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f0609dca4818099d13ef1c8d9bae96e8
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A name given to the resource
Ouvrages remarquables des écoles normales
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Title
A name given to the resource
Morale professionnelle
Subject
The topic of the resource
Morale
Instituteurs (enseignement primaire) -- Déontologie
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Augé, Louis
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Librairie Delagrave
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1935
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2017-06-09
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
http://www.sudoc.fr/120833794
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
1 vol. au format PDF (249 p.)
Language
A language of the resource
Français
Type
The nature or genre of the resource
Text
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MAG DD 37 053
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Ecole normale de Douai
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Université d'Artois
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�BIBLIOTHÈQUE
~omans Nouvelle.r Variétés
Les ouvrages qui composent cette nouvelle collection sont choisis armi ceui: que préfère a jeunesse
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LA llEINE DES NEIGES par Andersen FllANÇOIS BUCHAMOll
par A. Assollant
LE COLONEL CHABEllT par H. Je Bal{a& HISTOillE Df: MA 13" ANNtE par S. T. Aksako/f CONTES CHOISIS par Boccace LA CASE D:E L'ONCLE TOM P"' H. Beecher-Stowe
�JUVENTA
Chaque volume J 2x 18,5, . illustré, se vend broché, couverture couleurs, ou relié rouge.
par N. Brunel et
J~AN DE LA FONTAINE
J.
Morlins
LE PETIT LO}lD
par F. H. Bumett
LES CHEI(CHEUllS D'ÉPAVES
par M. Cltampagne
JEAN PACIFIQUE
par M. Cltampagne par
LE PETIT FAUCONNIE!\ DE LOUIS XIII
J.
Cltancel
LE DE}lNIEll DES MOHICANS
par F. Cooper
��MORALE
PROFESSIONNELLE
�A LA MÊME LIBRATR IE
DU MÊME AUTEUR
Pédagogie générale. Un vol. in-16, cart. Manuel du C. A. P. Épreuve écrite, 28 sujets étudiés.
Un vol. in-16, broché ou carl.
Pédagogie spéciale (avec M. DE PAEMELA111111). Un vol. in-16,
cart.
Législation scolaire (ave,c la collaboration de M. oe PAEMBLAERE). Un vol. in-16, cart.
Pages choisies de Pédagogie contemporaine, par C. SAvA11T. Un vol. in-16, broché ou cart.
�BIBLIOTHÈQUE DES ÉCOLES NORMALES
MORALE
PROFESSIONNEI~LE
PAR
Louis AUGÉ , . "
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PARIS
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Médiathèque ,t,, Site de Douai 161 , rue d'Esquerchin / B.P. 827 . f 58508 DOUAI Tél.0327935178
15
DE LAGRAVE
SOU.PLOT,
1936
�Tou• droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Copyright by Librairie Delagrave, 1932
�CHAPITRE PREMIER
La culture professionnelle. L'éducation de !'Institu-
teur doit se prolonger toute la vie. Rôle des Conférences Pédagogiques. Nécessité de lutter contre les -retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement.
L'exercice de toute profession suppose des connaissances techniques et l'aptitude à les utiliser. La ça[eur des resultals se lie à leur deçeloppement: en s'elargissant, la theorie façorise le succès de la pratique: en retour, un meilleur ajustement de celle-ci aide à mieux comprendre la portee des principes. Quelle que soit l'œuçre, la culture professionnelle apparaît necessaire : l'obligation de l'elendre et de la rehausser est d'autant plus imperieuse que se multiplient les diffecultes.
= 1.
La culture professionnelle de rtnstituteur doit se prolonger toute la vie. = Que
doit être cette culture, au regard de la profession d'Instituteur, d'une complexité si délicate? Tout dépend du but qu'on veut lui assigner. S'agit-il, simplement, d'enseigner les éléments du langage, de la lecture, du calcul, de l'écriture et quelques menus rudiments qu'il n'est point permis d'ignorer (sciences, géog1·aphie. histoire, etc.)? La technique peut se limiter à l'acquisition de ces notions et des procédés intéressant la façon de les enseigner. La pratique viendra vite d'une éducation à peu près bornée à des mécanismes, et elle se maintiendra d'autant plus ferme que ses progrès seront très limités .
�JJOIUl, E PROFESSIONNEUE
Mais une telle conception ne s'harmonise guère av ec la Constitution d'un pays où chaque citoyen est appelé à participer à la vie politique. La fonction de << maître d'école » doit y prendre plus de relief el s'él:irgir, par dèlà les ~ode~'t~~ ''acqaisitions de l'inte]!ig~nce, j~~~u'à l' ~~µc~HP ~ qes ~sprits et q~s cœurs : << Nous ne refusons• pas au plus modeste petit )f \ \ , ., VH l ,r pay~an 1~ c91t~re do~~ q ~§~ c:rna~le, car c'est Bé(;!hé HF hi~~!!r volontair~rnent µne inte\lig!!nce en friçpe. Toute facu\t~, ~9µ~ :;e11timent inconscient doit être cherché, éveillé, développé avec un soin pieux 1 • » En outre, un rôle social qui dépasse, et de beaucoup, le souci de débrouiller les enfants, incombe à l'instituteur : on attend de lui qu'il agisse sur ses semblables po\Jr les aider à mieux vivre, comme individus et comme citoyens. Les occasions d'intervenir ne manqu~nt cettes pas ·: conseils sQr la maniêre d'élever les enfants, f orienter leµrs aptitudes; indications discrètes sur les 'r épercussions de tel :\Cte, · de telle CO!~duite ; avis sur les r èg lements d'affaires litigieuses embrouillées; médiations adroites dans les querelles entre voisins, les brouilles de famille. Encore ce peuvent ê'tre : le's commentaires sagaces dès faits de la vie politique et économique, souvent méconnue, déformée par l'ignorance ou l'esprit de parti; l'ai~e généreusement !ion.née pour 1 ieux faire ·c omprendre 'n la portée d'éVéne'men!s 'su~·venus en pays ét~angers, les effets qu~ peuvent avoir, sur la vie n·a t~onale, les revendicatibhs ~ présentées par certaines catégories de citoyens, et tant d'aut~es questions, nées dû bouleversement économique consécutif à la guerre. « L'éducateur doit avoir égard aux besoi.c1s de son époque,
1. R. T11AMJN. Lecon d'ouverture du Cours de Science de l'Education. {R.evue Pédagogique, i88i. l
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�LA CULTURE PROFESSIONNELLE
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aux niœurs de ceux qui l'entourent. S1non, il ressemble à un élément éfranger à l'orgadisme et que le travail de la vie isole et repousse nécessairemen l I. » Tenir uri tel rôle avec autorité supposé bien des conditÎOÎls : un Sal'Otr lJ"énéral étend.u, bien assimilé, sâhs cesse accru et rat1.vé par les reclierches et les inéditatfons d'un esprit compréhensï'f, assôùpli, toujours en haleine; des connaissances techniquès précises, tfuari t aux progi-amJ11es d'enseignement et aux instructions qui les accon1pagnent, aux, mé~liodes et procédés 1 à la psychologie et à l'hygiène in.fantiles, à l'orientation professionnelle, aux i·èglements; 1'aptitud'e à enseigner, persuader, convaincre; par-dessus tout, un désir très çif âe réagir contre tout asse,·vissem'ent à la tâché habituelle, d~ ia do~iner, d'en sortir, 1nême, pour éviter « ce toUt pédâ,1t et étroit qu'on a reproché tant de fois à l'Îhstil'uteur et (JL;i tient à l'air renfermé qù'il respire 2 ». <( L'homme ciui ne sort pas de sa profession, dit 't rès justemerit BLACKIE, est toujours un esprit étroit. Pis qu.e cela: il est, dans ùn " ce'rtâin sens, un ~trè arlificiel, l'étrange prodüit de la spéaialité l~ch~tque, également fermé à la pleine vérité de la nâtÜre èt à la salutaire influence du commerce avec lés horrimes 3 • » Beaucoup de jeunes înaîtres pensent qu'ils en sa~ront toujoürs assez poùr exercer dans une classé élémentaire. Lebrs études, les èxaméns subis ~'affirment.ils 'point ùhè supéricfritê - écrasante - de ce qu'i}§ ?nt âppri's sùr ce qu'ils devront enseig~èr? S~n~ doùte. Mais qui se flatterâit de conserver intactes des cohn'âiss'a nces tôuchânt aux disciplines les pius <li verfait, l'exarhëi:i ses, Mtivèrûent acquises souvent?
En
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1.
DtESTERWEG.
OEuvres choisies (P. GoY) ..
T1u,;1N. Reyue Pédagogiqu~, 15 avril 1907. 3, J.-S. BucK111, Education de soi-même.
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MORALE PROFESSIONNELLE
subi, le savoir s'estompe, un lourd déchet se produit. Or, si le danger d'un tel amoindrissement n'apparaît point dans une classe de débutants, dès que le maître exerce dans les cours élevés, la nécessité de raviver ses souvenirs, de consolider et d'étendre ses connaissances, se manifeste avec une force de jour en jour croissante; s'il n'y satisfait, les flottements, les erreurs, même, apparaissent. Bien vite, les élèves remarquent ces insuffisances. Ils jugent sévèrement qui reste court dans ses explications ou s'en évade par une échappatoire. Pour être à l'aise dans un enseignement, pour lui assurer toute sa valeur éducative, il le faut dépasser, et de beaucoup. De même, comment se faire écouter, obtenir l'adhésion aux mesures prises dans l'intérêt de l'école, aux suggestions commandées par les circonstances, sans en imposer par l'autorité du savoir et du jugement? Or, cette autorité résulte d'un long et patient effort, d'un souci constant de s'élever au-dessus de la sécheresse des manuels et du terre à terre de la vie quotidienne, en se tenant au courant des publications nouvelles et des grands événements. Surtout, elle prend sa force dans la volonté de se perfectionner, d'exercer son jugement, de reconnaitre ses erreurs et de les méditer, pour en éviter le retour et en dégager les enseignements . Une telle formation ne s'acquiert ni en quelques mois, ni par tous au même degré. Minutieux labeur, que chacun produit à son heure, au gré de ses loisirs, et qu'il pousse plus ou moins loin, selon ses capacités, ses goûts, et les tendances de son esprit! Le champ d'action s'accroît sans cesse: tous les jours, le savoir se complète, s'élargit, se renouvelle; des progrès s'accusent dans la connaissance de la psychologie enfantine et, par là, apparaît la nécessité de retouches dans les méthodes et procédés pédagogiques. Il n'est aucune exagéra-
�U CULTURE PROFESS/ON!\'f;llE
t
tion à prétendre que l'éducation de l'instituteur lloit se poursuivre toute sa vie : toujours, en quelque endroit, se révèle la nécessité et la possibilité d'une perfe.ction.
= II. Comment se cultiver. = Les éléments de la culture professionnelle, pour l'instituteur, peuvent se ramener à la lecture et à la méditation, aux travaux personnels, aux voyages, à la fréquentation des gens instruits et des collègues expérimentés, aux conférences pédagogiqnes. a) La lec.t ure. - L'usage existe, dans certaines Ecoles Normales, d'encourager les élèves-maîtres sortants à constituer nne bibliothèque par l'attribution de quelques livres, de préférence des « ouvrages de fond, prose ou vers, qui seront souvent lus et médités et qui accompagneront !'Instituteur ou l'institutrice dans leur vie de travail1. » Mince bagage! Mais le jeune maître peut trouver, sans trop de frais, d'autr~s aliments pour ses lectures. D'abord la bibliothèque pédagogique, établie, parfois, au chef-lieu de canton, souvent dans l'arrondissement, presque toujours dans la circonscription d'inspection primaire, lui consent, moyennant une minime cotisation annuelle, des prêts aussi fréquents qu'il le désire. Les livres prêtés - et qui n'intéressent point la seule pédagogie, mais les arts et les sciences, l'histoire et la géographie, la littérature - circulent en franchise à l'aller et au retour'. Ensuite, la bibliothèque circulante du Musée pédagogique 8 lui offre, toujours gratuitement, un choix d'ouvrages d'allure
1. C. du 19 novembre 1912. 2. Loi du 30 mars 1902, art. 29, modifiée par la loi du 13 juillet 1925, art. 169. 3. 29, rue d'Ulm, Paria,
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MORALE P~OFESS/ONNELL-e
plus sévère : ils ont été, en principe, choisis pour les candidats aux exa_g1ens supérieurs de l'e1:seignement primaire. Occasiom~ellement, les biblio~h,èques scolaires présentent des livres distrayants. En dehors de ces organismes officiels, les divers catalogues des libr~iries 1 per~~ttent d'étendre heureusement le choix de~ lectures. De m~me, l'échange èle · re vues, d'ouvcages, organisé par quelques l!laisons d'édition. La ma_ti&~~ ne manq11e qonc pas. L'important est de savoir choisir. Quel genre de livres convient le mieux pour préparer l'In~ütuteur à sa ~âche? D'abord, ceux q1Ji (ont connaître l'homme, la cc;>mp,lexité, le~ difficultés qe son existence, !~s problèmes qu'elle pose ei qui développent la conscience du devoir, le sentiment de l'idéal à poursuivre. )je ce noi;ubre sont les moralis.tes, observateurs de la nature hu~}aine ou maîtres de la vie intérieure, ces experts en huo;i.açiité : MoNTAIGNE, L~ Bn,uYÈRE, ];>AsCAL, LA RocHEFoucAuLo, ces belles âll).es, à l'énergie morale vive et puis~ante: MARc-AuRÈLE, EPICTÈT~, N1coLB, E~rnnsoN, PÉc:AuT ... Sans doute, leur commei;ce su_ ppose-t-il, déj~, une certaine mat.u rité. Pour s'y. élever, que ne commencerait-on par les romaas, où l'on s'initie à la connaissance de l'homme et de la vie? Certes, il co,uvient d'écarter les relations d'aventures piqualiltes, les récits niais ou destinés à exciter les sens, comme il ne s'en trouve que trop dans la littératµre con.tempo1. Certaines publient des collections d'ouvrages dont le prix varie de 3,5.0, ~ 5 l:ran.cs, pa l' exemple : PLO!'l-NouRRIT. Les Editions cosmopolites, etc. Voit· également les collections NELSON et JuvENTA: à 7 f. 50 et les très intéressantes publication_ de la collection PALLAS, chez DE LAGRAVE (anthologiQs s réunissant les plus belles pages d'un auteur, d'une littérature, d'un genre littéraire. Prix 12 fr.).
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dnruÎ:i'E PROFESSIONNELLE
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raine. :Mais quel profit ne tirer_ait-rin d'1;1ne ie~ture attentive de BALZAC, de MÉRIMÉE, voire d'ûcTAVE FEUILL~T et de CHE111;ULIEZ; pl~s encore d~ cet analyste profond ' des passio,ns et, de ~eurs d~tours : PAU~ BouRGET, dont, a~ surplus, l~s d~rniers ou_ rage.s prév sentent l'avântage de faire réfléchir suries p~oblème~ les plus complexes et les plus délicats de la vie c~n~ temporairle 1 l Viendrô~t ensuite lés œuvres 7iistori~ue_s, m~ttant en relief !es lJ.pes les pl~s div_e~~ d'huma~Îté2, et _ le.~ nombreux documents tconfess10ns ou mémoires, autobiographies, correspondances) où l;aùte!lr ~e raconte lui-même ,dans sa vie intim~ ~t ses pensées, non dan: ses aventures ou ses exploits 1. L'histoù:e peut, avec l'econ~~ie p'ôl/Îiq~e, co~sti~ tuer un vaste chaml? d'.expérience , op, sans qu'?A puisse, à coup sûr, déterminer des lois füçes et immuables, s_io~serverit les éfféts que tè~â.~~i à pr~<lt:iir~ mœurs, institutioi:is, _ mesures légi~la.tive_ , l?tte~ d,e s classes ou de nations, phénomènes économiques. Il ne s_ 'agit point de së Ïipé_ ialiser, mais, de se doc~c menter de façon à veriir sûremént en àide aui igri~..:
1. Parmi l11s écriva.i ns de. notre ép,o,que, ,cf. .les œhvres. de L. I;lÉMOj'I, EsTAU,N~É, Alain FouRNIER, ~te., et celles., si .savoureuses, aes r~gionalistes : F. FAsRÊ, E. LE RoY, G. BÊAUMÉ, MosKLLY, ,GË,rnvorx, ,CJIATEAUBRIANT, P. DEVOLUY, î'EsQu11ioux, etc. On ,trouvera, dans beaucou.p de romanciers .. àhglais : '{11ACKERAY, CH. B110t"1TE, Mm? ,Çi-ASKELA, G. EuoT, WELLs; Kh~ LING, etc., un admirabl~ se.os sJe_ réalités humaines. De même; s en Espagne, avec BLASCO LeAi'i.Ez • . 2. T1TF,-.L1vE, Histoire romaine;. les trop légendaires Vies des hommes illustres, ,de ,PLU'l'I\.RQUE; Gu1zor : la, Révolution d'Angleterre; THIERS : Histoire du Consulat et de l'Empire, etc. 3. RoussEAU : Confessipns (extraits),; CHATEAUBRIAND : M.é-"!Oires d'Outre-Tombe; Qu1NèT : l;lisloire de 11ies idées; AM· PÈR,1! : .faurnq,l et Corresppndanee; les Journaux intimes d'AMIEL et de MARIE BAsHKIRTSEFF, etc.
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�MORAL& PROFBSSIONNF!tLE
ranls de bon sens et à décider des questions que pose la vie de chaque jour; encore, de dégager, des événements, les leçons qu'ils comportent. Les exemples sont nombreux d'obstacles venant heurter les réfor, mes les plus nécessaires, de répercussions in attendues déjouant les plus habiles. De ces indications et avertissements, il y a lieu de tirer profit, donc, de se persuader que : 1° les réformes sociales présentent de terribles difficultés, d'où défiance envers ceux qui croient tout conjurer, apaiser ou créer par le verbe; 2° les lois dominant les faits sociaux ne laissent point toujours prise à la volonté humaine : il ne faut point adhérer, sans réflexion, à un système de réforme sociale; 3° le passé mérite justice, il a construit le présent, et ce que l'on y condamne fut souvent inévitable, ou, même, bon en son temps. Cette documentation peut se poursuivre à l'aide de trois sortes d'ouvrages : ceux qui exposent quelque vaste période de l'histoire d'une nation 1, étudiée dans la complexité de son aspect; ceux qui embrassent l'histoire entière d'un peuple, aux fins d'en dégager les causes les plus profondes 1 ; enfin, ceux qui essayent de formuler des
1. Cf. l'un des dix-huit tomes de !'Histoire de France, publiée sous la direction de LAVISSE (Hachette). Pour comprendre le jeu des révolutions : Origines de la France contemporaine (TAINE); la politique des nations européennes : L'Europe et la Révolution française (A. SOREL); la naissance et l'expansion d'une religion: Origines du Christianisme (RENAN); la vie sociale d'un pays à un moment donné : Grandeur et décadence de Rome (G. FERRE KO), où se trouve, décri le de façon saisissante, l'agonie tumultueuse de la République romaine et l'éta·biissement du principat d'Auguste; L'Allemagne au
temps de la Réforme ( hNNSBN), La Renaissance en Italie
(BuaCKHARDT), etc.
2. MoNTEsQUIEV : Considérations sur là Grandeur et la Décadence des Romains; FusTEL DE Cou LANGES : La Cité antique; SisMONDI : Les Républiques italiennes; LucHAIRE : Les Démo-
�U CULTURE PltOFESSIONNELLE
13
lois générales, en comparant les histoires, au risque de ne rencontrer que des hypethèses 1 • Quant à l'économie politique, il suffira de lire et d'étudier, dans un grand traité ( LEROY· B HAULrnu-Ch. GrnE-CoLSON), les chapitres essentiels sur la propriété, le travail, le salaire, pour se préparer à l'étude d'ouvrages spéciaux où est discutée la réorganisation · sociale 2 • Par la suite, on pourra s'attacher à quelques-unes des questions particulières en lesquelles se décompose la question sociale : salaires, syndicats, possibilité des entreprises collectives, fonctionnement des industries d'Etat, étudiées tant dans leurs principes que dans leurs applications. Même limitées, de telles lectures amènent vite à cette double conclusion : 1° on n'improvise pas une opinion sérieuse sur les questions d'ordre politique, social ou religieux; 2° en l'nLsrnce de vérité définitive, on doit affirmer ses opi 1. :ons avec modestie, prudence, désir d'accepter la contradiction et de reviser ses décisions. De telles lectures · seront vraiment fructueuses si elles sont conduites avec une sage lenteur, en notant lès points qui méritent d'être retenus et médités, avec une réflexion et un sens critique sans cesse en
craties italiennes; CROISET : Les Démocraties antiques; PrnENNE: Les Démocraties des Pays-Bas; DrnLH : Venise, Byzance, etc. 1. A. COMTE : Cours de philosophie positive (trois derniers volumes); SPl!NCER: Principes de la Sociologie; BAcKLE: La Civilisation en Angleterre, etc. 2. Histoire des théories socialistes au x1x• siècle, telle que l'ont tracée E. FouRNIÈRE (Alcan) ou PAUL-LOUIS (Fasquelle); Exposé de l'organisation sociale par MENGER dans son Etat socialiste; de la question ouvrière par Lu10 BRENTANO. Cf. également : la Quintessence da socialisme par ScuAEFFLE (Bibliothèque socialiste de Ricdcr); les ouvrages <le PROUDHON :
Mémoires sur la Propriété, Co11tradiclions économiques; de BouHGUIN : Les Systèmes socialistes et l'evolution économique; de Fou1LLÉE : Le Socialisme et la sociologie ré[ormi.ste etc
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MORAU: PROFESSIONNELLE
évèii. L'exêÜ énerve l'esprit, comrri~ le désordre èohsaèré la fo~iné, la plus dange~êus~ de ia pare~s.e ihtellectuêlle : l'important est d'éviter Î'épa~pillemerlt ae l'attl:ihtion, de savoir concentrer ses acquisitions autbÙr tl'iqées-repè}e~, qui t'acili~ent i:~ss\milation j êt rêsuhfor Une appréciation générale, donnaiH plus de ~récÎsion ~u souveniî·. . . il) Les th1Paüx persônhels . -::- Quelques m~îtres y irouveht un heureilx Îndyen dJ ré~ction éo~tre Ï'inIlUence déprimante de l'isolement. D'auc~.n~, . i-i;iê~ e, y réussisséni hcellemment, des pr~grès ndtables ont éfé réalisés, daris ies recherch~s ~io,logitju~s ~u lîistoriqriês, par l'effort admirable de modestes institüteurfi r~raûx 1 • Parifii lés lJ!oyens qu'il indique aux rnaitr't.s <lésÎrèux de se c~liiver, DrnsTERWEG place l'étude de la nature : la èonnaissance de ses lois, mys~~ \·es d~ jad~s, coritribue à développer la raison, à éloigner de danf f / gereuses superstitions; elle donne, au maître, le respect de son entourage, q~i voit ên .l~i un, cen,!r~ d'instrûctidn et de culture. Le champ des recherches ne mânqu~ point d'ampl~ur,: la position de lt lçc;lité; éii relation avec les Î aits historiques et écono!Uiques.;, .sa géologie; sa flore, sa faunè; l'étude tlê son climat, de son ciel, etc. Une rti~nô~raphie préë~se, perit1diqti~mê.i;it re~isé~ èt qoÎnp,lJJ1/, rend~~jt excellërits sèrviËês et occ~pe~ait , qtil,ement le,s loisirs. D'autres voies s'ouvrent à qui veut étendre sa
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1. L'ûb il'eüx b'a-î-if poin't imaginé u~ perf~c{ionne~ept dé 1; technique sans-filiste, qJl a permis la ~ulg~h~.iqciu rnpic;le de_s appareils? ~ Tel àütrë a acquis, dans l'ét ude_dé .l~, préhistoir~, üne fl8tciriété universelle . Celui-ci a fourni une hon,o rable con".' tributiliri au progrès de la classification bot,aniq~e; ,ce,lui-là, grand dééhiffreur de chartes, a, heureusement, aidé à l'histoire du drdil français.
�LA CULTURE PROFESSIONNELLE
1a
vie iutellectuelle : l'étude des archives, les observat~?n'i? ~nétforologiqu~s, etc. · ' Ou o)?j(l2t~ra l'absence de pré_paratiou ~ çes études e~ le~ rpéè~rp,p~es nés d'une initiation ius~lli~a.nte à l.1 techni'!u!J. üutl'~ <{u 'il est d~s gpides et_ des ~auuels de pl!!~ en p,lus µombreux, cl~u·s et hie~ fa(ts, d~~ bibliothèques qui s' ouvren~ facilement aux c,l1e_~cbeurs laborie!}X, l'!~O[é p_eut, le ijlU~ S~UVeut, CO~npte_r SUf l'aide d 'ai~és expérimentés, anciens mai~res de l'Ecole t\on111le et, mème, ~pécialistes en exercice dan~ les facult~s. Seu!ement, c 'est c!e lui que <lépendront les résultats, p}us· que de ée concou1·s occas10nnel : « La vé~llé ~e. do~ne à qui la cherche; mais, pour la trouver, il faut être ~aillant, agile et tort. >> (.tseruard PALISSY.) \i fau~ don.c aimer el savoir travailler, c' esta-dire : tra vaiUer pour soi, pour le plaisir de la découverte iuteUectuelle, si modeste soit-elle; songer d ' avance à ce qu 'on fera et comm~nt ou le lera; « démaner » avec vigueur; ne faire q u'uue chose à la fois, mais bien, en mépt:isau~ tes sugge.stious de la paresse; réserver peu d 'heures aq 1abeur vrai, mais les consacrer entiereu;ieut au travail créateur, non aux p~tites besogues; le resle <lu temps, mûri,r qqelques idées essentielles, autour desliJuelies se g~·oupernut let, connaissances; se do.cu,menter par la cousultaüon d'ouvrages généraux, de périodiques, re· vues bibliographiques, comptes rendus des congrès, jou.,rnaux et th~ses, en prenant pour directive qu'e les recherches bibliographiques se l'o.u t par voie àsc~ndaute. U.u ordre rigoureux est indispensable dans le classemeu L <les fiches et notes 1. c) Les· voyages. _;_ Ils « étendent les idées et
' . ... 1. On trouvera d'utiles conseils dans l'ouvrag.e du. Dr p. CnA• vtGN: : Organisation ,du tr~1·ail intellectuel (pela,~1ç~ve) et da,_~s
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he Travail rntellectuel et la volonté (Àlc~n),
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,\IUIULE PJWFESSJONNELLE
rabattent l' amour-propl'e » - et, à ce titre, ils sont précieux . Malheureusement, ils coûtent cher. Toutefois, il en est de relativement bon marché et faciles à entreprendre autour de sa résidence, à pied, à bicyclette ou par quelque moyen de transport rapide et peu onéreux (autobus ). On ne saurait trop conseiller aux maîtres d'explorer, avec une sage lenteur, la région qu'ils habitent, de se documenter sur les centres attractifs dont dépend leur village, de s'interdire l'ignorance des priucipales agglomérations du d épartement et des départements voisins, afin de pouvoir répondre aux questions des élèves et donner une allure concrète, une précision vivante, aux enseignements in!é ressant la vie locale. Des groupements universitaires se forment, parfois, pour entre prendre des voyages dans les r égions les plus pittoresques de la France ou de l' étranger. Les dépenses sont, généralement, modestes et assez in férie ures à celles qui incomberaient à un voyageur isolé . D'autre part, si ces caravanes pass ent un peu trop rapide.ment dans les endroits où il y aurait intérêt à s'attarder, elles présentent les sérieux avantages d'une orgai:iisation expé rimentée; l'essentiel est vu, le temps économisé; les frais accessoires, souvent ruineux, sont réduits au minimum. Enfin, au cours de ces déplacements, des relations se nouent, des idées s'échangent; la révélation des caractères, la nouveauté des mœurs qui apparaissent permettent de réaliser de fructueuses observations. Tout est matière à étude et à réfl exion . De quels souvenirs ne revienton point chargé, et de quels documents (cartes pos: tales, guides, notes diverses), dont l'utilisation permettra de donner du relief, un puissant intérêt à maintes leçons! · d) Les conyersations. - Le commerce d'un esprit
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cultivé, celui de collègues avisés, heureux de rechercher les occasions de « parler métier», sont d'excellents moyens de lutte contre l'isolement. Certes, il est rare de trouver, dans beaucoup de villages, des personnes d'une instruction au-dessus de la moyenne ou de goûts artistiques développés. Par malheur, tl'op souvent, quand il s'en rencontre, l'instituteur et ellesmêmes croient devoir s'éviter, parce que de croyances ou de convictions différentes ou hostiles. C'est un tort. Pourquoi l'Institute'"ur, nouveau venu dans la commune, ne verrait-il point . le Prêtre, sans rien renier de lui-même? Pourquoi renoncerait-il à fréquenter tel médecin, tel artisan ou agriculteur. cultivés, qui, en matière de foi ou de politique, ne pensent point comme lui? Sans doute est-il prudent de compter avec les jugements simplistes de la masse, qui font, rapidement, naître la suspicion et condamnent sur des apparences. Mais, avec du tact, de la patience, de la fra11chise dans les allures et le langage, ne peut-on venir à bout de préventions illogiques? Sans compter qu'il y aurait, en maintes circ_ nstances, un bel exemple de tolérance à donner ..• o Ces entretiens, de par la nature même des in terlocu·teurs, élèvent au-dessus du terre à terre habituel; ils aident à assouplir la pensée, à élargir l'esprit par la confrontation des opinions, l'excitation en laquelle ils l'entretiennent. Une question s'éclaire à être vue sous un jour différent; les jugements se modifient et, avec eux, les opinions, parfois outrancières et injU!!tes. Du point de vue professionnel, la recherc}:ie des conversations entre collègues est à recommander : tantôt ce sont des « recettes et procédés » qu'on se communique et dont on discute, ou bien lies livres et revues, nouvellement parus;. tantôt, encore, ce sont des diffiC'ultés examinées en commun, les ennuis qu'on
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MORALE PROFESSTUNNELLE
essaie de combattre, ~e petites réunions où l'on fait un peu de musique, de lequre. Ces échanges de vues fou rn issen ~ d'instructives observations, des occasions de fortifier et d'affiner son esprit, v~ire t,~n goùt et ses sentiments. Encore, ils font naître de cordiales pensées. l\~ais c'est surtout dans ces réunions élargie~ de « gens du métier », appelées conférences pédagogiques, que qnstituteur trnuvera, s'il le veut, un adjnvaot puissant de sa formation professionnelle. e) Conférences pédagogiques. . . .:. . ~lies n~quirent du souci d.e soustraire le personnel enseignant « à celle influence de l'isole111ent qui paralyse peu à peu les volontés les pl us fermes 1 ». · 1° But et caractère. - Voilà bientôt un siècle (1837) que furent instituées c~s réunions périodiques d'instituteurs, appelés à <( conférer entre eux sur les diverses matières de l'enseignement, sur les méthodes et les procédés qu'ils emploient, sur les principes qui doivent diriger l'éducation des enfants ~t la conduite des maîtres 2 ». E lies ont survécu aux changements de régime et aux Auctqations de notre organisation sc"olaire. N'est-ce point !a meilleure démonstration cle leur excellence? C'est que \eur destinée s'éleva :apidement vers des fins hautement morales. «Ens~ rl}pprncl,l,ant en des conférences périoJiques 3 , les instituteurs n'apprendront pas senlerne1!l à discuter e[I, commun les questions de méthode, les points de doctrine, les procédés et les livre~, tous les détl!iis d~
t. C. du 10 août 1880. 2. Art. 1•• du ~èglement du !0 f~vrier 1~~7. CeHe qéfinition des Conférences pédagogiques a ëté maintenue dans so'n esprit lors de la réorgauisation de 1880 (Arrêté' du 5 juin ' êt C. du 10 août) et de la réceute réforme de 1925 (A. du 9 février), S, C. du 10 août 1880.
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LA CULTURE PROFESSIONNELLE
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l'orga,iis,ation scolaire; ils y trouveront, par si:Jrcroi~, l'occasion de nouer ensenible de bonnes relations de confra_ ternité et de multiplier leurs rapports avec lezti-s chefs hiérarcliiques, c'est-à-dire de créer entre eux, libre1i1eht 1 cette communauté d'esprit et cette solidarité protessionnelle qui fait la puissance et la digrritë du corps enseignant. >> Avec raiso,1, les instructions officielles ont Soti ligné, à maint es reprises, que lés sujets étudi és doivent l'être cc à un point de vue essentiellemenl pratique ». Trnp souvent, les questi@ns d'é d ucation ont servi de tlièn1e à de vaines 8.éclamations. lJes plans chii11ériques, des théories ambitieuses et viLles ont, parfois, compro~is plutôt qt.i'avancé le progrès . Or, la pédagogie est une science positive, qui s'appuie sur l'action. cc Mettre en commun le fruit de l'expérience scolaire quotidienne, se communiquer mutuelle ment les pet iles découvertes pratiques ciue chacun a faites danJ sa classe, s'éclairer par la discu ss ion, non sur des vants systèmes, mais sur les réalités de l'école primairé, c'est là le véritable but des Conférences. » Des questions d'administration scolaire peuvent, également, y être traitée s. A l'ori gi ne, elles étâient trimestrielles; par la suite, elles sont devenues bisannbelles, puis annuelles. Eii principe, on les organise dans chaque canton; cependant, deux ou plusieurs cantons peuvent êt re réuni~. L'inspecteur d'Académie accorde, sur demànde mdiivée, des dispenses individuelles . 2° Organisation el fônëiionnement. - Là datè, le lieu et l'ordre du jp!]r ,d~s Confér~nces s,ont fix és par l' Inspecteur d'Académie 1 • La présidenc è lui en revient
1. Précédemment, les Coriférenèes arrê~aient èlles-mêmes leur ordre du jour. La néc essité de metll'e plus d'homogénéité dans le choix des sujets, de mieux faire r esso rtir à eflet déli-
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MORALE PROFESSIONNELLE
ou, à son défaut, à l'I~specteur Primaire. Les membres de la Conférence choisissent, parmi eux, chaque année, un vice-président et un secrétaire. Cette organisation libérale permet à chaque Conférence de délibérer en toute indépendan ce, sur les questions soumises à son examen. En fait , trop souvent, à cette délibéra lion se substitue un ex pos é dq président, coupé de rares et brèves tentatives de discussion. Trop peu de maîtres éprouvent le désir de participer sérieusement à un échange de vues. D'oii, d 'indifférents acquiescements, d'incous équents bavardages, des d éclamations ou des outrances, vite anéanties par l'examen des faits. Timidité et crainte paralysent d'incontestables bonnes volontés, et, parfois, la prudence avisée : à quoi bon contredire un chef, indisposer un coll ègue ? Ainsi, cette institution, qui pourrail jou e r un rôle si fécond dans la vie de l'école, perd d~ son eJticacité. Le remède? Revenir à la règle primitive qui fit de la Conférence une discussion, dirigée par le président, préparée par chacun des assistants, tenu de condenser en un mémoire ses recherches, et appuyée de démonstrations pratiques (leçon, interrogation, etc.). Alors, vraiment, s'effectuerait la mise en commun des fruits de l'expéri e nce et des méditations de_ chacun; leur confrontation, leur examen critique, bienfaisants à tous, conduiraient à l'estime et à la sympathie réciproques. L'obligation de se pré pare r à la discussion, par un labeur sérieux, la nécessité de se mettre en mesure de soulever des objections ,
bérations et résolutiou11 et d'eu faciliter l'application, par une mise au poiut dans le cadre départemental , a fait confi er à l'i. A . le choix de l'ordre du jour.
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de les justifier, de répondre à celles d'autrui, contribueraient à rendre chacun plus sûr de sa pensée et de sa parole. Ce serait d'un grand profit pour l'enseignement, où l'introduction réfléchie des résolu1 tions arrêtées en conférence créerait une féconde 'unité, sans annihiler l'esprit d'initiative, et fournirait des moyens d'action efficaces contre l'emprise insidieuse de la routine.
= Ill. =
Nécessité de lutter contre les retours de ia routine et d'améliorer, sans cesse, la méthode et le contenu de son enseignement.
