l'Ecosse et ensuite de l'Angleterre. Les îles Orcades et Shetland furent données en gage à la couronne d'Ecosse (1469); et sans avoir jamais été formellement cédées, elles sont devenues partie intégrante du royaume de la GrandeBretagne. Conquêtes de la, Suède et du Danemark à l'est de la Baltique (1218-1583).—Pendant le treizième siècle, la domination suédoise fit des progrès à l'est du golfe de Bothnie. Des essais de conquête en Russie et en Esthonie n'eurent pas de résultat, mais la Finlande et la Care'lie furent complètement soumises, et la domination suédoise s'étendit jusqu'au lac Ladoga (1248-1295). Les Danois s'établirent en Esthonie (1218), et ils conservèrent cette conquête jusqu'en 1546, année où elle passa aux chevaliers teutoniques. Leur domination commença plus tôt au sud de la Baltique, et finit également plus tôt ; au commencement du treizième siècle elle semblait en voie de devenir prépondérante sur toutes les côtes de la Baltique. Conquêtes du Danemark au sud de la Baltique (1168-1438). — Au douzième siècle, les pays dont se compose le Holstein moderne, au sud de TEider, étaient répartis entre trois groupes d'habitants, deux de race
li Voir page S79.
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leutonique et un de.race slave. A l'ouest, se trouvait le pays frison des Ditmarses, restés libres ; au centre, le&j)ays des Saxons au delà de l'Elbe, — le Holsœtân ou Holsiein — et le Slormarn, immédiatement sur l'Elbe; à l'est, sur la Baltique, le pays slave de Wagrie, qui au commencement du douzième siècle faisait partie du royaume de Sclavinie. Ce royaume de Sclavinie s'étendait depuis le port de Kicl jusqu'aux îles situées à l'embouchure de l'Oder. Le Danemark commença à s'agrandir dans tous ces pays durant la dernière moitié du douzième siècle. De 1168 à 1189, il conquit toute la Sclavinie; et la Pome'ranie, jusqu'à la Riddow, reconnut pour le moins sa suprématie1. Les conquêtes danoises, faites principalement sur des Slaves, continuent ainsi la série des établissements Scandinaves qui s'implantèrent accidentellement sur ces côtes depuis le dixième siècle jusqu'au dix-neuvième. Mais à un autre point de vue, les progrès du christianisme et la ruine du principal centre de l'idolâtrie slave dans l'île de Rûgen continuent l'œuvre"des ducs saxons. Dans les premières années du treizième siècle, le Danemark commença à occuper une partie du territoire germanique. Le Holsiein et même la ville de Lubeck furent conquis ; des prétentions furent élevées sur le pays libre des Ditmarses, et toutes ces conquêtes furent confirmées par l'empereur Frédéric II en 1214 2. Les rois danois prirent alors le titre de Rois des Slaves et ensuite des Vandales ou Wendes. Mais cette domination s'écroula bien vite (1225-1227) après
1. Les tribus poméraniennes de cette région s'étaient détachées de la Pologne après la mort de Boleslas I" (1025); elles furent rendues de nouveau tributaires par le roi de Pologne Boleslas Ùï, et elles se convertirent au christianisme (1124-1127). Leurs princes indigènes passèrent bientôt de la suzeraineté polonaise sous celle de Henri le Lion, puis furent reconnus ducs et princes d'empire (1181). C'est après cette époque qu'elles passèrent au Danemark. (Note du ' traducteur.) 2. Ce document, daté de Metz, l'an 1214, se trouve dans YHisioria Diplomalïca Frederici secunâi, 1, 5i7. On y trouve comme une cession complète de tous les droits impériaux sur les pays germaniques et slaves conquis par Valdemar. (Note de l'auteur.)
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la captivité du roi danois Waldemar. L'Eider fut de nouveau la frontière, et le Danemark conserva seulement un fragment éloigné de son empire slave ; l'île de Rûgen et la côte avoisinante restèrent en sa possession, nominalement jusqu'en 1438, réellement jusqu'en 1525 Formation des duchés de Sleswig et de Holstein. — Leurs rapports avec le Danemark et avec l'empire (1233-158©). — D'autres changements tendirent à rapprocher plus intimement les uns des autres les pays situés de chaque côté de l'Eider. La partie méridionale de la péninsule danoise, depuis l'Eider jusqu'à l'Aa, devint un fief distinct de la couronne de Danemark, tenu par un prince danois, et portant le nom de duché de Sud-Jutland —Jutie ou Sunder-Jutie (1232). Au siècle suivant, ce duché est donné au comte de Holstein avec la promesse qu'il ne sera jamais réuni à la couronne de Danemark (1525). A partir de ce moment, le Sud-Jutland commence à être appelé duché de Sleswig. Cependant, bien que le duché et le comté dépendissent d'un seul prince, le premier restait fief du Danemark, le second fief de l'empire. Le duché de Sleswig fut plusieurs fois réuni à la couronne danoise, et ensuite de nouveau concédé. En l'année 1424, alors que cette union existait, Sigismond, roi des Romains, reconnut expressément le Sleswig comme pays danois. Le duché fut ensuite de nouveau concédé (1459), et sa séparation perpétuelle aurait été confirmée par Christian Ier (1448). Cependant ce même Christian, déjà roi des trois royaumes Scandinaves, fut élu dans la suite duc de Sleswig et comte de Holstein (1460). L'élection était accompagnée d'une déclaration stipulant que les deux principautés ne seraient jamais séparées, quoique l'une fût tenue de l'empire et l'autre de la couronne danoise. En 1474, toujours sous le règne de Christian Ier, l'empereur créa un duché de Holstein, qui se composa des
1. Ce fut en effet le duc poméranien de Wolgast qui hérita de tous ces pays après la mort de leur dernier prince slave (1525). (Note du traducteur.)
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comtés de Holstein et de Stormarn réunis au pays libre des Ditmarses. Mais les possessions du nouveau duc ne s'étendaient pas d'une façon continue d'une mer à l'autre. Bien que le don eût été renouvelé par l'empereur, les Ditmarses restèrent libres; et d'un autre côté, à l'est, quelques districts de l'ancienne Wagrie formèrent l'évêché de Lubeck. Quoi qu'il en soit, on vit alors pour la première fois le même prince régner avec le triple caractère de roi de Danemark, duc du fief danois de Sleswig, et duc du fief impérial de Holstein. Dans les partages qui eurent ensuite lieu entre les lignes royale et ducale de la maison d'Oldenbourg (1580), les rois de Danemark et les ducs de Gottorp eurent en même temps des possessions dans les deux duchés, sans avoir égard à la frontière de l'Eider. En outre, les Ditmarses perdirent leur liberté (1559), et cette ancienne partie de la Frise alla grossir la part royale du duché de Holstein.
II
PROGRÈS DE LA DOMINATION ALLEMANDE DANS LES PAYS DE LA BALTIQUE
Les provinces occidentales de la Pologne passent au royaume germanique (1 SS^-l 33?). — Après la perte de Rûgen, le Danemark n'eut presque pas de rapports avec les pays slaves, si ce n'est toutes les fois que la possession du Holstein était accompagnée de celle de l'ancien pays slave de Wagrie. Néanmoins, l'extension du Danemark à la fin du douzième siècle eut une influence durable sur les pays slaves, en ébranlant fortement la domination polonaise sur la Baltique. Entre le douzième siècle et le quatorzième, la Pologne perdit en effet toutes ses possessions occiden-
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taies; mais ce fut au profit de l'Allemagne et non pas de la Scandinavie. La Poméranie (Pomore, Pommern) formait le littoral des Slaves léoliites. Elle comprenait strictement le pays qui s'étend entre les bouches de la Yistule et celles de l'Oder, mais le nom de Poméranie s'était ensuite étendu un peu à l'ouest de l'Oder. Après la chute de la domination danoise sur ce littoral1, la Poméranie située à l'ouest de la Riddow fut complètement détachée de la Pologne. Sous le nom de duché de Slavie elle devint, ainsi que le Mecklenbourg, un territoire de l'empire gouverné par des princes slaves. Mais la partie orientale de la Poméranie, celle qui comprenait la Cassubie et la marche de Gdansk ou Dantzig, resta sous la suzeraineté de la Pologne jusqu'au commencement du quatorzième siècle (1505); une partie passa alors pour toujours au duché poméranien de Wolgast; une autre partie, la Pomérélie1, passa ensuite pour quelque temps à l'ordre teutonique (1511-1466). Au sud, après quelques vicissitudes, Barnim et Cuslrin passèrent à la marche de Brandebourg (1220-1260). Plus au sud, la Silésie, partagée entre des princes de la maison de Piast, tomba progressivement sous la suprématie de la Bohème (1289-1527). Toute la partie occidentale du royaume de Pologne passa ainsi aux mains de princes de l'empire et fut comprise dans les limites du royaume germanique. Histoire de la Bohême (1197-1537). — Ce changement en Silésie nous ramène à l'histoire du pays slave intérieur des Tchèques. Le duché de Bohême*, devenu ensuite un royaume, était gouverné par des princes indigènes, vassaux de l'empire ; la Moravie était un de ses fiefs. La Bohême finit par avoir des rois d'origine allemande, mais auparavant elle devint le centre d'une domination qui rap1. Voir plus haut, page 509. 2. Voir page 516. 5. Vratislas, qui régna de 1061 à 1092, est dit le premier roi de Bohême, mais sa dignité royale fut simplement personnelle. La série de rois commence seulement à Ottocar I", qui régna de 1197 à 1230. (Note de l'auteur.)
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pelle les empires éphémères de Samo et de Sviatopluk. Ottocar II (1269-1278) réunit les branches de la race slave séparées depuis longtemps en annexant les pays germaniques qui se trouvaient placés entre elles. Maître de la Bohême, de la Moravie, de l'Autriche, de la Styrie, de la Carinthie et de la Carniole, le roi tchèque régna sur le haut Oder et 1 le Danube moyen jusqu'à l'Adriatique . Les mêmes pays devaient être de nouveau réunis dans la suite, mais cette réunion devait se faire en sens inverse. Les successeurs d'Ottocar régnèrent seulement sur la Bohême et la Moravie. Au ' commencement du treizième siècle, la couronne de Bohême passa à la maison de Luxembourg (1508), sous laquelle la Bohême devint un puissant état, mais un état devenant de plus en plus allemand et de moins en moins slave. L'extension progressive de la suprématie de la Bohême sur la Silésie amena son incorporation formelle (1555). Dans ce même siècle, la Lusace, haute et basse, fut acquise aux dépens du Brandebourg (1520-1570). La marche dé Brandebourg devint elle-même, momentanément, une possession de la Bohème (1575-1417), avant qu'elle passât aux burgraves de Nuremberg ; quant à la possession du haut Palatinat par la Bohême (1555), elle sort du cadre des pays slaves. Au milieu des révolutions du quinzième siècle, nous voyons la couronne de Bohème réunie un moment à celle de Hongrie, et pendant quelque temps à celle de Pologne; à la fin du même siècle, les victoires de Mathias Gorvin enlevèrent la Moravie, la Silésie et la Lusace à la couronne de Bohême (1478-1490). Finalement, la quadruple possession de la Bohême, Moravie, Silésie et Lusace passa à la maison d'Autriche (1527). laquelle en perdit plus tard les parties septentrionale et orientale, d'abord au profit de la Saxe (Lusace, 1655), et ensuite à celui du Brandebourg ou Prusse (Silésie, 1740).
1. Voir page 515.
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L<a Ligue hanséatique ou Hanse teutonique (1158-1385). Nous venons de voii' les progrès qu'avaient faits sur la côte méridionale de la Baltique et sur la région slave intérieure .les royaumes Scandinaves d'une part, et d'autre part les princes de l'empire. Il nous reste à .parler des deux autres formes sous lesquelles s'exercèrent l'influence et la domination teutoniques : les ligues commerciales 'et les ordres militaires ou religieux. La Ligue hanséatiqne fut vraiment une puissance politique dans ces régions; cependant, c'est à peine si elle occupe une place sur la carte. Des comptoirs allemands existaient déjà à Novgorod, dans l'île de Gottland et à Londres avant la seconde fondation de Lubeck par Henri le Lion (1158). Progressivement, dans le cours des treizième et quatorzième siècles, la ligue des villes commerçantes de l'illemagne s'étendit sur le littoral de la Baltique, sur les pays westphaliens et néerlandais. Des liens étroits unirent spécialement les cinq villes wendes de Lubeck, Rostock, Wismar, Stralsuncl et Greifswald. Cependant, la situation politique d'une ville n'était pas nécessairement affectée par son entrée dans la ligue, car elle pouvait, au moins dans les dernières années de la ligue, être une ville libre de l'empire, ou bien une ville sujette de quelque prince appartenant ou n'appartenant pas à l'empire. Non seulement les villes poméraniennes et"prussiennes, qui obéissaient aux chevaliers teutoniques, faisaient partie de la ligue, mais celle-ci comprenait encore la ville esthonienne de Revel, qui dépendait du Danemark. La Ligue hanséatique avait ses guerres, concluait des traités, renversait et rétablissait des rois, selon qu'il convenait à ses intérêts, mais la domination territoriale n'était pas son objectif. Cependant, dans quelques cas, elle eut des privilèges qui finirent par se convertir en une sorte de domination; dans d'autres cas cette domination pouvait résulter d'une occupation militaire un peu prolongée. Ainsi, dans l'île de Gottland, la Hanse avait une influence considérable qui disparut lors de la conquête de l'île par le roi danois "Waldemar (1561); elle
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s'en vengea par une occupation temporaire de la Scanie (1368-1385); En réalité, la nature de la ligue, les rapports géographiques aussi bien que politiques des villes les unes avec les autres firent que la Hanse ne devint jamais une puissance territoriale comme la Suisse et les Provinces-Unies. Dans l'histoire des pays de la Baltique, elle a pendant quelques siècles une position au moins équivalente à celle de n'importe quel royaume; mais c'est seulement par hasard, et accidentellement, que ses succès sont susceptibles de figurer sur la carte. Les chevaliers Porte-glaive et l'Ordre teutonique (1201-1466). — L'autre grande corporation germanique n'était pas commerciale, mais militaire et religieuse. Les conquêtes de l'Ordre du Christ et de l'Ordre de Sainte-Marie, — mieux connus sous le nom de Porte-glaive et d'Ordre leutonique, —furent essentiellement territoriales. Ces ordres devinrent maîtres d'une grande partie du littoral de la Baltique; et partout où ils étendirent leur domination, le christianisme et la vie germanique s'implantèrent de toutes manières. Comme les chefs de l'Ordre teutonique et les prélats livoniens avaient rang de .princes dans l'empire, les conquêtes des chevaliers étaient en quelque sorte une extension des limites de l'empire. Cependant il est difficile de donner à la Livonie et à la Prusse une place géographique dans l'empire, analogue à celle de la Poméranie et de la Silésie. Mais qu'elles fussent ou non une extension réelle de l'empire d'Occident, les conquêtes des chevaliers n'en étaient pas moins une extension de l'église d'Occident, du monde occidental et de la vie germanique aux dépens de l'idolâtrie et du christianisme oriental, au détriment de toutes les nationalités baltiques, aryennes ou non-aryennes. Le premier établissement des chevaliers Porte-glaive eut lieu en Livonie (1201). Appelés par Albert, évêque de Biga, ils devinrent progressivement maîtres des pays situés sur le golfe qui reçut le nom de golfe de Biga. Ils furent un
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moment associés avec les Danois, qui occupèrent une partie de l'Esthonie. Mais le reste de l'Esthonie, la Livonie, dans le sens étroit de ce mot, la Courlande, la Sémiyalie, le pays des Lettes proprement dits et le territoire russe sur la Duna composèrent cette domination livonienne, qui s'augmenta ensuite des îles de Dago et Oesel (1226), et en 1346 de l'Esthonie danoise. Riga et Revel devinrent de grandes cités commerçantes, et Riga eût en outre rang de métropole ecclésiastique sous un prince-archevêque. Les indigènes de cette région furent réduits en esclavage, et les états russes de Novgorod et de Polotsk furent en réalité séparés de la mer. La domination des chevaliers de Sainte-Marie ou Ordre teutonique, en Prusse et dans une petite partie de la Lithuanie, commença un peu plus tard que celle des Porte-glaive en Livonie. Appelés par un prince polonais, Conrad de Mazovie, ils reçurent de lui leur première possession polonaise, le palatinât âeCulm (1226). Onze ans plus tard, les deux ordres de Prusse et de Livonie furent réunis (1237). Leur domination fit alors des progrès. L'acquisition de la Ponie're'lie, cette partie orientale de l'ancienne Pomore qui était située immédiatement à l'ouest de la basse Vistule, sépara la Pologne de la mer1 (1511). Plus tard dans le même siècle, la Lithuanie en fut séparée à son tour par la cession de la Samogilie aux chevaliers (1405). L'île de Gottland fut aussi momentanément occupée par les chevaliers (1598-1408), et la nouvelle marche2 de Brandebourg leur fut donnée en gage par le roi Sigismond (1402). Toute la côte, depuis Narva, sur le golfe de Finlande, jusqu'au point où le littoral poméranien se dirige au sud-ouest, appartint sans interruption à l'Ordre teutonique.
1. Les princes de la Pomérélie s'étaient également reconnus vassaux des Margraves de Brandebourg. Après la mort du dernier prince indigène (1295), sa succession fut vivement disputée entre la Pologne, le Brandebourg et les Teutoniques; elle finit par rester à ces derniers (1511). (Note du traducteur.) 2. Comprenant le pays au delà de l'Oder, des deux côtés de Custrin et du cours inférieur de la Warta. (Note du traducteur.)
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Des deux sièges de l'Ordre, celui du nord fut le plus fort et le plus durable. La Livonie resta intacte longtemps après que la Pologne eut repris aux chevaliers prussiens le territoire qu'elle avait perdu. La bataille de Tannenberg rendit la Samogitie à la Lithuanie (1410), et les possessions de l'Ordre en Livonie et en Prusse furent de nouveau séparées. Le traité de Thorn (1466) porta un coup terrible à sa domination en Prusse. Culm et la Pomérélie furent alors rendues à la Pologne, ainsi que les villes de Dantzig et de Thorn. ' Une grande partie de la Prusse proprement dite, l'évêchô d'Ermeland, fut ajoutée à la Pologne1; le reste de la Prusse fut laissé à l'Ordre à titre de fief vassal de la Pologne.
III
LITHUANIE ET POLOGNE. — FORMATION DE L'ÉTAT PO LO NO- LITHUANIEN
Conquêtes de la Lithuanie (1320-1363)
Le treizième siècle fut tout spécialement l'époque où la domination teutonique s'étendit sur les pays de la Baltique. Ce fut aussi l'époque où l'idolâtrie fit place au christianisme dans presque tous ceux de ces pays où elle existait encore. Cependant, tandis que les anciennes croyances et les anciennes races disparaissaient, une d'entre elles se maintint pendant un certain temps sous la forme d'un état indépendant et conquérant, et qui fut le dernier état païen de l'Europe. Pendant que leurs congénères et leurs voisins tombaient tous sous le joug, les Lithuaniens proprement dits se montraient les plus redoutables des conquérants dans les pays
1. Toutes ces acquisitions, la Pomérélie, l'évêché d'Ermeland ou VVarmie, etc., formèrent la Prusse polonaise ou royale, ou Prusse occidentale. (Note du traducteur.)
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qui s'étendent, de la Baltique à l'Euxin. Sous leur prince Mendog, ils commencèrent à s'avancer au delà de leur propre pays situé sur le Niémen, et cela aux dépens des pays russes situés au sud (vers 1220). Mendog embrassa le christianisme et fut couronné roi de Lithuanie (1252) ; son royaume s'étendait depuis la Duna jusqu'au delà du Priepetz. L'idolâtrie cependant reprit le dessus, et le siècle suivant vit la; grande extension de l'empire lithuanien, la domination momentanée de l'ancienne idolâtrie aryenne sur la chrétienté: et sur l'islam. Sous deux princes conquérants, Gedymin (1515-1540) et Olgerd (1345-1577), de nouvelles conquêtes furent faites dans les pays russes environnants. L'état lithuanien s'étendit aux dépens de Novgorod, de Smolensk et de la Galicie, et sa frontière fut portée au delà de la Duna et du Dniéper. Kief devint une ville lithuanienne ; la Volhynie et la Podolie devinrent un terrain disputé entre la Lithuanie et la Pologne. Ces dernières conquêtes portèrent la frontière lithuanienne au delà du Dniester, et amenèrent des rapports tout à fait nouveaux entre les états du Pont-Euxin. Par la conquête des Tartares de Pérékop (1365), la Lithuanie atteignit jusqu'à 1 l'Euxin. . Consolidation et agrandissements de la Pologne (1295-1370). — Pendant ce temps la Pologne, qui était devenue une collection de duchés sous un chef nominal, s'était de nouveau changée en un royaume compact et puissant (1295-1520). La partie occidentale avait passé en grande partie aux mains de princes germaniques, et l'Ordre teutonique l'avait séparé tout à fait de la mer" (1311). La Mazovie et la Cujavie restèrent des duchés séparés; mais la Grande et la Petite Pologne restèrent fermement unies et purent étendre leurs frontières dans la direction de l'est. Casimir le Grand (1355-1570) annexa la Podlachie, le pays des Iatvagues; lors du démembrement du royaume de Galii. Voir page 516.
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cie, il incorpora la Russie rouge .comme étant une ancienne, possession polonaise (1540). Mais, lorsque Louis le Grand devint souverain commun de la Hongrie et de la Pologne, comme la Russie rouge1 avait été également une ancienne possession de la Hongrie, il l'annexa à son royaume méridional (1577). Union de la Pologne et de la Lithuanie (1386). Leurs conquêtes (1393-15©1). — Les deux états dont nous venons ainsi de tracer le développement devaient avec le temps n'en plus former qu'un seul. Le prince lithuanien Jagellon devint, par son mariage et par sa conversion, roi chrétien de Pologne (1580). La Russie rouge fit définitivement retour à la Pologne après la renonciation formelle du roi de Hongrie, Sigismond de Luxembourg (1592). La Moldavie commença à alterner pour son hommage entre la Hongrie et la Pologne ; enfin, une partie de la Hongrie proprement dite, le comté de Zips, fut donnée en gage à la couronne de Pologne (1412). Les duchés polonais arrivèrent à faire de nouveau partie du royaume : la Cujavie au commencement du quinzième siècle (1401), et certaines parties de la Mazovie dans le courant du môme siècle. La Lithuanie, rattachée à la chrétienté occidentale, conserva une existence indépendante2 avec ses grands-ducs qui appartenaient à la famille royale, et elle fut ainsi le rival de l'Islam et de la chrétienté orientale1. Sous Witold (15921450), elle fit des progrès plus considérables que jamais aux dépens dos pays russes. Smolensk et toute la Sévérie3 devinrent lithuaniennes; Kief se trouva placée au cœur du grand-duché; Moscou ne semblait guère éloignée de ses frontières. Au quinzième siècle cependant, la Lithuanie perdit sa possession de Pérékop sur l'Euxin (1474). Au commencement du seizième siècle, la Pologne et la
1. Voir page 452. 2. Le roi Jagellon donna la Lithuanie à son cousin Witold à la condition de' l'hommage (1592). (Note du traducteur.) 5. La région qui comprend Tchernigof, Novgorod-Séverski. (Note du traducteur.)
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Lithuanie, tout en restant des états séparés, n'eurent plus iju'un même souverain (1501). Mais vers cette époque, un nouvel état de choses avait déjà commencé dans les pays situés sur la Duna et le Dnieper.
IV
FORMATION DE LA RUSSIE MODERNE
li'empire de la Horde d'Or et les principautés russes. — Pendant le temps où nous voyons les ordres militaires s'établir ainsi sur la côte de la Baltique, et l'état polono-lithuanien réaliser déjà des progrès importants à leur, détriment, une nouvelle Russie était en pleine voie de développement derrière eux tous. Privé de tous rapports avec l'Europe occidentale, sauf avec ses voisins immédiats de l'ouest, séparé de son centre ecclésiastique par les progrès de la domination musulmane, le nouvel état de Moscou se recueillait afin de prendre dans la suite une place plus considérable que celle qui avait été tenue par l'ancien état de Kief. La conquête mongole avait mis les principautés russes dans une situation presque analogue à celle où se trouvèrent les pays du sud-est de l'Europe avant d'être absorbés définitivement par l'empire ottoman. Les princes de Russie dépendirent de la domination tartare du Kiptchak ou d-3 la Horde d'Or; celle-ci commençait au nord-est du Dniester, et comprenait uneinfinité de pays barbares s'étendantjusqu'a, cours inférieur de l'Iénisséi. Le centre de cette dominatior était la ville de Saraï, située sur le cours inférieur du Volga et capitale de la Horde d'Or. Novgorod elle-même, sous son grand prince Alexandre Newski, rendit hommage au Khan (1252-1265). Mais ce lien
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de dépendance ne modifia pas les frontières géographiques de la Russie, comme cela eut lieu du .côté de l'ouest après les conquêtes lithuaniennes. Le centre russe à l'époque de la conquête mongole était la Vladimir du nord. Vers la fin du treizième siècle, Moskva, sur la rivière du même nom, acquit de l'importance; et au commencement du siècle suivant (vers 1528), elle devint le centre de la vie russe. De Moskva ou Moscou vient l'ancien nom de Moscovie, qui exprime historiquement le développement du second état russe. La Moscovie fut à la Russie ce que la France primitive fut à la totalité du pays qui devait porter ce nom. Ce fut autour de Moscou comme centre que les principautés russes séparées se groupèrent; ce fut de Moscou comme centre que les pays qui avaient été perdus pour la Russie furent recouvrés. Vialka, Pskof, Tver et Riazan formèrent comme Novgorod des états séparés. La désunion, et la dépendance durèrent jusque vers la fin du quinzième siècle. Mais la domination tartare avait déjà commencé à s'affaiblir avant la fin du quatorzième, et l'invasion de Timour, tout en aggravant momentanément la sujétion de la Russie, amena la dissolution de l'empire des anciens Khans.
• Démembrement de l'empire tartare et affranchissement de la Moscovie au quinzième siècle.
— Dans le courant du quinzième siècle, le grand empire de la Horde d'Or se divisa en un certain nombre de petits khanats. Le khanat de Crimée, — l'ancienne Ghersonése Tau^ rique, — s'étendit non seulement sur la péninsule de ce nom, mais encore à l'intérieur des terres, où il comprenait notamment la plus grande partie du cours du Don. Le khanat de Kazan supplanta l'ancien royaume de Bulgarie Blanche sur le Volga (1458). En s'éloignant vers l'est, il y avait le khanat de Sibérie sur le cours inférieur de l'Obi. La Horde d'Or proprement dite était représentée par le khanat d'Astrakan sur le bas Volga, et sa capitale était située à l'embôiiT dutre de ce fleuve. ": '
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L'élat moscovite était voisin immédiat des khanats de Crimée et de Kazan. Après s'être complètement affranchi de la Grande Horde (1480), le tzar russe, Ivan le Grand, plaça, sept ans plus tard, un prince tributaire sur le trône de Kazan, et se donna à lui-même le titre de prince ,de Bulgarie (1487). Les khans de Crimée passèrent sous la dépendance des sultans ottomans à peu près à cette époque, et ce fut à cause d'eux que commença la longue rivalité de la Russie et de la Turquie en Europe. Mais avant de devenir ainsi un état indépendant, la Moscovie avait déjà fait de grands progrès en Russie. Novgorod la Grande, la seule rivale de Moscou en Russie, commença par perdre ses possessions septentrionales; plus tard, elle fit elle-même partie de la domination moscovite (1470). La république de Viatka eut le même sort (1478), puis la principauté de Tver (1493), ainsi que quelques petits apanages de la maison de Moscou. Après toutes ces annexions, celles de Pskof et de Pdazan étaient seulement une question de temps, et elles eurent lieu sous le règne suivant, celui de Basile Ivanovitch (1505-1555). Des trois conditions qui étaient nécessaires au développement complet de la nouvelle Russie, deux étaient réalisées, l'unité et l'indépendance; il ne restait plus qu'à recouvrer les pays russes qui avaient été perdus, et la chose avait déjà reçu un commencement d'exécution. Les pays de la Baltique à la fin du quinzième siècle. Ainsi, à la fin du quinzième siècle, cinq états occupaient le littoral de la Baltique. La Suède occupait toute la côte occidentale à partir de la frontière danoise, .ainsi que les deux rives du golfe de Bothnie et celles du golfe de Finlande. Le Danemark occupait le reste de la côte occidentale et l'île de Gottland. La Pologne et la Lithuanie n'avaient qu'une très petite étendue de côtes en comparaison de leur superficie intérieure; en effet, la Pologne avait seulement le littoral de la Pomérélie et celui de la partie de la Prusse qu'elle venait d'enlever aux chevaliers teutoniques, et la Lithuanie touchait à peine la mer entre la Prusse et la
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Courlande. À l'ouest du littoral polonais se trouvaient la Poméranie et le Mecklenbourg, pays qui étaient alors germanisés ; au nord-est de ce littoral s'étendaient les possessions de Y Ordre teutonique, vassales de la Pologne dans leur partie prussienne, indépendantes dans leur partie septentrionale. La presque totalité du littoral de la Baltique appartenait ainsi à des états teutoniques, les états slaves continuant à être principalement des états intérieurs. La frontière polonaise du côté de l'empire avait, été reculée jusqu'à la limite qu'elle garda jusqu'à la chute de la Pologne. La Poméranie, la Silésie, une grande partie de la marche de Brandebourg, s'étaient détachées du royaume de Pologne. D'un autre côté, ce royaume et son confédéré, la Lithuanie, après s'être prodigieusement agrandis du côté de l'est aux dépens de la Russie divisée et dépendante, avaient commencé à reculer devant la Russie redevenue une et indépendante. La Bohême, agrandie de la Silésie et de la Lusace, faisait partie du monde germanique.
��CHAPITRE III
L'EUROPE DU NORD-EST APRÈS LE XVe SIÈCLE1
I
EXTENSION DE LA SUÈDE ET DE LA ET XVII" SIÈCLES RUSSIE AUX XVI-
Résultats généraux des XW, XVIIe, xi'iu-" et XIXe siècles. Les changements accomplis pendant les quatre derniers siècles dans cette partie de l'Europe qui nous occupe ont abouti à ceci : la domination Scandi-
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nave, après des progrès considérables mais temporaires, a été complètement rejetée à l'ouest de la Baltique ; presque toute la côte orientale a passé à la Russie; toute la côte méridionale est devenue germanique. Ces changements comprennent la disparition de l'Ordre militaire germanique ; puis celle de la Pologne et de la Lithuanie. Le dernier de ces changements comprend lui-même le développement de la Russie et la création de la Prusse dans le sens moderne,
1. Voir pour ce chapitre les cartes §9 à 6i, et la carte 75 pour les annexions de la Russie en dehors de l'Europe.
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L'EUROPE DU NORD-EST APRÈS LE XV» SIÈCLE.
lequel diffère si étrangement du sens primitif. Ces deus états, la Prusse et la Russie, sont ceux qui ont contribué à l'affaiblissement de la Suède et du Danemark; ce sont eux également qui ont absorbé la Pologne et la Lithuanie, et en cela ils eurent un troisième confédéré, l'Autriche. Cependant le rôle que joua l'Autriche dans le renversement de la Pologne fut en quelque sorte accidentel, tandis que l'existence d'un état comme la Pologne et la Lithuanie, à la fin du quinzième ou même du dix-septième siècle, était incompatible avec l'existence de la Russie ou de la Prusse comme grandes puissances européennes. La période que nous allons maintenant parcourir comprend la première phase de cette transformation. La Russie s'agrandit; la Prusse dans le sens moderne prend naissance. Mais la Suède est encore celui de tous les états qui fait le plus de progrès ; et si le Danemark recule, c'est devant la puissance de la Suède. La Hanse et les chevaliers teutoniques disparaissent ; la Suède reste l'état dominant dans les pays de la Baltique. Scission de l'Ordre teutonique (1515). — Duché de Prusse (1535-1647). Le seizième siècle vit tomber les deux branches de l'Ordre teutonique, et l'une d'elles donna naissance à la Prusse moderne. La branche livonienne commença par avoir un maître indépendant {1515), et les deux branches de l'Ordre teutonique se trouvèrent ainsi séparées. Peu de temps après cette séparation, le grand-maître prussien, Albert de Brandebourg, de chef d'un ordre religieux catholique qu'il était, devint un prince luthérien temporel, et posséda le duché de Prusse à titre de fief héréditaire, vassal de la Pologne (1525). Ce duché devait être absorbé tôt ou tard par le royaume qui l'enfermait de toutes parts, ou bien alors sortir de ses limites géographiques. Lorsque le duché de Prusse et la marche de Brandebourg passèrent aux mains d'un seul et môme prince (1611-1618), lorsque ensuite les posssessions de ce prince furent augmentées
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par l'union du Brandebourg et de là Poméranie1 (1648), la seconde de ces solutions ne fut plus qu'une question de temps. Le premier pas fut fait lorsque le duché eut été relevé de toute dépendance à l'égard de la Pologne (1656). La Prusse devint alors un état distinct, essentiellement germanique, quoique toujours situé en dehors dés limites de l'empire. Démembrement de l'Ordre livonien. — Acquisitions de la Suède, du Danemark et de la Pologne (1558-1583). — Les droits de l'empire, qui avaient subi une atteinte réelle lorsque la Prusse passa sous le vasselage de la Pologne, en subirent une autre par suite de la désagrégation de la branche septentrionale de l'Ordre teutonique (1558-1561). Le gouvernement des chevaliers livoniens ne survécut ainsi que quarante années à la sécularisation du duché prussien ; comme cela était arrivé en Prusse, une partie de leur territoire, la Gourlande et la Se'migalie, resta aux mains du maître livonien Godhard Kettler à titre de duché héréditaire sous la mouvance de la Pologne, tandis que les autres parties furent partagées entre les principaux états de la Baltique. 11 y eut pendant un court espace de temps un royaume de Livonie sous le prince danois Magnus ; finalement, le Danemark acquit les îles de Dago et d'OEsel, ses dernières conquêtes à l'est de la Baltique. La Suède s'avança au sud du golfe de Finlande et prit la plus grande partie de YEslhonie. La Livonie septentrionale échut à la Russie, la partie méridionale à la Pologne. Enfin en 1582 toute la Livonie devint une possession polonaise. Après cette acquisition de la Livonie, et l'établissement de sa suzeraineté sur la Prusse et la Courlande, l'état polonolithuanien posséda la plus grande partie du littoral de la Baltique qu'il ait jamais eué. En outre, l'union de Lublin
1. Voir page 207.
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(1569) avait resserré plus étroitement que jamais les liens du royaume et du grand-duché. Russie et Pologne (1487-1686). — Cependant, longtemps avant cette époque, la frontière orientale de la Lithuanie avait commencé à reculer, et cela au profit de la Russie. Un état régénéré, comme était la Russie à la fin du quinzième siècle, doit nécessairement s'agrandir à moins qu'il ne - trouve devant lui des obstacles insurmontables. C'était en outre pour le nouvel état russe une question d'existence. Il n'avait d'autre littoral que celui de la mer Blanche ; il ne détenait l'embouchure d'aucun des grands fleuves qui le traversaient, si ce n'est celle de la Dwina septentrionale, cours d'eau situé complètement en dehors de la vie européenne. Les possessions de la Suède, de la Lithuanie et des chevaliers teutoniques séparaient la Russie de la Baltique et de l'Europe centrale. Au sud et à l'est, elle était séparée de l'Euxin, de la Caspienne et des bouches du Don et du Volga par les états barbares qui représentaient ses anciens maîtres. La Russie se trouvait ainsi poussée à s'agrandir, èt cela dans plusieurs directions. Elle avait à reconquérir ses provinces perdues; elle devait, pour devenir un état réellement européen, se frayer un chemin jusqu'à la Baltique et jusqu'à l'Euxin. En outre, sa position lui imposait presque l'obligation d'arriver jusqu'à la Caspienne, et rendait inévitable l'extension de sa puissance sur les pays barbares situés au nord-est. Dè tous ces divers buts, l'accès à la mer Noire fut le plus tard atteint. Les premiers efforts portèrent sur les pays qui faisaient autrefois partie de la Russie; ils commencèrent dès la fin du quinzième siècle pour se prolonger pendant les seizième, dix-septième et dix-huitième. Ainsi, aU seizième siècle, la Russie s'étendit à l'est aux dépens de la puissance mongole alors affaiblie; elle s'étendit également du côté de la Baltique, mais cette extension fut tout à fait temporaire et ne devait devenir durable qu'au commencement du dix-huitième. Mais la Russie était établie sur la Caspienne depuis plus de deux siècles, elle était devenue
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un état baltique depuis plus de deux générations, qu'elle n'avait pas encore reparu sur le premier théâtre de ses entreprises maritimes1. C'est sous le règne d'Ivan le Grand (1462-1505) que commença la conquête des pays russes qui avaient été pris par la Lithuanie. Ce prince s'empara de la Sévérie avec Tchernigof et Novgorod-Se'verski, et d'une partie du territoire de Smolensk. Sous Basile (1505-1538), Smolensk elle-même fut prise (1514) ; et sous Ivan le Terrible (1533-1584), Polotsk redevint également russe (1563). Les choses tournèrent ensuite tout différemment pendant quelque temps. La Russie commença par perdre, les territoires qu'elle avait récemment acquis en Livonie. Smolensk passa de nouveau à la Pologne (1582) ; il y eut même une conquête temporaire de la Russie indépendante par la Pologne (1606), et un prince polonais occupa le trône de Moscou. Lorsqu'il revint à l'existence, l'état moscovite se trouva dépouillé d'une grande partie de son territoire national. Smolensk, Tchernigof et la plus grande partie des conquêtes lithuaniennes au delà du Dniéper furent de nouveau cédées à l'état polono-lithuanien (1618). Mais les Russes reprirent l'avantage au milieu du dix-septième siècle, et le traité d'Andraszovo (1667) rendit à la Russie la plupart des pays qu'elle avait cédés cinquante ans auparavant. Vers la fin du même siècle, la Russie fit un léger progrès à l'ouest du Dniéper, où elle recouvra notamment son ancienne capitale, Kief (1686), et la Pologne finit par renoncer en faveur de la Russie à toute suprématie sur les Cosaques de l'Ukraine, entre le Bug et le bas Dniéper. Cependant, sauf cette exception, la Pologne-Lithuanie gardait toujours tous les pays russes situés au sud de la Duna et à l'ouest du Dniéper, avec quelques districts situés au delà de ces deux fleuves. D'un autre côté, la Russie ne fut pas le seul étal au profit
1. Voir pages 595 et 50O.
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duquel la frontière sud-est de la Pologne recula. Les Ottomans lui enlevèrent Kamienetz et toute la Podolie, dernière province qu'ils aient conquise sur un état chrétien dans cette région1 (1672-1676). La Pologne, d'ailleurs, recula encore pendant cette période sur d'autres points. Ce fut également pendant les seizième et dix-septième siècles que la Suède acquit une grande puissance, contemporaine de celle de la Russie. Mais, tandis que l'état moscovile combattait pour recouvrer des territoires qui étaient siens, ou pour s'avancer dans des directions qui étaient nécessaires à sa grandeur nationale et même presque nécessaires à sou existence, la Suède victorieuse arrivait à dépasser presque partout ses véritables limites. De là vient sans aucun doute que les progrès de la Russie ont été durables, tandis que ceux de la Suède ont été temporaires. La Suède a perdu finalement toutes ses conquêtes, sauf quelques-unes qui amélioraient sa position dans sa propre péninsule. Agrandissements de la Suède (1558-1658). — Pertes du Danemark. Nous avons vu que VEsthonie devint suédoise après la chute de l'Ordre livonien. Il y eut à la suite de cette conquête des changements de frontière continuels entre la Suède et la Russie. Sous le règne de Gustave-Adolphe, et pendapt une période que nous pouvons presque regarder comme la continuation de ce règne, c'est-à-dire de 1611 à 1660, la Suède fit des progrès, non-seulement dans sa propre péninsule et sur la côte orientale de la Baltique, mais elle prit pied en Allemagne d'une façon toute nouvelle, à la fois sur la Baltique et sur l'Océan. Une longue période où la guerre et la paix se succédèrent alternativement (1576-1617), période pendant laquelle Novgorod la Grande passa momentanément aux mains des Suédois, se termina pour la Russie et la Suède par la paix de Stalbova (1617). Les possessions suédoises comprirent
1. Voir page 465.
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alors la Carelie e-t VIngrie et séparèrent complètement la Russie de la Baltique et de ses golfes. De pareils progrès devaient inévitablement en amener d'autres, mais ceux-là aux dépens d'un autre ennemi. La Suéde enleva en effet Riga et la plus grande partie de la • Livonie à la Pologne (1621-1625) ; les îles àeDago et d'OEsel, cédées par le Danemark (1645), vinrent compléter ses conquêtes dans cette région. Cette dernière acquisition, bien qu'elle fût reliée géographiquement aux conquêtes de la Suède faites aux dépens de la Russie et de la Pologne, se rattachait, politiquement, aux progrès également considérables faits par la Suède aux dépens de l'état Scandinave rival, celui que formaient les royaumesunis de Danemark et de Norvège. Outre ses deux îles orientales, le Danemark perdit momentanément celle de Bom1 holm , et pour toujours File de Gottland, ainsi que les provinces norvégiennes de Jàmteland et de Hertjedalen, situées à l'est de la chaîne de montagnes (1645). Le traité de Roskild (1658) agrandit encore davantage la Suède aux dépens de la Norvège; celle-ci se trouva coupée en deux par la cession du Brontheimlan, et elle perdit ainsi son ancienne métropole, Drontheim. La Suède arriva alors jusqu'à l'Océan ; elle acquit en outre le Bohuslàn, province méridionale de la Norvège, et par-dessus tout les anciennes possessions danoises dans la péninsule septentrionale (Halland, Scanie et Blékingie), qui comprenaient l'ancienne métropole de Lund. Ici se place l'application de ce que nous avons dit. En s'annexant Drontheim, la Suède avait dépassé ses limites, et elle rendit cette conquête deux ans après. Il en fut autrement du Bohuslàn, de la Scanie et de celles de ses autres conquêtes qui semblaient compléter ses frontières naturelles; elles sont restées suédoises jusqu'à ce jour. La position que la Suède avait prise depuis 1648 dans l'Europe centrale rendait encore plus nécessaire pour elle
1. Conquise par la Suède (1645), rendue au Danemark (1645), cédée à la Suède (1658), mais reprise la même année. (Note de l'auteur.)
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l'acquisition des possessions orientales du Danemark. Eu effet, le traité de Westphalie lui avait laissé sur les côtes méridionales de la Baltique l'île de Rùgen et la Poméranie occidentale, et lui avait donné les évêchés de Brème et de Verden sur l'Océan. Néanmoins, toutes ces acquisitions n'augmentaient pas strictement le royaume de Suède, car elles restaient des fiefs de l'empire, possédés par le roi de Suède. Les territoires allemands sur l'Océan ne restèrent que très peu de temps à la Suède; une partie de ceux qui étaient sur la Baltique continuèrent à lui appartenir jusque dans le siècle actuel. Les duchés de Sleswig-H olstein et le Danemark (1675-1700). — Le traité de Roskild, qui diminuait l'étendue des royaumes de Danemark et de Norvège dans la péninsule du nord, marque également une époque dans l'histoire controversée des duchés de Sleswig et de Holstein. Le roi de Danemark renonça à toute souveraineté sur les parties des deux duchés appartenant à la maison de Gottorp (1658). Si le roi, en vertu de cette cession, abandonnait jusqu'à sa suzeraineté féodale sur les districts gottorpiens du Sleswig, il ne pouvait toutefois aliéner en aucune façon les droits de l'empire sur le Holstein. Toujours est-il que cette souveraineté, sans nous occuper de sa valeur exacte, flotta entre le duc et le roi dans les vingt-cinq dernières années du siècle (1675-1700). En outre, pendant cette période, la couronne de Danemark fit l'acquisition (1678) des duchés éloignés d'Oldenbourg et de Delmenhorst, lesquels contre-balançaient la prise de possession par la Suède des évèchés de Brème et de Verden. Les états riverains de la Baltique après la paix d'Oliva (1660). —La paix d'Oliva (1660), qui termina toute une série de guerres et de traités, fixa pour quelque temps les limites respectives des différents états de la Baltique. Celles que la Suède reçut dans la péninsule du nord sont restées telles jusqu'au siècle actuel. Le Danemark se trouva, à l'exception du seul poste avancé de Bornholm, séparé de
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la Baltique proprement dite, c'est-à-dire de la Baltique sans les mers étroites qui y donnent accès. L'étendue de la Pologne fut fixée jusqu'aux partages du dix-huitième siècle. La Russie restait séparée de la Baltique, et la Suède conservait accès sur l'Océan, mais cet état de choses ne devait durer ni pour l'une ni pour l'autre de ces deux puissances. Toujours est-il qu'après la paix d'Oliva, la Suède était maîtresse de toute la côte occidentale et de la plus grande partie de la côte orientale de la Baltique, et qu'elle conservait sur la côte méridionale de cette mer et sur l'Océan des; possessions de moindre importance. Les côtes est et sud de la Baltique qui n'appartenaient pas à la Suède comprenaient le fief polonais de Courlande, la Poméranie orientale et la Prusse réunies sous un même prince, l'électeur de Brandebourg, — devenu depuis peu indépendant dans son duché oriental — et enfin une petite bande de littoral qui continuait toujours à appartenir à la Pologne, mais qui, placée entre les deux états du prince prussien, devait être pour lui une proie bien tentante. Agrandissements de la Russie du côté de l'est (1552-1706). — Nous avons vu que la Russie était le seul état européen qui pût conquérir et coloniser par terre des régions barbares1. Ses premières conquêtes sur les barbares étaient absolument nécessaires à son existence. Entre les premiers agrandissements de Novgorod et les dernières conquêtes de la Russie dans le Turkestan, il est difficile d'établir une ligne de démarcation bien rigoureuse. Cependant, celles de ces conquêtes qui furent faites immédiatement après l'affranchissement du joug des Tartares marquent une grande époque. Les petits khanats, qui remplacèrent l'empire de la Horde d'Or après son démembrement, séparaient toujours la Russie de l'Euxin et de la Caspienne. Les deux khanats de Kazan et, d'Astrakan sur le Volga furent complètement soumis
1. Voir page 4SI.
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(1552-1554) par Ivan le Terrible, et la mer Caspienne se trouva ainsi atteinte. Mais les khans de Crimée restaient de dangereux ennemis pour la Russie, à laquelle ils interdisaient l'accès de la mer Noire ; un progrès fut réalisé dans cette direction lorsque la suprématie russe fut reconnue par les Cosaques du Don (1577). La domination russe s'étendit ensuite du côté de l'est; en 1581, elle s'agrandit de Tobolsk, capitale du khanat de Sibérie, et pendant le siècle qui suivit elle absorba progressivement l'immense étendue de l'Asie septentrionale (1592-1706).
II
AFFAIBLISSEMENT DE LA SUÈDE ET CHUTE DE LA POLOGNE AU XVIII' SIÈCLE. — PRÉPONDÉRANCE DE LA PRUSSE ET DE LA RUSSIE.
Royaume de Prusse et Empire de Russie. —
Nous avons vu dans la dernière section comment la Suède et la Russie s'agrandirent toutes deux aux dépens de la Pologne, et comment la Suède s'agrandit en outre aux dépens du Danemark. Nous avons vu également les commencements d'un état que nous continuons toujours à désigner sous le nom de Rrandebourg plutôt que sous celui de Prusse. Dans la présente section, consacrée à l'œuvre du dix-huitième siècle, nous allons avoir à tracer l'extension de ce dernier état, qui va prendre d'une façon bien déterminée le nom de Prusse, et qu'il nous faudra considérer dans ce nouveau caractère. La période que nous allons parcourir est marquée par l'affaiblissement de la Suède et par la disparition complète de la Pologne et de la Lithuanie, changements dont la Russie et la Prusse ont été, quoique à des degrés différents, les principaux auteurs.
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Au commencement du dix-huitième siècle, la Prusse devient un royaume (1701), et ce fait était l'indice d'un progrès, bien qu'il ne fût accompagné d'aucune augmentation immédiate de territoire. Un peu plus tard, le. monarque russe, déjà empereur dans sa propre langue1, s'approprie d'une façon plus nette le style impérial en s'intitulant empereur de toutes les Russies (1721) ; ce, qui pouvait passer pour une revendication des pays russes toujours occupés par la Pologne : la Russie Blanche, la Russie Noire et la Russie Rouge. Suède, Russie et Prusse (1700-1743). — Mais avant de recouvrer tous ces pays, il importait à la Russie de briser,la barrière que la Suède mettait toujours entre elle et la Baltique. La chose faite, la Russie se trouva bien, dans une légère mesure, rentrer en possession d'un territoire qui lui avait autrefois appartenu; mais c'était en réalité une position toute nouvelle qu'elle acquérait. Les guerres de Charles XII et de Pierre Ier (1700-1721) firent de la Bussie un grand état baltique ; et dès le commencement de la lutte, le tsar éleva un grand trophée en l'honneur de sa victoire, en fondant sa nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg, sur un sol qui venait d'être enlevé à la Suède (1705). Le traité de Nystadf confirma à la Russie la possession de la Livonie suédoise, de YEsilwnie, de YIngrie, d'une partie de la Care'lie et d'une petite partie de la Finlande proprement dite (1721). Une autre guerre, terminée par le traité d'Àbo, donna à la Russie une autre petite partie de la Finlande (1741-1745). Ce fut à la môme époque que la Suède perdit une partie de ses possessions éloignées. Les duchés de Brème et de Verden passèrent d'abord au Danemark (1712), et plus tard au Hanovre (1719); le Brandebourg acquit de son côté une
1. Il ne fait aucun cloute que le titre de czar, ou plutôt tzar, porté par les princes russes et aussi par ceux de Servie et de Bulgarie dans les premiers temps, ne soit simplement une contraction de Gaesar. Au traité de Carlowitz-, Pierre le Grand est désigné comme tzar de contrées innombrables, mais il ne porte pas le titre A'Imperator, qui est donné au sultan. {Note de l'auteur.)
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partie de la Poméranie suédoise (1720). La Suède perdit ainsi Stettin, mais elle garda Stralsund, Wolgast et Rùgen. Danemark et Sleswig Holstein (1713-1773). T— Le Danemark, après avoir occupé temporairement les duchés de Brème et de Verden, fît la conquêle des districts gottorpiens du Sleswig et du Holstein (1715-1715). La possession de tout le Sleswig lui fut garantie par l'Angleterre et la France, mais la partie du Holstein qui appartenait au duc de Gottorp fut rendue à celui-ci à titre de fief impérial. Plus tard, lorsque la maison de Gottorp monta sur le trône de Russie, sa part dans le Holstein fut cédée au Danemark en échange d'Oldenbourg et de Delmenhorst, qui passèrent à une autre branche de la même maison (1767-1775). Premier partage de la Pologne (1773). — Les trois partages de la Pologne qui eurent lieu dans la dernière partie du dix-huitième siècle rendirent à la Russie la presque totalité des pays qui lui avaient été enlevés par les ducs de Lithuanie. Le premier partage, qui eut lieu en 1772, donna à la Russie la Livonie polonaise et tous les pays que la Pologne gardait encore au delà de la Duna et du Dniéper. La plus grande partie de la Russie Blanche se trouva ainsi reconquise. Le même partage donna à la maison de Hohenzollern son grand complément territorial, en unissant le royaume de Prusse avec le Brandebourg et la Poméranie, auxquelles était venue s'adjoindre récemment la Silésie. Les provinces polonaises ainsi cédées comprenaient la Prusse occidentale1 — moins la ville de Dantzig, qui restait une possession isolée de la Pologne, — avec quelques parties de la Grande Pologne et de la Cujavie, qui formèrent le District de la Netze. La part de l'Autriche dans ce partage forma le nouveau royaume de Galicie et Lodomérie^. Ce royaume rappelait en quelque sorte les conquêtes de Louis le Grand; mais tandis qu'il ne comprenait pas toute la Russie Rouge, il comprenait
1. Voir la note de la page 517. 2. Voir pages 526 et 452.
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une partie de la Podolie et les territoires de la Petite Pologne situés au sud de la Vistule, ce qui faisait de Cracovie une ville frontière. -L'Autriche acquit ainsi une partie de l'ancien territoire russe, et elle l'a toujours conservée depuis presque en totalité. Second partage de la Pologne (±'793). — Quoique ainsi mutilée de toutes parts, la Pologne gardait néanmoins une étendue de territoire considérable. Le second partage, accompli par la Russie et la Prusse seulement, devait amener immanquablement la destruction finale. Le reste de la Podolie et de Y Ukraine1, ainsi qu'une partie de la Volhynie et de la Podlasie3, formèrent le lot de la Russie, qui l'entra ainsi en possession de la Petite Russie et de la Russie Blanche, et qui occupa en outre une partie de l'ancien duché de Lithuanie. La Prusse prit à peu près tout ce qui restait de l'état polonais primitif. Les villes de Dantzig et de Thorn furent incorporées à la Prusse occidentale. Le reste' de la Grande Pologne et de la Cujavie, ainsi qu'une partie de la Mazovie, formèrent la Prusse méridionale de la nouvelle nomenclature. Les villes de Gnesen, Posen, Kalish et Plock cessèrent ainsi d'être polonaises. Le nouvel état polonais comprit seulement la plus grande partie de la Petite Pologne, une partie de la Mazovie, la plus grande partie de l'ancienne Lithuanie avec le fragment de territoire russe qui y tenait encore, et au nord, la Samogitie et le fief de Courlande. Troisième partage de la Pologne (1795). — La destruction finale de la Pologne eut lieu deux ans après ; et, dans ce troisième partage, l'Autriche s'associa à la Russie et à la Prusse. La Russie prit toute la Lithuanie située à l'est du Niémen, y compris Vilna, capitale du grand-duché; la Courlande, la Samogitie et ce qui restait à la Pologne des provinces méridionales de l'ancienne Russie devinrent également russes.
1. Voir page 529. 2. Province de l'ancien grand-duché de Lithuanie. (Note du traducteur )
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L'Autriche prit Cracovie et presque tout ce qui restait de la Petite Pologne, ainsi qu'une partie de la Mazovie; toutes ces acquisitions formèrent la Nouvelle-Galicie. La Prusse prit un petit fragment de la Petite Pologne pour améliorer les frontières de la Prusse méridionale et de la Silésie. Varsovie, capitale de la Pologne, et une partie de la Mazovie furent incorporées à la Prusse méridionale. Enfin une nouvelle province prussienne, appelée Nouvelle-PrusseOrientale, fut formée avec la majeure partie de la Mazovie et de la Podlachie, et quelques cantons lithuaniens situés à l'ouest du Niémen jusqu'à Grodno exclusivement. Les noms de Pologne et de Lithuanie furent complètement effacés de la carte européenne. 11 est important de remarquer que pas un de ces trois partages ne donnait à la Russie une partie quelconque du royaume des Piasts. La Russie ne fit que reprendre le territoire russe qui avait été longtemps auparavant conquis par la Lithuanie ; elle s'annexa en outre la plus grande partie de la Lithuanie et les pays situés immédiatement au nord. L'ancien royaume de Pologne fut partagé entre la Prusse et l'Autriche, et le berceau même de la Pologne forma le lot de la Prusse. La Grande Pologne, la Silésie, la Poméranie, pays qui avaient été groupés autrefois sous la monarchie polonaise, se trouvèrent ainsi successivement de nouveau réunis, et faisant corps avec l'état qui avait débuté par être la marche de Brandebourg. D'un autre côté, le reste de la Chrobatie du Nord échut à l'Autriche ou Hongrie, sept cents ans après l'époque où elle avait acquis sa partie méridionale, et il en fut de même de ce territoire russe qui, deux fois déjà avant cette époque, avait été annexé au royaume magyar Agrandissements de la Russie en Europe et en Asie au dix-huitième siècle. — La Russie fit encore au dix-huitième siècle, et dans d'autres régions, des
1. La Russie rouge, annexée à la Hongrie en 1185 et en 1377. (Note du traducteur.)'
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progrès presque équivalents. De môme que les derniers Sarrasins d'Espagne se maintinrent pendant plus de deux cents ans sur le littoral de la Méditerranée, de môme les Tartares de Crimée séparèrent aussi longtemps les Russes de la mer Noire. Pierre le Grand arriva jusqu'à l'un des golfes de cette mer par la prise d'Azof. Mais cette nouvelle conquête fut seulement temporaire (1696-1711); au contraire, soixante-treize ans après, le khanat de Crimée (Tauride) fut déclaré indépendant de la Turquie (1774), et un peu plus tard il fut incorporé à la Russie (1783). L'œuvre à laquelle les Mégariens et les Génois avaient travaillé était maintenant accomplie; la côte septentrionale du Pont-Euxin 1 était désormais acquise à l'Europe . La route par laquelle tant de nations touraniennes avaient envahi le continent aryen fut barrée pour toujours. Quelques années plus tard, eut lieu la conquête du Jedisan sur les Turcs, ce qui porta la frontière russe du Bug au Dniester (1791). Les conquêtes russes en Asie prirent au dix-huitième siècle une forme étrange, et elles portèrent la Bussie au delà de la mer Caspienne. Les Busses et les Turcs s'associèrent pour démembrer la Perse, et pendant quelques années (1727-1734), la Russie occupa la côte méridionale de ce grand lac, les pays de Daghestan, Gnilan, et Mazanderan. Un peu plus tard, l'ancien royaume chrétien de Géorgie passa sous la suprématie de la Russie (1785); et c'était pour elle le gage de nombreuses conquêtes sur les deux versants du Caucase. Enfin, presque à la même époque où le premier pas était fait vers l'acquisition de la Crimée, la domination russe s'étendait sur les hordes des Kirghiz répandues à l'est du fleuve Oural (1775), et elle arrivait ainsi sur la côte orientale de la Caspienne, jusqu'à la mer d'Aral et jusqu'au lac Balkhash.
1. On doit regretter cependant que les anciens noms qui ont été remis en usage dans ces régions aient été si souvent appliqués à tort. Ainsi, la nouvelle ville de Sébastopol répond à l'ancienne Clierson, tandis que la nouvelle Chcrson est ailleurs. La nouvelle Odessa n'a rien à faire avec l'ancienne Odêssos, et il en est de même dans beaucoup d'autres cas. (Mote de l'auteur.)
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Les pays de la Baltique à la fin du dix-huitième siècle. — Ainsi, vers la fin du dix-huitième siècle, la Suède avait perdu une notable partie de sa puissance, et les territoires qu'elle possédait à l'est de la Baltique au commencement du seizième étaient bien amoindris. Le Danemark s'était agrandi au sud clans la région des duchés ; tout le Sleswig était devenu la propriété de la couronne de Danemark ; le Holstein était un fief impérial possédé par le roi de cet. état. La Pologne avait disparu, et l'Autriche, cet état anormal qui s'était formé sur le cours moyen du Danube, et dont les princes portaient toujours la couronne de l'empire, s'était avancée jusqu'au cœur de l'ancien territoire polonais. Le nouveau royaume de Prusse était l'état qui avait le plus gagné à la suppression de la Pologne. Si certaines de ses annexions devaient durer seulement quelques années, son littoral sur la Baltique était devenu parfaitement continu, et il resta toujours tel. Mais la Prusse et l'Autriche, en réunissant leurs efforts pour faire disparaître l'état central de cette région, s'étaient donné elles-mêmes un voisin plus puissant dans la Bussic. A la fin du dix-huitième siècle, la Russie a complètement cessé d'être un état purement intérieur, et intermédiaire entre l'Europe et l'Asie. Elle est revenue, après tant de siècles, à son ancienne situation, et de plus, elle a maintenant accès à la fois sur la Baltique et sur la mer Noire. Les pays qu'elle a recouvrés sur la Duna et sur le Dniéper, ceux qu'elle a conquis nouvellement sur le Niémen, la font arriver au eœurde l'Europe, et elle a fait également le premier pas qui devait la conduire au cœur de l'Asie; enfin, elle a commencé à prendre possession de la région montagneuse qui s'étend entre la mer Noire et la mer Caspienne.
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5.4:1
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HISTOIRE CONTEMPORAINE DES ÉTATS DU NORD-EST'
Conséquences de la disparition de l'empire d'Allemagne. — La géographie politique de l'Europe du Nord-Est ne fut modifiée par les guerres de la Révolution française qu'après la disparition de l'empire d'Allemagne (1806). La frontière de l'Allemagne et du Danemark était à cette époque la môme qu'au temps de Charlemagne, « Eidora romani terminus imperii », avec cette différence toutefois que le monarque danois régnait maintenant au sud du fleuve frontière avec le caractère de prince de l'empire. La chute de l'empire mit fin à cet état de choses, et le duché de Holstein fut incorporé au royaume de Danemark (1806). De môme, la partie de la Poméranie qui appartenait au roi de Suède, à titre de fief impérial, fut incorporée au royaume de Suède. Grand-Duché de Finlande (1809). —Peu de temps après, le traité de Friederikskamm termina la dernière guerre entre la Suède et la Russie. La Suède perdit tout ce qu'elle possédait à l'est du golfe de Bothnie, et la Tornéa devint la limite des deux états (1809); elle perdit en outre les îles d'Aland. Tous ces pays passèrent à l'empereur de Russie et formèrent une province séparée et privilégiée sous le nom de grand-duché de Finlande. La Suède se trouva ainsi réduite à son propre littoral sur la Baltique, tandis que la Russie devint maîtresse de toute la côte orientale à partir de la frontière prussienne. Changements dans les royaumes Scandinaves
1. Voir également pour cette section les cartes SI et 52.
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(1814-1815). — Les traités de 1814-1815 ne changèrent rien à ces derniers arrangements. Ils décrétèrent la séparation de la Norvège d'avec le Danemark et son union avec la Suède, mais de telle façon que les royaumes de Suède et de Norvège n'eussent plus qu'un seul roi, tout en restant indépendants. Le Danemark eut comme compensation, pour parler le langage diplomatique, une parcelle de son ancien royaume slave, Rùgen et la Poméranie suédoise ; c'étaient là pour lui des possessions éloignées, qu'il échangea ensuite avec la Prusse pour le Lauenbourg, c'est-à-dire le duché qui représentait l'ancienne Saxe1. Le Danemark conserva l'Islande ; mais l'île frisonne à'IIéligoland, située en face le Sleswig, passa à l'Angleterre. Le roi de Suède et de Norvège se trouva ainsi régner sur la totalité de la péninsule Scandinave du nord, et ne rien posséder dans celle du sud; — les royaumes Scandinaves n'avaient pas subi de changements aussi importants depuis l'union de Calmar. Sleswig, Holstein et Lauenbourg (18641866). — Le roi de Danemark resta donc souverain indépendant du Danemark, de l'Islande et du Sleswig,, et il entra en outre dans la confédération germanique pour ses duchés de Holstein et de Lauenbourg. Malgré bien des luttes et des contestations, aucun changement géographique n'eut lieu avant la guerre qui suivit l'avènement du roi actuel. Nous avons déjà vu quels ont été ces changements 2; ils ont abouti récemment à l'acquisition faite par la Prusse (1864-1866) du Lauenbourg, du Holstein et du Sleswig, avec de légères modifications dans la délimitation de ces pays et dans la distribution des petites îles. Un engagement conditionnel de rendre le Sleswig septentrional au Danemark ne fut pas exécuté, et a été ensuite formellement annulé.
1. Voir page 205. 2. Voir page 227.
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Démembrement de la Prusse (1806-18 !i7). Duché de Varsovie (ISO7-1815). — Le résultat immédiat des guerres avec la France, dans les pays qui avaient été la Pologne et la Lithuanie, fut la création d'un nouvel état polonais ; leur résultat final fut une grande extension de la domination russe. La Prusse dut restituer en 1806 tout ce qu'elle avait acquis de l'ancien territoire polonais, sauf la Prusse occidentale. Le petit district lithuanien de Bialystoclc fut donné à la Russie; Dantzig forma une république séparée; le reste des acquisitions de la Prusse dans les partages de la Pologne forma le Duché de Varsovie. Ce nouvel état représentait assez bien la Pologne telle qu'elle était dans le principe; la Silésie n'en faisait pas partie il est vrai, mais la Grande Pologne et la Cujaviey figuraient en totalité, et il comprenait en outre un peu de la Petite Pologne, de la Mazovie et de la Lithuanie. Il renfermait Gnesen, la plus ancienne capitale de la Pologne, et Varsovie, la plus récente. Le duché de Varsovie s'agrandit ensuite de ce qui avait fait la part de l'Autriche dans le troisième partage ; Cracovie et la plus grande partie de la Petite Pologne furent ainsi réunies de nouveau à la Grande Pologne. D'une façon générale, le duché comprenait la presque totalité du royaume de Pologne primitif, la Silésie en moins, et quelques petits territoires lithuaniens et russes en plus. Grand-Duché de Posen.—République de Cracovie (1815-1846). — Royaume de Pologne (1815-1863). — Les arrangements du Congrès de Vienne commencèrent par donner un souverain russe à ce nouvel état polonais, état qui répondait beaucoup plus à la Pologne du quatorzième siècle qu'à celle du dix-huitième. La Prusse recouvra Dantzig et Thorn qui complétèrent sa province de Prusse occidentale ; elle recouvra également Posen et Gnesen qui avaient fait partie dé son ancienne province de Prusse méridionale. La frontière orientale de l'état prus*
�L'EUROPE DU NORD-EST APRÈS LE XV- SIÈCLE.
sien se trouva ainsi arrondie, et il comprit'de nouveau un Grand-Duché de Posen. Cracovie forma une république, qui fut annexée par l'Autriche trente ans plus tard (1846). Le reste du duché de Varsovie forma un royaume séparé, sous le nom de Royaume de Pologne, mais avec l'empereur de Russie comme roi. Des événements postérieurs ont détruit, premièrement sa constitution, secondement son existence séparée (1831-1863). Actuellement, toute l'ancienne Pologne, sauf une partie de la Grande Pologne qui est possédée par la Prusse, et une partie de la, Petite Pologne que détient l'Autriche, fait partie de l'empire russe. C'est donc du Congrès de Vienne, et non des partages du dixhuitième siècle, que date l'acquisition par la Russie de territoires strictement polonais,' ceux-ci ainsi nommés pour les distinguer des territoires qui avaient appartenu à l'ancienne Russie ou à la Lithuanie. Progrès de la, Russie sur les bords de la mer Noire et de la mer Caspienne (1800-18T8). — Nous avons déjà dit quels changements s'opérèrent au dixneuvième siècle dans les pays situés sur les Côtes européennes de la mer Noire1. Pour ce qui concerne les frontières de la Russie, elles s'avancèrent successivement jusqu'au Pruth et jusqu'au Danube (1812-1829), puis reculèrent en partie (1856), et refirent enfin un nouveau progrès (1878). Les progrès de l'a Russie sur les rives asiatiques de la mer Noire, et dans les pays situés sur la Caspienne et au delà, ont été bien plus considérables au dix-neuvième siècle qu'au dix-huitième. C'est en effet dans ce siècle que la Russie a pris entre les deux mers la position dominante qu'elle occupe actuellement, et qui équivaut en quelque sorte à un agrandissement de l'Europe aux dépens de l'Asie. L'ancienne frontière de la Caspienne avait à peine changé depuis la conquête d'Astrakan, et elle aboutissait au Térek ;
1.
Voir page 46o.
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après l'annexion de la Crimée, le Kouban devint la limite du côté de la mer Noire (1783). L'incorporation du royaume de Géorgie (l'800) donna à la,Russie un territoire isolé, situé au sud du Caucase et sur le cours supérieur du Kur. Deux ans plus tard, toute la côte de la Caspienne depuis l'embouchure du Térek jusqu'à celle du Kur, devint russe par l'annexion du Daghestan et du Shirwan (1802); c'était une partie du territoire que la Russie avait occupé pendant quelques années dans le siècle précédent. Les guerres avec la Perse et la Turquie donnèrent à la Russie le pays arménien d'Erivan jusqu'à YAraxe, la Mingrélie et Ylmmérétie, ainsi que la cession nominale de tout le littoral de la mer Noire entre ces pays et l'ancienne frontière (1829). Mais ce fut seulement au bout de trente ans que la région montagneuse de Gircassie fut complètement soumise (1859). Enfin tout récemment, les possessions transcaucasiennes de la Russie se sont agrandies au sud par l'addition de Batoum et de Kars (1878). A l'est de la Caspienne, la nouvelle province de Turkestan s'étendit progressivement dans les pays baignés parle Iaxarte, et elle arriva au sud jusqu'à Samarcande (1855-1868). Un peu plus tard, il en fut de même de Khokand, située au sudest; les pays de Khiva et de Bokhara, situés sur l'Oxus, passèrent sous l'influence dé la Russie (1875) ; les tribus de Turcomans répandues à l'est de la Caspienne ont également été annexées à la Russie1. La Caspienne est ainsi devenue un lac presque russe, et la Perse ne possède plus que la partie tout à fait méridionale du littoral de cette mer, celle qui fut un moment occupée par la Russie au dix-huitième siècle. La Russie s'est annexé en outre dans ce siècle une grande partie de territoire chinois sur la gauche du fleuve Amour (1858).
1. Les annexions do Merv et de Sarachs (1884) ont porté la Russie jusqu'aux frontières de l'Afghanistan, et le dernier combat qui a eu lieu près de Pendjeh entre les Russes et les Afghans, rend la guerre presque imminente entre la llussie et l'Angleterre (avril 1S85). (Note du traducteur.)
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Caractères de l'empire russe. — Toutes ces conquêtes ont formé le plus grand empire continental que le monde ait jamais vu, sauf à,l'époque de la domination temporaire des Mongols. Jamais aucun état européen n'a eu, ou n'a pu avoir un empire aussi étendu et aussi compact que celui qui s'étend sans interruption du golfe de Riga au golfe d'Okhotsk, et cela parce que, dans aucun cas, il ne s'est trouvé à côté de lui, et dans une telle proportion, des pays barbares. La plus grande partie de la domination asiatique de la Russie appartient à cette portion de l'Asie qui a le moins de ressemblance avec l'Europe, et c'est seulement sur l'Océan Glacial que nous trouvons une reproduction, en quelque sorte dérisoire, des mers intérieures, des îles et presqu'îles de l'Europe ; une masse énorme de territoire, s'étendant d'un bout à l'autre sans interruption, forme son caractère principal, et comme ce caractère est également celui d'une grande partie de la Russie européenne, la Russie est le seul pays européen où l'on ne puisse avoir de doute que l'Europe prenne fin. Les pays barbares possédés par les autres états européens sont situés au delà des mers, et ils ont été choisis entre mille autres ; ceux qui sont en la possession de la Russie touchaient à son territoire européen, et leur soumission était une nécessité géographique. L'annexion du Kamtsclialka n'était plus qu'une question de temps une fois que les premiers successeurs du Rurik eurent commencé à pénétrer dans les pays finnois situés vers le nord. A côté de cette vaste domination, s'étendant sans interruption en Europe et en Asie, il faut placer l'occupation par la Russie d'un territoire situé dans un troisième continent. C'était là une colonie analogue à celles des autres états européens, mais qui n'a pas eu de durée ; située tout à fait au nord-ouest de VAmérique, elle était la seule partie du monde où les territoires de la Russie et de l'Angleterre fussent contigus ; elle est actuellement en la possession des ÉtatsUnis qui l'ont achetée à la Russie (territoire d'Alaska).
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Résultats généraux des deux derniers siècles.
— Pour en revenir à l'Europe, nous voyons que l'œuvre commencée au dix-huitième siècle, c'est-à-dire l'agrandissement .de la Prusse et de la Russie dans les pays de la Baltique, a été achevée au dix-neuvième. Les états Scandinaves ne dépassent plus les limites des deux péninsules Scandinaves et des îles qui .en dépendent; et dans la péninsule du sud, la Prusse a fait des progrès aux dépens du Danemark. L'état prussien, formé au dix-septième siècle par l'union de la Prusse et du Brandebourg, est devenu au dix-neuvième siècle l'état impérial de l'Allemagne. Si nous le considérons simplement comme royaume, nous voyons qu'il est aussi devenu, par suite de l'acquisition de la Poméranie suédoise, du Holstein et du Sleswig, l'état dominant au sud de la Baltique. D'un autre côté, l'acquisition du Sleswig et du Holstein, jointe à celle de Brème, de Verden et de certaines parties du royaume de Hanovre, lui ont donné, sur l'Océan, une position un peu semblable à celles qu'avaient eue auparavant le Danemark et la Suède. La Russie a acquis sur les golfes de la Baltique une position semblable à celle de la Prusse sur la côte méridionale de cette mer. L'acquisition de la nouvelle Pologne a porté sa frontière jusqu'au centre de l'Europe, et l'a mise en contact non seulement avec la Prusse, en tant que Prusse, mais encore avec l'empire d'Allemagne. Le troisième acteur dans le partage de la Pologne, l'Autriche, n'a pas conservé toutes les possessions qu'elle avait acquises vers le nord; elle a augmenté toutefois les petites parties de la Russie, de la Petite Pologne et de la Moldavie qu'elle détenait, par la suppression d'une ville libre, Cracovie1. Dans l'Europe méridionale, la Russie a, pendant le siècle actuel, plutôt accru son influence qu'elle n'a augmenté réellement son territoire. La frontière de 1878 est la môme
1. Voir page 329.
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L'EUROPE DU NORD-EST APRÈS LE XV» SIÈCLE.
que celle qui avait été tracée en 1812. C'est dans les pays étrangers à l'Europe que la Russie a fait pendant cet espace de temps des progrès considérables. Ces progrès paraissent effrayants sur la carte ; mais à vrai dire, ils sont la conséquence naturelle de la position géographique de la Russie, le seul de tous les états de l'Europe moderne qui ne puisse pas éviter d'être en môme temps un état asiatique.
�LIVRE V
EUROPE OCCIDENTALE
CHAPITRE PREMIER
LA PÉNINSULE ESPAGNOLE1 ET SES COLONIES
IV
VUES GÉNÉRALES SUR LA PÉNINSULE ESPAGNOLE
Comparaison avec d'autres parties de l'Europe. — La grande péninsule de l'Europe occidentale a beaucoup de points communs avec la grande péninsule du Nord. Excepté la Suède et la Norvège, aucune partie de l'Europe occidentale n'a eu aussi peu de rapports que l'Espagne avec l'Empire; excepté l'île de Bretagne, aucun autre pays ayant fait partie de l'ancien empire romain n'a une différence aussi profonde entre son histoire ancienne et son histoire moderne. Les royaumes de l'Espagne moderne ont moins de droits à représenter l'ancien royaume des Visigoths que le royaume moderne de France n'en avait à représenter l'ancien royaume des Francs. L'histoire de l'Espagne ne commence à apporter un élément dans l'histoire européenne 1,
Voir pour ce chapitre les cartes 6a à 6S et 73.
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LA PÉNINSULE ESPAGNOLE ET SES COLONIES.
qu'avec l'invasion des Sarrasins. Avant cette époque, toute trace de dépendance de la part de l'ancien empire avait disparu depuis une centaine d'années. L'Espagne n'eut plus de rapports avec l'empire d'Occident après Charlemagne et ! ses successeurs immédiats, et les droits que ceux-ci avaient sur une petite partie de la péninsule espagnole passèrent aux rois de France. L'Espagne présente de grandes analogies avec l'empire d'Orient et les états qui en tiennent la place. Dans les deux cas nous nous trouvons en face de pays qui ont été conquis plus ou moins complètement sur les musulmans, mais avec cette différence pour l'Europe du sud-ouest, que sa délivrance a été due en grande partie à ses propres habitants, et que celle-ci était presque accomplie lorsque l'esclavage de l'Europe du sud-est ne faisait que commencer. En outre, dans l'Europe du sud-est, les nations étaient complètement formées avant la conquête musulmane, et elles sont restées depuis ce qu'elles étaient alors. En Espagne, la conquête musulmane brisa la puissance des Visigoths alors qu'ils étaient en voie de former une nouvelle nation romane, et la nation romane qui existe actuellement en Espagne a été le résultat de la résistance aux envahisseurs musulmans. L'analogie de toutes la plus frappante est celle que présente l'Espagne avec la Russie. Chacune d'elles fut délivrée par ses propres habitants. En outre, longtemps après que l'œuvre principale de la délivrance avait été accomplie, longtemps après que la nation affranchie avait commencé à prendre place en Europe, nous voyons chacun de ces pays, devenu libre, séparé pour longtemps encore de la mer, qui forme sa limite au sud, par un fragment de ses anciens ennemis. L'Espagne et la domination sarrasine. — Les premiers Sarrasins qui envahirent l'Occident au huitième siècle fondèrent une domination qui répondait à peu près au royaume des Visigoths d'alors. Or ce royaume ne comprenait pas la totalité de la péninsule espagnole ; et d'un autre côté, il s'étendait jusqu'en Gaule où il comprenait Ja pro-
�LA PÉNINSULE ESPAGNOLE ET SES COLONIES.
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vince de Septimanie. En outre, à cette époque, les îles Baléares et les forteresses de Tanger et de Ceuta, sur la rive mauritanienne du détroit, appartenaient à l'empire, et tous ces pays passèrent également aux Sarrasins. La conquête des Sarrasins fut donc, pour parler strictement, celle des pays possédés par les Visigoths en Espagne et hors de ce pays, et de ceux que l'empire possédait encore dans cette région. La délivrance vint des pays qui empêchèrent la domination des Visigoths et celle des Sarrasins de répondre exactement à l'Espagne géographique, et elle vint sous deux formes : les pays du nord-ouest ne furent jamais complètement soumis aux Goths ni aux Sarrasins ; ceux du nord-est furent enlevés aux Sarrasins par les Francs (778), après que ceux-ci eurent conquis la province sarrasine de la Gaule (752-759). Le premier de ces groupes sera représenté plus tard par les royaumes de Castille et de Portugal, le second par le royaume à'Aragon; le royaume de Navarre, placé entre eux deux, aura une histoire qui participera de l'un et de l'autre. Géographiquement, le premier a son point de départ dans la région montagneuse qui est baignée par l'Océan; le second dans les montagnes qui séparent la Gaule et l'Espagne et qui s'étendent à l'est jusqu'à la Méditerranée. La position géographique de ces deux régions fait pressentir quelle sera plus tard leur histoire. Ce fut l'Aragon, tourné du côté de l'est, qui prit le premier une part importante dans les affaires européennes, et l'influence et la domination espagnoles furent portées par lui en Gaule, enSicile, en Italie et en Grèce. Ce furent le Portugal et la Castille, tournées vers l'ouest, qui fondèrent une domination ibérienne au delà des limites de l'Europe. De ce qu'une reine de Castille épousa au quinzième siècle un roi d'Aragon, et non un roi de Portugal, il est résulté que la péninsule s'est trouvée partagée entre les deux royaumes « d'Espagne et de Portugal1 », alors que pendant plusieurs
1. Voir page i.
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LA PÉNINSULE ESPAGNOLE ET SES COLONIES.
siècles Espagne et Aragon auraient formé une division beaucoup plus naturelle. Mais, comme la Castille et l'Aragon avaient tous deux un champ d'action bien • différent, une opposition aussi tranchée ne pouvait pas se produire, tandis qu'une rivalité marquée s'éleva entre la Castille et le Portugal sur le terrain qui leur était commun. De ces deux centres, l'un purement espagnol, l'autre soumis pendant longtemps à une influence étrangère, d'ailleurs variable, le premier, celui qui répondait à la région plus strictement indigène, prit les devants dans l'œuvre de la délivrance nationale; et à tel point que Tolède, située bien au sud, fut conquise par la Castille une génération avant que Saragosse ne le fût par l'Aragon. La Castille et l'Aragon ne firent cependant de réels progrès qu'après le morcellement d'une domination qui s'étendait sur la région placée entre eux deux, et dont l'histoire est ensuite bien terne ù côté de la leur. Dans le second quart du onzième siècle, le royaume de Panipelune ou de Navarre, grâce à l'énergie d'un homme de haute valeur, le Sviatopluk ou l'Étienne Douchan de son petit état, prit la première place parmi les états chrétiens de l'Espagne. La Castille et l'Aragon ne devinrent des royaumes qu'après avoir passé tous deux, momentanément, sous l'autorité de ce voisin, qui devait paraître si petit dans la suite à côté d'eux. Il nous faut maintenant revenir pour un moment aux premiers temps de cette longue croisade de huit cents ans, sur laquelle nous nous sommes déjà légèrement arrêtés.
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LA PÉNINSULE ESPAGNOLE ET SES COLONIES. »53
II
LES ROYAUMES ESPAGNOLS
I/Espagne septentrionale jusqu'au onzième siècle1. — Nous avons vu comment l'union des petits pays indépendants du nord, YAsturie et la Cantabrie, forma le royaume d'Oviédo qui devint ensuite le royaume de Léon (753-916). Ce royaume comprenait la Galice, qui représentait l'ancien royaume des Suèves, et d'un autre côté la Bardulie, ou pays de Burgos, la plus ancienne de toutes les Castilles; tous ces pays montrèrent de bonne heure une grande tendance à se séparer les uns des autres. Le développement des états chrétiens fut favorisé de ce côté par les changements qui survinrent dans les affaires intérieures des musulmans, par des famines et des révoltes qui laissèrent une bande de territoire désert entre les puissances ennemies. L'émirat ommiade fut établi presque en même temps que la Septimanie était perdue pour les Sarrasins (755), et dans la suite il devint un nouveau califat. La Marche espagnole, établie par Charlemagne (778-801), ramena de nouveau dans les limites de l'empire d'Occident une partie de l'Espagne septentrionale, de même que les conquêtes de Justinien avaient ramené une partie de l'Espagne méridionale dans les limites de l'empire romain unifié. Cette marche comprenait, dans sa plus grande étendue, Pampelune à une extrémité, et Barcelone à l'autre, avec les pays intermédiaires d'Aragon, de Bibagorce et Sobrarbe. Mais la domination franque disparut bientôt de l'Aragon, et encore plus tôt de Pampelune. La partie orien1. Voir également pages 152 et 155.
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LA PÉNINSULE ESPAGNOLE Eï SES COLONIES
taie de la Marche espagnole continua à reconnaître la suprématie des rois de la Carolingie, mais elle se divisa à son tour en un certain nombre de comtés indépendants, qui ne firent guère de progrès aux dépens de l'ennemi commun. Le royaume de Navarre sous Sanche le Grand (1000-1035) Quant au pays de Pampelune, il devint, au commencement du onzième siècle, sous le nom de Navarre, un royaume puissant et indépendant. La Navarre de Sanche le Grand s'étendait quelque peu au delà de l'Èbre: à l'ouest, elle comprenait la Biscaye et le Guijmzcoa, pays situés sur l'Océan, ainsi que la Castille primitive; à l'est, elle comprenait les comtés d'Aragon, de Bibagorce et de Sobrarbe. Les deux royaumes chrétiens de Navarre et de Léon comprenaient toute l'Espagne du nord-ouest. Le Douro fut atteint et même dépassé, et la frontière chrétienne se rapprocha également du Tage; quant , aux états qui reconnaissaient toujours la suprématie de la France, ils étaient encore loin du cours inférieur de l'Èbre. Démembrement du califat de Cordoue (1028). — Les Almoravides (1086-1110).— Cette domination momentanée de Sanche le Grand fut brisée après sa mort (1055). Sept ans plus tôt, pareille chose était arrivée au califat ommiade (1028). Ces deux événements si rapprochés forment le point culminant dans l'histoire de la péninsule. Le califat ommiade fut remplacé par plusieurs royaumes musulmans, et, à cause de cette division, ils furent obligés d'appeler à leur secours leurs coreligionnaires d'Afrique. C'est ainsi que les Almoravides pénétrèrent en Espagne, et ils étendirent leur domination (1086-1110) sur tous les états musulmans, sauf celui de Saragosse. Cette invasion, ainsi que d'autres de même espèce qui qui eurent lieu plus tard, donne un caractère africain tout spécial à l'histoire postérieure de l'Espagne, et elle a contribué sans aucun doute à donner aux Musulmans espagnols le nom général de Maures. La langue et la civilisation
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LA PÉNINSULE ESPAGNOLE ET SES COLONIES. 5Ô5
de l'Espagne musulmane n'en restèrent pas moins arabes, et les invasions africaines apportèrent moins de changements parmi les débris du califat occidental que les invasions des Turcs n'en apportèrent parmi les débris du califat oriental. Fluctuations entre les royaumes espagnols (1035-1258). — Les possessions de Sanche le Grand se divisèrent, après sa mort, en un royaume spécial de Navarre et en trois nouveaux royaumes : ceux de Castille, d'Aragon et de Sobrarbe (1035). Cinq ans après, les deux derniers de ces royaumes furent réunis (1040), et une ère d'agrandissement commença ainsi pour l'Aragon. Nous nous trouvons donc en face de quatre des cinq royaumes historiques de l'Espagne : — Navarre, Castille, Aragon et Léon, — dont les unions et partages sont innombrables. Le premier roi de Castille, Ferdinand, réunit Castille et Léon (1037) ; Castille, Léon et Galice furent de nouveau séparés pendant un moment sous son fils (1065-1073). L'iragon et la Navarre furent unis pendant près de soixante ans (1076-1159). L'Espagne eut ensuite un empereur dans la personne d'Alphonse VIII, roi de Castille, de Léon et de Galice (1135). Après la mort d'Alphonse (1157), Léon et Castille devinrent, sous ses fils, des royaumes distincts, et ils restèrent séparés pendant près de soixante ans. Leur union définitive (1250) créa le grand état chrétien de l'Espagne. Pendant ce temps, la puissance de la Navarre diminua devant les progrès de la Castille, et après avoir été dépouillée des territoires qu'elle possédait sur l'Océan et au delà de l'Èbre, elle perdit tout espoir d'avoir une position dominante dans la péninsule. En 1234, elle passa sous une dynastie de princes français, et pendant longtemps elle resta tout à fait étrangère à la géographie politique de l'Europe. Il n'en fut pas même de l'Aragon, dont la puissance grandit, en partie par suite de conquêtes faites sur les Musulmans, en partie par suite de son union avec les fiefs français situés à l'est. La première union qui eut lieu entre
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l'Aragon et le comté de Barcelone (1151) amena le grand accroissement de puissance de l'Aragon sur les deux versants des Pyrénées et même au delà du Rhône. Cette puissance fut brisée par la défaite du roi Pedro à Muret (1215). Mais le traité conclu en 1258 avec la France affranchit Barcelone, le Roussillon et la Cerdagne de tout hommage envers la couronne de France, et toute trace de suprématie étrangère disparut de l'Espagne chrétienne. Le royaume indépendant à'Aragon s'étendit sur les deux versants des Pyrénées, image bien affaiblie de l'ancien royaume des Visigoths. De l'autre côté de la péninsule, les pays compris entre le Douro et le Minho commencèrent à former un état distinct. Le comté de Portugal fut donné à des princes de la maison royale de France, comme fief de la couronne de Castille et de Léon (1094). Le comté devint un royaume en 1139, et son développement empêcha le royaume de Léon de s'agrandir aux dépens des Musulmans, comme c'était déjà le cas de la Navarre. Quant aux trois royaumes de Castille, à'Aragon et de Portugal, ils étaient prêts à acccomplir l'œuvre de la délivrance, et les progrès de la chrétienté en Occident allaient balancer les pertes qu'elle faisait en Orient. Ces progrès commencèrent à devenir importants à peu près à l'époque où les Seldjoucides étendaient leurs conquêtes aux dépens de l'empire d'Orient; mais l'affranchissement de l'Espagne n'était pas encore terminé que les Ottomans étaient déjà établis depuis quarante ans dans la nouvelle Rome. Guerres entre les Musulmans et les Chrétiens (1 ©82-143©). — Les états chrétiens étaient cependant désunis, tandis que les Musulmans avaient retrouvé, quoique à de lourdes conditions, les avantages de l'union. Alphonse VI, roi de Castille et de Léon, fit des progrès notables vers le sud, et il conquit l'ancienne capitale gothique de Tolède (1085). Mais après la défaite d'Alphonse à Zalacca (1086j, la Castille dut renoncer à faire de nouvelles conquêtes.
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11 n'en fut pas de même pour les chrétiens du 1101 A-est, qui'avaient en face d'eux le seul état musulman resté indépendant, celui de Saragosse. Le roi d'Aragon s'empara de la ville de Saragosse (1118), et le comte de Barcelone s'empara de Tarragone; après de nouveaux progrès et la conquête de Tortosa, l'Èbre devint la frontière chrétienne (1148). D'un autre côté, à mesure que la puissance des Almoravides s'affaiblit, la Castille et le Portugal firent de nouveaux progrès. Le dernier de ces royaumes fit l'acquisition de Lisbonne (1147), sa future capitale, et une génération plus tard il atteignit la côte méridionale par la conquête de Silves dans l'Algarve (1191). La Castille s'avança jusqu'à la Guadiana, et même au delà (1147-1166); Calatrava et Badajoz devinrent des cités castillanes. La ligne de bataille avait été transportée, durant l'espace d'un siècle, du pays compris entre le Douro et le Tage jusqu'à celui qui était compris entre la Guadiana et le Guadalquivir. Cette seconde série de succès des chrétiens, pendant le douzième siècle, fut arrêtée de nouveau et de la même manière que l'avaient été ceux du siècle précédent. De nouveaux conquérants africains, les Almohades, pénétrèrent en Espagne (1146), et reprirent à la Castille et au Portugal une grande partie de leurs conquêtes récentes. La bataille d'Àlarcos brisa momentanément la puissance de la Castille (1196), et la domination almohade s'étendit au delà du cours inférieur du Tage. Du côté de l'est, les pays situés au sud de l'Èbre continuèrent à former un état musulman indépendant. Mais, comme les Almohades étaient, au point de vue de la religion mahométane, d'une orthodoxie douteuse, leur puissance en Espagne eut moins de consistance que celle de tous les autres conquérants mahométans. La bataille de Navas de Tolosa (1211) acheva leur ruine et décida du sort de l'Espagne. Les trois royaumes chrétiens recommencèrent alors à faire des progrès, et dans l'espace de quarante ans la puissance musulmane en Espagne fut réduite à un simple
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fragment de la péninsule. L'Aragon conquit les îles Baléares (1228-1256) et forma son royaume de Valence (1257-1505); mais la conquête de Murcie (1245-1253) porta la Castille jusqu'à la Méditerranée, et l'Aragon se trouva ainsi dans l'impossibilité de faire de nouveaux progrès dans la péninsule. Le Portugal regagna à l'est tous les pays qu'il avait perdus (1217-1256); il conserva tout le pays qui était à l'ouest de la basse Guadiana, et quelques points à l'est de ce fleuve. Le royaume d'Algarve fut ajouté au royaume de Portugal. L'état central de Castille fit des progrès encore plus considérables. La conquête des grandes cités situées dans le bassin du Guadalquivir commença sous saint Ferdinand : Cordoue, la ville des califes (1236), Jaen (1246), Séville (1248) ; enfin Cadix, la plus ancienne des villes de l'Occident, passa de nouveau, comme cela avait eu lieu lorsqu'elle était entrée dans le monde romain, de mains sémitiques à des mains aryennes. Après la conquête de Vibla (1257) et de Tarifa (1285), l'achèvement de l'œuvre ne fut plus qu'une question de temps. Personne n'aurait pu penser, au milieu du douzième siècle, qu'un état musulman se maintiendrait en Espagne jusque dans les dernières années du quinzième. Tel fut cependant le royaume de Grenade, qui commença comme un état vassal de la Castille à l'époque où saint Ferdinand faisait conquêtes sur conquêtes (1238), et qui, soixante ans plus tard, conquit sur son suzerain un territoire considérable (1298). Une partie de ce territoire fut reprise par la Castille (1316), mais une autre partie, comprenant la ville d'Huescar, resta aux musulmans jusqu'au quinzième siècle (1450). Pendant ce temps, Gibraltar, situé sur le détroit qui sépare l'Océan de la Méditerranée, fut pris par la Castille (1509), perdu par elle (1533), et repris de nouveau (1344). Lia péninsule espagnole à la fin du treizième siècle. — Ainsi, dans la dernière partie du treizième siècle, un état musulman et quatre états chrétiens se parta-
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geaient très inégalement la péninsule. Les royaumes d'Aragon et de Portugal avaient une ligne de côtes tout à fait hors de proportion avec leur étendue intérieure. L'Aragon avait la forme d'un triangle, le Portugal celle d'un long parallélogramme, qui se seraient détachés à l'est et à l'ouest du grand trapèze formé par la péninsule. La Castille était placée entre ces deux royaumes, et elle formait l'état central de la péninsule; le royaume chrétien de Navarre, tout à fait au nord, le royaume musulman de Grenade tout à fait au sud, restaient des royaumes distincts. De ces cinq royaumes, la Navarre et l'Aragon étaient les seuls qui eussent un contact assez étendu avec des états situés en dehors de la péninsule. La Castille touchait à peine aux possessions anglaises en Aquitaine, tandis que la Navarre et l'Aragon, qui s'étendaient l'un et l'autre au nord des Pyrénées, avaient une partie assez considérable de leur frontière touchant à l'Aquitaine et à la France. La Navarre et l'Aragon avaient en outre une frontière commune sur une certaine étendue, tandis que le Portugal et Grenade touchaient seulement au royaume de Castille, qui était le voisin de tous les autres royaumes de la péninsule. La destinée de tous ces états était écrite sur la carte. La Navarre et Grenade, isolés à deux extrémités opposées, devaient être absorbés par le grand état central. L'Aragon, après avoir acquis une position importante en Europe, devait être réuni à la Castille sous un même souverain. Le Portugal devait seul devenir bien nettement un rival de la Castille, mais dans des pays situés complètement en dehors de l'Europe. Le royaume de Castille prit une place tellement importante au-dessus des quatre autres royaumes espagnols que son souverain fut souvent désigné à l'étranger sous le titre de roi d'Espagne. Mais l'Espagne comprenait plus de royaumes que de rois. La Castille, l'Aragon et le Portugal furent tous formés par une succession d'unions et de conquêtes, eî chacune d'elles donna généralement • aux rois de ces pays
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un nouveau titre. L'état central portait toujours le nom de Castille et Léon, et non celui de Castille seule. Il comprenait ainsi : d'un côté les anciens royaumes de Léon et de Galice, et de .l'autre la Castille proprement dite ou Vieille Castille, avec la principauté des Asturies et les pays libres de Biscaye, Guipuzcoa et Alava, ainsi que les royaumes de Tolède ou Nouvelle Castille, de Cor doue, Jaen, Séville et Murcie, chacun d'eus . marquant une nouvelle période d'agrandissement. Le souverain du Portugal régnait sur les deux royaumes de Portugal et à'Algarve. La monarchie aragonaise comprenait l'ancien royaume d'Aragon agrandi, les comtés de Catalogne, de Roussillon et de Cerdagne, le royaume de Valence au sud, et enfin les îles Baléares qui étaient devenues le royaume de Majorque. Ce dernier royaume, donné d'abord à titre de royaume vassal à une branche de la famille royale (1262), fut ensuite incorporé à l'état aragonais (1549).
II
FORMATION ET PARTAGE DE LA GRANDE MONARCHIE ESPAGNOLE
La monarchie espagnole. — Après le treizième siècle, il y eut peu de changements strictement géographiques à l'intérieur de la péninsule espagnole. Les frontières des différents royaumes changèrent très peu les unes par rapport aux autres ; elles ne changèrent pas beaucoup plus vis-à-vis de la France, le seul voisin immédiat de ces royaumes à partir du seizième siècle. Les cinq royaumes arrivèrent progressivement à n'avoir plus que deux rois .(Espagne et Portugal, et pendant quelque temps ils n'en eurent plus qu'un seul. Mais nous avons aussi à parler des acquisitions faites en
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Europe par l'Aragon d'abord, puis par la Castille, ainsi que de celles qui furent faites en dehors de l'Europe par le Portugal d'abord, et ensuite par la Castille. L'union permanente des possessions de la Castille et de l'Aragon, l'union temporaire des possessions de la Castille, de l'Aragon et du Portugal, forma cette grande monarchie espagnole qui fut l'étonnement et la terreur de l'Europe au seizième siècle, qui fit des pertes considérables au seizième et au dixseptième et qui fut définitivement partagée au commencement du dix-huitième. Fin de la domination musulmane en Espagne (1493). — Nous avons vu comment, dans la première moitié du quinzième siècle (1410-1430), la Castille recouvra les pays dont s'était emparée Grenade à la fin du quatorzième siècle. La lutte se termina dans les dix dernières années du quinzième siècle par la conquête de Grenade (1492), dans laquelle on voulut voir, bien à tort, une compensation pour la perte de Constantinople. Le dernier prince maure conserva toutefois un petit domaine tributaire dans l'Alpujarras, et ce ne fut qu'après l'acquisition de ce dernier fragment de la domination musulmane que celle-ci prit fin en Espagne après tant d'années. Union de la Castille et de l'Aragon (15045). — Navarre, Portugal et Roussillon (1493-1659). — La conquête de Grenade fut le résultat des efforts combinés d'une reine de Castille et d'un roi d'Aragon. Le mariage de Ferdinand et d'Isabelle (1469) n'entraîna pas cependant la réunion immédiate de leurs couronnes; cette union ne fut réalisée qu'au commencement du second règne de Ferdinand en Castille (1506). Pendant ce temps, le Roussillon et la Gerdagne avaient été recouvrées par l'Aragon après trente ans d'occupation française (1462-1495). La partie du royaume de Navarre, qui était située au sud des Pyrénées, fut conquise en 1513, de sorte qu'il n'y eut
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que la petite partie de ce royaume située sur le versant gaulois des Pyrénées qui passa aux rois de France de la maison de Bourbon (1589). Le Portugal était alors le seul royaume de la péninsule qui fût resté indépendant, de sorte que la tendance à séparer celle-ci en « Espagne et Portugal » prit de plus en plus de consistance. Vers la fin du seizième siècle, le Portugal fut cependant réuni avec la Castille et l'Aragon (1581), mais soixante ans après il recouvra son indépendance (1640). La domination espagnole perdit en outre définitivement, au dix-septième siècle, le Roussilloni (1659); les Pyrénées devinrent alors la limite de la France et de l'Espagne, à moins qu'on ne fasse une exception pour le droit de protection exercé par la France sur la république d'Andorre. !>a péninsule espagnole à partir du dixhuitième siècle. — Depuis le traité des Pyrénées il n'y a guère eu de changements strictement géographiques dans la péninsule. Gibraltar a été occupé par l'Angleterre, il y a près de cent quatre-vingts ans (1704-1715). La forteresse d'Oliverca a été cédée par le Portugal à l'Espagne (1801). Enfin, pendant le dix-huitième siècle, Minorque a passé tour à tour de l'Espagne à l'Angleterre et de l'Angleterre à l'Espagne; depuis 1802 elle est restée définitivement à l'Espagne. Possessions de la Castille et de l'Aragon en dehors de la péninsule espagnole. — De tous les royaumes 'espagnols, ce fut l'Aragon qui commença le premier à acquérir des territoires en dehors de la péninsule. Les îles Baléares pouvaient passer pour le complément d'un royaume péninsulaire ; mais avant cette acquisition, l'Aragon avait eu le temps de fonder au nord des Pyrénées une grande domination, contiguë avec son territoire en Espagne, et de perdre ensuite cette domination2. La domination aragonaise au delà de la mer commença
1. Voir pages 550 et 555. 2..Voir page 515
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réellement après les Vêpres Siciliennes, lorsque la Sicile insulaire fut réunie à la couronne d'Aragon (1282-1285). La Sicile passa ensuite à des princes aragonais indépendants, mais elle fut de nouveau réunie à la couronne d'Aragon en 1409. Sous le règne d'Alphonse le Magnanime, la Sicile continentale, l'Aragon et la Sicile insulaire eurent un même roi (1442-1458). Le royaume continental passa ensuite à des princes aragonais qui le gardèrent, sauf des occupations françaises temporaires, jusqu'à l'union finale des couronnes d'Aragon et des Deux-Siciles (1505). Dans cet intervalle, une guerre de plus de cent ans (15091428) avait donné à l'Aragon l'île de Sardaigne, de sorte que, lors de l'union définitive de la Castille et de l'Aragon, ce dernier royaume apportait avec lui les couronnes éloignées des Deux-Siciles et de Sardaigne. En 1550, le royaume de Sicile insulaire subit une légère diminution par le don de Malte et de Gozzo qui fut fait par Charles-Quint aux chevaliers de Saint-Jean ; le royaume continental s'augmenta au contraire des présides de Toscane vingt-sept ans plus tard (1557). Tandis que les acquisitions de la couronne d'Aragon furent ainsi autant d'additions faites par les rois d'Aragon aux dépendances de cette couronne, l'extension de la domination castillane dans d'autres régions de l'Europe résulta uniquement de ce fait, que la couronne de Castille passa (1504) à un prince autrichien, Philippe le Beau2, qui avait hérité auparavant de la plus grande partie des possessions des ducs de Bourgogne. C'est de la sorte que les Pays-Bas et les comtés de Bourçjoane et de Charolais devinrent des dé1. Voir page 246. 2. Philippe le Beau, fils de l'empereur Jlaximiiien d'Aulriclie et de Marie de Bourgogne, hérita à ia mort de sa mère, fille de Charles le Téméraire, de tous ses domaines bourguignons (11S2). Il avait épousé en 1-196 une fille de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille. Après la mort d'Isabelle, il fut déclaré roi par les états de Castille (1501) ; il mourut en 1506, et la couronne de Castille passa alors à Ferdinand d'Aragon (1506-1516). Le successeur de Ferdinand sur îe trône de Castille fut l'aîné des fils de Philippe le Beau, celui qui devint l'empereur Charles-Quint à la mort de Maximilien (1519). (Note du traducteur.)
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pendances de la Castille et allèrent grossir la grande monarchie espagnole. Il en fut de même pour le duché de Milan. Quel que soit le titre auquel il fut occupé par Charles-Quint après la mort de son dernier duc, François Sforza, il devint incontestablement une dépendance de l'Espagne lorsqu'il passa à Philippe II (1555). La monarchie espagnole de 1555 à 1*713. — La monarchie espagnole comprenait donc, à l'époque de sa plus grande extension, la totalité de la Péninsule, les Pays-Bas et les autres possessions bourguignonnes de la maison d'Autriche, le Roussillon, les Deux-Siciles et le Milanais. Mais cette vaste domination ne fut jamais exercée sur tous les points à la fois, à moins que, par amour de la forme, nous ne continuions à regarder les Provinces-Unies comme'faisant partie du territoire espagnol jusqu'à la Trêve de douze ans (1609) ; mais en réalité elles étaient devenues indépendantes en 1578, c'est-à-dire avant l'époque où le Portugal fut conquis par l'Espagne (1581). Le Portugal avait cessé de faire partie de l'Espagne (1640) avant que celle-ci ne subît ses grosses pertes du côté de la France, celles du Roussillon, de la Cerdagne, du comté de Bourgogne, de Y Artois et des autres parties des Pays-Bas conquises pendant le règne de Louis XIV (1659-1677) L'Espagne conserva le reste des Pays-Bas, avec le Milanais et les trois royaumes aragonais (Majorque, Deux-Siciles et Sardaigne), jusqu'aux partages qui eurent lieu au commencement du dix-huitième siècle (1715). Le royaume d'Espagne en 1713. — Les Bourbons d'Espagne en Italie2. — Le résultat final de tant de combats et de tant de traités fut de séparer de la monarchie espagnole toutes les possessions éloignées de la Castille et de l'Aragon. Le royaume d'Espagne fut réduit à la péninsule et aux îles Baléares, moins le Portugal, Gibraltar et Minorque; cette dernière île, comme nous
1. Voir pages 555 et 556. 2. Voir pages 250 et 252.
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l'avons déjà vu, fit retour à l'Espagne après de nombreuses vicissitudes. Depuis lors, l'Espagne n'a jamais recouvré aucune des possessions qui avaient appartenu jadis à la Castille. 11 n'en a pas été de même de celles qui avaient appartenu à l'Aragon, car la Sicile insulaire fut reconquise deux fois (1718 et 1735), la Sicile continentale une fois (1735), et si elles ne restèrent pas acquises à la monarchie espagnole, elles passèrent du moins à une branche de la maison royale d'Espagne (1736), de même que les duchés de Parme et de Plaisance1 passèrent à une autre branche de cette maison.
III
DOMINATION COLONIALE DE L'ESPAGNE ET DU PORTUGAL
Comparaison entre les possessions des deux pays. — Ce qui distingue l'Espagne et le Portugal, c'est la différence frappante qui existe dans la domination de ces deux états en dehors de l'Europe. Le Portugal est le premier de tous les états européens qui soit entré dans la voie des colonies lointaines, et il y avait à cela une raison géographique et historique. Sa domination en dehors de l'Europe n'était pas, comme pour la Russie, une nécessité absolue, mais elle se distingue cependant de celle de l'Angleterre, de la France ou de la Hollande. Elle ne se reliait pas précisément avec son propre territoire européen, mais elle commença tout près de ce territoire, et elle fut une conséquence naturelle de son extension dans la péninsule.
t. L'infant d'Espagne, don Carlos, avait été investi des deux duchés (1751). Lorsqu'il monta sur le trône des Deux-Siciles (1736), les duchés passèrent à l'Autriche; ils passèrent ensuite à l'Infant don Philippe après la guerre de succession d'Autriche. (Note du traducteur.)