On peut d'autant plus la craindre que même les bons maîtres risquent d'y succomber, gagnés par une ambiance défavorable au travail élevé de l'esprit, ou insensiblement entraînés au mécanisme par les difficultés et le poids d'une classe hétérogène et chargée. A répéter les mêmes leçons, des gestes analogues, on se donne l'aisance d'une facilité toute en surface. Peu à peu, on en vient à ne plus se prémunir contre . les négligences, ni discerner les insuffisances. Certes, ce n'est encore point la paresse : l'horaire est scrupuleusement suivi; la tâche quotidienne, ponctuellement accomplie. Mais la vie et, avec elle, l'intérêt, l'efficacité, la valeur éducative, disparaissent d'un enseignement stabilisé, que ne rajeunit point l'apport d'éléments nouveaux, le souci d'en varier la substance et de mieux adapter méthodes et procédés. Les élèves se renouvellent : il convient de tenir compte des changements qu'apportent les entrées aussi bien que les départs. Les sciences et les idées progressent : n'est-ce point à l'école d'en favoriser la <liffusion? Donner toujours la même pfilure, Lribes d'instruction portées comme un fardeau, servilement
�MORÀLE PROFESSiONNELl,t
transmises, ruminées, mais non digérées, sans se soucier d'atteindi·,e les ëlèv,é s hu vif de leur esprit, ni l s'ingénier à facililêr le jêu des initihtivês, è'èst une tâche qui peut otfrir, parce qi.Ïe régulière, l'illusion de l'~ctivité : eilé n'ep reste pas moi?~ fu~didcr_ e. Peu~-o_ sorl_qil_r ~~ ëveill.er 1~. g?ût él.e l'étu,~e, n dési~ de l effort personnel s1, so1-mêine, on n eprouve m enthousiasme pour la tâche qu~tidiènhë, ~i désir ~e se per~e~tiop[!el', ~e /accorpmodf~ .~e 1 mieux e_ n mie_ ~,l'âme des enfants, en s'eff9_ ux rçant à une qo,mpréhension t?µs les jours plus p~éc\se et pé,nétrante,? D'autre par,t, .c'est u~ deyoir strict de s'astreindre a11 sévère respect d<: cette ,règlè, essentiell~ pour p.e:, él,è ves dont la scolarité,. três . coqrte, est trop souvent contr,ariée oq dérangée par les caus_ s les plui? e divei;ses : é11iter . toute per_te de temps. Or, , c'est en gaspiller que d'être contraint à revenir sur des exr.lications I mal assimilées ou . génératrices d'erreurs, parce que présentées sans méthode, en hât~, inexactement ou mal liées 1 • La co~statation est fréquente que, pa,r le défaut d'une préparation sérjeuse ou d'une mi~e. aµ poipt. précise, des erreurs pu des confusions s'établissent ,<l,ans l'esprit des élèves et favorisent les divag1~tion~ 1du jugement\ . Enfin, cette nécessité d'un effort constant de réaction c?,1tr~ Îa ro~.tin,e s'1 justifie pa~ l'~bligation de conJolider et d'étendre l'autorité du maître. Sa ferm~té, ~~n ~ssurance, Îe relief que prend sa parole,
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1. Encore, combien de tâtodnements s'avèrént nuisibles, qu'ud loyal souci de relie!- sa tâche à celle du prédécessel.lr eût pe_rmi~ d'évite,r ! 2. Cf dans ,le Cours de prem,ière année : Pé,dagogie Gén4rale, le ch . VI. Prépara/ion de la classe : ~ 1. Nécessité de la préparation : acquisition et cornpl.i ment des ponnaissanèes; leur adaptation; construction de la leçon; éviier les pel'tes de temps; renforcer l'autorité du maître (p. 72-7~).
�tA crnTURE l>IIOFESSTON.Vl!l.LE
en dépendent étroitement. Un travail mis au poin~ le préserve des obstacles contre lesquels buterait cette autorité et s'y userait, si elle ne parvenait à les vaincre ou, même, si elle les rencontrait trop souvent. Jl donne à son esprit la quiétude et le repos qni lni permettent d'atteindre, sans à-conps, les étapes qn'il s'est trac~es. $urto!J!, iJ l,ui peri,net d_ mieux tenir e en bride ses déîauts et de faire rayonner ses qualité9. Ainsi se développe, entre lui et ceux qui l'environnent, une confüincc propi,ce à son action. Car l'en fant, exçelleut observateur, laisse rl)rei:nent échappel' une faiblesse, une hési1ation, et il modèle son attitude sur l'expérience qu'il a de son maître.
= Conclusion.= L'œuvre d'éducation commande, donc, ui;i perfectionnement ininterrompu de l'éducateur. Sans cesse, il doit se préoccuper de maintenir sa vigueur d'esprit, d'é largir et de renouveler ses connnissances, de perfectiQn.n~r ~~s méthod{)_~, de mieux compr~J;!qr~ ses élèves. Ai,usi, il renfoJ"ce.ra le rayonnemei;it c!~ l'éçole : si misérable ou déshérité que soit le vWage Q,l.1., le conduisit le destin, i,L cloi1 vise\· ~ êtr~ (( le centre intellect1J.,e\ de son entoura.g;e, en de~eryir un principe d'impulsion, un facteur vivau t )~ . (Qq;:sTERWBG.)
�CHAPITRE Il
La conscience professionnelle. De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne.
Une culture professionnelle solide fa11orise l'instituteur dans l'accomplis.~ement de sa tâche. Des qualités d'esprit et de cœur accentuent l'efficacité de son action. Cependant, ni celle-ci ni celle-là ne suffis ent à fonder le bon éducateur. De quoi ser11iraient-elles si une conscience professionnelle toujours en é11eil et sensible a/lx scrupules, ne les mettait en 11alellr, en disciplinant leur jeu en µue d'obtenir le max imum d'effets?
= 1. La conscience professionnelle. = Voir, avec justesse, le but à atteindre, les moyens d'y parvenir; produi1'e un effort régulier pour accomplir sa tâche du mieux possible; ne jamais éluder les obligations, même les plus in signifiantes, qu'elle crée; réagir courageusement contre la lassil11de et les défaillances; se dire, à tout instant, qu 'on peut et doit s'élever à une plus grande perfection; en définitive, placer sa profession au-desslls de soi, s'y consacrer de toutes ses forces, l'aimer autrement que pour ses avantages, tels sont les fondements de la conscience professionnelle. Le moindre de ses fléchissements entraîne une imperfection, donc une conséquence nuisible au corps social. Si le dommage peut être lége r et restreint, causé par la négligence rl'un menuisier ou d'un chaudronnier, voire d'un musicien ou d'un sculpteur, il
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devient dangereux s'il résulte d'un édue;ateur apathique. On peut suivre à la trace les bons et les mauvais maitres dans les diverses communes où ils passèrent: parfois, dans le même village, ou entre deux villages pourtant très proches, apparaissent de choc1uantes diffé1·ences dans la valeur intellectuelle de générations, que séparent à peine quelques années . . Le maunis pli de l'enfance se retrouve tout au long de l'existence, et, avec lui, les insuffisances d'une scolarité mal employée. Devenus hommes, les écoliers mal instruits n'ont eu ni le désir ni la possibilité de combler les trop grandes lacunes de leur éducation. Quelle responsnbilité pour qui en eut la charge: paresseux prétendant « en faire pour l'argent qu'on lui donne »; routinier incapable de sortir des vieilles et déprimantes habitudes; brouillon, toujours prêt à « rattraper le temps perdu » sous divers prétextes (indisposition, visite à rendre ou à recevoir, travaux pressants du secrétariat de la mairie, etc.), laborieux, par périodes, mais avec quelle fantaisie déconcertante! C'est que, pour une bonne réalisation de la tâche quotidienne, deux conditions sont indispensables : la régularité et l' ém,rgie.
=
II. Accomplir sa tâche avec régularité.= a) Avant tout, il faut s'astreindre à bien régler son temps. Il incombe, à chaque Instituteur, de dresser, au début de l'année scolaire, « le tableau de l'emploi du temps par jour et par heure 1 ». Cette mesure d'ordre
permet au maître de bien régler son effort; aux élè1. A. O., art. 18. Voir Pédagogie générale, ch. VIII, Répar. tition des exercices, p. 98 et s.
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Af'o'nALË PROFESSIONN ELLE
ves, d 'éviter àe perdre leur temps ou de mal l'e mployer ; à tous, de poursuivre avec r égularité l' étude dès programmes. On s'y conf orme dans toutes les classes. Malheureus ement, l'h ôraire établi ne r éalis e pas toujours, ni partout, l'ex,act équilibre d es le çons et d evoir s ; en pai'lièûlier, dans les clàs~e s plusieurs colirs, la maladresse est fr équ ente de saci·ifier les débutants , trop longtemps occup és à des travadx écrits ou livrés à eux-riîê més. De t ell es erretl rs s' êvit eraient si l'on soumettait l'emploi c temps à l'inspecteur Primaire, lu aux fins d 'approbation. Une faute plu_ grave cotlsiste à ne point suivre s exactèmènt cël horaire. tertàines leçons déplaisent, celles de morale, par exèniple : ori le s abr ège si , même, on ne les supprime pas . D'autres con viennent: on les étend outre mesure, sans se soucier d e la répercùs's ion sur l'exercice suïvant. Pa.r fois, sous prétext e d'ûn_ malaise ou, simp\e'm ent, c ru'ôn n 'est pas en t rahi, la 1eçon fait place à un éxercice écrit; en d'autres moments, une r evision opportune suppl ée l'exposé nori prépar é, quand ce n'est pas un long 1.'etour sur la leç on pr écé dëhte, bien compris e cependant. Tous ces flott e me nts, ces arrêts, ces lenteurs nuis ent à la bonne marche des études. Sans doute ne p ê ut-o_ coricliire qu e le maÙre a perdu son temps; n mâis de l'avoir mal employé, n'est-ce point une faute ? Le mal est plus grave lorsque l'instituteur gaspille sciemmèô.t lê teinps précieux de la scolarÏt é . Pour certains n~aitres l'entrée et la sortie à heures fixes restent des im possibilitës : cependant, une dizain.e de minutes par séance de classe constituent, à la longue, d es heures perdues sans retour. Quelques-uns allongent volo-ntiers les récréations, nori sans trouver des excuses : tous les élèves n'ont pti sortir en même
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temps, faqt~ 4'avoir fini ensemble les c:\evoirs; la !~çon d'éd~ca~io~ .physjqqe a dépas§~ l' h~ure ·p révue, etc. Aveu déguis é que ce besoin de ju~Lification ! b) Par~i ~ ~ faits qui q; vèlent le ~échissep1ent de !l l~ conscienc~ professiqnne\!~, l' abus c{e§ c9ugés copstitu ~ l'un des p 9s s~gqificat~fs . Po\lr ui;_ie ~ndi~pgsition ~ é~ère, <:(P¼ R'arrêterait p,qint l'!>uvri !,'l !' pay~ à 1~ jopmée, on ~'abs~ient alj~r e n classe, squvegt p\y~i~urs jou.rs ~ura11t. Fut-~~ guelq~e p!,'ll.J p.ia\ade ? ~a ?Onv~lescence s·e pr'o lopge saqs nécessi~é. D'auîr~s f~'i~, I' ~t3:t d'un proc~·e c< or,Fge » à qne présenc e, éiue pe jµstifi~nt. point les craü1tes d ' une cornP~ication grave. Ê'>: q~i yeut ~'ab~e11tH, t0ut prétexte ~st pon. Lit-o~, dans un qup~idien, l'annonce qlle {es bureaux de l'adq1inistratio~ centrale seront fermé~, tel jour déterminé, ep ·l'hoqneur d'un évé\1err!C!1~ !ocalr Aussi\ôt, on f;iit bén é~cier de l'aubaine uq e ~cole rurale, sise à de ~ c~ritaines de kilom èlqis qe lij. Un jol\r çle copg~ !,'lS~-il ac?prq é aux m~itres qui &e renc:\ront à \'asse~qlée géné r ale de leur ~yndicat, de !a Mutualité, cle la êqçi~té ~~ Secqurs M11t\le\~ ! S:pu\ pésiter, o!1 transfopne eµ qroi ~ ab ~glu ce Ç ~st con{ll\ qitionn ~l : \e pongé est pris, p~ais la ré union, ~vitée. c ). Volontier ~, qp qonqe le Pf\ S aµx ir*rê ts 1rnrsons. ~els sur les devoirs de la p,rof@ ioJI, § oµ~ le prétexte q'all er voir sa f?mille, çle r égler d ~s affair~ , pu, simp.l~p1ent 1 d'assister~ qq spectacle inhabituel, les heures 1e classe sont dep,lacé~s et que,qµefois, même i fes Jo itrs de clas~e. Avep n~îvet ~, on met e11 pa\x sa co11s c~ep c~ : que la cl~s~ r ~ i~ He~ ~e midi ~ troi s ~ew~s 1 ~" le jeudi au !~eµ q~ samedi, importe p!'lu, puisque « le compte y e~t ». ~a:ps dgute. Mais l!sti!llet-qn pour r,~n l'p~pitl!à ~ cçiptr;ictée cl' un ~~lâchement et l'inadmissible subordinatio11 d'un servi ce public â des fins égoïstes? Contre elles s'~!~ye !OI ·
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mellement le Règ·lement scolaire 1 , qui interdit les absences et les interversions de jours de classe non autorisées. _ d) De même, de fréquentes libertés sont prises avec l'obligation de résider au lieu où s'exerce la fonction. Demander à l'instituteur d'habiter là où il enseigne n'est point brimade, mais nécessité commandée . par l'intérêt du service ; le contact fréquent des parents facilite sa tâche, l'aide à consolider son autorité, grandit son influence. Vivre en passager au milieu d'eux suscite des commentaires défavorables, provoque des méfiances, peut-être même de l'hostilité, presque toujours des froissements : « Il est fier, dira-t-on, et nous méprise ... » Ou bien : « Qu 'y a-t-il sous ces allées et venues si fréquentes? ... » Là-dessus, cancans de renchérir. Qu'un incident se produise, ce sera l'occasion d'un assaut d'amertumes, d'hostilités, de médisances, d'autant plus dangereux que rien ne le faisait prévoir. Même s'il n'en était ainsi, le seul fait que, dans l'intérêt de la fonction, la loi oblige à la résidence, devrait interdire toute infraction, sauf cas exceptionnels dûment autorisés. Le public, pour qui la fonction fut instituée et qui la rémunère, a le droit d'exiger qu'elle soit ponctuellement remplie. Il ne peut subir le contre-coup d'événements étrangers au service, évités ou, tout au moins, réduits dans leurs effets par la résidence dans la commune. Que de fois arrive-t-on tardivement à son poste, et dans des dispositions d'esprit peu favorables à un bon travail! Le mauvais temps a entravé les communications ... le train, l'autobus ont été manqués ou en panne ..• la veillée se prolongea ... une indisposition survint, subitement, au moment de
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partir ... il a fallu assister un parent malade, recevoir un visiteur inopiné, etc. Que de raisons pour s'estimer victime d'événements malencontreux, échappant à toute emprise, aux plus attentives prévisions! Ne serait-il pas plus juste et loyal de s'en prendre à soi-même? e) Ces faits se répercutent fâcheusement sur la tâche quotidienne. Il importe, donc, de s'en garder et, avec eux, de tout ·ce qui risquerait de détrnire la régularité de l'effort : le désordre, qui fait perdre du temps, énerve l'esprit et le met en désarroi; le laisser-aller, la malpropi·eté dans l'entretien des locaux, qui rendent sans attrait le séjour à l'école : le plaisir éprouvé à vivre dans un cadre agréable agit à la façon d'ùn stimulant; la négligence dans la tenue et l'emploi des liYres, source d'erreurs et de retards : une page déchirée ou arrachée empêche d'achever un devoir, de saisir ou d'apprendre une leçon. D'autre part, comme les parents rechignent à renouveler des dépenses, évitables aveè un peu de soin, des atermoiements nombreux surviennent, nuisibles au travail scolaire. ·
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III. Accomplir sa tâche avec énergie. = Ces fâcheux résultats ont pour commune origine le manque d'énergie. a) Tout fiéchissement conduit à des retours regrettables : cesser de poursuivre sa culture, de méditer sur l'emploi des méthodes et procédés, de « se tenir au courant», ouvre la porte à la routine et enlise rapidement dans une dangereuse paresse. L'habitude de la technique, dit-on; en facilite l'usage. Sans doute, mais elle tend, aussi, à rendre l'effort mécanique, partant, à diminuer l'activité et à détruire l'esprit d'initiative. On prétexte qu'avec des enfants d'un
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MORALE PROPESSIONNELLE
niveau intellectuel peu relevé et destinés à vivre aux champs, tant d'instruction ni d'hapije~é ne sont point nécessaires. Pour s'assurer dans cette conviction, on affirme, volontiers, qu'aux popula~ions frustes, d'es· p rit lourd et de langag e grossier, il suffit des élé' 1 µ t ~ Ul , meuts de la lecture, de l écriture et ctu calcul, nécessités par les relations sociales. La mauvaise f'réquentation, l'apatpj~ des autorités lqcales sont déplorées, mais, prévenant l'objection, qn s'écrie : (( Il n'y a rien à faire >>, en énumérant, aussitôt, les motifs de désespérer : ambiance indiŒ'érente, mauvais état des locaux, difficultés c:Je fa vie dans un poste déshérité et maints' autr~s 'désagréments. Faibles raisons - et coupab\es, parce qu'endormeuses d'énergie! Vraiment, il est trop aisé d'abriter sa mpllessc derrière aes circonstances, dont aucune ne résisterait à une action tenace. Si les jeunes ruraux paraissent moins ouverts que leurs camarades citaqins, n'est-ce poi~t, pour une par·t , notre faute? A la pauvreté de 1eur vocabulaire, pourrruoi opposer un langage, des Jivres trgp savants? La lenteur de leurs esprits vient, peut-être, de ce· qpe nos méthodes les surprennent et les dépassent. Vouloir les pénétrer, r~cqercp~r Jes mqyens d'ep prpvqquer le jeu et ~ccroître \a capaci~é, ~st, sans cpnteste, une tâche ardue, décevante parfois 1 111~!!\, toujours, plus fécon~e qu'une f~9ile résig?~tiqn. - La fréquentation ~e manife~te-t-elle mauvaise, l'autorité municipale inqiQ'érente? A-t-on tep.té l'améliorer, en luttant contre q'anc!'lstrales néglig~µces, le mauvais vou!oir, l'ignorance? Il suffit, souv~nt, de mon!r~r le so4ci qe s'adapter aux ç:irconstances1, de donO
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1. Par exemple, après eaiente avec la municipalité, obtenir, de l'administration académique, le déplacement' des heures de classe, l'jpstitution d'écoles de demi-\emgs, ~!Ç•
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net· · un témoignage d'inlérèl et de bonne volonté aux populations pour que cessent préventions et erre ments. Constater une situation, ·risquer une réaction timide, et se consoler d'un insuccès, en l'imputant à 11utrui, c'est d'une trop grande indulgence pour soi. On ne peut parler d'indifférence et d'hostilit& , si rien n'a ét( fait pour être bien compris, aider l'enfant à faire effort et obtenir l'appui des familles. b) Trop souvent, le lir,re et, plus encore, le journal pédagogique, sont de captieux ennemis de la volonté. Ils oll'rent une documentation étendue et variée, séd~isanté par sa présentation. Il serait difficile, au maitre isolé, même avec beaucol,l.p de peine, de réunir un tel choix de notions et d'exercices. Pourquoi refusera~t-il l'appui et le soulagement d'une << partie scolaire », d'un manuel, à coup sûr excellents, puisque dus à des spécialistes? Ce sera tout profit pour ses élèves, qu'engourdit la monotonie du retour _ périodique des mêmes notions et exercices. Sa,is doute - à condition, toutefois, que s'éveille la préoccupation de savoir si cette pftture leur convient. Car eile présente un caractère forcément génér,a l : ellè s'adresse aux multiples écoles d'un pays, dont l'unité d'organis.ation }colaire doit se plier aux circo11staüces les plus di{1:érentes. Tel exercice intéres. sarit une école urbaine laisse froids des élèves ruraux et chez ceux-ci, montagnard, habitant de la pla~ne o~ riverain de la mer, n'attachent point une égale ~tte11tion aLÏ même thèm~ d'étude. D'autre part, un auteur réussit rarement à bien adapter son effort aux moyens, aptitudes des élèves d'un cours donné, clans un rriilieu déterminé. Seule, une préparation de classe sérieuse permet d'obtenir ce résultat. Cette considération suffirait à détourner de suivre, aveuglément, périodique ou ma~uel. Il en est une
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MORALE PIWFESSJONNELLE
autre, et de valeur. Les lois de la concurrence perfectionnent, sans cesse, les publications scolaires : ce serait un bien, si ne dominait le souci d'éviter le plus possible d'efforts à la clientèle et de l'entretenir dans l'usage passif du labeur d'autrui. A ce jeu, l'esprit perd son ressort, et le jugement, son indépendance. La défaillance ne passe point inaperçue : pour la masquer, ici encore, on s'évertue à trouver des justifications. Pourquoi s'astreindre 'à une mise au point précise de son enseignement? La présence de trop peu d'élèves ne commande pas une pr é paration de classe régulière - ni, encore moins, approfondie! Au surplus, denière soi, s'étend tout un long passé d'expérience, parfois, même, sanctionné de flatteuses appréciations et d'honorables récompenses. Que vaudrait d'enchaîner une liberté dont on fit, jusqu'ici, un si fécond usage? Enfin, on le sait bien, entre gens du métier : remplir un cahier de notes repose autrement que de se démener dans une classe! Les actes, seuls, importent. Le reste, c'est« poudre aux yeux» : quel paravent commode, pour masquer la médiocrité ou la paresse! - D'aucuns vont encore plus loin. Braves gens, mais hâbleurs, désireux d'étaler ce qu'ils estiment une indépendance de bon ton, ils affirment: « Aucun règlement ne prescrit la préparation écrite de la classe. Seuls, les timides, . les obséquieux, ceux qu'animent de mesquins soucis d'ambition, se l'imposent. C'est leur affaire! Pour nous, pas de zèle 1 ! » Ces pauvres argum ents ne résistent pas à l'examen. Tous les élèves ont droit aux mêmes soins : un faible effectif n'est point un titre à moins de sollicitude. Piètre excuse, au surplus, qu'arguer d'un moindre
1. Voir Pédagogie générale : La Préparation de la classe, p. 75, « quels documents employer•.
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PROFESSIONNF,Lf,"t
t ravail pour s'autoriser à réduire son effort! - Expé· rience, dit-on, passe science? D'accord. Mais faute de science, elle progresse peu et mal, diminue en efficacité. - Enfin, nul inspecteur ne se laissera prendre au mirage d'une préparation copieuse, à cette duperir d'un effort, apparemment intense, mais de très médiocres résultats. Quel Instituteur honnête, conscient de sa dignité, se courberait sous un 1:i<licule « respect humain .», pour adhérer à des affirmations coupables, dont les auteurs, le plus souvent, se soumettent aux bienfaisantes exigences d'une organisation méthodique de leur travail? c) Ainsi, de séduisants sophismes, si on n'y prenait garde, risqueraient d'amoindrir, peut-être même de détruire, cette énergie constante, si nécessaire à l'Instituteur. Plus qu'à d'autres, les occasions de dé couragement ne lui manquent pas. Tous les jours, n'a-t-il point à se défendre contre les impatiences, de brusques sautes d'humeur, de légitimes ressentiments? Les enfants se montrent si mobiles, si désobéissants! Quant à leurs parents, trop. ignorent la bienséance, quelques-uns se révèlent malintentionnés, injustes: ils apprécient les résultats d'un point de vue .égoïste, inspiré pas leur vanité; s'ils s'estiment lésés, si, par inadvertance, un geste, une parole les indisposent, leur . rancune prend libre cours. Tour à tour bruyante et sournoise, toujours tenace, elle ne r ecule point devant la médisance. Que lui opposer sinon le calme d'une inaltérable patience, la ferme volonté de songer à l'avenir, de voir la collectivité par d elà les familles, d'attirer à l'école la sympathie et la considération qui en facilitent l'essor, en renfo rcent le prestige? Ce n'ira point sans engager, contre soi-même, une pénible dépense d'attention et de volonté. Mais il en résultera :une maîtrise de soi
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Lous les jours plus affirmée et, aussi, une meilleure aptitude professionnelle. Mieux armé contre les imperreclions et les défaillances, .plus expert à les découvrir, on s'affranchit de défauts, mén_us en apparence, mais influant sur la discipline et l'éducation : réflexes exaspérants (tics, bâillemeqts), gestes_et jeux de physionomie exagérés; éclats ridièules, dont les enfants ne sorit ni dupes ni complices. Rien d'insignifiant, en matière d'éducation. Ainsi se justifie la nécessité d'une conscience professionnelle attentive, scrupuleuse, saps cesse en action. Lutter contre les petites capitulations qu.t s'ac,cumulent et paralysent la volonté, contre d'insidieux sophismes, néfastes à la lucidité du jugement et à l'exercice de la volonté; s'examiner sincèrep1ent après chaque défaillance\ pou1: en démêler lès vraies causes, apr~s chaque résultat, pour estimer s'il est tel qu'il aurai~ dû être; se créer_une règle de travail et la suivre strictement; enfin, s'appli_ uer, de jour en jour, à mieu~ remplir q sa tâche : telles doivent être les préoccupati~ns d'un maître, qui sent en luh profondément établies, la né~essité de se renouve ler et l'o bligation de tendre vers une perfection toujours plus grande.
= Conclusion. =
�CHAPITR,E Ill
Lij ~eutr11-qte {!Cplaif!l; s;i défi~i tio~: Qu'elle est un
d~yoir p~~f l'Etat égucateur ~~ p~ur pnst!tu~eur, :;;on rewes~nt~~t.
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! = II.
I. Définition de la neutralité scolah•c. I Le mot de ·« neuli~lité » 1 ; en matière ' scolaire; · fut pour la première· fois en usage cbe~ ')'~~ ·pr~!eit~11t~ anglo-saxoney d'Europe et d'A~érique\l / ~l indiquait qu'u n e épole ne dép e11dait point d'une sect~ religieuse, np is s'ouvrait à tous, même au~ enfants d 1incroyants, Par la suite, et en ' France p!us qu'ailleur~, lé sens dl) ce mot s'est précisé : il exprime l'indépendance absolue de l'Ecole a!( reg ard, d~s · Egli~fS. Ainsi entendue, la neutra{ité n'est ni plJ,ilosoRhique, n{ Roli-;. ti:f!!e, mais, e:i;clusiremen t, ' 'flig~·euse. L'Ecole ne p~ut, en effet, s'interdire d'ensèignèr le devoir, la famille, la propriété, la patrie, les ipstitutions que 1~ pays \ . s'est libre!°ll f nt tlopn~es? J?~l· f?Dtre, !e re~pect fie~ \ri~d~~iops, ~es ~r()yance~, ' des pratiques cu'lf uell~s, tou~ ~~ g?i Î!]léresse la lib~rté de~· èonscience~, sé ?~"!;)OP,f- ~~ s'aP'ermÎt ~n r~paranr l'é~u catÎon morale, ~ C~ /~111!:!):~ ~) ~pus, de )a fo~ .lfl~~i?!1 re)igie~se, particuj~ re ~ clia~~~ fami~!e. ~ ·
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La neutraJilé devoir de l'Etat. =a) En guai c~n;ist~, lçi, . neuù-'a lz'ié.-:_ Cette sépri'ration s'impose av~c 'cf'a~tant plùs de for~e que ·« l'i nstruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux
1. Du latin neuter: ni l'Lrn, ni l'aut r e . « !.fi°i i j a'm ~ s~h8ol I' : é~ol~ . n··~p.pai:!e~ant pas à P.ne 1 secte; école non confessionnelle. '
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sexes, âgés de six ans révolus à treize ans révolus 1 ». En conséquence, l'Ecole doit s'ouvrir gratuitement à tous et ignorer les convictions et croyances de chacun. Jusqu'alors, les lois organiques de l'enseignement primaire avaient intimement lié morale et instruction religieuse, en classant. par catégories les élèves; logiquement, elles conféraient aux ministres des cultes un droit de contrôle sur cet enseignement et la faculté de vérifier si rien, dans l'instruction donnée, ne s'opposait aux dogmes de leurs religions respectives. Depuis 1882, l'Ecole ne s'inquiète plus des croyances de l'enfant. Elle ne voit en lui que l'homme- et non l'adepte -à former. A tous ses élèves, elle donne un même enseignement, assigne un même idéal : éviter ce qui divise, rechercher ce qui unit, développer le cœur et l'esprit, par les seules ressources de la raison et de la conscience. A cette base commune, le père de famille a toute liberté d'ajouter - mais hors de l' Ecole - les affirmations doctrinales qu'il veut. Cette doctrine a conduit aux conséquences suivantes :
1° Indépendance de l'École ris-à-ris de l'Église. Nul enseignement confessionnel n'y est donné et, par suite, les ministres des cultes n'y pénètrent point; ses locaux ne peuvent servir à aucune cérémon.ie religieuse; les emblèmes religieux, de quelque nature qu'ils soient, n'y doivent figurer; l'Instituteur n'enseigne ni ne fait répéter le catéchisme; il lui est interdit de participer, du fait de ses fonctions et à la tète de ses élèves, aux manifestations extérieures du culte, notamment aux processions, et de conduire ses élèves au catéchisme 2 •
1. Loi du 28 mars 1882, art. 4.
2. Les enfants qui prennent leur repas de midi à l'école produi1ent une autorisation écrite de leurs parents pour se rendre
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2° Admission des élèves, sans distinction de croyances: ils sont traités sur le même pied d'égalité, avec un respect identique de leur liberté de conscience. L'Ecole ne les aide plus dans l'accomplissement de leurs devoirs religieux (conduite et surveillance aux offices, répétition du catéchisme, etc.), mais s'interdit d'y porter obstacle. Ainsi, pour permettre aux pères de famille de faire donner l'instruction doctrinale à leurs enfants, « les écoles primaires publiques vaquent un jour par semaine , en outre du dimanche 1 »; pendant la semaine qui pr écède la première communion, les élèves peuvent<< quitter l'école aux heures où leurs devoirs religieux les app ellent à l'église'»; enfin, dans les internats, on consulte toujours les parents « sur la participation de leurs enfants aux exercices du culte. Toutes facilités sont données aux élèves de se conformer, sur ce point, aux volontés des familles 8 ». 3° Laïcité du personnel enseignant. - Dès 1886, les religieux des écoles publiques ont été progressivement r emplacés par des maîtres laïques. Vis-à-vis de ceux-ci, dans l'attribution des titres de capacité~ comme dans celle des emplois, l'Etat ne s'enquiert jamais de leur religion ou des pratiques cultuelles : un Instituteur israélite ou mahométan peut avoir mission d'instruire
au catéchisme. Ils sont considérés comme rendus à la famille pendant leur absence : l'instituteur n'en est plus responsable. (R èglem ent scolaire modèle , ·art. 9) . 1. Loi du 28 mars 1882, art. 2. 2. R ègle ment scolaire du 18 janvier 1887, art. 5. 3. Art. 5 du R èglement du 29 déc. 1888. 4. Le 20 juin 1837, M. DE SALVANDY , ministre de l'instruction Publique, approuva une décision du Conseil royal de l' Université, refusant le brevet à un postulant qui avait déclaré n'.apparle nir « à aucun des trois cultes reconnus " . • Ce candidal n'ayant pu salisfaii:.e à une partie essentielle de l'examen, disait-il, le brevet ne doit pas lui être délivré, »
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MO/lALE PROFESSION 1 €LLE \'
des catholiques et yice yersa. Dans l'exercice de celte charg!!, rien Q'e?'ige, au surplus, 1~ m<?indre renonciation de sa consêience: usant d~ Ja lib~rtég;ir:inlie à tous le!? citoyens, « il den~eure li~re d~ satisfaire, à titre privé, et s'il le juge à p~opos 1 à tous les de,,oirs de la réligion à laquelle il appartient 1 )), 4° enfin, neutral(fé de l'ensei;p~emenl. -A l'instruction morale e! religieuse a été substituée l'instruction morale et ciYiq11e 2 • Ainsi, l'Ecole s'abstien! de pénétrer dans le domaine des croyances religieuses et s'interèFt tout p1·osélytism~, co~1me toute propagande agressive. En'~or~, eHe conserve sa pleine liberté d'appréciation à l'égard des faits scientifiques, _ i~toriques, h ~oljtiques ou socia~x et n'~ p~int ~ le~ ignorer, parce qüe tômb~s sous le cqup de cqf!damnalio11s doctrirli:d~s 3, ou ~n pés~ccord avec b politique passée ou p~fs~!'lt,e d'qp pa~ti poJitiqu~.
1. C. du 9 ayi:il 19.03. ~- Loi ~q 2~ mei:~ 1882, f 0'. 3. Le Syllahu ~, encycliqµe de P1E !l (~~p~), sig11al~ au~ ~~~hplicrie~ !~~ '!lquv~m.e~ts de la een~~e ~?~er~e qu'ils ~oiveni considérer Mmme incompatibl es avec les dogmes de l!Eglise. Entre autres, -~lie frappe d'a nath~me )es « d-i:oits d~ }tlii:!!DIPe & gar;in~i~ P.~r À~II ip11ti~HPA11 ~ P.§P.l~!lf!!tique~ ~~ co~7 damne expressément la liberté de conscience et la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Les encycliques de LfoN XII î précisent ,,ette condamnation : « B·ien qué, -dtin~ l~s conditions extra"~rdiàaire~ de be temps, l'Eglise acquiesce ordinair~~ent à è~~taines libertés modei:n'e s, f ~· elle ne le fajt pas parce qu'elle les préfère en elles-mêmes, mais parce tju'eïle pypôrt1111; de les tolérer i11sq1t'~ cé iu'elle Pf!,(sse, en meilleµrs jotirsi CIS§llrer ~'} P.rPf"e {ib er~l. ~ (Enëyclique Lib, ~rla~1 1~88.) « L'flulor!té de l'Église est lq. ~lus l1aifte de (out~s les autorités; ~lie ne pent pas être reg'a , êiée cpmme inférieure au pouvoir civil ni, e!J ·~uéuue IT! ~D ière, COllllI!e c!épendante de lui.» lncyclique 'Immi; rtq(~ JJëi; 1~85.) - ' « La justice intèrdît, et la rai sou aussi interdit, que l'Etat
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b) « L'erreur » Je la ne_ulralité. - Une àttitutle aussi sage et prudente; aussi justifiée et nêcessair·.e dans notre pays, tant éprouvé par les discordes religieuses, devait, semble-t-il, obtenir l'approbatidp de tous les citdyens, hommes<< é:le bonne volonté i>, heureux d'y trouver un gage assuré de paix sociale. Il n'en fut rien. Aujbut·d'htli, ehbore, «l'erreur» de la neutralité est aussi vivement combattue que jadis, par cel1x qui voudraient continuer la tradition dè i;ubotdomier les lois de l'Etàt à cehes dë l'Eglise. Périodiquement, la é:liscussion se rouvre; les objèfl:. tions se presseht, acerbes, hostiles; l'assaut èst mené contre « l'Ecole sans Dieu il. Au droit souveràin de l'Etat sur l'éducation, affirînë par RoussBAU dan$ l'E,nile, les doctrinaires opposent celui de la Famille et de l'Eglise. « A rie considérer que ses orlginès historiqiieg, disent-ils, l'Ecole est, de sa nature, une inst'il1!tion auxiliaire el compléméntaire dè la Fa,ftillé et de l'Eg-lise; partant, en vertu d'nné nécessité logique et morale; l'Ecdle doit, noil seulemènt nè pas se mettre en contradiction; màis s'harmoniser positivement avec les deux autres n1ilietix, dans l'unité moralë la plus parfaite pbssiblcj de façbn à constituer, avec la
soit satis Dieti dtl qu'il agisse comme /;';I ~_ tait sanii Dlèil., Î:'esl~ à-dire qu'il trai ta de ,iiême les divërses >·eligiolis et l!!Ùr dbh111! les mêi:bes droits et privilèges. Puisqb'il est nécessairë que l'Etat professe une religion, il doit professer la seule vraie » (c'est-à-dfre, la religion chlb!:ilique) : (.Encyclique Lîbertds.) « L'Eglise cl le pouvoir civil doivëiit être cliacbrl souveraU dans sa pi'QpM: sphère, étant 1:iien ent~il81.t qu'il y ail cciutâct entre eux et que dans les matières de commun intérêt, le pou:
vôir sécitlitîr se sbninetli-a avec jbie et de Von cœu,· an pouv'oi-r céleste. » (Encyclique Arcanunt, 1880.).
« Si la loi de l'Etàl viole l'autorité de Jësus-Christ, dont le Souverain Pontife est in,:e,ti, c'est uù devoir positif de lui résister, uu crime de lui obéir. » (Encyclique Sapientiœ, 1890.)