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Domination du Portugal au nord de l'Afrique (1415-1580). — Lorsque les Maures furent chassés d'Espagne, il n'y avait qu'une mer étroite à traverser pour les suivre dans un pays qui était si rapproché de l'Espagne qu'il avait été, à une époque plus ancienne, rattaché géographiquement à la Péninsule. Par rapport à la Castille, les Maures ne furent définitivement chassés qu'à la fin du treizième siècle; pour le Portugal, au contraire, ils le furent au commencement du treizième. Le Portugal avait alors atteint sa complète étendue dans la péninsule, et il ne pouvait plus faire de nouveaux progrès par terre aux dépens des infidèles. On est tenté de s'étonner que ses agrandissements au delà de la mer n'aient pas commencé avant le quinzième siècle. Une lutte de cinquante ans (1415-1471) donna alors au Portugal le royaume à'Algarve d'outre-mer. La conquête de Grenade par la Castille eut lieu un peu plus tard (1492) ; et alors, des deux colonnes d'Hercule, le roi de Portugal et des Âlgarves occupa celle du sud, et la Castille celle du nord. Les colonies portugaises en Afrique, en Asie et en Océanie. — La plus grande partie de cette domination africaine fut perdue après la mort de Sébastien (1578). Ceula passa (1580) à l'Espagne et lui appartient toujours, de sorte que l'Espagne occupe maintenant la pointe Hud du détroit, et l'Angleterre la pointe nord. Tanger passa également à l'Angleterre (1662), comme dot d'une princesse de Portugal ; cette possession fut abandonnée peu de temps après (1683) Mais, avant que ce royaume d'Algarve d'outre-mer eût ainsi disparu, son établissement avait amené la découverte de tout le continent africain, et une extension considérable de la domination portugaise dans les différentes parties du monde. Madère fut la première possession insulaire du Portugal (1419) ; un peu plus tard, les Açores -et les îles du Cap- Vert devinrent également des possessions portugaises (14481454). Peu à peu, sous l'impulsion de Don Henry, la domination portugaise s'étendit tout le long de la côte nord-ouest
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de l'Afrique. Vasco de Gama fit sa grande découverte du cap de Bonne-Espérance (1497), et la route de l'Inde fut ouverte ; alors aux possessions de la côte d'Afrique vinrent s'ajouter les établissements sur les côtes de l'Arabie et de THindoustan, et ceux des îles de l'Archipel indien. Cet empire colonial disparut après l'annexion du Portugal à l'Espagne (1581), et il ne lui en resta que des fragments lorsqu'il eut recouvré son indépendance (1640). C'est ainsi qu'il possède toujours les îles de l'Atlantique, quelques points sur les côtes d'Afrique, un petit territoire dans l'Inde et un autre dans les îles de la Sonde. L,e Portugal et le Brésil (1500-1832). — Les expéditions maritimes des Portugais eurent cependant un résultat plus durable, qui fut la création d'une nouvelle nation européenne au delà de l'Océan. Le Brésil, découvert par les navigateurs portugais à la fin du quinzième siècle, devint une colonie portugaise au commencement du seizième (1500-1531). Alors que le Portugal était réuni à l'Espagne, les Hollandais s'emparèrent d'une grande partie du Brésil (1624-1640) ; mais le Portugal recouvra dans la suite toutes ses possessions brésiliennes (1654). La position particulière où se trouvait le Portugal, toujours menacé par un puissant voisin, donna à ses possessions transatlantiques une importance toute spéciale. Celles-ci furent considérées comme un lieu de refuge, en cas de nécessité; et en effet, lors de l'invasion française du Portugal (1807), la famille royale prit la route du Nouveau Monde. En 1813, le titre officiel de la monarchie portugaise devint celui de Royaume uni de Portugal, du Brésil et d'Algarve. Neuf ans plus tard, ces royaumes furent séparés. Le Brésil devint un état indépendant, mais il resta une monarchie et prit le titre d'empire (1822) ; il est en outre gouverné par le représentant direct de la famille royale de Portugal, tandis que dans le Portugal proprement dit la dynastie royale a été modifiée par les conséquences d'une succession féminine. '
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Au seizième siècle, le Brésil avait une position tout à fait exceptionnelle. C'était la seule colonie considérable, appartenant à un état européen, dans une région où l'Espagne prétendait exercer une domination exclusive. Les colonies espagnoles en Amérique et dans les Indes Occidentales. — Une ligne de démarcation tracée par le pape sur le globe régla les contestations entre l'Espagne et le Portugal au sujet de leurs découvertes maritimes (1494). Le point de partage fut placé au méridien qui est à trois cent soixante-dix lieues à l'ouest des îles du CapVert; tous les pays situés à l'ouest de ce méridien devaient appartenir à l'Espagne ; tous ceux qui sont à l'est, au Portugal. L'Espagne occupa ainsi tout le continent de l'Amérique du Sud, à l'exception du Brésil; il en fut de même de cette partie de l'Amérique du Nord qui est étroitement liée à celle du Sud. La domination non-européenne du Portugal fut primitivement africaine et indienne ; la domination non-européenne de l'Espagne, primitivement américaine, rie fut pas liée de la même façon avec son histoire européenne, et la pensée d'une pareille domination fut suggérée en grande partie par la rivalité qui existait entre l'Espagne et le Portugal. La domination espagnole en Afrique n'alla guère au delà de la possession temporaire à'Oran (1516 à 1708 et 1752 à 1791), et de la possession plus durable de Ceuta. CharlesUuint fit la conquête de Tunis1 (1531) plutôt comme prince sicilien que comme prince castillan. Les colonies fondées par l'Espagne au delà de la limite qui devait la séparer de la domination portugaise furent une exception. 11 faut citer pourtant dans ce cas les Canaries, au large de la côte africaine de l'Océan Atlantique, et les Iles Philippines dans l'archipel de l'extrême Orient. L'Espagne conserve toujours ces possessions insulaires. Il n'en a pas été de même de la grande domination espa1. Voir page 465.
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gnole qui se forma dans le Nouveau Monde, dans les deux Amériques et les îles des Indes occidentales qui en dépendent ; cette domination s'est en effet complètement écroulée. Elle commença avec la première conquête de Christophe Colomb, celle de l'île à'Espagnola ou Saint-Domingue (1492), c'est-à-dire au moment où la Castille complétait l'étendue de sa côte méditerranéenne. L'Espagne étendit ensuite sa domination sur le Mexique (1519), sur le Pérou (1552), ainsi que sur les autres pays compris dans l'isthme qui réunit les deux continents ou situés au-dessous. Quant à la grande masse du continent de l'Amérique du Nord, ce pays qui devait être disputé entre l'Angleterre et la France, l'Espagne ne s'y étendit jamais. Le Nouveau-Mexique, la Californie, la Floride n'embrassèrent en effet qu'une très petite partie des côtes ouest et sud de ce continent. Cette vaste domination continentale fut enlevée à l'Espagne par une série de révolutions qui se sont produites en ce siècle. Tandis que le Portugal et l'Angleterre ont fondé réellement de nouvelles nations européennes au delà de l'Océan, le résultat de la domination espagnole en Amérique a été la création d'un certain nombre d'états, dont l'étendue et la constitution sont extrêmement mobiles, qui ont conservé la langue espagnole, mais dont quelques-uns ont autant le caractère d'états indigènes que le caractère d'états espagnols. Parmi tous ces états, le Mexique est celui qui a eu le plus de rapports avec l'histoire générale de l'Europe et de l'Amérique européenne. Il a pris deux fois le nom d'empire, une fois sous un aventurier indigène (1822-1825), une seconde fois sous un prince étranger (1866-1867). De vastes provinces, jadis réunies sous son autorité nominale, ont passé aux États-Unis. Par suite de la perte du Texas, du Nouveau-Mexique et de la Haute-Californie, le Mexique actuel se trouve presque réduit à l'étendue des premières conquêtes espagnoles. Parmi les îles des Indes occidentales qui ont appartenu à
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l'Espagne, quelques-unes, comme la Jamaïque et la Trinité', ont passé à d'autres états européens. La plus ancienne de toutes les possessions espagnoles dans le Nouveau Monde, la partie espagnole de l'île à'Espagnola ou SàinUDomingue, est devenue (1864) un état distinct, à côté de celui d'Haïti qui existait déjà dans la même île. Porto-Rico reste une colonie réellement espagnole, tandis que la fidélité de Cuba continue à être douteuse. En résumé, la domination de l'Espagne en dehors de l'Europe a eu le même sort que sa domination européenne en dehors de l'Espagne. La seconde a disparu au dix-huitième siècle ; la première a fini, au dix-neuvième siècle, par se trouver réduite à de simples fragments.
�CHAPITRE ïl
LES ILES BRITANNIQUES ET LEURS COLONIES'
Comparaison entre les Iles Britanniques et les autres parties de l'Europe. — Nous avons abordé en premier lieu cette grande masse de pays européens qui firent partie de l'empire d'Orient ou de celui d'Occident, et nous avons passé ensuite à ces contrées plus éloignées, ayant un caractère péninsulaire bien marqué, qui échappèrent dans une si large mesure à la domination impériale. Nous allons, pour terminer, sortir de la terre ferme et laisser là le monde des deux empires, pour aborder cette grande île, ou plutôt ce groupe d'îles, qui fut considéré pendant des siècles comme un monde à part1. L'île de Bretagne, située à l'ouest de l'Europe, fut la dernière conquête de l'ancien empire romain, et elle fut aussi la plus vite perdue pour lui. Elle ne fut d'ailleurs conquise qu'en partie, tandis que la conquête de Ylrlande ne fut même jamais essayée. Après l'invasion des Angles, la Bretagne eut moins de rapports avec le nouvel empire d'Occident que tous les autres pays occidentaux, excepté la Norvège ; sauf les rapports mo1. Voir pour ce chapitre les cartes 69 à 73. 2. Voir Freeraan, Conquête de l'Angleterre par les Normands, vol. 1, p. 56i.
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mentanés de Gharlemagne avec l'Ecosse et le Northumberland, sauf l'hommage incertain et précaire fait par Richard Ier d'Angleterre à l'empereur Henri IV, la Bretagne resta complètement indépendante de l'empire, même dans la forme. La doctrine reçue était que la Bretagne formait un autre monde et qu'elle était elle-même un autre empire; empire tout insulaire, dont les limites se trouvaient par cela même à l'abri des fluctuations perpétuelles réservées aux états du continent. Pendant plusieurs siècles, les limites entre les Celtes et les Teutons furent constamment changeantes en Angleterre, et il en était de même entre les différents royaumes teutoniques, mais c'est à peine si l'histoire européenne se trouve affectée par ces changements. Il n'y a que les résultats généraux qui ont pour elle de l'importance, c'est-à-dire /'établissement dans l'île des conquérants teutoniques, l'union de tous ces conquérants en un seul royaume sous la maison de Wessex, et l'extension de la puissance de ces rois sur l'île de Bretagne tout entière. A partir du onzième siècle, les frontières de l'Angleterre avec l'Ecosse et le pays de Galles ont singulièrement peu varié, malgré des luttes séculaires; en outre les subdivisions du royaume d'Angleterre ont été singulièrement durables. Depuis le dixième siècle, nous ne voyons guère de modifications à l'ensemble de la carte; et tandis qu'une carte de France ou d'Allemagne, au onzième ou même au dix-huitième siècle, se trouve actuellement sans utilité pratique, une carte de l'Angleterre à l'époque du Domesday1 ne diffère pas sensiblement d'une carte moderne. Les seuls changements de quelque importance, et ils ne sont ni nombreux, ni considérables, concernent les comtés placés sur les frontières galloise et écossaise ; aussi la géographie historique de l'île de Bretagne, jusqu'à la fusion de l'Angleterre, de l'Ecosse et
1. Après la conquête, Guillaume le Conquérant fit dresser le relevé de toutes les grandes propriétés foncières de l'Angleterre, et les résultats furent consignés dans le Domesday-book (livre du jugement). (Note du traducteur.!
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du pays de Galles en un seul royaume, se réduit-elle à peu de chose près à la description de ces changements de frontières. En Irlande, il n'y a guère qu'à décrire les diverses péripéties de la conquête anglaise, ce qui, après tout, importe peu à la géographie politique de l'Europe. L'histoire des petites îles éloignées, depuis les Shetland, colonisées par des Scandinaves, jusqu'aux Iles normandes, se rapproche davantage de l'histoire générale de l'Europe. La domination des rois d'Angleterre sur le continent est de la plus haute importance au point de vue européen, mais c'est la géographie politique de la Gaule et non celle de la Bretagne qu'elle a modifiée. Le phénomène géographique réellement important de l'histoire d'Angleterre est celui qu'elle a de commun avec l'Espagne et le Portugal, et dans lequel elle les surpasse tous deux, c'est-à-dire cette vaste étendue de colonies situées pour une partie en Europe, mais pour une bien plus grande dans des contrées éloignées, en Asie, en Afrique, en Amérique et en Australie. L'Angleterre, d'ailleurs, n'est pas devenue simplement une grande puissance dans toutes les parties du monde ; elle a été, comme le Portugal, mais sur une bien plus grande échelle, un planteur de nations. Un groupe de colonies anglaises est devenu, sous le nom d'États-Unis d'Amérique, l'un, des plus grands états du monde. La domination de l'Angleterre dans des pays purement barbares n'a presque rien à voir avec notre sujet; il n'en est pas de même, tant s'en faut, de l'extension de l'Angleterre, et par suite de l'Europe, dans des contrées situées au delà des deux grands Océans.
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I
LE ROYAUME D'ECOSSE
Particularités historiques de l'Ecosse. — Comme les changements qui ont eu lieu dans la partie septentrionale de l'île de Bretagne ont été plus nombreux et plus importants que dans la partie méridionale, c'est par elle que nous commencerons. Ainsi que cela s'est passé dans d'autres parties de l'Europe, nous voyons là un pays portant le nom d'un peuple auquel il ne doit pas son importance historique. L'Écosse a joué dans l'île de Bretagne et en Europe un rôle tout à fait disproportionné avec son étendue et sa population; mais ce n'est pas à son élément strictement écossais qu'il faut rapporter cette importance. Les colons irlandais, les Scots1, qui introduisirent pour la première fois le nom écossais dans l'île de Bretagne, n'auraient jamais fait de l'Ecosse ce qu'elle devint en réalité. La grandeur du royaume d'Ecosse résulta de ce fait, qu'une partie de l'Angleterre prit progressivement le nom d'Ecosse, et ses habitants le nom d'Écossais. Pareille chose arriva lorsque le duc de Savoie et de Gênes, et prince de Piémont, prit son titre le plus élevé de ce royaume de Sardaigne qui était la partie la moins importante de ses possessions, et lorsque le chef d'un puissant royaume germanique s'intitula roi du petit duché de Prusse et d'un peuple qui avait disparu. La vérité est que, pendant plus de cinq cents ans, il y eut deux royaumes anglais dans la Grande-Bretagne, chacun d'eux ayant à lutter contre des débris de l'ancienne population celtique. Un roi anglais régna à Winchester et à Londres; il
1. Voir page 9S.
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eut à lutter avec les habitants du pays de Galles et plus tard avec ceux de l'Irlande. Un autre régna à Dumferline ou Stirling, et il eut à lutter avec les habitants de la véritable Éeosse. Seulement, le royaume méridional, gouverné par ies rois d'origine anglaise ou étrangère, mais jamais par des rois d'origine bretonne1 ou irlandaise, conserva toujours le nom anglais, tandis que le royaume septentrional, gouverné par des rois d'origine écossaisse, adopta le nom écossais. Les sujets anglais du roi des Scots ou Écossais reçurent progressivement le nom d'Écossais. De même que la nation suisse actuelle est composée de certaines parties des nations germanique, bourguignonne et italienne qui se sont détachées de leurs masses principales, de même la nation écossaise actuelle est composée de certaines parties des nations anglaise, irlandaise et bretonne qui se sont également détachées de leurs masses principales. Mais dans les deux cas, c'est l'élément teutonique qui a fait la vie et la force de la nation, qui a été le berceau autour duquel se sont groupés les autres éléments. Il est impossible de lire avec fruit l'histoire de la Grande-Bretagne au moyen âge, si l'on ne se souvient pas que le roi des Écossais était en réalité le roi anglais du Lothian teutonique et du Fife teutonisé. Le peuple qui lui donna son nom lui obéissait à peine ; il était souvent son ennemi déclaré et l'allié de son rival méridional. Union des Piets et des Scots (843). — Origines du royaume d'Écosse. — L'union du comté anglais de Lothian, du royaume breton de Strathclyde et de la partie de la Grande-Bretagne appartenant aux Scots, venus d'Irlande, composa le royaume moderne d'Écosse. Ces trois éléments sont parfaitement distincts. Mais l'élément Scot ou irlandais en absorba un autre, celui des Picts, qui étaient incontestablement des Celtes comme les Scots et les Bretons,
1. Les Tudors étaient sans aucun doute d'origine bretonne; mais ils ne régnèrent pas en -vertu de cette origine, et ils ne vinrent que plusieurs siècles après la complète formation du royaume d'Angleterre. (Note de locuteur.) î
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sans qu'on puisse assurer s'ils se rapprochaient davantage des uns que des autres. La question est d'ailleurs de peu d'importance pour notre sujet; à ne considérer les choses qu'au point de vue géographique, les Picts disparurent- ou devinrent Scots. Au commencement du neuvième siècle, le pays situé au nord des bouches de la Clyde et du Forth appartenait toujours principalement aux Picts. La seconde Ecosse (la première dans l'île de Bretagne) ne s'étendait encore que très peu au delà des limites de l'établissement primitif des colons irlandais dans le sud-ouest. L'union des Picts et des Scots, sous une dynastie écossaise (843), créa une Ecosse plus vaste, la véritable Écosse celtique, comprenant tout le pays situé au nord des bouches des deux fleuves, sauf une petite partie, située tout à fait au nord, qui était occupée par-des colons Scandinaves. Écosse, Bernicie et Strathcïyde aux neuvième et dixième siècles1. — Au sud de l'Ecosse, le royaume de Bernicie s'étendait jusqu'à l'embouchure du Forth, tantôt comme royaume séparé, tantôt comme dépendant du Noïthamberland ; Édimbourg en faisait partie comme forteresse frontière. A l'ouest de la Bernicie et au sud-est de l'embouchure de la Clyde, il y avait le royaume breton de Slrathclyde ou Cumbrie, avec Alcuyd ou Dumbarton comme forteresse frontière; au sud-ouest du même fleuve, il y avait le pays de Galloway, habité par des Picts, et qui conserva longtemps une existence indépendante. Des parties de la Bernicie et du Strathcïyde allèrent un jour se réunir à la véritable Écosse pour composer ce qui fut plus tard le royaume d'Écosse; mais jusque-là, la véritable Écosse resta un pays étranger et hostile à la Bernicie aussi bien qu'au Strathcïyde. Au dixième siècle, la puissance de l'Écosse diminua au nord et à l'ouest, mais elle fît des progrès au sud et à l'est.
1. Voir également pages 158 et 159.
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Les jNoi'Lhmaas s'établirent dans les îles du nord et de l'ouest, ainsi que dans ces parties de la terre ferme auxquelles ils donnèrent les noms de Calteigh ou Caithness et de Sutherland, et même dans la contrée qui avait été peuplée primitivement par les Scots. En outre, dans ce même siècle, l'Ecosse reconnut la suprématie extérieure de l'Angleterre (925). Mais un peu plus tard, les Ecossais dépassèrent la frontière anglaise et occupèrent Édimbourg (vers 954). Vers la fin du dixième siècle (966), ou au commencement du onzième (1018), le roi d'Écosse reçut la Bernicie septentrionale, c'est-à-dire le Lothian, comme comté relevant de la couronne d'Angleterre. D'un autre côté, le Strathcïyde ou Cumberland, — sa frontière méridionale est très incertaine, — après avoir été conquis par l'Angleterre, fut donné comme fief au roi d'Ecosse (945), et il devint généralement un apanage pour les princes écossais. Le roi d'Écosse eut ainsi trois sortes de possessions. Le royaume d'Écosse proprement dit était sous la suprématie purement extérieure de l'Angleterre; le Cumberland était un fief territorial de l'Angleterre ; le Lothian était un comté dépendant du royaume d'Angleterre. Après l'acquisition du Lothian, les rois d'Écosse devinrent des princes anglais, et leur force résida principalement dans la partie anglaise de leurs possessions ; en outre, le Cumberland et la partie orientale de l'Écosse proprement dite, les Lowlands (basses terres), au nord de l'embouchure du Forth, devinrent aussi réellement anglais. Fluctuations du Cumberland et du Northumberland (ÎO92-115"7). — Vers la fin du onzième siècle, la partie méridionale du Cumberland semblait être devenue une principauté distincte ; un prince northumbrien s'y était réfugié, et il y régnait sous la suprématie de l'Écosse. Ce territoire, composé de la ville de Carliste et de son district immédiat, l'ancien diocèse de Carlisle, fut ajouté à l'Angleterre par Guillaume le Roux (1092). D'un autre côté, pendant les troubles du règne d'Étienne, le roi d'Écosse
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reçut (1136), à titre de comtés anglais, le Cumberland, — dans un sens assez agrandi, — et le Northumberland, dans le sens moderne, c'est-à-dire le pays qui s'étend depuis le Tweed jusqu'à la Tyne. Si ces comtés étaient restés en la possession des rois d'Écosse, ils seraient devenus sans aucun doute des pays écossais dans le sens où le Lothian l'était déjà, c'est-à-dire qu'ils seraient devenus des parties du royaume anglais septentrional. Mais ces pays furent repris par Henri II (1157); et la frontière est toujours restée telle qu'elle fut alors fixée, sauf que la ville de Berwick passa, selon les fluctuations de la guerre, d'un royaume à l'autre. Rapports des royaumes d'Angleterre et d'Écosse (1393-17 H). — Royaume <ïe la GrandeBretagne. — Mais si les frontières des deux royaumes se trouvaient fixées, leurs rapports ne l'étaient pas. L'Écosse, dans le sens moderne, — c'est-à-dire l'Écosse dans l'ancien sens, avec le Lothian et le Strathcïyde, — passa pendant un moment à l'état de fief strictement anglais (1292). Elle fut pendant un autre moment incorporée à l'Angleterre t (1296). Elle fut ensuite reconnue comme un royaume indépendant (1527). Elle redevint vassale (1355), et retrouva ensuite son indépendance. Au commencement du dix-septième siècle, l'Angleterre et l'Écosse, tout en restant des royaumes distincts, indépendants, et sur le même pied d'égalité, n'eurent plus qu'un seul et mêmeroi (1605). Elles furent de nouveau séparées lorsque l'Écosse reconnut un roi qui fut rejeté par l'Angleterre (1649). A un autre moment, l'Écosse fut incorporée à une république d'Angleterre (1652). L'Écosse et l'Angleterre redevinrent ensuite des royaumes indépendants sous un même roi (1660); enfin, au dix-huitième siècle, les deux royaumes furent réunis par consentement mutuel, et n'en formèrent plus qu'un seul qui porta le nom de Grande-Bretagne (1707). L'Écosse et les colonies Scandinaves '. — Les 1.
Voir page 157.
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rois d'Écosse eurent, comme ceux d'Angleterre à une époque antérieure, à lutter contre des envahisseurs Scandinaves. Les établissements des Northmans firent des progrès au onzième siècle, et pendant quelques années ils comprirent le Moray à l'est et le Galloway à l'ouest. Mais ce fut seulement au nord, et dans les îles septentrionales, que le pays devint réellement Scandinave. Dans les îles Hébrides, ou Sudereys (îles du sud, par opposition aux Orcades et aux Shetland qui étaient les îles du nord), et dans l'île de Man, la langue celtique a survécu. Le Caithness passa sous la suprématie écossaise au commencement du treizième siècle (1205). Le Galloway fut incorporé à l'Écosse (1255). Un peu plus tard, après "la bataille de Largs, les Hébrides et Man passèrent sous la suprématie écossaisse (1263-1206). Mais l'autorité de la couronne d'Écosse fut pendant longtemps très précaire dans ces îles. Man, la plus centrale des Iles Britanniques, placée à une distance presque égale de l'Angleterre, de l'Écosse, de l'Irlande et du pays de Galles, resta un royaume séparé, reconnaissant tantôt la suprématie de l'Écosse et tantôt celle de l'Angleterre. Après qu'il eut été donné à des sujets de la couronne d'Angleterre, ce royaume devint une simple principauté, qui fut ensuite réunie à la couronne de la Grande-Bretagne ; mais Man, de même que les Iles normandes, resta une possession distincte, qui ne fit jamais partie du Royaume-Uni. Le comté1 des Orcades resta une dépendance norvégienne jusqu'à ce qu'il eût été donné en gage à la couronne d'Écosse (1469). Depuis lors il est devenu silencieusement partie, en premier lieu du royaume d'Écosse, et plus tard de celui de la Grande-Bretagne.
1. Comprenant les îles Orcades et les îles Shetland. (Note du traducteur.)
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II
LE ROYAUME D'ANGLETERRE1
Soumission du pays de Galles (1063-1283). Son incorporation (1535). — Les changements de frontières entre l'Angleterre et le pays de Galles commencent avec la grande campagne galloise d'Harold (1063). Tous les comtés de la frontière, le Cheshire, le Shropshire, le Herefordshire, le Glouceslershire, semblent alors avoir été agrandis; la frontière anglaise s'étendit au nord jusqu'au Conway, et au sud jusqu'à l'Usk. Mais une partie de ce territoire semble avoir été recouvrée par les princes gallois, tandis qu'une autre partie passa dans la grande marche; on appelait ainsi le district frontière qui était placé entre l'Angleterre et le pays de Galles, et qui était gouverné par les Lords Marchers. La conquête progressive du sud du pays de Galles commença sous Guillaume le Conquérant et sous ses fils ; mais elle fut bien plus l'œuvre d'aventuriers que celle des rois anglais eux-mêmes. Les pays de Morganwg, Dyfeld, Ceredigion et Breheiniog, répondant à peu près au sud du Pays de Galles moderne, furent soumis progressivement (1070-1121). Dans quelques districts, particulièrement dans la partie méridionale du Pembrokeshire actuel, les Bretons Turent réellement chassés hors du pays, et celui-ci se peupla de Flamands, les derniers immigrants teutoniques dans l'île de Bretagne (1111). Ailleurs, la noblesse normande, avec des Normands, des Anglais et des Flamands à sa suite, occupa les villes et les pays de plaine, tandis que
1. Pour la formation du royaume d'Angleterre, voir la page 128 et les pages 158 à 160.
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, les Gallois conservaient une demi-indépendance dans les | montagnes. > Dans la partie septentrionale du pays de Galles, des ' princes indigènes, les princes d'Aberfraw et seigneurs de Snowdon restèrent vassaux du roi d'Angleterre jusqu'à la er conquête définitive sous Edouard I . Dans une première période, le prince vassal fut forcé de céder à son suzerain le territoire situé à l'est du Conway (1277). La conquête complète eut lieu six ans plus tard (1282). Mais elle ne fut pas suivie d'une incorporation immédiate à l'Angleterre. Le Pays de Galles tout entier resta une possession distincte, donnant le titre princier à l'aîné des fils du roi d'Angleterre (1). Quelques comtés furent formés; de nouvelles villes furent fondées ; les districts frontières restèrent sous la juridiction anormale des lords Marchera. La complète incorporalion de la principauté et de ses marches date de Henri VIII (1535). Treize nouveaux comtés furent formés, et quelques districts furent ajoutés ou restitués aux comtés frontières de l'Angleterre. Un des nouveaux comtés, le Monmouthshire, fut ajouté, sous Charles II, à une circonscription anglaise, et il a figuré depuis au nombre des comtés anglais. Les comtés anglais avant et après la conquête normande. — En laissant de côté ces nouvelles créations, tous les comtés actuels de l'Angleterre existaient à l'époque de la conquête normande, sauf ceux de Lancastre, de Cumberland, de Westmoreland et de Ruttland. Leurs limites n'étaient pas exactement les mêmes qu'à présent; mais les différences qu'il y aurait à signaler sont généralement minimes et n'ont qu'un intérêt purement local. Les comtés, tels qu'ils existaient à l'époque de la conquête normande, étaient de deux sortes. Quelques-uns étaient d'anciens royaumes ou d'anciennes principautés qui conservaient,
1. Il faut remarquer que c'est accidentellement que la principauté devint l'apanage du fils ainé. Le premier prince anglais du pays de Galles, celui qui régna plus tard sous le nom d'Edouard II, n'était pas le lils ainé de son père à l'époque où la principauté fut créée. En outre, à chaque période, le titre est créé de nouveau. (Note de l'auteur.)
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LES ILES BRITANNIQUES ET LEURS COLONIES.
comme comtés, leurs noms et leurs limites. Ainsi les comtés de Kent, Sussex et Essex répondaient à ces anciens royaumes. Les comtés situés dans les limites des anciens royaumes d'Est-Anglie, de Wessex et de Northumbrie conservaient pour la plupart d'anciens noms de localités ou de tribus; il n'y en avait qu'un très petit nombre qui fussent désignés par le nom d'une ville. D'un autre côté, dans la Mercie, une nouvelle division des comtés semble avoir été faite après que la contrée eut été reprise aux Danois. Ils sont désignés par le nom d'une ville, laquelle se trouve généralement au centre du district, et, sauf dans quelques cas où une autre a pris sa place dans les temps modernes, cette ville est toujours restée la ville principale du comté. Ces deux classes de comtés survécurent à la conquête, et elles ont continué depuis lors à subsister en ne subissant que de très légers changements. Sur la frontière galloise, tous les comtés, à l'époque du Domesday, s'étendaient plus loin à l'ouest que cela n'a lieu maintenant, et nous en avons déjà donné les raisons. Sur la frontière écossaise, les comtés de Cumberland et Westmoreland furent formés des conquêtes de Guillaume-le-Roux, augmentées de districts qui apparaissent dans le Domesday •somme des parties du Yorkshire. Le Lancashire fut formé de districts enlevés au Yorkshire et au Cheshire, ces deux derniers comtés étant limités auparavant par la Ribble. Les limites dos diocèses à'York, de Carlisle et de Lichfield ou de Chester, telles qu'elles subsistèrent jusqu'aux changements du règne de Henri VIII, correspondaient aux anciennes divisions politiques de cette région. Au centre de l'Angleterre, le seul changement qu'il y ait à signaler est la formation du petit comté de Ruttland. Il se composa du petit district de Ruttland, agrandi d'un petit territoire qui dépendait alors du Northamptonshire ; ce petit district de Ruttland, dont le Domesday fait mention, apparaît, assez anciennement, comme un appendice du Nottinghamshire.
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III
L'IRLANDE
L'Irlande jusqu'au douzième siècle. — La seconde grande île du groupe britannique, l'Irlande, — la Scotie primitive, — a eu moins de rapports avec l'histoire générale du monde que toute autre partie de l'Europe occidentale. Ses anciennes divisions ont survécu depuis les temps les plus reculés. Les noms de ses cinq grandes provinces, Ulster, Meath, Leinster, Munster et Connaught, sont tous d'un usage très répandu, quoique Meath ait considérablement perdu de son importance, comparativement aux quatre autres. Les Celtes qui peuplaient l'île restèrent à l'abri de toute domination étrangère jusqu'à l'invasion Scandinave. De même que les royaumes anglais en Bretagne, les grandes divisions de l'Irlande furent quelquefois indépendantes, quelquefois réunies sous la suprématie d'un roi principal. Peu à peu les Northmans, appelés en Irlande les Ostmen, s'établirent sur la côte orientale, et ils en occupèrent les grands ports, Dublin, Waterford, Wexford, comme le prouvent ces deux derniers noms. La grande victoire remportée parles Irlandais à Clontarf (1012) affaiblit, mais ne détruisit pas la domination Scandinave. À partir de la dernière moitié du dixième siècle, la côte orientale de l'Irlande montre une connexion croissante avec l'Angleterre. Il parait douteux qu'il y ait eu alors quelque suprématie exercée par l'Angleterre, mais les liens commerciaux et ecclésiastiques entre les deux pays se resserrèrent pendant les onzième et douzième siècles. Conquête de l'Irlande par l'Angleterre (11691653). — Rapports des deux pays jusqu'en
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18©1. — La conquête de l'Irlande par l'Angleterre commença sous Henri II, mais elle ne fut en réalité finie que sous Cromwell. Toute l'Irlande reconnut momentanément la suprématie de Henri II (1171), mais la domination réelle de l'Angleterre subit de nombreuses fluctuations jusqu'au seizième siècle; elle était désignée sous le nom de Pale, avec Dublin comme centre, et pendant quelque temps elle recula plutôt qu'elle n'avança. Dans les premiers jours de la conquête, l'Irlande est désignée sous le nom de royaume, mais le titre cessa bientôt d'être employé. Le plan primitif semble avoir été que l'Irlande devait former, comme le pays de Galles, un apanage pour un fils du roi d'Angleterre. Au lieu de cela, l'Irlande devint, dans la mesure où elle était une possession anglaise, une simple dépendance de l'Angleterre, qui donna au roi de ce pays le titre de Prince d'Irlande. Henri VIII prit le titre de roi d'Irlande (1542); mais ce royaume n'en resta pas moins une simple dépendance de la couronne d'Angleterre, et ensuite de celle de ia Grande-Bretagne A cet état de choses succédèrent une courte période de complète incorporation sous la République (1652), et une courte période d'indépendance sous Jacques II (1689). Mais pendant les dernières années du dix-huitième siècle, l'Irlande fut formellement reconnue comme un royaume indépendant, n'ayant d'autre lien avec la Grande-Bretagne que celui d'avoir le même souverain (1782-1800). Peu de temps après elle forma partie intégrale du Royaume-Uni de la GrandeBretagne et d'Irlande (1801)
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IV
POSSESSIONS DE L'ANGLETERRE EN EUROPE
L'Irlande, l'île sœur de la Bretagne, a donc été réunie avec la Bretagne en un seul royaume. L'île de Man, comprise entre les deux, reste une dépendance distincte. Il eu est de même de cette partie insulaire du duché de Normandie qui resta attachée à ses ducs particuliers (1205)', et ne devint jamais française. On pourrait se demander quelle était la situation exacte de Guernesey, Jersey, Alderney, Sark, et autres petites îles voisines, lorsque les rois d'Angleterre, déjà possesseurs du duché de Normandie, prirent le titre de rois de France au quinzième siècle. En réalité, les îles sont restées attachées à la couronne d'Angleterre malgré tous les changements qui se sont produits, mais elles n'ont jamais été incorporées au royaume d'An: gleterre. D'autres pays européens plus éloignés ont été dans la même situation, et quelques-uns y sont encore. VAquitaine, le comté de Ponthieu et Calais se trouvaient dans ce cas après le traité de Brétigny. Depuis la perte de l'Aquitaine, l'Angleterre n'a eu aucune possession considérable sur le continent européen, mais elle a, à différentes époques, possédé diverses îles et quelques points détachés: par exemple : Calais, Boulogne, Dunkerque, Gibraltar, Minorque, Malte, Héligoland, possessions dont il a été déjà question lorsque nous avons parlé des régions où elles sont situées. Nous pouvons y ajouter Tanger, qui a beau1. Après la conquête de la Normandie par Philippe Auguste (1205-1205). (Noie du traducteur.)
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coup plus de rapports avec Gibraltar et Minorque qu'avec les établissements anglais des parties éloignées du continent africain. Gibraltar, Heligoland et Malte sont toujours occupés par i'Angleterrre. La possession virtuelle des Iles Ioniennes donna momentanément à l'Angleterre une part dans les débris de l'empire romain d'Orient (1814-1864). Plus tard, elle a acquis de nouveau ce caractère en occupant, à quelque titre que ce soit, un autre territoire grec et impérial, l'île de Chypre (1878).
V
COLONIES DE L'ANGLETERRE EN AMÉRIQUE
L'Angleterre, comme la France et la Hollande, devint un état volontairement colonisateur. S'étendre sur des pays barbares n'était pas pour elle comme pour la Russie une nécessité, ni la conséquence naturelle de circonstances antérieures, comme cela avait été le cas du Portugal. Mais les entreprises coloniales de l'Angleterre ont produit des résultats bien plus considérables que celles des autres états européens. La plus grande colonie de l'Angleterre, — car, pour parler plus correctement, le mot colonie1 devrait impliquer l'indépendance plutôt que la dépendance, — est cette grande confédération qui est à son égard ce que Syracuse était à Gorinthe, ce que Milet était à Athènes, ce que Gadès et Carthage étaient aux villes de l'ancien pays de Chanaan. Les États-Unis d'Amérique, nouvelle et plus grande Angleterre au delà de l'Océan, état euro1. Le mot latin colonia n'implique certainement pas l'indépendance ; mais le mot colonie, employé comme il est par nous, répond bien plutôt au grec à-oixîa. (Note de l'auteur.)
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péen situé hors des limites de l'Europe et l'égal des principaux états européens, forment la grande œuvre des entreprises anglaises et européennes dans des pays noneuropéens. Formation des treize colonies anglaises dans l'Amérique du Nord (1617-1733).— Leur indépendance (1783). — Les établissements qui devinrent les États-Unis n'étaient pas les premières possessions anglaises dans l'Amérique du Nord, mais ils furent les premiers auxquels on pût appliquer justement le mot de colonies. Les premières découvertes amenèrent seulement l'établissement des pêcheries de Terre-Neuve (1497). Les tentatives faites par Raleigh, quatre-vingt-dix ans plus tard (1585-1587), en vue d'une colonisation réelle, ne firent qu'ouvrir le chemin à quelque chose de durable. C'est seulement au dix-septième siècle qu'on peut faire remonter l'origine des treize colonies anglaises, qui devaient ensuite se rendre indépendantes, et, parmi elles, celles qui étaient situées le plus au nord comme celles qui étaient situées le plus au sud furent le résultat de la colonisation anglaise dans son sens le plus strict. La première de toutes fut celle de Virginie (1607); l'émigration des Puritains fonda ensuite, beaucoup plus au nord, les états de la Nouvelle-Angleterre (1620-1658). Des changements innombrables eurent lieu parmi toutes ces colonies, et leur histoire ressemble ainsi à celle de l'ancienne Grèce ou de la Suisse. Vers la fin du dix-septième siècle, tous ces établissements avaient fini par former quatre colonies distinctes. Celle de Massachusetts fut formée par l'union de Massachusetts et de Plymouth (1691); le Maine, qui dépendait du Massachusetts depuis 1677, devint un état séparé (1820), c'est-à-dire longtemps après la guerre de l'Indépendance. Le NewHampshire, qui fut annexé par le Massachusetts (1641), en fut de nouveau séparé (1671). Le Connecticut fut formé par l'union du Connecticut et de Neivhaven (1664). Enfin, le
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Rhode-Island fut formé par l'union de Rhode-Island et de Providence (1644) Ces états de la Nouvelle-Angleterre forment un groupe géographique distinct, et ils ont un caractère religieux et politique qui leur est propre. Pendant ce temps, à quelque distance au sud, un autre groupe de colonies se forma autour de la Virginie comme centre, et leur histoire, comme leur caractère, diffère sur bien des points de celle de laNouvelleÀngleterre. Au nord de la Yirginie s'éleva la colonie de Maryland (1632); au sud, celle de Caroline (1630-1663), divisée plus tard (1720) en Caroline du Nord et Caroline du Sud. Cette dernière fut pendant longtemps la limite des établissements anglais au sud, comme le Maine fut celle des établissements anglais au nord. Entre ces deux groupes de colonies anglaises, ce mot étant pris dans son sens le plus strict, il s'en forma un autre d'une nature toute différente. Les Provinces-Unies avaient fondé une grande colonie sur l'île de Long-Island et la terre ferme voisine ; cette colonie, qui était antérieure aux établisements anglais, sauf celui de Virginie, porta le nom de Nouvelle-Néerlande (1614), et sa capitale fut Nouvelle-Amsterdam. Au sud, sur les rives de la baie de Delaware, l'autre grand état européen du dix-septième siècle, la Suède, fonda la colonie de Nouvelle-Suède (1638). Trois nations européennes, étroitement alliées comme race, comme langue et comme croyances, se trouvèrent ainsi établies côte à côte, pendant quelque temps, sur le littoral de l'Amérique du Nord.
1. Voici d'ailleurs les dates des différents établissements et celles de leurs réunions et divisions. : Plymoulh. . . . 1620 ) „. . Réun,s en lb91 Massachusetts. . 1628 New-Hampshire 1629 Annexé par Massachussetts (16-il) et séparé (1671)'. Connecticut.. . 1635 ) „. . .„„, Reun,s en im Newhaven. . . . 1638 Maine 1638 Acheté par Massachussetts (1677). Rhode Island. . 1634 ) „. . Providence.. . . } Reunis en 1644.
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Mais ces trois établissements étaient destinés à n'en faire qu'un, et cela par la force des armes. Une guerre toulc locale annexa la Nouvelle-Suède à la Nouvelle-Néerlande (1655); une guerre entre l'Angleterre et les Provinces-Unies donna ensuite la Nouvelle-Néerlande à l'Angleterre (1664). Nouvelle-Amsterdam s'appela New-York, et ce dernier nom devint celui de la colonie qui devait être dans la suite l'état le plus important de l'Union. Dix années plus tard, dans la guerre qui éclata de nouveau entre la Hollande et l'Angleterre, la nouvelle possession anglaise fut perdue el reprise (1674). Pendant ce temps, d'autres établissements anglais commencèrent à remplir le vide qui existait toujours entre ceux du nord et ceux du sud. Deux états de Jersey, est et ouest, qui commencèrent comme, deux colonies distinctes, furent ensuite réunis en un seul (1665-1702). La grande colonie de Pensylvanie commença plus tard (1682), et, vingt ans après, on en détacha la petite colonie de Delaware (1703). La Pensylvanie fut le dernier des établissements du dix-septième siècle, lesquels s'étaient ainsi succédé dans un espace de près de quatre-vingts ans. Cinquante ans plus tard, l'établissement de Géorgie, au sud de la Caroline (1735), forma la treizième des colonies qui furent reconnues au traité de Paris comme des étals indépendants (1783). Agrandissements des États-Unis après le traité de Paris. — Ces treize états étaient donc ceux de Massachusetts, de New-Hampshire, de Connecticut et de Rhode-Island, au nord ; de New-York, de Jersey, de Pensylvanie et Delaware, au centre; de Maryland, de Virginie, de Caroline nord et sud et de Géorgie, au sud. Après la reconnaissance de l'indépendance de ces colonies (1785), la' grande œuvre de la colonisation anglaise sur un sol étranger fut réalisée dans sa perfection. La nouvelle et libre Angleterre au delà de l'Océan comprcnait alors toute la région tempérée du littoral de l'Amérique du Nord, entre la péninsule A'Acadie, au nord, et celle de
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Floride, au sud. Ces deux derniers pays étaient des possessions anglaises à l'époque de l'insurrection, mais elles ne devinrent pas indépendantes comme les treize États-Unis. L'Acadie, sous le nom de Nouvelle-Écosse, avait été cédée à l'Angleterre par la France (1715), c'est-à-dire dans l'intervalle qui sépare les deux établissements en Pensylvanie et en Géorgie. Le Canada fut conquis par l'Angleterre un peu plus tard (1759-1765), et les colons anglais contribuèrent pour leur part à cette conquête. Les prétentions que s'arrogeait la France à l'ouest de la chaîne des Alleghanys avaient toujours empêché les colonies anglaises de s'étendre de ce côté; mais après le traité de Paris, toute la contrée qui s'étend jusqu'au Mississipi fut ouverte aux entreprises des Américains, bien que ceux-ci fussent toujours séparés du golfe du Mexique par la Floride qui était redevenue une possession espagnole (1781)bien que la Nouvelle-Orléans restât un poste avancé des Espagnols, puis des Français, à l'est du Mississipi, bien que les possessions que l'Angleterre gardait au nord séparassent toujours de l'embouchure du Saint-Laurent les états qui venaient d'être affranchis. Néanmoins, dans ces limites, ceux dés anciens états auxquels leur position géographique le permettait, s'étendirent dans la direction de l'ouest, et de nouveaux états furent formés. Enfin, l'achat de la Louisiane à la France (1805), et la cession de la Floride par l'Espagne (1821), donnèrent aux États-Unis l'accès au golfe du Mexique et la faculté de s'étendre jusqu'au Pacifique ; il n'est guère nécessaire d'entrer ici dans les détails de ces agrandissements qui furent faits, en partie par extension naturelle, en partie aux dépens des éléments espagnols de l'Amérique du Nord. En regardant les choses au vrai point de vue de l'histoire, la nouvelle nation qui doit son origine aux établisse1. Cédée par l'Espagne à l'Angleterre en 1765, la Floride fat reconquise par l'Espagne (1781), et la cession lui en fut confirmée par le traité de Paris (17S5). (Note du traducteur )
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O'Jl
ments anglais sur la côte de l'Amérique du Nord est une nation anglaise, quoiqu'elle se soit séparée de la GrandeBretagne. Le nom à'États-Unis d'Amérique n'est guère plus un nom géographique ou national que ceux de Confédérés ou de Provinces-Unies, qui s'appliquèrent à des confédérations européennes plus anciennes, formées exactement de la même manière. Dans le cas des deux confédérations européennes, l'usage a prévalu de donner à l'ensemble de l'Union le nom de l'un de ses membres; et pour la Suisse, c'est le nom populaire qui est devenu le nom officiel En Amérique, au contraire, la Confédération est désignée, dans la langue populaire, par le nom du continent tout entier dont son territoire fait partie. Quelquefois, les mots d''Amérique et d'Américain sont entendus dans un sens qui exclut le Canada et le Mexique, pour ne rien dire du continent de l'Amérique du Sud ; quelquefois aussi, ces noms s'appliquent à la totalité du continent américain, nord et sud. Mais il est plus facile de voir les imperfections de la nomenclature en usage que d'indiquer la manière de les corriger. Formation tle la Confédération de YAmérique du Nord Britannique,. — Tandis qu'une nouvelle nation anglaise indépendante était ainsi créée, au dixhuitième siècle, sur le sol de l'Amérique du Nord, une autre série d'événements, remontant un peu plus haut dans ce même siècle, amena postérieurement la création d'une autre nation anglaise, qui était voisine de la précédente, mais qui continua à rester attachée à la couronne d'Angleterre. Une confédération d'états réellement indépendants dans leurs affaires intérieures, mais restant sujets d'un souverain éloigné, c'est là quelque chose de nouveau en politique. La Confédération de l'Amérique du Nord Britannique ne fut pas due à la colonisation, dans le sens où ce mot s'applique à la confédération indépendante placée au sud d'elle. Le Canada, qui en est la partie centrale, celle qui lui donne son caractère principal, est un pays conquis. Les petits districts de Noaveau-Brunsivick et d'Ile du Prince Édouard,
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qui avaient été réunis d'abord à la Nouvelle-Ecosse et aevinrent ensuite des colonies distinctes, sont maintenant réunis à l'état du Canada (dominion of Canada 1867), et cet é!at s'accroît, ainsi que les États-Unis, par l'incorporation de nouveaux états et de nouveaux territoires. L'addition de la Colombie britannique a porté la confédération jusqu'au Pacifique (1871); celle du Rupertsland lui laisse une frontière indéterminée dans la direction du pôle nord. Le second état anglais de l'Amérique du Nord s'étend, comme l'ancien, d'un Océan à l'autre. L'île de Terre-Neuve qui a fini, après de nombreux débats, par rester au pouvoir de l'Angleterre, à la môme époque que la Nouvelle-Écosse (1715), forme toujours une possession distincte. Colonies anglaises des Indes Occidentales. — Parmi les possessions britanniques dans les Indes occidentales, quelques-unes seulement, et entre autres les Barbades, les plus anciennes de toutes (1605), furent des colonies au même titre que la Virginie et le Massachusetts. Le plus grand nombre, et principalement la Jamaïque, furent conquises sur d'autres états européens. Aucune nouvelle nation anglaise ne s'y est formée comme cela eut lieu pour l'Amérique et le Canada. Quant aux Bahamas, aux Iles Falkland, et à la Guyane Britannique dans l'Amérique du Sud, il est encore moins nécessaire de s'y arrôtei.
IV
*AUTRES COLONIES ET POSSESSIONS DE L'ANGLETERRE
L'histoire des colonies de l'Amérique du Nord peut être comparée avec celle des deux grands groupes de colonies de l'hémisphère méridional. En Australie et dans les autres
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grandes îles de l'Océan Pacifique, la venue d'un certain nombre de colons anglais a déposé les germes d'une nouvelle nation anglaise, mais ces colons ne sont pas encore arrivés à l'indépendance ou à la confédération. Dans l'Afrique du Sud, un groupe de possessions et de colonies qui provient, comme le Canada, de conquêtes aux dépens d'un autre état européen, semble sur la voie de se transformer en confédération; une de ses parties a échoué en voulant établir son indépendance. Australie et Afrique méridionale. — Les premiers établissements anglais en Australie commencèrent dans les années qui suivirent immédiatement la reconnaissance de l'indépendance des États-Unis. Le premier eut lieu sur la côte orientale et reçut le nom de Nouvelle-Galles du Sud (1787) ; il fut désigné dans le principe comme une colonie pénitentiaire. Mais, lorsqu'une autre colonie pénitentiaire eut été formée dans l'Australie occidentale (1829), la colonisation s'étendit (1836) dans la région intermédiaire appelée Australie méridionale, —quoiqu'elle remonte en droite ligne jusqu'à la côte septentrionale de l'île, — dans le district appelé Victoria (1837), situé au sud-ouest de l'établissement originel, et dans le Queensland, au nord-est (1859). Depuis le milieu de ce siècle, toutes ces colonies se sont donné peu à peu des constitutions qui leur assurent une complète indépendance pour leurs affaires intérieures. Au sud de l'Australie, il y a une autre île plus petite mais encore assez vaste ; elle devint une colonie sous le nom de Terre de Van-Diémen, — lequel nom est remplacé maintenant par celui de. Tasmanie, — à une époque antérieure à celle des colonies australiennes, sauf la Nouvelle-Galles du Sud (1804). A l'est de l'Australie, six colonies anglaises furent fondées à différentes époques dans les deux grandes îles qui forment la Nouvelle-Zélande; elles ont été réunies en 1875. Tandis que les établissements australiens étaient des colonies dans le sens le plus strict, les possessions anglaises dans
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l'Afrique du Sud commencèrent, comme New-York, dans un établissement qui avait été fondé par les Provinces-Unies. La Colonie du Cap, après avoir subi quelques changements pendant les guerres de la Révolution française, fut conquise (1806) par l'Angleterre, qui s'en fit confirmer la possession en 1815. De nouveaux établissements ont été fondés par suite de l'émigration vers le nord des habitants anglais et hollandais de la Colonie du Cap; tels sont ceux de Colonie Orientale et de Natal (1820-1856). Des états hollandais indépendants se sont en outre formés; celui de la république du fleuve Orange a été annexé par l'Angleterre, il est ensuite redevenu libre, et a été finalement démembré (1847-1856); celui de Transvaal a été annexé plus récemment, après six ans d'indépendance1 (1861-1877). Un plan de confédération a été fait pour tous ces établissements ; il recevra sans doute son exécution à une époque plus pacifique. Considérations sur les possessions anglaises dans les Indes Orientales. — Chaque fois qu'il y a ou ainsi une colonisation réelle, une extension réelle de la nation anglaise ou de toute autre nation européenne, on peut dire, sans parler au figuré, que les limites de l'Europe se sont agrandies. Tout ce qui caractérise l'Europe, tout ce qui la distingue de l'Afrique et de l'Asie, a été introduit en Amérique, en Australie et même en Afrique. La formation de cette nouvelle Europe est une partie essentielle de la géographie politique de l'Europe, aussi bien que les changements survenus dans l'ancienne. Il en est autrement des territoires grands ou petits qui ont été occupés par l'Angleterre ou par d'autres états européens dans un but militaire ou commercial. Des forts, des factoreries ou des empires sur un sol barbare où aucune nation européenne ne se formera vraisemblablement jamais, ce ne sont pas là des cas de véritable colonisation, pas plus qu'une extension des limites de l'Europe. On peut suivre le développement de cette sorte
1. Le traité du 3 août 1881 a fixé, d'une manière définitive, la situation du Transvaal, comme état vassal de la Grande-Bretagne. (Note du traducteur.)
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■de domination barbare dans ces vastes possessions de l'Inde où l'Angleterre a supplanté le Portugal, la France et les héritiers de Timour. Cette domination n'a pas encore une frontière scientifiquement tracée: malgré cela, elle en est venue à donner un titre impérial au souverain de la GrandeErelagne et de l'Irlande (1876), tandis que ces deux îles européennes se contentent du titre moins élevé de RoyaumeUni (peut-être à cause de leur exiguïté). Quoi qu'il en soit, l'empire asiatique du souverain du royaume britannique n'est certainement pas une extension de l'Angleterre ou de l'Europe, pas plus, que la création d'une nouvelle nation anglaise ou européenne. L'empire de l'Inde est en dehors du monde européen, en dehors du système politique qui s'est concentré autour de l'ancienne et de la nouvelle Rome. Au contraire, la grande nation européenne qui s'est formée sur le sol américain doit être placée parmi les membres principaux de ce système ; elle conserve la langue de l'Angleterre, et la constitution de l'ancienne Achaïe revit dans une confédération qui s'étend de l'Océan Atlantique à l'Océan Pacifique. Résumé de la géographie historique de l'Europe. — En retraçant, comme nous venons de le faire, la géographie politique des différents états de l'Europe et de leurs colonies, nous avons, dans une certaine mesure, écrit leur histoire. Nous n'avons jamais perdu de vue, dans cette description, le centre primitif de la vie européenne, et les deux autres qui le remplacèrent dans la suite. Nous avons vu comment les anciens états de l'Europe se sont fondus progressivement dans la domination romaine, et comment l'empire romain donna ensuite progressivement naissance à d'autres états. Nous avons suivi les destinées des empires d'Orient et d'Occident, qui continuèrent le nom et la tradition de Rome. Nous avons montré quels furent les états qui se formèrent en se séparant de ces empires, et ceux qui se formèrent en dehors de la sphère de la domination romaine, mais non pas en dehors de la sphère de l'influence romaine.
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LES ILES BRITANNIQUES ET LEURS COLONIES.
Nous avons vu l'empire d'Occident passer à un prince germanique, puis cet empire se réduire à n'être plus qu'un royaume germanique, et ce royaume finir lui-même par se dissoudre et par devenir une confédération germanique. Nous avons montré les états qui se détachèrent à différentes époques de cet empire ; la France à l'ouest, l'Autriche à l'est, les États italiens au sud ; les cantons Suisses au sudest et les provinces des Pays-Bas au nord-ouest. Nous avons assisté à la longue tragédie de la Rome orientale; nous avons montré quels furent les états qui s'en détachèrent et ceux qui se formèrent autour d'elle. Nous avons vu sa position territoriale passer à un envahisseur barbare, et elle-même remplacée, en quelque sorte, dans l'esprit des hommes, par le plus puissant de ses disciples dans l'ordre spirituel. Enfin nous avons vu que les pays de la péninsule orientale ont déjà commencé, dans notre siècle, à être rendus à leurs véritables habitants. Nous avons ensuite décrit les vicissitudes des états qui se trouvaient complètement ou partiellement en dehors des limites de l'un ou l'autre empire : la grande région des Slaves, les péninsules Scandinaves, la péninsule hispanique, et nous avons terminé par l'île de Bretagne qui est, de tous les pays européens, le plus isolé. Nous avons vu comment la fondation de nouveaux états européens au delà de l'Océan peut être interprétée dans le sens d'une extension de l'Europe en dehors de ses limites géographiques, et nous avons comparé les positions et les destinées différentes des états européens qui ont colonisé en dehors de l'Europe. Tantôt ce sont des états qui se sont agrandis aux dépens de pays barbares contigus, comme au temps de l'ancienne Rome ; tantôt ce sont des états dont les agrandissements au delà de la mer étaient la conséquence naturelle de leur développement dans leur propre région ; tantôt ce sont des états qui ont fondé des colonies ou fait des conquêtes sans obéir à aucune nécessité. .. En décrivant de la sorte la géographie historique de
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l'Europe, nous avons fait le tour du monde. Mais nous n'avons jamais perdu de vue l'Europe, pas plus que Rome. Nous n'avons jamais dépassé la limite des influences qui, en se réduisant à une seule, ont fait de l'Europe tout ce qu'elle a été. Toute l'histoire européenne est comprise dans cette formule, « le règne du Christ et de César », dont l'action se continue, sous forme d'influence morale, partout où les langues et la civilisation européennes font naître de nouveaux royaumes, dans les continents de l'Océan Atlantique ou dans les îles de l'Océan Pacifique
FIN.