�MORALE PROFESSIOSNElLE
Famille et l'Eglis.,, un seul sanctuaire consacré à l'éducation chrétienne. Faute de quoi, elle manquera à sa fin pour se transformer, au contraire, en œuvre de destruction 1 • » 1° Si les parents ont l'impérieux devoir de nourrir -et d'élever leur enfant, en retour, ils jouissent du droit imprescriptible de lui donner « la formation morale et intellectuelle qu'en leur âme et conscience ils estiment la plus capable de le préparer à poursuivre utilement sa véritable destinée » et de « choisir librement, eux-m êmes, les auxiliaires qui leur sont nécessaires dans l'nccomplissement de leur mission 2 ». - « Les écoles doivent être regardées comme le pro-· longement de la famille 8• » - « Ce que nous demandons, c'est qu'en toutes les formes de ses initiatives et de ses concours, l'Etat ne perde jamais de vue le droit primordial de la famille~. » Car la famille a sur lui le triple privilège de l'antériorité, de l'universalité, de l'influence. Sou droit est issu de la nature elle-même et il se renforce d'un devoir de protection continue. « C'est à vous, pères et mères, que les enfants appartiennent, puisqu'ils sont l'os de vos os et la chair de votre chair; et c'est vous qui, a près leur avoir donné la vie du corps, avez le droit imprescriptible de les initier à la vie de l'âme 6 • » A tort, donc, s'est produite la mainmise de l'Etat sur l'école publique, puisque dans la formation spirituelle des
i. Encyclique de PIB XI sur l'Education chrétienne de la jeunesse, 31 décembre 1929. ~- R. P. CouLET. L'E!Jlise et le problème de la Famille, t. IV, L'Ecole et le Foyer. 3. AueÉ CaozAL. Essai sur les devoirs de la Famille et de l'Etat en matière d'enseignement et d'éducation. t,. Déclâration de ['Episcopat français, i908. 5. Lettre collective des Evêques de France, 14 septembre 1909.
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enfants, aucun compte n'est tenu de la volonté des parents et qu'à ceux-ci, ou à leurs mandataires, nul droit de contrôle n'a été reconnu sur les enseigne• ments dispensés par le maître laïque, 2° Quant à l'Eglise, dépositaire, interprète, organe de c< la vérité et de la parole de Dieu », il est légitime qu'elle subordonne à son autorité le droit des parents. Elle a pour devoir<< de Yeiller à l'édùcation religieuse des enfants, de rappeler aux parents les obligations qui, de ce chef, leur incombent, de les suppléer, s'ils viennent à y manquer ou à défaillir, de surveille1· et, au besoin, de compléter l'enseignement que les enfants reçoivent, et de dénoncer aux parents tout ce qui, dans cet enseignement, serait de nature à compromettre l'avenir spirituel de leurs enfants ... , de les défendre, donc, contre la contagion des idées fausses et des erreurs dangereuses 1 ». Plus, encore: « Elle a le droit d'enseigner par elle-même toutes les vérités religieuses, ainsi que les matières philosophiques, historiques; sociales, apparentées au dogme et à la morale ... de communiquer à autrui ce qui est vrai (quant aux autres connaissances) et, à cette fin, de fonder des écoles de tous les degrés ... de s'assurer que l'enseignement des matières apparentées au dogme et à la morale, et même des matières profanes, lorsqu'il est donné par des maîtres qui ne relèvent pas de son choix, ne porte aucune atteinte aux vérités religieuses dont elle a la garde'. » D'où, à un degré plus élevé encore que pour les parents, droit de contrôle sur l'Ecole (surveillance et inspection) et droit de direction d'enseignement, dans cette même Ecole, pour toute matière intéressant
1. R. P . CouL11T, op. cit., pp. 42, 43. 2, Union internationale d'études sociales, Code social. E1•. quisse d'une synthèse socî'ale catholique.
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dogme, - toutes prétentions détruites par la loi de 1882. · D?autre part, si, en droit, une altitude dlabstention et d'independance à l'égard des confe~sions religieuses est ~dmtssib)~, en fait, elle p'est pas, du point ~e vue ca\holique, sans prése~ter de graves dangers : « eu elle-même, elle demeurerait un mal, parce que, en principe, on n'a pas le droit de rester neutrr entre tà vérité et l'erreur!. » le s~ul f"l!~t que la science humaine « refuse de sr frononcer entre les dive.rse? religions ne peut mangper de suggérer ~ l'enfant qu'aux yeux de cette s'cience t!)ut~s les religions se valent, ou bien qu'elles u·e v~lert peul-être ~ien ni les unes ni l es aµtres. Et la pçutralité scolaire, même scrupuleusemeqt respèctée, et e!1 dépit des intentions les meilleures, tend, de la sorte, à faire des indifférents ou même des sceptiques 11 ». Par suite, tout enseignement est ü·u- atteinte à la neut'r alité, qui se dégagç de « toute e ~'réf~renc·e confes,s ionn.e lle et, même, de toute idéf r'è'ligi'euse » : doctrine · ou simple discipline d'esprit, là'. h1'cité· « n'e tend rien moins qu'à substituer peu à p-tu; ·,~ans les éspri'ts, un idéal lai'que, une morale hn:qite, llh'e'Conception lai'que de la vie ~t du devoir, ë\:l5C étrnceptions religieuses et chrékiennes, la foi t,fi'qtlt! à la foi tout court 3 ••• ». Ainsi, rnê!Ile loyale, la n 'éÙtralité constitue un mal et un danger. ~n réalité, ce mal et ce danger s'aggravenl du fàit que, malgré son ~pu vo!1loir, ses scrupules, soî! désir d'être sin0
1. R. H. CouLET, op. cit ., p. 9'i. 2. A maintes reprises, les p~p ~~t c\ nolamme1it :i:.,iiol'\ XJl\: 0!11 dénoncé cc « système mensonger et désastreux dans un fige si tE:11drc, puisqu 'il ouvre Îa portç à !'~théisme et la feqpe à la religion '». ' · 3. R. P. CouLET, op. cit., p. 124 el sui Y, .
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cè re et impartial, l'instituteur ne peut éviter l'iniluence de ses convictions sur la niàriièrè de penser èt ,le sentir d_ ses élèv~s. Cela est _ e vrai, surtout, quand il enseigné les matières « à opinion » : la morale, les scienées e.t ,l'histoire, si riche en événelnents de touté nattlre où l'Eglise se trouva mêlée. Dd moment qu'il ne ./ abstient point de tout ce qui, mê me de loin, risque ,l'atteindre les Idées chères à celte Eglise, par exemple: faire conrialtre et justifier la libei-té de conscieilce ou la valeur du mariage civil, son enseignement est, pour ellé, une offense et urle attaque d'autànt plus dangeréuse que la forme en serâ modérée. c) Justification de la neutralirn. - Ces critiqties ne h1anquertt point d_e force. Que valent,elles? 1°) Le droit de la Famille SUI' l'enfant est irlconteslable, non absolu. L'Eglise, elle-mêine, ne le placet-elle point sous sa dépendance et sdn contrôle, eri vue d'assurer l'intégritê et la propagation de sà doctrine? Or, tout comme elle voit en l'enfant l' élé ment destiné à as-surer la perpétuité tle celle-ci, l'Etat doit; lui aussi, considérer que ce 1ùême enfant sera le continuatebr de la Nation. Dans un pays comme le nôtre; où règnent la liberté de conscierlce, l'égalité civile ét politique; où le plus humble participe, par soh vo_te; aux affaires publiques et peut attèindre à là pluli hâute fonction de l'Etat, où le citoyen vaut par luimême et rion par son ascendaifoe; la ptQsp~rité et_ l:t gfandeùr nàtionales dépendent, plùs qu'ailleill's, de~ irldividLis. D'où la pécessité de pqursuivre l'éducation civique et sociale du futur citoye~. _ D'autre part, peut-on dénier à l'Etat le droit de s 1inquiéter des mœurs en tant qu'elles intéressent la prospérité natibbale et son devoir de tutelle envers les faibles? Sur ces points particu liers, qui lui contes· terait la faculté d 'agir, sous prétexte de respecter ·le
�MORALE PROFESSIOl'NELLE
« droit » du père de famille, lorsque celui-ci se désintéresse de l'éducation de son fils? Notre Code intervient, en matière de négligences graves, de sévices (coups violents, privation de nourriture mettant la vie eu danger, etc.) imputables au père, à qui, cependant, il a dévolu un droit de correction; , il va même jûsqu'à prononcer la déchéance paternelle, non ·s eulement en cas de crimes ou délits contre l'enfant, mais en raison d'une « inconduite notoire et scandaleuse » qui risque de « compromettre la moralité » de ce) u i-ci 1 • Pourquoi ~ier que, dans un même but de préservation sociale, l'Etat doive intervenir en matière de sévices d'ordre intellectuel? Peut-on encore contester la légitimité de son rôle, lorsqu'il tend à assurer, entre tous les citoyens, un_ e communauté d'idées et de sentiments fidèle aux traditions nationales, propice aux aspirations du pays et au maintien de l'unité morale de la nation, par ailleurs si divisée? Le fait est incontestable : depuis la fin du xv111• siècle, non seulement en France, mais dans toute l'Eu~ope, l'éducation tend de plus en plus à devenir un service d'Etat, sans qu'il en résulte une abusive restriction de l'autorité paternelle. Les parents français n'ont, avec la laïcisation, rien perdu de la liberté de donner à leurs enfants, avec ou sans le concours de l'école publique, la formation morale qui leur paraît la meilleure . Nul n'a jamais songé à leur défendre de les instruire dans leur foi. L'Ecole n'est que le prolongement <le la Famille, elle ne la subordonne point à son autorité, en réalisant une mainmise absolue sur le cœur et l'esprit de l'enfant. Enfin, la création d'écoles publiques, gratuites et laïques, n'entraîne aucunement l'obligation de les
t, Cf. la loi du 24 juillet 1889.
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fréquenter, si une formation intellectuelle et, spirituelle différente paraît désirable. Ces mêmes lois qui ont fondé la laïcité laissent aux parents toute latitude de renoncer à l'usage de l'école publique et de faire élever leurs enfants dans des établissements et par des maîtres de leur choix. Il ne semble -guère possible d'aller plus loin dans la conciliation du droit familial et des devoirs de l'Etat. 2°) Le droit de l'Eglise à veiller sur la formation religieuse de ses fidèles I est aussi fondé, aussi imprescriptible que celui du père sur son enfant. Nul 11 'a mieux qualité qu'elle pour l'exercer, choisir et contrôler ses mandataires. C'est pourquoi, du point de vue strict de l'éducation religieuse, la neutralité scolaire apparaît comme un bienfait: de l'instituteur, peu compétent, tiède ou indilfé rent en matières de croyance, elle la remet et confie au Prêtre, à tous égards mieux qualifié et plus sûr. Le devoir de l'Eglise, aussi incontestable que son droit, est de rappeler aux parents leurs obligations religieuses touchaq.t les enfants, de les suppléer s'ils y manquent, de s'opposer à tout ce qui pourrait compromettre l'avenir spirituel des jeunes fidèles. D'aucune façon, l'Etat ne doit en gêner l'accomplissement : à juste raison, la loi de laïcité a libéré un jour par semaine, én dehors du dimanche, pour l'instruction religieuse, et elle a légitimé les absences causées par les cérémonies préparatoires à la première communion. Rien n'empêche, d'ailleurs, les familles d'instruire et de faire instruire dans leur foies enfants en dehors des heures de classe : ne dist. « L'Eglise ne s'arroge aucune juridiction sur les Infidèles; eeuls, les baptisés font partie du corps de l'Eglise et, comme tels, sont soumis à l'autorité ecc lésiastique. » (M1cuEL. La Question scolaire et les principes théologiques.)
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MORAU; PROFESS1'0firNELLE
posent-elles point de plus de tenlps que l'école qui on ne le considère pdiht assez - ne retient les ëlèves, pendant environ neuf mois l'an, que cinq jours par semaine et six heures par jour? Pour assurer sa perpétuité; l'Eglise revendique le droit de prosélytisme -=- et, partant, celui de lbuder des éçoles. Ici encore, nul ollstacl~ de l'Etat laïque : n'admet-il poin_ là liperté d'enseigr1ement, è'est-àt dire l'existence d:«H:oles entièrérhetlt libres da~s le choix dès méthodes; programmes, livfes, màîtres, voire nJême des élèves, - avec cette seule réserve, bien légitime, d'un contrôle justifié par la nécessité de maintenir l'ordre social, à savoir que rierl n'est edseigné de contrai~e à la moralé, à la Constitution et ;iux lois 1 ? On bbjectera la défense faite d'en corifier Ili direction et l'enseignerrient à tles congréganistes 2 • Mais l'excE:ption se justifie par le fait que les v_ œux monastiques comprennent le triple engagement de renoncer au mariage, à la propriété et à l'autbnoinie individüelle, principes fondamentaux de hotre société. !Ja loi qui consacre le droit d'association ne peut assimiler celle qui est fondée sur l'annipilation de lâ persohi1e ham~ine à un groupement 1-espectueuf de la liberté et de ta responsabilité inaividuelly des côntractants : la première condition à requèrir d'un maître n'e11t-ellé pdint qu'il ne substitue, à sa proprè p~rsonhalitë 1 cëll~ de chefs spirituels ; auxquels il â fait setrrient d'obéir pn j sivément? On remar,quera ; au i;urplus 1 tfile l'intérdictidn vis é le meinbre de la Con, grégation ét non la personne, puisque, sécalariséèelle tombe dans le droit commun à tous les citoyens. Reste le droit de contrôler l'enseignement public,
1. I.,. O:; art.
!j.
2. Loi du 7 juillet 1904.
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NEU1'RALl1'Ê
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reve!]diqué pâr les parents sa.os l'inspirat~on ~u clergé, et par 11Eglise elle-mème, gardienne de l o(• t~odoxie. Si notre législation scolaire SE: préoccupe davantage de rendre inutile ce controle que d'en assnrer le fonctionneme~t 1 1 du moins faut-il recoD:naître le sérieux des précautions pri~es, dès l'orig ine, rour 3 paiser les inquiétudes : obligation stricte faite au personnel, et souv~nt rnppel~e, de respecter la neutràlité; enquêtes prescrites et suivies de sancti ons, le cas échéant, ~ur les faits dénoncés p~r le~ famill~s; réglementation d~ choix de~ marr~els sc9laires, ~te. Suprême garai:itie, le C(?nsei! d!Etat teste ouvert à tout r'e cours contre une décision administraiive estiméè violatrice de la neutralité : ie's associations catholiques des p~res· de· famille en usèrent en maintes occasions 2 • Ces garanties, loyalement appliquées, suffisent à assurer le respect des croyances familia!es. perm~ttre le contrôle direct de l'enseignement par les familles ne l aug!11enterait ~ucunt:ment. !l4ême; ce n'irait [>Oint sans ~anger. 'Frop souvent! la compétence ferait ~éfaut, et, encore, la volont~ de rester da[!~ les lir~1ites tracé~s, d 1agir. sa11s ar~ièrepensée, !'lvec le seul dé(iir d 1 a1der l'Institat~ln. Quant à l'Eglise, si elle est fondée à t::bm~aè~tp tout ce qµt risque d'ébranler sà doctri1ie et à considérer comme ~!! strict devoir d'y ramrnt~r ceux qui ~'en éloig~enl, d'y cqnduir~ ceux qni Fignorent, l'Etat ne peut, sans manquer à s~ missîot~ efsenti~ll~, qui es,t d'assµrer la paix sociale, lui concé'der ~n droit de re g~ rd sur l'èc ole nalionale. Toutes les r~ligions se coî1sidèi:cn~ 9on1me seules vrai@s, - mais, todtes trai1. B~ Cil. ~lll1S M. Gt1+,llOî a fl\1 qire dP. l'é~ole publique qu '. eJle p1.1blic <,>ù ·I~ PSBHR n'~ r~ep à voir» . ~- Cf. c~. IX, Rapports avec les 1!:a,!Li!Jes, § Ill. Les Pan,il-. · les et le contrôle Je l'éducation;
plait« !Jll service
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JfOR,iLE PROFESSfONNELLI!.
tant de l'inconnaissable, à quel critérium de cette vérité l'Etat pourrait-il s' arr ê ter ? Du reste, si on admettait que son rôle est de discriminer, parmi les croyances des citoyens, quelles sont les vraies, la question ne se poserait plus, puisque, soucieux de l'intérêt général, il devrait les imposer à tous. Dans l'incertitude, la seule attitude rationnelle et tutélaire est de laisser à chaque religion sa pleine indépendance envers l' Etat, de les soumettre toutes à une commune mesure : un respect absolu, garantissant leur libre exercice, mais aussi réalisant la séparation d'avec l'organisation politique . Cela paraît d'autant plus nécessaire, du point de vue social, que les événements historiques montrent quel trouble p1·ofond apportèrent, dans la vie de l'Etat, nos longues luttes religieuses.
= III. Le devoir de l'instituteur : respect scrupuleux de l'enfant.= En définitive, la règle
que doit s'imposer l'Etat éducateur apparaît très nette : c'est, a près avoir organisé la n eutralité, de veiller à ce qu'elle soit scrupuleusement observée et d'exiger de ses maîtres le respect absolu de l'âme si f aible de l'enfant. En ce s_ ens, la thèse : « ouvrir la porte aux objections, les provoquer, les suggérer, en toute impartialité », séduisante du point de vue philosophique, introduirait un grave danger à l'école primaire. · Nul ne soutiendra qu'on puisse tout dire et faire lire à des enfants, à fortiori, tout leur enseigner. D'.iutre part, sans cesser de rester tolérant et impartial, avec de jeunes esprits, suggérer, provoquer l'objection en des matières touchant à la · foi, même de très loin, constituerait plus qu'une maladresse, la pire des mauvaises actions. L'enfant n'appartient point à l'Ecole : par cela même qu'il est faible, elle
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doit redoubler de scrupules à l'égard de sa personnalité. Peu apte à penser par lui-même, inexpérimenté et maladroit dans la conduite de ses idées, très accessible aux influences du dehors, souvent craintif devant ses maîtres, il n'accepterait leurs assertions que trop aisément et sans réaction aucune. Qui en garantirait l'orthodoxie? L'instituteur doit, donc, se garder attentivement de tout enseignement tendancieux qui, entré de force dans l'esprit ou· par surprise, détruirait, pour l'avenir, la !iberlé d'examen, de comparaison et de choix. C'est affaire de tact et de probité. S'y résoudre ne revient aucunement à restreindre la valeur de l'action éducatrice. Ce respect scrupuleux de l'enfant, les fondateurs du laïcisme n'ont point manqué de le souligner comme une obligation stricte de la conscience. « Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du père de famille, disait JULES FERRY aux Instituteurs, dans 'admirable lettre qu ' il leur adressait le 17 novembre 1883; parlez donc à son enfant comme 1,1ous 1,1ou'dric~ 7·1 'on parlât au 1,1Ôtre: avec force et autorité toutes les fois qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d'un précepte de la morale commune; a1,1ec la plus grande réser1,1e dès que vous risquez d'effleurer un sentiment religieux dont vous n'êtes pas juge. Si, parfois, vous étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignement moral, voici une règle pratique à laquelle vous pourriez vous tenir. A.u moment de proposer à vos élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve à votre con naissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi, refuser son assentiment à ce qu'il vous
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MORALE PJWl'ESSIONNEl,L'F,
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entend!·ait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire; si non, parlez hardiment! ... Si étroit que voµs semble, peut-être, un cercle d'action ainsi tracé, faites-vous un devoir d'honneu!" de n'en jamais sortir, de rester en deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à la franchir : vous ne toucherez jamais avec trop de s~·rupule à cetteclîose délfralë et sacrée qu'est la conscience de l'enfant. » Les Instructions de 1887, reprises par celles du 20 juin 1923, relatives au nouveau plan d'études des écoles primaires élémentaires, aHimées du même souille, 's oulignent, elles aussi, le respect dû à la foi de l'enfant. « L'instituteur devra éviter comme une mauvaise action tout ce qui, clans son lçuigage et dans son attifude, blesserait les croya nce.s religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porMrait le tro1ible dans leur esprit, tout ce qui trahirait, de sa part, envers une opinion quelconqfle, un manque de respeci ou de réserve. » Ces croyances expriment « les n~tions fondamentales de la morale éternelle et universelle, communes à toutes les doctrines et nécessaires à tous les homm~s civ.ilisés » : Pinstituteur a po'ur mÎs!>ior de les (( fortifier )) ' de les !< enrt1cinèr aans !'~me de ses élèyes, pour toute leur vie, en leri faisant passe~\ dans la pratique quotidiirnne ,,. Aver. énergie, les Instructions affirme~t que « l'enseignement moral !aïqne se rVi~ting11e de l'en~eignement religieux sans Ce contre.dire>> et lracent la voie à suivre, droitement : « L'lnstiluteur ne se substitlle ni au Prê~re, ni au Père de Famille; il joint §es effprts au1 leurs pour faire de chaque enfant un honnête homrpe. Il d~it insister sur les devoirs qui rapprochent les hommes et non sur les dogmes qui les divisent. Toute discussion théologique et philosophique lui est manifestement interdi:te par le caractère même de ses
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NEürnAtirt scbtATRE
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/onctions, par l'âgë de ses éfüres; JjOI' la 'confiance d:es (amilles et 'de l'Etat : il coricentre tolls ses efforts stir un problèihe d'uilé autre rialure; ihais iion m!:lid\; ardu, par celd mêmè qu'il est êxchisivérhent pratique: c'est de faire faire à tôüs les lMfarits l'apprèntissage de là vie morale. Pllls lard, de edus cithyèhs ; lis se ront peut-être séparés par des opiiiions dogihàti!.. ques, hiàls du mdirîs ils sérdrlt d'accord, dans la pdtique, pdur plaêér lé bu[ de la vié adssi haut que possil:ile, pour avoir la ni ~me horréur de tout ce qtîi est bàs 'ët vil, là mêril 'e admiration de ce qui est iioüle et géhérètix, la thêrrie délicatesse d::ihs l'appréciatiop du devoir, pour aspirer au perfectionnement mqr::il, quelqu~s effoi'ts qu'il colite, pour se sentir unis dans ce culte général dh bien, du beali et du vrai, qui est aussi une form~, et non la moins pure, du sentiment r eligieux. »
= L,a neatralitê facteur d'union Pourquoi de si belles 'espérances ea sont-elles erl.core à se réaliser? Pourquoi faut-il qué l' Ecole, tèrraih neutré, soit dévenue champ ciè comb:it? C'est que l'opposition âè l'Eglise ét èle sès pariis ~ fa tiëlltralité intéresse moins lë que la sap,:'é~ matie de l'E g lise : « Sous la qhéstion; fort seconclaiti~ de savoir qui approchera de l'enfant pour lui enseî..: grtér la: lecture, l'èci-iluré, lë greè bLl le latiri, se cache, eri dernière analyse, un~ qi.leslion d~ SO\I\' ! raineté. La férule du maitrê est lê sceptré du monde.~ (Mgr GAùME.) '.( Celui qui a l'~nséignerh ll nt ::iusst l'~venit. >S (Mgr Hudf.) Ainsi, lë d ~lfat sê èircorisct·it: e ntt~ i'ancien principe de droit di~ih ; rclyal ét sa ei-: dotal, et le principe démocratique, libéral et neutre, entre ceux q·ui s'eri remettent à lâ libèrté morale ·et
Conclûsion.
n'alfori,ale. -
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MOIIALE PROFESSIONNELLE
ceux qui s'en défient ou la nient. Conflit vieux de plusieurs siècles, puisqu'il naquit vers le milieu du moyen âge, quand, affirmant son . indépendance à l'égard de l'esprit ecclésiastique, l'Etat voulut se dçvelopper en opposition avec les institutions religieuses qui prétendaient l'absot'ber ou le limiter. L'Eglise y persévère dans une intransigeance inébranlable, sans aucun profit pour ses dogmes et au détriment de son autorité. Elle fut, cependant, au cours de notre histoire, dès les temps lointains des invasions barbares, comme aux sombres moments de l'an mille et après la redoutable épreuve de la Réforme, la grande éducatrice nationale. Dans une société saine et bien réglée, son clergé pourrait, naturellement, prendre place au rang des conducteurs du peuple : comment hésite-t-il à se mettre e n tête du mouvement démocratique et pourqüoi, depuis longtemps, a-t-il faibli sous la peur de la liberté politique, de la liberté scientifique et, mê me, de la liberté religieuse? Avec plus de confiance dans les forces naturelles de l'âme humaine et dans les lois de l'histoire, ses dirigeants se fussent gardés de tirer en arrière: « C'est un grand malheur pour la France que l'Eglise dominante n'ait pas, jusqu'à présent, embrassé cordialement la cause de la liberté et mis à son service l'immense influence dont elle dispose. »
(F.
PÉCAUT 1 .)
La conciliation pourrait, cependant, se produire. Il sulfirait que, strictement fidèle à sa mission et à la doctrine de son fondateur, l'Eglise, « rendant à César ce qui est à César », n'exerçât son ministère qu'en matière spirituelle, après avoir r~connu la suprématie de l'Etat dans l'ordre civil et politique.
1. Etudes aujour le jour sur l'Education nationale.
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Nf:UTRALITÉ SCOLAIRE
Des pays très croyants : Etats-Unis, Hollande, Angleterre, Suisse, ne laissent-ils point aux seules fa milles et églises le soin de l'instruction religieuse ? Ainsi cesseraient de s'affronter foi civique et foi religieuse ; ainsi disparaîtraient, entre citoyens, ces pro. fo ndes démarcations qui, de l'enfance, se prolongent jusqu'au terme de la vie. « La lo~ d'amour, on ne la gravera jamais trop dans le cœ ur des e nfants. Mais ce n'est pas en parquant les élèves de religions di{fé.c re ntes dans des écoles différentes qu' on leur apprendra à s'aimer ... Séparer les enfants d ès le jeune âge, c' est se mer dans leurs âmes d élicates les germes de ces funestes préventions qui se développent chez les ètres humains quand ils vivent dans l'ignorance les un s des autres 1 • )> (E. BoNNE.) L'école neutre « libéra le , hospitalière et vivante, deviendrait, alors, la maison où pourraient, au moyen des concessions les plus légères et les plus raisonnables, se rencontrer et s' accorder tous les citoyens qui veulent que la patrie soit plus qu'une étiquette, une pensée commune et une commune volonté :i. » (B. JAcos.)
1. E.
BoNNB , Défens e et illustration de l'école laïque. 2. B. JAcoe. Pour l'école Laïque.
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Cl-IAPITRE IV
Autre devoir de Î'Etai êtlubatéür: il ne doit rièri èiisei:. gner qui soit contraire â ses principes jtiridiqués êt moraùx. Accepter il'être instituteur, c'est acéepter cette restriction à la liberté d'opinion.
Vers le milt:eq du siècle dernier, à la rieille tradition individ1_ talisle de l'éducation : dérelopper au plus hat1t degr§_ les facultes, selon les ressources de chaq,ie nature, ÎHIERS aj9utait le droît de l'Etat : éterer « l'enfant d'uÎie manière conforme à la 'Constftulion d1t pays 1 », comme membre 'd' u~ie société politique. Çelle conception sbciale de l'éducation est allée s'affermissant. « L'éducation, dit DunKHEfM 2, est l'action e.i:en:ée par les générations adultes sitr celles qui ,te sont pas encore mûres pour la rie sociale. Elle a pour but de susciter et dérelopp'er citez l'enfétnt un certain nombre d'états physiques et mentaux que réclament de lui, et la société politiq1te dans son ensemble, et le miliell social auquel il est particulièrem[J.n t cle_stiné. >> Par suite, « l'éducation doit réaliser l'homme, non tel que la nature l'a fait, mais tel que la société reut qu'il soit, tel que le réclame son économie inférieu re». Car !a société ne peut exister s'il n'y a p as, entre ses membres, une homogénéité s1tffesante, nécessaire à son organisation, et, pour chacun d'eux, une spécialisation -lui permellant d'y 11i11re.
1. Rapport de 1844. - TmERs ne faisait que sui"re les révolutionnaires : Talleyrand, Condo rcet, Lakanal, el c. , dont la grande préoccupation fut de concilier les mœurs naliouales avec l'esprit des institutions nouvelles.
2. Education et Sociologie.
�AUTRt;; DEY()Ifl P.§ L'$TAT ÉDUCATEUR
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Or, l'e.xistence de chaque peuple repose sur un fond d'usages, de sentiments et de principes dont le respect concou rt au mafn{ien de celle homo3·énéité, - et, par ailleurs, la stabi/ilé du régime politique, qui règle cette ex istence, dépend de sa conformité à ce même fond. !Vi lois, ni décrets ~e p e11 11ent créer un tel accore/; l'action est nécessaire d'une édu cation appro-. priée. Elle poursuù,ra, en mêm e temps que la cnhure des facult és communes 4 tous les hommes, la prepa' alipn à la Fie en sociét!, par~iculière à chaque 01·ga· nisatio1 politique. « Les lois de ?'éducation, écri11ail i 1,Iowrn~QU1Eu dans so,~ Esprit des Lois\ doiFent être relatif'es aux frinc[pes du gou11ernement. >)
= L Princjpfs i•n·idiques et moraux de J'F. tat. Il ne •loit 1~ien enseigne1• q~Ii Jéur soit c onlcah·e. = a ) Ces princ1j1es sont de deux
cspèc~s : les uns, crol'dre juridique, constituent la base de toute qrganisation sociale; les autres, morau.x, se trou vent être, à la fois, les 1•égulatcurs et les stimuJants de la vie nationale. 1° Principes juridiques. - Les plus anciens et les plus tiniyersels dérivent du droit izaturel, fondé sur le bon sens et !!équité : ass ur er la yie et la lib er té des ho mmes; protégèr leur travail et leurs biens; reconna ître aux' époux et p~rents leurs droits et ~evoirs ré ciproques, etc. En quelque sorte, ils expriment la règle 'de la vie en ~ommt)ID, N9rmalement s'y rattachent ceux, d' es~ene:e politique, qui déterminen l la modalité de celte -vre à une épojt-ie donnée, ~elon l'idée cp1'on se fait : des relatiqns a é~ablir eµtre le:' part icu li ers; de la volonté supérieure destinée à maintenir l'ordre; des sanctions dont elle doit dis1. Ch. IV.
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MORALE PROFESSIONNELLE
poser et des moyens à employer pour rendre ces san ctions efficaces. Peu d'hommes sont, en effet, capables cle se résoudre, en toute occasion, à leur devoir, uniquement pour obéir à !'abstraite loi du bien : qu' adviendrait-il d'un Etat qui se confierait à la seul e force déterminante des lois, libérée de toute sanctio n positive? - Parmi ces principes apparaît, d'abord , celui de l'indépendance et de la souveraineté de l'Etat, avec; pour corollaire, la sécularisation des institutions civiles. 4'ient, eusuite, la nécessité de maintenir l'unité de la Nation. D'où : l'égalité devant la loi; le droit de suffrage; l'admission aux dignités, places et emplois publics suivant le mérite et non par droit de naissance ou capacité d'achat; la liberté des opinion s et des croyances, « pourvu que leurs manifestatiou s ne troublent pas l'ordre établi par la loi »; celle d u travail, la loi n ' ayant « le droit de d"éfendre que le s actioµs nuisibles à la société», etc.; bref, tout ce qui , à un degré quelconque, exprime les « Droits de l'Homme et du Citoyen » d'un pays libre. 2° Principes moraux . - Ils complétent ce fondement juridique de l'Etat moderne. La solidarité ne se limite plus aux générations successives : elle se crée entre contemporains, plus impérieuse avec le bouleversement économique issu de la guerre . Producteurs et consommateurs vivent dans une étroite dépendance, - et les relations sociales s'en ressentent; savants et ouvriers, bourgeois et paysans, rencontrent maints points de contact dans des existences jadis étrangères les unes aux autres. Lajustice s'est étendue aux relations intellectuelles : le respect des convictions, de la science, de la raison se manifeste sous une forme de plus en plus rigoureuse. Mieux encore : de jour en jour, cette même justice tend à se substituer à la charité; le droit à l'assistance se fonde; l'entr'aide
�AUTRE DEVOIR DE L'ÉTAT ÉDUCATEUR
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devient obligation légale • Elle pénètre, même, les relations économiques : la coopération transforme de plus en plus les conditions de production et d'échange, eu faveur du travailleur et du consommateur. Longtemps individualiste et préoccupé d'assurer le res.pect de la propriété , notre Code avait négligé l'organisation et la protection du travail : la reconnaissance du droit de grève, l'institution de l'arbitrage, <lu repos hebdomadaire, de la journée de huit h eures, etc., signifient que l'Etat, avant tout pacificateur, travaille à rechercher les conditions d'un Jus te équilibre entre les diverses forces de productio n et tend à substituer l'accord des efforts et des Întér êts à leur opposition. Dans l'organisation même de ses services, le principe d ' autorité absolue fléchit deva nt celui de collaboration : des droits reconnus aux fonctionnaires, les plus importants les associent à l' œuvre d'administration et les préservent de 'l'arbitraire 1. Enfin, de plus en plus triomphe l'idée que « la civilisation suppose une coopération, non seuleme nt de tous les membres d'une société, mais encore de toutes les sociétés qui sont en rapport les unes avec les autres » ( DunKHEIM 9). Au pauvre droit xénophobe
1. Lois sur les Accidents du travail. les Assurances sociales, etc. , destinées à prémunir les travailleurs contre les risques d'ac cident , chômage, maladie ; loi sur )'Assistance judiciaire, pe rmettant au moins fortuné de d é fendre ses droits; institution d'u n régime des bourses, é tendu aux trois ordres d'enseigneme nt, e n faveur des écoliers et étudiants pauvres, etc . 2. « Le gouvernement estime né cessaire à la bonne marche des services et à la paix sociale que les chefs des administrat ions et les représentants de la majorité de leurs collaborateu rs , au lieu de s'enfermer, les uns vis-à-vis des autres, dans une attitud e d 'ignorance ou. d'hostilité, entretiennent des rapports confiants.,, (C . du 25 septembre 1924.) 3. Education et Sociologie .
�MORALE 1,noFES:j_(JJNJy_F._UB
de 1804 s'oppose le dcl1e ensemble de ltiis, convc11tions, traités; jui' isph1dencès et coutumes tant nationales qu'internatio1iales, - preuve que les peuples se sentent liés par des intérêts conimuns, tenus à d1 , obligations réciproques et ,désireux de rehlplacer ! violence par la ri1édiation ! La Cour permanente d'arbitrage de la Haye et la Société des Nations réalisen t l'essai, pléin d'espérânces, d'une véritable orgnnisation d'arbitrage dans les rapports internationaux . Ainsi s'étendent, par tlelà les frontières, la Justice et la Fraleri1ité. b) L'Etat éducateur v.e doit rien enseigner de contr'aire à ses 7Jrîhcipés. - On ne saurait contester qu e le premier devoir de l'Etat soit d'assurer l'e:x:istence des jJrinéliJes qui lui donnent « corps et âme ». Ln contradiction serait pour lui ftrneste de laisser enseigner des doctrines qui tendraient à leur anéaotissemeht èt «d'assister, indifféreht, à lute propagande qui précdnisë le recours à la viole_ l1ce, pour lui substituer un régime qui, sous le nom de dictature du prolét~riat, a.boutit à la suppression du suffrage universel, de toute représen1ation nationale et, par conséquent, de la liberté 1 >i. Certes, chacun demeure libre de ses appréciations, en tant que citoyen, sur l'organisation e~ l'a(?tioll gouvernen~entales; la valeur ou l'opportunité des lois. Cependant, nul ne saurait prétendre à s'âfftaùèhir d'.ùn respe~t abiJo!it à l'égard des principes ét)'nstitutifs dé l'Etat: c'est le propre de l'édu:.. caliou 1e ,,créer et d,e, inàij1tenir ce rèspect, !>ans lequel la Natiori se désagrégerait en groupemênts et individualités hétérogènes; voire hostiles, rendant impossible toute vië en commun. Le cÎevoir de l'Etàt s'étend encore plus loin..: il v12
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1. C , du 18 mai 1921.