��INDEX ALPHABÉTIQUE
conquis par les Suisses sur la maison de Habsbourg, 274. ABO (évêché d'), 181. — (traité d'), 535. ABRUZZES (annexion des), au royaume de Sicile, 404. ABYSSIME (église d'), 166.
ACADIE (V. NOUVELLE-ECOSSE).
AARGAU,
22, 28. — (ligue d'), 42. ACARNANIENS, non désignés dans le catalogue d'Homère, 28 (note). ACCIAUOLI, ducs d'Athènes, 428. ACHAÏE (ligue d'), 41. — Dépendante de Rome, 43. — Province romaine 80. — (principauté d'), 429, 430. —■ comtes savoisiensd'),288,430 ACHÉENS, tribu d'Homère, 28. AÇORES, conquises par le Portugal, 566. ACRE (SAIWT-JE.A'-D'), au pouvoir des Croisés, 408, 409.
ACARNANIE,
(SAINT-JEAN-D'), définitivement perdue par eux, 409. ACTE (Argolide), 31. AFRIQUE (colonies grecques et phéniciennes en), 36 et 37. —■ Provinces romaines de Vieille-Afrique et : de NouvelleAfrique, 61. — (diocèse d'), dans la préfecture d'Italie, 80, 81. — Envahie par les Vandales, 91 recouvrée par l'empire, 105. — Conquise par les Sarrasins, 110. • - ■ (conquêtes des Normands en), 404. — (conquêtes des Portugais en), 566. — ■ (conquêtes des Français en), 367. — Possessions anglaises dans l'Afrique méridionale, 593, 594. AGRAM (Zagrab), 455.
ACRE
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AGRAM,
INDEX ALPHABETIQUE.
D'OUTRE-MER (royaume portugais d'), 566. ALGER, reconnaît la suprématie des Turcs, 465. ALGÉRIE (caractères de la colonie française d'), 567. ALLEMAGNE, influence de sa position géographique, 9. — Son extension du côté de l'est, 193-198. — (histoire contemporaine de 1'), 217-250. — (restauration de Y empire d'), 201, 229, 230. — Voyez aussi GERMANIE. ALMOHADES, leur invasion et leur domination en Espagne, 557. ALMORAVIDES (invasion des), en Espagne, 554, 557. ALSACE, 190. — Annexée à la France, 190, 191. — Redevient allemande, 229, 360. AMALFI, ville byzantine en Italie, 578. AMASTRIS, occupée par Gênes, 425. AMBRACIE, colonie corinthienne, 52. — Capitale de Pyrrhus, 59. — Voyez ARTA. AMÉRIQUE (domination espagnole en), 568-570. — Emploi de ce mot, 591. AMÉRIQUE DU NORD (possessions françaises dans F), 559. — (rivalité des Français et des Anglais dans 1'), 360. — (possessions russes dans 1'), 546. —■ (formation et histoire des colonies anglaises de F), 586592. ALGARVE
conquise par les Sarrasins, 377. AGRIGENTE (Akragas), 51. — (Traité d') (1668), 356. — (Traité d') (1748), 249, 250, 565. AIRE, 356. Aix (Aquaj Sextiœ), colonie romaine, 59. — (province ecclésiastique d'), 170. AIX-LA-CHAPELLE, lieu de couronnement des empereurs d'Allemagne, 186. — Annexée à la France en 1801, 219. AJACCIO, 359. AKERMAN (traité d'), 468. ALALNS, leur origine, 90. ALAMANS, 87, 92. — Soumis par les Francs, 116. ALARCOS (bataille d'), 553. ALAVA, 556. ALBANAIS, leur origine, 25. — Histoire de la race albanaise, 114,371, 375. ALBANIE (Asie), 100. ALBANIE (rois d'), 432. — Conquise par les Turcs, 454. — (révolte de Scanderbergen), 454. ALBI, annexée à la France, 545. — (province ecclésiastique d'), 171. ALBIGEOIS (guerre des), 343. ALEMANNIE (duché d'), 138, 202. ALESSIO, prise par Venise, 421. ALEXANDRIE (Égypte), (grandeur 1 d'), 59, 65, 79. — (patriarcat d'), 165 et 166. ALEXANDRIE (Italie), 257. '— Cédée à la Savoie, 249. ALGARVE (royaume portugais d'), 558.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
601
(comté d'), réuni à. la couronne, 359. — Réuni temporairement aux possessions des ducs de BourAMIENS AMISOS,
ANGLETERRE
gogne, 305. occupée par Gênes, 425. ANATOLIE (thème d'), 148. ANCHIALOS, 383. ANCÔNE, 49. — (marche d'), 238. — Occupée par Manuel Commène, 388.. ANDALOUSIE, origines du nom, 91.
ANDORRE
(protectorat français d'), 350, 5G2. ANDRASZOVO (traité d'), 525. ANDRINOPLE, prise par les_ Bulgares, 384; par Michel d'Épire, 392; parles Turcs, 397. — (traité d'), 465, 468. ANGLES, leur établissement dans Pile de Bretagne, 97. ANGLETERRE, origine de ce nom, 98. — (invasions danoises en), 158. — (formation du royaume d'), 158, 159. — Unie à la Scandinavie sous Cnut, 160. — Conquise par les Normands, 160. — Ses guerres avec la France, 545, 349. — Rivalité avec la France en Amérique et dans l'Inde, 359. — Rapports avec l'Ecosse, 577, 578. — Conquête du pays de Galles, 580-581. — Rapports avec l'Irlande, 585, 584. — (possessions de 1'), en Europe, 585, 586.
(domination coloniale de 1'), 586-595. ANGORA (Ancyre), (défaite de Bajazet à), 461. ANHALT (principauté d'), 226. ANI, annexée à l'empire d'Orient, 386. — Conquise par les Turcs, 586. ANJOU (comté d'), 141. — Réuni à la Touraine, 558. — Réuni au Maine et à l'Angleterre, 540. — Annexé par Philippe Auguste, 541. ANJOU (maison d'), son extension territoriale en Gaule, 340 et 341. — Angevins de Naples, . suzerains de la principauté d'Achaïe, 430. (V. royaume de
ANTILLES
Naples). (possessions françaises dans les), 560. ANTIOCHE (grandeur d'), 65, 79. — Prise par Chosroès, 109. — (patriarcat d'), 165,166. — reprise aux Sarrasins par l'empire d'Orient, 586. — prise par les Turcs, 387. — (principauté franque d'), 408. ANTIOCHUS LE GRAND, sa guerre avec Rome, 40, 42, 66. ANTIVARI, ville serbe, 417. — Partie du Monténégro, 442. — recouvrée de nos jours par le Monténégro, 445. AOSTE (évêché d"), 175. — Partie du royaume de Bourgogne, 283. — Ses rapports avec la Savoie, 295. APOLLONIE, alliée de Rome, 42. APPENZELL, se joint à la Confédération suisse, 275. -
�602
APULIE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
conquise par les Normands, 402. AQM: SEXTLE, voyez Aix. AQUILÉE (fondation d'), 57. — Sa destruction par Attila, 94. — (patriarcat d'), 167,168,257, 515. — Ses fluctuations entre l'Allemagne et l'Italie, 192. — Passe à l'Autriche avec le comté de Goritz, 326. AQUITAINE, division de la Gaule transalpine, 60. — Sa conquête par les Francs, 118, 120. — (Royaume à"), 126. — Sa réunion avec la Neustrie, 135. - (Duché d'), 140, son étendue et son union avec la Gascogne, 540. — Sa réunion aux possessions de la maison d'Anjou, 340. — Reste au roi d'Angleterre après la confiscation prononcée contre Jean, 342. — Affranchie de tout hommage envers la couronne de France, 545. — Son union définitive à la France, 546. ARABES (V. SARRASINS). ARABIE (expédition romaine en), 63. — (conquêtes des Portugais en), 566. (conquête romaine de F), 71 ARAGON (Comté d'), 152, 153,154. — (Royaume d'), 551 ; son union avec le royaume de Sobrarbe, 555 ; avec le comté de Barcelone, 556.
ARABIE PJÎTRÉE
rénées et du Rhône, 343, 556. s'agrandit des îles Baléares et de Valence, 558. — Son étendue au treizième siècle, 559, 560. — Son union avec la Castille, 561.
ARAGON,
— S'agrandit des Deux-Siciles et de la Sardaigne, 565. — Comparaison entre ses possessions éloignées et celles de la Castille, 563. ARBANON (Elbassan), 445. ARCADIE, 51. ARCHIPELAGO (V. NAXOS). ARGOS, sa désignation dans le catalogue d'Homère, 28. —■ Son ancienne grandeur, 29. — Son union avec la Ligue Achéenne, 41. — Enlevée au despotat d'Épire par les Latins, 429. — Occupée par Venise, 421, par les Turcs, 422. ARGOVIE, voyez AARGAU. ARIMINUM, voyez RIMIM. ARLES, dernière capitale de la Gaule romaine, 92. — Conquise par les Sarrasins, 111. — (Royaume
BOURGOGNE).
d'),
145
(voyez
— (province ecclésiastique d'), 170. —■ Lieu de couronnement des rois de Bourgogne, 186. — Annexée à la France, 265. ARMAGII, province ecclésiastique d', 181.
ARMÉNIE,
conquise par Trajan et abandonnée par Adrien, 100.
— Ses progrès au delà des Py-
— Partagée entre Rome et la Perse, 101.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
603
(thème d'), 148. — (conquête du royaume d'), par Basile II, 150, 386. — (conquêtes des Russes en), 545. ARMÉNIE CILICIENNE, 386, 408. — Reconnaît la suzeraineté de l'empereur d'Occident, 410. ■— Sa connexion avec Chypre et sa fin, 410. ARMORIQUE, voyez BRETAGNE. ARRAS (Traité d'), (1435), 303. traité de 1482, 347. ARTA (Ambracie), conquise par l'empire d'Orient, 595. — Possession des ducs de Leucade, 453. — Conquise par les Turcs, 453. ARTOIS, réuni à la couronne, 359. — Passe aux ducs de Bourgogne, 547. —■ Momentanément annexé par Louis XI, 347. — Affranchi de tout hommage envers la France, 548. — Partie du cercle de Bourgogne, 215. — (Acquisitions de la France dans F), 555, 556. ARYENS, ordre de leur migration en Europe, 13-15. ASIE (caractères géographiques de F), 6. — (domination d'Alexandre et de ses successeurs en), 59-40. — (province romaine d'), 65. ASIE MINEURE, sa connexité historique avec l'Europe, 6. — (colonies grecques en), 2437. — (royaumes de F), 40. — Conquise par les Romains, 66
ARMÉNIE
MINEURE, ravagée par les Sarrasins, 111, 385. — (conquêtes des Turcs Seldjoucides et Ottomans en), 387, 596. ASPLEDON, sa désignation dans le catalogue d'Homère, 29. ASTRAKAN (khanat d'), 521. — Conquis par la Russie, 555. ASTURIE, sa réunion à la Cantabrie, 152, 555. — (principauté des), 500. ATHAMANIE, royaume d', 39. ATHÈNES, 29. — Nominalement indépendan le de Rome, 45. — (seigneurie etduchéd'), 427429.. ATROPATÈNE, 100. ATTABEGS, leurs guerres avec les Croisés, 409. ATTIQUE, 22, 29. AUCH (province ecclésiastique d'), 170. AUGSBOURG (évêché d'), 214. — Ville libre, 219. — Annexée à la Bavière, 220. AUSTRALIE (colonies anglaises en), 595. AUSTRASIE, 119; voyez FRANCI.V orientale. AUSTRIE, province du royaume des Lombards, 254. AUTRICHE, origine de ce nom511, 512. —■ (Marche orientale ou marche d'), 158, 195, 203, 268, 269. 511, 514. — (Duché d'), ses commencements sous la maison de Babenberg, 511-516. — Son union momentanée à la Bohème, 515, 515. — Son histoire sous les preASIE
�604
INDEX ALPHABÉTIQUE.
miers Habsbourg et son élévation au rang d'archiduché, 316-320. AUTRICHE, son union à la Bohème et à la Hongrie au seizième siècle, 321-524. — (Maison d'), sa connexion avec l'Empire, 317, 318,522. — Ses acquisitions en dehors de l'empire, 321, 324. — Réunion de ses diverses branches sous Maximilien, 319, 520. — Son histoire à partir du seizième siècle, 525-531, 455, 456, 536-538, 220, 221, 224, 227. — (Empire d') et monarchie austro-hongroise, 220, 268, 512, 528-551. — Sa rivalité avec la Prusse et son exclusion de l'Allemagne, 224, 227. — (Cercle d'), 214. AUTUN, 94. AUVERGNE, 540, 545. AVARES, peuple touranien, 16, 106, 112, 572. — (royaume des), renversé par Charlemagne, 125. AVERSE (comté d'), 402. AVIGNON, prise par la France, 265. — Devient la propriété des papes, 266. — Annexée définitivement à la France, 266, 562. — (archevêché d'), 171. Azor, prise et perdue par la Russie, 465; voyez CRIMÉE.
BABYLONIE, ISADAJOZ,
100. 557.
(marche, duché et électoral de, 214, 219, 220, 225. BAHAMAS, 592. BALE (évêchè de), annexé par la France, 275, 562. — Reperdu par elle, 280, 565. BALÉARES, conquises pari'Aragon 558. BALLENSTED (Bernard de), fondateur de la dynastie ascanienne, 205. BALSA (maison de), sa domination en Albanie, 442. BAMBERG (évêché de), 173, 212. 225. BANGOR (évêché de), 179. BAR (duché de), ou Barrois, réun à la Lorraine, 190. — Annexé par la France et rendu à la Lorraine, 555. — Réuni définitivement à la France avec la Lorraine, 557. BARBADES, 592. BARCELONE (comté de), fief français, 338. — Réuni à l'Aragon, 556. — Affranchi de tout hommage envers la couronne de France, 545. BARI, enlevée aux Sarrasins, 578. —■ (archevêché de), 169. BARNIM, à la Pologne, 496. — Passe au Brandebourg, 512. BARRIÈRE (traité de la), 556. BARROIS, voyez BAR. BASQUES, 12, 15, 91. BATOUM, annexée à la Russie, 545. BAVIÈRE, soumise par les Francs, 116, 118, 120. — Étendue de l'ancienne, 159. — (duché et électorat de), 213. — Son union avec le Palatinat, 215.
BADE
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
BAVIÈRE
005
(Royaume de), ses agrandissements, 220. — Partie de la Confédération germanique, 225. — Son étendue comparée avec celle de l'ancien duché de Bavière, 188-189, 225. BAVONNE (diocèse de), 176. BELGIQUE (royaume de), 309. BELGRADE, conquise sur l'empire d'Orient par les Magyars, 586. — Prise par les Turcs, 454. — Traité de, 455. BÉNÉVENT (duché lombard de), 107,149. — Sous la domination des papes, 402, 250, 255-256. BÉOTIE, 22, 32. — (ligue de), dissoute, 43. BERLIN, capitale du nouvel empire d'Allemagne, 229. — (Traité de), 443, 465, 468470.
BERNE,
BIALVSTOCK,
annexé à la Russie,
545.
BIENNE,
son union à la Confédération suisse, 273. — Etes rapports avec les ducs de Savoie, 275, 277. BERNICIE (royaume de), 98, 158, 576.
BERWICK, BESANÇON,
578. ville du royaume des Burgondes, 94. — Ville impériale, 261. — Réunie à la Franche-Comté et à la France, 262, 357. — (province ecclésiastique de), 172.
BESSARABIE,
ses rapports avec les Suisses, 277. BILLUNG (marche des ducs de), 195, 495. BISCAYE, province du royaume de Sanche le Grand, 554, de la Castille, 560. BITHYNIE (royaume de), 40. — Conquis par Rome, 66. BLÉKINGIE, au Danemark, 487. — A la Suède, 551. BLOIS (comté de), imi à la Champagne, 558. BODONITZA (principauté de), 429. BOHÊME, sa place dans le royaume de Samo), 4,91 (note 1). — Royaume de, sa formation et ses commencements, 196, 494, 512. — Son union temporaire avec le Brandebourg, 206, 515. — Son union définitive avec l'Autriche au seizième siècle, 521, 522, 325, 515. BOHUSLAN, passe de la Norvège à la Suède, 531. BOKHARA, sous la dépendance de la Russie, 545. BOLOGNE (archevêché de), 169. BORDEAUX (province ecclésiastiBORMIO,
annexée à la Russie,
465— Frontière russo-roumaine en Bessarabie, 465, 469. BÉZIERS, son annexion àlaFrance, 545.
que de), 171. annexé par les Grisons aux dépens du Milanais, 276. BoRNnoLM, reste définitivement au Danemark, 531. BOSNIE, conquise par les Magyars sur la Servie, 458. — Reconquise par Etienne Douchan, 438. — Se sépare de nouveau de la Servie, 440, 441. — Sa plus grande étendue, 441.
�606 BOSNIE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
m.
conquise par les Turcs,
— Administrée par l'AutricheHongrie, 530, 456. BOSPHORE (royaume du), 41, 66. BOUKELLARION (thème byzantin de), 148. perdue et reprise par la France, 349, 354, 585. BOULONNAIS, réuni temporairement aux possessions des ducs de Bourgogne, 505. BOURBON, île, occupée par la France, 561. BOURGES (vicomté de), annexée à la France, 359. — (province ecclésiastique de), 171. région de la Gaule peuplée par les Burgondes, 94. — Conquise par les Francs, 118. — (Royaume de), ou royaume d'Arles, issu du partage de l'empire franc, 156, 145. — Décomposé en deux royaumes de Bourgogne iransjurane et Bourgogne cisjurane, 145. •— Réuni à l'empire d'Occident, 145. — Son étendue et sa composition, 259, 260. — Son histoire, 259-266. — Parties de ce royaume qui ont été annexées à là France, 264-266, 550-552. — (Duchéde), ou duché français, 142, 297, 556. — Ses agrandissements sous la maison de Yalois, 297, 502. 505, 547. — Annexé à la France Louis XI, 547. sous
BOURGOGNE, BOULOGNE,
partie du royaume de Bourgogne, 206. (Comté de), ses changements de dynastie, 261. — Sa réunion au duché de Bourgogne, 597, 547. — Annexé temporairement à la France, 547. — Dépendance de la Castille sous Charles-Quint, 565. — Annexé définitivement à la France, 261, 556, 564. — (Cercle de), dans le royaume germanique, 215. BRABANT, duché de, 299. — Réuni aux possessions des ducs de Bourgogne,502. BRAGA, 176.
BOURGOGNE
(Marche de), ses origines, 495, 195, 206. — Son union momentanée avec la couronne de Bohême, 206, 515.
BRANDEBOURG
— Son union avec le duché de Prusse, 200, 207, 526. — (Nouvelle Marche de), 516. BRÈME, l'une des villes hanséatiques, 211. — Annexée à la France, 221. — Ville libre de la Confédération germanique, 226. — Indépendante de son évèque, 211. — (archevêché de), 175, 211 ; acquis par la Suède, 208, 552; perdu par elle, 555 ; annexé au Hanovre, 205, 555. BRÉSIL, 567.
BRESLAU BRESSE,
(évêché de), 182. annexée à la Savoie,
264. — Cédée à la France, 292, 554 BRETAGNE (ile de), ou Grande-Bretagne, 3, 4.
— (Comté de), ou Franche-Comté,
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
607
(émigration des Celtes dans la), 14. — (conquête par les Romains de la), 76,567. — Abandonnée par les armées romaines, 96. — (invasions teutoniques en),
BRETAGNE 15, 96.
BULGARIE,
conquise par le Russe Sviatoslas et par Jean Zimiscès, 504. — Second royaume bulgare, 584 ; détruit par Basile II, 150,
584.
— (royaumes anglo-saxons et celtiques dans la), 98,127. — (empire de), 479, 572. — Son indépendance de l'empire romain germanique, 572. BRETAGNE (presqu'île de), Amérique ou Petite-Bretagne, 95. — (Duchéde), 140 ; ses rapports avec la Normandie, 556, 341 ; incorporé à la France, 548. BRÉTIGNY (traité de), 545. BRISSACH, annexée à la France, 355 ; rendue par elle, 557. BRIXEN (évêché de), 215. — Sous la dépendance de l'Autriche, 315. — Uni à la Bavière, 220. — Recouvré par l'Autriche, 224. BROUSSE, prise par les Turcs, 396,
460.
— Troisième royaume de Bulgarie, 589, 444; son étendue sous Jean Asan, 445. — Conquise par les Turcs, 446. — (Principauté moderne de),
470, 476. BUONDELMONTI 453. BURGOS
(domination des), dans l'Épire septentrionale, (province ecclésiastique
176.
de),
BURGONDES,peuplade germanique,
I
88.
—Leur établissement en Gaule,
94.
— Voyez BOURGOGNE. BuiRiNTo,aux Angevins de Naples,
405.
— Se met sous la protection de Venise, 421. — Cédée aux Turcs, 422. — Reconquise par Venise, 422.
BYZANCE, 55.
(duché de), 205, 226. de), (1812), 465. BUGEY, annexé à la Savoie, 264, à la France, 292, 554. BUKOVINE, annexée à l'Autriche,
BRUNSWICK BUCHAREST(traité 456. BULGARES, 572.
— Annexée à l'empire romain par Vespasien, 43, 65. — Capitale de l'empire d'Orient, 79. (V. CONSTANTINOPLE).
peuple touranien,
17, CADIX, réunie à la Castille, 55. — Voyez GADÈS. CALABRE , déplacement de ce nom dans l'Italie méridionale, 577. CALABRYTA, 430. CALAIS,
— Leurs rapports avec l'empire d'Orient, 114, 154, 372. BULGARIE, blanche et noire, 581,
499.
— (Royaume de), 581. — Son étendue au huitième siècle, 582; au neuvième siècle sous Siméon, 585.
conquise par l'Angleterre,
354.
545, 549, 585.
— Rendue à la France,
�608
CALIFAT OCCIDENTAL
INDEX ALPHABÉTIQUE.
(commencements du), 111,120,123. — Son démembrement, 152, 554. CALIFAT ORIENTAL (étendue du), 111. — (partage du), 111, 120, 123. CALMAR (union de), 505. CAMBRAI, annexée à la France, 356. — (évêché de) 172; devient archevêché, 174. — (guerre de la ligue de), 242. CAMFO-FORMIO (traité de),253,467. CANADA, colonisé par la France, 359. — Conquis par l'Angleterre, 360, 596. — Partie de la Confédération de l'Amérique du Nord Britannique, 591. CANARIES, conquises par l'Espagne, 568. CANTABRIE, conquise par Auguste, 59. — Unie avec l'Asturie, 152, 553. CANTORBÉRY (archevêchéde), 178. CAP-VERT (îlesdu), conquises par le Portugal, 566. CAPOUE (archevêché de), 169. — (principauté normande de), 402 ; annexée par le roi de Sicile Roger II, 403. CAPPADOCE (royaume de), 40. —Annexé à l'empire romain, 68. — (Thème de), 148. CARCASSONNE, 343. CARÉLIE, conquise par la Suède, 530 ; cédée en partie à la Russie, 535. , CARIENS, dans le catalogue d'Homère, 29.
(marche de), 125, 138> 195. — (duché de), 214, 314. CARLILI (province turque de), 434. CARLISLE (évêché de), 179. — Annexé à l'Angleterre, 577. CARLOWITZ (traité de), 423, 455, 464. CARNIOLE (marche de), 293. — (duché de), 214. CAROLINGIE (royaume de), 136, 140, 141, 142, 146, 354. CAROLINGIENS (dynastie franque des), 119. CARTHAGE, colonie phénicienne, 56. — Ses possessions en Sicile, 50 ; en Sardaigne et en Corse, 56; en Espagne, 58. — (destruction et restauration de), 61. — Capitale du royaume des Vandales, 91. CARTHAGÈNE (Nouvelle-Carthage), 58. CARYSTOS, 414. CASHEL (province ecclésiastique de), 180. CASSOVIE, voyez Kossovo. CASSUBIE, 512. CASTILLE (Comté de), 152. — (Royaumede), 152, 552, 555. — Son union définitive avec le royaume de Léon, 555. — Ses progrès sur les musulmans, 557 et 558. — Perd et reprend Gibraltar, 558. — Conquête de Grenade, 561. — Son union avecl'Aragon, 561. — Ses possessions éloignées comparées avec celles de l'Aragon, 562.
CARINTHIE
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
CATALANS,
leurs conquêtes en
395, 428.
Grèce,
CATALOGNE CATTARO,
(comté de), 560. conquis et perdu par les Monténégrins, 329, 443. CAUCASE (progrès de la Russie dans le), 545.
CATENNE, 360. CELTES, 13, 14, 58. CÉPHALONIE, 28.
tille sous Charles-Quint, 565. — Annexé à la France, 564. CHARTRES (comté de), uni à la Champagne, 338. — Acheté par saint Louis, 545. CHERSON (Chersonesos) (ville de),
37.
— Annexée à l'empire d'O.'ienl,
385.
Prise par le Russe Vladimh,
150, 385, 500.
—: (thème de), 149. — Sous la domination des Normands de Sicile, 403, 405. — Aux princes de Tocco, 433. — Sous la suprématie de Venise,
421.
— Ville moderne de ce nom (Note de la page 559).
CHIAVENNA, 191, 276.
— Perdue et recouvrée par Ve. nise, 422. CERDAGNE, province aragonaise,
556, 560.
(évêché de), 179. . sa grandeur dans les temps anciens, 34. — Sous les Zaccaria et la Maona,
CHICHESTER CHIOS, 425.
— Sous les Turcs,
CHROBATIE, 449.
426.
— Occupée par la France et perdue définitivement par FAragon, 561, 532.
CEUTA, 551.
— Passe à l'Espagne,
CHABLAIS, 277. CHALCIDIQUE, 21.
566, 568.
— (colonies grecques dans la), 33. — Réunie à la Macédoine, 38. — L'une des dernières possessions de l'empire d'Orient,
397, 398.
(thème de), 148. (bataille de), 95. CHAMBÉRÏ, capitale de la Savoie,
CHALDÉE CHALONS 286, 293.
(comté de), 141. — En quoi consistait son vasselage, 336. — Réuni à la France, 344.
CHAMPAGNE CHANDERNAGOR, 561. CHAROLAIS,
— Sa partie septentrionale devient la petite Pologne, 497. — Voyez aussi CROATIE. CnYPRE (colonies grecques dans l'île de), 24. — Colonies phéniciennes, 55. — Conquête de Chypre par les Romains, 65. — (thème de), 148. — Perdue et recouvrée par l'empire d'Orient, 379. — Conquise par Richard d'Angleterre, 579. — (royaume de), 589 et 408. — Conquise par Venise,415; par les Turcs, 415, 465. — Passe sous la domination anglaise, 465, 586. CIBTRRHÉOTES (thème des), 147. !
CILICIE, 78. CILICIE,
aux ducs .de Bour347.
gogne,
CHAROLAIS,
recouvrée par .l'empire d'Orient, 150, 586. 39
dépendance de la Cas-
CIRCASSIE, 545.
�610 CLÉONE, 29. CLERMONT
INDEX ALP:IIABÉTIQUE.
CORCYRE NOIRE, 558.
(comté de),
CLÈVES, 207. CLONTARP
(victoire des Irlandais
à),
COIRE
582.
(évêché de), 214. (colonia Agrippina), 95. — (province ecclésiastique de),
COLOGNE 172. .
colonie grecque, 56, 416. CORDOUE (évêché de), 176 — Conquise par Ferdinand de Castille, 558. CORDOUE (califat de), voyez CALIFAT
OCCIDENTAL. CORFOU,
— Ses archevêques chanceliers d'Italie et électeurs, 175. — Ville principale de la Hanse,
24.
conquise par les Normands, 587, 405, 404. — Passe de Venise au despote de l'Épire, 592. — Réunie au royaume de Sicile, 404. — Passe à Venise, 404. — Résumé de son histoire, 419 CORINTHE, ville dorienne, 29. — Ses rapports avec la ligue achéenne, 41. —: Au pouvoir des rois de Macédoine, 42. — Reconquise sur l'Épire par les Latins, 129. CORON, occupé par Venise 421; perdu par elle, 422. CORSE, 46. — (premiers habitants de la), 56, — Conquise parlesRomains, 56 — Province romaine, 80. — Au pouvoir de Gênes, 258. — Cédée à la France, 250, 555, 558. Cos, colonie grecque, 29. — Occupée par les chevaliers de Saint-Jean, 596, 426. COTTBUS,. 209, 225. COURLANDE, conquise par les Suédois, 489. — (tribus de la), 502. COURLANDE (domination desPorteglaive en), 516. — (duché de), 527. CoURTRAI, 556. CRACOVIE, capitale de la Pologne,, — ■ 497.J. • : À* , ii .-, ...s
— Annexée à la France, 219. — Redevient allemande, 225,
565. COLONISE
(thème de),
148.
COJIE, 257. COMPOSTELLE
(province ecclésias176. GERMANIQUE, 222,
tique de),
225-228.
CONFÉDÉRATION
CONFÉDÉRATION DU NORD, 227. CONFÉDÉRATION DU RHIN, 220, 221, 565. CONFÉDÉRATION SUISSE,
voyez SUISSE.
CONNAUGHT, 180, 585. CONNECTICUT, 587.
(évêché de), 214. — Passe à l'Autriche, 278. GONSTANTINOPLE (fondationde),
CONSTANCE 79.
55,
— Son influence morale, 115. — (patriarcat de), 166. — (premières tentatives des Russes sur), 500. — Conquise par les Latins,
590.
— Reconquise par Michel Paléologue, 594. — Prise par les Turcs,,
CORCYRE, 22, 28. 42. 598.
— Son alliance avec Rome, — Voyez aussi CQRFOU.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
Cil
— Annexée par l'Autriche, 538. — Réunie au duché de Varsovie, 543. — (république de), 544. — Annexée à l'Autriche pour la seconde fois, 330, 544. CREMA, 237. CRÉMONE, 257. CRÈTE, sa position géographique, 23. — Conquise par Rome, 65. — Province romaine, 80. — Perdue et recouvrée par l'empire d'Orient, 150, 579, 580. — Conquise par Venise, 415. — Conquise par les Turcs, 415, 465, 468. CRIMÉE (khanat de), 521. — Annexé à la Russie, 559. CROATIE, établissements slaves en, 115. — Ses rapports avec les empires d'Orient et d'Occident, 580, 417, 418. — Rapports avec la Hongrie, 418, 448. — Partie des provinces illyriennes, 529. CROIA, 425, 454. CROTONA, 50. CTÉSIPHON, conquise par Trajan, 100. CUJAVIE, 496, 518. CULM (palatinat de), aux chevaliers Teutoniques, 516. — Rendu à laPolgone, 517. CUMANIE, 451. CUMANS, 451, 501. —- Dynastie cumane enBulgarie, 446. CUMBERLAND (royaume de), ou de Strathclyde, donné au roi d'Ecosse, 577.
— Sa partie méridionale unie à l'Angleterre, 577, 578. — (formation du comté de), 582. CUMES, 49, 50. CURZOLA, voyez CORCYRE NOIRE. CtrsTRiN, au pouvoir de laPologne, 496. — Passe au Brandebourg, 512.
CYRÈNE,-colonie CZEPUSCZ,
grecque, 57.
ZIPS.
voyez
province romaine, 71. — (diocèse de), 80. DAGHESTAN, conquis par les Russes, 559, 545. DAGO, aux Chevaliers porteglaive, 516. — Au Danemark, 527. — A la Suède, 351. DALMATIE (colonies grecques en), 36. . — (colonies romaines en), 64. — (province romaine de), 81. — (établissements slaves en), 113. — (royaume de), 417, 418. — Ses rapports avec l'empire d'Orient, 588, 418. — (conquêtes vénitiennes en) 417, 418. — (lutte de Venise et de la Hongrie pour la possession delà), 418,420,421. — Prise, perdue et recouvrée par l'Autriche, 327, 329. DANEMARK (formation durovaume de), 486. — Ses rapports avec l'empire d'Occident, 128, 193, 484. — (conquêtes et colonies du), 488. — Uni à l'Angleterre sous Cnut, 160.
DACIE,
�612 DANEMARK
INDEX ALPHABÉTIQUE. DRONTHEIM
(évêchés du), 181. — Ses conquêtes au sud et à l'est de la Baltique, 508, 509. — Uni avec la Suède et la Norvège, 507. Avec la Norvège seulement, 507. — Séparé de la Norvège, 542. — Ses guerres avec la. Suède, 530, 551. — Ses rapports avec les duchés de Sleswig-Holstein, 510, 532, 556, 542. DANOIS, 128, 150. — Leurs invasions en AngleDANTZIG
terre, 158. (marche de), 512. — Perdue et recouvrée par la Pologne, 512, 517. DAUPHINB, voyez VIENNOIS. DEIRA (royaume de), 98, 158. DELMENHORST, 552, 556. DESNICA (joupans de), 458. DEUX-SICILES (royaume des), 250 à 253, 256, 406, 563-565. DIJON, capitale du duché de Bourgogne, 142. DIOCLÉE (joupanie de), germe du royaume de Servie, 458. DITMARSES, 509 à 511. DOBRUTCHA, origine de ce nom, 446. — Réunie à la Valachie, 452. — Rendue à la Roumanie, 469. DODEKANNESOS, Voyez NiENOs. DÔLE, capitale de la FrancheComté, 261. DORCHESIER (évêché de), 179. DORIENS, 50, 54. DOUAI, devient français, 356. DREUX (comté de), 358. DRONTHEIM, cédée à la Suède, 531. — Recouvrée par la Norvège, 531.
(province ecclésiastique de), 181. DUBLIN (province ecclésiastique de), 180. — Capitale de la domination anglaise en Irlande, 584. DULCIGNO, 417. — Conquis, perdu et recouvré par le Monténégro, 443, 444. DUNKERQUE, occupée par l'Angleterre, 307, 585. —■ Devient française, 507, 349. DURAZZO (Épidamne), prise par les Normands, 587, 404. — Donnée au Sicilien Margarito, 405. — Conquise par Venise, 419. — Enlevée à Venise par l'Épire, 592. — Recouvrée par l'empire d'Orient, 594. — Passe à Charles d'Anjou, 403. — Conquise parles Serbes, 459. — Revient à la maison d'Anjou, 405. — (Duché de), 405. — Conquis par les Albanais, 405, 452. — (seconde conquête vénitienne de), 421, 452. — Conquis par les Turcs, 422. DURHAM (évêché de), 179. DYRRHACHIUM (thème de), 149. Voyez DURAZZO.
.
ECOSSE
, origine de ce nom, 98,
574. — (particularités historiques de 1'), 574, 575. — (formation du royaume d'), 575, 576. — (colonies Scandinaves en), 577, 579.
�INDEX ALPHABÉTIQUE. ECOSSE,
613
ses rapports avec le royaume d'Angleterre, 577,
EMPIRE
578. — (divisions ecclésiastiques de _ 1'), 179, 180. ÉDESS'E, recouvrée par l'empire d'Orient, 150, 586. — Prise par les Turcs, 409. EDIMBOURG (évêché d'), 129. — Prise par les Écossais, 577. ÉGÉE (colonies grecques de la mer), 25, 29, 50. — (thème byzantin de la mer), 148. ÉGÏPIE, SOUS les Ptolémées, 39. — Conquise parles Romains,67. — (diocèse d'), 78. —■ Conquise par Selim I", 462. EIDER, limite de l'empire de Charlemagne, 128, 195, 486. ELBE, annexée au royaume de Naples, 246. ELMHAM (évêché d'), 179. ELT (évêché d'), 178. EMBRUN (province ecclésiastique
EMILIE,
_ d'), 170. province romaine, 88. — Partie du royaume des Lombards, 254 EMPIRE ALLEMAND, 229, 250. EMPIRE ROMAIN (conquêtes de Rome à partir de l'établissement de 1'), 69. — (les limites de F), 72. — (partage de F), sous Dioclétien), 77. — (partage de 1') entre les fils de Théodose, 84. — (unification de F) sous Zénon,95. — (continuité de F), 95, 103. — (division finale de F), 122. — Sa tradition politique se continuant en Orient, 571.
D'OCCIDENT (commencements de F), 85. — (invasions et établissements teutoniques dans F), 84 et. suivantes. — Réuni à l'empire d'Or 95, 105. — Comparé avec l'empire d'Orient, 569. — (partages de F), 134 à 156. , — Rétabli par Otton le Grand, 145. — (chute de F), 220,528. EMPIRE D'ORIENT, ses guerres avec la Perse, 85, 99. — (vues générales sur F), 569576. — Son étendue au huitième siècle, 115. — Son caractère d'empire grec, 146, 573, 587. — Ses thèmes, 147 à 149. — Ses possessions en Italie, 150, 576, 402; dans les grandes îles de la Méditerranée, 578, 579. — Ses Rapports avec les Étals slaves, 580, 582. — (établissements des Bulgares dans F), 114, 580. — Recouvre la Grèce sur les Slaves, 382. — Ses rapports avec les Bulgares, 585-585. — Ses rapports avec Venise, 585. — (Invasions des Turcs, dans F), 386. — invasions des Normands, 587, 405. — Son étendue à la fin du onzième siècle, 587. — Son étendue à la fin du douzième siècle, 589. . .
�614
EMPIRE 312. EMPIRE DU BRÉSIL, 567. «'AUTRICHE,
INDEX ALPHABÉTIQUE. 220, 268,
sous Manfred de Sicile et Charles d'Anjou, 405. — Son premier démembrement,
452.
ÉPIRE,
EMPIRE DE BRETAGNE, 572. EMPIRE D'ESPAGNE, 555. EMPIRE FRANÇAIS, 363. EMPIRE DE L'INDE, 595. EMPIRE LATIN,
voyez
ROMANIE.
EMPIRE DE NICÉE, 393. D'ORIENT (traité de partage de P), 390, 414 415., — Sous la dynastie des Paléologues, 394. — Invasion de Timour, ses résultats, 398. — (chute finale de P), 598. — (États qui se sont formés dans 1'), 374, 598. — (résumé de l'histoire de 1'), EMPIRE 471-477,.
— Refait partie de l'empire d'Orient, 595, 452, puis de la Servie, 452. — (principautés serbes, albanaises et italiennes en), 432,
. 435. ÈQUES, 48. ERIVAN, 545.
— Comparaison avec l'empire ottoman, 458.
EMPIRE DE RUSSIE, 485, 554. EMPIRE SERRE, 452, 440. EMPIRE DE THESSALONIQUE, 592. EMPIRE DE •. 434. ÉPHÈSE, TRÉBIZONDE, 47, 593,
(évêché d'), annexé à la Pologne, 517. ESPAGNE, emploi de ce nom, 3 (note). — (populations non-aryennes en), 12, 13, 58. — (populations celtiques en), 13, 58 ; populations grecques et phéniciennes, 56, 58. — (similitude entre la Gaule et
ERMELAND 1'), 58.
— Conquise par les Romains,
58, 59.
son ancienne grandeur,
ÉPIDAMNE, 36.
— (diocèse d'), dans la préfecture de Gaule, 81. — (invasion des Suèves et des Vandales en), 90, 91. — (royaume des Visigoths en),
90, 91.
— Son alliance avec Rome, 42. — Voyez DURAZZO. ÉPIDAURE (en Dalmatie), colonie . grecque, 36 ; détruite, 115. ÉPIRE, emploi de ce nom, 28. — (unification de 1'), sous Pyrrhus, 59. — (ligue de 1'), 42. — (province romaine d'), 80. — (conquêtes des Normands en), 405, 404. — (Despolat d'), sa séparation d'avec l'empire de Thessalonique, 592.
— • (partie méridionale de V), recouvrée par l'empire, 105, reconquise par les Visigoths,
108.
— (divisions ecclésiastiques de
1*), 175.
— (conquête de 1') par les Sarrasins, 110, 151, 550. — (conquêtes de Charlemagne en), 125, 553. — Devient le siège d'un nouveau califat, 111,125. — (formation des royaumes
�•'y
INDEX Al chrétiens de 1',) 152,153,555 et suivantes. ESPAGNE (invasions des Almoravides en), 554, 587; des Almohades, 517. — (Fin de la domination musulmane en), 501. — Ses rapports géographiques avec la France, 549, 350. — Comparaison avec la Scandinavie, 480, 481, avec l'Europe du sud-est, 550, avec le Portugal, 565. — (emploi du titre de roi et royaume d)', 559. — (Étendue du royaume d'), sous Charles-Quint, 564; après le traité d'Utrecht, 564, 565. — (colonies de F), en Amérique et dans les Indes occidentales, 568 à 570. KSSEX (royaume d'), 158. — (comté d'), 582. EST-ANGLIE (royaume d'), 128. ESTIIONIE, peuplée par les Finnois, 502. — Conquise par les Danois,
508.
HAISETIQUE.
' EUROPE,
015
ses caractères géographiques, 6 et 8. — Ses trois grandes péninsules, 6. — Races européennes, 11-17. EZÉRITES, 582.
FAMAGOUSTE, FAUCIGNY,
à Gênes, 410. annexé à la Savoie,
286.
FERJIO FERRARE
(marche de), 258. (duché de), 245, 244,
250. (conquêtes des Suédois en), 506, 508. — (conquêtes des Russes en), 555. FINNOIS, 12, 487. FLAMME (province romaine de),
FINLANDE 80.
— Domination des Porte-glaive en 1516. — Conquise par la Suède, 527. — Conquise par la Russie, 555. ETATS DE L'ÉGLISE, voyez PAPES. ETATS-UNIS (formation territoriale etindépendancedes),586,589. — (agrandissements des), après le traité de Paris, 589 à 591. ÉTRURIE (royaume d'), 254.
ETRUSQUES, 47, EUBÉE, 25.
— Conquise par Venise, puis par les Turcs, 420. EUPHRATE, frontière de l'empire romain en Asie, 72.
(comté de, 140). — Unie au duché de Bourgogne, 297, 547. — Partie du cercle de Bourgogne, 215. — Affranchie de tout hommage envers la couronne de France, 215, 505.. — (acquisitions de la France en), 555, 556. FLORENCE (archevêché de), 169. — Sa grandeur, 238. — (soumission de Pise à), 245. — Les Médicis à Florence, 245. FLORIDE, acquise par les ÉtalsUnis, 590. FŒROÉ, 488. FRANCE, conséquences de sa position géographique, 9. — Origine et emploi de ce nom, 4, 5, 92, 334-556. — (commencements delà), 155, 156.
FLANDRE
�616
FRANCE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
ses divisions ecclésiastiques, 169. — Grands fiels de la, 358. — Incorporation des États vassaux, 337-549.' — Ses annexions jusqu'à la Révolution française, 190, 254-266, 349-559. —■ Résultats de ses guerres avec l'Angleterre, 545, 546. — Nature de ses conquêtes, 558. —■ Sadominationcoloniale,359361, 366. —Ses annexions sous la République et l'Empire, 361-565. — Annexions et pertes sous le second empire, 366. — (Duché de), 141 ; son union avec le royaume des Francs occidentaux, 141-142. FRANCFORT (élection et couronnement des rois allemands à), 186. — Ville libre, 219, 226 — (Grand-duché de), 221. — Annexée à la Prusse, 228. FRANCHE-COMTÉ-, voyez BOURGOGNE (comté de), FRANCIA, signification de ce nom, 91,119, 126. — orientale, 91, 119, 134, 202. — occidentale. 91, 119, 134, 135. FRANCONIE, 91, 119. — (cercle de), 212. FRANCS, 87, 88, 91. — Étendue de leur royaume sous Clovis, 92. — Leurs conquêtes en Germanie et en Gaule, 115, 117. —■ Étendue et caractère de leur domination, 117-120. — Leurs rapports avec l'empire d'Occident, 121,
sa jonction avec la Confédération suisse, 265, 275. FRIBOURG-EN-BRISGAU, annexée momentanément à la France 557. FRIEDERICKSHAMM (traité de), 541. FRIOUL (duché de), 255. FRISE OCCIDENTALE (comté de), 299, 504. FRISE ORIENTALE, 299. — Annexée par la Prusse, 209, par la France, 221. — Partie du royaume de Hanovre, 225. FRISONS, 92;
FRIBOURG,
colonie phénicienne, 56, 58. — Reçoit la franchise romaine, 59. —- Voyez CADIX. GAÈTE, 577. GALATA, colonie génoise, 425. GALICE, 555. — réunie à la Castille, 555. GALICIE (Halicz) (royaume de), 501. — Annexée deux fois à la Hongrie, 452, 518. — Recouvrée par la Pologne, 455, 519. — Possession autrichienne, 526, 456, 556. GALICIE (Nouvelle), 558. GALLES, principauté de ce nom, 128. — (conquête et incorporation du pays de) à l'Angleterre, 580, 581. GALLOWAT, incorporé à FÉcosse, 579. GASCOGNE (duché de), 140
GADÈS,
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
GASCOGNE,
617
unie à
l'Aquitaine,
340.
GATINAIS, GAULE,
comté de, 338, 339. signification de ce mot,
11. — Sa position géographique, 7. — (populations non-aryennes en), 13. — (colonies grecques en), 35. — (préfecture de), 77, 81. — (invasions teutoniques en), 89. — (royaume des Visigoths en), 90. (position des Francs en), 92, 119. — (royaume des Burgondes en), 94. — (invasion des Huns en), 94. — (divisions ecclésiastiques de la), 169-172. — Cisalpine, 49 ; conquise par les Romains, 56. — Transalpine, 59; conquise par les Romains, 60. GAULOIS, 48. GAUTHIOD, voyez GOTHLAND. GAUTS, ou Géatas, 487. GDANSK, voyez DANTZIG. GÈNES (archevêché de), 171. — (occupation de la Corse par), 238, 245. — Cède la Corse à la France, 250. —■ Annexée au Piémont, 256. —: Son rôle en Orient comparé avec celui de Venise, 411. — Sa domination en Orient, 425. GÉORGIE (royaume de), 539. — Son incorporation à la Russie, 545. GÉORGIE (États-Unis), 589. GÉPIDES (royaume des), 106.
conquis par les Lombards, 107. GERMAINS (premières confédérations des), 85, 86. — Leurs rapports avec l'empire, 87. GERMANIE (expéditions romaines en), 68, 69. — (domination des Francs en), 117-119. — Ses rapports avec l'empire d'Occident, 125, 126, 187, 188. — (Royaume de), ses commencements, 137-159. — Son étendue, 158, 190-192. — Ses grands duchés, 202. — Sa division en cercles, 200. 205. — Voyez aussi ALLEMAGNE. GEX, SOUS la domination de la Savoie, 277, 286. —; Annexé à la France, 292, 554. GHILAN, 559. GIBRALTAR, 558. — Occupé par l'Angleterre, 562. GLARIS, son union avec la Confédération suisse, 273. GLASGOW (province ecclésiastique de), 180. GNESEN (province ecclésiastique de), 182. — Première capitale duroyaume de-Pologne, 496. — Annexée à la Prusse, 557, 545. GORITZ (comté de), 515, 517. — Annexé à l'Autriche, 520. — Partie du cercle d'Autriche, 214. jVTHiE, Voyez PÉRATÉE OU SEPTIMANIE.
GÉPIDES,
�■618
GOTHS,
INDEX ALI (ABÉTIQUE.
leur établissement dans l'empire d'Occident, 89, 90. — Leurs conquêtes en Espagne, 90, 551. €OTTLAND (domination delà Hanse dans l'île de), 514. — Conquise par le Danemark, 514. — Occupée temporairement par les chevaliers porte-glaive, 516. — Conquise par la Suède, 551. Gozzo, 565. GRANDE-BRETAGNE (royaume de la), 578. GRANDE-MORAVIE (royaume de), 157, 448, 449, 490. — Voyez aussi MORAVIE. GRAVELINES, prise par la France, 507. GRÈCE, l'une des trois grandes péninsules européennes, 6. — Ses caractères géographiques, 8, 18. — Emploi de ce nom, 19. — Ses principales divisions, 19-21. — Sa géographie d'après Homère, 27. — Conquise par les Romains, 42, 45. — Occupation de la Grèce par les Slaves, 115,580, 477. — Recouvrée par l'empire d'Orient, 380. — Conquise par les Turcs, '461. — Son affranchissement des Turcs, 467. — (Addition des îles Ioniennes au royaume de), 468. — Rectification de frontières avec la Turquie, 468 (note). GRECS, leur venue en Europe, 15.
leur parenté avec les Italiens et autres nations, 25-27. — Leur rivalité avec les Phéniciens, 50. — Leurs colonies, 29, 55-56. — Rétablissement de leur nom d'Hellènes, 571. GRENADE (province ecclésiastique de), 176. — (royaume musulman de), 558. — Conquis par les chrétiens, 561. GRISONS (ligue des), 276, 277. — Perte des districts italiens, 279. GROENLAND (établissement des Danois dans le), 129. — Son union avec la Norvège, 508. GUELDRE (duché de), 299. —■ Possédé par la maison de Bourgogne, 504. — L'une des sept ProvincesUnies, 505. GUIPÏÏZCOA; 554.
GRECS,
HABSBOURG (maison de$, 516, 517. — Sa connexion avec l'empire d'Occident, 317, 318. HAINAUT (comté de), 502. — (Acquisitions de la France dans le), 555. HALBERSTADT, 225. HAEICARNASSE, occupée par les chevaliers de Saint-Jean, 426. — Conquise par les Turcs, 462. HALICZ, voyez GALICIE. HALLAND, 586. — Passe à la Suède, 551. HAMBOURG (archevêché de), 175. — L'une des villes hanséatiques, 211, 219. HANOVRE (électorat de), 205.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
019
son union avec la ' Grande-Bretagne, 201. — (Royaume de), 222. — Annexé à la Prusse, 228. HANSE TEUTONIQUE, 194. — Étendue et nature de sa domination, 514, 515. HÉBRIDES (établissements Scandinaves dans les îles), 579. — Passent sous la suprématie de l'Écosse, 579 IÉLIGOLAND, passe à l'Angleterre, 542, 585. HELLADE, emploi de ce nom, 19. — <i continue », 25. — (thème d'), 149. HELLADIKOI, emploi de ce nom, 385. HELLÈNES, différentes significations de ce nom, 26, 371, 382, 585. HELSINGLAND, 487. HÉRACLÉE (républiqued'), 59, 41, 66 HEREFORD (évêché d'), 179. HERTJEDALEN, passe à la Suède, 551. HERZÉGOVINE, origine de ce nom, 441. — Conquise par les Turcs, 442. — Administrée par l'AutricheHongrie, 550, 464. HESSE-CASSEL (électorat de), 220, . 225. — Annexé à la Prusse, 228. HESSE-DARMSTADT (grand-duché de), 225. HOHENZOLLERN (maisonde), 206. | HOLLANDE (comté de), 299 ; sa réunion avec le Hainaut, 500 ; avec la Bourgogne, 502. — (Royaume de), 308. — Voyez PROVINCES-UNIES. HOLSTEK, 195, 509..
HANOVRE,
conquis une première fois par le Danemark, 509. — (formation du duché de), 510. — Après la paix deRoskild, 532. — Incorporé au Danemark, 541. — Fait partie de la Confédération germanique, 224, 542. — Annexé définitivement à la , Prusse, 227, 542. HONGRIE (royaume de), 575, 447. ■— Ses rapports avec les empereurs d'Occident, 195. — (histoire du royaume de), 447-455. — Son union avec l'Autriche, 524, 454. — Monarchie austro-hongroise 268, 550, 455. HONGROIS, voyez MAGYARS. HUESCAR, 558 HUNS, peuple touranien, 16. —. Leurs invasions, 89, 94.
HOLSTEIN,
IADERA,
voyez ZARA. 64. IAPYGIENS, 48. IATVAGUES, 502, 518. IBÉRI'E, en Asie, 100, 101, 586. IBÈRES, peuple non-aryen, 15, 58. ICONIUM, capitale des Turcs, 588. ILE-DE-FRANCE, province du royaume de France, 557. ILLYRIE (colonies grecques en), 21. — (conquêtes des Romains en), 42,64. — Signification du mot, 64. — (préfecture d'), 77, 79. — Diocèse d'Illyrie dans la préfecture d'Italie, 80. - (royaume d'), 529, 350.