�AUTRE DEVOIR DE L'É1'AT ÉIIUCATEUII
jusq1t'à rendre plus conscients ses princ1 j1e.s fondamen ta ux, afin d'en accrotLre le respect et d1c11 faciliter le jeu. L'e< éducation civique ·ll est donc le ço111pl~mcnl ué cessaire de la (( d~îense civique )). p:11e est de ~-ègle cla ns les écoles publiqu~s 1 qui reç_ oive11t la 111ass~ des en fants, - mais facultativé dans les établissements q u' ii la faveur de la liberté d'eu~eig11ep1ent, l'J,:tat ln isse aux particuliers la facqlté d?orgqni~er. Cepen: dant, par ses examens qui, seuls, ouvrent l'ijCCèli! aq~ fo nctions publiques et déterminen~ la cQllatiqp des g rade~, il lui est possible d'obtenir que soient cori-: n us se.i; p1·incipes constitutifs, au moins dans leu1: expression essentielle. P ai: ailleurs, le con tro le qu 'i 1 exercé sur l'enseignement libre pour cc vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, a la Constitntion et 11ux lols 1 » s'oppose à toute action systématique contre le ur in.tég:rité. Fondé à se tenir en g11rd~ contre les manifestations individuelles des tendances antisociales, l'Etat rest~, encore, le protecte1tz: naturel des indiPidus. P ar suite, il lui incombe de les garantir contre le r isque q'ig~orance et )'emprise de danger.eux sophismes, tels C{lux de BAKOUNINE faisant p.e « l'Etat, de l'E glise, de la Forme Juridique, de la Banque, de l' Université, de !'Armée et de la Police, les fortere sses du llrivilège contre le Prolétariat ll, et déclarant i< l'aulqrité nuisible pour ceux qui l'exerce~t i).ussi bien que pour ceux contr.e qui elle est exercée»; tels aussi, ceux de JEAN GRAVE, KnoroTKINE, E . REcLus : « l'individu doit être laissé libre de se g rouper selon ses tendances, /jeS affinüés l l , « de chercher ceux qui peuvent s'accorder avec ses aptitudes s;i.ns êt1·e entravé par aucune considération
1. Loi du 30 octobre 1886, art, 9.
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politique déterminée par des considérations géographiques »; l'idéal à réaliser est <( l'individu libre dan s l'humanité libre » ..• Car · il est aisé de déduire, d e tels principes, que chacun doit pouvoir satisfaire 1 1 son gré tous ses besoins, physiques, intellectuels et moraux, - ce qui couduit à des théories séduisantes pour des esprits peu affermis, mais d'autant plus dangereuses, par exemple : au communisme absolu des biens; à la destruction fréquente de la famille, le mariage n'étant q~'une association dont le maintien est subordonné à la volonté d'un seul; à la négation de toute loi, forcément arbitraire dès qu'elle gêne le moindre désir de l'individu le plus fermé au jeu de l'intelligence et de la conscience, etc. Autant vou. loir la destruction de toute organisation sociale. Enfin, l'Etat, en fait comme en droit, n'a rien d'immuable : c'est, encore, l'une des prérogatives de sa mission éducatrice de préparer les réformes sociales par la moralisation des masses. Sur ce point, son . intervention éclairée et prudente, inspirée du respect de la légalité et du souci de concilier l'expérience des traditions et la légitimité des espérances, s'oppose aux passions des particnliers. L'éducation par lui dispensée, fondée sur la culture de la raison, des sentiments de justice et de solidarité, tend à prémunir contre les excitations à la haine et les désordres de la violence, à combattre tout ce qui risquerait de troubler le rythme social. L'esprit de parti a perdu la Révolution : l'Ecole de la République ne réagira jamais assez contre ses erreurs, en montrant ce qu'il a d'inintelligent, d'injuste et d'antisocial.
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Il. L'Jnslilnlcur et la liberté d'opinion.
Accepter _ participer à la mission éducatrice <le Je l'Etat implique, logiquement, une adhésion sans
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ré serve à ses principes constitutifs ainsi que l'engage ment de les enseigner et d ' en assurer le respect· Par là, « il n'est pas douteux que la profession d'ins-
tituteur public crée, à celui qui l'embrasse, des obli{Jations spéciales et limite. d'une façon p4rticulière sa liberté 1 ».
On objectera: l'éducateur, chargé de « former des citoyens » dont la prérogative essentielle sera la liberté, surtout celle de la pensée, peut-il devenil' un « citoyen diminué » en renonçant, si peu soit-il, à sa liberté d'opinion? Poser ainsi ·la question, c' est se mé prendre « sur les conditions mêmes de la vie en société. La liberté n'est pas un absolu. Toute liberté es t relative. Et toute liberté est limitée par cela même que l'individu qui, lui non plus, n'est pas un absolu, vit au milieu d' êtres, vivants ou non, dont il dé pend. A mesure que se complique la vie sociale, à mesure devient plus dense le réseau d'obligations q.ui · nous enserre. Et, si nous demeurons libres de nous affranchir de certaines d'entre elles, si notre liberté grandit en ce sens que les sociétés dont nous fa isons partie dépendent elles-mêmes de plus en plus de notre volonté, du moins, une fois que nous avons sollicité notre admission dans l'une d ' elles, sommesnous liés par le r èglement qui la régit. Un citoyen fr ançais qui s'inscrit dans une société musicale accepte, outre ses devoirs de citoyen, des devoirs spéciaux de musicien : il doit jouer sa partie même dans de s morceaux qui ne sont pas de son goût : est-il pour cela un citoyen diminué ?- En aucune façon. De mê me, l'instituteur n'est pas un citoyen diminué pa rce qu'en demandant à devenir l'éducateur d es enfants de la communauté des citoyens, il s'est engagé
1. C. du 30 septembre 1920.
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MORALE PROFESSlONNELLÈ
à remplir certains devoirs spéciaux qui limitent sa liberté de parnle et sa liberté d\ction 1 • )) Bien tenir cet engagement constitue un strict devoir de loya11lé. L'instituteur /lont la conviction serait que la loi symbolise l'arbitraire, la Batrie, une idéologie p érimée, et l'Etat, l'adversaire irréductible des individus, trahi rait la con fiance de ses conpitoyens, qui l'ont chargé d 1enseignE;r la fiOumission aux lots et le respect de lem: organisation sociale. De même, le maître aux convictions royalistes, bonapartiste~, cléricales 2, est mal venu d'accepté de la R~publique la charge d 1e n faire connaître et respecter la Constjtuiion. 'Honnêtement, il devrait s épargner un rôle qui le place e~ perpétuelle contradiction avec lui-m ê me, µne attitude que la conscienpe réprouve. - De ce point de vue, l'indifférence, même, constituerait une déloyauté cc impossible à justifi~r » de la part d 1 un éducateµr qui se placerait ainsi cc en dehors du pays et de ses . institutions ,,. « Dans une démocratie biep ordonnée ... ce serait un abus de demander à des fo11ctionnaires d'un ordr~ quelconque un 1node de concours incomp~tible avec " ses attribution~; mâis
1. C. du 30 septembre t92p. 2. Entendons-nous sur ce mot. Le clér,icalisme veut la ~upi·émiti~ ~~ ti1Hw·i~ê ;e/igie'iisi s,,i'F ·!~ P.~~v~ir 11 est dr toutes, /es re ligions et n'1:f' rie.11 Ù voir a~ec la cz·oyance. l..a ;rair reli ~ion vit ' dans et par l'esprit: so~ royaume n'est pqint ile ce monde. . Dans le tpê!!)El qrdrll d'jd~e~, <rn t tJl!m 7r, coµiqie IJ!P.W quant ~u p lul! ~Jén)~nt~jre Pfv?ir d 5 lqy~ut,~'. /'act[o'.l è!~ g,'.ôuPf mr nii; d Ip ~~!)~ll'IC es pu~!1_que~, ~~ pr!nci CO~§trtues 'lJ?lll' l~ ~o~~ ~~va tiop ~t le d éve loppement des croyances religieùses, rna1s qui, in se nsiblement, eu sont >enus à violer, plus ou moîns · ouve;·teriient, la n·eut~nlité de l'école, et à d·i~ r rédit e~ l'œ uvre politique et · sociale de la Révo lution fran ç aisP.. "Preudre contre son p ère le parti de ses pères» (E. Ps1cHAa1) est, eu l'occurrence, une excuse 'de mauv&ise foi.
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c'en sèrait uh autre et pltis grhve èhcol·e de leur iaisser croire qu'ils peuvent afficher le dé cl:iin pour ll OS institutiol1S; se retra1:1cher dans une sorte de fa usse impai-tialité professionnelle èt revertdiquer lè droit de tenir tubliquement la l:lalance égale entre la République et ses eiiiitimis. De tons les serviteurs de l'Etat, lès éducateurs de la jeunes~e seraient les der niers à qui l'on pûi reconnaitre un pareil droit; eux-mêmes s'étonneraient qu'aprës les avoir chargés de l'instruction civique, on les autotisât à démentir
lea>·s leçons par leul· exemple 1 , »
D'aulré part, cëi engngemerlt implique un respect de l'enfance d'autant plus nécessaire ~u'elle à di·dit, de par sa faiblesse et son impressiortilal:lilitê, aù:t ' gards les plus scruplileux 2 • « L'Université, disait Jo uFFROY, a toujours rèfusé de considére,: la p'ohtiguè
comme àne philosophie qui ~e baisse pb1u· prendre les enfants. » L'él:lucateur Serait indigne s'il usait du man.:
dat confié par la Natidn autrement que polir des fins légitimes, en évitant d'dpposei' cè qu'apprend l'ehfant à ce _ qu'ils serà tehu d 'il.cèomplir devenu homme: il risquerait de fotmet ,des citoyens étrangers à un Et::it qu'ils ne pollrrrilerlt ni comprendt·e; ni respecter; cl dd nt ils fini1;aieni par troubler fatalement le ryth111e. Le s conséquenceè ne laisseraiebt point d'être très g raves pour èèux qui, se révélant antisociaux, con::. traindraient la cité à se d éfendre, Quel édûcateu,: voudrait d'un tel destin pont ses élèves? Enfin, en présence deé grands intérêts de l;exis~ tènce, que définissent les prirlcipes juridiques et mbraux de l' Etat, la dignité et le souci de niciintenà· entière une a1itôrité nécessairè au bon exercice de sa
1. C. du 20 août 1889. 2. Cf. le ch ap itr e précédent: la Neritralité
scolaire.
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MORALE PROFESSIONNELL E
mission commandent à l'éducateur de faire abstraction de ses préférences. L'obligation est stricte, pour lui, ·de se préserver des jugements abs.o lus et des sentiments passionnés pour ne songer qu'au bien général , et à l'élévation de la conscience collective vers plus de liberté et de fraternité. S'il l'estime bon, qu'il se montre catholique pratiquant ou calviniste rigide, mais non artisan fougueux de la subordination du pouvoir civil à l'autorité religieuse; que son patriotisme vibre aux grands événements de !'Histoire, mais ne se montre ni agressif, ni haineux, ni injuste: l'amour de l'Humanité n ' a rien d'incompatible avec celui de la Patrie; qu'il affirme la nécessité de résister à l'oppression, en soulignant que ce doit être dans les formes légales; et, s'il lui arrive de déplorer la misère de certains travailleurs, que ce ne soit jamais par l'opposition au patron « qui possède sans travailler », au prolétaire « qui travaille sans posséder » : il est meilleur, et de beaucoup, de montrer que la « libération du travailleur » doit venir de la loi et non de la violence et de la haine. Sa mi~sion éducatrice est toute de paix, ce qui ne signifie aucunement: de résignation. L'étude de l'histoire ne permet-elle point de montrer que les bienfaits présents sont issus de longs et douloureux efforts, - et que la violence n'a jamais rien produit de stable ni de satisfaisant? Dans cet esprit, à maintes reprises, sont intervenues les instructions officielles pour rappeler que l'école neutre doit être fermée aux excitations des partis et que !'Instituteur a le strict devoir de bien user de l'autorité qui lui a été dévolue. « L'Etat français répuhlicai'!- 1 n'entend certes pas professer des doctrines
1. Circulaire du 17 mai 1921.
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qu'il imposerait aux maîtres chargés- de l'instruction de la jeunesse, mais il est coutrain~ de s'opposer à la , ropagation de celles qui tendent à sa propre destruction ... » Il est « inadmissible que les membres de l'enseignement public fassent servir à une telle propagande l'autorité qu'ils tiennent de leur titre et de leur foncti~n, d'autant plus que l"Etat se verTa parfo is obligé de sévir contre des citoyens qui auront été entraînés par les conseils et les excitations des propagandistes. Aussi serait-il illogique et injuste que toute licence fût laissée auxdits fonctionnaires de cré er ou de favoriser des mouvements que l'Etat aura, par la suite, le devoir de réprimer ... De·s obligations particulières et singulièrement strictes incombent sur ce terrain aux membres de l'enseignement. Leur mission même et le prestige qui s'y attache facilitent leur action dans la vie publique et leur donnent crédit devant la nation : leur responsabilité s' en trouve accrue. Aussi bien, ils ne doivent jamais perclre de vue que leur titre et leur qualité les suivent, qu'ils le veuillent ou non, dans toutes les circonstances de la vie sociale. Telle attitude, tel langage, qui n'engageraie nt qu'eux-mêmes, s'ils étaient de simples citoyens, peut nuire gravement à l'Ecole ou à l'Université qu'ils rep r ésentent et à l'enseignement dont ils sont chargés.» Plus récemment1, les instructions ministérielles ont condamné, avec une force encore plus pressante, toute propagande politique à l'école : « Je vous invite à ne tolérer parmi vos effectifs scolaires ni création de secteurs, ni désignation de subdélégués mandatés par aucune organisation, ni remise de buvards commu nistes ou de programmes électoraux ... Aucune excuse tirée de l'excellence d'une cause et de la
1. C. du 28 avril t!l'l5 et du 21 janvier 1931.
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liberté des jeunes esprits ne doit être valable pou •· justifier cette préparation volontaire ou involontaire à une sorte de guerre civile des enfants. »
Conclusion.= Nulle hésitation n'est possible en présence d'instructions aussi nettes : à s'affranch ir du devoir qu'elles tracent, l' éducateur trahit le mandat qu'il a, librement, accepté de remplir. Elles consacrent la tradition instaurée dans l'école nationa1'c depuis un demi-siècle 1 , tradition qui en fait la force , consacre la valeur, assure le rayonnement : l'instituteur, chargé de pouvoir de l'Etat, s'est engag·é au service, non d'un parti, mais de la Nation tout entière. Aussi doit-il bien se pénétrer de cette idée que so autorité ne viendra point du dehors mais de -lui-m ê me , de son attachement scrupuleux à son devoir, de sa conscience à le remplir exactement, de sa foi in te'rieure en la grandeur de sa mission : préparer, en chacun de ses élèves, le citoyen épris de liberté et de tolérance, désireux de progrès et fermement attaché ' à l'ordre établi par la loi. cc Il est facile de fonder la République, dit justement. H. MANN2, mais non cl e former des ·républicains. » C'est une œuvre délica t;e et de longue haleine. Elle réclame plus qu'un long et patient dévouement : le don de ~oi, sans restrictions .
1. Çf,, G\1. précét;l,ent, Nrrntralité scolaire : Lettre de J, Ferry aux Instituteurs de France. 2. L'Ecole et le Progrès social.
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�CHAPITRE V
Du choix des livres de classe: avec quelles pr~cautions il doit être fait.
Responsable des résultats de son enseignement, l' Instituteur doit, en retour, jouir d'une large indépe,idance dans la recherche et l'usage des moyens secondant son action, notamment dans le choix de ces constants auxiliaires : les liYres de classe. Toutefois, sa liberté ne saurait être absolue. L'achat des ma· n uels, très souYent laissé à la charge des familles, le ur occasionne des dépenses parfois lourdes : il est j uste qu'elles en puissent demander l'allégement; par aillellrs ne sont-elles point fondées à exiger, dans les textes, un strict respect de la neutralité scolaire? De son côté, l'Administration académique a mission de veiller à l'application des règlements et programmes; elle est, aussi, l'arbitre natllrel des désaccords s' élevant dans le personnel ou aYec lès familles. D'où, une réglementation à la fois libérale et prudenie,. so ucieuse de ménager les intérêts en présence et de f a1•oriser le progrès par un discernement rationnel des nouYeautés destinées aux élèYes.
1. La réglementation du choix des livres d e classe 1 • ' Chaque département étab lit la liste des manuels destinés à ses éco les publiques.
Un choix commun à tous les élèves de la France ou, même, d'une académie, leur eût mal convenu. L'éd ucation d'un citadin ne peut ê tre en tous points icle nt;que à celle d'un l'lll'al et, touchant celui-ci, des
1. Décret du 21 février 1914.
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variantes s'imposent, selon qu'il s'agit d'un montagnard, d'un habitant des plaines ou du fils d'un pêcheur. D'autre part, l'enseignement du français, celui des sciences et, surtout, de l'histoire et de la géographie, présentent, selon les localités, des difficultés différentes, des exigences particulières : seule peut les réduire une adaptation exacte de l'enseignement aux ressources du milieu, aux possibilités et aux besoins des élèves. D' où, la nécessité de manuels variés et l'obligation de les choisir en conséquence. La liste départementale est préparée et, tous les ans, revisée, par les instituteurs et institutrices de chaque canton, réunis en conférence pédagogique, sous la présidence de l'I nspecteur Primaire. Les livres . dont l;i radiation ou l'inscription sont demandées_provoquent la lecture et la discussion de rapports écrÏts, pré sen tés par les maîtres qui ont cru devoir prendre ces initiatives. A la requête des assistants, désireux de s'éclairer, sur les propositions présentées, par la lecture des ouvrages, le renvoi à une prochaine séance peut être ordonné. Le droit de la conférence est de simple initiati11e : elle ne peut prendre de déci11ion exécutoire . L'accord établi, les propositions, motivées, transmises à l'inspecteur d'Académie, sont examinées par une Commission siégeant au chef-lieu. Elle comprend l'inspecteur d'Académie, président, les Inspecteurs Primaires, les Directeurs et Directrices des Ecoles Normales, les délégués des Instituteurs et Institutrices au Conseil Départemental, et deux Délégués Cantonaux, désignés par ce · Conseil : ainsi se réalise la représentation des familles, du personnel et de l'administration 1 •
1. Dans les Ecoles Primaires Supérieures, la liste des livrei,
�DU CHOIX DES LIVRES DE CLASSE
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La Commission contrôle le premier choix, l'arbitre, en cas de désaccord, et le met au point, en une liste d éfinitive, soumise à l'approbation du Recteur. Si celuici admet les choix arrêtés, la liste vaut pour un an . S'il estime devoir refuser son assentiment, il en réfère au Ministre, qui statue après avis de la Section permanente du Conseil Supérieur de l'instruction publique 1 • Il peut arriver que les parents jugent contraire à la neutralité un manuel scolaire : ils sont en droit de demander au Ministre d'en prononcer l'interdiction dans les écoles publiques 11 • Si le ·Ministre refuse de statuer ou de leur accorder satisfaction, ils peuvent se pourvoir en Conseil d'Etat pour excès de pouvoir. Après avis de la Section permanente, s'il s'agit <les écoles publiques, ou du Conseil Supé rieur, si les écoles libres sont en cause, le Ministre prononce l'interdiction des ouvrages d'enseignement qu'il juge contraires à là morale, à la Constitution et aux lois. Tout livre interdit doit immédiatement dispar(lilre d e l'école, mais en ce qui concerne les ouvra g es dont la radiation est prononcée, un certain délai est accordé à !'Instituteur pour le retirer d'entre les mains de ses élèves 3 •
es t revisée, avant la fin de chaque année scolaire , par le c;,onseil des professeurs et soumise, en cas de modifications, ù l'approbation du Recteur , qui s lalue quinze jours, au plus tard , avant la re ntrée. (A. du 18 janv . 1887, modifié par l' A. du 18 août 1920. 1. Par applica tion d e l' art. 4 de la loi du 27 février 1880. 2. Id., art. 4 et 5. - Loi du ao octobre 1886, art. 35. 3. C. du 7 oct. 1880 , in fine. A remarquer qu'un livre non ins• crit ou qui n'est pins inscrit sur cette liste officielle n'est pas un livre interdit.« Nul n'a le droit, les instituteurs ne l'ignorent pas, de fe rmer la porte des écoles à un livre qui n'est pas lé galement interdit. » (Lettre ministérielle <lu 30 nov . 1902.) C'est, simplement, un livre que l'administration académique et les communes ne peuvent inscrire sur la liste des fournitures scolaires gratuites (art. 9 du D. du 29 janvier 1890).
�.IIOlW,i PitOFESS10NNBLtE
- Il. Les livres obligatoires 1 • = Dans toute école, les élèves doivent obligatoirement posséder : au cours élémentaire, un premier livre de lecture; au cours moyen, un livre de lecture courante, une grammaire élémentaire avec exercices, un~ arithmétique élémentaire, un petit atlas él·émentaire de géographie, un livre d'hi~toire de France; au cours supériéur, uri livre de lecture courante approprîé au programme, une grammaire française avec exercices, une arithmétiquè', un livre d'histoire de France ou d'histoire générale, un atlas de géographie, un livre d'instruction ri1orale et civique. En fait, ces limites sont dépassées : on ne trouve point d'école où les élèves du coùrs préparatoire sont dépourvus de livres, où ceùx du cours élémentaire possèdent, pour tout bàgage, le seul livre de lecture, où, enfin, dans les cours moyen et supérieur, divers manuels (sciences, puériculture, musique, travaux manuels, etc.) ne s'ajoutent à ceux prescrits par le règlement. A tort ou à raison ? Tout dépend du rôle assigné aù livre 2 • L'un des meilleürs et des plUf sagaces, parmi les organisateurs de l'ét:ole primairè 1 J. F1rnnv, le déterminait ainsi, dans ~a Lettre au.t lnstituteurs 3 : « Ce qui importe, ce n'est point l'ac, tion cln livre, c'est la vôtre. Il ne faudrait pas qui le lù 1 l'r Plnt, en quelque' ~orle, s'interposer entre Vl~ élèi,es et vous, refroidù· .·votre parole, en émousser l'impression sur l'âm e de vos élèves, vous réduire a11 iÙnple rôle de répétiteur. Le livre est fait pour vo11s
1. Décret âu 29 janvier 1890. 2. Voir, dans le c'ours de 1_e année, PÉ0 ,,0001E GÉNÉRAL~, r ch. IX, la Leço,i § 2. Dans quelle ,hesare faut:..il a11lr de lapa· ,·ale et du livre? 3. 17 novembre 1883.
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et non pour l'élève. Il est votre conseiller ·et votre guide, mais c'est vous qui devez rester le guide et le conseiller par excellence de vos élèves. » Malheureusement, maintes fois, les hommes et les circonstances en décidèrent autrement. En présence de lourds erl'ectiîs, ou dans les classes formées de gl'oupes dissemblables quant au savoir et au développement intellectuel, le manuel est deYenu un auxiliaire constant. Il a permis au maître de mieux équilibrer son effort : g rfice à lui, lés élèves qui ne pouvaient ou devaient suivre unè leçon, furent occupés à des exercicês écrits ou à des études individuelles. La discipline y a gagné et, encore, l'instituteur qui a bénéficié d'intervall_s de repos et évité de pénibles c répétitions. Demeurée dans des limites raisonnables, celte légitime utilisation du manuel eût été excellente. Mais la valeur et l'agrément des sei-vices rendus ont {itè èonduit à l'abus, au détriment des résultats : l'excès des exercices écrits, fastidieux et point toujours propices à l'essor du jugement, la longueur ou l'inopportu~ité de résum és appris par cœur, le développement du verbalisme, daris certaines classes, en sont Jè vivant témoignage. Par surcroît, des préoccupations mercantiles ont 'a ggràvé la situation : non seuleincrit, pour chaqu~ cours; le nombre des manuels a crû d'unè façon inquiétante, rnais des subdivisions ônt été établies - poûî· lâ lcciü:-e par exeîùple - en (( années )) et « degrés», dans chacun de ces cours. Si le ri1àître y a trouvé un élément va~ié et commode ,pour la préparation et la èond11ite de sà tâche, l'àpplication des programme~ a p~ti d'une tellë trituratI~~ de leurs matièr~s . . Ilésu I lat : de graves déformations et, ce qui est r.tus regrettable encor~, l'oubli des sages instrucilo11s qi1i assurent la netteté dè 1eur trait et la
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prudente organisation de leur équilibre 1 • « Il est rare de trouver aujourd'hui, dans une classe, un livre qui réponde à l'esprit et à la lettre du pro gramme officiel ; les manuels écrits pour les sections enfantines - d'où ils devraient, d'ailleurs, être bannis - sont du niveau du cours élémentaire; ceux que leurs auteurs destinent aux cours élémentaires suffiraient pour les élèves du cours moyen, et, s'ils possédaient les connaissances énumérées dans les livres faits pour le cours moyen, on pourrait féliciter de leur savoir les él èves des cours supérieurs'. » Pressés par les sollicitations des maîtres, leur désir de faire œuvre utile et les suggestions des éditeurs, les auteurs de manuels dévient, parfois, dans leur tâche. Jadis, la CONVENTION avait mis au concours la rédaction des livres élémentaires destinés à aider parents et instituteurs. Non sans raison, elle estimait que, seuls, « les hommes supérieurs daus une science, dans un art » dont ils ont « sondé toutes les profondeurs, reculé toutes les bornes », sont capables « de faire des éléments où il n'y ait plus rien à désirer'». Depuis, de rares spécialistes se sont consacrés aux ouvrages élémentaires. Les « praticiens » semblent se défier de plus en plus des « autorités », et opposer les données de l'expérience à celles du savoir. Les manuels y ont perdu en hauteur d'inspiration . mais sont devenus plus accessibles à des er.lants, et pl us commodes pour les maîtres : i:s y retrouvent le reflet des procédés familiers.
1. La valeur des programmes de notre enseigne.ment p!'imai1 e est telle que l.'é.r anger (Italie, EH pagne, Amérique latine, etc.) nous les a empruntés dans ln1.r majeure partie. 2. lnstructions relatives au nouveau Plan d'études des Écoles primaires élémentaires (20 juin 1923). 3. Projet de décret d'AasoGA~T (24 septembre 1792).
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= III. Précautions a prend1·e dans le choix des manuels scolaires.= a) Principes généraux.
- Fidèle au conseil de J. FERRY, l'instituteur doit éviter de munir ses élèves de trop de manuels : il risquerait de fournir, à leur attention si mobile, de nombreuses occasions de ·s'éparpiller, et, surtput, de diminuer la portée de son action sur leurs esprits. D'autre part, le livre ne peut remplacer le maître : il le supplée et par occasion. Aussi, l'efficacité de son concours est-elle liée à l'absence de tout mécanisme : un manuel où abond.ent les longs exercices qui commandent un effort passif, doit être résolument écarté. Par exemple : tel « vocabulaire » dont le s devoirs, établis sui· un plan uniforme, comprenne nt une dizaine de p)lrases rattachées à une idée (les coiffures, les métiers, etc.). Le travail de l'élève se borne à placer, dans chacune d'elles, le mot adéquat (képi, bicorne, mitre ... ). La tâche est d'autant p lus machinale qu ' un exercice préparatoire collectif a indiqué le terme convenable et . que, souvent, ce même exercice revient dans le courant de l'année. Résultat : le devoir « d'intelligence » se déguise en un e copie ennuyeuse et de médiocre valeur 1 • Le concours du manuel ne peut ressortir à plein effet si son choix ne s'harmonise avec les capacités et besoins des élèves, c'est-à-dire s'il ne correspond exactement aux programmes et au nù>eau de leur cours. Une telle préoccupation ne s'impose pas toujo urs avec assez d'insistance à l'esprit d'un auteur : in tei:.prète des textes, il lui arrive de se mal défendre CO!_ltre des vues personnelles, qui en font dévier l'esprit. D'ailleurs, par le seul fait que son œuvre
L Il n'est ,point rare de f'OQ.stater, sur les livres, que les élèves poussent leur souci du moindre effort jusqn'à iudiquer, par des numéros, le terme ccn-respo11dant à chaque phrase.
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s'adresse à toutes les écoles primaires, n'est-il pas entraîné à composer un « cours » idéal? D'otl, erreurs d'adaptation et lacunes. b} Qualités à rechercher. - L'exactitude dans fa présentation et l'interprétation des programmes doit avoir pour complément indispensable des qualités de .rédaction qui facilitent l'usage et la compréhension du manuel, contribuent à éveiller et soutenir l'inlérêt, excitent à l'effort personnel. 1° Fond. - L'ordre, . la clarté, la sobriété sont des qualités essentielles. Il n'est point rare de rencontrer un inconcevable désordre, même dans les manuels en faveur auprès des maîtres. Tel livre de calcul mélange, à la faveur d'une répartition men"Suelle, les notions d'arithmétique, de système métrique ·et de géométrie appliquée : il abandonne l'addition pour le rectan'gle et celui-ci pour Tes mesures de poids ou, encore, passe des nombres complexes à la sphère, pour revenir à l'intérêt simple. Ses nombreux exercices d'application ne graduent point toujours les difficultés et, parfois, ne se lient pas, aux notion~ étudiées, avec toute la précision désirable. L'intention est manife-ste : par de nombreux exercices, ressassant de traditionnelles mais inept~s difficultés1, l'auteur a voulu plaire aux maîtres que hante le cauchemar du Certificat'd'Etudes. Collec'tionner assez de «trucs'>> pour déjouer les embûches d'une épreuve, importe davantage que meubler les esprits de connaissances utrles et donner souplesse et vigueur aux intelligences. Fort heureusement, de têls errements deviennent rares. Pour les voir disparaître, il suffirait de s'en tenir aux instructions définissant le caractère de l'enseignement mathématique à l'école
1, Mélanges, alliages, etc.
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primaire : « Calculer, calculer rapidement et exaclcmeht, tel est l'objectif principal. .. La théorie ne doit intervenir que dans la mesure 0L1 elle est nécessaire pour justifier la pratique du calcul, là rendre plus agréable à l'enfant qui cherche a s'expliquer cc qu'il fait, la rendre plus féconde en ln rendant plus intelligible. » Autre fait, d'importance : considérer ce que pe~t et i,eut l'esprit de l'enfant. Sous prétexte de simplicité, que de niaiseries lui présente-~-on ! L'erreur naît de croire que sa psychologie est·, en raccourci, celle dè l'adulte, alors qu'il a des manières propres de percevoir, d'organiser ses perceptions; de së~tir et de réagir. Pour avoir méconnu cette vérité élémentaire, la plupart des livres de lecttlre courante se révèlent d'une indigence et d'ûbe maladresse surprenantes. Nomb re de textes absurdes ofl'reht d'inconcevables récits de fàits, hi naturels, ni vraisemblables, ni !otiques : le chien Poppy chute dans un seau de peintùre prise podr de la creme ( où avait-il son odorat, si fin?); Sidonie exige que son cousin mange des petits pois trop sâl~s et la tante Isabelle oblige le paÙvre Gaston à absorber la saum~~~ (une correètion bien appliqùee n'eût-elle pas été de circonstance?). Ef oien d'autre fariboles : Berthe aide l'aiguille â pénétrer dans son doigt crispé pat· la douleur, dont elle s'affranchit par un : « Entrez, mlgridnne, )) qu'aucun enfant ~e prononça jamais; le Soudanais perdu dans Pai·is, à demi mort èle froid, se réchauffe, le jour de l'an, à la t'àveur d'un jeu qe mots (il achète èles graines dè (( soleil )) : tournesol); Ptitim et Linè, èt leurs nombreux cousins et cousines littéraires, deviennent stupides à force de vouli',ir être spirituels (Edouard, le .p oisson rouge, se précipite vers Line parce qu'elle l'appelle d'une voix
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« caressante et douce » !), etc. Sans doute, l'enfant aime-t-il les fictions; encore ne faut-il point qu'elles heurtent son instinct de logique, sa confiance, son désir de savoir et de comprendre. Il est, dans nos contes du terroir, des récits qui renferment une philosophie, une manière populaire de concevoir un idéal (ceux de Renard, par exemple) : ils préparent à l'intelligence d'un LA FONTAINE, séduisant par la forme des obser vations psychologiques, le naturel de l'action, le rythme des vers, en dépit d'une expression relevée, parfois incomprise. Mais pourquoi emprunter aux brumes du Nord ces récits illogiques qui présentent la vie comme une succession de fantasmagories sans lien? Bien à tort, on juge l'enfant insensible à l'expresaion. Pourquoi, sans doute, de malencontreuses négligences émaillent maints manuels : les insupportables qualificatifs de G. DRoz, appelant Bébé son « cher petit homme », son « vieux camarade », son « gros chéri »; les clichés dont la vétusté n'a point entamé la résistance : le drapeau « qui s'enfle commn un sein », quand « tonne l'airain »; messire l'hi, ver, « chevalier à barbe fleurie >>; la locomotive, « coursier de flammes »; les platitudes et les exagé• rations : Bébé sent son petit cœur « gros d'une met de douleur » ;, la tante Quette reçoit « comme uu coup de poignard », à l'idée que Bébelle lui avait menti; le bris d'un jouet produit « un orage de douleur, une tempête de désespoir 1 ••• ». Et comment qualifier ces négligences de style qui émaillent nos livres de lecture courante : « on se rembrasse » : -« la vache a bramé »; « le coq cocorique »; «· elle.le
1. Cf. la très intéressante étude de M. Maurice S.t.RSONNE dans la REVUE PÉnAGOGtQUE (n° de décembre 1923) : Lecturu ,t manuels à l'école primaire.
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tisana »; « les baleines gambadaient »; « pendant cet entretien, les cent mètres en avaient fait deux cents»; « il pépie d'un bec tendre»;« l'âne sentait ses dents jaunir»; « Polichinelle a deux fardeaux qui lui font une rondeur d'aile » ?... Une langue simple, claire, accessible à de jeunes intelligences,-ce qui n'exclut ni correction, ni pureté, - contribue à séduire l'esprit, tout en faisant aimer la lecture. Autre erreur : l'abus de l'explication. Elle ne va point sans dangers. En lecture, notamment, à force de vouloir commenter, disséquer, catéchiser, on a désappris d'accorder à l'expression les soins qui lui reviennent et de goûter un délassement agréable. Il semble, même, qu'inconsciemment, on ait détourné l'enfant de cette distraction intellectuelle, la seule qui reste à la plupart de nos élèves après leur scolarité. Certes, donner à l'enseignement du français la base vivante des téxtes est pratique excellente; encore faut-il se garder de tuer l'intérêt et créer le dégoût. La solution serait dans le choix de deux manuels, mais à partir du cours moyen seulement. L'un, plus spécialement consacré à l'étude du langage par les textes, resterait <l'un usage discret. L'autre servirait à la lecture proprement dite : récits dans le genre de la série des PÉROCHON 1, ou recueil de fragments épisodiques, compre·nant plusieurs pages d'extraits bien choisis, de peu d'étendue, mais sans coupurès fâcheuses 1, qui amoindrissent ou détruisent l'effet d'art voulu par l'auteur. 2° Forme. - Avant tout, rechercher la solidité de
1. Au point d:,1, jour (cours prép.); les Contes des 101 matins (cours élém.); le LiYre des quatre saisons (cours moyen et sup.). Delagrave éditeur. , , 2. Par exemple, réduire à 4 les 6 strophes d'Oceano Nox, ou à t2 lignes la Nuit du 4 août, de M1c0BLBT. •
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la couverture. et du papier. Un manuel bien relié, revêtu d'un fort cartonnage, dure plusieurs ann ées, avec de menues précautions ( enveloppe de papier fort, désinfection au formol, etc.). Il faut songer aux dépenses qui pèsent lourdement, parfois, du fait de l'obliaation scolaire, sur le budget d'un modeste travaille~r, ou, à l'~ccasion, se mont1·er attentif à bi en ménager les r~ssources de.s Caisses des Ecoles. II n'est point exagéré de vouloir que le même manuel serve à plusieurs enfants d'une famille ou à quelques générations d'élèves.
Comme une bonne présentation frappe l'attention, on rechel'l; hera une impression nette (en caractères d'autant plus gros que le lecteur sera moins avancé), sut pa.pier légèrement teinté, reposant pour la vue. Les illustrations charment les enfants. Longtemps, elles furent rares et médiocres. Depuis quelques années, on en a mis partout, même là où elles paraissàient hors de propos : grammaire, arithmétique et, même, solfège. On n'a, donc, que l'embarras du choix. Raison de plus pour éliminer les productions médioc1·e,s, trop chargées pour ressortir nettement au tirage, ou caricaturales, sous prétexte de simplicité. De même, sont à rejeter les gravures tendancieuses, excitatrices des bas instincts. Du livre d'histoire d~vr~ient disparaître les compositions, d'ailleurs conventionnelles et si pénibles pour la sensibilité, de scèqes de violence, inspirées par l'intolérance, l'esprit batailleur, le désir de vengeance, etc. (massacres, combats), ou susceptibles de satisfaire une curiosité malsaine (tortures, ex écutions ). Sans: doute, leur a-t-on donné pour justification d 'être facilement accessibles à de jeunes intelligences et de stimuler l'intérêt en impressionnant le_ esprits. Une s trop belle imaÇ)e, il est vrai, laisse l'enfant indiffé-
�DV CllOIX DÉS LIVRES DE Ci,ASSÉ'.
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rent : elle dépasse sa compréhension ou n'alimente\1 pas le jeu tle son imagination, ne répond point à son goût de mouvement. Mais est-il impossible de trouver, clans les constructions du passé, dans les muséès et collcclions, de vifs stimulants de l'intérêt, soit par la reproduction de monuments, d'objets dive1:s, de monnaies et documents, soit pflr la compositioû de thèmes seyants, élégamment décoratifs, ou de s~ènes sim pies, et vrais.emblable s? ·
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IV. Conclusion. = Trop de soin ne saurait donc être donné au choix des manuels scolnires : de sa valeur peut dépendre, pour une pflrl appréciable, l'importance des résultats. Compagnons du labeur . quotidien, les livres qe classe seconclen t efficacement l'action du maître. Dans les familles, des opinions se précisent ou se rectifient, parfois, d'après un livre 1euillelé, oü s'est deviné le souci de plaire aux enfants, d'écartu tout ce qui peut irriter, de rendre q1oins lourde une dépense nécessaire. Or, rien n'est à négliger pour obtenir, des parents, la sympathie et la confiance, d'oü vient l'auU>rité. Qui sait y par-· veni1· se montre cligne de sa tâche. M ~is, il y a mieux encore : cet hommage de l'écolier, deveri\l homme, heureux de relire les manuels emportés de l'école, parce qu'à l'évocation émue des souvenirs d'enfance_. s'éveille l'écho lointain, encore bien vivant, d'une rarole aimée et vénérée. .
�CHAPITRE VI
Devoirs envers les élèves; respect de leur personnalité naissante; équité; bonté; soins et visites aux élèves malades.
L'en/ant réagit mal ou peu contre ses impressions; la suggestion le trouve toujours docile; il incline volontiers à l'imitation, sans se soucier de ce que vaut son modèle. Aussi a-t-on pu se demander jusqu'à quel point se légitimait l'action de l'éducateur : dans ses interventions, ne pouvait-il se méprendre sur les vrais carn clères de certains devoirs, sur l'orientation à donner aux facultés et l'ordre à adopter dans leur subordination? On l'a dit, non sans raiso'n : « Il est surprenant avec quelle. facilité nous croyons que les autres pensent par eux-mêmes, quand nous croyons qu'ils pensent comme nous. » (BouTRoux.) Excessifs scrupules! Ils aboutiraient à livrer l'enfant à l'abandon dans une société qui évolue vers plus d'instruction et l'affinement de la moralité. Loin, donc, de vouloir restreindre le rôle de l'éducateiir, il convient, dans l'intérêt de l'enfant, des familles, du groupe social, d'en accroître l'importance et d'en faciliter l'exercice. En retour, .de pressants devoirs lui incombent: aborder, avec une discrétion extrême, l' éducation des consciences, et s'efforcer d'éclairer les esprits, d'en assurer le libr,e jeu, le plein épanouissement. La personnalité naissante de l'enfant exige un respect absolu.
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1. La personnalité de l'enfant. = Longtemps, on n'a vu, dans l'e,nfant, qu'un homme en rac•
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courci. « On ne connaît point l'enfant, disait Rot,sSEAU. Les plus sages s'attachent ii ce qu'il importe aux hommes de savoir, sans considérer ce que les enfants sont en état d'apprendre . Ils cherchent tou- _ ;ours l'homme dans l'enfant, sans penser à ce qu'il est avant que d'être homme. » Or, il diffère de l'a:lu lte par la nature de ses facultés, aussi bien que par les modalités et degrés de leur développement. En lui, certaines fonctions sont assez balbutiantes, qui rédominent à l'âge adulte; d'autres donnent le ton, dirigent son existence : par la suite, elles passent au !lecond plan et, même, s'effacent. A ignorer ces faits, on risque de lourdes erreurs : lui demander plus qu'il ne peut; é tablir le désaccord entre l'action éducatrice et :;es besoins, ses inclinations, ses aptitudes; surtout, le mal juger. « Nous nous trompons souvent en attriuant aux actions des enfants_ parce qu'elles sont , analogu es aux nôtres, des motifs semblables à ceux qui nous guident nous-mêmes. » (Gu1zoT.) Il importe, donc, de bien démêler les éléments de sa p e rsonnalité·. On peut en former deux groupes: les uns se rencontrent chez tous les enfants, sauf de rares exceptions, dues à des causes diverses (anomalies nerveuses, maladies, etc.); les autres s'offrent communs à l'adulte, arnc, bien entendu, les variantes cru'impose un développement moins avancé : ils cons· tituent le caractère propr.e de chaque enfant 1 • Les p1·emiers, surtout, méritent de retenir notre attention. a) Çaracleristiques de la seconde enfance (7-13 ans): 1° vitalité intense : avide de sensations et de mouvements, poussé à dépenser les forces acquises pendant la croissance, l' enfant, dans le plein épanouissement
1. Cf. 1•• partie. L'Elève, § 2. Diversité des types intellectuels et des caractères, pp. 33 et sq.
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ùe son corps, éprouve le besoin d'en user la surabon• dante activité. Cependant, comme son organisme est en voie d'évolution et que les éléments musculaires et nerveux se révèlent particulièrement instables, 0 11 lrnuve, en lui, une plasticité extrême. Elle va de pair avec une certaine élasticité, qui accroît la force de l' ésistancc. Le fait est d'observation courante : sau f en période de dépression, due aux troubles de la croissance ou à l'incubation de quelque maladie, l'en· font se montl'e !oujours plein de ressort et d'entrain, très endurant à la fatigue. 2° aclirilé orientée rers l' e.x lérie11 r : l'enfant manifeste une vive curiosité du r éel. Comprendre l'embar· rasse peu : l'important est de voir, toucher, entendre, etc., bref, de constater. Lès fins le préoc cupent beauurnp plus que les origines et les causes. Pour lui, le maximum d'intérêt se tourne vers ce dont il peut user . Il met moins d'activité à questionner sur l'origine et la constitution d <' s mondes qu'à p énétrer le secret d'un mécanisme, surtout si celui-ci satisfait son goùt de l'activité (cinéma ) où lui permet un e dépense agréable de sa force (bi cyclette) • . Autre forme de celte tournure d'esprit : son goût très vif de l'arenture. L'ancestrale passion d e la guerre et de la rapine se révèle par son ardeur à pêoher ou à se livrer, non sans habileté ni ingéniosité, à de passionnantes poursuites de gibier, à des· Lravaux de destruction qui nous choquent, à l'organi-. sation de bandes guerrières ou exploratrices 1 • Pal'. !{1 même occasion s'affirme un goût très vif de l'indéf! Cndance, un ard ent besoin d e manifester sa person11alité, ~ une personnalité bruyante, toute en gestes· et en cris, exubérante au possible.
f. Cf. Loui~ Pn11'ci uo·. La, Guer1:e des boutons .
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3° inaptitude à peit près générale à la l'ie intérieure : orientée vers le dehors, toute en surface, l'activité enfantine répugne au repli sur soi, à l'introsp ection, à la méditation. Ses nctes sont de véritables r éflexes, plutôt nés des objets que de lui-même. Il vi t, vrniment, hors de lui. Tout lui semble possible; le s difficultés de r énlisation lui éc hap pe nt: d'où, ses r êves déconcertants (il veut ê tre , successivement, un audacieux aviateur, un explorat e ur aux merveilleuses aventures, un policier plus clairvoyant que Sh. Holmes, etc .). Rien d'étonnant, par suite, à ce qu'il témoigne d'une médiocre sympathie pour autrui et dédaignè tout calcul de prudence. On sait, au surplus, combien il manifeste peu de goôt'pour l'étude réfléchie et d'initiative dans le travail intellectuel. Le plus souvent, il ne s'y livre qu'obligé, non sans rusek A de rares exc eptions près, le labeur volontaire résulte d'une contrainte, exercée des années durant : la volonté cè de plutôt à la peur ou à l'intérêt qu'à la considération du devoir. Dans le même ordre d'idées, on peut noter, aussi, que l'e nfant montre peu de goût pour la con templation esthétique : en matière de sens . artistique, il étale des inclinations et témoigne de conceptions vraiment surprenantes. 4° Enfin, à certains égards, le jeune écolier se ré.:. vèle médiocrement sociable. D'ailleurs, il communique trè s indirectement avec la sob é té , et, souvent, à son in su. Ses sy mpathies vont à ceux dont les occupatio ns se rapprochent le plus de sa propre activité. On le voit fréquenter volontiers les ouvriers , les chasse urs et p êcheurs, les soldats. Ses aspirations ne vont · point vers eux, mai~ vi3 rs leur mode d' existei1 ce : ce c1u i lui plaît, c'est de d é velopper son activité dans la
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5° A ces traits généraux s' ajoutent les apports. des.
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caractères particuliers, très divers et changeants 1 , le legs de l'hérédité, les empreintes laissées par les circonstances ambiantes. Il est des sensitifs, impressionnabl~s à l'excès; des actifs, toujours en mouvement, optimistes, gais, entreprenants; des apathiques, insouciants et paresseux, prompts à se dérober, d'une indifférence exaspérante. Sous la poussée d'influences d'ordre physiologique, des réactions et suggestions du milieu, d'oscillations de la sensibilité, des changements surviennent, brusques et imprévus, inexplicables de prime abord, chez le même enfant. On conçoit, dès lors, combien complexe se présente la personnalité enfantine à l'action de l'éducateur et quelles difficultés on éprouve à la pénétrer : « li en est qu'il faut savoir deviner et qui, sous un extérieur presque ·stupide, cachent un esprit pénétrant ou une sensibilité profonde. » (TH. BAnRAu.) · b) Nécessité d'une observation attentive et sympatliique. - Depuis des siècles que QUINTILIEN' a donné pour premier soin au maitre « de s'attacher à connaîfre à fond l'esprit et le caractère de l'enfant», de nombreuses observations ont été recueillies sur la personnalité enfantine. Cependant, pour si documentés que soient les maîtres, ils ne parviendront jamais à bien connaître leurs élèves sans une observation précise de chacun d'eux. Le meilleur moyen de se renseigner sur leur nature, c'est« de la saisir sur le 11if, en action» (LIAno) 3 • Rien n'est à négliger : une réponse déconcertante, une question d'allure saugrenue peuvent ouvrir des horizons sur le jeu d'un esprit; la tenue (propreté,
1. Cf. Pédagogie générale, pp. 39-42. 2. 42-120 après J .• 3. Allocutiou prononcée à la séance annuelle de la Société
c.
pou,· /'Etude psJ·cholo{lique de l'E11(ant, 15 noTembre 1903.
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politesse) révèle l'ambiance familiale et sa valeur, l'aptitude de l'enfant à se laisser discipliner, à vouloir demeurer soigneux, empressé à suivre des recommandations. Une réflexion, un geste, au cours des récréations, traduisent une nuance de caractère, dévoilent un penchant, une aptitude 1 • Dans l'ardeur du jeu, l'enfant se montre au naturel, alors qu'en classe, la discip·line l'oblige à ·se surveiller: c'est, encore, un excellent sujet de méditation que d'examiner comment chacun réagit contre la ri!gle. En récréation, également, apparaissent certaines manifestations inquiétantes : la rêverie mélancolique, l'accessibilité aux suggestions malsaines, qui témoignent d'une sensibilité maladive ou désorientée. Enfin, au cours de conversations discrètes, mais précises, des répliques, des confidences peuvent être amenées, qui éclairent sur une mentalité apparue jusqu'alors ondoyante. Il ne . s'agit point, certes, de pousser aux racontars sur les camarades, de provoquer de dangereuses comparaisons, d'inciter à prendre figure « d'intéressant », mais d'entretiens bienveillants, où l'âme se laisse pénétrer et se devine, bien moins par l'intelligence que par le cœur. Pout· aller au fond d.e l'enfant,« pour y toucher les ressorts les plus intimes, pour y découvrir les premiers linéaments de son individualité naissante, pour les faire épanouir, il faut ce sens tout personnel qui est le don des meilleurs maîtres, cette bonté perspicace devant laquelle s'ouvrent les clôtures des'. âmes » ( LIARD 1 ). . .
c) Comment respecter la personnalité naissante de l'enfant. - Avec un seul élève, l'attitude à prendre(
serait aisée : les traits du tempérament détermÎnés,
1. Cf. Pédagogie générale, pp. 175-182, ch. XIV. A. Les Récréations. 2. Op. cit.
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l'ëdbcateur réglerait à coup sùr son aclion. On ne saurait prétendre à tout respecter, indistinctement, dans la personnalité enfantine : le but est de former un « homme », c'est-à-dire un être capable de se gouv~rner, et un homme « de son temps », apte à vivre dans le milieu social auquel il est destiné. Par suite, dai1!1 les traits généraux de sa personnalité comme dans les particularités de son caractère, un départ s'impose, entre ce qu'il faut conserver, améliorer ou anéantir. On le servirait mal n le laisser se développer insoeiable, ignorant des ressources de la vie intérieure, soumis ~ la sensibilité bien plus qu'à l'intelligence et à la volonté. Quel insensé oserait prétendre que le scrupule de respecter sa personnalité devrait conduire à s'abstenir de combattre ses défauts ou ses vices? Les difficultés s'affirment avec l'éducation en commun. Dans une classe, les tendances les plus diverses s'opposent ; les natures les plus dissemblables s'agitenl; aux apports individuels s'ajoutent ceux de la masse, les influences et réactions de cette foule en miniature qu'est un groupement d'élèves 1 • L'habileté consisle à régl~r, tout d'abord, son action sur les caractères communs à !a grande masse des enfants : besoin de dépenser üne activité intense, propension à fa vie sensible, etc. EnsJite, au regard de chacun d'eux, vient l'ajusterrient aux divers tempéraments. 1) Dans la mesurè cori~patible avec les nécessités de la disciplin~ et de l'en~eignement, le maître doit s'efforcer de satisfaire au besoin d'agir, si vif chez la plupart des éèoliers. Le~ occasions abondent: participation a~tive aux leçons, provoquée par une interro1. Cf. Pédagogie générale, ch. Ill et IV. Psychologie de la i:lasse. La Contagion mentale dans la classe, pp. 116 et sq.
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galion adroite, l'évocation de souvenirs, des comparaisons, etc.; appel à l'observation pour rendre sensible, préciser, accroître la matière d'un exposé, recherche d'exercices d'application; suggestion,; destinées à constituer cl à classer les éléments d'un musée scolaire; indication de reclierèhes à entreprendre, de croquis à établir, etc. Ainsi, le travail devient aLLrayant, car il sollicite l'activité. Mais gardons-nous de ce faux intérêt qui présente tout à l'élève « sous une couche de sucre 1 » et ménage ' par trop son effort! Vite Llasé, celui-ci. oriente vërs d'fotres fins l'activiLé qui bouillonne en lui 2. A s'appuyer sur ses pouvoirs spontanés, sur son besoin de réaliser ses propres impulsions, on obtient, au cobtraire, « cette attention, éellc concentration du moi vers un but défini, qui 1 produisent l'habitude soli Je et permanente de mettre sa personnalité tout éntière aù service de fins éle~ées. » (J. DEWEY) . 2) Qu'il s'agisse de ruraux ou de citndins, l'Insti.:. tuteur satisrail leur vivP. curiosité àu réel, par l'utilisaLion des ressources du milieu. Vallure livresque ·de l'enseignement conduit vite à l'ennui, détourne de l'effort et, trop souvent, aboutit à d'inutiles acquisitions. Quelles déprim~ntes leçons de choses que celles d'où les choses sont bannies! combien peu stimulatrices ces notions de géométrie, interposées èntre l'écolier et l'objet à dessiner! Par surcroit, si celui-ci n'a rien d'usuel, il rend impossible tout jeu de là scnsibiliLé et .de l'imagination. Que l'enfant voie, touche,' èonstate et, de diverses façons, pénètre l'uniYcrs qui l\ ntoure ! A observer les êtres vi~ants, il y découvre les caraètéristiques, qu'il comp_ avec c~Î.Ies are
DEWEY. L'Ecole et ['Enfant. 2. Cf. Pédagogie générale. Ch. X. § l[l el IV, pp. 128-135, l'enseignement par l'action. Les méthodes attrayantes.
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de sa propre nature. Par là, s'établit le contact avec le milieu social, dont il n'est qu'un élément. A sentir sa dépendance, il compose avec ceux qui l'entourent, respecte leur liberté et développe son activité, non dans la leur, mais parallèlement; ainsi, - s'achemine il vers la collaboration qu'implique la vie en société. En même temps, le repli sur soi, déterminé par les corn· paraisons avec autrui, aboutit à la création d'une discipline intérieure, nécessaire à l'autonomie morale, but de l'éducation. Enfin, si l'on sait répondre à son intérêt pour le mouvement, à son inclination, si vive, d'œuvrer de ses doigts, le travail manuel constitue un excellent moyen d'éducation. Orienté vers des fins éducatives (aHinemen_ des perceptions, du jugement) ou vers des t buts pratiques (acquisition de la dextérité, accomplissement d'actions utiles : coudre un boulon, préparer un paquet, etc.), il contribue à réaliser l'évolution de l'enfant vers l'homme. 3) Surtout, c'est dans l'ajustement de son acti11ité aux di vers caractères in telÏectuels et moraux, que l'éducateur affirme son souci de respecter la personnalité enfantine. Sans doute, l'effort en commun oblige· t-il à une certaine uniformité dans l'emploi des moyens d'action. Mais celle-ci ne doit point détruire en chacun ce qu'il y a d'original. Le but manquerait d'ampleur à stimuler l'esprit assez pour le dégager de l'apathie. et de l'ignorance, mais trop peu pour qu'il accentuât son originalité par un viril déploiement de toutes ses facultés. Il suffit de bien peu, souvent, pour que soit facilité l'effor! de chacun. Tel est sensible aux représentations graphiques : qu'il dessine! Tel autre s'accommode mal de longues explications, alors que de trop brefs exposés désemparent l'esprit lent de son camarade. Ce turbulent, doué d'une mémoire
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fidèle, ne s'~ttarde pas à réfléchir, mais son voisin, imaginatif, se complait dans les associations d'idées: dégageons, pour chacun d'eux, de l'action d'ensemble, les efforts particuliers qu'il réclame. Glisser une remarque, questionner ou suggérer, formuler un conseil, demande peu de temps et de peine : quel stimulant, pourtant, des inclinations particulières! De même, un peu d'attention ingénieuse assure à chaque écolier cette liberté qu'à maintes reprises les Instructions d e 1923 prescrivent de respecter, qu'il s'agisse « de favoriser, par tous les moyens, l'instinct qui pousse les enfants à dessiner » ou de les « guider dans le choix et la marche de leurs observations », ou, encore, de les entraîner à traduire · leurs impressions : « Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites, c'est refouler leurs pensées personnelles, dont nous avons le devoir de favoriser l'éclosion; c'est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder'. » 4) Plus vifs encore doivent se montrer les scru pules dans l'éducation morale. La stricte application des règles uniformes aboutit à de cruelles méprises et mine l'autorité'. La justice requiert une perspicacité vigilante qui, pénétrant jusqu'au fond des cœurs, permet une exacte appréciation des pouvoirs et intentions de chacun. Opposer à la volonté la sévérité rigide d'une règle
1. § Langue fran çaise. 5° Exercices de composition. 2. LA BuuvÈ1rn l'a dit, et depuis longtemps : « C'est perdre toute confiance dans l'esprit de!J enfants que de les punir de fautes qu'ils n'ont point faites, ou, même, sévèrement, de celles qui sont légères. Ils savent précisément et mieux que personne ce qu'ils méritent, et ils ne méritent guère que ce qu'i ls craignent_: ils connaissent si c'est à tort ou avec raison qu'on les châtie, et ne se gâtent pas moins par des peines mal ordonnées que par l'impunité. •
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uniforme revïent à s'interdire« d'exercer · sur le dével·oppement moral de l'enfant une action féconde >>. (GnÉARo .) Mais, démêler la part de l' étourderie et de l' ignorance dans ce qui apparut comme méchanceté, prévenir contre les penchants mauvais, aider à les combattre, contribue à rendre l'enfant meilleur dans le cadre même de sa personnalité. Pour y parvenir, une attention v.igilante et éclairée resterait insuffisante sans ces deux inspiratrices : la bonté et l'équité.
= II. Être bon et équitable. - L'enfant ne se discipline pas comme l'ani111al : le dres sage déforme le naturel par n'i!llporte quel moyen; l' éducatioq l'utilise pour modeler le caractère et s'interdit toute atteinte à la per.sonnalité du sujet, dont il importe de se concilier l'afiection et la confiance. Or, comment l'affection pourrait-elle naître, sans les sollicitations de la bonté, et la confiance régner, sans le ~ecpurs d'une bienveillante justice qui se garde d'attribuer « aux actions des enfants, parce qu'elles sont analo-, gues aux nôtres, <les Jnotifs se1pblables à ceux qui nous guident nous-mêmes » ? (;\l m Gu1zoT 1 . ) • a) Bonté. On connaît le mot de SocnATE à un père de famille: « Reprenez votre fils: il ne m'aime pas. » Autrement que la crainte, l'affection établit, de maître à élève, des liens solides et durables; surtout, elle aide à bien comprendre les enfants: « On les devine bien moins par l'intelli~en~e que par le cœrir. )) (Mm• NRcKEll DR SAUSSVf\.E 2 .) Par elle, s'obtient plus de régularité dans l'effort: le désir de plaire au maître, la crainte de le peiner, d'encourir ses reproches, de perdre son estime stimulènt beaucoup d'enfants.
1. Lettres sur L'Ed11cation. , 2. Education progressive.
�OEYOTllS ENVERS LES tLÊYES
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1° Bon, le maître éPite de blesser la dignité de l'enfa nt, de froisser sa susceptibilité délicate. L'ironie ·et la moquerie, les épithètes malsonnantes ou injut· ie uses («vaurie n», «imbécile» ... ), les jugements vexants ( « tu es bouché à l'émeri», « ll'1 fainéant de lon esp èce ne vaudra jamais rien » ... ) d émoralisent ou révoltent. De même, les punitions accablantes (lignes, verbes, etc.) d égoûtent de l' é lude , engendrent la rancune. Par surcroît, elles déterminent de regrettables habitudes : lire sans attention, n égliger l'écrit ure, eté. 2° L' égalité d'hum eur, le calme qui s'y allie, en i mposent aux él èves et les mettent en confiance. Les considérer comme des suspects ou des coupables, se « ronger de soin et de vigilance 1> pour les bien « brider » conduit à « mettre chacun en sentinelle 1 1> contre soi. Les éclats de voix, les gestes exagérés, les menaces outrée s, troublent, d'abord, puis couvrent leur auteur de ridicule. De même, passer d ' une faiblesse excessive à une sévérit é exagérée et l'ice Persa ou prendre des décisions contradictoires, tel Arle• quin, arrivant « sur la scène avec un paquet de papiers sous chaque bras : « Que portez-vous sous le bras droit ? - Des ordres, répond-il. - Et sous le bras gauche ? - Des contre-ordres. » Riei_i de plus énervant que cette sorte d'anarchie 2 • » 3° Bien entendu, la symp a thie n'exclut point la f ermeté. P ËsTALozz1 lui-même, cependant si scrupuleux quand il s'agit de resp ec ter la personnalité enfantin e, admet qu 'il se trouve « des cas pre~sants dans lesquels la liberte de l'enfant ferait ·s a perte, et que, m ê me
·J . MONTAIGNE. De l'A/fection des p ères aux enfants (Es sais, 1. II, ch . vm). 2, J. P. RicuTEn. Cité par O. GRÉA.Rn. L'E sprit de dis cipline dans l'éducation. Revue Pédagogique, 'nov. 1883.
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JIOIULE PIIOfESSIO.VNELLI!.
dans les circonstances les plus favorables, il est parfois nécessaire de contrarier sa volonté ». De lâches complaisances détruisent la discipline. Les élèves, eux-mêmes, sentent la nécessité d'un stimulant pour leur volonté chancelante. Ils voient dans la colère un aveu d'impuissance, mais subissent l'emprise du calme : le joug s'accepte d'autant mieux qu'il se fait moins sentir. b) Equité. La bonté ne se suffit point à elle-même: il lui faut d'être inspirée par l'équité. 1°) Tous nos élèr,es méritent intérêt : l'instituteur doit se ·p rémunir contre la tentation, bien naturelle, de seconder, surtout, les efforts des laborieux ou des bien doués et de répondre à l'amabilité des parents, par une plus grande sollicitude pour leurs enfants. Même, le devoir est de tendre à rétablir l'équilibre rompu par la Nature, en aidant, avec patience, les médiocres de bonne volonté. Nul maître ne peut s'irriter d'insuffisances indépendantes de l'effort. Il doit considérer la faiblesse de l'enfant, se garder de trop vouloir lui. demander et placei' son espoir dans l'action du temps et du travail : de soudaines éclosions ont récompensé de longues patiences. 2°) L'équité commande, encore, d'apprécier l'effort plutôt qùe le résultat. Celui-ci ne dépend pas exclusivement de l'élève: une leçon bien sue, un bon devoir, ne représentent pas, toujours, la plus grande somme de labeur; l'estimation extrinsèque risque de masquer le mérite propre et es sen Lie!. Cependant, le désir d'encourager ne doit point cw·_:luire à dépasser la mesure. La louange perd de son prix à être prodiguée. MONTAIGNE dit, avec raison, de ces « loyers d'honneur », qu'il « n'est, pour les anéantir, que d'en faire largesse ». En l'occur-
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rence, l'abus est corrupteur : la conscience se rend vite complice d'une louange trop fréquente; sa sensibilité aux scrupules s'émousse; le ressort de l'émulation intérieure se brise. Pis encore : rien n'incline plus de mollesse et à une exigeance croissante envers qui loue. Ainsi s'obscurcit le sens de la justice. Dans ses entretiens avec les James de Saint-Cyr, i\fAoAME DE MAINTENON revient, souvent, sur le danger (( des récompenses continuelles dès qu'on a fait la moindre partie de son devoir ». En éducatrice prudente et avertie, elle désapprouve « les empresse ments » à louer les élèves : (< c'est par cette conduite qu'on les a gâtées et qu'elles croient qu'on leur en doit de reste, quand elles fout leur devoir. Dites-leur donc, simplement, que l'ouvrage va bien et rien de plus.» Si tel est l'effet d'un simple excès de louange, combien plus grave se révèle la répercussion d'une récompense imméritée! Elle déconcerte l'élève, ébranle sa confiance, l'incite au ressentiment, parfois même à la révolte, et, presque toujours, éveille en lui une dangereuse jalousie. Si elle prend son origine dans un manque de réflexion ou de sagacité chez le maître, il se déconsidère; mais, si sa décision s'inspire d'un calcul personnel, il se rend odieux. Les enfants ont un sens très aigu de. la justice; les plus apathiques témoignent d'un esprit fort en éveil sur tout ce qui trahit un privilège ou consacre une prérérence. Ils ne manquent point de le remarquer avec une véhémence qu'accentue la vivacité de leur imagination et leur défaut de pondération. Aussi faut-il « se garder des distinctions qui élèvent trop les uns et découragent les autres » (MADAME DE MAINTENON). Et encore : se préserver , des distractions, des oublis; qui laissent sans récompense un effort méritoire. Avec plus de force, peut-être, l'équité s'impose en
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matière de punitions. Tout ne mérite point répression dans la conduite de l'enfant. Sa constitution et la faiblesse de sa volonté causent bien des légèretés, qui ne troublent guère l'ordre de la classe . D'où, corn.me pour les récompenses, la nécessité 1l'agir avec tact. Un conseil, une exhortation suflisent à des fautes vénielles; au pécheur accidentel, l'indulgence est nécessaire, mâis un surcroît de sévérité s'impose pour !'obstiné. Ici encore, ni faveurs ni préférences: l'enfant, qui admet fort bien l' indulgénce ou la sévérité, s'insurge contre des adoucissements ou des aggravations immérités. C'est, alors, le ressenti ment sournois, l'ébranlement de la confiance et du respect, jusqu'au moment où, sans qu'on s'y attende, éclate la révolte. Poussé par ses rancunes, exalté par son imagination, tacitemertt soutenu par quelques camarades , prêts à l'admirer, le rebelle s'entête à résister, se laisse aller à un geste malséant, à une réplique injurieuse. Que faire, alors? A user de sa force, on compromet sa dignité, et céder revient à saper son autorité. Le mieux est de dédaigner l'insulte et laisser s'abattre la colère pour, le calme revenu, en appeler au cœur et à la raison : généralement, quelques mots suffisent à éveiller la sensibilité du coupable et provoquer ses regrets. Cependant, mieux eût valu, par plus d'équité et moins de rudesse, éviter de se trouver aux prises avec une situation dangereuse pour l'autorité.
=III.Soins et visites aux élèves malades.=
Un excellent moyen de consolidêr et d'étendre cette autorité , consiste à témoigner, en toutes circonstances, une solLicitude éclairée aux élèves et à leurs familles. a) On ne comprendrait point que l'instituteur se désintéressât du bien-être des ecoliers : un travail
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fructueux n'est-il point, souvént, lié à des conditions d'ordre matériel? Tel grelotte au fond de la classe qui, près du poêle, produira un effort meilleur et plus soutenu. Eloigné du tableau, le myope éprouve une fatigue inutile; malgré ses efforts, il commet de~ confusions génératrices d'erreurs et de mauvaises habitudes. Son infirmité réclame des égards : place bien éclairée; plumes larges, obligeant à écrire gros; encre foncée; livres à impression bien nette et espacée; surveillance attentive pour l'empêcher de trop se pencher sui· les livres et cahiers. Cc distrait paraît d'une incorrigible paresse : adénoïclien 1 , il entend et respire mal, ce qui contrarie les fonctions du cerveau. L'intervention auprès des parents s'impose; ils ne sauraient s'en formaliser : tout témoig1rnge de sollicitude les touche, qui émane d'une bonté attentive à ne point froisser les susceptibilités. Ecrire aux parents de faire tailler les cheveux de leur enfarit « par crainte des poux », ou en laissant entendre la présence de ces parasites, constitue, sans doute, une marque d'intérêt, mais blessante. De même, commenter l'insuffisance du déjeuner apporté à l'écoJe ... qu'on réchauffe et complète : la vraie délicatesse oblige sans froisser. · b) Hors de l'école, les· témoignages de bonté prennent plus de rcli.ef. E~ récréation, un enfant se blesse~t-il? Le soigne1· avant de le renvoyer révèle, déjà, une sollicitude que les parents apprécie~t, ~ moins d'être malintentionnés. Qu 'après viennent des visites, des demandes sur les progrès du mal, des conseils discrets, mais opportuns, voilà q~i ne peut manquer de les loucher. Certains maîtrés profitent de leurs loisirs pour se rendre chez leurs élèves indis1. Les « végétations adénoïdes » sont des excroissances sises entre le nez et la gorge.
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posés. Excellente pratique : leur venue apaise et réconforte, parfois même, sauvegarde. A la campagne, on use de remèdes empiriques, d'effet souvent dangereux : qui, mieux que l'instituteur, déconseille'ra leur emploi? D'autre part, l'éloignement du médecin en fait différer la venue. D'où, de dangereuses imprudences, qu'évitent un conseil, une suggestion formulés à propos. Certes, du tact s'impose : un Instituteur serait mal venu à s'ériger en conseiller impérieux, hautain, prompt à se formaliser d'une hésitation, d'une décision contraire à celle qu'il souhaite. Sa qualité, le désintéressement de sa démarche, le mobile affectueux qui l'inspire ne peuvent que donner du poids à sa parole. Il gagnera en prestige s'il reste avenant dans sa conversation et s'interdit toute apparence de surprise, à voir la tenue de ceux qu'il visite ou celle de leur logis; plus encore, s'il sait user d'une charité discrète ou, par sa situation de secrétaire de mairie, alléger les charges des malheureux.
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Conclusion. = L'action de l'éducateur dépasse ses heures de travail et les murs de son école. Par del~ l'intelligence, elle s'adresse au cœur et, grâce à lui, se fonde en durée et en profo.n deur : « l'enseignement est une amitié ... » (M1cRELET.) Aimer les élèves conduit à s'en faire aimer : nul guide ne vaut l'affection pour toucher les cœurs et s'imposer aux esprits, nul fondement de l'autorité n'est plus sûr ni plus solide. « Ce n'est pas par la crainte, c'est par l'affection que le maitre obtient le travail le plus régulier et le plus productif!. » Et c'est, aussi, par elle qu'il s'attache de plus en plus étroitement à son œuvre, en raison même des soins qu'elle réclame et des efforts qu'elle exige .
1 lostructioos du 20 juin 1923.
�CHAPITRE VII
Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints.
Les Instituteurs constituent une corporation importante, dont l'action disc1jJlinée a pris, en peu d'années, une infiuence certaine sur la vie nationale. Jusque dans les moindres cités, d'ardents adversaires les conzbatlent, qui Yoient, en eux, les héritiers de la Ré110/ution et les ennemis irréductibles des régimes déchus'. Sur11ient-il quelque défaillance P L r, corps entier et l'école qu'il sert en sont, aussitôt, rrnd!rs responsables. Cette hostilité a noué des liens de solidarité entre les maitres et créé des devoirs particuliers : le moindre conduit à é11iter tout fait préjudiciable au bon renom de l'œu11re scolaire. Par ailleurs, n'est-il pas naturel qu'entre tous les ser11iteurs d'un même idéal s'établisse une sympathie secourable, se manifeste une absolue loyn uté, l'une et l'autre propices au succès de l'effort communP
I. Obligations envers les autres maîtres. Politesse. - Dans le village où il s'installe, !'Instituteur trouve, souvent, des collègues. Il ne peut les ignorer, ni exiger d'eux les premières ouvertures. Après sa 11isite d'arri11ée au maire, - avant, même, si les circonstances le veulent, - il se dirige vers eux et en toute confiance. Dans ce premier entretien, il montre une cordialité de bon aloi, évite de trop parler de lui et se garde bien de vouloir en imposer. Dans les renseignements donnés sur la population,
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les ressources du pays, les personnalités locales, il voit un témoignage de bonne camaraderie et se garde, à leur sujet, de toute appréciation, de toute réserve laissant croire qu'il en dédaigne ou suspec.te la valeur. Si, par la suite, il reconnaît des erreurs, même volontaires, il doit avoir le bon esprit de ne point s'en formaliser, encore moins, d'en témoignc1· de l'humeur ou d'élever des récriminations 1 . Peutêtre y eut-il erreur d~ jugement, ou désir mal venu de lµi éviter des ~nnuis, imaginés à plaisir, ou, encore, quelque vague besoin de sa sympathie, obtenue au prix d'une exagération. Les relations quotidiennes gagnent à s'inspirer d'une ser~ine cordialilé plutôt qu'à s'envelopper d'une politesse stricte, mais froide. Un « bonjour » reste distant, sans sourire ou poignée de mains. Un salut cérémonieux indispose : ne peut-on s'enqu érir de la santé, de la famille, etc.? Certes, il y faut de la discrétion : on jugerait mal un bavard questionnant à tort et à travers, ou un jeune maître se montrant trop familier avec l'institutrice, sa voisine. L'empressement dans la politesse met en relief une bonne éducation. Le débutant qui, sous le prétexte d'une dignité mal · comprise, évite de saluer le premier son collègue, fait preuve, non seulement de grossièreté, mais d'une ridicule sottise, - et, si ce collègue est une femme, d'une inexcusable goujaterie. De même, s'il accueille avec hauteur le salut et les avances d'un maître, parce que moins titré ou non
1. «' Le désacc~rd entre les hommes provient de ce qu'en les blessant on les porte à se séparer de nous et de ce qu'étant blessés, nous venons nous-mêmes à nous éloigner d'eux. Donc, l'unique moyen d'éviter ces divisions, c'est de ne point blesser les hommes et de ne pas s'en sentir blessé. » ('N1coLE. Traité
sur les moyens de conserver la paix parmi les hommes .)
�OBUGAT/ONS ENVERS Ü:S AUTRES J!AITRRS
élève de l'Ecole Normale. Encore, s'il se plaît à traiter les menues questions de service en d'impératifs billets, remis aux collègues maintes fois rencontrés dans la journée. Volontiers, les jeunes gens se montrent railleurs et s' ingénient .aux suggestions qui abusent les naïfs. Dans les réunions de camarades, on rencontre, parfois, quelque brave garçon servant de cible à d'anodines plaisanteries. Certes, il n'y a aucun mal à se distraire, donc, à lancer, occasionnellement, une pointe divertissante, quitte à subir, de bon gré, la riposte ou l'attaque. Le mal, c'est de harceler toujours le même camarade et de s'appliquer à lui faire · sentir son infériorité; c'est, surtout, de l'inciter à des sottises, dont on le raille méchamment, de donner une allure acerbe ou inconvenante aux propos qu'on lui adresse, et si, par hasard, survient une discussion, de se montrer rageur et grossier. Le succès que peut valoir, auprès de certains, l'allure de boute-en-train ne compense point l'impression défavorable laissée par le manque d'éducation dans l'esprit des spectateurs sens és et réfl échis. <( Il n'est pas ordinaire que celui qui fait rire se fasse estimer. » (LA BRUYÈRE 1 .) b) Modestie. - 1° Il advient qu 1on succède à un Pieu.x maître, qui exerça longtemps daus la commune et s'y fixe. Avec lui, les relations ne peuvent se borner à la simple visite d'arrivée : son âge, la durée de ses services, la considération dont il jouit, méritent mieux. D'autre part, sa situation dans la commune, surtout s'il a conservé le Secrétariat de la Mairie, peut servir utilement l'école. Par suite, il est adroit tle s'en faire un allié. La maladresse demeure inexcu~able de le froisser par des comparaisons désoblii. Les Caractères. Ch. De la Société et de la Conversation.