IAFODES,
�620
IIXTRIE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
Provinces lllyriennes, incorporées à la France, 221, 329, 365 ; recouvrées par l'Autriche, 329. ILLTRIENS, leur parenté avec les Grecs, 25. — (influence des migrations slaves sur les), 114. — Représentés actuellement par les Albanais, 114 (note). IMMÉRÉTIE, 545. INDE (colonies françaises dans F), 361 ; colonies portugaises, 567, anglaises, 594. — (empire de 1'), 595. INDES (partage des) entre l'Espagne et le Portugal, 568. INGRIE, 531, 555. IONIENS, leurs colonies en Asie, 34. IONIENNES, îles, 25. — Cédées à la France, 365, 467; aux Turcs, 467. — Sous le protectorat de l'Angleterre, 467, 586. — Annexées au royaume de Grèce, 468. IRLANDE, primitivement habitée par les Scots, 575, 583. . — (provinces de F), 180, 583. — (colonies Scandinaves en), 488, 583. — Conquise par l'Angleterre, 584. ISLANDE (colonies Scandinaves en), 129, 488. — Unie à la Norvège, 508, au Danemark, 542. ISIRIE, sa conquête par les Romains, 57, 64. — Incorporée à l'Italie, 64. — (invasions slaves en), 113. — marche d'), 145, 192, 235.
ses fluctuations entre l'Allemagne et l'Italie, 192. — (possessions de Venise en), 242. — Au pouvoir de l'Autriche,. 258, 325. ITALIE, l'une des trois grandes péninsules européennes, 6, 7. — Sa position géographique, 8. — Différents sens de ce mot, 45, 247. — (habitants de F), 47, 48. — (colonies grecques en), 49. — (extension de la domination romaine en), 51. — (divisions de F), sous Auguste, 75. — (préfecture d'), 77, 80. — (diocèse d'), 80. — (invasion de F), par les Huns 94. — (domination d'Odoacreet de Théodoric en), 95, 96. — Recouvrée par l'empire, 105. — Conquise par les Lombards, 107. — (possessions de l'empire d'Orient en), 107, 150, 376. — (divisions ecclésiastiques de F), 167, 169. — (domination de Charlemagne en), 121. — (Royaume impérial d'), 126, 136, 144, 145,231-235. — Changements sur la frontière des Alpes, 255. — Les quatre périodes de l'histoire italienne, 235. — (princes et républiques de F), 256 à 246. — (progrès de Venise en), 242. — (domination de l'Espagne er de l'Autriche en), 248.
ISTRIE,
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
ITALIE,
021
période révolutionnaire et républicaine en), 2S2. — (Royaume français d'), 254, 364-365. — Réorganisation de l'Italie au traité de Vienne (1815), 255. — (Royaume actuel d'), 257, 258, 294. ITHAQUE, 28, 405. IVRÉE (marche d'), 236.
KAMIENETZ,
JAEN,
JAGERNDORF
538, 540. (principauté de), 207. JAMTELAND, à la Norvège, 487. — Conquis par la Suède, 531. JANINA, recouvrée par l'empire, 395 ; prise par les Turcs, 434. JATCE, 441. JEDISAN, annexé à la Russie, 465, 539. JÉRUSALEM (patriarcat de), 166. — Prise par Chosroës, 109. — (Royaume latin de), 408. — Prise par Saladin, 409. — Recouvrée et perdue par les Croisés, 409. — (prétentions des rois de Chypre sur), 410. JEZERCI, voyez EZÉRITES. JUDÉE, ses rapports avec Rome, 67. , JUTES, leur établissement dans dans le pays de Kent, 98. JUTLAND, duché de Sud-Jutland, Jutie ou Sunder-Jutie, uni avec le Holstein, 510. — Prend le nom de duché de Sleswig, 510.
cédée aux Turcs par la Pologne, 463, 530. KARLINGS, voyez CAROLINGIENS. KARNTHEN, voyez CARINTHIE. KARS, réuni à l'empire d'Orient, 586. — Annexé à la Russie, 541. KAZAN (khanat de), 521. — Conquis par la Russie, 535. KENT (établissement des Jutes dans le pays de), 98. — (royaume de), 158. — (comté de), 582. KHIVA, 541. KIEF, capitale des Russes, 499. - Suprématie de, 500. —■ Prise par les Mongols, 501 ; par les Lithuaniens, 518. KIPTCHACK, voyez MONGOLS. KIRGHIZ (suprématie des Russes sur les), 559. KOLOCZA (province ecclésiastique de), 185. KORÔNÉ, voyez CORON . KOSSOVO (bataille de), 440.
LACÉDÉMONE, LACONIE,
KAFPA,
KAINARDJI
colonie génoise, 425. (traité de), 465.
149. 51. LANCASHIRE, formation du comté de, 582. LANGUEDOC (province française de), 545. LAODICÉE, 588. LAON, capitale des Carolingiens, 141. LAPONS, reste des anciennes populations non-aryennes de l'Europe, 12. LATLNS, 48, 52. LAUENBOURG, duché de SaxeLauenbourg, 205. — Possédé par les rois de Danemark, 225. 542.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
partie de la Confédération germanique, 225, 542. — Cédé finalement à la Prusse, 227, 542. LAUSANNE, annexée par Berne, 277. LEKQUES, voyez PÔLES. LEINSTER, 180, 585. LEMBERG (province ecclésiastique de), 182. LEMNOS, 55. LÉON (royaume de), 152, 555. — Son union définitive avec la CASTILLE, 555. LÉOPOL, voyez LEMBERG. LÉPANTE (Naupacte) sous la maison d'Anjou, 405. — Cédée à Venise, 421. — Au pouvoir des Turcs, 422. LESBOS, devient grecque pendant la guerre de Troie, 29. — Fief des Gattilusio, 425. LÉSINA, voyez PIIAROS. LETTES, LETTONS, 485 (note), 502. LEUCADE (Sainte-Maure), 22, 52. — Sous la domination des princes de Tocco, 455. — Sous la suprématie de Venise, 421. — Perdue et recouvrée par Venise, 422, 425. LEUTICIENS, 492. LIBURNIE, 64. LICHFIELD (évêché de), 179. LIECHTENSTEIN (principauté de), 228. LIÈGE (évêché de), 500, 504. — Sous la domination française, 508. — Annexé à la Belgique, 508. LIGURES, peuple non-aryen en Europe, 15, 47. LIGURIE, conquise par les Romains, 57.
LAUENBOURG,
LIGURIE LILLE,
(province de), 76. annexée à la France, 507,
356. passe aux ducs de Brabant, 502. — (duché de1, 227. LIMOGES, 540. LINCOLN (diocèse de), 179. LINDISFARN (évêché de), 179. LISBONNE (patriarcat de), 167* 176.' LITHUANIE (évêché de), 182. — (agrandissements delà),517, 518. — Son union avec la Pologne, 519, 520. LITHUANIENS, 15, 502. — Leur conversion au christianisme, 518. LIVONIE (population finnoise de la), 502. — (germanisation de la), 506. — (domination des Porte-Glaive en), 515. — (royaume temporaire de), 527. — Conquise par la Pologne, 527. — Conquise par la Suède, 551. — Conquise par la Russie, 555. — (chevaliers de), voyez PORTE^
GLAIVE. LLANDAFF, LOCRIENS, LODI, LDIBOURG,
évêché de, 179. 27, 52.
257.
voyez Wladimir (principauté de). LOMBARDS, leur établissement en Italie, 106, 107. — (royaume des), renversé par Charlemagne, 121. LOMBARDIE, partie occidentale de l'ancien royaume des Lom bards, 254.
LODOMÉRIE,
�INDEX ALPHABÉTIQUE
LOMBARDIE,
623
i.
ses grandes cités, 237. — Partie du royaume autrichien de Lombardie et Venise, 256, 329; cédéeàlaSardaigne,257. — (Thème de),dans l'Italie méridionale, 149, 576. LONDRES (évêché de), 179. LORRAINE (duché de), 190. —■ Annexé momentanément à la France, 191; définitivement, 191, 557. — Perdu par la France, 566. — (empereurs de la maison de), 522. LOTHARINGIE (royaume de), 156. —Ses fluctuations entre les deux royaumes voisins, 156, 159. -- Rattachée définitivement à l'Allemagne, 159, 202. _ LOTHIAN, cédé au roi d'Ecosse, 159, 577. LOUISIANE, colonisée par la France, 559, 560. — Vendue aux États-Unis, 580. LOUVAIN, 299. LURECK, fondée par Henri le Lion, 195, 514. —■ L'une des villes hanséatiques, 211, 221, 226. -- Son indépendance vis-à-vis de son évêque, 211. —- Annexée momentanément au Danemark, 509. — - (évêché de), 511. LUBLIN (union de), 528. LuCANIENS, 48. LUCERNE, son adhésion à la Confédération suisse, 275. LUCQUES, 258. — Sous la domination de Castruccio, 245. — Reste en république, 250. —Forme un grand-duché, 254.
annexé à la Toscane, 256. — (archevêché de), 169. LUND (archevêché de), 181. LUNEROURG (duché de), 205. LUNÉ VILLE (traité de), 191, 219. LUSACE (marche de), 195, 495. — Sa réunion à la couronne de Bohême, 513. LUXEMBOURG (duché de), 500. — Sa réunion au duché de Bourgogne, 505. — (acquisitions de la France dans le), 555. — Partie de la Confédération germanique, 224, 508. — Partagé entre la Belgique et la Hollande, 227, 509. — (neutralité du), 228. — (maison de), en Bohême, 515. LTBIE, 78. LTCANDOS (thème de), 148. LTCHS (ligue de), 40. —■ Conserve s®n indépendance. 66. — Incorporée à l'empire romain, 68. LYCIENS, dans le catalogue d'Homère, 29. LYDIE, SOUS la dépendance des Perses, 54. LYON, dans le royaume de Bourgogne, 145, 264. — Annexée à la France, 265. — (archevêché de), 171.
LUCQUES,
MACÉDOINE,
21, 22. — Sa connexion avec la Grèce, 26. — Nullement désignée dans le catalogue d'Homère, 50. — (Agrandissements du royaume de), 58, 59.
�m
MACÉDOINE
INDEX ALPHABÉTIQUE. , conquise par Rome, , donnée aux chevalier;, de St-Jean, 406, 426, 559. — Possédée par l'Angleterre, 426, 586. MAN (colonies Scandinaves dans l'île de), 488, 579. — (histoire du royaume de), 579. MANTOUE, 245, 249. 257. MAONA, compagnie génoise ; ses possessions, 426. MARCHE (comté de), 540. MARCHE DANOISE, 195, 486. MARCHE DES BILLUNGS, 195, 495. MARCHE ESPAGNOLE, 120,125, 555. — Partie duroyaumedesFrancs occidentaux, 140, 152. — Son étendue et sa composition, 555. — Sa désagrégation, 554. MARCHE ORIENTALE, voyez AUTRICHE (marche d'). MARCHE SAXONNE, 195. MARCOMANS, 86. MARIENBOURG, 507, 356. MARSEILLE, devient française, 265; voyez MASSALIA. MARYLAND, 588. MASSA, 250. MASSACHUSSETS, 587. MASSALIA, colonie ionienne, 57, 58. MAURIENNE (comtes de), 285. MAURES, emploi de ce nom, 554. MAURITANIE, conquise par Rome, 68. MAYENCE, 92. — (province ecclésiastique de), 172. — Ses archevêques chanceliers d'Allemagne et électeurs, 175.' — Annexée à la France, 219. — Redevient allemande, 365.
MALTE
42, 43. — (Diocèse de), 80. — (thème de), 149. — Envahie par les Slaves, 114, 580, 581. — Recouvrée par l'Empire, 382. ■— Recouvrée de nouveau après la conquête latine, 592. — Conquise par les Turcs, 461. MACÉDONIEN, signification nouvelle de ce mot, 114. MAÇON, annexée à la France sous saint Louis, 545. MADÈRE, colonisée par le Portugal, 566. MADRAS, prise par les Français, 561. MADRID (traité de), (1526), 505, 548. MAGDEBODRG (archevêché de), 175. — A la Prusse, 223. MAGYARS, peuple touranien, 17. — Leurs invasions en Europe, 154, 155, 447, 448. — Désignés sous le nom de Turcs, 386, 448. — Conséquences de leurs invasions pour la race slave, 155. 448. MALNA, ses habitants désignés sous le nom d'Hellènes, 585. — Recouvrée par l'empire, 595. — Maintient son indépendance, 451. MAINE (comté du), 555, 558. — Réuni à la Normandie et à ! l'Anjou, 540. . — Annexé à la France, 541.MAINE (Etats-Unis), 587, 588. MAJORQUE (royaume de), 560. MALINES (archevêché de), 174. MALTE, prise par les Sarrasins, 577, par les Normands, 405.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
625
, 539. MAZOVIE (duché de), 496, 518. MEATH, 585. MECKLENBOURG (duché de), 195. — (dynastie slave dans le), 195, 495. MÉGALOPOLIS (fondation de), 35. MÉGARE,' 31. — Se joint à la Ligue Achéenne, 41. MEISSEN, voyez MISNIE. MELEDA, 417. MELFI, 402. MELINCI, MÉLINGES, 382. MENTON, annexé à la France, 353, 366. MERCIE (royaume de), 127, 158. MÉSOPOTAMIE, conquise sous Trajan,100, sous Dioclétien, 101. MESSÈNE (fondation de), 33 MESSÉNIE (État dorien de), conquis par Sparte, 31. — Séparée de Sparte, 53. MESSINE, reçoit le droit de cité romaine, 35. —■ Conquise par les Sarrasins, 370. — Recouvrée par l'empire d'Orient, 370. — Conquise par les Normands, 403. METZ, annexée à la France, 190; à l'Allemagne, 229. MEXIQUE, conquis par les Espagnols, 569. — (Deux empires du), 569. MILAN, capitale du royaume d'Italie, 145. — (archevêché de), 168. — Duché de, 240, 241, 249; 253, 256. MILANAIS, v.oyezMILAN (duché, de). MILET, 34. MINGRÉLIE, 545,
MAZANDERAN
, 562. MISITHRA, recouvrée par l'empire d'Orient, 395. MISNIE (marche de), 196, 495. MODÈNE (duché de), 245, 244, 250, 256. — Annexé au Piémont, 257. MODON, occupé par Venise, 421 ; perdu par elle, 422. MŒONIENS, 29. MŒSIE, conquise par lesRomains, 69. MOHACZ (bataille de), 454. MOLDAVIE (fondation de la principauté de), 452. — Tributaire des Turcs, 454. —■ (changement de frontière de la), 465. — Sa réunion à laValachie, 469. MOLOSSIDE, 39. MONACO (principauté de) ,248,256. MoNEMBAsiE, recouvrée par l'empire d'Orient, 395, 429. — Prise par Venise, 421, perdue par elle, 423. MONGOLS, leurs invasions en Europe, 459, 460, 501. — (empire des), ou du Kiptchack, 520. — (démembrement de l'empire des), 521, 522. MONMOUTSIIIRE, 581. MONOPOLI, perdu par Venise, 249. MONTÉNÉGRO (histoire du), 442444. MONTBÉLIARD (comtéde), 262, 562. MONTFERRAT (marquisat et duché de), 256, 240, 249. i — Forcé de reconnaître la suzeraineté des ducs de Savoie,288. —• Réuni avec le duché de Mantoue, 249. ! — Annexé en partie à la Savoie, 249, 293.
MINORQUE
40
4
�026 MORAVIE
INDEX ALPHABÉTIQUE.
NAUPACTE NAUPLIE
(histoire de la), 494, 495. — marche de, 196. MORÉE, origine et emploi de ce nom, 428. Moscou (patriarcat de), 167. — Capitale de la Moscovie et de la Russie, 521, 522. MOSCOVIE, emploi de ce nom, 521. MOUDON, 285. MOULINS (comté de), 358. MULHOUSE, son alliance avec les Confédérés, 277. — Annexée à la France, 362. MUNSTER (Irlande), 180, 585. MUNSTER (Allemagne) 225. MURCIE, conquise par la Castille, 558, 560. MURET (bataille de), 556. MYCÈNES, 29. MÏCÔNE, au pouvoir de Venise, 420, 425, MYSIENS, 29.
NAMUR
(marche ou comté de), 300. — Passe aux ducs de Bourgogne, 502. NAPLES, reste attachée à l'empire d'Orient, 577, 402. — Conquise par le roi de Sicile, 404. — (royaume de), 251, 253, 254, 257. NARBONNE, colonie romaine, 59. — Conquise par les Sarrasins, 111. — Annexée à la France, 343. -■■ (province ecclésiastique de), 170. NASSAU (grand-duché de), 226. — Annexé par la Prusse, 228. NATAL, 594.
, voyez LÉPANTE. , conquise sur l'Epire par les Latins. — Au pouvoir de Venise, 421. ;— Perdue par Venise, 423. NAVARRE (royaume de), 152, 552. — Son étendue sous Sanche le Grand, 554. — (démembrement et décadence du royaume de), 555. — Princes français en, 555. — Sa partie méridionale annexée à l'Espagne, 561. — Sa partie septentrionale unie à la France, 550, 562. NAVAS DE TOLOSA (bataille de) ,557. NAXOS (duché de), 424. — Annexé à la Turquie, 424,463. NÉGREPONT, emploi de ce nom, 420 (note). NÉOPATRA, capitale du royaume de Thessalie, 452. — Prise par les Catalans, 428, 452. — Conquise par les Turcs, 429, 455. NETZE (district de la), 556. NEUCHATEL, son alliance avec Berne, 277. — Passe à la Prusse, 224, 278. — Donnée au général Berthier, . 280. — Réunie à la Confédération Suisse, 280, 365. NEUSTRIE, province du royaume des Lombards, 234. NEUSTRIE (royaume de), 119,154. — Unie avec l'Aquitaine, 135, 546. NEW-YORK, 306, 589. NIBLA, passe à la Castille, 558. NICE (comté de), partie du royaume de Bourgogne, 264. — Annexé à la Savoie, 266, 286.
■
�INDEX ALPHABÉTIQUE. annexé à la France, 362. — Recouvré par la Savoie, 365 — Annexé définitivement à la France, 258, 293, 366. NICÉE, capitale du Sultanat de Roum, 587. — Recouvrée par Alexis Comnène, 388. — (Empire grec de), 595, 594. — Prise par les Turcs, 596, 460. prise par les Turcs, 596, 460. NICOPOLIS (Thème de), 149. — (bataille de), 453. NIDAROS, voyez DRONTHEIM. NIMÈGUE (traité de), 507, 556. NÎMES, conquise par les Sarrasins, 111. — Sous la domination de l'Aragon, 345. — Annexée à la France, 545. NISII, prise par les Turcs, 440. (forteresse de), 100, 101. conquête par les Romains du, 69. — Partie du diocèse d'IUyrië, 81.
NISIRE NORIQUE, NORMANDIE (duché de). 141. — Caractère de son vasselage, 556. — Son union avec l'Aquitaine, l'Anjou et la Bretagne, 340, 541. — Annexée à la France par Philippe Auguste, 541. NORMANDS, leurs conquêtes en Italie et en Sicile, 578, 401405; en Angleterre, 160; en Épire, 588, 405. — Leurs conquêtes en Sicile comparées avec celles des Croisés, 407. NICOMÉDIE, NICE, NORTHMANS, NORTHMEN,
627
signification de ce nom, 157, 486. — (colonies des), 488,577, 579, 585. (royaume de), ou Northumbrie, 97, 127, 158, 159. — (Comté de), concédé au roi d'Écosse, 578. •— Recouvré par l'Angleterre, 578. . NORVÈGE, 129, 157. —■ (Formation du royaume de), 486, 487. — Unie à l'Angleterre sous Cnut, 160.
NORTHUMBERLAND
— Aucuns rapports avec l'enn pire, 484. — Son union avec la Suède et lè Danemark, 507. — Ses guerres avee la Suède, 551. — Union définitive avec la Suède, 512. NOUVELLE-AMSTERDAM, 506, 589. NOUVELLE-ANGLETERRE, 587. NOUVELLE-ECOSSE, cédée par la France à l'Angleterre, 379, 590. NOUVELLE-FRANCE, 559. NOUVELLE GALLES DU SUD, 595. NOUVELLE-NÉERLANDE, 588. — Conquise par l'Angleterre, 506, 589. NOUVELLE-ORLÉANS, 560, 590. NOUVELLE-PRCSSE-ORIENTALE, 209, 558. NOUVELLE-ZÉLANDE, 595. NOVARE, annexée au Piémont, 249. NOVEMPOPULANA (province romaine de), 170.
NOVGOROD-LA-GRANDE,
première capitale de la Russie, 498.499.
�628
NOVGOROD-LA-GRANDE ,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
ORCADES,
(République de), 500, vassale des Mongols, 520, annexée à la Moscovie, 522. principauté
NOVGOROD-EN-SÉVÉRIE,
de, 501. NUMANCE, prise par les Romains, 59.
NUMIDIE NUREMBERG,
(province de), 61. 206, 212, 219, 225. NYSTADT (traité de), 555.
îles colonisées par les Scandinaves, 488. — Données en gage à l'Ecosse, 508, 579. — (comté des), 579. ORCHOMÈNE, forme un état séparé, 29, 52. —■ Sa situation secondaire, dans les temps historiques, 29, 52. —• Détruite par les Thébains, 33. ORCOS, 414. ORDRE DE LIVONIE, voyez PORTEGLAIVE. ORDRE TEUTONIQUE,
OBOTRITES, OCHRIDA,
492. prise par les Bulgares,
voyez
TEUTO-
584. — (royaume d'), ou second royaume bulgare, 384, 385. OCZAKOF, annexé à la Russie, 465.
ODESSA,
NIQUES. OSQUES,
OSRHOÊNE,
ne répond pas à l'ancienne Odessos, 559 (note). OESEL, sous la domination des Chevaliers porte-glaive, 516. — Au Danemark, 527. — A la Suède, 551. OGRES, voyez MAGYARS. OLDENBOURG (duché d'), uni avec le Danemark, 552. — forme un duché séparé, 556. —■ Annexé à la France, 221. —• Partie de la Confédération germanique, 226. OLIVA (paix d'), 552. OLIVERCA, cédée à l'Espagne par le Portugal, 562. OLÏNTHE, 34. OriQUES, voyez OSQUES. ORAN, 564. ORANGE, principauté du royaume de Bourgogne, 264. —■ Annexée à la France, 266, 557.
48. 100. OSTMEN, leurs établissements en Irlande, 157, 585. OSTROGOTHS, leur domination en Italie, 96. OTRANTE, 462. OTTOMANS, leur venue en Europe, 17. — Comparés avec les Bulgares et les Magyars, 375; avec les Sarrasins, 458. — Leur empire comparé avec l'empire d'Orient, 458. — Leur origine, 460, leur défaite par les Mongols, 460. — Rétablissement de leur empire, 461. — Leurs conquêtes en Europe, en Asie et en Afrique, 461 à 464. — Décadence de leur empire, 464-466. —■ États modernes issus de l'empire ottoman, 466-471. OUDENARDE, annexée temporairement à la France, 356. OVIEDO (royaume d'), 553. .
�INDEX ALPHABÉTIQUE. PADERBORN, 225. PARIS,
629
PADOUE, 257. PAGAME, 416.
originairement serbe,
417.
— Son étendue,
PALATINAT DU RHIN, 212.
— Uni avec la Bavière, 215. PALE, domination des Anglais en Irlande, 584.
PALERME
capitale du duché de France, 141. — Capitale et centre du royaume de France, 142, 171. — Devient le siège d'un archevêché, 171. — (traité de), (1765), 360, 361,
566. PARME, 237, 241.
(Panormos), colonie phénicienne, 50. — Prise par les Sarrasins, 577, par les Normands, 405 — Seconde capitale de la Sicile sous les Normands, 403. PALESTINE, voyez JUDÉE. PAMPELUNE (diocèse de), 176. '■— Royaume de,.voyez NAVARRE. PANNONIE, conquise par les Romains, 69. — Partie du diocèse d'Illyrie,
81.
— (Duché de), donné aux Bourbons d'Espagne, 250, 256. — Annexé au Piémont, 257. PARTHES, leur rivalité avec Rome,
67, 83. PASSAROWITZ
PATRAS, SOUS
— (royaume des Lombards en),
106.
— (tentatives des Bulgares sur la), 583. P.WORMOS, voyez PALERME. P.irEs (commencements et extension de la domination temporelle des), 259, 243, 244,
250.
Papes, Venise, 421, 430. PAVIE, première capitale de Lombards, 145, 257. —- (comté de), 241. PAYS-BAS, leur séparation d'avec l'Allemagne, 200, 297, 505. — (Fiefs impériaux et fiefs français dans les), 501. — Dépendance de la Castille sous Charles-Quint, 563. — (annexion de la France dans les), 555. — (Royaume des), 508 ; partagé en deux royaumes, 509.
PÉLASGES, 26, 29. PÉLOPONNÈSE,
(traité de), 455. la domination des 430; sous celle de
— (possessions des), annexées temporairement à la France, 253, 254, 365 : définitivement au royaume d'Italie, 258. PAPHLAGONIE (royaume de), 40. — Thème de, 148.
PAPHLAGONIENS, 29.
sa position géographique, 22. — Ses divisions au temps d'Homère, 29; dans les temps historiques, 51. — Partie de la Ligue Achéenne,
41
se place sous la protection de Venise, 421. — Au pouvoir des Turcs,
467. PARIS,
PARGA,
—■ (invasion des Slaves dans le),
114, 582.
anciennement Lutetia Parisiorum, 61.
— (thème du), 149. — Reconquis sur les Slaves par l'empire d'Orient, 150,
�630
PÉLOPONNÈSE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
(conquêtes des Latins dans le), 429. — (posssessions des Vénitiens dans le), 420, 42-1. — Recouvré par l'empire d'Orient, 430. — Conquis par les Turcs, 425, 431. PEMBROKESHIRE (établissement des Flamands dans le), 580. PENSYLVANIE, 589. PÉRATÉE, signification de ce mot, 435. — Conquise par les Turcs, 455. PERCHE, 343. PÉRÉKOP, 518, 519. PERGAME (royaume de), 40, 63 PÉROUSE, 239. PERSE, guerres aveclesGrecs, 34; avec Rome, 83, 99, 109. — Conquise par les Sarrasins, 110. PETCHÉNÉGUES, 17, 112, 155,372. PETITE ARMÉNIE, voyez ARMÉNIE
CILICIENNE.
partie du royaume de Bourgogne, 260. — Sa désagrégation au treizième siècle, 262. PHAROS, 417. PHÉNICIENS (colonies des), 50, 55 à 37. PHILADELPHIE (en Asie), prise par les Turcs, 397. PHILIPPE VILLE , annexée à la France, 307, 356. PHILIPPINES, îles, conquises par l'Espagne, 564. PIIILIPPOPOLIS, conquise une première fois par les Bulgares, 384. — - Devient définitivement ville bulgare, 396, 445. — Conquise par les Turcs, 446.
PETITE-ISOURGOGNE,
426. 22. — (ligue de la), 42. PHRYGIENS, 29. PICTS, 98, 575. — Leur union avec les Scols., 576. PIÉMONT (principauté de), 288. — Annexé à la France, 255,565. — Réincorporé au royaume de Sardaigne, 256. PIGNEROL, occupé par la France, 293. PISE (grandeur de), 238. — Assujettie à Florence, 245. — (archevêché de), 169. PLAISANCE, 257, 241. — (Duché de), donné aux Bourbons d'Espagne, 250, 256. PLATÉE, détruite par les Thébains, 35. PODLACHIE, conquise par la Pologne, 518. PODLASIE, 537. PODOLUS, perdue par la Galicie, 518. — Cédée aux Turcs par la Pologne, 465, 550. — Recouvrée par laPologne,464. PŒONIE, 21. POEONIENS, dans le catalogue d'Homère, 50. POITOU (comté de), dépendant du duché d'Aquitaine, 358. — Sous la domination du roi d'Angleterre, 540. — Conquis par Philippe-Auguste, 341. POLA, colonie romaine, 65. POLABIQUES, branche des Slaves, 492. PÔLES (Lekques), 196, 495, 496, POLOGNE, commencements du royaume de, 496, 497.
PIIOCIDE,
PIIOCÉE,
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
631
ses rapports av«c l'Allemagne, 197, 485, 495, 496. — Ses guerres avec la Russie, 495, 528. — Ses rapports avec l'Église d'Occident, 485, 497. — Son étendue sous Boleslas I", 496. — Ses guerres avec les Chevaliers teutoniques, 517. — (consolidation et agrandissements de la), 518, 519. — Son union avec la Lithuanie, 519, 527. — Acquisition de. la Livonie, 527. —Ses guerres avecla Suède,551. —Ses rapports avec la Valachie et la Moldavie, 452, 519. — (Partages de la), 209, 556 à 558. POLOTSK (principauté de), 501.
PoMÉRANIE, POMORE, PoiDIERN, SOH
POLOGNE,
PONT
PONTHIEU
étendue, 196, 197. — Ses premiers rapports avec la Pologne, 496. — (Conquêtes du Danemark en), 509. — Cesse complètement de dépendre de la Pologne, 512. — Partagée entre le Brandebourg et la Suède, 207, 210. — Sa partie occidentale incorporée au royaume de Suède, 541 ; cédée au Danemark et ensuite à la Prusse, 224, 542 POMÉRÉLIE, acquise par les Chevaliers teutoniques, 512,516. — Recouvrée par la Pologne, 517. PONDICHÉRY, 361, PONT, royaume de, 40; conquis par les Romains, 66.
(diocèse de), 78. (comté de), 358. — Acquis par Guillaume dt Normandie, 540. — Cédé à l'Angleterre au traité de Brétigny, 345. PORTE-GLAIVE (chevaliers), leurs rapports avec l'Empire, 515. — Leurs conquêtes en Livonie, 515. — Étendue de leur domination, 516. — Leur jonction à l'Ordre teutonique, 516. — Leur séparation, 526. — (chute de l'Ordre des), 527. PORTUGAL (formation du royaume de), 556. —■ (agrandissements du), 557, 558. — Son étendue au treizième siècle, 559. — Ses conquêtes en Afrique, 566. — Ses colonies, 566, 567. — Annexé momentanément à l'Espagne, 562. POSEN (grand-duché de), 225. 228, 545. POTIDÉE, 54. PRAGUE (province ecclésiastique de),173. PRÉFECTURES (partage de l'empire romain en), 77. PRESBOURG (traité de), 220. PRÉSIDES DE TOSCANE, 246, 563. PREVESA, acquis par Venise, 423. —■ Cédé aux Turcs, 467. PRIMORIE, voyez HERZÉGOVINE. PROUSA, voyez BROUSSE. PROVENCE, origine de ce nom, 59, 94. — Occupée momentanément par les Burgondes, 94.
�632
PROVENCE,
INDEX ALPHABÉTIQUE. (origine de), 115. — (province ecclésiastique de), 183, — Conserve son indépendance, 418, 425. — (frontière de), avec les Turcs, 423. — Annexée à l'Autriche.- 327. 329. RAMA (royaume hongrois de), 449. RAMETTA, tombe au pouvoir des Sarrasins, 577. RASCIE, voyez DIOCLÉE. RASTADT (traité de), 357. RATISBONNE, 219. RAVENNE, résidence des empereurs d'Occident, 83; des rois ostrogoths, 96; des exarques byzantins, 105. ■— Prise par les Lombards, 108, 121. — Sous la domination de Venise, 242. — Perdue par Venise, 249. — (provinceecclésiastique de), 168. RÉPUBLIQUE CISALPINE, 253. RÉPUBLIQUE CISPABANE, 252. RÉPUBLIQUE HELVÉTIQUE, 279. RÉPUBLIQUE LIGURIENNE, 2»5. RÉPUBLIQUE PARTUÉNOPÉENNE, 255. RÉPUBLIQUE TIBÉRINE, 255. RÉPUBLIQUE TRANSPADANE, 255. REIMS (province ecclésiastique de), 172. — (archevêques de), pairs de France, 557. REVEL (évêché de), 181. RHÉTIE, conquise par les Romains, 69. RHIN, frontière de l'Empire romain, 72. — (frontière du), entre l'AileRAGUSE
partie du royaume de Théodoric, 96. — Cédée aux Francs, 105,117. — Partie du royaume de Bourgogne, 143. — (comtes angevins de), 264. — Annexée à la France, 265, 551. PROVINCES-UNIES, 505. — Leur indépendance reconnue, 506. — (colonies des), 306, 588. PROVINCES ILLYRIENNES, voyez ILLYRIE.
emploi de ce nom, 189, 208, 229. — Domination des Chevaliers teutoniques en, 516, 517. — Duché de, vassal de la Pologne, 526. — Son union avec le Brandebourg, 200, 207, 526. — Devient indépendant de la Pologne, 527. — (Roijaume de), 555. — Ses agrandissements, 207210, 227-250, 536-558, 542. — Ses guerres avecNapoléon IOR, 222, 225, 545. — Occidentale, 209,517 (note), 556. — Méridionale, 209, 537. ■— État principal de la Confédération du Nord et de l'empire d'Allemagne, 227-230. PSKOF (république de), 501. — Annexée à la Moscovie, 522. PYRÉNÉES (traité des), 307. 355.
PRUSSE,
QïïADES,
QUÉBEC,
86. capitale 593.
du
Canada,
359.
QlJEENSLAND,
�INDEX ALPHABÉTIQUE. magne et la France, 555,557, 563. RHODES, dans le catalogue d'Homère, 29. — Conserve son indépendance, 39, 43. — Annexée à l'Empire sous Vespasien, 45, 65. — (révolutions à), 426. — Conquise par les Chevaliers de Saint-Jean, 396, 426. — Conquise par les Turcs, 463. RHODE-ISLAND, 588. RIAZAN (principauté de), 521. — Annexée à la Moscovie, 522. RIBAGORCE, 152, 553, 554. RIGA (province ecclésiastique de), 182. — Au pouvoir des Chevaliers Porte-Glaive, 515. — A la Suède, 551. — A la Russie avec la Livonie suédoise, 555. RIMINI (Ariminium), 57, 244. ROCHESTER (évêché de), 179. ROMAGNE, représente l'ancien exarchat, 145, 258. — Origine de ce nom, 254, . 371. — (principautés de la), 244. — Annexée au Piémont, 237. ROMANIE, nom géographique de l'empire d'Orient, 571, 585. — (Empire latin de), 590. ROJIANO (seigneurie de), 237. ROME, centre de l'histoire européenne, 9. — (origine de), 52. — Devient maîtresse de l'Italie, 52. — Extension de sa domination en dehors de l'Italie, 55 et suivantes. — Conquête de la Grèce par, 42
ROME,
G33
rivalité aves les Parlhes et les Perses, 85. — (patriarcat de), 165, 168. — Capitale des États de l'Église, 259. — Capitale de la république Tibérine, 255. — Rendue au Pape, 254. — Incorporée à la France, 254. •— Recouvrée par le pape, 256, 565. — Annexée au royaume d'Italie, 258. ROSKILD (traité de), 551. — (évêché de), 181. ROTWEII, 277. ROUEN, capitale de la Normandie. 141. — (province ecclésiastique de), 171. ROUM (sultanat de), 587. ROUMAINS, 72, 572. ' ■— Leurs migrations au nord du Danube, 451, 452. ROUMANIE, principauté moderne de, 469. — Changement de ses frontières au traité de Berlin, 469. ROUMÉLIE ORIENTALE, 470. ROUSSILLON, affranchi de tout hommage envers la France, 545, 556. — Occupé temporairement par la France, 561. — Conquis définitivement par la France sur l'Espagne, 562. ROVIGO, conquis par Venise, 244. RUGEN, au pouvoir du Danemark, 494, 510. — Au duc de Poméranie, 510 (note). — A la Suède, 552.
�034 RUSSES
INDEX ALPHABÉTIQUE.
, branche orientale des Slaves, 155, 156, 498. — Origine de ce nom, 498 • (note). RUSSIE (origine et formation de la), 480, 498-499. — Ses rapports avec l'empire et l'église d'Orient, 167, 485, 500. — Conquête temporaire de la Bulgarie, 584. — (partage de la), en principautés, 500, 501. — Devient tributaire des Mongols, 501, 520. — (délivrance de la), 521-522. -- (Guerres et agrandissements de la), 528-550,555-558,541, 544-545. — Guerres avec les Turcs, 465. — Prend le titre d'empire, 534 ; Caractères de cet empire, 546. — Ses possessions en Amérique cédées aux Etats-Unis, 546. RUSSIE ROUGE, voyez GALICIE. , RUTHÈNES, 449. RUTTLAND (formation du comté de), 582. RÏSWIOK (traité de), 356.
liers de), leurs conquêtes, 396, 426. SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM, bannis de Rhodes, 463. — Reçoivent de Charles-Quint l'île de Malte, 406, 426, 559. SAINT-JEAN-DE-MAURDÎNNE (évêché de), 170. SAINT-OMER, 356. SAINT-PÉTERSBOURG (fondation de), 555. SAINT-SAVA (duché de), voyez
HERZÉGOVINE.
SABINS
SAGONTE
, 48, (prise de), par Annibal,
58. (province ecclésiastique de), 180. SAINT-ASAPH (évêché de), 179. SAINT-DAVID (évêché de), 179. SAINT-DOMINGUE, 560, 569, 570. SAINT-GALL (ville et abbaye de), 214; leurs rapports avec la Confédération suisse,277,280. SAINT-JEAN-DE-JÉRUSALEM (chevaSAINT-ANDREWS
, voyez LEUCADE. , 29. SALERNE (principauté de), 144, 149,578. SAHSBURY (diocèse de), 179. SALONA (principauté de), 429. — Conquise par les Turcs, 453. SALONE, colonie romaine, 64. — (destruction de), 113. SALUCES (variations dans le vasselage du marquisat de), 287, 288, 291. — Annexé à la France, 291. — Cédé ensuite à la Savoie, 292, 354. SALZBOURG (archevêché de), 173, 315. — Devient un électorat séculier, 219. — Annexéàl'Autriche, 220,528, — A la Bavière, 221. — Recouvré par l'Autriche, 221. 330. SAMLAND (occupation par les DaT nois du), 488. SAMNITES, 48. — Soumis par Rome, 53. SAMO (royaume de), 490, 491. SAMOGITIE, acquise par les chevaliers Teutoniques, 516. — Rendue a la Lithuanie, 517
SAINTE-MAURE SALAMINE
�INDEX ALPHABÉTIQUE. 34. — (thème de), 148. — Sous la domination de la Maona, 426. SAN-MARIN (indépendance de), 248, 253, 256, 258. SAN-STÉFANO (traité de), 470. SARAGOSSE (royaume musulman de), 155, conquis par l'Aragon, 557. — (province ecclésiastique de), 175. SARAI, capitale desMongols, 520. SARDICA, voyez SOFIA. SARDAIGNE, 46. — Conquise parles Romains, 56. — (province de), 81. — Perdue par l'empire d'Orient, 377. — Occupée par Pise, 238. — Conquise par l'Aragon, 245, 565. — Unie à la Savoie, 252. —■ (Royaume de), 252, devient le royaume d'Italie, 258. SARRASINS, 109. — Leurs conquêtes, 110, 111, 577, 550. — Apogée de leur domination, 111. — Perte de la Septimanie, 111. — Leur empire comparé avec celui des Ottomans, 458. Fin de leur domination en Espagne, 561. SAVOIE (maison de), 255. — (origines et formation de la maison de), 282-288. — Sa transformation en état italien à partir du seizième siècle, 289-294, 249,251. — Annexion de ses possessions continentales à l'empire français, 255
SAMOS, SAVOIE,
635
son rétablissement en 1815, et acquisition de Gênes, 256, 257. — (Unification de l'Italie sous la maison de), 257, 258. — Perte de la Savoie et de Nice, 258. SAVONE (marche de), 256. SAXE, sa conquête par Charlemagne, 120, 125. — (Duché de), 158,202 ; ses divisions, 204; son démembrement, 204. — Nouvelle acception de ce mol, 204, 205. — (nouveau duché et électoral de), 206. — (Cercles de), 205, 211. — (Royaume de), 221, 225; son démembrement en 1815,225. SAXE-LAUENBOURG; voyez LAUENBOURG.
(provinces ecclésiastiques de la), 180,181. — Unie momentanément avec l'île de Bretagne, 480. — Comparée avec l'Espagne. 480-482. —■ En contact avec des pays barbares, 484. — Son influence sur la Baltique comparée avec celle de l'Allemagne, 505. SCANIE, dépendant dans le principe du Danemark, 129. 486. — Unie momentanément à la Suède, 507. — Occupée par la Hanse, 515. — Annexée définitivement à la Suède, 551. SCHAFFOUSE, fait partie de la Confédération Suisse, 275. SCLAVINIE (royaume de), 495.
SCANDINAVIE
�656
SOLAVINIE,
INDEX ALPHABÉTIQUE.
SERVIE, état slave, 115, 380, 437. — Annexée à la Bulgarie sous Siméon, 585, 458. — Ses rapports avec l'empire d'Orient, 385, 586, 588. — Devient définitivement indépendante de l'empire, 458. — Perd la Bosnie, 459. — Ses progrès sous Etienne Douchan, 596, 597, 452, 439. — (Empire de), 459, 440; son démembrement, 452, 440. — (incorporation de la), à l'empire ottoman, 440. — (affranchissement de la), 468, 469. SÉVÉRIE, conquise par la Lithuanie, 519. — Reconquise par la Russie, 529. SEVERIN (Banat de), 452. SÉVILLE (royaume musulman de), 155; conquis par la Castille, 558, 560. SnERBORNE (évêché de), 179. SHETLAND, îles, colonisées par les Scandinaves, 488. — Données en gage à la couronne d'Ecosse, 508. SHIRVAN, 545.. SIBÉRIE (khanat de), 521. — Conquise par lesRusses,554. SICANIENS, 50. SICILE (anciens habitants de la), 50,51. — (colonies phéniciennes en), 36. — (colonies grecques en), 24, 55, 51. — (province romaine de), 55,81. — (thème de), 149 — Conquise par les Sarrasins, 150, 377. — Recouvrée par l'empire, 377, 578
conquis par le Dane- : mark, 494, 509. SCODRA (royaume de), 64. — Ville serbe,' 417. — Capitale des Balsa, 442. — Vendue à Venise, 421, 442. — Prise par les Turcs, 422.. SCOPIA, 459. SCOTS, leur établissement dans l'île de Bretagne, 98, 574. — Leur union avec les Picts, 575. SCUTARI, voyez SCODRA. SCYTHIE (province romaine de), 78. SÉBASTÉE (thème de), 148. SÉBASTOPOL, 559 (note). SELDJOUCDDES, leurs invasions, 372, 586. — Tenus en échec par les Comnènes, 388, par les Mongols, 459. — Démembrement de l'empire des, 460 (note). SÉLEUCIDES (grandeur et décadence des), 59, 40. SÉLEDCIE (indépendance de), 40. — Annexée à l'empire sous Trajan, 100. — (thème de), 148. SELYMBRIA, 594. SÉHIGALIE, 502. — Sous la domination des PorteGlaive, 516. — Partie du duché de Courlande, 527. SENA GALLICA (Sinigaglia), colonie romaine, 57. SENS (province ecclésiastique de), 171. SEPTIMANIE (Gothie), 91,116,152,
551. v , ^
— Conquise par les Sarrasins, 111, par les Francs, 120, 555. — (marche de), 140.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
SICILE,
637
conquise par les Normands d'Apulie, 378, 403. — (Royaumede),405; ses agrandissements, 404, 406; passe à Charles d'Anjou, 251, 405; sa division après les Vêpres siciliennes, 251. -• • (union définitive des deux royaumes de), avec l'Aragon, 251, 565. — (union momentanée de l'île de), à la Savoie, 251. — (royaume autrichien des deux), 252 ; passe aux Bourbons d'Espagne, 252, 565. - Voyez aussi DEUX-SICILES. SICULES, 50. SICYONE, dans le catalogue d'Homère, 29. — Ville dorienne, 31. SIDON, colonie phénicienne, 36. SIENNE (archevêché de), 169. — (république de), 258, 245. ■ - Soumise par Florence, 246. SILÉSIE, ses premiers rapports avec la Pologne, 197, 496. — Passe sous la suprématie de la Bohème, 197, 515;. sous . celle delà maison d'Autriche, . 515. — Conquise par la Prusse, 208, 515. SILVES, conquis par le Portugal, 557. SIND, 111. SINOPE, 41, 66, 435. SION (évêché de),.170. SKIPETAKS, voyez ALBANAIS. SLAVES (migrations et établisse-ments des), 14-16, 112-114, 372, 380.' — (principales divisions des), 155,156.
leurs rapports avec l'empire d'Orient jusqu'au neuvième siècle, 114, 580, 582. —■ Leurs rapports avec l'empire d'Occident, 193-197, 482-485, 490-495. SLAVIE (duché de), 512. SLAVINIE (emploi du nom de), 114. SLAVONIE (royaume de), partie du royaume de Hongrie, 450. — Reconquise sur les Turcs, 455. — Partie de la monarchie austro-hongroise, 527, 456. SLESWIG (formation du duché de), 510. — Ses premiers rapports avec le Danemark et le Holstein, 510,511. — (conséquences du traité de Roskild pour le), 552. — (possession du), garantie au roi de Danemark, 556. — Perdu par le Danemark, 227. —■ Annexé à la Prusse, 227, 542. SLOVAQUES, 449, 494. SMOLENSK (principauté russe de), 501. — Conquise par la Lithuanie, 519. — Reconquise par la Russie, 529. SJIYRNE, 54. SOBRAPIBE (comté de), 553, 554. — (royaume de), 555. — Son union avec l'Aragon, 555. SOFIA, prise par les Bulgares, 584. — Prise par les Turcs, 446. SOLEURE, 265.
SLAVES,
�038 SOLEURE
INDEX ALPHABÉTIQUE.
SOUS celle de la maison d'Autriche, 517, 214. SUDEREYS, voyez HÉBRIDES. SUÈDE (origines de la), 128, 129, 487. — Sa position sur la Baltique, 481. — (conquête temporaire de la Courlande par la), 489. — (annexion de la Finlande à la), 506, 508. — Réunie au Danemark et à la Norvège, 507, — séparée du id. — conquête de l'Esthonie, 527, 550. — (conquêtes delà), sous Gustave-Adolphe, 551. — Ses acquisitions en Allemagne, 210, 552, 541. — (décadence de la), 535, 556, 541. — Son union avec la Norvège, 542. — Histoire de ses colonies en Amérique, 588, 589. SUISSE, origine germanique de la Confédération, 267, 271, 272. — Formation de la Confédéraration des Treize-Cantons. 273-279. — Son histoire à partir de la Révolution française, 279, 280. SURATE, 361. SUSSEX (royaume de), 158, 582. SUTHERLAND, 577. SVEALAND, 487. SWITHIOD, 129, 481. SYBARIS, colonie grecque en Italie, 50. SYRACUSE, colonie grecque en Sicile, 51. STYRIE,
, fait partie de la Confédération suisse, 275. SORABES, 402, 495. SOÏÏABE, origine de ce nom, 88. - (cercle de), 203, 215. SOUSDALIE, 500. SPALATO (origine de), 113. - (province ecclésiastique de), 185. - A Venise, 422. SPARTE (suprématie de), 51. — Fait partie de la Ligue achéenne, 41. SPIRE (évêché de), 172, 212. — Annexée à la France, 219. — Redevient allemande, 565. — Fait partie de la Bavière, 225. SPIZZA, originairement serbe, 417. — Annexé à l'Autriche, 550, 444, 456. SPOLÈTE (duchélombard de), 107, 145. STALBOVA (traité de), 530. STATI DEGLI PRÉSIDENT!, voyez PRÉSIDES DE TOSCANE.
, annexée àla Prusse, 207. , 509, 511. STRALSUND, 514. STRASBOURG (évêchéde), 175,212. — Ville libre, 555. — Annexée à la France, 191, 557, à l'empire d'Allemagne, 229. STRATIICLYDE (royaume de), 128, 576. ■— Reconnaît la suprématie anglaise, 159, 577. — Concédé à l'Ecosse, 159, 577. STRIGONIUM (Grau) (province ecclésiastique de), 185. STRYMON (thème de), 149. STYRIE (duché de), sous la domination de la Bohème, 315;
STETTIN STORMARN
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
039
conquise par les Romains, 55. — Prise par les Sarrasins, 577. — Recouvrée momentanément . par l'empire d'Orient,577,578. — Conquise par les Normands, 405. SYRIE (royaume de), 40, 63. — (province romaine de), 67. — Conquise par les Sarrasins, 110. — Recouvrée en partie par l'empire d'Orient, 586. — Annexée à l'empire ottoman, 452.. SzEKLERS, 450.
SYRACUSE,
TEMESWAR TENDE
(banat de), 455. (comté de), 291. TENOS, île de, possédée par Venise, 420, 425. TERBOUNIE (Trébinje), 416, 459. TERRE-NEUVE, 587, 592. TEUTONIQUES, chevaliers, leurs rapports avec l'empire d'Orient, 515. — Étendue de leur domination, 516. — Leur union avec les PorteGlaive, 516. — Leurs pertes territoriales; 516,517. — Deviennent vassaux de la Pologne, 517. — (sécularisation des), et séparation d'avec les Porte-Glaive, 526.
TEUTONS, THASOS,
TANGER,
551, 566, 586. (bataille de), 517. TAOHBIINA, prise par les Sarrasins, 377. TARANTAISE (province ecclésiastique de), 170. TARENTE (Taras), colonie grecque en Italie, 50. — Prise par les Normands, 402. — (archevêché de), 169. TARIFA, conquis par la Castille, 558, TARRAGONE, réunie au comté de Barcelone, 557. — (province ecclésiastique de), 175. TARSE, recouvrée par l'empire d'Orient, 150, 586. TARTARES, voyez MONGOLS. TASMANIE, 593. TAUROMENIUJI, voyez TAORMINA. TCHÈQUES, 494. TCIIERNIGOF (principauté russe de), 500. Reconquise sur la PologneLithuanie, 529.
TANNEMRERG
14,16, 85-88. 55. THÈBES, ville principale de la Béotie, 29, 52. — détruite par Alexandre, 55. THERME, 35 ; voyez TIIESSALONIQUE. TIIESPROTIENS, 28, 52. TIIESSALONIQUE (thème de), 149. — (royaumelatin de), 591, 592. — (empire grec de), 592 ; sa fin, 594. — Incorporée à l'empire de Nicée, 594. — L'une des dernières possessions de l'empire d'Orient, 398. — Occupée par Venise, 415. 422. — Prise par les Turcs, 415, 422. TIIESSALIE, envahie par les Tiiesprotiens, 52. — Dépendante de la Macédoine. 58, 42.
�CiO
THESSALIE
INDEX ALPHABÉTIQUE.
(provinceromaine de), 80. — Partie du royaume latin de Thessalonique, 592. — Réincorporée à l'empire grec, 395, 432. — Conquise par la Servie, 395, . 432. — - Conquise par les Turcs, 452, 435. THIONVILLE, 307. THOPU (maison de), en Epire, 432. THORN, à la Pologne, 517. — Incorporée à la Prusse, 557. TBRACE (colonies grecques en), 21,34. —■ (province romaine de), 70. —■ (diocèse de), 78. — (thème de), ou Thrakesion, 148. THURGAU, enlevé à l'Autriche par les Suisses, 274, 519. THURINGE, pays des Thuringiens, 92. —* Conquise parles Francs,116. — Réunie à l'électorat de Saxe, 206. TINGITANE, province de la préfecture de Gaule, 81. TIRNOVO, capitale du troisième royaume bulgare, 445. Tocco (domination en Épire de la maison de), 455, 454. TOLÈDE, conquise par la Castille sur les Musulmans, 556, 560. — (archevêché de), 175. TORTONE, 257. — Annexée au Piémont, 249. TORTOSA, conquise par l'Aragon, 557. TOSCANE, ancienne et moderne, 254, 258. — Marche de, 145, 238-
(républiques de la), 258 — (Grand-Duché de), 246 ; passe dans la maison de Lorraine, 259. — Devient le royaume d'ÉtEurie, 254. — Rétabli par le congrès de Vienne, 256. — Annexé au Piémont, 257 Toux, annexée à la France, 190, 554. TOULOUSE, colonie romaine, 59 — Capitale du royaume des Yisigoths, 91. — (Comté de), 140, 536, 358, annexé à la France, 545. — (province ecclésiastique de), 171. TOURAINE, unie à l'Anjou, 358. —■ Annexée à la France, 541. TOURANIENS, peuples, en Europe, 16,111. TOURNAI, 556. TOURS (archevêché de), 171. — (bataille de), 111. TRAGOURIUM, voyez TRAU. TRANSYLVANIE, conquise par les Magyars, 450. — (colonies teutoniques en), 450. ■— Tributaire des Turcs, 454. — Incorporée à la Hongrie, 455. —- Partie de la monarchie austrohongroise, 550. TRANSVAAL, 594. TRAPEZOUS, voyez TRÉRIZONDE. TRAU, 417. TREEINJE, voyez TERBOUNIE. TRÉRIZONDE (ville de), 57, 148. — (Empire de), 595, 454, 455. TRENTE (comté de), 255. — (évêché de), 315, partie du cercle d'Autriche, 214.
TOSCANE
�INDEX ALPHABETIQUE.
04 i
annexée à la Bavière, 220, à l'Autriche, 224. TRÊVES, fait partie de la domination franque, 95. — ('archevêques de), 172,175. — Annexée à la France, 219. — Redevient allemande, 365. TRIADITZA, voyez SOFIA. TRIESTE, sous la protection de l'Autriche, 252, 319. TRIPOLI (Afrique), conquis par les Turcs, 465. TRIPOLI (Asie) (comté de), 408. TROÏENS, 29. TROÏES (traité de) (1420), 346. TUAM (province ecclésiastique de), 180. TUNIS, reste finalement aux Turcs, 465. TURCS, nom donné aux Magyars par les écrivans byzantins, 386, 448 (note). — Voyez aussi SELDJOUCIDES et
OTTOMANS.
TRENTE,
UPSAL URBIN
(archevêché d'), 181. (duché d'), 244.
— Annexé aux États de l'Église. 250. Uni (canton suisse d'), 272, 275. — Agrandi de la Levantine, 275. UTIQUE, colonie phénicienne, 36. UTRECIIT (possessions des évêquis d'), 299, annexées au duché de Bourgogne, 504. — (archevêché d'), 174. — {traité d'), 507, 556,359. 0 (ligue du), 275, alliée avec les Confédérés, 277. — Ses conquêtes aux dépens de la Savoie, 277. — Incorporé à l'empire français, 280. — Devient un canton suisse, 280. VALACHIE (formation de la), 451, 452.