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geantes, d'ironiques oppositions de méthodes et de procédés, ou, encore, par des critiques acerbes sur ses choix de livres, sa conception de la discipline, les manifestations de son respect envers les autorités. N'est-ce point sottise que de repousser brutalement les conseils qu'il peut aimer à donner, comme toute personne d'âge, confiante en son expérience? et coupable orgueil que de vouloir s'élever en le d énigrant auprès des familles? A peu près toujours, le brave homme a fait ce qu'il a pn, avec une persévérante bonne volonté. Il ne s'embarrassait pas de savantes théories : sa formation, ancienne, n'allait point snns ·lacunes; mais il apporta sa pierre à l' édifice: pourquoi vouloir l'en ôter? Est-on sûr de mieux rebâtir, de ne point compromettre la so.lidité des assises, par un remaniement intempestif ? Lui aussi peut trouver que « ça ne va pas», et le dire, sous le coup de l'irritation ou, simplement, de son regret pour une tâche prenante, abandonnée sous la contrainte de l'âge. Alors, loin de lui en témoigner du ressentiment, on va s'expliquer avec lui, dans un large esprit de conciliation et en toute déférence, avec, même, le désir de satisfaire son humeur conseillère. Rien d'humiliant dans cette démarche, mais un souci louable de dominer les mesquineries pour bien servir l'école. 2° Au demeuran,t, qui peut prétendre à une connaissance parfaite de sa tâche et des moyens de la bien remplir? Chaque jour apporte l'occasion d'apprendre à mieux œuvrer: plus qu'on ne le pense, on peut tirer profit d'indications empiriques. C'est pourquoi il faut s'astreindre à observer cette même attitude de modestie accueillante enYers tous, même à l'égard de collègues inférieurs par !'fige ou la culture. Rien, donc, de tranchant dans les conversa\ÏODI : les jugements absolus et sommaires, plus
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sujets que d'autres à l'erreur, révèlent, par surcroît, une irritante étroitesse d'esprit. Par ailleurs, quoi de plus sot et malséant que de mettre un puéril amourpropre :l imposer son point de vue, non sans témoigner un blessant dédain des conceptions d'autrui? « Il ne faut presque rien, dit LA BnuYÈRE1, pour être cru incivil, méprisant, désobligeant; il faut encore moins po_ être estimé tout le contraire. » u-r c) Loyaute. Le mépris de ce sage avis expose à créer des froissements et d'irritantes complications de la vie en commun. 1° A-t-on des lorts enPers un collègue? Il n'est point d ' autre attitude que de les reconnaître et de s'en excuser en toute sincérité. Avouer ses erreurs ne consacre pas une diminution : on se rehausse à vouloir en éviter le retour. Si l'on échoue dans sa démarche, de s'être montré loyal résultent la paix de la conscience et l'estime des gens de bonne foi. Mauvaise tactique que l'emploi de piteuses habiletés : dénaturer . les actes et paroles d'autrui; lui prêter des intentions; feindre la méprise dans l'interprétation de ses propos; ergoter, se livrer à d' oiseuses chicanes et diversions, pour tenter d'établir quelque réserve, au demeurant, de pure forme. Les situations nettes sont les meilleures : le moindre doute laisse la porte ouverte au ressentiment. Au · surplus, rien n'est irritant comme de reprendre une affaire réglée et de remâcher sans cesse les mêmes g riefs. 2° Se renfermer dans un silence hostile ne vaudrait guère mieux, mais la faute serait lourde de se livrer à des manifestations impertinentes ou injurieuses contre un collègue, et, surtout. de l'atteindre sour1. Op, oit,
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noisement, par le jeu perfide des insinuations et des médisances. On risque d'aller très loin : dans la population la plus rustique, on rencontre, toujours, quelque finaud, expert à exciter les adversaires, pour mieux en rire; d'où, des commentaires, lancés à tort et à travers, sans aménité ni sincérité, envenimés d'inopportunes et dan gereuses confidences. On perd vite la tête, on s'excite aux pires affirmations, dam cette « guerre à coups d'épingle ». Chacun a ses partisans et ses adversaires, tous disposés à l'outrance et peu délicats sur le c~oix des moyens de combat. Spectateurs curieux, mais fidèles aux rancunes de .len-rs parents, les enfants méprisent l'autorité des m-aîtres lancés dans de telles luttes. La confiance de tous s'altère . .. et l'Administration, contrainte par les événements, sépare, non sans dori1111age parfois. <les antagonistes ridicules et malfaisants. d) Vivre en bonne harmonie. Est-il donc si difficile de bien vivre avec ses collègues? Nullement. C'est affaire de bon sens, de ·tact et de bienveillance. 1° Bon sens . Première règle à s'imposer : vouloù· conserver son indépendance. Des relations trop suivies, agréables au début, finissent par peser. Les concessions deviennent de plus en plus lourdes; bientôt, on les estime trop fréquentes et sans contre-partie : finalement, on s'évite, pour finir par une brouille. La guerre commence et, avec elle, les pires ennuis. Ceux-ci peuvent, encore, résulter d'une amitié aveugle, qui fait épouser les préférences et les partis pris. L'animosité conduit à dénaturer faits et paroles; elle ôte tout discernem e nt et crée des ressentiments qui pèseront sur l'existence. Vienne, avec la lassitude, une volte-face : l'animosité des amis (l'hier se manifeste avec une ardeur d'autant plus. dangereuse qu'elle clispose de comprometta,nteii' confidences .
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Il ne faudrait point déduire de ces faits que la sagesse consiste à s'isoler. On peut sauvegarder sa 1 iberté d'allures sans se condamner à la solitude, et il est bon de frayer avec ses C'ollègues, në serait-ce c1ue pour leur éviter de croire au dédain. On ne peut, tl'ailleurs, que gagner à se fréquenter, entre gens de même vocation et d'aspirations communes. Au surplus, l'exemple de l'union impressionne favorablement les familles et renforce, à leurs yeux, la situation de chacun. En second lieu, on ne doit jamais craindre l'opinion de collègues médiocres ou malintentionnés. Certains d'entre eux se complaisent à raill,er ceux qui, disent-ils, « font du zèle », c'est-à-dire se dorinent à leur tâche avec conviction et entièrement, se montrent stricts à suivre les règlements, quelquefois, même, adroits à les appuyer d'intelligentes initiatives. Ces mauvais ouvriers - rares, heureusement - font de leur paresse et de leur routine un niveau à ne point d é passer, sans qu'ils y discernent un acte d'hostilité personnelle. Osons les braver et lès remettre à leur place, fût-ce au prix de quelques ennuis! Le bon sens ne perd jamais ses droits : le su·ccës de ces mécontents reste éphémère. Qu'on leur dise sans ambages la vérité : aussitôt, s'égaille la cour des apathiques, des gobeurs ou des aigris, qui leur don.:. nait une apparence d'autorité. 2° Tact. Hormis ce cas, on doit garder en soi, coqstant, le désir d'éviter tout conflit. C'est facile, pour peu qu'on veuille agit· avec tact. Un désaccord se 'produit-il sur une question de service?' Manifester cl~ la mauvaise humeur, se renfermer dans une botidE,lrie agressive, n'aboutit pas à le réduire : ne vaut-il pas mil)ux rechercher la solution équitable, qui demandera à chacun un léger sacrifice? Un peu de doig\é
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amène les esprits à composition. La discussion close, rien n'en doit parvenir au dehors. En desservant un · collègue, ou, simplement, en permettant à des profanes d'apprécier l'attitude de chacun dans une affaire de service, on nuit à tous et à soi-même. Le souci du bon renom de l'Ecole exigerait, même, qu'on défendît publiquement un maitre imprudent ou maladroit, fût-il indigne de cette marque de solidarité 1 • Si, par aventure, il se trouvait coupable d'une action répréhensible, ce serait montrer un tact louable que d'éluder toute conversation le concernant et de laisser sans réponse tout feint témoignage d'intérêt, tout hypocrite apitoiement, destinés à soutirer des confidences ou à surprendre une opinion. 3° BienPeillance. Que de conflits seraient évités si, après avoir examiné les faits à la lumière du bon sens, on les jugeait avec bienveillance! Rien ne rend compréhensif comme la bonté : une parole maladroite, un geste inopportun, appréciés avec indulgence, méritent, tout au plus, un sourire. S'en offusquer, conduit à une voie périlleuse. Alors, « les moindres · coïncidences sont notées et interprétées, les inférences fausses se multiplient et se groupent au gré de la passion haineuse; on perd tout esprit de saine appréciation des faits 1 ». On est stupéfait de constater à quel degré de stupidité parviennent d'excellents esprits, des maîtres bien doués et d'un dévouement sûr, lorsqu'ils se laissent aller à de tels excès.
1. J. PAYOT (..4ux Instituteurs et aux Institutrices) dit justement : « Parmi toutes les règles de conduite supérieures à tous les cas particuliers, comptez celle de toujours soutenir vos collègues, même s'ils ne vous soutenaient pas, et de ne jamais .vous répandre en récriminations contre eux. • 2. Id.
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Trop souvent, des jalousies féminines inspirent les dissentiments qui s'élèvent entre maitres d'une même (·cole : aigreur de la femme d'un adjoint pour celle du directeur, ou le directeur lui-même, mieux payé (on ne l'estime guère plus capable que l'adjoint, quand on ne l'affirme pas inférieur); envie a l'égard du ménage qui perçoit deux traitements; rancune de ménagère désordonnée, apathique, maladroite, envers la voisine, experte à bien tenir son intérieur; mécontentement soupçonneux contre la débutante d'allure (!aie, habile à confectionner des toilettes simples et sf:yantes; enfin, jalousie pour tout ce qui offre des t: omparaisons estim ées désavantageuses pour soi. Le séjour côte à côte dans le 'même établissement contribue à rendre plus tendue la situation : l'exécution d'un morceau de musique est jugée vacarme intolérable; des cris d'enfants, des portes qui claquent, les divers bruits du ménage, provoquent des réflexions outrancières et malsonnantes; de menues questions de nettoyage ou d'usage (buanderie, bassin d'arrosage pour le jardin, etc.) déterminent d'épiques conflits. Pourtant, peu de chose suffirait à les éviter : la volonté de se montrer bienveillant, le désir de rester ra isonnable. A la femme irritable, envieuse, aigrie, peut-être, de voir durer une situation subalterne, le mari oppose sa préoccupation constante d'examiner les faits froidement et dans un large esprit de tolérance et de bonté. Il remontre que nul n'est parfait ni à l'abri de la critique et que la paix, dans la vie en commun, dépend de la tolérance et du souci de se montrer obligeant. Pourquoi . s'émouvoir de peccadilles? Mieux vaut n'y point prêter attention, pour en éviter le renouvellement et l'e_ xagération. A tout prendre, il est meilleur de désarmer les préventions naissantes par des concessions opportunes, de la
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bonne humeur et un peu de patience, que de les exaspérer par de rigides exigences ou de malencontreuses répliques. Au demeurant, à ces faits déplorables s'oppose, ·en maints endroits, l' exemple de maîtres soucieux de s'encourager mutuellement à bien remplir une tâche pénible. Le succès n'est-il point lié au concours de toutes les bonnes volontés? Ainsi se créent, entre Instituteurs, de fraternelles amitiés, parfois plus durables et plus solides que certains liens de parenté . Et quel réconfort, que cet exemple de maitres déjà âgés, s'appliquant à une protection discrète de leurs jeunes camarades : il les aident à mieux travailler, à lutter contre un pénible isolement, à réagir contre le découragement et les difficultés inévitables dans un milieu déshérité! N'est-ce point la meilleure des solidarités professionnelles?
=
II. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints. = Aux relations d'ordre g é néral qui viennent d'êt1·e défi.nies s'ajoutent les obligations particulières concernant directeurs et adjoints. a ) La fonction de directeur. - Jadis, le titulaire d'µne école pren~it à gages un auxiliaire, tel · un domestique : cet c< adjoint )) - on disait: « le sousmaîlre » - était nommé et révoqué par lui, avec l'agrément des autorités d épartementales. Aujourd'hui, tout comme le titulaire, l'adjoint reçoit sa nomination de l'inspecteur d'Académie ou du Préfet. Il y a gagné en dignité et en liberté, sans, cependant, s'aITranchir de toute dépendance envers le directeur. Mais cette subordination, assez étroite à l'origine, tend à se libérer d' une r églementation née des circonstances et de l'interprétation de textes vagues et insuffisants. La Loi Organique, en effet, ne défini.l
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aucunement les relations d'adjoint à directeur; elle énonce, simplement, que dans toute école comprenant « plus de deux classes», le titulaire « prend le titre de directeur 1 ». Ce silence surprend d'autant plus que, d é-jà, la loi sur l'obligation scolaire chargeait le directeur, pour toutes les classes de son école, des opérations destinées à contrôler la fréquentation : réception des listes d'enfants envoyées par le maire et des motifs d'absence donn és par les parents; envdi mensuel des extraits des registres d'appel au Maire et à l'inspecteur Primaire, etc. Les Règlements Organiques, à leur tour, ne traduisent guère le souci de faire, du directeur, un chef de service aux attributions précises et aux responsabilités nettement déli- ' mitées. Ils lui confient : 1° de recevoir les élèves internes\ ce qui est peu fréquent; 2° de répartir les· élèves dans les classes des trois cours, sous le contrôle de l'inspecteur Primaire 3 ; 3° d' é tablir l'emploi du temps de l'école, affiché dans les classes, a près approbation de l'inspecteur Primaire ~. En somme, il tient un rôle d'int erm édiaire entre celui-ci et -le personnel, en vue d'assurer l'organisation générale et la marche de l'école. Pourtant, de ce rôle est sortie une fonction '.rendue de plus en plus importante et délicate par les événements. Dans l'impossibilité de demeurer en contact étroit avec le personnel d'une grande école, - dans les villes importantes, surtout, où son activité est sollicitée de façons si diverses, l'inspecteur Primaire a été
1. L. O., art. 23. L. O . = Loi du 30 octobre 1866, sur
l'Organisation d e l'Enseignement primaire.
2. D. O., art. 15. - D. O. Décret du 18 janvier 1887. 3. Id., art. 13. . 4. A. O., art. 18. - A. O.= Arrèté du 18 janvier 1887. Décret et anêté complétant la Loi de 1886.
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conduit à demander au directeur de lè renseigner sur l'effort de chaque maître. De là à lui confier l'in spection des classes, avec rédaction d'un« bulletin» semblable au bulletin d'inspection, le pas fut vite franchi 1 • Les événements démontrèrent qu'une telle organisation, pour si commode qu'elle fût, ne pouvait subsister longtemps, parce que sans base légale et en opposition avec nos mœurs démocratiques. Le certificat d 'aptitude p édagogique exigé, à l'origine, des directeurs, péniblement obtenu et assez tard quelquefois, a été rendu nécessaire pour la titularisation : on y parvient dès vingt ans. Par suite, aucune supériorité de titre n'assure plus celle ·de la fonction. Pis , même : beaucoup d'adjoints possèdent le brevet ,sup érieur' et, parfois, d'autres diplômes, alors qu'on rencontre des directeurs pourvus du seul brevet élémentaire. Enfin, à l'ancienne et juste pratique du début dans les écoles importantes, aux fins de parachever le stage sous une direction éprouvée, s'est substituée la tradition des « convenances personnelles » : les emplois des villes sont très recherchés des maîtres las de vivre à la campagne, soucieux de bien faire éduqu r. r leurs enfants ou d'assurer plus de confort à leur famille. Résultat : souvent, des directeurs commandent à des maîtres plus âgés et aussi expérimentés qu'eux. D'où, évolution dans l'idée des droits du directeur et des rapports avec ses adjoints. Un principe nouveau s'est fait jour: l'autorité d'un seul ·1 s'efface de,,ant la collaboration de tous. « L'Ecole est une, quel que soit le nombre de ses maîtres, e t tout enseignement est une collaboration : collaboration •des »1.aîtres entre eux, en vue de la formation intel1. C . du 1~ janvier 1895. 2. Leur nombre ira croissant, puisque la législation actuelle a posé en principe que nul ne serait titulaire sans B. S.
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lectuelle et morale de l'enfant; collaboration des maîtres et des familles . Il n 'est pas de conception plus fausse, plus étrangère à nos principes d'égalité et de bonne confraternité que celle qui maintiend!'ait le directeur et ses adjoints dans un isolement mutuel, le premier concentrant en sa personne toute la vie administrative et pédagogique de l'Ecole, les seconds réduits à une obéissance étroite et bornant leur activité à enseigner suivant des méthodes et des principes accept és sans discussion et sans foi et imposés d'autorité. L'unité ainsi obtenue frapperait par avance l'enseignement de stérilité : pour être féconde , l'harmonie doit être faite de l'accord de toutes les bonnes volontés s'employant à faire œuvre commune 1 • » b) Rôle du directeur . .....: 1° Marche générale de l'Ecole . - Il doit: établir l'unité et en assurer le maintien; coordonner les efforts, pour que l'enseignement reste une collaboration ; veille1 à la continuité des méthodes et s'efforcer d'atténuer les ·effets des mutations qui se produisent dans le personnel. Il lui appartient de provoquer les améliorations qu'il estime désirables et les mesures nécessaires à la bonne marche de l'établissement, dont il surveille l'application : horaires à suivre; entrée et sortie du personnel, des élèves; surveillance des récréations; organis.ation du service de l'interclasse; remplacement d'un maître absent, en attendant l'arrivée d'un suppléant, etc. 2° Attributions p édagogiques. - Une tâche délicate lui est dévolue : « celle de parache11er l'instruction de ses adjoints 1 ». Responsable de la bonne organisation pédagogique de l'enseignement,« il a le devoir, et par conséquent le droit, de guider les maîtres, surtout
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1. Circulaire du 15 janvier 1908. 2. Id.
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ceux qui débutent, de coordonner leurs efforts vers le but commun 1 • A l'école primaire, plus qu'ailleurs, . peut-être, il importe de ménager avec un soin jaloux' le temps des élèves, de leur épargner le tâtonnement des méthodes, de prévenir ou de combler les lacunes résultant du manque de concordance entre les diverses classes qu'ils ont à franchir. Rien ne serait plus 1 ,1aturel, de la part du directeur, que de laisser au besoin, à chacun de ses adjoints, des notes et des directions précises, coupant court à tout malentendu et à toute omission, permettant à l'inspection ellemême de voir d'un coup d'œil si la marche de l'enseignement a été méthodiquement arrêtée et est exactement suivie de la première à la dernière classe. l> L'action du directeur, en ce sens, très souple, varie selon l'âge et les capacités de chacun des maîtres. Il lui revient, encore, de contrôler l'application des programmes, de la répartition mensuelle, et de veiller à ce qu'il n'y ait point, dans les classes parallèles, des différences de niveau trop sensibles. Aussi ne sauraiton lui contester le droit de se rendre dans les classes et, à l'occasion, d'y accompagner l'inspecteur Primaire2. Enfin, il doit se tenir au courant du mouvement et des nouveautés pédagogiques, savoir pro. 1. « Un instituteur qui croit ne relever que de son propre jugement ne peut pas prétendre au rôle d'éducateur. » (SruLLRR. Discours prononcé au banquet de l'Association des anciens élèl'es de l'E. N. d'Jnstîtuteurs de la Seine. Revue Pédago• gique, décembre 1887.) 2. « Les directeurs et directrices sont qualifiés pour accomcompagner l'Iaspecteur Primaire dans les classes tenues par leurs adjoints.» (Réponse ministérielle. J.O. du 22 juin 1929. Df. 2161.) - Le refus de faire classe devant le directeur constitue « une faute grave de service ... Les Directeurs, qui ont la responsabilité du bon fonctionnement de leur école, doiven& pouvoir suivre ce fonctionnement dans toutes ses manifestations ». (C. du 14 janvier 1930.)
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voquer et diriger les initiatives, être toujours prêt à fournir une indication touchant le choix d'un livre ou l'àpplication d'une méthode. Pour mener à bien cette partie de sa tâche, le directeur trouve une aide précieuse dans le Conseil des Maîtres, dont se précisent 1 ainsi le rôle et les attributions : « Il doit se réunir au commencement et à la fin de l'année scolaire, et, dans l'intervalle, au moins une fois par trimestre ... » Ses attributions embrassent tout ce qui a trait à « la vie pédagogique de l'école », notamment « l'élaboration du règlement intérieur de l'école, en conformité avec les règlements généraux arrêtés par le C. D.; la répartition des élèves cfüns les classes, suivant leur âge et leur degré de préparation, fe pàssage des enfants de l'école maternelle ou de la classe enfantine à' l'école primaire en dehors des époques réglementaires », la « répartition des maîtres dans les classes », sous rëserve de l'approbation de !'Inspecteur 'Primaire. Si, en pareille matière, en effet, il faut tenir compte des convenances des maîtres, on doit « se préoccuper, avant tout, dès intérêts de l'enfant, qui priment les autres ». Le Conseil des maitres s'occupera, également, il'exercer 1 ll ne action disciplinaire sur les élèvls : féliciter ns bons, réprimande1· les mauvais et les ràmerier dans la bonne voie, proposer l'exclusion en bs de 'faute grave ... Mais, « ce SOl~t surtout les questions d'orcD-e purement pédagogique qui animeront ces réunions et leur donneront leur intérêt : emploi du ' temps, application et adaptation des programmes, choix des livres d'après la liste départementale, étude des méthodes et des procédés d'enseignement, entretien et recrutement de la bibliothèque, etc, »,
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1. C. du 15 janvier 1908.
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3° Attributions administrati11es. - Le direclenr réunit et préside le Conseil des Maîtres; il en établit l'ordre du jour, résume la discussion en résolutions, fait rédiger le procès-verbal el l'envoie à l'inspecteur Primaire, avec ses observations, s'il y a lieu. Il traite, avec les autorités académiques ou municipales, les questions intéressant la vie scolaire, les locaux, les œuvres annexes de l'école. La transmission de la correspondance administrative doit s'effectuer avec son visa et, s'il l'estime nécessaire; ave.c son avis. Il reçoit et convoque les parents, vise ·les documents à leur envoyer (bulletin d'absence, carnet de correspondance, etc.), leur notifie les décisions du Conseil des Maitres et les siennes touchant la discipline, etc. c) Dans quel esprit doit-il exercer son autorité? - Longtemps maître absolu dans son école, ses avis étaient suivis strictement par l'administration : c'eût été dangereux d'entrer en conflit avec lui. De la précaire fon~tion de sous-maître avait subsisté le souvenir d'une autorité brutale, tracassière et, parfois, pleine de morgue. Tel ne recevait son personnel qu'après une demande d'audience; tel autre, irrité d'une objection, répliquait qu'on « ne discute pas avec ses adjoints ». Ce caporalisme a fait son temps. L'horizon s'est élargi; un heureux libéralisme a pénétré les relations qu'établit le dévouement quotidien à la même œuvre. Peut-être, même, par un excès contraire, la « largeur de vues » conduit quel-' quefois à une débonnaireté nuisible aux intérêts de l'école. Il ne faut ni autorité absolue, ni faiblesse coupable, mais de la bienveillance, une politesse qui n'empêche point de parler net, le souci constant d'inspirer une affectueuse confiance, sans, cependant, devenir dupe de mauvais esprits ou de trop habiles manœuvriers. Comment y parvenir?
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1° La première condition du succès est que le directeur exerce ses attributions « avec tact, mesure, et, pour tout dire, bonte. Il lui faut ménager des susceptibilités légitimes, parfois ombrageuses, et désarmer les défiances que fait naître, chez quelques-uns, l'apparence d'une sujétion. Il doit surtout se garder, par des critiques inconsidérées et présentées sans aménité, de paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage de l'école et de décourager les initiatives qui, bien dirigées, peuvent porter d'heureux fruits 1 ». Point de réflexions désobligeantes, surtout devant les collègues, encore moins en présence des élèves : l'humiliation pousse à la révolte. Conseils et observations gagnent à être présentés avec courtoisie, en soulignant l'intention d'être utile. Un ton violent provoque : l'impolitesse appelle la grossièreté. D'ailleurs, en peu de temps, les éclats n'émeuvent plus : ils laissent, cependant, l'amertume du souvenir. Et si, par malheur, au calme répond la violence, quelle supériorité de conserver son sang-froid, de persévérer à convaincre plutôt que de contraindre! Au cas où la gravité du dissentiment nécessite l'intervention administrative, le directeur ne doit jamais la solliciter sans épuiser les moyens de conciliation dont il dispose et prévenir de sa démarche le maître intéressé : la « collaboration » ne s'harmonise guère avec la pratique des sournoises dénonciations. Sa démarche pr-endra le caractère d'une demande d'arbitrage. Chacun des intéressés exposera sa façon de voir par écrit et aussi objectivement que possible. Le geste manquerait de mesure et d'élégance, chez le directeur, d'utiliser l'avàntage qu'assure la transmission de la correspondance pour laisser ignorer ses griefs
1. Circulaire du 15 janT. 1908.
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à son adjoint ou jeter la suspicion sur les dires de celui-ci, par un commentaire tendacieux . Bien entendu, il s'agit, là, d'affirmations véridiques : sinon, une rectification, mesurée, mais nette, serait de mise, après avis à l'intéressé. 2• Il importe, aussi, que le directeur er,,ite de s'imposer par la force, d'être ' subi : une tutelle déprimante paralyse les initiatives, énerve les esprits et conduit vite, selon le naturel, à la résistance ou à l'indifférence. L'autorité « doit être la justice, et toutes ses manifestations doivent s'inspirer du respect sincère de la personnalité d'autrui». (J. PAYOT 1 .) Piètre système que réduire les adjoints « à une obéissance passive ll, borner « leur activité à enseigner suivant des méthodes et des principes acceptés sans discussion et sans foi, et imposés d'autorité 2 ll . En Conseil des Maîtres, chacun conserve la faculté d'exprimer entièrement sa pensée, « ·de faire preuve de recherches et d'initiatives personnelles, de produire des idées nouvelles 3 », bref, de contribuer à cette collaboration qui assure la forte unité de l'école. Nul directeur ne d·o it l'oublier, pour jouer au« gendarme». S'assure-t-il que la tâche a été mise au point? De minutieuses exigences prennent vite une allure vexatoire. S'il traverse une classe, qu'il évite toute suspicion, des réflexions déplacées ou brutales. En cas de défaillance ou d'erreur, pourquoi apprécier les faits dans le sens le plus défavorable? « Se garder, par des critiques inconsidérées et présentées sans aménité, de paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage de l'école et de décourager des initiatives
1. Aux Instituteurs et aux Institutrices. 2. C. du 15 janvier 1908. 3. Id.
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peuvent porter d'heureux früits >>; persuader, en s'adressant à la raison, au cœur; négliger les menus faits pour diriger son effort sur ceux d'importance; ne se montrer ni hautain, ni méprisant, mais doux et charitable; - .en somme, diriger sans le faire sentir: c'est le seul, le décisif moyen de rendre l'autorité acceptable P,t de réaliser, autour d'elle, le plein accord des bonnes volontés. 3° Un directeur intelligent se garde, encore, de · l'étroitesse du jugement qui, procédant parfois d'une aveugle fidélité aux traditions, se traduit en id ées préconçues. Tel manifeste des préférences absolues dans le choix des manuels ou ne conçoit que « sa » manière de préparer la classe, d'enseigner le dessin ou les travaux manuels, malgré l'évolution intervenue dans ces disciplines au cours de ces dernières années. Quelques-uns témoignent une hostilité systématique aux initiatives des jeunes, trop près des« théories>> ou imprudents novateurs, disent-ils. D'autres déclarent « qu'il n'y a rien à faire », en présence d'indolents ou d'indisciplinés, comme si le mérite d'un directeur ne procédait de son habileté à obtenir « quelque chose >> des natures les plus ingrates, à démêler ce qu'il peut y avoir d'originalité, de zèle à orienter dans une « forte tête»! Sa rectitude de jugement et la largeur de ses vues contribuent à le faire apprécier quand il documente ses chefs sur des traits de caractère, des nuances, qui échappent à l'inspection, mais ressortent dans la collaboration quotidienne. Juger autrui sans aménité ni intelligence, ou renseigner tendacieusement ne sera jamais à son avantage. 4° L'important, en effet, est un sens très net de la justice. En manque qui ignore, par système, l'effort
1. C. du 15 janvier 1908.
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des adjoints, le dénigre ou masque les résultats, pour s'en attribuer le mérite. Une autre erreur consiste à manifester partialités et préférences : pour certains adjoints d'incessants rappels à l'ordre, de fréquentes sévérités; à l'égard d'autres, les encouragements abondent, les défaillances demeurent inaperçues. La justice commande de reconnaître tous les mérites' _ ême quand leur vue déplait, et de les mettre en m relief. Ce vaut mieux que de récriminer sur les difficultés de la tâche, le mal qu'on s'impose parce que « mal secondé », ou solliciter des« encouragements» : on gag?e davantage à demander pour autrui que pour soi. 5° Enfin, qui dirige doit prêcher d'exemple. L'action convainc mieux que les conseils, les critiques ou les remontrances. Par la confiance qu'elle crée, elle consolide l'autorité : si, dans l'art, se rencontre la même aisance que dans la critique, celle-ci n'en devient que plus acceptable. Au surplus, on peut espérer beaucoup de bonnes volontés à qui le chemin est montré. Par contre, qui abuse de sa fonction pour s'alléger d'une part de sa tâche doit s'attendre à des résistances et au mépris. L'abus s'aggrave s'il vient d'un déchargé de classe : le souci de sa dignité doit lui interdire toute paresse alors que peinent ses collaborateurs. Ce sont là, d'ailleurs, faits d'exception. Dans l'ingi;ate fonction de directeur, beaucoup savent s'imposer par leur valeur morale et leurs qualités intellectuelles. Ils marquent si fortement leur empreinte que les familles, devançant une sanction administrative posthume, désignent l'école par leur nom. N'est-ce point le plus bel éloge de leur action éducatrice? d) Les adjoints. - Leurs obligations envers les directeurs découlent de ce qui précède.
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1) Déférence. - Un défaut fréquent chez les débutants, l'orgueil, résulte de leur inexpérience, de leur tendance aux jugements tranchants Pt passionnés, de leur impatience à supporter des lisières. La réaction des faits détermine, heureusement, de salutaires améliorations. Mais, dès l'abord, combien auraient tiré profit à méditer d'élémentaires vérités : ils « n'abordent leurs difficiles fonctions qu'après un sommaire et insuffisant apprentissage »; le directeur est << un aîné » qui a fait ses preuves et, par suite, mérite considération; il a réduit bien des difficultés particulières à la tâche : n'est-ce point un droit à quelque sympathie? Sans doute est-il prudent et réservé, évite-t-il de céder au mirage de nouveautés séduisantes, de théories captieuses. Mais en quoi ce bon sens exprime-t-il incompréhension et sottise d'esprit timoré? Dès lors, pourquoi recevoir avec humeur ses conseils, opposer, de parti pris, à sa bienveillance souriante, la mine renfrognée ou l'air narquois de gens « à qui on ne la fait pas » ? Les débutants ne peuvent que gagner à « rechercher les conseils des maîtres plus âgés, se féliciter de pouvoir profiter de l'expérience d'ainés, qui ont passé avant eux par les mêmes chemins et leur en aplanissent les diflicultés, et ne pas voir dans des observations amicales et prudentes, je ne sais quelle entreprise contre leur indépendance et leur libre arbitre .1 ». Par là, s'aflirme la valeur de la personnalité, plutôt que dans l'admiration « d'anciens » au caractère ombrageux, à l'esprit frondeur, figés dans une attitude qui, trop souvent, masque leur insuflisance ou leur mauvaise volonté. Ils sont à plaindre, non à imiter, encore moins à exciter par de naïfs témoign~gcs tl\1pprobation.
t. C, précitée.
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Le souci de se montrer déférent doit être poussé jusqu'à s'interdire tout ce qui atteindrait l'autorité du directeur, en particulier les interventions auprès des familles, de la municipalité, des inspecteurs, pour régler des questions de service (manquements à la discipline, chauffage, nettoyage, etc. 1 ). 2) La loyauté, de règle entre collègues, s 'im pos~ avec une nécessité encore plus forte dans les relations de directeur à adjoints. L'erreur serait coupable cl· u tiliser les dispositions libérales qui régissent le Conseil des Maîtres pour s'y montrer absolu, grossier,· hostile à toute conciliation. « Ces débats, quelqug vivacité que chacun y apporte à soutenir ses opinions, conserveront, toujours, le caractère de discussions amicales; on y discutera pour s'instruire, pour échanger ses vues, pour s'éclairer mutuellement 2 . ·» Il faut savoir, à l'occasion, se dégager des préférences et se rallier, avec bonne grâce et sincérité, à la thèse adverse, si elle paraît plus favorable au bien de tous, maîtres et élèves. A aucun prix, on ne doit « transformer ces réunions pacifiques en autant d'assemblées délibérantes : on risquerait d'y faire pénétrer du même coup l'esprit de brigue, de coalition et d'intrigue et d'ouvrir la voie à des divisions qui conduiraient à une véritable anarchie scolaire ». · Même si le directeur avait des torts, ce serait déloyal d'user de 1·eprésailles en lui créant des difficultés dans l'école ou au dehors. Pour résoudre les conflits, il est des arbitres tout désignés : les
1. Est-il besoin d'ajouter que l'exactitude eat une forme du respect? Un maître qui n'est point ponctuel gêne la bonne marche du service; il cause des ennuis à ses collègues pour le trouble qu'apporte son sans-gêne aux entrées et serties, récréations, etc. 2. Même circulaire.
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chefs. Qu'on leur soumetle les griefs et ::ittende avec confiance leur décision 1 ! Mais, avant d'en arriver là, ne vaut-il p::is mieux s'expliquer, avec le désir de dissiper tout malentendu et la volonté de s'interdire t_ ute mesquinerie? Rien ne prévient contre une o cause, si bonne soit-elle, comme l::i révélation d'actes minutieusement notés au jour le jour : l'allure d'espionnage impressionne péniblement. Mieux vaut succomber les mains nettes, que triompher par de vils moyens. L'indulgence n.e se refuse pas au coupab le qui force l'estime. Qu'un accord mutuel ou une décision arbitr::ilc règle le conflit, le devoir est de s'incliner et de se taire : donc, nulle allusion impertinente ou rageuse, point de v::intardises ridicules ni de récriminations excitatrices. On doit se défier des grognons, experts à « jeter l 'hui le sm le feu ». Céder à leurs suggestions rés erve souvent de pénibles surprises : dès qu'appar::iît le danger, viennent de brusques revirements et des protestations de zèle ... ! Conclusion; « L'Ecole est une » : cette unité ne peut s'établir et subsister que par l'accord des volontés en un e confiance et une bienveillance réciproques. Si les bons directeurs font les bons adjoints, nombre d'adjoints ont les directeurs qu'ils méritent. A chacun d'y mettre du sien, de se montrer tolérant et sincère, soucieux de satisfaire aux exigences de la solidarité corporative : l'Ecole y gagnera en nleur et en considération, et les maîtres, en estime et en tran• quillité.
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1. Jusqu'à son arrivée, les indications du directeur, respon• sable devaut ces chefs, seront suivies exactement.
�CHAPITRE VIII
Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs).
L' Instituteur de pend de nombreuses autorités, les unes, placees dans son voisinage immediat, les autres, · jamais ou rarement rencontrées. Avec les premières, il entretient de fréquents rapports, soit qu'elles le contrôlent ou règlent les détails de la vie scolaire, soit qu'elles participent à la surveillance de l'école et de sa fréquentation. Les occasions de contact avec les secondes s'offrent peu : il n'est point rare qu'un instituteur parvienne au terme de sa carrière sans avoir jamais eu de relations avec les autm·ités supérieures.
= I. ,unistre. Inspecteurs Généraux. Recteurs. = A la tête de celles-ci lie place le Ministre.