VALAIS
(principauté de), 521. — Annexée à la Moscovie, 522. TYR, colonie phénicienne, 36. TYROL, comté de, 517. — Passe à la maison d'Autriche, 519. —: Partie du cercle d'Autriche, 215. — Annexé à la Bavière, 220, 528. — Recouvré par l'Autriche, 224, 330.
TVER
529, 537. (province irlandaise d'), 180, 585. UNTERWALDEN, l'un des trois cantons primitifs de la Suisse, 272, 273.
ULSTER
UKRAINE,
— Ses fluctuations entre les Turcs et la Hongrie, 455-455. — Union avec la Moldavie de la, 469. VALAQUES, emploi de ce nom, 372, 373; voyez ROUMAINS. VALENCE (Espagne) (royaume musulman de), 153; conquis par l'Aragon, 538,540. — (province ecclésiastique de), 175. VALENCE (France) (comtéde), annexé au Dauphiné, 265. VALENCIENNES.annexée à la France, 356. VALENTIA (province romaine de), dans l'île de Bretagne, 82. VALOIS (comté de), 558. — Annexé au domaine roval, 339. 41
�642
VALTELINE
INDEX ALPHABÉTIQUE.
, conquise par le.s Grisons, 276. — Annexée au royaume français d'Italie, 254. — Au royaume lombard-vénitien, 256. VANDALES (invasions des), 88-90. — (Royaume des), 91, détruit, 105. VARÈGDES (fondation de l'étal russe par les), 498, 499. VARNA (bataille de), 440, 453. VARSOVIE (duché de), 222, 543. VADD (baronnie de), 285. — (pays de), enlevé par Berne à la Savoie, 290. — (affranchissement du pays de), 279. — Forme un nouveau canton suisse, 280. VEIES, prise par les Romains, 53. VENAISSIN (comté de), 264. — Annexé à la France, 266,
VÉNÈIES
362, 365. , 48. VÉNÉTIE, emploi de ce nom, 49, 234. — Conquise par les Romains, — — — — 57. (province romaine de), 84. (marche de), 234. Incorporée à l'Autriche, 253. Partie du royaume lombardvénitien, 256. — Annexée au royaume d'Italie, 258,
VENISE
et en Croatie avant la quatrième croisade, 416-418. VENISE, prend part au renversement de l'empire d'Orient, 390,410,414. — (histoire orientale de), 418424,429-431, 434. — (fin de la république de), 253. —• Fait partie du royaume français d'Italie, 254. — Revient sous la domination de l'Autriche, 256. — (république temporaire de),. (1848), 257. — Ville du royaume d'Italie 258. VERDEN (évèché de), annexé à laSuède, 210, 532. — Passe au Danemark puis au Hanovre, 535, 205. VERDUN, traité de, 135. — (Évêché de), annexé à la France, 190, 354. VERMANDOIS (comtéde), annexé au domaine royal, 339. VÉRONE (fluctuations de), entre l'Allemagne et l'Italie, 192. — (marche de), 256. — (république de), 237. — Sujette de Venise, 245. VIATKA (république de), 501. — Annexée à la Moscovie, 522.
VIENNE
(France), ville du royaume de Bourgogne, 95, 265. — Annexée à la France, 265. — (province ecclésiastique de), 170.
VIENNOIS, OU
(origine de), 94. —■ (Siège patriarcal de), 167 — Sa domination territoriale en Italie, 242, 244, 249, 253. — Ses rapports avec l'empire d'Orient, '233, 374, 384. — Ses conquêtes en Dalmatie
dauphiné de Vienne,
264. — Reçoit l'hommage des marquis de Saluées, 288. — Annexé à la France 265. 551.
�INDEX ALPHABÉTIQUE.
VINDÉLICIK,
645
conquise par les Ro69.
mains,
VISIGOTHS
(Fondation du royaume des), 90. — Étendue de leur domination,
91, 550.
conquise parla Lithuanie, 518. — Recouvrée par la Russie, 537.
YOLSQUES, 48.
VOLHYNIE,
— Leurs guerres avec Rome,
52.
WAGRIE, WAGRIENS, 492, 509. WÉLÈTES, 492. WESSEX WÉLÉTABES, WLLZES,
(royaume de), 98,127. — Suprématie de ce royaume,
128, 158,159.
— Devient le royaume d'Angleterre, 158, 159. WESTPHALIE (duché de), 204. ■ - (cercle de), 203. — (royaume de), 221. — (traité de),190,210,354,532. WIDIN, annexée deux fois à la Hongrie, 445, 446, 452.
ZACCARIA
(princes de), à Chios, originairement ser-
425.
ZACHLOUMIE,
be, 416.
annexée à la Bosnie, 439; s'en sépare 441. ZAGRAB, voyez AGRAM. ZAHRINGEN (maison de), dans la Petite-Bourgogne, 262. ZANTE (ZACYNTHE), conquise par les Normands, 404. — Aux princes de Tocco, 433. — Sous la protection de Venise, 421. —■ Tributaire du sultan, 422. ZARA, colonie romaine, 62. — Sous la domination de Venise, 416, 422. — (province ecclésiastique de) 183. — (traité de), entre Venise et la Hongrie, 420. ZÉLANDE, 299. — Sa réunion au duché de Bourgogne, 302. — Partie du cercle de Bourgogne, 215. — L'une des sept ProvincesUnies, 305. ZIPS (comté de), donné en gage à la Pologne, 453, 519. ZUG, se joint à la Confédération suisse, 273. ZURICH, se joint à la Confédération suisse, 273. ZUTPHEN (comté de), réuni aux Pays-Bas bourguignons, 304.
ZACHLOUMIE,
Fm DE L'INDEX ALPHABÉTIQUE
��■ ■
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos du Traducteur. Préface
I. I L'ANTIQUITÉ.
i i
. Caractères généraux de cette période n. La Grèce m. La domination romaine. iv. Les deux empires. ...
II. I DE L'ANTIQUITÉ AU MOYEN' ÂGE.
n m iv v
v. L'empire et l'Allemagne, vi. La papauté et l'Italie. . vu. Développement de la race allemande vers l'est. Les trois zones vin. Progrès dans la première zone ix. Progrès dans la deuxième
zone. .
xvm xix
xx
xxi
xxu
x. Progrès dans la troisième . Caractères généraux de cette période n. L'empire d'Orient. ... m. Les barbares en Occident et l'Église iv. Les Francs et l'Église de Rome v. La restauration de l'empire vi. Les deux empires et les Arabes en l'an 800. ... vu. Effets historiques de la restauration de l'empire en Occident
III. LE MOYEN AGE.
vi vu vin ix x xi
xxu Progrès sur la vallée du Danube. Résumé xxni xu. Effets produits sur l'histoire de l'Allemagne par cette extension. L'Autriche et la Prusse. ...... xxiv xin. La zone intermédiaire entre Allemagne et France. xxv xiv. LaformationdelaFrance. xxvi xv. Progrès de la France danslazoneintermédiaire. xxvm xvi. Lamaison de Bourgozone xi.
. gne
xn
xvii.
.
xxix xxx
i. Caractères généraux de cette période u. L'empire d'Orient : les contrastes avec l'Occident. m. La chute de l'empire d'Orient iv. Ruine et reconstitution de l'empire en Occident,
xiv xvi xvi
La formation de l'Espagne xvm. Le royaume d'Angleterre xix. Réflexions générales sur la période du moyen âge et conclusions
IV. I LES TEMPS MODERNES.
XXXI
xxxit
xvm
. Caractères généraux de la période
xxxiv
�646
TABLE DES MATIÈRES. pire des Habsbourg. . . . La Russie au moyen âge. Période d'isolement. . . xvm. Le premier état russe. Influence de la Scandinavie et de Constantinople. . . XIX. La Russie moderne.. . xx. Conclusions sur la période moderne
XVII V. LES TEMPS CONTEMPORAINS
L
n. Le champ de bataille italien xxxvi m. La maison de Savoie. . xxxvn iv. Le champ de bataille allemand XXXVIII v. L'Allemagne après la paix de Westphalie xxxix vi. Progrès de la France dans la zone intermédiaire. . . XL vu. Les provinces laissées sous la domination des Habsbourg XLI vin. Indépendance et puissance des Provinces-Unies, XLI ix. Les cantons suisses. . . XLIII x. La France. Achèvement de l'unité XLIV XI. La politique extérieure de la Fiance XLIV xn. L'Espagne et l'Angleterre XLVI XIII. Le nord et l'est de l'Europe. Formation de l'État prussien XLVII XIV. Le caractère de l'État prussien XLVHI xv. L'Autriche : empire des Habsbourg IL XVI. Comparaison entre l'État des Hohenzollern et l'em-
LI
L;
LUI
LUI
. La révolution et l'empire détruisent l'ancienne Europe n. La restauration de l'Europe en 1815 m. Le patriotisme révolutionnaire et l'idée des nationalités IV Les nations nouvelles. . v. La politique de conquêtes. Russie et Autriche. ... vi. Unification de l'Italie et de l'Allemagne vu. L'annexion de l'Alsace et de la Lorraine vin. La paix armée IX. La politique commerciale x. L'Europe et le monde. .
I
LVI
LYII
LVIII LIX
Lx i.xn
LXUI LXIV
LXV LXVI
INTRODUCTION
Défmition de la géographie historique. — Ses rapports avec d'autres sciences. . Distinction entre les noms géographiques et politiques I. — Aspect géographique de l'Europe. Limites ée l'Europe et de l'Asie. — Rapports entre les deux continents. . . Le nord et le sud de l'Europe. — Parties intermédiaires II. — Influence de la géographie sur l'histoire. 1" Dans les temps anciens. 2° Preuves de cette influence dans les temps modernes. Influence du caractère national 7 9 10
I
3
III. — Distribution géographique des races. 5 Caractères généraux de l'éthnologie européenne . . Les races antérieures aux Aryens 11 12
6
�TABLE DES MATIÈRES. Les premières races aryennes : Grecs, Italiens et Celtes Nouveaux Aryens : Teutons, Slaves, Lithuaniens. . . Mouvements parmi les nations aryennes Les races non aryennes postérieures aux Aryens : Sémites et Touraniens. . .
647 15
15 14
16
LIVRE I"
HISTOIRE DE L EUROPE JUSQU'AU XII» SIÈCLE APRÈS J.-C.
CHAPITRE PREMIER
: La Grèce et les colonies grecques. I. — La péninsule orientale. "Ses caractères géographiques et ses principales divisions Thrace et Illyrie 'Grèce proprement dite et ses péninsules.—Péloponnèse. . Étendue de l'Hellade continue en Europe Asie Mineure
Autres changements depuis le sixième siècle avant J.-C. VI. — Les colonies grecques. Les colonies de la mer Égée en Europe et en Asie. . . Colonies des Grecs et des Phéniciens dans les autres parties du monde méditerranéen
52
55
19 21
35
22
'II. — Grèce insulaire et asiatique. 23 24
VII. — Formation des royaumes de Macédoine et d'Épire. — Alexandre et ses successeurs. Philippe et Alexandre en Macédoine (360-323 av. J.-C). — L'Épire sous Pyrrhus (295-272). ....... Les Ptolémées en Égypte. . Démembrement de l'empire des Séleucides. — Forma tion d'États indépendants dans l'Asie Mineure. . .
'III. — Ethnologie de la péninsule orientale. Les Grecs et les races parentes en Europe et en Asie. . . .; ...... Les Pélasges. — La nation grecque
i
38 39
25 26
59
IV. —Géographie primitive delà Grèce el des pays voisins d'après Homère. 27 2!)
VIII. — Géographie des derniers temps de l'indépendance grecque. État de la Grèce avant la venue des Romains. —Ligue achéenne et étolienne. . Conquête romaine de la Grèce (229-146 av. J.-C.) ...
CHAPITRE
: Les tribus et les villes de la Grèce ;Les colonies grecques. — Les peuples étrangers. .
41 42
V. — Différence entre la Grèce homérique et la Grèce historique. ■1° Dans le Péloponnèse . . -.2° Dans la Grèce septentrionale 50 31
II.
Formation de l'empire romain Étendue de l'Italie ancienne jusqu'à Auguste. — Carac-
�648
TABLE DES MATIÈRES. transalpine par César (5851 av. J.-C) Provinces d'Afrique (146-49 av. J.-C.)
IV. ■—■
tères géographiques de la péninsule I.
45
60 61
— Anciennes populations de l'Italie et de la Sicile. 47 47 48 49-
Ligures etÉtrusques. ... Les Italiens proprement dits, Latins et Osques. ... lapygiens, Gaulois et Vénètes Colonies grecques en Italie. Anciennes populations de la Sicile. — Colonies grecques et phéniciennes.
Les provinces orientales. 62 62 65 65
50
II. — Tension de la domination romaine en Italie. Différentes situations des villes italiennes sous la domination romaine. —• Origine latine de Rome. Conquête progressive de l'Italie ancienne par Rome (396-265 av. J.-C). ... L'Italie jusqu'à l'incorporation des États italiens (265-89 av. J.-C)
III. —
51
Contraste entre les provinces orientales et occidentales. Différences entre les provinces orientales .... Conquêtes del'Illyrie et de la Dalmatie(229à54av.J.-C.) Conquête de la Grèce et des pays grecs éloignés. . . Province d'Asie (135-129 av. J.-C), progrès de Rome dans l'Asie Mineure (12964av.J.-C).—LesParthes. Conquête de l'Égypte (31 av. J.-C). La paix romaine.
65 07
52
V. — Conquêtes de Rome sous l'empire. Incorporation des royaumes dépendants(14-70ap.J.-C). Expéditions en Germanie (11 av. J.-C. à 19 ap. J.-C). Réunion à l'empire, sous Auguste, de tous les pays au sud du Danube. ... Expédition en Arabie (24 av. J.-C). Réunion de la Thrace et de Byzanee à l'empire sous Vespasien. Conquête de la Bretagne au premier siècle Conquêtes de Trajan enAsie et en Europe (98-117 après J.-C).—Arabie et Dacie. L'empire romain au deuxième siècle
CHAPITRE
68
53
La domination romaine en dehors de l'Italie ancienne. Les provinces occidentales. 55
08
Caractère des provinces romaines Province de Sicile (132 av. J.-C). — Villes libres et alliées Sardaigne et Corse (238 av. J.-C.) Réunion de la Gaule cisalpine à l'Italie (282-45 av. J.-C.).' Ligurie, Vénétie, Istrie incorporées à l'Italie sous Auguste. ........ L'Espagne et la Gaule avant la domination romaine. Conquête de l'Espagne (21819 av. J.-C.) Première province de Gaule transalpine (125-58 av. J.-C). ........ Conquête de toute la Gaule
09 70
55 56 50
71 72
57 III. 57 58
Le démembrement de l'empire.
I. — Géographie politique des derniers temps de l'empire. Les préfectures.
59
Etablissement des nouvelles divisions administratives
�TABLE DES MATIÈRES. sous Auguste. Les onze régions de l'Italie. ... Quadruple partage de Dioclélien (292 ap. J.-C.). Établissement des préfectures sous Constantin (525 ap. J.-C.) Préfecture d'Orient et ses cinq diocèses. — Provinces et villes importantes Préfecture d'Illyrie. ... — d'Italie — de Gaule. ... Fondation du royaume des Burgondes (406). Occupation de la Provence (500510) Invasion des Huns. — Destruction d'Aquilée et origine de Venise (452). . . Unification de l'empire. Odoacre, patrice romain (476-493) 78 79 80 81 Théodoricroides Ostrogoths (495-526). — Théorie de l'empire
619
75
91
77
94
95
95
II. — Le partage de l'empire (395 après J.-C). Nouvelle situation de Rome. Partage de l'empire entre les fils de Tbéodose (595 après J.-C.) Position particulière des deux empires d'Orient et d'Occident
IV. — Établissement des anglosaxons en Bretagne. Caractère des invasions teutoniques en Bretagne. — Angles, Saxons et Jutes. . Les sept royaumes anglosaxons et les Celtes de Bretagne à la fin du sixième siècle.
96
82
98
83
V. — L'empire d'Orient (114-420). Fluctuations de la frontière de l'empire en Asie, du deuxième au cinquième siècle Aperçu général sur l'Europe àla fin du cinquième siècle.
III. — Les établissements leutoniques en Occident. Unification de l'empire romain (476 après J.-C). L'empire romain et les nations teutoniques avant le cinquième siècle. . . Résultats généraux des invasions teutoniques à partir du cinquième siècle. Les Gots et les Huns. —Alaric (394-410) Fondation du royaume des Visigoths (412). Alains, Suèves et Vandales en Espagne Francs, Alamans, Thuringiens, Saxons et Frisons avant le cinquième siècle. Réunion des Francs et des Alamans sous Clovis. — Étendue et caractères de la domination franque à la fin du cinquième siècle. .
99 101
84
CHAPITRE
IV.
87 89
Division finale de l'empire.
I. — L'empire après son unification en 476. — Invasions des VI° et VII" siècles. Continuité de l'empire romain Étendue et caractères des conquêtes de Justinien (527-565) Les Lombards en Pannonie, puis en Italie (567). — Les Gépides et les Avares. . . Pertes de l'empire en Espagne (554-624) — Les provinces 103
90
91
105
106
92
�650
TABLE DES MATIÈRES. Étendue de l'Empire d'Occident. — Plans de partage et sous-royaumes de Charlemagne
d'Asie avant la venue des Sarrasins........ Les Sarrazins. — Étendue et caractères de leurs conquêtes (623-755) Slaves et Touraniens au sixième siècle Etablissement des Slaves dans l'Empire au septième siècle. Établissement des Bulgares (079) L'Empire romain à la fin du septième siècle
II. —
108
125
109 111 115 114 115
IV. — Europe septentrionale. Les états anglo-saxons et celtiques dans l'île de Bretagne à la fin du huitième siècle Danemark et Norvège. — Origine de la Suède Résumé de l'histoire de l'Europe pendant les sixième, septième et huitième siècles V.
127 128
La domination franque du VI° au IX° siècles.
129
Conquêtes en Germanie et en Gaule au sixième siècle. La Septimanie et la Provence au sixième siècle. .... Réunion de toute l'étendue de la domination franque sous Clotaire I" (558-561). —Caractères de ses diverses parties Austrasie et Neustrie. — Transformations de l'ancien mot Francia Extension et caractères de la domination franque sous les Karlings ou Carolingiens. . Les grands États du huitième siècle
115 116
CHAPITRE
Commencements des États de l'Europe moderne,
I. — Démembrement de l'empire franc après Charlemagne. — Les trois royaumes du SaintEmpire romain et le royaume de France. Etendue et divisions de l'empire carolingien Partage de 817. — Première union de la Neustrie et de l'Aquitaine (838) Traité de Verdun (843). — Partage de l'empire en trois royaumes Reconstitution de l'empire (884). Nouveau démembrement (887). Existence de quatre royaumes nationaux. Le royaume oriental ou germanique. Ses différents noms. Sa connexion avec l'empire romain d'Occident. Étendue et composition du rovaume germanique en 887 Le royaume occidental, ou France en 887. — Ses grands fiefs 135
117
118
119 120
134
III. — Rétablissement de l'empire d'Occident par les Francs. Charlemagne, roi des Lombards et patrice romain (774), empereur d'Occident (800) Conséquences de la division finale de l'empire romain. Les deux empires et les deux califats au commencement du neuvième siècle. . . . Extension de la domination franque sous le règne de Charlemagne
155
136
121 122
137
123
138
124
159
�TABLE DES MATIÈRES. Union définitive du royaume occidental, ou Carolingie, avec le duché de France (987). Origine de la France moderne Distinction entre le duché et le royaume de Bourgogne Royaume de Bourgogne ou d'Arles. Son étendue. — Bourgogne cisjurane et transjurane Royaume d'Italie. — Son étendue et son caractère.. . . Union définitive du royaume de Germanie avec le royaume d'Italie et l'empire romain d'Occident (962), et avec le royaume de Bourgogne (1032). II. — L'empire d'Orient. Transformation de l'empire d'Orient en empire grec. . Les Thèmes d'Asie et d'Europe au dixième siècle.. . Pertes et conquêtes de 1 empire pendant les neuvième et dixième siècles
651
V. — Europe septentrionale. Les trois nations Scandinaves. — Invasions des Northmans La Grande-Bretagne au neuvième siècle. — Suprématie des rois de YVessex et les invasions danoises. . . . Formation du royaume d'Angleterre sous les rois de YVessex (910-954). Rapports avec l'Écosse L'empire du Nord de Cnut (1010-1057) Le royaume moderne d'Angleterre après la conquête normande
157
141
142
158
143 144
159 160
180
145
VI. — Les États européens à la fin du XI" siècle 161
CHAPITRE
VI
146 147
Géographie ecclésiastique de l'Europe occidentale.
Rapports des divisions ecclésiastiques avec les divisions politiques
163
150
I. — Les grands patriarcats. Les cinq premiers patriarcats. Les nouveaux patriarcats. . 165 166
III. — Origine des royaumes espagnols. Conquête sarrasine de l'Espagne (710-713). ..... Formation de royaumes indépendants dans le nord de la péninsule. Démembrement du califat de Cordoue (1028)
151
II. — Divisions ecclésiastiques de l'Italie. Particularités des évêchés el des provinces en Italie. — Influence de la position de Rome et de l'histoire italienne III.
152
167
• IV. — Origine des États slaves. Les nations touraniennes à partir du neuvième siècle. — Établissement des Magyars au nord du Danube (895) Les trois principales divisions de la race slave. .
— Divisions ecclésiastiques en Gaule el en Germanie.
154 155
Divisions ecclésiastiques de la Gaule correspondant aux anciennes divisions politiques de l'empire romain Nouvelles divisions ecclésias-
169
�\
652
TABLE DES MATIÈRES. Plans de Grégoire le Grand pour les églises de la Grande-Bretagne Province de Cantorbéry. . . Province d'York. — Les quatre provinces de l'Irlande.
tiques en Gaule à partir du seizième siècle. . . . 171 Divisions ecclésiastiques du nord-est de la Gaule. — Formation des six archevêchés de l'ancien royaume germanique et de la province de Prague 172 Changements de la carte ecclésiastique. Nouveaux sièges métropolitains. . . 174
IV. —
177 178 179
VI. — Divisions ecclésiastiques dans le nord et dans l'est de l'Europè. Les sièges métropolitains dos trois royaumes Scandinaves et leurs sufïragants. Formation des provinces de Gnesen, Leopol et Riga. . Les autres divisions ecclésiastiques de l'Eglise latine . Les deux provinces de Hongrie. — Les trois provinces de Dalmatie
Divisions ecclésiastiques de l'Espagne. 175
180 181
Avant et après l'occupation arabe
V. — Divisions ecclésiastiques des Iles Britanniques. Les Églises celtiques. — L'épiscopat de tribus. ... 176
182
185
LIVRE II
EUROPE CENTRALE
CHAPITRE PREMIER
Le royaume de Germanie (887-1806). I. — Le royaume de Germanie et l'empire d'Occident Comparaison entre les trois royaumes impériaux. . . Le royaume de Germanie finit par s'identifier avec l'empire d'Occident Particularités de la géographie politique de l'Allemagne 185
Frontières du côté de la Bourgogne et de l'Italie. ...
191
III. — Frontières du nord et de l'est. — Les marches. Les marches du sud-est et la marche danoise. ... Germanisation des pays slaves du nord-est Les marches du nord-est. . La Bohême fief de l'empire (928). —La Moravie réunie à la Bohême (1029). ... Importance des agrandissements germaniques du côté de l'est. 192 193 195
187
190
188
II. — Frontières de l'ouest et du sud. Frontière occidentale de l'Allemagne. — Les annexions de la France (15521801). . ......
197
IV — Géographie politique intérieure de l'Allemagne Caractères qu'elle présente. Les différentes périodes de 198
189
�TABLE DES MATIERES la géographie politique de l'AUemagne Les quatre anciens duchés. — La division en cercles. I. — Première période
199
655 (1801-1814)
202
V. — Le duché de Saxe et les principautés saxonnes. Formation du royaume de Prusse. Les divisions du duché de Saxe. — Son démembrement (1182-1191). — Nouvelle acception du mot Saxe. Duchés de Brunswick. — Électorat de Hanovre (1692). La dynastie ascanienne. — Saxe-Lauenbourg. — Saxe Wittenberg et Électorat de Saxe Marche et électorat de Brandebourg.— Duché et royaume de Prusse Agrandissement du Brandebourg et de la Prusse. — Formation de la monarchie prussienne La Saxe dans sa plus large acception. — Parties occupées par des souverains étrangers Les villes libres de la Saxe. — La Hanse
Traité de LunéviUe (1801). — Perte de la rive gauche du Rhin. — Création de quatre nouveaux électorats. . Traité de Presbourg (1805). — Confédération du Rhin (1806). — Dissolution.de i'empire d'Allemagne. . . Allemagne, Autriche et Prusse
(1811-1813) ........
219
220
221
204
205
II. — Deuxième période (18151871). — La confédération germanique et l'empire d'allemagne Les cinq États appartenant à la Confédération germanique Les États appartenant en entier à la Confédération. . Partage du Luxembourg (1851). — Sleswig et Holstein (1848-1866) Nouvelle Confédération du Nord (1866).—Agrandissements de la Prusse.... Conquête de l'Alsace-Lorraine (1870-1871). —Rétablissement de l'Empire d'Allemagne
CHAPITRE
205
222
225
206
227
207
227
210
228
211
VI: — Franconie, Bavière, Souabe et Lotharingie. Principautés germaniques des cercles de Franconie, du Haut et Bas-Rhin et de Bavière Principautés du cercle de Souabe Cercle d'Autriche. ..... Cercle de Bourgogne.' . . .
CHAPITRE
III
Le royaume d' 1 talie des empereurs allemands.
I. — Son étendue et sa composition.
212
215 214 215
Limites du royaume d'Italie. Divisions du royaume. . . . Les diverses périodes de l'histoire italienne. . . . 11.
252 234
235
II .
Ultalie impériale de 962 à 1250.
i
L'Allemagne pendant le XIX* siècle.
Les transformations modernes de l'Allemagne. . . .
218
Les princes féodaux et les villes libres du nord de l'Italie. — Guelfes et Gibelins Les républiques du centre.
236
�654
TABLE DES MATIÈRES. L'Italie sous la domination française (1805-1814). . . Réorganisation de l'Italie (1814-1815) Unification de l'Italie sous la maison de Savoie (18591860) Annexion dé la Vénétie (1866) et de Rome (1870). ...
CHAPITRE
— Rivalité de Pise et de Gênes. — Situation de Rome
254 255
238
III. — Formation des principautés italiennes (1250-1550). Affaiblissement de l'autorité impériale en Italie. . . . Savoie et Montferrat. . . . Les Visconti à Milan (1310). — Le duché de Milan de 1395 à 1550. Progrès de Venise en Italie au quinzième siècle La maison de Gonzague à Mantoue, de 1328 à 1550. — La maison d'Esté à Modène et à Ferrare de ■1264 à 1484 Principautés de la Romagne. —. Commencements des États de l'Eglise Républiques de la Toscane. . Les Médicis à Florence (14541567). — Duché et présides de Toscane
CHAPITRE
257 258
239 240
240 242
V
Le royaume de Bourgogne.
Sa disparition comme État européen. — Son étendue, sa composition
259
245
I. — Partie septentrionale. — Le comté de Bourgogne el la petite Bourgogne. Le comté de Bourgogne. — Besançon et Montbéliard. La petite Bourgogne des ducs de Zahringen. — Sa désagrégation au treizième siècle 261
244 244
245
262
IV
La Péninsule italienne depuis le XVI- siècle.
I. - Première période (1550-1797). Aperçu général Gouvernement de l'Italie septentrionale en États plus considérables (1540-1748). Les États de l'Italie centrale et la Corse (1598-1778). . Formation du royaume des Deux-Siciles (1205-1528). — Royaume de Sardaigne (1718) 247
II. — Partie méridionale. — Les annexions de la France. Le comté de Savoie et les autres principautés bourguignonnes du sud. . . . Les annexions de la France (1310-1791)
203 264
248 250
III. — Les Etats modernes issus des trois royaumes impériaux.
CHAPITRE
VI
La Confédération Suisse.
250 Origine de la Confédération. — Emploi du mot Suisse I, 252 253 —
II. — L'Italie à partir de la Piévolution française. Période révolutionnaire et républicaine (1796-1801). Retour aux formes monarchiques.
271
Les premiers Confédérés. (1291-1513), 273
L'Ancienne Ligue de la haute Germanie (1291)
�m
TABLE DES MATIÈRES. Formation des huit anciens cantons (1352-1553). Leurs conquêtes aux dépens de l'Autriche (1415-1460). . . Conquêtes en Italie et dans les pays savoisiens. — Adjonction de cinq nouveaux cantons (1481-1515). . . . pays bourguignons au nord et . u sud du lac de Genève (1198-1450) Création du duché do Savoie (1417) Agrandissements en Italie (1198-1455) — Princes de Piémont (1429) 655
284 28G
275
274
287
II. — La Confédération des treize cantons. Alliance des Confédérés avec les ligues grises (1495). — Agrandissements des uns et des autres en Italie (1512-1513) Alliance de Berne et de Fribourg avec le Valais et Genève. Leurs agrandissements (1556-1567) .... Les Alliés des Treize Cantons Affranchissement de la Confédération (1648)
II. — Transformation de l'État de Savoie en Etat italien à partir du XVI° siècle. Position particulière de 1 État de Savoie au milieu du quinzième siècle Pertes et fluctuations dans les pays transalpins 14751601). — Variations dans la situation de Genève. . . . Perte des dernières possessions transalpines de la maison de Savoie (1860), Résumé de l'histoire italienne de la maison de Savoie. . VIII
289
276
290
277 278
292 293
III. —■ La Suisse à partir de la révolution française, Démembrement des Ligues grises (1797). — République helvétique (1798). . . République des dix- neuf cantons (1805).— République des vingt - deux cantons (18151 .
CHAPITRE
Le duché de Bourgogne et les Pays-Bas.
279 Position particulière des ducs de Bourgogne 295 Réunion au duché de Bourgogne de la Flandre, de l'Artois et du comté de Bourgogne (1384) 297 I. — Les Pays-Bas avant la domination bourguignonne.
2Ï9
CHAPITRE
VII
La Maison de Savoie.
Caractères généraux de la domination savoisienne. Ses différentes parties. . . .
281
Les États de la partie occidentale Les États de la partie orientale. . . . II.
298 500
I. — Origine et formation de la domination savoisienne. Premières possessions des comtés de Savoie en Bourgogne et en Italie. .. . . Agrandissements dans les
— Formation des Pays-Bas bourguignons jusqu'à leur réunion sous Charles-Quint.
282
Formation des provinces occidentales (1405-1526.1. . .. 302
�656
TABLE DES MATIERES. 503 de Germanie. — Acquisition de l'Autriche et de la Styrie (1282) 317 Connexion de l'Autriche avec l'empire. Les princes Autrichiens 317 Acquisition de la Carinthie et du Tyrol (1555) et de Trieste (1582), — Perte du Thurgau (1460) Les diverses branches de la maison d'Autriche. — Leur réunion sous Maximilien. 319 III. — Union de la Bohême et de la Hongrie à l'Autriche. Conséquences de la réunion à la maison d'Autriche de pays situés en dehors [de l'empire La Bohème et l'Autriche jusqu'à leur réunion définitive (1527) Union de l'Autriche et de Hongrie (1527). — Guerre avec les Turcs(1526-1718).
Formation des provinces orientales (1443-1543), . . III. — Les Pays - Bas Charles-Quint.
après
Révolte et scission des PaysBas (1568-1609) La République des Sept-Provinces-Unies et ses colonies, Les Pays-Bas espagnols jusqu'à leur réunion à l'Autriche 1578-1713). . . . Les Pays-Bas sous la domination "française (1792-1814). Royaume des Pays-Bas (1814). Royaume de Belgique et de Hollande (1831) Résultats généraux de la domination des ducs de Bourgogne
CllAl'ITIlE
305
305
507 308
308
521
509
IX
322
La maison d'Autriche. Origine du mot Autriche. . Caractères de la monarchie autrichienne 311 515
524
IV. — La maison d'Autriche à partir du XVI* siècle. Acquisition de Goritz (1500). —Domination de l'Autriche en Italie 325 L'Autriche dans les PaysBas (1715). — Ses pertes en Alsace (1648) 326 Perte de la Silésie (1741). — Acquisitions en Pologne (1772-1795) et en Dalmatie (1797-1814) 326 L'Autriche sous Marie-Thérèse (1740-1780) 327 L'Autriche en 1811 328 L'Autriche en 1815 529 Annexion de Cracovie (1846). — Perte des possessions italiennes (1859-1866) . . 329 Monarchie Austro-Hongroise (1867).— Bosnie et Herzégovine (1878) 330
I. — Les ducs autrichiens de la maison de Babenberg. Formation du duché d'Autriche (1156) Dédoublement du duché de Carinthie(l 180).— Réunion de la Styrie à l'Autriche (1192) Le comté de Goritz. . . . Union momentanée de la Bohème et de l'Autriche sous Ottocar II 314
314 515
315
II. — La seconde maison d'Autriche, ou maison de Habsbourg, jusqu'au XVI0 siècle. Possessions des Habsbourg en Souabe et en Alsace. . Rodolphe de Habsbourg, roi 516
�TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE X
657
Le Royaume de France. I. — Origines. — Domaine royal et États vassaux. Comparaisons avec les autres parties de l'empire franc. 533 La France est une nation aussi bien qu'un État. . . 335 Étendue du domaine royal à l'avènement de la dynastie de Paris (987) 555 Aspect féodal du royaume. . 536 Les douze pairs 336 II. — Incorporation des États vassaux. Situation des États vassaux Premiers agrandissements du domaine royal (1068-1187). Formation de la maison d'Anjou. Son union avec la couronne d'Angleterre. . . . Conquêtes par Philippe-Auguste de la Normandie, de l'Anjou, du Maine, de la Touraine et du Poitou (1203-1205). — Traité d'Abbeville (1259) Possessions des rois d'Angleterre en France. — Situation de la France Acquisitions dans le Midi (1229-1270) et dans le Centre (1234-1257). .... Champagne et Navarre. — Incorporation de la Champagne (1561). — Les Apanages. Guerre de cent ans (15571455).— Traités de Brétigny et de Troyes Union finale de l'Aquitaine à la France (1455) Annexion du duché de Bourgogne (1479).—Perte de la Flandre et del'Artois (1526). Incorporation de la Bretagne (1532). . . 537 339
III. — Annexions de la France en dehors du royaume occidental. Rapports de la France avec l'Angleterre et avec l'Espagne. — Réunion de la Navarre (1589) Caractères et conséquences des agrandissements de la France au nord et à l'est. Extinction de la langue d'oc et de la nation provençale après le quinzième siècle. Caractères des conquêtes de la France en Italie. . . . Conquêtes des Trois-Évêchés (1552). — Reprise de Calais (1558).—Annexion delà Bresse et du Bugey (1601). Traité de Westphalie (1648). — Acquisitions en Alsace. Traité des Pyrénées (1659). — Acquisition du Roussillon. Frontière des Pays-Bas (16591715) Frontière de l'est (1668-1714J. — Annexion de la FrancheComté (1078) Annexion de la Lorraine (1735-1766). — Situation de la France Acquisition delà Corse (1768). IV
349
550
552 353
555 354 555 555
359
356
341
342
357 558
342
344
Domination coloniale de la France. Dans l'Amérique du Nord (1506-1763) 359 Colonies des Indes occidentales et de l'Amérique du Sud 360 Colonies des Indes orientales (1664-1763) 360 V.—LaFrance à partir de 1790. Achèvement de la frontière de l'Est (1791-1801). ... 361 Autres conquêtes de la France républicaine. ...... 362 Caractères des conquêtes du premier empire 563 42
345 546
546 348
�658
TABLE DES MATIÈRES. 364 565 l'Alsace-Lorraine ^871). . Les colonies françaises (17961815). — Conquête de l'Algérie 566
Situation de l'Europe en 1811 Traités de 1814 et 1815. . . Annexion de la Savoie et de Nice (1860). — Perte de
366
LIYRE III
L'EUROPE DU SUD-EST
CHAPITRE PREMIER
L'Empire d'Orient. I. — Généralités sur d'Orient. l'Empire
Les deux empires d'Orient et d'Occident après leur sépation définitive 569 Les nations primitives de la péninsule du sud-est. . . 371 Les nations qui ont envahi l'empire d'Orient 572 La nation grecque 373 Les États qui se sont formés dans l'empire d'Orient. . 374 II. — Fluctuations dans les limites de l'empire de 800 à 1204. Les possessions impériales en Italie jusqu'au onzième siècle. — Perte de la Sicile (827-965) Fluctuations dans les îles de Crète et de Chypre (7081191) Sardaigne, Sicile, Crète et Chypre de 801 à 1201. . L'empire et les établisse'ments slaves . Rapports de l'empire avec les Bulgares et les Slaves jusqu'au neuvième siècle . . Les Slaves en Macédoine et en Grèce au dix-huitième siècle. — Disparition du nom d'Hellènes Le premier royaume Bulgare (679^968) . ' La Bulgarie conquise par les Russes (968) reprise par
376
l'empire (971) Second royaume Bulgare(980), renversé par l'empire (1018). Servie et Croatie. Venise et Cherson, villes de l'empire Progrès de l'empire en Asie (965-1064). Révolte de la Servie (1040). — Progrès des Turcs en Asie (1064-1081). — Les Normands en Épire (1081) L'empire à la fin du onzième siècle Conquêtes des premiers Comnènes (1097-1168). ... Pertes de la Dalmatie (1181), de Chypre (1192), de la Bulgarie (1187) L'empire à la fin du douzième siècle
38
384 385 385
586 387 388
388 589
578 379 580
lïl. — L'Empire d'Orient de 1204 à 1455. Le traité de partage et l'empire latin de Romanie. . . 590 Le royaume latin de Thessalonique (1204-1222). ... 391 Le despotat grec d'Épire et l'empire grec de Thessalonique (1204-1246) .... 593 L'empire grec de Trébizonde (1204-1461). — Sa plus grande étendue 395 L'empire grec de Nicée. — Ses progrès en Asie (12061247); en Europe (1215(1261) 593 L'Émpire grec des Paléolo-
580
582 385
�TABLE DES MATIERES. gues. —Ses progrès en Eu, rope (1261-1450) Pertes de l'empire en Asie
(1260-1538) 594
659 414
396
Pertes de l'empire en Europe (1333-1453). . . Les États qui se sont formés dans l'Europe du sud-est.
CHAPITRE III Le royaume de Sicile,
396
398
Origines du royaume. — Formation des principautés de Capoue et d'Apulie. Les ducs d'Apulie en Épire
(1081-1150)
401
403
Conquête de la Sicile par les Normands d'Apulie
(1061-1091) 403
Roger II comte, puis roi de Sicile (1105-1154). — Ses conquêtes en Europe et en Afrique Domination en Épire des princes siciliens (11851386)
405
404
Limites des royaumes siciliens
405
CHAPITRE IV Les États fondés par les Croisés.
niseparletraitédepartage. Occupation par Venise de la Crète (1206 1669); de Chypre (1489-1571 ); de Thessalonique (1426-1450). Politique de Venise en Orient La Croatie et la Dalmatie avant la quatrième croisade.— Raguse et Polizza. Premières conquêtes de Venise au nord-est de l'Adriatique (1202-1216). — Histoire de Corfou (1216-1800) Conquêtes de Venise en Grèce 1206-1290). — Perte de l'Eubée et des iles égéennes (1470-1718) Fluctuations de Venise en Dalmatie (1206-1455). , . Conquêtes en Albanie et en Grèce (1592-1449) .... Guerres de Venise avec les Turcs (1465-1718) Frontières de Venise et de Baguse au dix-huitième siècle Le duché de Naxos et les Cyclades sous les princes vénitiens (1207-1617). ...
415 416
416
418
419
420
421
421
423
424
Caractères des États fondés par les Croisés 407 Royaume de Jérusalem et principautés franques de Syrie (1099-1291) . . .408 Chypre et Arménie Cicilienne
(1192-1489) 409
I. — Domination de Gênes en Orient. Possessions de Gênes et des famiUes génoises (13041566) . 425
Les chevaliers de Saint-Jean à Rhodes et à Malte (15101814). CHAPITRE . . 426
Les États latins fondés en Romanie
CHAPITRE V
VI
410
États de la Grèce continentale et empire de Trébizonde. I. — Le Duché d'Athènes et la principauté d'Achaïe. Comparaison entre ces deux principautés Histoire du duché d'Athènes
(1205-1400) 427
Domination en Orient de Venise, de Gênes et des Chevaliers de Saint-Jean. Origines et caractères de la domination de Venise. . . 413 Possessions assignées à Ve-
428
�660
TABLE DES MATIÈRES. 429 III. — Le Monténégro. Les Balza et les Tsernoiévitch (1355 1499). — Les Vladislas (1499-1851) 442 Le Monténégro moderne(18511878) 445 IV. — Le troisième royaume de Bulgarie (1187-1395). Grandeur de ce royaume (1187-1246) 444 Démembrements et conquêtes de la Bulgarie (1246-1595). 445
CHAPITRE VIII La Hongrie et les principautés roumaines. Situation particulière de la Hongrie 447 La grande Moravie et les Magyars (8844)00) .... 447 Extension de la domination magyare sur les deux branches de la race Croate. 448 Conquête hongroise de la Transylvanie (1004). — Les Szeklers 450 Migrations roumaines au nord du Danube. — Commencements de la Valachie et de la Moldavie 451 Conquêtes et grandeur de la Hongrie (1185-1590) ... 452 Décadence et asservissement de la Hongrie (1590-1685). — Fluctuations dans les principautés roumaines . 453 Affranchissement de la Hongrie (1683). — Guerre avec les Turcs (1683-1791). . . 454 Formation de la monarchie austro-hongroise (17761878) 455 CHAPITRE IX L'Empire ottoman. I. —■ L'empire ottoman jusqu'au traité de Berlin.
Formation de la principauté d'Achaïe (1205-1337) ... Démembrement de la principauté d'Achaïe (1337-1460). — Luttes des Turcs et de Venise dans le Péloponnèse (1460-1685)
430
II. — VEpire et la Thessalie jusqu'à la conquête ottomane. Démembrement du despotat d'Épire (1309-1555). ... 431 Les principautés albanaises et serbes après la mort d'Etienne Douchan (1355-1401) . 452 La maison italienne de Tocco en Épire (1405-1449) ... 435 Conquête de l'Albanie septentrionale par les Turcs (14511467) 434 L'Empire grec de Trébizonde. Son titre d'empire d'Orient. — Conquête de Trébizonde par les Turcs (1461) . . .
CHAPITRE
434
VII
Les États slaves jusqu'à la conquête ottomane. Le partage de l'empire et les États slaves 437
I. — L'ancien royaume de Servie La Servie jusqu'au partage de l'empire 438 La Sei-vie sous la maison de Nemanja. L'empire serbe d'Étienne Douchan (13461355) 439 Démembrement de l'Empire serbe et fin de la Servie (1355-1459) ...... 440 II. — Le royaume de Bosnie et le duché d'Herzégovine(iZ16-i48?>). Étendue de la Bosnie. — Séparation de l'Herzégovine (1440). : : ; . ; . .441
Les Ottomans considérés comme peuple mahométan . .
457
�TABLE DES MATIÈRES. Comparaison entre l'empire ottoman et l'empire d'Orient .... Commencements de l'empire ottoman (1299-1402). — L'invasion des Mongols. . Rétablissement de l'empire ottoman (1413). — Conquêtes en Europe et en Afrique
(1430-1676).
661 466
458
tinsulaire.. ........ Formation du royaume de Grèce (1821-1833). — Ses agrandissements (18641878)
467
460
La Servie de 1805 à 1812 et de 1817 à 1878 Formation de la principauté actuelle de Roumanie (18561878)
468
461
469
Décadence de l'empire ottoman à partir de la fin du dix-septième siècle. . . .
Principauté de Bulgarie et Roumélie orientale (1878).
464
470
II. — Les étals modernes issus de l'empire Ottoman. Les iles Ioniennes (17971815). —Larépublique sep-
III. La péninsule du sud-est depuis le huitième siècle. Diverses vues d'ensemble sur la géographie historique de la péninsule
471
LIVRE IV
EUROPE DU NORD-EST
CHAPITRE PREMIER
L'Europe du nord-est du IX' au XIII' siècle.
J. —
III. — Les différentes nations Slaves. — Commencements de la Bohême et de la Pologne. Les Slaves du nord jusqu'au neuvième siècle Division des Slaves du nord en quatre groupes. . . . Les Slaves Polabiques et leurs subdivisions. — Leurincorporation au royaume germanique Tchèques et Moraves. — Commencements de la Bohême Les Leckques ou Pôles et les ^Croates blancs. — Commencements de la Pologne
490
Vues générales sur les pays de la Baltique.
479 482
Comparaison avec d'autres parties de l'Europe. . . . La région des Slaves du nord Rapports avec les deux empires d'Orient et d'Occident Scandinaves et Slaves à la fin du huitième siècle .... Formation du Danemarck. . Formation de la Norvège et de la Suède Premiers rapports entre les trois royaumes Scandinaves Les Northmans et les Danois au delà de l'Océan. . . . Conquêtes des Scandinaves dans les pays de la Baltique
491
484
II. — Les nations Scandinaves.
485 486
492
494
486
495
487
488
IV. — Origines de la Russie. Les races primitives de l'Europe du liord-est.
488
I
Contrastes entre les Slaves orientaux et les Slaves occi-
�682
TABLE DES MATIÈRES 497 498 La ligue hanséa tique oullanse teutonique (1158-1385). . Les chevaliers Porte-glaive et l'ordre teutonique (12011466).
dentaux. . . Fondation de l'État russe par les Varègues (862-957). . . La Russie des Varègues devient slave et chrétienne (957-1054). Son étendue. . Les principautés et les républiques russes (10541186) Russes et Cumans au douzième siècle. — L'invasion Mongole au treizième siècle. Les races anciennes des bords de la Baltique Les pays de la Baltique vers le milieu du douzième siècle
CHAPITRE
514
515
499
III. — Lithuanie et Pologne. — Formation de l'État polonolilhuanien. Conquêtes de la Lithuanie (1220-1563) Consolidation et agrandissements de la Pologne (12951570). Union de la Pologne et do la Lithuanie (1586). Leurs conquêtes (1592-1501). ... 517
500
501 502
518
505
519
II
IV. — Formation de la Russie moderne. L'empire de la Horde d'Or et les principautés russes. . Démembrement de l'empire tartare et affranchissement de la Moscovie au quinzième siècle Les pays de la Baltique à la fin du quinzième siècle. .
CHAPITRE
L'Europe du nord-est du XIII" au XVI- siècle.
Vues générales sur cette période 505
520
I. — Les états Scandinaves. La Scandinavie proprement dite (1532-1520) Les colonies norvégiennes dans les pays océaniques. Conquêtes de la Suède et du Danemarck à l'est de la Baltique (1218-1585) .... Conquêtes du Danemarck au sud de la Baltique (11681458) Formation des duchés de Slesvvig et de Holstein. — Leurs rapports avec le Danemarck et avec l'empire (1252-1580) 507 507
521 522
III
L'Europe du nord-est après le XV siècle.
508 I. — Extension de la Suède et delà Russie aux seizième et dixseptième siècles. Résultats généraux des seizième, dix-septième, dixhuitième et dix-neuvième siècles Scission de l'ordre teutonique (1515). —Duché de Prusse (1525-1647) Démembrement de l'ordre livonien. — Acquisitions delà Suède, duDanemarck, et, de la Pologne(1558-1582) RussieetPologne(1487-1686). Agrandissements de la Suède (1558-1658). Pertes du Danemarck . ....
508
525
510
II. — Progrès de la domination allemande dans les pays de la Baltique. ..... Les provinces occidentales de la Pologne passent au royaume germanique (12271327) Histoire de la Bohême (11971527)
526
527 528
511 5J2
530
�TABLE DES MATIERES. Les duchés de Sleswig-Holstein etleDanemarck (16751700) Les États riverains de la Bal tique après la paix d'Oliva (1660) Agrandissements de la Russie du côté de l'est (1552-1706) Les pays de la Baltique à la fin du dix-huitième siècle. 532
fi63
540
III. — Histoire contemporaine des Etats du nord-est. Conséquences de la disparition de 1 empire d Allemagne. . Grand-Duché de Finlande (1809) Changements dans les royaumes Scandinaves (18141815) Sleswig, Ilolstein et Lauenbourg (1864-1866) .... Démembrement de la Prusse (1806-1807). — Duché de Varsovie (1807-1815). . . Grand-Duché de Posen. — République de Cracovie (18151846). — Royaume de Pologne (1815-1863) .... Progrès de la Russie sur les bords de la mer Noire et de la mer Caspienne (18001878). Caractères de l'empire russe. Résultats généraux des deux derniers siècles 541 541
532
II. ■—Affaiblissement de la Suède et chute de la Pologne au X VI11° siècle. — Prépondérance de la Prusse et de la Russie. Royaume de Prusse et empire de Russie 554 Suède,Russie etPrusse (1700- ■ 1745) 535 Danemarck et Sleswig-llolstein (1713-1773) 536 Premier partage de la Pologne (1772) . . . 536 Deuxième partage de la Pologne (1793) 557 Troisième partage de la Pologne (1795). , 557 Agrandissements de la Russie en Europe et en Asie au dix-huitième siècle. . . . 55S
542 542
543
543
544 546 547
LIVRE V
EUROPE OCCIDENTALE
CHAPITRE PREMIER
La Péninsule espagnole et ses colonies. I. — Vues générales sur la péninsule espagnole. Comparaison avec d'autres parties de l'Europe. . . . L'Espagne et la domination sarrazine 549 550
Démembrement du califat de Cordoue(1028).—LesAlmoravides (1080-1110) . . . 554 Fluctuations entre les royaumes espagnols (1055-1258) 555 Guerres entre les Musulmans et les Chrétiens (1082-1450) 556 La péninsule espagnole à la fin du treizième siècle . . 558 III. — Formation et partage de la grande monarchie espagnole. • La monarchie espagnole. . . Fin de la domination musulmane en Espagne (1492). 560 56!
II. —Les royaumes espagnols. L'Espagne septentrionale jusqu'au onzième siècle. . . 553 Le royaume de Navarre sous SancheleGrand(1000-1035) 554
I
�664
TABLE DES MATIÈRES. etduNothumberland (10921157) . Rapports des royaumes d'Angleterre et d'Ecosse (12921707). — Royaume de la Grande-Bretagne. . . .
Union delà Castille et del'Aragon(1506).—-Navarre, Portugal et Roussillon (14931659). La péninsule espagnole à partir du dix-huitième siècle. Possessions de la Castille et de TAragon en dehors de la péninsule espagnole . . . La monarchie espagnole de 1555 à 1715 - Le royaume d'Espagne en 1715. — Les Bourbons d'Espagne en Italie.. . .
577
561 562
578
II. — lié royaume d'Angleterre. 562 564 Soumission du pays de Galles (1063-1282). — Son incorporation (1555) ..... Les comtés anglais avant et après la conquête normande . . III. — L'Irlande. L'Irlande jusqu'au douzième siècle. . . . .;. , , . . . Conquête de l'Irlande par l'Angleterre (1169-1652).—Rapports des deux pays jusqu'en 1801 ....... 58.3
580
564
581
IV. — Domination coloniale de l'Espagne et du Portugal. Comparaison entre les pos- sessions des deux pays. . 565 Domination du Portugal au nord de l'Afrique (141515X0).. 566 Les colonies portugaises, en Afrique, en Asie, et en Océanie.- . 566 Le Portugal et le Brésil (15001822) 567 Les colonies espagnoles en Amérique et dans les Indes occidentales 568
CHAPITRE
584
IV. — Possessions de VAngleterre en Europe. 585 V. — Colonies de V Angleterre en Amérique 586 Formation des treize colonies anglaises dans l'Amérique du nord. (1617-1735). — Leur indépendance (1783). 587 Agrandissements des ÉtatsUnis après lètraitédeParis. 589 Formation de la Confédération (Je f Amérique du Nord Britannique 591 Colonies anglaises des Indes occidentales 592 IV. — Autres colonies et possessions de l'Angleterre. Australie et Afrique méridionale Considérations sur les possessions anglaises dans les Indes orientales Résumé de la géographie historique de l'Europe . . . 595
II
Les Iles Britanniques et leurs colonies.
Comparaisons entre les îles Britanniques et les autres parties de l'Europe. . . . I. ■—■ Le royaume d'Ecosse. Particularités historiques de l'Écosse Union des Picts et des Scots (843). — Origines du royaume d'Ecosse Écosse, Bernicie et Strahélyde aux neuvième et dixième ' siècles Fluctuations du Cumberland 574
571
575
594 595
576
10 957 — Imprimerie A. Lahure, 9, rue de Fleurus, à Paris.
�
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1|Avant-propos |5
1|Préface |76
1|Introduction |82
1|Livre I: Histoire de l'Europe jusqu'au XII siècle ap. J. -C |100
2|Chapitre I: La G rèce et les colonies grècques |100
3|I: La péninsule orientale |100
3|II: Grèce insulaire et asiatique |104
3|III: Ethnologie de la péninsule orientale |106
3|IV: Géographie primitive de la Grèce et des pays voisins d'après Homère |108
3|V: Différence entre la Grèce homérique et la Grèce historique |111
3|VI: Les colonies grecques |114
3|VII: Formation des royaumes de Macédoine et d'Epire, Alexandre et ses successeurs |119
3|VIII: Géographie des derniers temps de l'indépendance grecque |122
2|Chapitre II: Formation de l'empire romain |126
3|I: Anciennes populations de l'Italie et de la Sicile |128
3|II: Extension de la domination romaine en Italie |132
3|III: La domination romaine en dehors de l'Italie ancienne. Les provinces occidentales |134
3|IV: Les provinces orientales |143
3|V: Conquêtes de Rome sous l'Empire |149
2|Chapitre III: Le démembrement de l'Empire |156
3|I: Géographie politique des derniers temps de l'Empire. Les préfectures |156
3|II: Le partage de l'Empire (395 ap. J.-C.) |163
3|III: Les établissements teutoniques en Occident. Unification de l'empire Romain (476 ap. J.-C.) |165
3|IV: Etablissement des anglo-saxons en Bretagne |177
3|V: L'Empire d'Orient (114 - 420) |180
2|Chapitre IV: Division finale de l'Empire |184
3|I: L'empire après son unification en 476. Invasions des VIè et VIIè siècles |184
3|II: La domination franque du VIè au IXè siècle |196
3|III: Rétablissement de l'empire d'Occident par les Francs |202
3|IV: Europe septentrionale |208
2|Chapitre V: Commencements des Etats de l'Europe moderne |214
3|I: Démembrement de l'empire franc après Charlemagne. Les trois royaumes du Saint-Empire romain et le royaume de France |214
3|II: L'empire d'Orient |227
3|III: Origine des royaumes espagnols |232
3|IV: Origine des Etats slaves |235
3|V: Europe septentrionale |238
3|VI: Les Etats européens à la fin du XIè siècle |242
2|Chapitre VI: Géographie ecclésiastique de l'Europe occidentale |244
3|I: Les grands patriarcats |246
3|II: Divisions ecclésiastiques de l'Italie |248
3|III: Divisions ecclésiastiques en Gaule et en Germanie |250
3|IV: Divisions ecclésiastiques de l'Espagne |256
3|V: Divisions ecclésiastiques des îles britanniques |257
3|VI: Divisions ecclésiastiques dans le nord et dans l'est de l'Europe |261
1|Livre II: Europe centrale |266
2|Chapitre I: Le royaume de Germanie (887 - 1806) |266
3|I: Le royaume de Germanie et l'empire d'Occident |266
3|II: Frontières de l'ouest et du sud |270
3|III: Frontières du nord et de l'est. Les marches |273
3|IV: Géographie politique intérieure de l'Allemagne |279
3|V: Le duché de saxe et les principautés saxonnes. Formation du royaume de Prusse |285
3|VI: Franconie, Bavière, Souabe et Lotharingie |293
2|Chapitre II: L'Allemagne pendant le XIXè siècle |298
3|I: Première période (1801-1814) |300
3|II: Deuxième période (1815-1871). La confédération germanique et l'empire d'Allemagne |303
2|Chapitre III: Le royaume d'Italie des empereurs allemands |312
3|I: Son étendue et sa composition |312
3|II: L'Italie impériale de 962 à 1250 |317
3|III: Formation des principautés italiennes (1250-1530) |320
2|Chapitre IV: La péninsule italienne depuis le XVIè siècle |328
3|I: Première période (1530-179 7) |328
3|II: L'Italie à partir de la Révolution française |333
2|Chapitre V: Le royaume de Bourgogne |340
3|I: Partie septentrionnale. Le Comté de Bourgogne et la Petite Bourgogne |342
3|II: Partie méridionale. Les annexions de la France |344
3|III: Les Etats modernes issus des trois royaumes impériaux |348
2|Chapitre VI: La confédération suisse |352
3|I: Les premiers confédérés (1291-1513) |354
3|II: La confédération des treize cantons |357
3|III: La Suisse à partir de la Révolution française |360
2|Chapitre VII: La maison de Savoie |362
3|I: origines et formation de la domination savoisienne |363
3|II: Transformation de l'Etat de Savoie en Etat italien à partir du XVIè siècle |370
2|Chapitre VIII: Le Duché de Bourgogne et les Pays-Bas |376
3|I: Les Pays-Bas avant la domination bourguignonne |379
3|II: Formation des Pays-Bas bourguignons jusqu'à leur réunion sous Charles-Quint |383
3|III: Les Pays-Bas après Charles-Quint |386
2|Chapitre IX: la maison d'Autriche |392
3|I: Les Ducs autrichiens de la maison de Babenberg |395
3|II: La seconde maison d'Autriche, ou maison de Habsbourg, jusqu'au XVIè siècle |397
3|III: Union de la Bohême et de la Hongrie à l'Autriche |402
3|IV: La maison d'Autriche à partir du XVIè siècle |406
2|Chapitre X: Le royaume de France |414
3|I: Origines. Domaine royal et Etats vassaux |414
3|II: Incorporation des Etats vassaux |418
3|III: Annexions de la France en dehors du royaume occidental |430
3|IV: Domination coloniale de la France |440
3|V: La France à partir de 1790 |442
1|Livre III: L'Europe du Sud-Est |450
2|Chapitre I: L'empire d'orient |450
3|I: Généralités sur l'empire d'orient |450
3|II: Fluctuations dans les limites de l'empire de 800 à 1204 |457
3|III: L'empire d'orient de 1204 à 1453 |471
2|Chapitre II: Le royaume de Sicile |482
2|Chapitre III: Les Etats fondés par les Croisés |488
2|Chapitre IV: Domination en Orient de Venise, de Gênes et des Chevaliers de Saint-Jean |494
3|I: Domination de Gênes en Orient |506
2|Chapitre V: Etats de la Grèce continentale et empire de Trébizonde |508
3|I: Le Duché d'Athènes et la principauté d'Achaie |508
3|II: L'Epire et la Thessalie jusqu'à la conquêts ottomane |512
3|III: L'empire grec de Trébizonde |515
2|Chapitre VI: Les Etats slaves jusqu'à la conquête ottomane |518
3|I: L'ancien royaume de Servie |519
3|II: Le royaume de Bosnie et le Duché d'Herzégovine (1376-1483) |522
3|III: Le Monténégro |523
3|IV: Le troisième royaume de Bulgarie (1187-1393) |525
2|Chapitre VII: La Hongrie et les principautés roumaines |528
2|Chapitre VIII: L'empire ottoman |538
3|I: L'empire ottoman jusqu'au traité de Berlin |538
3|II: Les Etats modernes issus de l'empire ottoman |547
3|III: La péninsule du Sud-Est depuis le VIIIè siècle |552
1|Livre IV: Europe du Nord-Est |560
2|Chapitre I: L'Europe du Nord-Est du IXè au XIIIè siècle |560
3|I: Vues générales sur les pays de la Baltique |560
3|II: Les nations scandinaves |566
3|III: Les différentes nations slaves. Commencements de la Bohême et de la Pologne |571
3|IV: Origines de la Russie. Les races primitives de l'Europe du Nord-Est |578
2|Chapitre II: L'Europe du Nord-Est du XIIIè au XVIè siècle |586
3|I: Les Etats scandinaves |588
3|II: Progrès de la domination allemande dans les pays de la Baltique |592
3|III: Lithuanie et Pologne. Formation de l'Etat Polono-Lithuanien |598
3|IV: Formation de la Russie moderne |601
2|Chapitre III: L'Europe du Nord-Est après le XVè siècle |606
3|I: Extension de la Suède et de la Russie aux XVIè et XVIIè siècles |606
3|II: Affaiblissement de la Suède et chute de la Pologne au XVIIIè siècle. Prépondérance de la Prusse et de la Russie |615
3|III: Histoire contemporaine des Etats du Nord-Est |622
1|Livre V: Europe occidentale |630
2|Chapitre I: La péninsule espagnole et ses colonies |630
3|IV: Vues générales sur la péninsule espagnole |630
3|II: Les royaumes espagnols |634
3|II: Formation et partage de la grande monarchie espagnole |641
3|III: Domination coloniale de l'Espagne et du Portugal |646
2|Chapitre II: Les îles britanniques et leurs colonies |652
3|I: Le royaume d'Ecosse |655
3|II: Le royaume d'Angleterre |661
3|III: L'Irlande |664
3|IV: Possessions de l'Angleterre en Europe |666
3|V: Colonies de l'Angleterre en Amérique |667
3|IV: Autres colonies et possessions de l'Angleterre |673
-
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54d151e431e3fb59a9a0567b22b81f16
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Bibliothèque virtuelle des instituteurs
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A partir du Catalogue des bibliothèques des écoles normales datant de 1887 souhaité par Jules Ferry et essayant de proposer les ouvrages de référence que chaque école normale d'instituteurs devait avoir, nous avons reconstitué une partie de cette bibliothèque idéale pour la formation des instituteurs
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Title
A name given to the resource
Histoire générale de l'Europe par la géographie politique : atlas
Subject
The topic of the resource
Europe
Géographie politique
Description
An account of the resource
1 vol. au format PDF (79 p.), 28 cm.
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Freeman, Edward Augustus (1823-1892)
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Armand Colin et Cie, Editeurs
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1886
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2013-01-18
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
Lefebvre, Gustave (1879-1957) - Traducteur
Lavisse, Ernest (1842-1922) - Préfacier
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Français
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MAG DD 92 462
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Université d'Artois
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�HISTOIRE GENERALE
DE L'EUROPE
PAR LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE
�iMOtit à l'inTentaire sous BIBLIOTHEQUE
HISTOIRE GÉNÉRALE
DE L'EUROPE
PAR LA GÉOGRAPHIE
PAR
Section .
.vî. ..
Sir\e N* ...ri,.
...pC...
POLITIQUE
EDWARD
A. FREEMAN
Membre honoraire du Collège de la Trinité à Oxford
"Tp^Traduit de l'Anglais
PAR.>TOTAVE LEFEBVRE
ECjfWE PREFACE DE
M.
EST LAVISSE
Dirècleu».d'Eudes pour l'histoire à la Faculté des lettres de Paris
ATLAS
PARIS
ARMAND COLIN ET C", ÉDITEURS
1,
3, 5, RCE DE MÉZIÈRES
1886
Tous droite réservés
�TABLE
DES
CARTES(1) CONTENUES DANS CET ATLAS
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Grèce et régions voisines d'après Homère. La Grèce et les colonies grecques. Grèce au cinquième siècle avant J.-C. Empire d'Alexandre vers 323 avant J.-C. Royaumes des successeurs d'Alexandre vers 300 avant J.-C. Les pays Egéens au commencement de la guerre de Cléomène, vers 227 avant J.-C. Italie avant la domination romaine. Les pays Méditerranéens au commencement de la seconde guerre Punique, 219 avant J.-C. Domination Romaine à la fin de la guerre deMithridate, 64 avant J.-C. L'Empire Romain à la mort d'Auguste, 13 après J.-C. L'Empire Romain sous T-rajan, 117 aprèsJ.-C. L'Empire Romain divisé en préfectures, 523 après J.-C. Europe pendant le règne de Théodoric, vers 500 après J.-C.
(') Toutes les notices placées au bas de ces cartes sont spéciales à l'édition française.
�14 15 16 17 18 19 20 21 22 25 24 25 26 27 28 29 30 51 32 33 54 55 56 57 58 59 40 41 42 45 44 45
Europe à la mort de Justinien, 565. Europe à la fin du septième siècle, 695. Empire des Arabes dans sa plus grande étendue. Europe au temps de Charlemagne, 814. Partage de l'Empire d'Occident au traité de Verdun, 845. Partage de l'Empire d'Occident en 870. Partage de l'Empire d'Occident en 887. Europe Centrale, vers 980. Europe Centrale, vers 1180. Europe Centrale, vers 1560. Europe Centrale, vers 1460. Europe Centrale, vers 1555. Europe Centrale, vers 1660. Europe Centrale en 1780. Europe Centrale en 1801. Europe Centrale en 1810. Europe Centrale en 1815. Europe Centrale en 1860. Europe Centrale en 1871. Limites de la France en 1555-1715-1791-1871. Allemagne vers 1550. Italie vers 1575. Les Pays-Bas après le traité de Munster, 1648. Europe du Sud-Est vers 950. Europe du Sud-Est vers l'an 1000. Europe du Sud-Est vers 1040-1070. Europe du Sud-Est vers 1105. Europe du Sud-Est vers 1181. Europe du Sud7Est vers 1212. Europe du Sud-Est vers 1540. Europe du Sud-Est vers 1554. Europe du Sud-Est vers 1400-1410.
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Europe du Sud-Est vers 1444. Europe du Sud-Est vers 1464. Europe du Sud-Est vers 1672. Europe du Sud-Est vers 1700. Europe du Sud-Est vers 1727. Europe du Sud-Est vers 1861. Europe du Sud-Est vers 1881. Europe du Nord-Est vers l'an 1000. Europe du Nord-Est vers 1220. Europe du Nord-Est vers 1270. Europe du Nord-Est vers 1550-1576. Europe du Nord-Est vers 1386-1405. Europe du Nord-Est vers 1480. Europe du Nord-Est vers 1565. Europe du Nord-Est vers 1618. Europe du Nord-Est vers 1701. Europe du Nord-Est vers 1772. Europe du Nord-Est vers 1795. Europe du Nord-Est vers 1809. Les Royaumes Espagnols en 1050. Les Royaumes Espagnols en 1210. Les Royaumes Espagnols en 1560. Les Royaumes Espagnols et leurs dépendances en Europe sous Charles Quint. Iles Britanniques au huitième siècle. Iles Britanniques vers 1065. Iles Britanniques vers 1485. Les Colonies anglaises dans l'Amérique du Nord en 1785. Planisphère, États, Colonies.
73bis Possessions transcaucasiennes de la Russie.
12H01. ■— Imprimerie A. Lahure, rue de Fieurus, 9, à Paris.
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De tous les habitants de l'Italie primitive, les Ligures et les Etrusques étaient les seuls qui n'appartinssent pas à la grande famille aryenne. Celle-ci était représentée par un grand nombre de peuples, dont les plus célèbres furent les Latins, et qu'on peut ranger sous la dénomination générale d'Italiens. Le nord de l'Italie était occupé par les Gaulois, appartenant à la race
aryenne des Celtes, et par les Vênètes qui étaient probablement d'origine illyrienne. Il y avait, en outre, sur le littoral de l'Italie, un grand nombre de colonies grecques, principalement au sud de la péninsule et en Sicile. Les Phéniciens occupaient la partie nord-ouest de cette île,
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��Pl.18 .
PARTAGE DE 817.
PARTAGE DE 843.
Au partage de 817, l'empereur Louis et son col- 'Au Traité de Verdun, Charles le Chauve eut tous lègue Lothaire gardèrent la Francia germanique et les pays francs à la gauche de l'Escaut, de la Meuse, gauloise avec la plus grande partie de la Bourde la Saône et du Rhône, c'est-à-dire la Neustrie, gogne. l'Aquitaine, la Marche espagnole, etc. L'A quitaine et quelques parties de la Septimanie Louis eut l'Austrasie transrhénane ou Francia et de la Bourgogne formèrent un premier sous- orientale, la Saxe et la. Bavière, YAlemannie, la royaume. Carinthie elles pays tributaires de lafrontièrede Test, Le second comprenait toute l'a Germanie du Lothaire eut l'Italie avec le titre d'empereur, et sud-est, la Bavière et les pays frontières situés au en. outre, une longue bande de territoire entre les delà. domaines de ses frères, depuis la Méditerranée jusL'Italie formait un royaume séparé entre les qu'à l'Océan; il conserva ainsi les deux capitales mains de "Bernard, neveu de l'empereur. de l'empire franc, Rome el; Aix-la-Chapelle.
�Pl.19.
PARTAGE DE 855. Après la mort de Lothaire I" (855), ses états furent partagés entre ses trois fils. Louis II eut l'Italie et le titre d'empereur. Charles eut les pays compris entre le Rhône et les Alpes, c'est-à-dire l'ancien royaume de Bourgogne moins, le duché français; à sa mort (863), ce royaume passa à son frère Louis. Lothaire II eut la partie septentrionale des états de son père, c'est-à-dire à peu près le pays compris entre la Meuse et le Rhin, lequel prit alors le nom de Lotharingie.
PARTAGE DE 870. Après la mort de Lothaire II (869), ses deux oncles, Louis le Germanique, roi des Francs orientaux ou de Germanie, et Charles le Chauve, roi des Francs occidentaux, ou de Carolingie, se partagèrent ses états par le traité de Mersen (8701. La Frise, Cologne, Aix-la-Chapelle, Trêves et l'Alsace passèrent ainsi au royaume germanique; la Prise fut rattachée ensuite à la Saxe et l'Alsace à YAlemannie. Le reste de la Lotharingie passa au royaume occidental.
�P1.20.
L'EMPIRE D'OCCIDENT en 887
Carolingie ou Roy "^Occidental; Italie.
IZTj Bourgogne,
PARTAGE DE L'EMPIRE D'OCCIDENT
EN
887
iîn 875, mort de l'empereur Louis II. Charles le Chauve s'empare de ses états et devient empereur. En 876, Louis le Germanique meurt en laissant ses états à ses trois fils : Carloman eut la Bavière ; Louis eut la Saxe; Charles le Gros eut Y Alemannie ou Souabe et la Franconie. En 877, mort de Charles le Chauve. Le royaume occidental ou Carolingie est partagé entre Louis II et Carloman fils de Charles le Chauve. Le comte Boson de Vienne se rend indépendant et fonde le royaume de Bourgogne ou royaume d'Arles (879-882). Après la mort de ses frères, Charles le Gros réunit Y Allemagne et Y Italie et devient empereur (882.
Après la mort de Carloman, fils de Charles le Chauve, il y réunit également la Neustrie et Y Aquitaine; et l'ancien empire franc, moins la Bourgogne, se trouve reconstitué (884). En 887, après la déposition de Charles le Gros, le carlovingien Arnulf est élu roi du royaume oriental ou germanique; Eudes, comte de Paris, est élu roi du royaume occidental ; et de 887 à 987 la Lotharingie flottera entre chacun de ces deux royaumes. VItalie forme un royaume distinct, disputé entre plusieurs souverains rivaux. La Bourgogne, après la mort de Boson (8871, forme deux royaumes, Bourgogne transjurane et Bourgogne cisjurane.
�Pl. 21.
Le royaume de Germanie est réuni définitivement avec le royaume d'Italie et l'empire d'Occident sous le règne d'Otton le Grand (962). Au dixième siècle, l'empire d'Occident dépassa au nord la limite de l'Eider, et il y eut de ce côté la marche danoise (934). Au delà de l'Elbe inférieure, les Slaves occupaient la côte de la Baltique, et la Marche saxonne formait la limite de l'empire. La marche des Billungs, fondée en 960, fut une possession très précaire des ducs de Saxe. La. situation des Slaves entre l'Elbe et l'Oder subit également par rapport à l'empire de nombreuses fluctuations.Tributaires sous Gharlemagne, ils recouvrèrent dans la suite une certaine indépen-
dance, qui disparut de nouveau après les victoires des grands rois saxons (929). Otton le Grand fit de la forteresse de Magdebourg un archevêché (968), mais les Slaves à la droite de l'Elbe moyenne retournèrent au paganisme (983). s ha. Bohême commença à être vassale de l'Empire (928), et après la fondation de l'évêché de Prague (967-968), le christianisme triompha des dernières résistances païennes dans cette région. Une partie du duché de France est donnée en 912 au chef Scandinave Rolf, et devient le duché de Normandie. Les deux royaumes de Bourgogne cisjurane et Bourgogne transjurane sont réunis en un seul royaume de Bourgogne ou royaume d'Arles (933).
�. La frontière de l'empire d'Occident avec le Dane( mark e3t reportée à l'Eider (1027). j Les populations slaves et wendes à la droite de l'Elbe inférieure, devenues indépendantes des ducs de Saxe dès le onzième siècle, formèrent au ! commencement du douzième siècle un royaume de Slavonie, qui s'étendit jusqu'aux confins de la Pologne, comprenant ainsi la Pomêranie. Toutes ces tribus furent ensuite soumises par le duc de Saxe Henri le Lion 1147-11801' La Marche septentrionale du duché de Saxe devient tout à fait indépendante de ce duché en or 1142, sous Albert I l'Ours, margrave depuis 1134. Ce prince conquit définitivement la forteresse païenne de Branibor ou Brandebourg à la droite de l'Elbe moyenne (1157). Tous ces pays formèrent alors une nouvelle marche, adjointe à l'ancienne, et comprise avec elle sous la dénomination générale de Marche de Brandebourg. La Marche orientale du royaume germanique, qui dépendait officiellement du duché de Bavière, est érigée en duché d'Autriche sous la maison de Babenberg (1156). La Moravie, affranchie du joug de la Pologne
(1029), deviènt un fief de la Bohême. La Bohême avait également passé au pouvoir de la Pologne pendant un temps beaucoup moins long ( 1003-1004). Le royaume de Bourgogne est réuni à l'empire d'Occident (1033). Sous les rois saxons et franconiens (919-1125), un grand nombre de principautés et de républiques se forment dans le royaume d'Italie. La Carolingie, ou royaume des Francs occidentaux, devient le royaume de France après le changement de dynastie survenu en 987. La Normandie, l'Anjou, le Maine, l'Aquitaine et la Gascogne, fiefs du royaume de France, sont réunis successivement sous la maison d'Anjou, qui monte sur le trône d'Angleterre en 1154. A partir de la fin du onzième siècle, les comtes de Barcelone, et les rois d'Aragon qui leur succédèrent, acquirent une certaine quantité de fiefs toulousains, entre autres Carcassonne, Albi et Nîmes, ainsi que le comté de Provence dans le royaume de Bourgogne.
L'Angleterre fait la conquête du sud du pays de Galles (1070-1121), et. commence la conquête de Y Irlande il 169'-.
�Pl. 23.
Sous les successeurs ascaniens d'Albert l'Ours
(1170-1320), le Brandebourg s'augmenta d'une
Nouvelle-Marche au delà de l'Oder; mais la Lusace, conquise également pendant cet intervalle, passa ensuite (1320-1370) au royaume de Bohême. Ce royaume, qui appartenait depuis 1308 à la maison de Luxembourg, s'agrandit également de la Silésie aux dépens de la Pologne (1355). Après la chute de la domination danoise sur le littoral de la Baltique (voir carte 54), les princes wendes de Mecklembourg et de la Poméranie occidentale furent définitivement rattachés à l'Empire (1227). Le Danemark conserva cependant Stralsund et l'île de /?%enjusqu'en 1325. Le domaine des rois de France s'agrandit : au nord, des comtés d'Amiens, de Verrnandois et de Valois (1183-1185); dans le centre, de la Normandie, moins les îles, de l'Anjou, du Maine, de la Touraine et du Poitou (1203-1259); des comtés deBlois et de Chartres (1234), du Perche (1257), de la Champagne (1355-1361); dans le midi, d'une nouvelle province, le Languedoc, aux dépens des maisons de Toulouse et d'Aragon 12291270). D'autre part, le Roussillon et Barcelone furent laissés à l'Aragon affranchis de toute vassalité (1258). Réunion au royaume de France de Lyon (1310) et du Dauphiné (1343-1349).
Au traité de Brêtigny (1360), l'Aquitaine, avec la Gascogne et le Poitou, mais sans l'Auvergne, est complètement séparée de la couronne de France, et réunie à celle d'Angleterre ; il en est de même de Calais et du comté de Ponthieu. La partie septentrionale du duché de Garinthie devient le duché de Styrie (1180) ; ce dernier est ensuite réuni au duché d'Autriche (1192). Ces deux duchés, Autriche et Styrie, avec une partie de la Carniole, sont donnés en 1282 à Albert, fils de Rodolphe comte de Habsbourg, dont les possessions héréditaires comprenaient en outre une partie de l'Alsace et d'autres fiefs en Souabe, au nord et au sud du Rhin. Ce fut l'origine de la seconde Maison d'Autriche, qui s'augmenta plus tard du duché de Carinthie et du comté de Tyrol
(1335-1369).
Les comtes de Savoie étendent leurs possessions jusqu'au nord du lac de Genève et au delà, ainsi que dans le royaume d'Italie (1207-1355). Formation des huit anciens cantons de la Confédération Suisse (1291-1353). Rodolphe de Habsbourg, devenu empereur d'Allemagne 1273), confirme au Saint-Siège la possession de l'exarchat de Ravenne, de la marche d'Ancône et du duché de Spolète (1274-1278). L'Angleterre achève, la conquête du Pays deGalles ! 1282î.
�Pl. 24.
Après la mort de Wladislas le Posthume (1457), les royaumes de Bohème et de Hongrie, qui étaient réunis à l'archiduché d'Autriche depuis 1438, élisent chacun des rois nationaux. La maison d'Autriche fait l'acquisition de Triesle (1382); les Confédérés suisses lui enlèvent toutes ses possessions au sud du Rhin (14151460).
Venceslas en faveur de Jean GaléasVisconti (1395); il subit de nombreux démembrements après la mort de son premier duc (1402). Venise fait de grands progrès au nord-est de l'Italie (1406-1447);^Florence prend une grande importance au quinzième siècle; elle impose sa domination à Pise (1416). Les possessions des ducs de Bourgogne s'agrandissent de la Flandre, de l'Artois et du comté de Bourgogne (1384), du Brabant (1430), de la Hollande (1433), du Luxembourg (1443\ de Boulogne, à'Amiens et des villes de la Somme au traité d'Arras (1435). Avignon et le Comtat-V'enaissin deviennent la propriété des papes (1348). Les comtes de Savoie font l'acquisition de Nice
(1388) et du Genevois (1401). Création du duché de
Après qu'il eût passé à la Maison de Hohenzollern (1417), l'électorat de Brandebourg recouvre une partie des possessions qui lui avaient été enlevées par les princes poméraniens et mecklembourgeois; il acquiert également la seigneurie de Coltbus en Lusace (14451. Le roi de Danemark est nommé comte de Holslein (1460). L'électorat de Saxe, après l'extinction de la Maison ascanienne (1422), passe à la Maison de
Wettin qui possédait déjà la Thuringe et la Mis nie .
Savoie et de la principauté de Piémont (1417-1418). h'Aquitaine est conquise définitivement sur les Anglais (1451-1453) ; il ne reste plus à ceux-ci en Le duché de Milan est constitué par l'empereur i France que Calais et Guines.
�Pl. 25
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EUROPE CENTRALE
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Toutes les branches de la maison d'Autriche sont réunies sous le règne de Maximilien (14931519). Ce prince succéda en outre aux comtes de Goritz (1500); il s'attribua l'avouerie de la BasseAlsace (1504), et fit des acquisitions en Souabe (1505). Son fils, Ferdinand Ier, compléta l'acquisition du Voralberg (1523), et ce fut sous son règne que la Bohême et la Hongrie furent réunies définitivement à l'archiduché d'Autriche (1527). La Confédération Suisse s'augmente de cinq nouveaux cantons (1481-1513), et devient ainsi la Confédération des Treize' Cantons (voir carte 34). Quelques-uns des cantons confédérés entrent on alliance avec la ligue voisine du Valais et font des progrès importants aux dépens de la Maison de Savoie (147.5). Le duc de Savoie se trouve plus tard complètement séparé du lac de Genève (1536). Des alliances se forment également entre les Confédérés et les ligues des Grisons,, et le duché de Milan subit de ce chef quelques pertes dans sa partie septentrionale (1499-15.13);
La Provence, qui était gouvernée depuis 1245 par des princes français, est réunie à la France (1481). Le duché de Bourgogne est réuni à la France après la mort de Charles le Téméraire (1477-1479). Amiens et les villes de la Somme le sont un peu plus tard (1482-1493). La Bretagne e.st incorporée (1532). La Flandre et l'Artois sont affranchis de tout hommage envers la couronne de France (1526). Salaces, tour à tour vassal de la France et de la Savoie, est annexé à la France (1548). Conquête des trois évôchés lotharingiens, Metz, Toul et Verdun (1552). Les dix-sept provinces des Pays-Bas sont complétées sous Charles-Quint par l'annexion de la Frise occidentale (1515-1523), de l'évêché A'Utrecht (1531), de.la Gueldreet de Zutphen (1543). Elles passent après lui à son fils Philippe II, roi d'Espagne, ainsi que le comté de, Bourgogne, le duché de Milan et le royaume des DeuxSiciles.
�EUROPE CENTRALE 1660 Les provinces septentrionales des Pays-Bas se déclarent indépendantes de l'Espagne et forment la république des Sept Provinces Unies (1578), dont l'existence est reconnue officiellement en 1648. La Confédération Suisse, réellement indépendante de l'Empire depuis la fin du quinzième siècle, s'en sépare complètement (1648). Le duc de Savoie recouvre toutes ses possessions au sud du lac de Genève (1567) ; il échange avec le roi de France la Bresse, le Bugey et Gex, pour le marquisat de Saluces(1601); il acquiert un peu plus tard une partie du duché de Montferrât (1631), mais Pignerol et quelques autres points dans le Piémont sont occupés par la France jusqu'à la fin du dix-septième siècle'(1630-i696). ' La partie de la Navarre située au nord des Pyrénées devient française après l'avènement d'Henri IV (1589). Le traité de. Westphalie (1648) donne à la France toutes les possessions et droits de la maison d'Autriche en Alsace. Le traité des Pyrénées (1659) lui donne le Roussillon, Arras et la plus grande partie de VA rtois, avec quelques points détachés dans les provinces espagnoles voisines. Le Barrois, également annexé en 1659, fut rendu au duc de Lorraine en 1661. Calais avait été repris aux Anglais en 1558, et Dunkerque, qui était devenue anglaise (1658), fut vendue à. la France trois ans plus tard (1662). L'électeur de Brandebourg acquiert par héritage le duché de Prusse (1611-1618), pour lequel il devient vassal de la Pologne jusqu'en 1656. Il reçoit au traité de Westphalie la Pôméranie orientale à la droite de l'Oder, avec les principautés ecclésiastiques de Cammin, de Magdebourg, d'Halbersladt et de Minden. Le reste de la Pôméranie, avec Stettin et les bouches de l'Oder, est laissé à la Suède (1648). La république de Florence, qui s'était cbaugée en un duché (15301!, devient ensuite le grand-duché de Toscane (1567).
�EUROPE La succession de Clôves et de Juliers, ouverte en 1609, se règle définitivement en 1666. Clèves, Mark et Ravensberg forment alors le lot de la Prusse. Frédéric Ier prend le titre de roi de Prusse (1701) ; il augmente ses possessions westphaliennes (1702-1713), et acquiert la principauté de Neuchâtel (1707). Au traité de Stockholm (1720), la Suède abandonne à la Prusse une certaine partie de ses possessions poméraniennes, comprenant Stettin et les îles d'Usedom et de Wollin. La Frise orientale passe à la Prusse après l'extinction de la maison de ses comtes (1744). Le duc de Brunswick-Lunebourg devient l'électeur de Hanovre (1692). En 1715, l'électeur de Hanovre devient roi d'Angleterre sous le nom de George Ier. Après la guerre de succession d'Espagne, les Pays Bas espagnols, le Milanais, la Sardaigne et le royaume de Naples passent à l'Autriche (1713), qui échange ensuite la Sardaigne contre la Sicile avec le duc de Savoie (171.8). Le royaume des Deux-Siciles passe aux Bour-
CENTRALE
1780
bons d'Espagne (1736-1738); l'Autriche reçoit en échange les duchés de Parme et de Plaisance, qui passent en 1749 à une autre branche des Bourbons espagnols. La Franche-Comté devient définitivement française après la paix de Nimègue (1678). Strasbourg et plusieurs autres points appartenant à l'Empire sont réunis à la France (1681-1697). Annexion par la France de la principauté d'Orange (1714-1771), de la Lorraine (1735-1766), de la Corse, cédée par Gênes (1768). L'Etat de Savoie s'agrandit en Ralie par les annexions successives du Monlferrat et de certaines parties du Milanais (1631-1748), annexions qui portent la frontière orientale du Piémont jusqu'au Tessin. Après l'acquisition de la Sardaigne (1718), le duc de Savoie prend le titre de roi de Sardaigne. Pour les agrandissements de la Prusse et de l'Autriche au premier partage de la Pologne voyez la carte 62. Pour les agrandissements de l'Autriche aux dépens des Turcs voyez les cartes 49 et 50.
�Avignon et le Comtat-Venaissin son annexés à la France ainsi que les derniers fragments de l'Alsace qui restaient à l'Empire (1791). Le comté de Montbéliard, qui dépendait du duc de Wurtemberg, les villes de Mulhouse et de Genève, alliées de la Confédération Suisse, ïévâché de Baie, la Savoie et le Piémont le sont également de 1796 à 1801. Les principautés franconiennes d'Anspach et. de Baireulh, qui appartenaient à la branche cadette des Hohenzollern, sont réunies au royaume de Prusse (1792*. La Prusse abandonne à la France toutes ses possessions sur la rive gauche du Rhin, moyennant des compensations à prendre en Allemagne sur la rive droite de ce fleuve (Traité de Baie, 1795';. Le traité de Campo-Formio (1797) met lin à l'existence de Venise comme état européen; les possessions vénitiennes à l'ouest de l'Adige sont alors données à la République cisalpine, nouvellement formée, ainsi que la ValtelineeX le district de
Bormio, qui sont enlevés aux Grisons. Venise elle-même et tous ses autres territoires sont abandonnés à l'Autriche, qui renonce à ses possessions en Lombardie. Au traité de Lunéville (1801), les Pays-Bas autrichiens sont cédés à la France, ainsi que le territoire de l'évêché de Liège qui les séparait en deux parties. L'Empire abandonne tous ses droits sur les pays allemands de la rive gauche du Rhin, et. reconnaît les républiques batave, ligurienne et helvétique, qui ont remplacé les Provinces-Unies, Gênes et la Confédération Suisse; cette dernière se trouve en outre augmentée du Valais et des Grisons. Le Pape et, le roi des Deux-Siciles sont rétablis en 1801 dans leurs états, qui avaient formé pendant quelque temps les républiques Tibérine et Parthénopéenne. La Prusse et l'Autriche se sont considérablement agrandies aux deux derniers partages de la Pologne. (Voyez carte 63.)
�Le duché de Parme, la République ligurienne, la Toscane, d'abord convertie en Royaume d'Etrurie, Rome sont annexés à la France (1802-18091. Un prince français règne à Naples depuis 1806. La Suisse forme une république fédérale de dix-neuf cantons (1803). Le Valais, après avoir formé une république distincte (1802), est incorporé à la France (1810). Le traité de Schœnbrun (15 déc. 1805) attribue à la Prusse en échange d'^4 nspach, de Neuchâtel et du reste de Clèves, l'électorat de Hanovre. Par le traité de Presbourg (26 déc. 1805), les possessions de l'Autriche en Italie passent au nouveau Royaume d'Italie; ses possessions èn Istrie et en Dalmatie, à la France sous le nom de Provinces Illyrienaes; ses possessions en Souabe, au Wurtemberg et à Bade. Augsbourg, le Tyrol, Trente et Brixen, sont donnés à la Bavière ; l'électorat de Sakbourg est annexé à l'Autriche. Une confédération du Rhin comprenant seulement la Bavière, le Wurtemberg, les grands-du-
chés de Bade, Berg, Hesse-Barmstadt et autres petites principautés est créée sous le protectorat de la France (1806). François II abdique le titre d'Empereur d'Allemagne et prend celui à'empereur d'Autriche (6 août 1806). Par suite du traité de Tilsitt (1807), la Prusse perd toutes ses provinces de la gauche de l'Elbe qui forment avec la Hesse-Cassel le nouveau royaume deWestphalie, sous Jérôme Bonaparte, et la plupart de ses provinces orientales, qui forment le grandduché de Varsovie sous le roi de Saxe (voir la carte 64). Au traité de Vienne (1809), la Bavière s'agrandit de Salzbourg et d'une partie de la haute Autriche et cède au royaume d'Italie Trente et une partie du Tyrol. La Nouvelle-Galicie et Cracovie sont données au duché de Varsovie. Le royaume de Hollande, les territoires maritimes jusqu'au delà des bouches de l'Elbe, les villes hanséatiques et Lubeck, sont annexés à l'empire Français.
�IM.30.
Au traité de Vienne (1815), la France reprend ses frontières de 1790, diminuées de Philippeville, Marienbourg, Bouillon, Landau et Sarrelouis ; elle garde Montbéliard, Mulhouse et le Gomtat-Venaissin (cartes 33 et 36). La Prusse acquiert plusieurs pays sur le Rhin et la Moselle, Munster, Cologne, Trêves, etc., ainsi qu'une partie du royaume de Saxe ; et elle recouvre Magdebourg et Halberstadt, Dantzig et Thom, et des fragments du duché de Varsovie, qui deviennent le grand-duché de Posen. Le reste du duché de Varsovie forme le royaume de Pologne, sous la souveraineté de la Russie ; Cracovie, une république indépendante. Trois nouveaux cantons sont ajoutés à la Suisse : Genève, le Valais et Neuchâtel, ce dernier sous la dépendance particulière du roi de Prusse. La Belgique et la Hollande forment le royaume des Pays Bas, donné à la maison d'Orange. Le Hanovre est rendu au roi d'Angleterre, augmenté de la Frise orientale; il porte dès lors le. titre de royaume.
La Poméranie suédoise est donnée au Danemark, qui la cède ensuite à la Prusse pour acquérir le Lauenbourg. L'Autriche recouvre Salzbourg, leTyrol, Trente elBrixen, l'Istrie et la Dalmatie; la Lombardie et la Vénétie forment un royaume autrichien. Le roi de Sardaigne recouvre la Savoie et le Piémont; il acquiert Gènes et le littoral ligurien, sauf la principauté de Monaco. L'Allemagne forme une confédération de principautés souveraines et de quatre villes libres, sous la présidence de l'Autriche. L'Autriche et la Prusse entrent dans la Confédération Germanique pour leurs provinces allemandes ; le roi de Danemark pour le Holstein et le Lauenbourg, le roi d'Angleterre pour le Hanovre, le roi des Pays-Bas pour le Luxembourg. Pai "me, Modène et la Toscane redeviennent grand-duchés. Le Pape recouvre ses possessions, y compris Bologne et Ferrare. Le roi bourbon de la Sicile rentre à Naples et prend le titre de roi des Deux-Siciles.
�PÏ
. si.
EUROPE CENTRALE 1860 A la suite de la Révolution de 1831, la Belgique avec l'aide de la France se sépare du royaume des Pays-Bas et devient un état indépendant. Huit ans plus tard, le Luxembourg et le Limbourg sont partagés définitivement entre la Belgique et la Hollande (1839) ; la partie hollandaise du Luxembourg fait seule partie de la Confédération germanique. La neutralité de là Belgique est en outre garantie par les puissances européennes. La république de Cracovie est annexée par l'Autriche (1846 . Le roi de Prusse renonce à ses droits de souveraineté sur le canton de Neuchâlel (1857) ; il ne garde que le titre de prince de Neuchàtel. Les principautés de Holienzollern en Souabe sont réunies à la Prusse (1-849). Après qu'elle eut été vaincue par la France et l'Italie, l'Autriche cède par le traité de Villafranca (1859) ses droits sur la Lombardie à l'empereur Napoléon III qui les remet au roi de Sardaigne. La Toscane, Parme, Modène et les Romagnes votent ensuite leur annexion au Piémont (sept. 1859). Après que l'armée révolutionnaire de Garibaldi eut fait la conquête des Deux-Siciles, le royaume de Sardaigne, diminué de la Savoie et de.Nice, cédées à la France, se constitua sous le nom de royaume d'Italie (1860). La Vénétie, à l'extrémité nord-est de la Péninsule, resta à l'Autriche, et les papes ne conservèrent plus que Rome et quelques territoires situés à droite et à gauche de cette ville.
�EUROPE CENTRALE 1871 Après la guerre de 1864, le Danemark est forcé de céder à l'Autriche et à la Prusse, qui les reçoivent conjointement, les duchés de SIeswig, de Holstein et de Lauenbourg. Deux ans après, l'Autriche, vaincue à son tour par la Prusse, lui céda tous ses droits sur les duchés de l'Elbe, qui furent incorporés au royaume de Prusse, ainsi que le Hanovre, le duché de Nassau, la Hesse-Electorale et la ville de Francfort (1866). La Confédération germanique de 1815 fut en outre remplacée par une autre dont l'Autriche fut complètement exelue, et dont firent seulement partie les Etats du nord de l'Allemagne, y compris les provinces prussiennes qui n'appartenaient pas à .l'ancienne confédération [Prusse proprement dite, Posen et SIeswig). Le Luxembourg ne fit pas partie de la nouvelle confédération, et, après quelques contestations, il resta au roi de Hollande, comme territoire neutre. L'Italie, qui prit également part à la guerre de 1866, acquit de son côté la Vénétie; quatre ans plus tard, elle put s'emparer de Rome et des dernières possessions qui restaient aux papes (1870). La guerre de 1870-1871, entre la France et la Prusse, eut pour premier effet d'unir tous les États du Sud de l'Allemagne à ceux du Nord; après les défaites de la France, la confédération ainsi formée prit le nom à'empire d'Allemagne, avec le roi de Prusse comme empereur héréditaire (18 janvier 1871). La paix fut signée le 26 février 1871, moyennant l'abandon par la France de toute l'Alsace et d'une partie de la Lorraine, y compris Metz; ces pays font partie du nouvel empire allemand sous le nom à'Alsace-Lorraine.
�LIMITES ORIENTALES DE LA FRANGE
DE
1555
A
1871
Le duché de Bourgogne avait été réuni à la cou- j toujours à l'Empire furent réunis à la France ronne de France après la mort de Charles le Témé- | (1679-1697). La Franche-Comté, conquise une raire (1477), mais les autres fiefs français et impé- I première fois (1668), le fut définitivement, en. 1674. riaux de ce prince, Gharolais, comté de BourLa Bresse, le Bugey et liex furent acquis en gogne, etc., restèrent à ses successeurs autrichiens échange du marquisat de Saluces, laissé à la puis espagnols. Le Dauphiné avait été réuni au Savoie (1601). La principauté d'Orange fut annexée quatorzième siècle (1343-1349), la Provence au quinzième (1481); mais la principauté d'Orange en 1714. La Lorraine fut réunieà la France (1735-1766). restait toujours enclavée dans le territoire français, Montbéliard et les quelques points de l'Alsace qui et le Gomtat-Venaissin appartenait aux papes depuis 1348; de ce côté, le marquisat de Saluces avaient échappé aux réunions, sous Louis XIV, furent annexés en 1791 ainsi que le Comtatavait été annexé en 1548. Venaissin. La ville de Mulhouse, alliée de la Les trois évêchés lotharingiens, Metz, Tout et Confédération Suisse, le fut en 1798. Verdun furent conquis par la France en 1552, La Savoie et Nice font partie de la France mais elle n'en reçut la confirmation légale qu'au depuis 1860; le district de Menton a été acheté traité de Westphalie (1648), qui lui donna en outre toutes les possessions et tous les droits de la au prince de Monaco (1861); mais VAlsace et une partie de la Lorraine ont été annexées à l'Allemaison d'Autriche en Alsace. Un peu plus tard, magne en 1871. Strasbourg et d'autres points qui appartenaient
�PL.34
ALLEMAGNE
vers i53o
Echellede l:5ooo.ooo . Explication desCouleurs (erc/e delwstpTwlie Cercle deJTaxtte.^S'ase. de-Sauna ogne. — de-Soiuiie. cleïhirtamie-. 3iiJTaxttJÎ&w, étBàsMn, de-Ifamer-e'. d^éutricke.. âeJïasse-Saœ. Z&Jlryai£merf& JÎ0hffif&,qui f??T>!riait. rtn.-â&y êf&tfo TYitsdedEmpire■ et-çuz/anait'passe' ancr ses dépendances a laJtfazsomdLâvt'n'cJuz■ fpt'i&f, n'était comprùr dansais Cerclf'. Deinéme TeC*?'de 2ffon±beZtar>cLçnt'appartenait à- la JlfairOTi/de Wurtem^eT^, les ûmtons Suisses et ïeitmr attiés. 1" ! Confédération de3 Traire-Cantons, ses sujets et-ses aZïie,?. {Les panties çztim&sontpas enfantées en teinte'
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�PL.36
LES PAYS-BAS
après le traité de Munster
�PL.37
EUROPE D J SUD-EST VERS 930 Les parties intérieures de la Macédoine et de la partie de la péninsule des Dalkans; les îles de Grèce, qui avaient été occupées par les Slaves au Crète et de Chypre étaient entièrement perdues pour septième siècle, furent recouvrées par l'empire lui. ainsi que la plus grande partie de la Sicile. En d'Orient (775-807); la suprématie impériale fut reItalie, il conservait toujours les deux presqu'îles connue par la Croatie et la Dalmatie (868-878), méridionales avec Naples, Gaète et Amalfi comme et la ville de Cherson, alliée de l'empire, fut forpossessions isolées. En Asie, il conservait l'Asie mellement annexée à celui-ci (829-842). Mineure moins la Gilicie et la Syrie septentrionale. Les Bulgares firent de grands progrès à partir du neuvième siècle et surtout au commencement du L'invasion des Magyars renversa(906de royaume dixième; ils étendirent leur royaume, dont la capide Grande-Moravie, qui était de formation récente, tale était Péristhlava, bien au-dessous de l'Hémus, et les Slaves Croates ou Chrobates se trouvèrent et même jusque dans la Macédoine et l'Épire. par ce fait séparés en deux branches, l'une au nord Andrinople devint une ville frontière de l'empire et l'autre au sud. et passa plus d'une fois entre leurs mains ; ils étaAu commencement du dixième siècle, de petits blirent également leur suprématie sur la Servie. états slaves la Paganie, la Terbounie, etc., contiL'empire d'Orient ne possédait donc plus, au nuaient à maintenir leur indépendance sur la côte commencement du dixième siècle, qu'une très petite orientale de l'Adriatique.
�Pl.38
EUROPE DU SUD-EST
VERS L'AN
1000 Il fit également de grands progrès en Asie, où
La Bulgarie, qui avait été conquise par les Russes (968), redevint une province impériale (971), mais un second royaume bulgare se reforma quelques années plus tard (980). Cette seconde Bulgarie ne comprenait aucune partie de la Tbrace, mais elle s'étendait au sud jusque dans la Tbessalie et l'Épire, et elle touchait même le littoral de l'Adriatique ; sa capitale était Oehricla. L'empire d'Orient recouvra les îles de Crète et de' Chypre à la fin du dixième siècle ; mais d'un autre côté, la très petite partie de la Sicile qui lui restait encore lui fut définitivement enlevée à cette époque (963-965;.
la Cilicie et la Syrie septentrionale furent reconquises (963-976) ; les villes de Tarse, Edesse et Antioche redevinrent des villes chrétiennes. La suprématie impériale s'étendit en outre sur Ylbérie et YAbasgie, pays situés à l'est de l'Euxin ,991-1022). Lorsque les Bulgares eurent été vaincus par les Russes, la Servie recouvra une certaine indépendance (968). D'un autre côté, Venise, qui reconnaissait toujours la suzeraineté de l'empereur d'Orient, effectua la soumission des petits états slaves de la côte orientale de l'Adriatique (995-997
�Pl. 39
EUROPE ]
VERS
f SUD-EST 1-1070
1(
Le second royaume de Bulgarie fut, renversé par l'empire d'Orient au commencement du onzième siècle (1018). La Servie, qui s'était rattachée à l'empire par crainte des Bulgares, fut également incorporée à la même époque. Mais quelque temps après, elle se révolta et recouvra son indépendance (1040!. Une partie de la Sicile fut reprise sur les Musulmans au milieu du onzième siècle (1038), mais elle fut reperdue quelques années plus tard (1042:. La Croatie et la Dalmatie recouvrèrent leur indépendance (1052-1062:; mais l'empire fit à cette époque de grands progrès en Asie, et, dans l'espace de quarante ans, l'Arménie devint une province impériale (1021-1064).
Les Magyars firent de grands progrès au onzième siècle, et la partie de la Chrobatie ou Croatie septentrionale, qui était située au sud des Carpathes, fut incorporée à leur royaume (1025). Quelques années auparavant, ils avaient franchi la barrière qui les séparait des Petchénôgues et pénétré dans la Transylvanie (1004); mais cette conquête, qui devait plus tard devenir durable, ne fut alors que temporaire. Au commencement du onzième siècle, les duchés impériaux de Naples, Gaëte et Amalfi étaient toujours séparés de la Calabre et de la Longobardie par les duchés de Bénévent, Gapoue et Salerne, sur lesquels l'empire d'Orient n'exerçait qu'une suprématie très précaire.
�EUROPE D r SUD-EST
VERS 1105
Au commencement du onzième siècle, les Normands obtinrent le comté d'Averse, comme vassaux du duché impérial de Naples (1021). Quarante ans plus tard, les comtes d'Averse devinrent princes de Capoue, et ils se virent confirmés dans leurs possessions par le pape 1^1062-1068!. D'autres aventuriers normands fondèrent le duché d'Apulie (1042-1077)., A la fin du onzième siècle, l'empire ne conservait plus que Naples dans l'Italie méridionale ; Bénéuent était devenu la propriété des papes. Les Normands firent encore d'autres conquêtes pendant le onzième siècle; ils enlevèrent la Sicile et Malte aux Sarrasins (1060-1093), et ils conquirent plusieurs points sur la côte orientale de l'Adriatique (1081-1085).
UArménie cilicienne se rendit indépendante de l'empire (1080), et les Turcs Seldjoucides, après avoir conquis presque toute l'Asie-Mineure (10641081), fondèrent le Sultanat de Roum. Quelques années après, Nicée et plusieurs autres villes de l'Asie Mineure occidentale furent reprises aux Turcs par Alexis Gomnène, et leur capitale fut reportée à Iconium (1097!.Fondation du royaume de Jérusalem et des principautés franques de Syrie (Tripoli, Edesse, Antioche), dans la première croisade (1095-1099). La Croatie passa sous la domination des Magyars (1091), et la Dalmatic un peu plus tard
(1102).
La Transylvanie fit définitivement partie du royaume magyar (1070-1090).
�PL. 41
EUROPE DU SUD-EST
VERS
1181
Sous les règnes de Jean et Manuel Gomnène (1118-1180), l'empire d'Orient fit de grands progrès en Europe et en Asie, mais plusieurs de ses conquêtes furent temporaires. Toutes les côtes de l'Asie Mineure furent reprises aux Turcs, et il ne resta plus à ceux-ci qu'une région tout à fait intérieure. La suzeraineté de. l'empire fut rétablie sur Antioche et l'Arménie cilicienne (1137). La Servie fut soumise en 1148; mais elle recouvra ensuite une certaine indépendance, qui ne devint pourtant complète qu'après la prise de Constantinople dans la quatrième croisade (12041. La Hongrie se vit enlever les villes de la Dalmatie( 1171), mais, dix ans après, l'empire les per-
dait de nouveau et cette fois définitivement (1181). En outre, Venise, à cette époque, s'était affranchie presque entièrement de la suzeraineté de l'empire d'Orient. Au douzième siècle, les Cumans remplacèrent les Petchénègues au nord du Danube. Les possessions des Normands en Italie et en Sicile formèrent un royaume à partir de 1130; ce royaume s'augmenta ensuite de Naples, la seule possession qui restât à l'empire en Italie (1138), et des A bruzzes (1140). Le comté à'Édesse passa (1128-1173) au pouvoir des Turcs Attabegs de Syrie, qui firent subir également des pertes importantes au royaume de Jérusalem.
�Pl. 42
EUROPE DU SUD-EST
VERS
1212
En Asie, Jérusalem est prise par Saladin (1187), et le royaume de ce nom est réduit aux pays situés autour de Tyr. Le royaume à'Arménie cilicienne reconnaît la suzeraineté de l'empereur d'Occident (1190) ; l'île de Chypre, conquise par Richard Ier d'Angleterre (1191), devient un royaume latin
(1192).
Après la prise de Gonstantinople par les Croisés
(1204), l'empire d'Orient est remplacé en Europe
Un troisième royaume de Bulgarie se forme au sud du Danube, avec Tirnovo pour capitale (1187), Il fait de grands progrès du côté de l'ouest, et il s'étend aussi au sud de l'Hémus (1197-1207). La principauté russe de Halicz ou Galicie, disputée entre plusieurs princes rivaux, est conquise par le roi de Hongrie (1185).La partie occidentale du royaume de Servie, la Bosnie,' montre une grande tendance à se séparer de ce royaume.
et en Asie par une multitude d'états grecs et francs Venise, devenue indépendante de l'empire, s'empare de Moclon et de Coron, de Corfou, Durazzo et de la .Crète (1206). Un certain nombre d'entre les Gyclades forment le duché de Naxos, qui appartient au prince vénitien Marco Sanudo (1207). La Servie devient un royaume indépendant sous la maison de Némanja, et Raguse devient une république indépendante. Dans le Péloponnèse, les seigneurs d'Athènes et les princes d'Achaïe ont à lutter contre le despote grec de l'Epire, qui s'était emparé de Corinthe, d'Argos et de Nauplie
(1208-1210).
�EUROPE DI ; SUD-EST
VERS 1340
Uempire grec de Nicée fait de grands progrès en Europe (1235-1339); mais les Turcs lui enlèvent presque toutes ses possessions en Asie (1260-1338), et les chevaliers de Saint-Jean s'emparent de Rhodes et des îles voisines (1309-1315). Après la chute à'Acre (1291), il n'y a plus aucune principauté franqueen Syrie. Venise perd Corfou et: Durazzo, qui passent au despotat d'Épire (1216), et ensuite à Manfred, roi de Naples et de Sicile (1258); après de nombreuses fluctuations entre elle et la Hongrie, le littoral de la Daimatie, moins Haguse, lui appartient définitivement (1315). Le royaume de Naples et de Sicile passe à la maison d'Anjou (1266-1269). Après la révolte des Vêpres Siciliennes (1282), celle-ci ne conserve plus que le royaume de Naples ou de Sicile en deçà du Phare; la Sicile insulaire passe à la maison d'Aragon.
j
La Bosnie, reconquise par la Servie (1286), finit par appartenir à la Hongrie. La Servie s'agrandit dans la direction du sud, et fait des progrès sur la côte de l'Adriatique (1296). Le royaume de Bulgarie est considérablement diminué au profit des états grecs (1246-1257). Au commencement du treizième siècle, formation de la principauté de' Valachie, d'abord vassale de la Hongrie. La principauté de Ilalicz ou Galicie est perdue définitivement par la Hongrie (1220); le roi de Pologne l'annexa plus lard à ses états (1340). La principauté d'Achaïe devient vassale de la maison d'Anjou (1278) ; elle se démembre en 1337 ; Patras devient une principauté ecclésiastique sous la suzeraineté du pape. Le duché d'Athènes, conquis par les Catalans (1311), passe ensuite à la branche sicilienne de la maison d'Aragon (1326).