Il assure le fonctionnement, le contrôle et la haute direction de l'enseignement public à tous ses degrés. Tous les ans, il assigne à des Inspecteurs Généraux, ses délégués, des groupes de départements, dont ils visitent les établissements publics ou privés. A la tête de chaque Académie, un Recteur veille au maintien des méthodes et à l'exécution des règlements d'études ; dans toutes les écoles primaires publiques de son ressort; il peut les inspecter, ainsi que les écoles libres. En fait, Recteurs et Inspecteurs Généraux visitent rarement les écoles primaires\ absorbés · qu'ils sont
1. Cette lacune dans le contrôle vient d'être heureusement iomblée par la création de quatre emplois « d'Inspecteurs Généraux des écoles primaires élémentaires », chargé• de lea
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par les exigences d'un service complexe. Généralement , les ch efs immédiats, Inspecteurs d'Académie ou Primaire, les accompagnent et les renseignent, pour faciliter leur contrôle . Il se peut qu'à la suite de ces visites l'instituteur croie devoir présenter des expli cations ou formuler une requ ête. Plus souvent, il lui arrive de saisir l'autorité sup é rieure d'une affaire qu'il estime mal r égl ée par l' administration départementale (avancement, sanction disciplinaire, admission à la retraite, etc .) , ou dont la solution définitive d épend du Ministre. Dans tous ces cas, il doit s'interdire d'agir à l'insu des autorités interm édiaires. « Tout fonctionnaire 1 a l-e droit de recourir au Ministre , et personne n'a qualité pour emp êcher la requêle la pins humble de parvenir jusqu'à lui , mais la seule voie à suivre est la l'oie hiérarchique. » S'en affranchir nuit à la bonne marche du service. Le Ministre reçoit-il directement une requête? li la transmet, après un délai plus ou moins long, à l'inspecteur d'Académie , pour instruction; celui-ci la communique aux mêmes fins à l' inspecteur Primaire. D'où, premier inconvénient d'un retard. Un deuxième, plus grave, résulte de l'incorrection qui laisse ignorer aux chefs immédiats l'appel adressé à leurs supérieurs. Cet acte produit une impression pénible : ne traduit-il pas défiance et hypocrisie? Par surcroît, on peut supposer que son auteur a voulu éd er de gênants témoignage'- et surprendre la bonne foi d'une autorité éloignée, peu ou point renseignée. Si celte maladresse intéresse des chefs équitables ou, même, indulgents, le recours, formulé contre eux dans l'ombre, apparaît d'une déloyauté blessante. La
« inspecter » et • d'y contrôler l'application des programmes el des instructions » (D . du i•r juin 1930). 1. C. du 20 décembre 1892.
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révélation qu'ils apporteront des motifs de leur décision, des preuves de leur patience et de leur mesure, desservira le pétitionnaire. D'où, échec et, en plus, une suspicion qui pèsera sur l'avenir.
= li. Préfet. Dans le cadre départemental, il assume le « gouvernement de l'intruction primaire», avec l'assistance de !'Inspecteur d'Académie: il nomme et révoque les instituteurs titulaires, dans les formes établies par la loi; il préside .Je Conseil Départemental, dont il règle l'ordre du jour, instruit les affaires, convoque les membres, fait exécuter les décisions; il a le droit d'entrée dans toutes les écoles publiques du département, intervient auprès des communes, pour satisfaire aux divers besoins du service scolaire, etc. En principe, les instituteurs n'ont point de rapports directs ayec lui: ordres, instructions, demandes d'explications, etc., leur viennent de !'Inspecteur d'Académie. Mais, en contact permanent avec les municipalités, le Préfet peut, à bon droit, accueillir leurs démarches intéressant fe personnel. « J'attacherais un grand prix, lui dit le Ministre 1 , à ce que, toutes les fois qu'il vous paraît que la situation d'un Instituteur ou d'une Institutrice risque de deveuir difficile dans une commune, Yous mettiez l'inspecteur d'Académie au courant des renseignements que vous aurez recueillis et que vous l'invitiez à s'entretenir de laquestion avec les intéressés. Cette intervention, qui n'aura aucun caractère officiel et où les instituteurs verront seulement la preuve de l'intérêt vigilant qu'on leur porte, permettra de leur faire, s'il y a lieu, les obserralions nécessaires, de leur donner d'utiles conseils
1. C. du 6 avril 1906.
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et, aussi, de recevoir d'eux les éclaircissements qui vous mettront à même d'apprécier Justement les faits. Vous pourrez , ainsi, prévenir des conflits regrettables, en mê me temps que cette manière d 'agir fortifiera certainement la confiance du personnel à l'égard de ses chefs . » Il advient que le Préfet croie devoir s'adresser à l'Instituteur sa ns en r éférer à !'Inspecteur d'Académie : il lui écrit, le fait mander par le Sous-PrMet, ou, m ême, le convoque. Dans ces cas, quelle conduite tenir ? Remarquons , tout d'abord, que si le SousPréfet a un droit d'entrée dans les écoles publiques de son arrondissement', il ne peut« intervenir comme fonctionnaire compétent dans la question d'administration et de direction des établissements primaires 2 ». Avec politesse, mais fermeté, !'Instituteur lui refusera renseignements ou justifications concernant son service : seul, !'Inspecteur Primaire peut, en cas de n écessité exceptionnelle, donner un avis verbal sur des questions purement scolaires. Au regard du Préfet, en droit strict, !'Instituteur serait fondé à décliner toute invitation à s'expliquer ou à comparaître. Ce pendant, son refus pourrait indisposer comme un manque d'égards. Or, le Préfet est parfois appelé à soumettre au Ministre des éléments d'appréciation autres que ceux de l'inspecteur d'Académie ou des conclusions inspirées d'un point de vue différent. Mieux vaut, donc, éviter de le froisser. Mais, avant de r épondre à sa convocation, on doit en aviser l'lnspecteur Primaire et l'inspecteur d'Académie; également, on leur fait part de l'entretien et de ses résultats. Défenseurs naturels de l'instituteur, con1. D.O.,art.146. 2, C. du 26 mai 1876.
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seillers expérimentés au~ informations variées, l'efficacité de leur intervention, en cas de conflit, se lie à l'étendue et à l'exactitude de leurs renseignements. L'inspecteur d'Académie, notamment, doit pouvoir, par une documentation sûre, dissiper préventions et malentendus, mettre exactement au point actes et paroles: ainsi, il prépare le terrain à la conciliaLion, ou, si elle est impossible, à une solution équitable. Si un conflit s'élève, l'instituteur agira sagement en prévenant les représentants du groupement corporatif auquel il appartient : il leur demandera de voir le Préfet, de l'entretenir de « son affaire », pour « dissiper les malentendus que des points de vue très différents peuvent faire naître entre les fonctionnaires et l'administration 1 ». Il est recommandé aux Préfets de mettr:e à profit cette « source précieuse d'information » qui pourra « confirmer ou rectifier » leur opinion « et servir de manifestation à la vérité et à la justice » : nul ne peut, donc, s'étonner des interventions corporatives, prévues et recommandées par les règlements. L'expérience prouve qu'elles ont souvent réussi à balancer des influences politiques, dont le~ fins, étroites et personnelles, s'accordaient peu avec la justice et les intérêts scolaires. Est-il nécessaire d'ajouter qu'une attitude déférente, la correction du langage, la modération de la pensée, la sincérité et l'objectivité dans l'exposé des faits, ne peuvent que bien servir une cause intéressante . ou, en cas de iaute, inciter à la bienveillance?
= III.
Inspecteur d'Académie. :: Se11 attril.iutions intéressent les trois ordres d'enseiguement,
1. C. du 6
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mais les plus importantes se rattachent à l'enseignement primaire. Da ns chaque département, il en est le chef, sous l'autorité du Recteur, en ce qui concerne l' écol e normal e et les écol es primaires supérieures, sous celle du Préfet pour tout le reste. a) Jadis, l'instituteur rural le voyait rarement. Les rencontres sont devenues plus fr équentes avec le développement des moyens de communication . Si bien qu'à tout propos, - et même hors de propos, le jeudi, on fait volontiers antichambre dans ses bureaux. Est-ce un bien ou un mal? Ni l'un ni l'autre, mais les deux. Le chef d ' un service aussi vaste que celui de l'instruction publique tire profit de connaître le plus grand nombre de ses collaborateurs. A s'entretenir avec eux, il se renseigne · sur leur caractère, leurs aspirations , la conception de leur devoir, leur situation familiale, etc., - et c' est un bien : il n 'a point toujours le temps 1 d'aller, dans toutes les communes, glaner ces indications, qui lui permettront d'orienter son activité et de cr éer, entre lui et ses collaborateurs , cette atmo s phère de sereine confiance , sans laquelle tout effort fécond demeure impossible. Mais,
1. Le développem e nt des nombreuses œuvres post et périscolaires enl ève à l'inspecteur d 'Académie beaucoup de temps e t le pousse à gouverner de son bure au . Dans l'intérêt du ser,•ic e, on doit souha it e r qu 'il se mêle le plus possible à la vie du personnel et le voi e à l'œuvre. Sa visite prouve aux maîtres qu'il tient à les connai · ,·e. Au cours de ses déplaceme nts, souvent accompagné d e !'Inspecteur Primaire, il se rend compte, mieux que de son bureau, des difficulté s du service et peut les régler rapid ement. Ainsi, la correspondance administrative est all égée. D'autre p art , il met de l'uniformité dans la façon d'apprécier des Inspecteurs Primaires et, par là, assure une répartition plus équitable des récompenses et des postea d'avance~ meat.
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en regard, quels inconvénients résultent de visites trop rréquentes ou sans motif sérieux! D'abord, le temps que l'on perd et, surtout, celui que l'on fait perdre à un chef très occupé. Ensuite, les complications nées des maladresses commises au cours de ces démarches. Vient-on se renseigner sur une question d'ordre scolaire? L'inspecteur Primaire pourra, sans montrer une susceptibilité inopportune, manirester sa surprise de se voir ignorer. D'autant que, trop souvent, les faits sont présentés à travers des tendances particulières, sous l'aiguillon de désirs qui empêchent l'impartialité : la solution sollicitée s'oppose, alors, à celle que commandent les intérêts du service, par lui prise, prévue ou proposée. Maladresse, encore, que demander à l'inspecteur d'Académie le règlement d'affaires dépendant de l'inspecteur Primaire (autorisation d'absence de moins de huit jours, répartition des maîtres dans les classes, approbation d'emplois du temps, etc.,) sans en avoir déjà saisi celui-ci! A de rares exceptions près, qu'explique la nécessité d'une solution rapide', l'Inspecteur d'Académie renvoie à se pourvoir devant l'inspecteur Primaire, ou lui transmet l'affaire « pour règlement ». Celui-ci ne se formalisera point, a priori, d'une erreur de destination, due à l'ignorance ou au désir d'aller vite, mais on ne doit, en aucun cas, oublier que l'ordre et la discipline, à défaut des convenances, interdisent de lui laisser ignorer tout fait de son service. b) Une loyauté scrupuleuee est de règle quand on 'demande à l'inspecteur d'Académie de réformer une décision de l'inspecteur Primaire. On peut estimer
1. Une administration constituée d'empiétements et de déci• aions s'iînorant aboutirait vite au pire désordre.
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s~vère un rapport d'inspection, dur, le refus d'un congé, ou penser qu'un changement de circonscription, des inspections espacées, retardent l'avancement, etc. Quel que soit son motif de mécontentement, l'instituteur se doit d'en aviser son chef immédiat, soit verbalement, soit (c'est préférable) par écrit, en lui faisant connaître son intention d'en appeler à l'arbitrage de leur supérieur commun. Il détaille ses raisons d'un ton poli, aussi objectif que possible. Ainsi, nul malentendu. Peut-être objecterat-on qu'on amoindrit ses arguments à les révéler à un «adversaire» bien placé pour répliquer. D'abord, peut-il y avoir des << adversaires » quand il s'agit de gens de bonne foi, en d ésaccord momentané sur des faits d'importance relative? Ensuite , l'avantage d'une position ne prévaut point contre le bon sens, la vérité, la justice. Au demeut·ant, les doléances formulées re_vie~dront, « pour renseignements et avis », à l'inspecteur Primaire : alors, le malentendu s'alourdît de la défiance témoignée; le rôle de l'arbitre en devient plus délicat. Qu'on se le dise bien : placer la franchise à la base des relations administratives en facilite le jeu.
= IV .. Inspecteur Pt•imaire. = Chef immédiat., le plus souvent rencontré, il juge sur p\ace, conseille et suggère, aide et encourage. Chargé _ d'un service à la fois pédagogique et administratif, il renouvelle tous les jours son expérience par ses visites d'écoles, ses entretiens avec les maîtres. Vivant près d'eux, au courant de leurs efforts, il est leur défenseur naturel. Chacun lui doit de montrer bonne volonté et loyauté dans l'accomplissement du labeur quotidien. a) Le maître, arrivé dans son service, lui rend Pisite. Cette démarche de déférence amorce un juge-
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ment il faut, par suite, la rendre brève et s'interdire tout oiseux bavardage, l'apologie de ce qu'on estime ses mérites, d'indiscrètes questions ou des réponses réticentes. Par la suite, quelque cordialité s'introduit dans les relations : on aurait tort de s'en prévaloir pour faire trainer la conversation, affecter une familiarité déplacée ou se livrer à d'inopportunes confidences. L'inconvenance serait grave, après avoir obtenu, à force d'indiscrètes questions, quelques renseignements intéressant le service, d'en faire état, auprès des collègues, pour se prévaloir d'un crédit imaginaire ou se donner le rôle d'indispensable ou, encore, affe.cter une intégrité de surface, plaisante aux sots : certains qui affirment avoir refusé les ,, faveurs », ou ne les accepter que contraints, les obtiennent par de piteux moyens. En tout cela réside un véritable abus de confiance, qui, d'ailleurs, déconsidère vite : quelle excuse donner au chef dont la bonne foi a été lrahie? et comment espérer le retour d'une confiance si nécessaire au bien du service? b) Si des difficultés surgissent dans la tâche quotidienne, il convient d'en aviser l'inspecteur Primaire, surtout si l'on prévoit des retours qui rendront la situation désagréable. Les faits doivent être exposés avec netteté et sincérité; on n'excnse point ses torts en les avouant à demi et, moins encore, en les dissimulant. Le temps n'est plus où l'intervention du chef immédiat déterminait, presque toujours, des sanctions pénibles, même pour d'excusables maladresses. Aujourd'hui, « faute avouée est plus qn'à moitié pardonnée » : reconnaître ses torts, les regretter en tonte sincérité, désirer en éviter le retour, vaut une large indulgence. · c) L'inspecteur Primaire ne doit rien ignorer touchant S(!n service : il faut lui signaler, -sans retard,
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les incidents qui peuvent déterminer une plainte, toute modification dans la marche du travail, les accidents survenus aux élèves!, etc. Un cas embarrassant se présente-t-il? on lui demande conseil; ainsi, s'évitent des maladresses et s'acquiert la sécurité. Cependant, il ne siérait guère de solliciter des instructions à tout instant : on doit savoir prendre ses responsabilités et se mettre au courant des questions de service par la lecture du Bulletin dé.partemental et du Règlement scolaire. · d) Autre principe : se montrer exact et precis dans la correspondance. Périodiquement, renseignements statistiques ou comptes rendus doivent être fournis : un retardataire empêche le dépouillement de l'enquête à la date fix ée. L'envoi de notes de rappel constitue un surcroît de besogne irritant; de même, le retour des documents inexacts ou incomplets. Estil donc si difficile, deux ou trois fois l'an, de se conformer à des instructions clairement données? La correspondance administrative bannit toute formule de politesse : économie de temps, simplicité, disparition d'expressions surannées et vides de sens, autant d'heureux allégements dans des écritures destinées à relater, sans longueur~, les divers faits du service. Cependant, il ne faudrait point tomber dans le regrettable excès d'une négligence impolie : écrire sur un bout de page détachée d'un cahier, ou au verso d'un imprimé (bulletin d'absence , listes pour bibliothèques, etc.) ou, enfin, sur du papier d'une excessive
1. L'intérêt des maitres commande de procéder, sans retard, à l'enquête administrative destinée à déterminer les responsa• bilités. L'inspecteur Primaire avisé, on constitue le dossier à lui remettre (relation précise et sincère des faits, déposition des témoins, plan des lieux, etc. Cf. II• partie. Législation scolaire . Accidenta).
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« fantaisie ». De te11es libertés frisent l'impertinence . De m~me, surveillant sa plume, on n'écrit point : « Je vous avise que je quitterai ma classe, tantôt, pour une affaire personnelle .. » « Je vous fais savoir que j'ai renvoyé X. parce que sa mère m'a outragé hier au soir ... » « Recevez l'assu.rance de ma considération très distinguée », ou« mes salutations empressées», ou « mes sentiments les meilleurs ,,. Tel se risque à des ordres : il transmet son enwloi du temps et en demand e le renvoi «d'urgence», encore, il exige« sans retarcJ. >> une carte à demi-tarif. Tel autre ne se re lit même pas: d'oü, fautes grossières de syntaxe ou d'or• thographe, qui impressionnent fâcheusement. e) . A l'occasion des inspections, des maîtres croient hapile de se faire renseigner, par les moyens les plus rapides, sur le passage de leur chef dans la région. Aussitôt, il couvrent d'encre rouge les cahiers, éten dent outre mesure leur préparation de classe et multiplient les recommandations à leurs élèves. Ces précautions donnent rapidement l' évei l : comment n'éprouverait-on pas de prévention contre un tel calcul pour surprendre le jugement? Les appréciations s'en ressentent, d?autant que les résultats antérieurs les confirment. JI n'en faut point davantage pour persuader à !'Instituteur qu'il est jugé avec partialité : il lui manquera, simplement, l'indulgence que le chef le plus sévère ne refuse jamais aux maîtres sincères et de bonne volonté. D'oit, récriminations et amertume ... Tout maître reçpit communication intégrale dés notes qui expriment l'appréciation de son chef direct. On lui recommande d'én prendre copie 1 : ainsi, il se
1. O. du 12 juin i894. Recommandation est faite aux inspec• teürs de ne point se limiter à une note chiffrée (C. du 8 sept. 1925), « qu'on a, généralement, trop de tendances à ajuster presque automatiquement à l'anciennelé des services ».
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trouve avoir, par devers lui, le duplicatum de · son dossier, où, après qu'i,l les a contresignés, les rapports le concernant so11t class és. D'aucuns croient que le refus de viser un bulletin d'inspection en évitera l'introduction dans leur dossier. Grave erreur: la signature atteste non qu'on approuve le contenu du bulletin, mais qu'on l'a« vu et pris note». Liqre, ensuite, à chacun, s'il se croit lésé, de présenter à l'inspecteur Primaire ou à l'Ipspecteur d'Académie les explica,tions estimées uti}ei, à Sij justification et à la défense .de ses intérêts. Mais il faut éviter l'emploi d\rn ton violent et agressif: en toutes circonstances, politesse et mod é ration aident à se faire écouter. Dans l'émotion provoquée par l'arrivée du chef on a pu oublier de lui présenter toute la documentation servant à préparer la classe ou de lui expliquer la nécessité 3iccidentelle de répéter certains exercices. Aµ cours de la conversation qui a suivi la, visite, on n'a poin~ osé développer ses explication~, on a perdu pied, nié contre l'évidence, ergoté ... Pui!l, la réflexion est venue. Pourquoi ne point s'expliquer, loyalement, reconnaître ses torts, assurer qu'ils ne se reproduiront plus, et aflirmer sa bonne volonté à suivre les instructions données? Si Îe conflit persiste, si, pour d'autres raiso.n s, il ~'aggrave, l' inspecteur d'Acad é mie l'arbitre. Même, le Ministre peut être appelé à en connaître. En ces circonstançes, l'Institut!3ur sollicite, d'ordinaire, l'appui qe son Association. Nul ne songe à lui contester Ge droit, mais, pour lui et ses représentants, le devoir est d'agir avec sinc érité, en évitant manœuvres obliques et moyens de pressioµ (interventions de la presse, de politiciens, etc.), destinés à ma:.quer l'insuffisance dés argùmehts.
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JIOIULE PROFESSIONNt:LlE
= V. !Haire.= De jeunes maîtres croient devoir l'ignorer ou lui témoignent une indifférence voisine du dédain. Pourtant il constitue une « autorité scolaire», dont les attributions offrent maintes occasions de contact : il installe l'instituteur dans ses fonctions et récole, avec lui, mobilier, livres de la bibliothèque, matériel d'enseignement; il lui en donne décharge en cas de mutation; il jouit d'un droit de regard sur les écoles de la commune, veille à leur installation, à la fréquentation, etc. Toutefois, ce n'est, à aucun degré, le supérieur hiérarchique de l'instituteur : nul pouvoir d'apprécier l'enseignement ne lui revient, et il ne peut, soit de lui-même, soit par le Conseil Municipal, blâmer un maître pour son service 1 • a) L'instituteur lui doit sa première 11isite : entrevue courtoise, sans affectation de supériorité ou de déférence, au· cours de laquelle la prudence commande de parler peu et de beaucoup écouter. Des renseignements sont ainsi recueillis sur la commune, ses ressources, les mœurs des habitants; peut-être, même, des confidences dépeignent les principaux notables, l'état des partis politiques, leurs luttes, les adversaires à éviter. En tout cela, il y a matière à profit : on acquiert une première connaissance du milieu. D'où, la nécessité de ne manifeste·r ni étonnement, ni humeur, ni marque d'acquiescement ou de désapprobation : on veille, jalousement, à conserver sa liberté d'action. A qui devient pressant, on n'oppose pas un refus cassant, mais la simple et légitime volonté de se consacrer entièrement à sa fonction. Des occasions viendront de mettre au point les résultats de ce premier entretien. Quelle que soit
1. Toute délibération prise dans ce sens devrait être annulée en vertu des art. 63 et 65 de la loi du 5 avril 1884 (le · C. M. sortirait de ses attributions légales).
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l'opinion arrêtée, jamais on ne cessera de se montrer déférent et d'exiger des élèves le respect du « premier magistrat de la cité ». On en sera plus fort pour lui faire comprendre que ]'Instituteur n'est ni un employé communal, ni, encore moins, l'homme lige d'un parti contre une fraction du village. Ainsi s'éviteront des conflits que l'ignorance, un sens erroné de l'autorité, la rusticité, risqueraient de créer. b) Le Maire se rend-il à l'école pendant les heures de classe? On ne doit en manifester ni surprise ni mauvaise humeur. En le cantonnant dans son droit : veiller à l'état des locaux et du matériel, à l'hygiène et à la tenue des élèves, on lui signale les insuffisances du mobilier, la nécessité de certaines réparations, les améliorations souhaitables ( éclairage, chauffage, etc.); on lui suggère des initiatives favorables à la fréquentation, à la tenue des élèves ( enfants nécessiteux, parents négligents à voir, etc.). Si, pnr extraordinaire, il s_ risquait à formuler un avis sur e les méthodes ou les résultats, loin de l'interrompre brutalement, mieux vaudrait le détourner de la voie irrégulière où il s'est engagé en lui indiquant des laborieux à féliciter, des appliqués à encourager, etc. Puis, lentement, mais avec sûreté, on accentuerait le retour à ses attributions. c) Savoir refuser est habile : la manière dont on le fait évite les froissements . Au souci de se montrer poli s'ajoute le désir de justifier une attitude conforme aux règlements. Celui-ci commet à !'Instituteur la garde de la maison d'école. « Il ne permettra pas qu'on la fasse servir à aucun usage étranger à sa destination, sans autorisation spéciale dn Préfet, après avis de l'inspecteur d'Académie 1 • » Or, souvent, le
1. Règlement scolaire modèle. Art. 3 modifié par L'A. du 9 février 1925.
�AiORJlE Pil.OfESS!ONNEI,iE
Maire disposé de l'école: il y àutori!le réunions, bals, soirées récréatives; dans les dépendances inoccupées, il laisse entreposer du matériel corrimunal (pompe à incendie, brouettes, etc.). L'lnstitut(mr met à coùvért sa responsabilité en demandant que soit requise l'autorisation réglementaire. Dans deux cas, seulement j il peut s'en dispenser : 1° logement ét cantonnement des troupes 1 ; 2° adjudications dirigées par un notaire, à condition que ce soit en dehors des heu1·es de classe et que la Câisse des Écoles reçoive uue rétribution (5 ou 10 fr. pour une adjudication inférieure où supé· rie ure à 1000 fr., plus 5 fr. pou rie nettoyage du lofai!).
- VÎ. Délégtiê cant~nal. = « Il h'eJl pas l'lns.: pccieur de l'eriseignèmeJt primdtre : •g n podrhiii l'appeler, plutôt, l'insji ~c te111· iîe t'éduc'àtio'n ... èntre aaiis Üne èÎasse; lui qql vièrit âü l:lehor~, il ësl imros,si~lë qu'il ~e ,soit :t>~s r~appë, cl~ c~r tâihs ~k'.~t~ gue, peut-être, m 1 Instituteur m l tnsfecteur ne re!Darryu~nt plus. Plus sûre~eiit gùe per~onne, i~ préciera ia tenue des élèves, l'ertlrâin dè classè, Vardeur ou i'in ertie qui s'y t rahit, W. 4ahitddp a.'al tentiori, d'ordre, de ponctuaHté, l'a~ction el la cod.., ~ance ~Ù-e le maîtr~ a su ij1spil·~r 1 Î'esr,rit, ~nfl.h, glî, i regne à l'école, et q~1 se lh parfoüt, les visages •I ' l l"' a . et d ans 1es ca h iers 1 . » « Il d'on, ;auss1 1 s ' emp , oyer ' favorisér le défàire entretenir les locâux scolaires ~eiopperrient de~ œ~v~es corriplémenlàires cfe l'école \ ca~sse des école~, cantines scolal~ès, coui·s d'àclhllés; ~onférences, mutuiiliiés, amicale~, pâl~oiiagés, bibiiè>- . thèques scolaires 3 ».
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1, Sauf dans les éqolj!s 9~ filles, à rppin11 quq !~~ IQgjlll\fl}td l!f s,oient biep. ~1ear#s du ; ,e st~ d,E\ l'~_ o!e, (Règlement d'admli c ni stration pubh~ue du 23 novembre 1886.) 2. C. du 26 mars 1887. 3. C. du 5 juillet 1920.
.
�RAPPORTS AVEC LES AUTORITÉS
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Ses dr~its étant analogues à ceux d~ ~aire, Ofl observe à son égard la même attitucfe qu'e9vc;rs celui-ci. Si le Délègué interroge les élèves, examine et apprécie les cahiers, ou, encore, pou~se zèlf jusqu'à proposer des « composhions », ['Instîtute4r lui rappellera, avec une courtoisie souriant~, qu'il « n'a pas à formuler d'appréciation sur le~ m~tholles, ni sur les résultats de l'enseignement, nt sur l'organisation pédagogique de l'écolè 1 ». L'Inspecteµr P'rimaire, informé de ces empiétements, mehra les choses au point, en ~ontrant au Délégué ~ue beaucoup d'autres objets sollicitent son activité :. h'es~-il poin"t bien placé pour intervenir auprès des familles et de~ munieipalités, en vue d'améliorer la fréquentrtion, d 1obtenir plus de bien-être pour les élèves, de rehausser l~ crédit ~es maîtres et le prestige de leµr enseignement? Ami dévoué, appui sûr, il concourt ~ réduire bien de menues mais ennuyeuses diflic~!tés. Aus si con~ient-il d'entretenir avec lui des relntioqp cordiales et de lui faciliter sa mission, désintéressée, mais non exempte de tracas.
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VII. Autorités diverses. = Dans certains dér• • ~ ~" - partements fonct10nnent des Inspectrices Primaires êt des inspectrices Départementales des Ècçles M;t~;.:nelles. Dès maîtres ho1·s de leur service peuvep.t être, à l'occasion, par elles invités à fournir des I'ensèîgn~ments ou à tenter une démarche. Un refus, qu~l~ue mauvaise volonté à leur répondre, constitueraient une inconvenance sans excuse. Accidentellement, des rapports peuvent s'établir entre personnel et quelques autres autorités: membres du C. D., désignés par cette assemblée pour conl • •
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1. D. O., art. 140, modifié par D. du 31 décembre 1921.
�MORALE PRO/i'ESSIONNÈLLJI!
trôler, dans les écoles publiques ou privées, l'état des locaux et du matériel, l'hygiène, la tenue des élèves; Medecins inspecteurs, communaux ou départementaux, dont l'action s'exerce sur la santé des élèves, la salubrité des locaux, l'observation des règles sani~aires; Inspecteurs et Sous-Inspecteurs des en(ants assistes, chargés de vérifier la fréquentation des pupilles. A tous, l'instituteur réservera un bon accueil et montrera un empressement éclairé à faciliter une tâche bienfaisante à ses élèves.
Conclusion. = Par là, il affirmera le souci de maintenir le respect de sa fonction et d'en développer la portée. Peu de chose suffit à en accentuer le relief ou à en diminuer le prestige. La vieille observation de LA BRUYÈRE n'a rien perdu de sa justesse et trace, pour les relations administratives, une ligne de conduite sûre, aisée à suivre : « Avec de la vertu, de la cap;icité et une bonne conduite, dit-il1, l'on peut être insupportable. Les manières, que l'on néglige comme de petites choses, sont soupent ce qui fait que les hommes decident de Pous en bien ou en mal: une légère attention à les avoir douces et polies prévient leurs mauvais jugements. Il ne faut presque rien pour être cru fier, incivil, méprisant, désobligeant; il faut encore moins pour être estimé tout le contraire. »
1. De la Société et de la Conversatiora.
=
�CHAPITRE IX
Rapports avec les familles.
Bien des parents n'accordent qu'un souci médiocre
à l'éducation de leurs enfants : c'est, disent-ils, « le
métier de l'instituteur ». Sans doute; mais que peut-il de profond et de durable, si les familles se désintéressent de son action ou, même, la contrarient, par ignorance ou irréfiexion? « La meilleure éducation, disait DuPANLOUP, sera toujours profondément défectueuse si elle se fait sans .la légitime et nécessaire infiuence des parents. » L'intérêt des enfants et celui de la Nation, qui s'y lie étroitement, exigent que maîtres et parents unissent leurs efforts. L'importance de leur collaboration, les difficultés qu'elle présente, ses modalités, les résultats à en espérer, ont été étudiés dans le cours de première année'. Il reste à préciser ce que doivent être les relations de l'instituteur avec les familles en général et, dans ce qui intéresse les seuls parents d"élèves, d'une part, à détailler les ressources favorables à l'action éducatrice qu'offre le contact quotidien; d'autre part, à examiner le délicat problème de leurs droits sur l'école.
l. Relations avec les familles en général. a) Le; ,i cones maîtres s\solent volontiers, soit par goût ou timidité, soit par désir de ne point compro-
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=
1. PiioAGOGJE et des Mattres.
PRATIQUE,
ch. XV. Àction combinée des Parent•
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MORALE PROFESSIONNELLE
mettre leur prestige en frayant avec des personnes d'éducation inférieure. Cette attitude ne va point sans de fâcheux inconvénients. D'ignorer le milieu, l'enseignement perd en intérêt et en puissance. Se confiner chez soi fait manque~ des occasions de s'instruire, de former son opinion et de rectifier ses erreurs. Comment orienter, par exemple, vers des fins à la fois pratiques et éduca,tives, l'enseignemeqt scientifique ou celui des mat.h ématiques, si l'on ignore les aspects, ressources et besqins généraux du pays? De Jnême, la, formation des élèves gagne en profondeur ~ se régler ~ur les tendances, les aspirations, les pabitud~s, voire les traditions qui constituent comme l~ « fond» social de la région. Pour agir sur ce fond, l'amender et le relever, la nécessité se révèle d'une connaissance précise des ri1œurs et coutumes, des cnractères, <;les attitudes : seul, le contact quotidien avec les familles permet de l'acqu~rir. D'autre part, s'isolei;- attire la defi.ance et fait mal juger. Qui se montre <listant est tenn pour un orgueilleux, porté à mépriser autrui. Des froissements se produisent; on s'exagère volontiers et réciprqquement la valeur des intentions. De là, sourde malveillance et tehace animosité. L'occasion aidant, - il est si facile de la faire naître! - elles prennent corps sous les aspects le,s plus variés : irritantes provocations, taquineries insupportl'bles, insinuations venimeuses, annonciatrices de plaintes auprès des chefs. Certes, une · enquête mettra les choses au point et les malveillants à leur place. Elle n'en cr{era pas moins, avec des ennujs, unf atmosphère pénible. Le ressentiment, la crainte, l'énervement, finiront, un jour ou l'au!re, par conduire à de regrettables maladresses : viendra, alors, le déplacei;nen,t commandé far l'intéht dû service. bonc, point d'inutile et rrialaclroite
�R,4PPORTS ,!VEC LI}§ F1M!f.LES
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« fierté ». Elle serait particulièrement déplacée chez pnstituteur : d'humbfe origine, il sait cdmbien vive se révèle la défiance du travailleµr manuel pour l'int~llectuel. A lui de désarmer les préventi~'ns par la bi~nveillapce, la cordialité, la volonté de témoigner~ tous QUe bonté cqmpréhensive. b) En maints endroits, dans nos campagnes, l'usage du patois prévaut sur celui du francais : rarement l'instituteur ig~~re cet idi~me, vraim;?t « materµel ~; ·pour lés p~ysans. Certes, il sè doit de ne poidt l'employer ~ans ce!is~ dans ses relations avec eux; mai~, èn certaines circonstances, refuser de s'en servif risnue d'êtr~ imp,uté à du dédain ou de. causer un~ è1 • gên'e pénible à l i~terlocuteur, fort se~sibl~, ~u de: fueura~t, à une concession qui prend allu~e de prévenance. S'il s'en tie!1t au français, l'instituteur doit s'e~primer én un langage simple, familier, bon enfant~ très accessible à s~s intèrlocuteurs. ' c). P~éoccupé de bien servir l'intérêt gén~ral, l'lnstitµtew se qonn~ poµr mission de re;tër énvers tous le camarade sûr, le bon conseiller, empres!ié à se montrer 1,1,lile e~ serPial;ie, tout en deqie~tant discret éi mod~ste vis-k-vis des résultat; obtenus 1• « Brave homme l> d!l~~ toµte !;acception çlµ terme, il s'éloignè des commér~ges et ~'interdit de sollici~er d~~ con6.:.
1, Cf. la C. du 1•• avril 1911 : « D'une façon générale, un Inetituteur passionnément dévoué à ses devoirs; attentif a~ développement du progrès i'!clividue) de ses élèves, devient aisément, cjans !a commune, !ln con~e,illgf !l~t~rif1 ~( éCO!fié qes parei:its j \'11!~!itptri~~ P~\1~, de son cô té, p~r g n!? ~?picitucje discrète et nieée vis -à-vis des enfants qu'elle a sous sa gardè, acquJ,![r très vite, sur les mères de fartlille, ÎlÔe précieuse autorité. Nulle meilleure façon de diesiper lee préjugés qui séparent parfois les maîtres et les familles, que de faire naître enti;:r, ep~ qes lie'!s !!<: confia11~e mµtuelle ~} qe ~impat~iq~e estime. • ·
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MORALE PROFESSIONNELLE
dénces le regret de les lui avoir faites, son indiscrétion, pourraient faire naître la gêne, peut-être, même, des ressentiments. Avec un soin extrême, il se montre prudent dans ses jugements, évite les ambiguïtés du langage, les outrances. A plus forte raison élude-t-il les discussions qui imposent de prendre parti sur des faits d'ordre personnel : trop de risques de mécontentement en dérivent. Quant à se trouver, de son initiative, engagé dans une altercation, lourde serait la maladresse : la dignité commande de s'éloigner dès que toute conciliation apparaît impossible, de par l'excitation des vanités et l'aigreur des partenaires. Au reste, trop souvent, à se mêler aux conversations de cette espèce, le prestige se dégrade : une familiarité s'établit, qui aétruit le sens des nuances et donne cours à des plaisanteries de mauvais goût ou à des libertés gênantes. En outre, la sagesse commande d'éviter, dans les entretiens, tout ce qui risque de donner prise aux rancunes, notamment : railler les opinions et les croyances d'autrui, se moquer cle ses travers ou lui prêter des ridicules, voire des intentions malveillantes. En somme, l'instituteur doit manifester à tous une égalité d'humeur, de courtoisie et d'attention qui groupe les sympathies autour de lui. S'il veut être respecté et écouté, qu'il traite ceux qui l'entourent avec considération, jusque dans leurs erreurs et préjugés; qu'il s'inierdise de répondre à des actes malséants ou à des paroles déplacées par un oubli de la civilité. Son autorité v.iendra d'un constant souci de demeurer digne, de son habileté à se montrer persuasif et d'une cordialité qui n'exclura ni la fermeté, ni la prudence. ·
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IL Relations avec les parents d'élèves.=
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Si, en règle générale , l'isolement constitue une maladresse, il devient une faute lourde quand il éloigne les parents d'élèves . a) La prétention est inadmissible d'attendre leur venue et de s'interdire d',;iller à eux. Ils n'osent pas, toujours, se rendre à l'école . . Pendant les heures de classe, l'accès leur en est interdit; après, ils craignent de déranger Je maître, rentré chez lui. Souvent, quelque appréhension, la conscience de leur gaucherie, les retiennent; encore, l'ennui de faire toilette, de procéder à une visite en forme, que rend pénible leur ignorance <les choses de l'enseignement 1. A tous égards, mieux vaut que l'instituteur prenne les devants, les mette en confiance et, simplement, noue avec eux des relations cordiales. C'est, et de beaucoup, préférable à leur écrire : une lettre risque d'intimider quelque peu les braves gens mal entraînés à en rédiger et qui en reçoivent si rarement. D'autre part, on ne peut tout écrire; on s'explique moins bien dans une missive que dans une conversation; surtout, on se fait plus malaisément comprendre; d'où, le risque de laisser s'établir erreurs· et malentendus : que de fois faut-il se répéter, présenter faits et idées sous divers aspects, créer la confiance par la netteté QU langage et la cordialité du ton, avant de déterminer une adhésion, d'obtenir un concours, de convaincre des indifférents ou de réduire des préventions ! Encore, on n'y fait point assez attention, les maîtres sont, auprès des parents, ce que les représentent les enfants. Les jugements des familles s'établissent trop vite sur
1. D'une enquête menée dans une 6cole urbaine recevant 512 enfants de 442 fa~illes, il résulte que, pour une période allant du 1 •r octobre au 31 décembre, 16 parents répondirent à la convocation du Directeur, 3 s'informèrent des progrès de leurs enfants, 4 vinrent se plaindre sous divers prétextes.