�PI .44
EUROPE I U SUD-EST
VERS
1354
Le royaume de Servie fait de grands progrès sous le règne d'Etienne Douchan (1331-1355). Il s'étend depuis le Danube et la Saye, au nord, jusqu'au golfe de Corinthe, au sud, et jusqu'à Ghristopolis, h l'est.
i
Des Roumains, venus du pays de Marmaros, au nord de la Transylvanie, fondent, au quinzième siècle, la principauté de Moldavie. La partie de la Valachie située à l'ouest de l'Aluta devient le Banat hongrois de Séver in.
Au quatorzième siècle, Venise dispute à Gênes Après les conquêtes des Serbes et des Bulgares, i ■ sa colonie de Kaffa dans la Ghersonèse Taurique l'empire grec de Gonstantinople ne comprend plus, au milieu du quatorzième siècle, qu'une ' ou Grimée. Après le renversement de l'empire des Turcs Seldpartie de la Thrace, la presqu'île de Chalcidicjue, Thessalonique avec une petite bande de la Macé-. joucides au treizième siècle (1294), un nouvel état doine, Zeitouni en Thessalie, et la province du turc se reforma sous l'émir Olhman, qui donna son nom à cet état. Péloponnèse. Après de nombreuses fluctuations entre le royaume de Bulgarie et l'empire, la ville de Philippopolis appartient définitivement à la Bulgarie (1344) ; mais la principauté de Dobrutcha, qui s'était formée en Bulgarie, devient indépendante | Les Ottomans firent de rapides progrès dans l'Asie Mineure, où ils conquirent Prousa (Brousse), Nicée et Nicomédie (1326-1338); ils pénétrèrent ensuite en Europe, où leur première conquête fut celle de Gallipoli dans la Ghersonèse de Thrace
j I
11357).
\ (1354!.
�Pl. 45
U. Etais Latins. Wi Jinise. MB liaison <t!,-:iq/ow. ■M Chevaliers de SïJcan/. SBB Gènes. ■M Achaïè,. ^ïHi S/ftvar Indépendante. L_J Hongrie. tirâïi Jfosnie.. ■■ sllhanie Ottomans ef- Seldjouàdes
EUROPE DU SUD-EST VERS 1401 Démembrement de l'empire serbe après la presque en même temps que la Thessalie (1393mort d'Etienne Douchan (1355). — Un royaume 1396). La Valachie devient tributaire (1391). de Servie se reforma dans l'ancienne Servie; deProgrès de Venise. — Corfou, Durazzo, Buvenu tributaire des Turcs (1389), il recouvra sa trinto, Lépante, Argos, NaupUe et l'île d'Eubée liberté après la chute de Bajazet (1402). passent successivement au pouvoir de Venise Un royaume d'Albanie se forma au nord (de (1386-1407); mais en 1358 elle avait été forcée l'Epire sous la maison de Thopia. Un autre état d'abandonner la Dalmatie au roi de Hongrie. qui devint plus tard le Monténégro, se forma dans Corinthe et l'extrémité nord-est du Péloponle district de Zenta. nèse, et plus tard le duché d'^4 thènes, passent à La Bosnie se rendit indépendante (1376). La Thessalie forma un royaume distinct, qui tomba ensuite aux mains des Turcs (1363-1393). Un despote albanais régna à Aria; un despote serbe à Janina; Janina passa ensuite à la maison florentine des Buondelmonti. Progrés des Turcs. — Les Turcs prennent Andrinople et presque toute la Thrace (1361), et Philadelphie en Asie (13741 La Bulgarie est conquise la maison florentine d'Acciauoli (1358-1370). Les îles de Géphalonie et Zante sont données à la maison bénéventine de Tocco comme fief de l'empire latin (1357) ; après l'acquisition de Leucade ou Sainte-Maure (1362"i, les princes de Tocco prennent le titre de ducs de Leucade. Le royaume d'Arménie cilicienne passe au roi latin de Chypre (1393) : il est ensuite absorbé par les Mameluks, maîtres de la Syrie.
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EUROPE DU SUD-EST
VERS
1444
La domination ottomane, fortement ébranlée après la chute de Bajazet (1402), se reforme quelque temps après (1414). L'empire d'Orient perd Thessalonique et la Chalcidique (1430). La suzeraineté de la Hongrie, rétablie sur la Valachië en 1443, repasse de nouveau aux Turcs après la défaite de Varna (1444). Le prince de l'ancienne Zachloumie s'affranchit de la suzeraineté de la Bosnie, et devient vassal du roi des Romains Frédéric III, sous le nom de duc de Sainl-Sava (Herzégovine) (1440). Dans la première moitié du quinzième siècle, le despote grec du Péloponnèse s'empare progressivement du duché d'Athènes et de la principauté d'Achaïe; en 1442, tout le Péloponnèse lui appartient, sauf les points conservés par Venise,
qui acquiert en outre Monembasie et l'île à'Ègine
(1419-1423).
Une partie du comté de Zips est donnée en gage par la Hongrie à la Pologne (1412). Les ducs de Leucade s'emparent progressivement de toute ÏÈpire, sauf les points appartenant à Venise (1405-1418); mais peu de temps après, les Turcs soumettent à leur tour la plus grande partie de l'Épire ( 1430), et il ne reste sur la terre ferme aux ducs de Leucade qu'Artaet le territoire avoisinant, qu'ils conserveront pendant dix-neuf ans encore comme vassaux de Venise. Au commencement du quinzième siècle, les Turcs fontlaconquêtedeiouleï Albanie,excepté lespoints appartenant à Venise (1414); mais dix-sept ans plus tard le pays se révolta, et une partie de l'Albanie fut soustraite à la domination ottomane. (14311.
�EUROPE DU SUD-EST
VERS
1464
Après la prise de Constantinople par Mahomet le Conquérant (1453), la domination ottomane s'étendit rapidement sur toute la péninsule des Balkans. Les dernières possessions impériales en Thrace et en Macédoine, ainsi que les villes à'Anchiaios et de Mesembria sur la côte occidentale de l'Euxin, furent prises au bout de très peu de temps ; mais les princes grecs du Péloponnèse résistèrent jusqu'en 1460. Les possessions continentales des ducs de Leucade devinrent la province turque de Carlili (1449) ; leurs possessions insulaires, Céphalonie, Zante, Leucade ou Sainte-Maure restèrent sous la suzeraineté de Venise. La Servie, qui avait été de nouveau conquise (1438), recouvra son indépendance pendant un
court espace de temps (1442-1444). Elle fut incorporée à l'empire ottoman (1459), sauf Belgrade qui resta à la Hongrie. La conquête de la Bosnie commença neuf ans après sa séparation d'avec l'Herzégovine (1449) ; elle fut achevée en 1463. L'île de Lesbos fut enlevée en 1462 à la famille génoise des Gattilusio, qui la possédait, comme fief de l'empire d'Orient, depuis 1354. Argos, dans le Péloponnèse, fut enlevée à Venise cette même année (1462). La prise de Trébizonde par les Turcs (1461) mit fin à l'empire grec de ce nom, mais les possessions éloignées de cet empire, clans la Ghersonèse Taurique, conservèrent leur indépendance jusqu'en
1472.
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EUROPE DU SUD-EST
VERS
1672
Les Turcs enlèvent aux Génois leur colonie de Kaffa, dans la Ghersonèse Taurique (14761. Ils établissent leur suprématie sur le khanat de Crimée et font la conquête de la Bessarabie et du Jédisan (1476-1484). — La Moldavie commence à leur payer tribut (1497). La Podolie est enlevée à la Pologne par les Turcs
(1672-1676).
Les Vénitiens perdent l'île à'Eubée (1470) ; Modon, Coron, Durazzo, Lépante et l'île de Leucade (1500-1504); Nauplie, Monembasie et toutes leurs- îles égéennes sauf Tenos et Mycône (1540) ; l'île de Chypre (1571); la Crète- sauf les deux forteresses de Suda et Spinalonga (1641-1669). Les îles de la mer Egée appartenant aux Génois sont conquises par les Turcs ainsi que le duché de Naxos (1566). Les chevaliers de Saint-Jean, chassés de Rhodes par les Ottomans (1522), reçoivent de CharlesQuint les îles de Gozzo et de Malte comme fief de son royaume de Sicile (1530). Par suite de l'annexion du khanat d'Astrakan
(1552-1554), la frontière russe est portée jusqu'au
Après la bataille de Mohacz (1526), la plus grande partie delà Hongrie devient turque (15261552), et la Transylvanie devient une principauté tributaire du sultan. Le reste de la Hongrie et de la Croatie passent à Ferdinand d'Autriche, déjà roi de Bohême (1527). UAlbanie est définitivement conquise après la mort de Scanderberg (1467-1478). ~U Herzégovine l'est en 1483. — Conquêtes des Turcs en Asie sous le règne de Sélim Ier (1512-1520).
Térek. Commencement du Monténégro moderne avec Cettigne pour capitale (1488).
�EUROPE DU SUD-EST VERS 1.700 La Valachie et la Moldavie restèrent sous la Après avoir échoué devant Vienne (1683), les suzeraineté de la Turquie. Turcs ne firent plus que subir des revers. Les Kamienetz et toute la Podolie furent rendues à Impériaux s'emparèrent de Bude (1686), et la Hongrie et la Transylvanie tombèrent entre leurs mains l'année suivante (1687). Le traité de Carlowitz, signé en 1699, consacra le premier démembrement de l'empire ottoman. En vertu de ce traité, les Turcs furent obligés de céder à l'Autriche la Croatie et la« Slavonie presque en totalité, ainsi que toute la Hongrie proprement dite, sauf le pays de Temeswar; ils renoncèrent également à leur suzeraineté sur la principauté de Transylvanie, qui devint dépendante du royaume de Hongrie. la Pologne. Azof fut laissée aux Russes qui s'en étaient emparés en 1696. Les Vénitiens, qui avaient également fait de grandes conquêtes aux dépens des Turcs (16851699), conservèrent la Morée, Parga, Prevesa, Butrinto, les sept îles Ioniennes et la plus grande partie de la Dalrnatie, ainsi que les deux forteresses de Suda et Spinalonga dans l'île de Crète, et les deux îles de Tenos et Mycône dans la mer Egée.
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EUROPE D
VERS
J
SUD-EST
1727
La première guerre que les Turcs durent soutenir après le traité de Carlowitz eut lieu avec la Russie, et elle se termina par la défaite des Russes. Le traité de Falksen (1711) rendit à la Turquie la ville à'Azof qu'elle avait perdue en
1696. .
Les Turcs se tournèrent alors contre les Vénitiens, et une seule campagne coûta à Venise la Marée et presque toutes ses possessions en Orient (1715). L'Autriche déclara alors la guerre à la Turquie, et cette nouvelle guerre se termina par le traité de Passarowitz (1718). Le traité de Passarowitz donna à l'Autriche le banat de Temesvar, entre la Theiss et la Maros,
ainsi que la Petite-Valachie, ou banat de Severin à l'ouest de l'Aluta. La frontière fut même portée au sud de la Save, de manière à laisser Belgrade à la Hongrie, ainsi qu'une grande partie de la Servie et une petite,bande de la Bosnie. D'un autre côté, Venise dut renoncer complètement à la Morée et aux deux îles égéennes qui lui restaient encore, Tenos et Mycône, ainsi qu'à ses deux forteresses dans l'île de Crète, Suda et Spinalonga. Il ne resta aux Vénitiens que l'île de Cerigo ou Cythère, les îles Ioniennes et quelques points sur le continent, entre Corfou et Sainte-Maure. En 1713, la Transylvanie fut complètement incorporée au royaume de Hongrie.
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EUROPE DU SUD-EST
VERS
1861
Au traité de Belgrade (1739), le Danube et la Save forment de nouveau la limite des possessions autricbiennes et ottomanes. Le khanat de Crimée, affranchi de la suzeraineté du sultan au traité de Kainardji ( 17 74), est annexé neuf ans après à la Russie (1783); Oczakof et le Jedisan le sont un peu plus tard (1791). Le royaume de Géorgie, au sud du Caucase, est incorporé à la Russie (1783-1800). La Bukovine est séparée de la Moldavie et réunie au royaume autrichien de Galicie et Lodomérie
(1776-1786).
Au traité de Bucharest (1812), la frontière russe est reportée du Dniester jusqu'au Pruth et au bas Danube, et elle comprend ainsi la Bessarabie. Au traité de Vienne (1815), les sept îles Ioniennes forment une république placée sous la protection de l'Angleterre ; Raguse, Cattaro et les autres territoires que Venise possédait en-Dalmatie avant 1797, sont acquis à l'Autriche; l'es points
qui étaient occupés par Venise sur le continent de l'Albanie et de la Grèce continentale restent aux Turcs. L'île de Malte reste à l'Angleterre. Au traité d'Andrinople (1829), les îles situées à l'embouchure du Danube sont cédées aux Russes. La Moldavie et la Valachie recouvrent une certaine autonomie. La Servie, tour à tour libre et dépendante depuis 1805, devient définitivement une principauté tributaire de la Turquie. La Turquie reconnaît l'indépendance de la Grèce (1830). Le nouveau royaume comprend la Morée,' les Cyclades et YEubée, ainsi qu'une petite partie de la Grèce continentale, au nord dii golfe de Corinthe. Au traité de Paris (1856), la Russie est obligée de céder la partie de la Bessarabie qui touche au bas Danube. Union de la Moldavie et de la Valachie en une seule principauté de Roumanie, ayant la faculté de choisir ses princes, et assujettie seulement à payer tribut,à la Turquie (1858-1861).
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EUROPE DU SUD-EST
1881
Le traité de San-Stefano, qui mit fin à la guerre turco-russe, (1877-1878), avait décrété une principauté de Bulgarie, qui s'étendait du Danube jusqu'à la mer Egée. Le traité de Berlin (13 juillet 1878) régla définitivement la situation des états de l'Europe dù sud-est. C'est ainsi que la Roumanie, agrandie de la Dobrutcba, et diminuée de la Bessarabie, cédée aux Russes, fut déclarée indépendante. La Servie, agrandie à l'est de la ville de Nisb ou Nissa, et de son territoire, fut également affranchie de la suzeraineté de la Turquie. La Bulgarie du traité de San-Stefano fut scindée en deux. Sa partie septentrionale forma la principauté de Bulgarie, tributaire du sultan ; sa partie méridionale forma la province turque autonome de Roumélie orientale. Le congrès de Berlin émit le vœu que certaines parties de la Thessalie et de l'Epire, comprenant
Larissa et Janina, fussent données au royaume de Grèce. La frontière définitive a été fixée par la convention du 27 novembre 1881 ; elle suit une ligne allant du golfe d'Arta au golfe de Salonique. Les sept îles Ioniennes avaient été déjà réunies au royaume de Grèce depuis 1864. Le Monténégro garda le port d'Antivari; forcé de rendre Dulcigno, qu'il avait également conquis, ce port lui a été restitué depuis, en échange d'un petit territoire albanais qui a été cédé à la Turquie L'Autriche fit l'acquisition du port de Spizza; elle se fit donner en outre le droit d'occuper la Bosnie et l'Herzégovine, avec le mandat d'administrer ces deux provinces. La Russie obtint, avec la Bessarabie, les villes de Kars et de Batoum en Asie. Des conventions spéciales entre la Turquie et l'Angleterre ont fait également occuper l'île de Chypre par cette dernière puissance.
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EUROPE
DU
NORD-EST
IOOO
vers l'an
EUROPE DU NORD-EST
VERS L'AN 1000
Au commencement du dixième siècle, le royaume de Danemark comprenait toute la péninsule du Juttland, avec les îles de la mer Baltique qui s'y rattachent, ainsi que les provinces de Halland et de Scanie dans la péninsule Scandinave du Nord. Sa limite au sud était l'Eider, mais il y eut, pendant quelque temps (934-1027) une Marche danoise, dépendante de l'empire. . Toutes les peuplades de la Norvège avaient été réunies en corps de nation à la fin du neuvième siècle ; ce royaume primitif de Norvège avait une étendue considérable vers le nord., . Le royaume de Suède s'était également formé avant le dixième siècle, après l'union des districts de Swithiod ou Svealand et de Gauthiod ou Gothland; les limites primitives de ce royaume furent très variables du côté du Danemark et du côté de la Norvège. Les tribus qui occupaient la partie occidentale de la région des Slaves du Nord, Wagriens, Obo-
trites, Wilzes, Sorabes, tributaires sous Chàrlemagne, eurent également pendant tout le dixième siècle des périodes alternatives de tribut et d'indépendance (voir carte 21). Les tribus slaves de la partie centrale de cette même région, les Lekques ou Pôles, formèrent un état qui, sous le nom de Pologne, prit une extension considérable à la fin du dixième siècle et au commencement .du onzième, et qui établit sa suprématie, pendant des périodes plus ou moins longues, sur la Poméranie, la Silésie, la Bohême, la Moravie, la Chrobatie septentrionale, et sur une partie de la Russie, la Russie rouge. Les tribus slaves qui s'étendaient depuis le
Dnieper jusqu'au cours supérieur de l'Oka, furent réunies en corps de nation (865-912) par les Varègues ou Russes, venus de la Scandinavie, et la nouvelle nation reçut d'eux le nom de Russie. Cet état russe eut d'abord pour capitale Novgorod sur le lac Ilmen, puis Kief.
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EUROPE DU NORD-EST
VERS
1 220
Au commencement du douzième siècle, le Wermeland passa définitivement à la Suède, et le Jamteland à la Norvège (1111)- La Bïékingie, longtemps disputée entre la Suède et le Danemark resta à ce dernier état. Dans le courant du douzième siècle, la Suède commença à s'étendre au nord sur Y Helsingland ; la conquête et la conversion de la Finlande commencèrent en 1155. Le Danemark, qui s'était déjà emparé de l'île de Rùgen (1168), fit de grands progrès sur le littoral méridional de la Baltique après la chute du duc de Saxe, Henri le Lion (1180). Le Holstein et le Stormarn, pays tout à fait germanisés, reconnurent la suprématie danoise ; il en fut de même des princes slaves des Ohotrites ou de la Sclavinie, et de ceux de la Poméranie occidentale. Tous ces pays furent formellement cédés au Danemark par l'empereur Frédéric II (1214). La partie orientale de la Poméranie ou Pomérélie resta sous la suzeraineté de la Pologne. La Bohême et la Moravie redevinrent indépendantes de la Pologne (1004-1029).
L'évêque de Livonie, après avoir fondé la ville. de Riga, créa l'ordre religieux et militaire ,des chevaliers Porte-glaive (1201). Ceux-ci s'emparèrent au bout de peu de temps de la Livonie, de la Sémigalie, des îles de Dago et Œsel et d'une partie de l'Esthonie; le reste de YEsthonie fut prise par les Danois (1218). La Russie se décomposa en un certain nombre de principautés et de républiques à partir de 1054. La république de Novgorod-la-Grande prit une grande importance, et elle étendit ses conquêtes jusqu'au golfe de Finlande et jusqu'à la mer Blanche. La suprématie en Russie, qui appartenait d'abord à Kief, passa ensuite à la ville de Vladimir sur la Kiazma (1169). L'invasion des Polovtsi ou Cumans sépara la Russie de la Caspienne, et anéantit la domination des Petchénègues (1115). Les Lithuaniens commencèrent à s'étendre au sud de leur pays primitif au commencement du treizième siècle.
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VERS
1270
Le Danemark perd en quelques années (12231227), la domination qu'il venait d'acquérir sur le littoral sud-ouest de la Baltique, sauf l'île de Rûgen et le littoral avoisinant. L'Eider redevient sa frontière avec l'empire dans la presqu'île du Jutland. La Finlande est complètement soumise par la Suède (1248-1293). Les chevaliers teutons appelés par le prince polonais Conrad de Mazovie reçoivent le palatinat de Culm (1226); ils commencent la conquête et la conversion de la Prusse, qui leur est, concédée définitivement par la cour de Rome (1247). Leur ordre s'était annexé en 1237 celui des Porte-glaive de Livonie, et il n'y eut plus dès lors qu'un Ordre teutonique. Les Russes et les Cumans, momentanément alliés, sont défaits par les Mongols' (1223). Toutes les prin-
cipautés russes deviennent tributaires de l'empire du Kiptchack ou de la Horde d'Or (vers 1240). La principauté de Galicié devient un puissant royaume dans la seconde moitié du treizième siècle. Le prince de Lithuanie, Mendog, profite de l'épuisement et de l'assujettissement de la Russie pour attaquer la principauté russe de Vladimir ; converti au christianisme et couronné roi en 1252, son royaume s'étendait depuis la Duna jusqu'au delà du Priepetz. Après la mort du dernier duc autrichien de la maison de Bahenberg (1246), sa succegskrC^ posée des duchés à'Autriche et de ^fyfi^M seigneurie de Camiole, finit par Bohême Ottocar II (1252-1262). / réunit plus tard à ses états le du qui lui avait été légué par son derd avec le reste de la Carniole qui en
�EUROPE DU NORD-EST VERS 1 350-76 Les provinces danoises de la péninsule Scanquatorzième siècle, et sa frontière fut portée au delà dinave du nord, Halland, Scanie, Blékingie pas- de la Duna et du Dniéper, aux dépens des princisent pour, un certain temps à la Suède (1332pautés russes de Novgorod et de Smolensk (13151360). L'île deRùgen cesse de rester sous la dépen1377); elle comprit ainsi la Volhynie et la Podolie, dance du Danemark après 1325. et elle arriva jusqu'à la mer Noire après la soumisLa Pomêrélie, longtemps disputée entre la Posion des Tartares de Pérékop (1363). logne et le Brandebourg après la mort de son derLa suprématie en Russie passe à Moscou (vers nier prince indigène (1295), finit par rester au 1328). Les principautés de Moscou et de Vladimir pouvoir de l'Ordre teutonique (1311). Les chevaliers sont réunies sous Ivan Ier (1328-1341). teutons se font céder par le Danemark (1346) la Après la défaite d'Ottocar II roi de Bohême partie de YEsthonie qui appartenait à cet état. (1278), l'Autriche et hStyrie furent données (1282) Le royaume de Galicie se démembre au quatorà Albert de Habsbourg fils de l'empereur d'Allezième siècle, et la province de Râliez ou Russie rouge magne; la Carinthie fut donnée au comte du Tyrol. est englobée dans le royaume de Pologne (1340). La Lusace, qui avait été conquise par le BrandeLa Podlachie, l'ancien pays des Iatvagues, est bourg au treizième siècle, repasse tout entière à la annexée à la Pologne sous le règne de Casimir le Bohême (1320-1370); la Silésie, qui avait été jusGrand (1333-1370). que-là vassale de la Pologne, est également incorLa Lithuanie fit des progrès considérables au porée à la Rohême (1327-1355).
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EUROPE DU NORD-EST VERS 1386-1405 de Pologne passa à Ladislas Jagellon qui était déjà L'Union de Calmar réunit les trois royaumes roi de Lithuanie; la couronne de Hongrie passa à Scandinaves sous un même souverain; mais cette Sigismond de Luxembourg qui avait épousé l'autre union ne fut jamais fermement établie, et de noufille de Louis le Grand. Sigismond renonça en 1392 veaux arrangements à l'égard des trois couronnes se à toutes ses prétentions sur la Russie rouge. produisirent pendant tout le quinzième siècle. Le duché de Cujavie fut jéuni au royaume de La Samogitie, cédée aux chevaliers teutons par Pologne en 1401 ; certaines parties de la Mazovie la Lithuanie (1405), réunit, les possessions de l'Ordre le furent également un peu plus tard. en Prusse et en Livonie. La Nouvelle Marche de Le nouveau roi de Pologne, Ladislas Jagellon, Brandebourg fut engagée à l'Ordre teutonique par abandonna la Lithuanie à son cousin Witold, sous Sigismond de Luxembourg (1402). Le reste de l'élecla condition de l'hommage (1392). A partir de ce torat resta à la maison de Luxembourg qui le posmoment, jusqu'à sa réunion définitive à la Pologne sédait depuis 1373; il passa en 1417 à la maison au seizième siècle, la Lithuanie fut gouvernée sépade Hohenzollern. rément par ses grands-ducs. Sous le premier de ces Louis le Grand, roi de Hongrie depuis 1342, grands-ducs elle fit des progrès considérables aux devint roi de Pologne après la mort de son oncle dépens des pays russes environnants ; Smolensk et Casimir III (1370) ; il annexa un peu plus tard les toute la Sévérie devinrent lithuaniennes (1392-1403), provinces de la Russie rouge à son royaume de et Kief se trouva placée au cœur du grand-duché. Hongrie (1377). Après sa mort (1386), la couronne
�EUROPE DU NOBD-EST
VERS 1480
Au premier traité de Thorn (1411), les chevaliers teutoniques abandonnent la Samogitie à la PologneLithuanie. En 1465, ils revendent la NouvelleMarche à l'électeur de Brandebourg, moyennant une clause illusoire de rachat. Au deuxième traité de Thorn (1466), ils abandonnent à la Pologne toute la Pomérélie avec Dantzig, ainsi qu'une partie de la Prusse comprenant Thorn, Culm, Marienbourg et l'évôché à'Ermeland ou Warmie. Toutes ces acquisitions formèrent la nouvelle province polonaise de Prusse occidentale. Le reste de la Prusse fut laissé aux Teutoniques moyennant le serment d'allégeance prêté à la Pologne. La Lithuanie cesse d'exercer sa suprématie sur les Tartares de Pérékop (1474). L'empire mongol du Kiptchack se démembre au quinzième siècle en un certain nombre de khanats : Crimée, Kazan, Astrakan, etc.
Le grand-duché de Moscou ou Moscovie s'annexe la république de Novgorod (1470), et celle de Viatka (1478); il se rend complètement indépendant du joug des Mongols d'Astrakan, qui continuaient à représenter le Kiptchack (1481). L'union du Sleswig et du Holstein est déclarée perpétuelle par le roi de Danemark Christian Ier d'Oldenbourg (1448'). Ce prince, qui devint ensuite roi de Norvège (1450), et roi de Suède (1458), fut élu plus tard duc de Sleswig et comte de Holstein, sous la promesse que ces fiefs ne seraient jamais réunis à la monarchie danoise (1460). Les royaumes de Hongrie et de Bohême, réunis en 1417 sous Sigismond de Luxembourg, se séparent de nouveau après la mort de son petit-fils Ladislas d'Autriche (1457). Le nouveau roi de Hongrie, Mathias Corvin, enlève à la Bohême la Moravie, la Silésie et la Lusace (1478).
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EUROPE DU NORD-EST VERS 1563 L'Union de Calmar, plusieurs fois dissoute depuis A p.artir de 1501 la Lithuanie eut le même sou1396, avait été rétablie par Christian Ier d'Oldenverain que la Pologne, mais elle continua à former bourg. Elle se modifia ensuite de la manière suiun état à part. vante : le Danemark et la Norvège formèrent un Après l'annexion à la Moscovië, de Tver, Riazan seul royaume sous la maison d'Oldenbourg, la Suéde et Pskof (1493-1533), la Russie devint de nouveau un autre royaume sous la maison de Vasa (1520un état unifié et indépendant, et après la soumis1523). sion des khanats de Kazan et d'Astrakan (1487Le margrave Albert de Brandebourg-Anspach est 1554), elle s'étendit jusqu'à la Caspienne. Toute la nommé grand maître de l'Ordre teutonique (1511). Sévérie, avec Tchernigof, Smolensk et NovgorodIl se sépare des chevaliers livoniens (1515-1521), et Séverski, fut reprise à la Lithuanie ainsi que Pose fait nommer un peu plus tard duc héréditaire de lolsk au nord de la Duna (1480-1563). Prusse sous la mouvance de la Pologne (1525). Après la mort de Mathias Gorvin (1490), la HonL'Ordre deLivonie se désagrège à son tour (1558). grie élut pour roi Ladislas II Jagellon, déjà roi de La Courlande et la Sémigalie deviennent alors Bohème. Son fils Louis II lui succéda en 1516 et un duché héréditaire sous la mouvance de la Pologne. périt à Mohacz (1526). Les royaumes de Bohême et La Livonie finit par être partagée entre la Pologne de Hongrie passèrent alors à Ferdinand Ier d'Auet la Russie (1562). La Suède s'empare de YEstho- triche (1527). nie, et le Danemark, qui avait occupé la Livonie Après la mort du roi de Danemark Frédéric Ier pendant un moment, conserve la possession des d'Oldenbourg, les duchés de Sleswig et de Holstein îles de Dago et Œsel. furent partagés entre ses trois fils (1544).
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EUROPE
DU
NORD-EST
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1618. possession de Smolensk, de Tchernigof et de la plus grande partie des anciennes conquêtes de la Lithuanie au delà du Dnieper (1618). D'un autre côté, les Cosaques du Don reconnurent la suprématie de- la Russie (.1577), et la conquête du khanat de Sibérie fut commencée par les Russes (1581). Les duchés de Slesiuig et de Holstein, partagés une première fois en 1544 entre les trois fils de Frédéric Ier, sont partagés à nouveau en 1580; c'est là l'origine des deux lignes co-régnantes de HolsteinGluckstadt ou ligne royale, et de Holstein-Gottorp ou ligne ducale. L'électeur de Brandebourg reçoit en 1611 l'investiture éventuelle du duché de Prusse par le roi de Pologne, et en 1612 le serment de fidélité des Etats.. Lorsque le duc de Prusse, Albert-Frédéric, son parent, meurt en 1618, il lui succède sans aucune difficulté, et le duché de Prusse est réuni pour toujours à l'électorat.
L'Union de Lublin consacre la réunion définitive de la Pologne et de la Lithuanie (12 août 1569). Le roi de Pologne renonce à tous les droits que la famille des Jagellons avait eus jusqu'alors sur la Lithuanie. Une parfaite égalité de droits est établie entre les deux gouvernements, qui restent différents sous un môme chef. La partie septentrionale de la Livonie est cédée à la Pologne par la Russie (1582). Après plusieurs années de troubles intérieurs pendant lesquels la Russie eut à lutter contre les Suédois et les Polonais, et qui amenèrent le couronnement d'un prince polonais à Moscou (1606), la Russie recouvre son indépendance avec la maison de Romanow (1613). Au traité de Stalbova. (1617), elle abandonne définitivement à la Suède la Carélie et l'Ingrie, et elle se trouve ainsi complètement séparée de la mer Baltique. L'année suivante une trêve de quatorze ans est conclue avec la Pologne, qui rentra de la sorte en
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EUROPE DU NORD-EST
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La Suède enlève à la Pologne Riga et la plus grandepartie de la Livonie (1621-1625). En 1645, la Suède acquiert les îles de Dago, Œsel et Gottland aux dépens du Danemark, et les provinces de Jamteland et d'Hertjedalen aux dépens de la Norvège. Au traité de Roskild (1658), le Bohùslan, province méridionale de la Norvège, ainsi que les provinces danoises de Halland, Scanie et Blékingie sont cédées à la Suède. Drontheimet Bornholm, également cédées par ce même traité, ne furent pas pour la Suède des possessions durables. Au traité de Westphalie (1648), la Suède reçoit la Pomêranie occidentale avec Stettin, Rùgen et les embouchures de l'Oder, la ville de Wismar sur la Baltique, l'archevêché de Brème et l'évêché de Verden sur l'Océan. Le traité d'Andraszovo (1637) restitue à la Russie presque tous les territoires qu'elle avait dû céder à la Pologne cinquante ans auparavant.
La frontière russe fut portée un peu plus tard au delà du Dnieper de manière à comprendre Kief. La Pologne renonça en outre en faveur de la Russie à sa suprématie sur les tribus de Cosaques cantonnées entre le Bug et le bas Dnieper (1686). Un peu auparavant, elle avait dû céder la Podolie aux Turcs (1672-1676). En 1635, la Lusace passe de l'Autriche à la Saxe. La Pomêranie à l'est de l'Oder est réunie au Brandebourg (1637-1648!. Le duché de Prusse, devenu tout à fait indépendant delà Pologne (1647-1657), est érigé en royaume à partir de 1701. Le roi de Danemark abandonne tous ses droits de souveraineté sur les districts gottorpiens du Slesivig et du Holstein (1658). Les comtés d'Oldenbourg et de Delmenhorst sont attribués par décision impériale au Danemark (1678).
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1772
Aux traités de Stockholm (17.19-1720), la Suède renonce h -Brême et à Verden, conquis en 1715 par le Danemark et cédés ensuite par lui au Hanovre
(1719).
L'Autriche obtient certaines parties de la Petite Pologne, de la Russie rouge et de la Podolie qui formèrent le royaume de Galicie et Lodomérie. Le comté de Zips, qui avait été engagé en 1412 par le roi de Hongrie au roi de Pologne, est incorporé à la Hongrie. Le roi de Prusse s'empare de la Silésie (1741), et la cession lui en fut plus tard confirmée par l'Autriche. Le roi de Danemark obtient la cession de la partie gottorpienne du Sleswig (1720). Au traité de Czarko-Sélo (1773), le duc de Holstein-Gottorp, Paul, fils de l'empereur de Russie Pierre III, abandonne toutes ses prétentions sur le Holstein et le Sleswig au roi de Danemark, en échange des comtés à'Oldenbourg et de Delmenhorst, qui furent cédés la même année à la branche cadette des Gottorp-Eutin.
Elle abandonne à la Prusse une partie de la Pomêranie à l'ouest de l'Oder, avec Stettin, les bouches de l'Oder et les îles à'Usedom et de Wollin. Au traité de Nystadt (1721), la Suède abandonne à la Russie la Livonie suédoise, l'Esthonie, l'Ingrie, une partie de la Garélie et de la Finlande, ainsi que les îles de Dago et (Esel. Au premier partage de la Pologne (1772), la Russie obtient la Livonie polonaise et tous les anciens pays russes que la Pologne conservait encore à la droite de la Duna et à la gauche du Dniéper. La Prusse occidentale moins Dantzig et Thorn, certaines parties delaGujavie et de la Grande Pologne qui formèrent le district de la Netze, passent au royaume de Prusse.
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NORD-EST
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Au second partage de la Pologne (mars 1793)? la Prusse obtint tout ce qui restait de la Grande Pologne et de la Gujavie avec une partie ' de la Mazovie; ces pays formèrent la nouvelle province prussienne de Prusse méridionale. La Russie obtint le reste de la Podolie et de l'Ukraine avec la plus grande partie de la Lithuanie et de la Volhynie. Au troisième partage de la Pologne (octobre 1795), la Prusse s'augmenta d'une nouvelle province, qui reçut le nom de Nouvelle-Prusse orientale: elle comprenait quelques cantons de l'ancienne Lithuanie à l'ouest du moyen Niémen, avec la majeure partie de la Podlasie et de la Mazovie; une partie de la Petite Pologne fut en outre ajoutée à la Silésie. L'Autriche eut la majeure partie de la Petite
Pologne avec Cracovie, Sandomir et Lublin, ainsi que les parcelles de la Mazovie, de la Podlachie et de la Podlasie comprises entre ja Vistule et son affluent le Boug; toutes ces acquisitions formèrent la province autrichienne de Nouvelle-Galicie. La Russie obtint tous les pays situés à la droite du Niémen et du Boug, affluent oriental de la Vistule, le reste de la Lithuanie et de la Volhynie, ainsi que la Courlande et la Samogitie qui étaient des provinces vassales de la Polog'ne. La Bussie s'était en outre annexé ( 1783) le khanat de Crimée (Tauride), et la frontière russe fut alors portée de .ce côté jusqu'au Kouban. Les conquêtes à'Oczakof et du Jédisan sur les Turcs lui donnèrent tout le littoral de la mer Noire jusqu'aux bouches du Dniester (1791).
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EUROPE DU NORD-EST
1809
Après la disparition de l'empire d'Allemagne (1806), les fiefs que' les rois de Danemark et de Suède occupaient dans cet empire, Holslein et Pomêranie suédoise, furent complètement incorporés à leurs royaumes. Au traité de Tilsitt (1807), la Prusse abandonna toutes les acquisitions qu'elle avait faites aux deux derniers partages de la Pologne. Elle garda seulement la Prusse occidentale, telle qu'elle l'avait reçue au premier partage, c'est-à-dire moins Dantzig et Thorn. La première de ces villes forma une république séparée. Le petit district lithuanien de Bialystock fut donné à la Russie. Tous les autres territoires polonais de la
Prusse formèrent le duché, de Varsovie. L'électeur de Saxe, élevé depuis peu au titre royal, et admis à ce titre dans la Confédération du Rhin, devint le souverain héréditaire du duché de Varsovie, qui ne fit pas partie de la nouvelle confédération germanique. Au traité de Vienne (14 octobre 1809). le duché de Varsovie fut agrandi aux dépens de l'Autriche ; il reçut ainsi les villes de Cracovie et de Lvblin, la totalité de la nouvelle Galicie et un district de l'ancienne. Le traité de Friederickshamni, qui termina la dernière guerre entre la Suède et la Russie (sept. 1809), donna à la Russie la Finlande jusqu'à la Tornéa, et les îles à'Aland
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LES ROYAUMES ESPAGNOLS
1030
Les premiers Sarrasins qui envahirent l'Espagne au huitième siècle s'emparèrent de toute la péninsule (710-713), sauf la région montagneuse du nordouest, qui forma un peu plus tard le royaume d'Oviédo (753). Ce royaume fit des progrès aux dépens des Musulmans et il s'augmenta notamment de la Galice. Au commencement du dixième siècle il devint le royaume de Léon (916). Les Sarrasins d'Espagne s'étaient emparés également de la province gauloise de Sèptimanie, mais celle-ci leur fut reprise plus tard par les Francs (752-753). Les Francs envahirent à leur tour la péninsule hispanique, et la partie du nord-est, depuis Pampelune jusqu'à Barcelone, forma la Marche espagnole des Carolingiens (778-801). Dans le cours du neuvième siècle, le pays de
Pampelune se détacha de la Marche espagnole pour former un royaume qui, sous Sanche le Grand (1000-1035), prit une extension considérable. Outre la Castille, enlevée au royaume de Léon (1028), la Navarre de Sanche le Grand comprenait les provinces maritimes à'Alava, de Biscaye et de Guipuzcoa, ainsi que les comtés à'Aragon, de Ribagorce et de Sobrarbe, qui dépendaient également dans le principe de la Marche espagnole. L'émirat ommiade de Gordoue, qui s'était rendu indépendant du califat de Ragdad en 755, et qui était devenu un autre califat en 914, se démembra au onzième siècle, et une multitude de petits royaumes musulmans, Tolède, Badajoz, Saragosse, etc., prirent ainsi naissance
(1028-1031).
�LES ROYAUMES ESPAGNOLS
1210
Les possessions de Sanche le Grand formèrent après sa mort (1035) quatre royaumes : Navarre, Castille, Aragon et Sobrarbe. Ces deux derniers furent réunis en 1040. En 1037, le roi de Castille réunit à son royaume Léon et la Galice; mais cette union subit dans la suite de nombreuses fluctuations, et les deux royaumes furent de nouveau séparés pour près de soixante ans. Les royaumes à'Aragon et de Navarre, réunis en 1076, se séparèrent de nouveau en 1134. Le royaume de Navarre perdit ses provinces maritimes qui passèrent au royaume de Castille (1200). L'union du comté de Barcelone avec le royaume à'Aragon (1151) fut suivie d'une extension considérable du royaume d'Aragon en dehors de la pé-
ninsule. Ce royaume comprenait le Roussillon et la Cerdagne, le marquisat de Provence et un certain nombre d'autres fiefs toulousains : Carcassonne, Albi, Nîmes, etc. Le comté de Portugal est donné (1094) à un prince français à titre de vassal de la Castille; il se rend indépendant en 1137 et devient un royaume en 1139. Les progrès des différents états chrétiens de l'Espagne, arrêtés momentanément par l'invasion des Almoravides (1086), recommencèrent au douzième siècle pour se briser de nouveau devant celle des Almohades (1146). Mais au commencement du treizième siècle, le Tage était redevenu la frontière chrétienne du côté de l'ouest, et l'Êbre celle du côté du nord-est.
�LES ROYAUMES ESPAGNOLS
1360
La puissance.des Almohades fut complètement brisée après la défaite de Navas de Tolosa (1211). Les trois royaumes de Castille, de Léon et de Portugal firent alors de grands progrès vers le sud. Castille et Léon. — La réunion définitive des deux royaumes eut lieu en 1230, sous le règne de Ferdinand III. Ce prince fit la conquête des grandes villes situées dans le bassin du Guadalquivir, Cordoue, Jaen, Sévtlle (1236-1248); le roi maure de Grenade se déclara son tributaire 112,38). Lasoumission du royaume de Murcie, commencée sous son règne (1243), fut achevée sous, ses successeurs, ainsi que la conquête de Nibla et de Tarifa (1253-1285). Aragon. — L'Aragon fit la conquête des îles Baléares (1228-1236), et celle du royaume de Valence (1237-1305).
Après la révolte des Vêpres siciliennes, l'île de Sicile se donna au roi d'Aragon (1282). Les Pisans consentirent à reconnaître la suprématie du roi d'Aragon pour l'île de Sardaigne
(1324).
Le roi d'Aragon fut affranchi de toute vassalité à l'égard de la France, pour la Catalogne, le Roussilton et la Cerdagne, moyennant l'abandon de tous ses droits sur les autres fiefs que l'Aragon possédait au nord des Pyrénées (1258). Portugal. — Le Portugal conquit sur les Musulmans tous les pays compris entre le Tage et la basse Guadiana, et même quelques points situés à l'est de ce dernier fleuve (1217-1256). Tous ces pays formèrent le nouveau royaume portugais à.' Algarve.
�LES ROYAUMES ESPAGNOLS ET LEURS DÉPENDANCES EN EUROPE
SOUS CHARLES-QUINT.
La prise de Grenade met fin à la domination des Maures en Espagne (1492). Les couronnes de Castille et d'Aragon sont réunies après l'élection de Ferdinand d'Aragon au trône de Castille (1506). Ce prince conquit définitivement le royaume de Naples, qui, réuni alors à la Sicile forma le royaume des Deux-Siciles (1503), il fit également la conquête de la partie de la Navarre située au sud des Pyrénées (1513-1515). Après la mort de Ferdinand le Catholique (1516) les royaumes de Castille et d'Aragon, avec leurs dépendances en Europe (les Baléares, la Sardaigne et les Deux-Siciles), passèrent à son petit-fils Charles Ier d'Autriche, qui était déjà en possession, depuis la mort de son père Philippe le Beau (1504),
des Pays-Bas bourguignons et du comté de Bourgogne. Sous le règne de ce prince, empereur d'Allemagne sous le nom de Charles-Quint (1519-1555), de nouvelles provinces furent ajoutées aux PaysBas (1515-1543); la Flandre et l'Artois furent en outre affranchis de tout hommage envers la couronne de France (1526). Il occupa le duché de Milan à la mort de son dernier duc François Sforza. (1535), et il fit la conquête de Tunis (1531). De grandes conquêtes en Afrique furent faites dès le quinzième siècle par le Portugal, qui fonda ainsi (1415-1471) un nouveau royaume d'Algarve d'outre-mer. La plus grande partie de cette domination africaine du Portugal s'effondra au seizième siècle.
j
�PL.69
L'île de Bretagne, abandonnée au commencement du cinquième siècle par les armées romaines, n'avait pas tardé à être envahie par les Jutes (449). puis par les Angles et par les Saxons. Les Bretons furent refoulés à l'ouest, et au huitième siècle ils formaient trois principautés : West-Wales, North-Wales, et Strathclyde, Cumbrie ou Cumberland.
Les Anglo-Saxons formaient sept royaumes : Wessex, Sussex, Essex, Mercie, Est - Anglie, Northumbrie ou Northumberland et Kent. Le nord de la Bretagne était toujours occupé par les Picts et les Scots ; ces derniers étaient venus de l'île voisine d'Irlande, qui s'appelait primitivement Hibernie ou Scotie,
�ILES BRITANNIQUES
Iles Shetland
Mainland
vers to65
Échelle de i : 6.000.000
Kilomètres
Explication des Couleur
Royaume il'Ang letern Hayaiaite'd'Scas""fai/s de-Galles. Irlande'. Possessions Scandinaves. feirnite.des popuZertions asi.gialscs eV danoises ot^lPal" linastrasse (Traité de/8^8' /
La suprématie du royaume de Wessex fut reconnue par les autres royaumes anglo-saxons sous le règne d'Egbert le Grand (803-237), les Bretons de West-Wales ou tlornouailles commencèrent également à être soumis pendant ce règne. Au neuvième siècle, le roi de Wessex, Alfred le Grand, abandonne aux Danois la Mercie orientale, l'Est-Anglie et le Deira ou Northumberland méridional ; la Bernicie devient un royaume séparé (traité de 878). Au commencement du siècle suivant, le roi de Wessex étendit sa frontière immédiate jusqu'à l'Humber, et sa suprématie fut reconnue par tous les princes teutoniques et celtiques de l'île de Bretagne (910-954); il devint alors véritablement roi à?Angleterre. La réunion des Picts et des Scots (843) fut l'origine du royaume d'Ecosse. Le petit royaume breton de Cumberland,
après avoir été conquis par [Angleterre, fut donné comme fief au roi d'Ecosse (945). La Bernicie septentrionale ou Lothian passa à l'Ecosse (966 ou 1018), mais en restant un comté dépendant du royaume d'Angleterre. Le pays de Galloway , au sud de la Clyde, conserva pendant longtemps une existence indépendante et ne fut complètement incorporé à l'Ecosse qu'au treizième siècle. Les Northmans ou Scandinaves venus de la Norvège, qui avaient envahi les iles Britanniques. aux huitième et dixième siècles, occupaient encore à la fin du onzième, la partie septentrionale de l'Ecosse (comtés de Caithness et de Sulherland), ainsi que les îles situées au nord et à l'ouest ; leur domination avait presque entièrement disparu de l'Irlande après la bataille de Clontarf (1012).
�PL.71
ILES BRITANNIQUES
vers i4-85
La domination Scandinave dans les îles Britanniques disparaît presque entièrement au treizième siècle. Les comtés de Çaithness et de SutheHand passèrent sous la suprématie écossaise (1203); les îles Hébrides et Man un peu plus tard (1263-126(1). Les îles'Orcades et Shetland, données en gage à la couronne d'Ecosse (1469). n'ont pas cessé depuis celte époque de lui appartenir. Après quelques iluctuations, le Cumberland passa définiti voment. à l'Angleterre (1092). La conquête du Pays de Galles, commencée sous Harold (1063). fut complètement achevée en
1282, mais son incorporation immédiate à l'Angleterre n'eut lieu que sous Henri VIII (1535). Toute l'Irlande reconnut momentanément la suprématie de Henri II (1171). Mais la domination réelle de l'Angleterre subit de nombreuses fluctuations jusqu'au seizième siècle ; elle porta jusqu'à cette époque le nom de Pale, avec Dublin comme centre. , , Les îles normandes, Jersey, Guernesey, Aldemey, Sark. restèrent attachées à la couronne d'Angleterre,. après que celle-ci eut perdu le duché de Normandie (1203-1205).
�PL.72.
LES COLONIES ANGLAISES DANS L'AMÉRIQUE DU NORD
EN
1783
La première colonie anglaise de l'Amérique du Nord fut celle de Virginie qui remonte au commencement du dix-septième siècle [1607). L'émigration des Puritains amena ensuite la fondation des états de la Nouvelle-Angleterre, qui se trouvèrent réduits, à la fin du dix-septième siècle, à quatre états distincts : Massachussetts, New-Hampshire, Connecticut et Rhode-Island. Un autre groupe de colonies anglaises se forma plus au sud, autour de la Virginie comme centre ; celles de Maryland (1632) et de Caroline (1663); cette dernière se divisa plus tard en Caroline du nord et Caroline du sud (1720).
Entre ces deux groupes de colonies anglaises il s'en forma un de colonies hollandaises; lorsque ces dernières eurent été annexées à l'Angleterre (1664). Nouvelle-Amsterdam devint New-York. Dans cette même région furent fondées la colonie de Jersey (1665-1702), celle de Pensylvanie (1682) dont on détacha plus tard l'état de Delaware (1703) : enfin, tout à fait au sud, la colonie de Géorgie. Toutes ces colonies furent affranchies de la domination anglaise par le traité de Paris (1783). Mais l'Angleterre conserva YAcadie ou Nouvelle Ecosse et l'île de Terre-Neuve cédées par la France en 1713, et le Canada cédé également par la France en 1763.
�PL.73 .
I-ISPHERE
ÉTATS, COLONIES,
Lignes de navigation.
/(] OCÉAN
GLACIAL
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Grandes lignes de-nat»igaiion/à oapctts* Lignes irajiscoThtinentaies de-chemins desfèr Rûaies découvertes dans l&Nord/reconnues impraticable. £ùn lies des Stats ûrondes lignes de^ chemins desfer -
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1|1- Grèce et régions voisines d'après Homère|7
1|2- La Grèce et les colonies grecques|8
1|3- Grèce au cinquième siècle avant J.-C.|9
1|4- Empire d'Alexandre vers 323 avant J.-C.|10
1|5- Royaumes des successeurs d'Alexandre vers 300 avant J.-C.|11
1|6- Les pays Egéens au commencement de la guerre de Cléomène, vers 227avant J.-C.|12
1|7- Italie avant la domination romaine|13
1|8- Les pays Méditerranéens au commencement de la seconde guerre Punique, 219 avant J.-C.|14
1|9- Domination Romaine à la fin de la guerre deMithridate, 64 avant J.-C.|15
1|10- L'Empire Romain à la mort d'Auguste, 13 après J.-C.|16
1|11- L'Empire Romain sous Trajan, 117 aprèsJ.-C.|17
1|12- L'Empire Romain divisé en préfectures, 523 après J.-C.|18
1|13- Europe pendant le règne de Théodoric, vers 500 après J.-C.|19
1|14- Europe à la mort de Justinien, 565|20
1|15- Europe à la fin du septième siècle, 695.|21
1|16- Empire des Arabes dans sa plus grande étendue|22
1|17- Europe au temps de Charlemagne, 814|23
1|18- Partage de l'Empire d'Occident au traité de Verdun, 845|24
1|19- Partage de l'Empire d'Occident en 870|25
1|20- Partage de l'Empire d'Occident en 887|26
1|21- Europe Centrale, vers 980|27
1|22- Europe Centrale, vers 1180|28
1|23- Europe Centrale, vers 1560|29
1|24- Europe Centrale, vers 1460|30
1|25- Europe Centrale, vers 1555|31
1|26- Europe Centrale, vers 1660|32
1|27- Europe Centrale en 1780|33
1|28- Europe Centrale en 1801|34
1|29- Europe Centrale en 1810|35
1|30- Europe Centrale en 1815|36
1|31- Europe Centrale en 1860|37
1|32- Europe Centrale en 1871|38
1|33- Limites de la France en 1555-1715-1791-1871|39
1|34- Allemagne vers 1550|40
1|35- Italie vers 1575|41
1|36- Les Pays-Bas après le traité de Munster, 1648|42
1|37- Europe du Sud-Est vers 950|43
1|38- Europe du Sud-Est vers l'an 1000|44
1|39- Europe du Sud-Est vers 1040-1070|45
1|40- Europe du Sud-Est vers 1105|46
1|41- Europe du Sud-Est vers 1181|47
1|42- Europe du Sud7Est vers 1212|48
1|43- Europe du Sud-Est vers 1540|49
1|44- Europe du Sud-Est vers 1554|50
1|45- Europe du Sud-Est vers 1400-1410|51
1|46- Europe du Sud-Est vers 1444|52
1|47- Europe du Sud-Est vers 1464|53
1|48- Europe du Sud-Est vers 1672|54
1|49- Europe du Sud-Est vers 1700|55
1|50- Europe du Sud-Est vers 1727|56
1|51- Europe du Sud-Est vers 1861|57
1|52- Europe du Sud-Est vers 1881|58
1|53- Europe du Nord-Est vers l'an 1000|59
1|54- Europe du Nord-Est vers 1220|60
1|55- Europe du Nord-Est vers 1270|61
1|56- Europe du Nord-Est vers 1550-1576|62
1|57- Europe du Nord-Est vers 1386-1405|63
1|58- Europe du Nord-Est vers 1480|64
1|59- Europe du Nord-Est vers 1565|65
1|60- Europe du Nord-Est vers 1618|66
1|61- Europe du Nord-Est vers 1701|67
1|62- Europe du Nord-Est vers 1772|68
1|63- Europe du Nord-Est vers 1795|69
1|64- Europe du Nord-Est vers 1809|70
1|65- Les Royaumes Espagnols en 1050|71
1|66- Les Royaumes Espagnols en 1210|72
1|67- Les Royaumes Espagnols en 1560|73
1|68- Les Royaumes Espagnols et leurs dépendances en Europe sous CharlesQuint|74
1|69- Iles Britanniques au huitième siècle|75
1|70- Iles Britanniques vers 1065|76
1|71- Iles Britanniques vers 1485|77
1|72- Les Colonies anglaises dans l'Amérique du Nord en 1785|78
1|73- Planisphère, États, Colonies|79
1|73bis- Possessions transcaucasiennes de la Russie|6