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MORALE PROFESSTONNEUE
des incidents de la vie scolaire, gestes ou paroles insignifiants, mal rapportés, grossis, déformés, même, par le jeu de la sensibilité et de l'imagination enfantines. A fortiori un redressement d'opinior!s s'impose-t-il quand les écoliers, pour masquer leur paresse, ou mus par la rancune, essayent d'accréditer, par d'habiles mensoqges, une partialité malveillante, une excessive sévérité, ou trompent les parents par le maître et celui-ci, en s'abritant derrière ceux-là. b) Il faut, donc, voir les familles, aussi souvent qu'on le peut. L'habileté est de savoir profiter des circonstances, et, au besoin, de les créer. A moins de faits exceptionnels (faute grave, paresse persistante, accident ou maladie), mieux vaut, au village, éviter la « Pisite »: elle intimide quelque peu, gêne, parfois, dans les occupations, risque de susciter des jdlousies et des commentaires hostiles. Les occasions de ren. contres ne manquent certes point : le hasard de la promenade dominicale, d'une Course à travers champs, le jeudi, d'une station chez une relation commune, permet de lier conversation. A la ville, elles s'offrent plus rarement : les distances à parcourir pqur se rendre à sa tâche, le fait que les parents travaillent pendant les heures scolaires et n'ont guère de liberté en dehors du dimanche, constituent de sérieqx ob~tacJes. Toutefois, un maître connaissant la vie fam;!jale qe ses élèves peut les provoquer sans trop de rpal, à moins de vivre dans des agglomérations importantes, hors du quartier où il exerce. En ce cas, il lui ei;;t loisible de recevoir, à l'école même, les parents avec qui un entretien semblerait nécessaire ou qui demanderaient à le voir. c) Au cours de ces conpersations, J'I.nstituteur ne doitjanrn/s perdre de vue qu'il ne peut ni se substituer, ni se subordonner aux familles. Tout accord disparaît
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dès que se manifeste, avec l'insincérité, la prétention de se régenter les uns les autres. Donc, nulle flatterii: à l'égard des parents, ~ul souci de servir leur utili..: tarisme souvent étroit et aveugle, nul encouragetnen~ à viser des carrières a111bitieuses, oü échoueraient leurs enfants. Une préoccupation l'emporte sur toutes : serrù· l'intérêt de l'enfant. Or, cet intérê t command«t que les parents soient exactement renseignés sur le travail et la conduite des élèves, et sur l'orientation à donner aux diverses aptitudes. Il est, encore, servi par une exacte compréhension des règlements scolaires et la mise en garde contre des préjugés tenaces : croyance à la nécessité de nombreux livres; impossibilité d'être un « bon maître », si l'on n'accable les élèves de le çons et devoirs , etc. 1 • Bien e nte ndu, la sincérité n'exclut, d'aucune fa çon,, ni le tact, ni la bienveillance. Toute susceptibilité mérite ménagement: la fable de« !'Aigle et du Hibou» traduit une yérité éternelle. Un peu d'adresse assure le succès : d'en montrer n'oblige ni à dissimnler, ni à s'abaisser. A-t-on sujet de se plaindre? Pourquoi révéler brutalement ses griefs, les accompagner é:le commentair es sévè res et blessants? Si mauvaise que soit une nature, elle présente, touj<_ rs, un aspec:t m intéressant: à le mettre en évidence, à commencer pàr dire un peu de bien du garnemept dont on se plaint, la sympathie des parents s'éveille, et, avec elle, la volonté de seconder tout effort destiné à rendre meihleur leur enfant. Ils ne marchanderont guère leur con cours s'ils ne discernent aucun parti pris et reconnaissent un e bienveillance si~cère, dégagée de toute fin égoïste. Plaindre un élève est bien plus àdroit ·que
1. Cf. le cours <Je 1•·• année, pp. 192-193. Les ditficulté~ ·ae la coopération a1•ec les familles. . . ,·d
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de s'en plaindre, surtout si la récrimination se produit devant l'enfant : il y démêle une sorte d'aveu d'impuissance ou s'en irrite. Comment, alors, espérer de salutaires retours sur lui-même? Ainsi portent sou".ent à faux les appréciations humiliantes formulées en classe et les menaces d'en appeler aux parents, -soulignées, suprême maladresse! d'une lamentation sur leur trop grande indulgence. De même, les critiques faites devant les voisins, des parents ou amis en visite, indisposent. Le maître parti, la famille, excitée. par la malignité des commentaires, se hâte de conclure à une sévérité intempestive, à un manque de patience, voire, d'éducation. Le blâme et l'aigreur se montrent d'autant plus prompts qu'elle se sent atteinte par les remarques du maître : la mère ne témoigne-t-elle pas, habituellement, d'une faiblesse regrettable, elle qui, les jours de congé, plaint l'enfant d'être occupé à de trop longs devoirs, à d'interminables leçons? Le père assure-t-il toujours une bonne fréquentation, lui qui, malgré ses récriminations habituelles contre les vacances, à l'occasion d'une foire, d'une fête, d'une visite, ou sous tout autre prétexte aussi peu raisonnable, provoque une absence? Tous deux usent-ils de fermeté contre les défauts, les écarts de leur enfant? Qu'ils s'en rendent compte, cela ne les offusque guère, mais quelle source d'irritation envers qui souligne maladroitement leur manque d'autorité ou de vigilance! d) Autre difficulté : trop se montrer avec les mêmes parents éveille de jalouses défiances. Les esprits simples voient, rapidement, dans de fortuites coïncidences, des préférences accusées. D'où, une suspicion qui peut créer les pires difficultés, tout acte, toute parole étant interprétés dans le sens qui sert le mieu). le11 rancunes. Celles-ci ne tarderont point à devenir
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acerbes si des liens plus étroits semblent s'établir avec certains parents, par l'effet d'inr,,itations ou de cadeaux en nature. La plupart du temps, ce sont témoignages de sympathie, difficiles à repousser sans mécontenter. Pourtant, à les accepter trop facilement, on risque d'aliéner son indépendance et de se créer des ennuis. Le Règlement scolaire 1 interdit aux Instituteurs de recevoir de leurs élèves « aucune espèce de cadeaux». Sa prescription, très nette, trahit la crainte que l'usage ne déterminât des abus et qu'à accepter des dons, l'instituteur ne diminuât son autorité : heureu:i. de faire conualtre la générosit é de ses parents, tel élève escompterait faveurs et indulgences; tel autre, vexé d'une punition, imaginerait d ' en trouver la raison dans l'absence de dons, ou encore, couscient de sa pauvreté, souffrirait dans son amour-propre; puis, croyant à une moindre sollicitude, il sentirait s'éveiller la jalousie. - Quant aux invitations, la prudence et la dignité commandent de les décliner, à n~'lins de s'astreindre à les rendre : le rôle de pique-assiette ne convient point à l'Instit!-lteur. D'autre part, le laisser-aller d'un déjeuner permet des familiarïtés inopportunes; il donne prise à l'observation maligne, d'où peuvent naître des critiques désobligeantes; il conduit à des comparaisons parfois désava!ltageuses, à de menues médisances, à des confidences souve11t regrettées le lendemain. Plus souvent qu'on ne le pense, un« bon repas» devient une source d'ennuis : il faut savoir mettre de la délicatesse à préserver son autorité.
= III.
Les familles et le contrôle de l'édn ..
1. Art. 18.
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MORALE i>ROFESSIONNElL'E
cation. =Avouons-le: l'Ecole, service public, reste
à pei, près fermée au public, même aux familles de ses élèves. Le contrôle qui s'exerce sul· ses enseignements relève des seuls chefs de !'Instituteur. Si un droit de regard a été dévolu à certaines autorités chargées de représenter les parents et de les seconder : maire, délégués cantonaux, médecin inspecteur, etc., il a pour horizon l'organisation matérielle, l'hygiène, la fréquentation et la tenue des élèves. L'important leur échappe. Depuis quelque t.e mps, une réaction se dessine contre cette herméticité de l'Ecole. De jour en jour, apparaît plus nette la volonté des familles d'exercer un controle sur l'écluc::ition des enfants et de veiller a son orientation. Dans le courant qui se crée, les uns s'inspirent de préoccupatiohs d'ordre social, les autres veulent se préserver des périls d'une neutralité mal obsi:irvée. · a) Du point de vue social, la question fut posée p.o ur la première fois en 1908, par la Confédération Général du Travail1. Estimant que les plans d'études scolaires avaient été dressés par la bourgeoisie, soucieuse d'assurer le règne de ses principes, le triomphe de ses intérêts et le maintien d'un régime politique tout dévoué à sa puissance, les travailleurs réclamèrent le droit et les moyens d'élever leurs enfants dans un sens plus favorable à leurs aspirations et à letlrs besoins, et, par là, de s'affranchir d'un enseignement dirigé contre la classe ouvrière, vers des fins câpitalistes. Si on ne pouvait créer des écoles « syndicalistes », au moins devait-on, dans les programmes : accorder une grande place aux exercices physiques; donner une allure concrète à l'enseignement ~ciehti- '
1. 16• Congrès national corporatif, tenu à Marseille. ,
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fiqu e , orienté vers l'adaptation au milieu 1 ; r éformer l'ens eignement de l'histoire et celui de la morale : 1imposant à l'enfant des idées toutes faites, il tue, en ' lui, l'impartialité et ~'indépendance d'espri~, ou par~lyse sa raison par la crainte du surn dturel; enfin, limiter l'instruction civique à un simple « tableai1 de l'organisation de la sodété actuelle sans commentaires politiques ». b) Du point de vue religieux , la première r~vendication apparut un peu plus tôt, en 1905, avec l'organisation /l'une « Association de Pères de Famille pour maintenir dans l' école le culte du patriotisme et des traditions nationales et le respect de la n~utra: lité religieuse inscrit dans la loi 2 n. « Nous ne sommes d'aucun parti et n'en servons aucun, disaient-il~, et tout parti qui prétendrait nous servir nous desser: virait. » Ainsi, sous ce double caractère, laïcité et autonomie, se constituait une organisation de~ti.n ée à consacrer le droit des parents au contrôle de l'éducation nationale, dans le cadre même tracé par la loi. L'idée fit rapidement son chemin. Le développement des Associations amena la création d ' un sec'rétariat central 3, suivie d'une organisation méthodique, étendue à tout le pays et destinée : 1° à « veiller aux intérêts moraux , se rattachan t à la vie scolaire des
1. Les représentants des familles rurales ont , éga lement, i;_écl amé l'adaptation de l'école aux besoins de l'agricuHure, la revision des programmes généraux, encyclopédiques et livresques , en vue de leur donner « un caractère a gricole très prononcé et de ramener à l'agriculture toutes les parties qtii e n sont susceptibles » . (MÉLINE. Cf. la controverse qui, sur ce sujet, s'esf é levée dans le Manuel Général de novembre-décembre 1908.) 2. Foncfée à Saint-Rambert-en-Bu g ey (Ain) par M. L. BOis. 3, A Paris, sur l 'initiative de M . GuRNAuo, avoçat à la Cour d'Appel.
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enfants qui fréquentent les écoles publiques » : neutralité religieuse, culte du patriotisme, respect des institutions et traditions nationales; 2° à fonder « la collaboration des parents et des maîtres, en vue de l'œuvre d'éducation qu'ils doivent poursuivre de concert ». Rien de plus légitime, de plus naturel, de plus raisonnable que cette préoccupation. Elle n'eût rencontré aucun obstacle si le clergé catholique n'avait voulu l'asservir à ses fins : après lui avoir donné une bruyante approbation, il prit prétexte d'un incident malheureux I pour entrer en campagne contre l'école publique, accusée de pervertir l'âme de l'enfant. Des Associations de Pères de Famille catholiques, placées sous l'autorité des évêques, furent aussitôt_ fondées pour « exiger de l'instituteur le respect de la Religion, de l'Armée, de la Patrie~» . Plus encore que la véhémence des anathèmes lanc és contre l'école nationale, le rapprochement de ces trois mots et la prétention affirmée par le clergé d'être seul juge du choix et de l'emploi des livres scolaires, donnent le sens de l'action projetée et n'en dissimulent plus les arrière - pensées politiques. De fait, les incidents furent nombreux et les interventions provoquées des tribunaux et du Conseil d'Etat montrèrent bien - et établissent encore aujourd'hui- que le clergé s'attaquait au principe même de l'Ecole « démocratique », contraire à ses visées.
1. Affaire MoR1zoT : des poursuites furent intentées contre cc maître pour propos inconvenants tenus à ses élèves au sujet d e leur origine . 2 . Mandement de Mgr TuRINAZ, évêque de Nancy. A la même é poque, MBr ÜELAMAIRR, coadjuteur de Cambrai, demandait « aux fidèles rich es et indépendants d'organiser les protesta·· tions, de provoquer les répressions, de faire les frais des poursuite• »,
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Ainsi, le mouvement si respectable, déterminé par le légitime désir des familles de participer au fonctionnement de l'Ecole nationale échappait à leur direction : des chefs très avisés et capables de s'en servir pour des fins d'ordre politique et social s'en emparaient sans scrupules. c) Pourtant, quelle belle, quelle féconde tâche de (aire de la famille une « meilleure éducatrice 1 » ! N'at-elle point l'avantage de la priorité, de la continuité et de la durée de l'action? N'offre-t-elle point la force d'un exemple permanent, d'une autorité solide, d'une hérédité longuement constituée? L'éducation par la seule école ne peut suffire, tant à cause du grand · nombre des élèves que de l'inégalité des esprits. Qu'elle donne une formation générale, développe l'esprit de progrès, pratique la méthode de libre examen, en vue du rôle à jouer dans la société, soit; -,mais à la famille revient d'assurer le respect de ses traditions, de poursuivre une formation appropriée aux facultés de l'enfant et à ses intérêts, de maintenir une soumission qui prolonge en lui les vertus des ancêtres. L'expérience prouve combien fut, combien, dans certaines familles, est demeurée féconde la continuité des relations entre l'Eglise enseignante et les Parents : pourquoi ·l'Ecole se refuserait-~lle, de parti pris, à bénéficier de cet exemple? d) Enfin pourquoi craindre de la faire connaître, en laissant pénétrer les regards dans ses classes? A coup sûr, la bonne foi, guidant une curiosité légitime, mettrait fin à des préventions injustes et à des conflits regrettables, dont l'enfant fut, trop souvent, la victime. Sans doute, faudrait-il se prémunir contre
t. Programme de l'Union des Parents et Educateurs fondée, en avril 1899, par M. BIDART, professeur à l'Ecole N ormaie de Dax.
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des erreurs néfastes à l'accord des bonnes volontés . Jadis, la Constituante voulut la libre entrée dans le s écoles publiques 1 • L'idée, généreuse, mise en pratique sans ménageqients, aboutirait aux pires maux : elle ruinerait la discipline, créerait le désordre el détruirait cette indépendance si nécessaire à !'Instituteur pour bien orienter son action. Toute réussite lui demeurerait interdite, sans une garaµtie absolue contre les méfaits de l'ignorance et ceux, autrement redoutables, de la malveillance et du sectarisme. A chacun son métier. Il ne viendra à personne l'idée de s'immiscer dans une tâche qui lui ~st étrangère . comqient accepter l'intervention d'un incompètent dans celle, si d~licate, d'enseigner? Quant à ceux qui estiment avoir à se plaindre des programmes et des méthodes, qu'ils s'adressent au législateur I L'École ne saurait, sans faillir à sa mis$ion, se transformer en champ clos, ouvert aux discussious ardentes et aux récrimin?tions passionnées. Sa tâche est d'inspirer la confiance, d'intéresser et de conquérir les familles par la probité de son labeur et la consçience scrupuleuse de ses maîtres.
'
Conclusion. Réduite à ses seuls moyens, l'École ne peut parvenir à remplir exactement toute sa mission. Le concou~s des parents lui est indispensabtç. Encore ne vaut-il que par l'habileté de l'Institut~ur à le provoquer, à le 'maintenir et à l'étenqre. Par ailleurs, quelle que soit cette habileté, pour si grands que se manifestent le bon vouloir et le zèle du maître, ils sont impuissants à créer les ressources néçessaires au rajeunissement des méthodes, à la transformation des procédés, commandés par les exigences de la vie
1. Cf. le Gours de première année, p , 191,
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�RAEPOB1'S AVEC LES FAM/lLES
contemporaine : faute de moyens, l'œdvre éducat~ice, stabilisée dans des formes périmées, detneüre à dèmi , paralys ée dans son effort. Fort heureusement, depuis quelques ahnées, soù!i le vocable« Les Anils de l'Eâole »; se sottt êonstithés des groupements dont l'effet t en d à la rendr e plus gaie, a munir son personnel des h10yens de doliiier un enseign ement plus viva11t et fructûeux, à tirgh niser d es distractions sainès et insthictives pour les élèves, 1uivis avec sollicitude àprès leur scolarité. Ce gériéreûx programme, réalisé àvec l'aide de cotisâtioils, dohs et subventions , a produit les plus heûi·eux résultats ; notamment dahs les centrès Urbàins, ou la nie a vite fait de dévoyer l'enfant . Par nialheJr , beaucoup trop d'écoles sont demeurées e ii dehors de celtè bienfaisante action de l'initint1ve prlvêe. Il est des milieux trop pauvres, trop peu propièès, aüssi ; à une action soulenue, toute de sacrifices désÜitéressés. D'autre part, malgré leur allùi'e prospère, ces orgànisations dei11eurent bien fragiles, puisque leur vie dépend d'u~ accord des bonnes volontés, èt qu'elles n'oht po!dt à leur service la force que bî·ée l'obligation légat J: L'exemple n'est point rare dé les voir ldtighit, phis disparaître, après av6ir brillé d'un vif ëclât M sefvi admirablement les dedtinées dè l'Écôle . Il fâtxirait que folietionnât, auprès de chàqtie école, un organisme chargé d'en gérer les intérêts ini~lléètuels et moraux. Sans doute, la Caisse des Ecoles f11t-ëlle renlldè obligfo>irè d*hs ~hJquë ~ÔrrirrÎunè 1,
1. L . du 28 mars 1882, art. 17, En 1925, on eu comptait · 15,251. Les 61 °/0 de nps cJnnmune.s en sont aètuelleme-Îll dépourl'ues (22,712 sur 37.963). Privées d'un règlement d'ensemble précis qui détermine, surtout, leur comptabilité, elles apparaissent à beaucoup d'amis de l'école comme condamnées à une action sans portée .
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mais combien l'ont instituée ! Au surplus, son but se ,limite à encourager et à faciliter la fréquentation scolaire. C'est beaucoup, non assez. On a fini par s'en !rendre compte. Une récente proposition de loi vise à créer, auprès de chaque établissement, un Conseil de l'Écolei. Souniis au contrôle de l'autorité acadé mique, il comprendrait des pères et mères .de fa mille, le d élégué cantonal, des bienfaiteurs de l'école, un ou plusieurs représentants de la municipalité et le personnel enseignant. Investi de la personnalité civile et de l'autonomie financière, il disposerait d'un budget dont les recettes seraient assurées par : 1° des subventions obligatoires de l'Etat et des communes, les unes intéressant l'entretien et l'aménagement des locaux scolaires, les autres proportionnelles au nombre d' élèves; 2° des dons et legs, produits de cotisations, fêtes, souscriptions et collectes, jardins et champs d'expériences, etc. A coup sûr, assurer des ressources à !'École contribuerait à en renforcer l'action et étendre l'influence, à en garantir la sécurité et l'indépendance. Mais, associer étroitement à son existence les familles qui ont l'intérêt le plus direct à l' éducation des enfants, serait en accentuer le caractère social et, par là, « rendre encore plus populaire cette maison de l'enfance qui n'appartient à personne parce qu'elle est à tous' ».
1. Propositîon de loi déposée le 29 décembre _1925 sur le bureau de la Chambre des Députés. Le rapport la concernant a été publié par le Journal Officiel, n° 444_ , en annexe au procè s. 7 verbal de la séance du 24 mai 1927. 2. Exposé des motifs du projet de loi,
�CHAPITRE X
Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'Ecole.
Au cours de sa scolarité, l'adolescent est soumis à la bien/ais ante influençe de maîtres dont la fermeté, jointe à une sympathie désintéressée, se montre attentive à le guider et à poursuivre fa formation morale. Dès sa sortie de l'Ecole, il se trouve isolé, dans un milieu où les dangers abondent . « Tous les hasards du voisinage, du quartier, de l'atelier, de la rue, semblent se conjurer contre la petite conscience .encore hésitante; les tentations, les mauvais exemples se succèdent, effaçant chaque jour un peu de l'empreinte reçue. Et du fragile édifice que le maître a. élevé avec tant de patience et de dévouement, si une action vigilante ne vient pas, presque constamment, en consolider les assises, en protéger les accès, il ne reste, bient6t, qu'une lamentable ruine. » (LtoN BouRGEOIS 1 .) Cette action vigilante, il n'est, trop souvent, guère permis de l'espérer des familles : ou elles se désintéressent de l'éducation de l'adolescent, après être demeurées indifférentes à celle de l'enfant, ou la sévérité paternelle, se relâchant à l'égard du jeune homme en train de s'émanciper, incline vers de regrettables indulgences. L'Ecole peut-elle rester impassible devant ces 0 1 dé/aillances? Son œuvre serait bien éphémère, si elle se refusait à suppléer au manque ou aux insuffisances d'une direction morale, si nécessaire à des adolescents.
1. L'Education de la Démocratie française.
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JIOIIA.LE PROFESSTONNEllE
Elle se doit, donc, de leur continuer sa bien(aisante tutelle, en l'adaptant aux circonstances nourelles, qui ·déterminent ce double aspect de ses œurres : les unes, d'éducation, approprient aux adolescents les moyens de for~àf{on i~t~l{(}c;tuelle et mpr~lf! ( c;ov,rs d' a~foltes, conférences, lectures P,QJJlflafres, bibliothèques, etp.) ; les autres, d'assistance et de préservation, · luttent contre le{ da;1fgers c{~ la nfe, de l'isol~r:ze,y, de~ ma~adies ( amicales d'anciens élère~, patro,nages, mutuq.lil1f, cpl~11ies de rqcances, etc.). objeCff3ra, feut-étre? qu'il est qbusif d'efmpose,:- à l'fnstituteu,r, ~ans le rém1~nérer, l'e!fo,rt fourent _pénib(e qu'e.xigent l'orgarâsatio,n et {a bonne marche dP,, s œuvres post-scolaires. En toute conscience, ~a classe acherée, ":'a-t-il point dro{t ~u repos? Sa~~ doit te. Aussi bien, nul règlement n'impostt·i. la participa;lia.n l aux œurres post-scolaires. Mais, homme de bonne rolonté, sui~dnt ?es inspirations çiun cœur attç,,ché ~ ses élères, il ne peut ·s~ résigner à s'en séparer sp,ns retour, dès leur sortie de l'Ecole. Pénétré, au surplus, de l'importancr de ~a miss;·rn, 4u bien qu'en ~spère11;t la Patrie et la Société, il ne doit point éprourer une 1 • ; f . " 1 • l indifférence préjuaiciabf~ 4 l' œurre dont [l a J(j té les qas(!s et 9ui (Zè se confine pas dans l' espace étroit d'une salte de clas;e, << C,e but de !'École n'est pas fins• truçtion de l1eniqnt, ~'qst 11,ne instruc(i<?l'l; de ['f!;,,(ant iui serr(! ~ (J~·omni,~: 4 '?'~ter brusquement ?'œif rre ~d//C atripf 4 u~ ;zo'11_ent_ où e}{e (l'a _enco re f(I° a~te[nfi'{ . un .en~ànt~ .c est-,a-1~re un esprtf non ~nco,re (or~ne 'H fi,xe, é ~st P,Ouer a to,utes les chances de destruction des !~rm.~s A peinè déposés J -jf,eur de sçl, qui n'ont pas iJris racf~è, qu'un · souffle peut emportèr; c'est une ùnpréroyance sans nord : c'est, de la part d'une société, le plus impardo_nnablr! gaspillage de son capital humain. » (F. B'u1ssoN.)
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�ROLE DE L;JNSTJTUTEUR D,INS LE:S OÊUVRES
1.55
L'lnstitllteur sait fol'l bien que, sans son concours , lirect ou, simplement, sans son inspiration, en maints enàroits, les œ1wre's }Jost-scolaires ne pollrraient Yoir le jour ou, si elles élaient créées, n'au raient guère de chances de YiYre. Aussi, quoi qu'il lui en ait cocîlé, i'I, n'a poînt la'îssé à d'autres le soin d'y répondre : pâ tiencè, ï,ig-énfosiléJ déYouement o,i~ su longuement s'àdajJter aux âiYers aspects et aux exigences multiples de la post-sc'oldrité.
= A. Œuv1•ês d•êdueation. a) 'Cours d'A'flultJs. - C'est la plus ancienne, puisque J.-B. DE LA SALLE (1651-1719) institua, au XVIi~ siècle, des cours destinés (( aüx garçons apprentis des divers métiers». L'idée, reprise el amplifiée pàr CoNOOIICET, le condhisH à ~oncèvoir une « seoohdè irlst1 uction d'autanl riécèssairê qlie celle de .l'ênrant a été resserrée dans des bornes plus étroites >> : le décret du 22 frimaire a~ 1er institua cie~ codh puliiics a Î'risal?;ë des citoyens et citoyennes de tout âgè. DepJi~, à travers le ~ vicissitudes des divers régimes poFtiques, aprè§ des fortuiies diverses, tantôt brillants (1827-30), tantôt rrlégués à l'arriHë-plàn des l'r~occupâliohs officielles (1850), pour resplenctir d'un iibuvel éclà~ :iveë lii libéralisme de Du11uy (18ô7), les Cours d•Adulté!\ sous la troisième République, connu une périofle de pr8~përité rematqùablè. Oè plus èn plus s'affil'ine cett~ vérité, vérifiée èlahs tofls les p::lys èl'lnslrûèlioû obligatoire, malgré la diver~ité des constilutiori~ politiqües : le lendemain de l'Ecole e~t ce qui coritHbue lé plus à sa prospérité. Aussi envisage-t-on de rendre oliligâtoii·e jl.isqû'à tlix-huit ori vîngt ans cet enseigném~nt posi-sc~lâire: il porpprend~·üh, aveè des compléments de savoir général, des notions intéressant la profession et les nécessités communes de
1
=
~lus
onJ,
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MORALE PROFESSIONNELLE
la vie sociale (éducation civique, économie domestique, éducation physique•). L'objet assigné aux Cours d'Adultes, au d ébut, s'est amplifié et transformé. A la vieille et peu intéressante revision des rudiments du français et du calcu 1, acquis au cours de la scolarité, s'est substituée, peu à peu, une spécialisation qui met les connaissances en rapport avec les besoins professionnels : arpentage, établissement de factures et de lettres d'affaires, enseignement agricole, nautique, etc. L'enseignement ménager, l'éducation physique, l'hygiène sociale ont pris une place importante dans les préoccupations des maîtres. Certains même, répondant heureusement aux aspirations de leurs auditeurs, ont entrepris de les initier à la littérature, à l'art, à la musique. De l'ingrat mais bienfaisant enseignement des illettrés et retardés, de la rééducation des mutilés et des veuves
1. La loi AsTIBR (25 juillet 1919) a organisé et rendu obligatoire l'enseignement professionnel « pour les jeunes gens et jeunes filles de moins de 18 ans, employés dans le commerce et l'industrie » (art. 38). - La loi du 21 août 1918 a établi l'enseignement post-scolairë agricole : peuvent seuls le donner les professeurs pourvus du certificat d'aptitude à l'enseignement agricole délivré par le Ministre, et les Instituteurs ou Institutrices comptant au moins trois ans d'exercice dans l'en· seignement public, titulaires du brevet agricole ou agricoleménager, délivré par le Ministre de !'Agriculture. Le projet de loi sur !'Éducation des Adolescents, en instance devant le Parlement, envisage deux périod es dans la fréquentation post-scolaire : 1° de 13 à 16 a~s (filles) ou 17 ans (garçons); 2° jusqu'à 18 ans (filles) ou 20 ans (garçons). Pour la première période, le nombre d ' heures d'enseignement s'élèverait, par an, à 300, et pour la deuxième, à 200 . L'éducation physique e t la pré paration militaire s'ajouteraient aux programmes. « Dans la France de demain, où la tache sera double et l'équipe incnrnplète, la qualité des travailleurs devra suppléer à leur nombre : or, leur qualité ne saurait être !améliorée, ai leur éducation demeure ÏDachnée. » (Exposé des motifs,)
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de guerre, jusqu'aux élans vers la beauté et la bonté, toutes les initiatives ont mis en œuvre, avec une ingéniosité sans pareille, les moyens les plus variés, des plus classiques aux plus modernes : leçons, causeries, lectures, projections fixes et animées, auditions musicales (phonographe, T. S. F. ), etc. P:1rtout et toujours, l'instituteur a su créer, animer, rendre attrayante cette œuvre aux multiples aspects. Certes, sa tâche ne fut point toujours aisée. En beaucoup de villages, jadis privés de distractions, les plaisirs ont pénétré; l'amélioration des moyens de communication permet, aujourd'hui, de fréquentes visites à la ville, où se rencontrent de nombreuses réjouissances; la discipline familiale s'est relâchée, tandis que s'affirmait un besoin de plus en plus vif de rechercher le plaisir : quels obstacles pour l'éducation post-scolaire, librement acceptée et suivie! Des. dévouements intelligents et soutenus les ont réduits. Le succès est venu de savoir se plier aux circonstances : besoins locaux, goûts et désirs exprimés par les adultes. D'où ces règles : 1°) La classe du soir ne ressemblera en rien à celle du jour. Même si des compléments d'enseignement général y sont donnés, - à fortiori, s'il s'agit de notions professionnelles, - il importe de se dégager d'une méthode et de procédés excellents pour de jeune·s enfants, mais médiocres, quand ils.ne sont pas rebutants, pour des adolescents. Ceux-ci, fatigués par une journée de travail, limités dans leur temps, d'esprit plus affermi, règlent leur assiduité d'après l'intérêt éprouvé à l'étude et la convictiop de son utilité. D'où -1a nécessité d'une orientation en rapport avec ces tendances et le souci de ménager l'amour-propre, en un moment où il se révèle particulièrement sensible. De les traiter en éco-
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liers contribue, souvent, à éloigner maints jeunes gens. 2°) Faire aux notions d'ordre pratique une large part : études de procédés culturaux, élémehts de droit usuel, lecture dù cadastre, dessin inâustriel, lettres d'affaires, premiers principes de comptabilité, etc., et, pour les filles, couture, enseignement ménager et puériculture. 3°) Adoucir l'austérité des séances de pur enseignement par ·quelque distraction d'uli caractère éducatif : lecture récréative, projections, causeries sur les événements récents, avec documentation, si possible (gravures,. photographies ... ), audition de phonographe ou de T. S. F., eto. A l'occasion, des chants, des chœurs peuvent tetminer agréablement la soirée. Débordé par la tâche quotidienne et des besognes annexes (secrétariat de mairie), l'instituteur n'a point -toujours le temps d'organiser des classes attrayantes. Pourquoi n'utiliserait-il pas le concours des meilleurs pnrmi ses anciens élèves du des personnalités dévouées à l'école? Chacun, dans sa spécialité, apporternit l'air vivifiant du dehors : le Juge de Paix, sa con naissance du droit; le Percepteur, des clartés nu sujet de l'établissement et de la perception des impôts, etc. Si le maître a su inspirer quelque sympathie,. avec un peu de tact et de bonhomie, il obtiendra d'intéressants concours. Ainsi, l'Ecole deviendr;i. vraiment « la maison de tous, le rendez-vous où l'on se retrouve à tout âge poùr étudier, lire, éclrnnger des idées'», la créhtrice d'un [déal commun favornl:ile au rapprochement des cœurs par l'ùnion des esprits. b) Conférences et lectures populaires. - 1°) Venues
l. C. du tO juillet 1895,
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longtemps après les Coqrs d'Adultes, les popférrpce~ sont apparues, en beaucoup de centres, <;oqime l~ seul mode d'éducjltion populaire. Leur faveur montre bien qu'elles répondent au besoin de se distraire en s'ins'Lruisant. Leur nombre, la durée, varient selon les milieux. En règle générale, on ne doit point les rendre ni trop fréquentes, pqur -leur laisser l'attr~it de l'intermittence, ni trop longues, pour éviter la lassitude. Il es~, d'ailleurs, malaisé de les multiplier quand le poids de leur préparation retqmbe - c'est ainsi l;i plupart du temps - exclusivement sur !'Instituteur. Dans le choix des sujets, l'essentiel est de rester simple, avec le souci de plaire aux auditeurs et d'eµ être compris sans effort. Les ;thèmes d'entretien n~ manquent certe~ pas dans la littérature nationale, l'histoire et la géographie, les applications scientifiques, voire l'actualité; mais, pour celle-ci, tout ce qui, heµrtant les convictions, risquerait de tourner à la réunion publique doit être évité. On n'y saurait trop songer quand, d'aventure, on utilise le concour~ de collègues voisins ou de personnalités étrangères à l'enseignement. Toutes les fois que possible, il ya intérêt à illustre la conférence de proje9t{o{ZS lumineuses. L'usage qµ cinéma se répand de plus en plus : on troqve, à bon compte, de petits appareils ro~ustes et des filp1s intéressants. La constitution, dans chaque cJ~partement, d'offices de « Cinéma-Educateur » 1 Jpµaqt l~s vues à bas prix, rend de grands services. Dans cet ordre d'idées, il serait bon de former, pour chaque école, ou en groupant les écoles d'une même régi6n, ou eµcore, auprè~ qe c~aque ~ibliothèque péqagogiqH~, µne cinémat\1-~que, dqpt lt;s fîJms circuieraient selon la rµodalité adop~ée par le Mqsée péda-
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gogique', qui adresse gratuiteti'i1mt et en franchise les vues qu'on lui demande. On objectera, sans doute, le manque de ressources, dans la plupart des communes. Ici encore, c'est affaire d'initiative et d'ingéniosité : certains savent obtenir l'aide des municipalités, de personnalités locales, des auditeurs; d'autres, se souvenant qu'il faut commencer_par s'aider soi-même pour se rendre le Ciel propice, trouvent, dans le fonctionnement des coopératiyes scolaires 2, . des ressources régulières et suffisantes pour l'achat d'appareils et le renouvellement des films. 2°) Bien que plus modestes dans leur fonctionnement, les lectures populaires poursuivent avec bonheur un but analogue. Elles empruntent leur thème aux grandes œuvres de nos écrivains, ou même à cellei des littératures étrangères. Tantôt elles alternent avet les conférences; le plus souvent, elles terminent agréablement le Cours d'Adultes. Leur préparation demande peu d'efforts : il suffit d'une présentation rapide de, l'auteur, de ses principales productions, de l'œuvre qui fournira la matière de la lecture. Quelques mots, sans prétention, préparent à comprendre, et la lecture commence. Certes, on ne peut, sans un long apprentissage, prétendre à une diction impeccable, nuancée et vivante; au moins faut-il s'appliquer à une prononciation correcte et expressive, qui mette en relief les beautés du texte. Une déclamation théâtrale rendrait ridicule. Que le
1. 29 , rue d'Ulm, Paris V•. 2. Associations scolaires administrées par les élèves; leur actif est constitué par des cotisations, des dons, les produits des fêtes et de la vente des vieux papiers, plantes médicinales, etc. Pour leur organisation, consulter l'Office central de la Coopération à l'école, au Musée pédagogique.
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maître lise ou reçoive la réplique de collaborateurs bénévoles, les efforts doivent tendre à obtenir une compréhension exacte et à éviter une emphase extravagante. Au reste, l'expérience le prouve, les audi toires populaires goûtent mieux qu'on ne l'estimerait de prime abord les hautes leçons d'un Corneille, d'un Molière ou d'un Hugo : ils en retirent la plus saine et la pluii réconfortante des récréations. c) Bibliothèques. - Quelle récompense si, de cette initiation, sort le désir de prolonger le contact ave1, les chefs-d'œuvre ! Des suggestions adroites orienteront les choix d'esprits neufs et de cœurs enthousiastes. Ce sera, avec le désir d'apprendre stimulé, l'intérêt suscité pour les bons livres .: ainsi, les longues veillées d'hiver, agrémentées de lectures en famille, s'écouleront moins vides et ennuyeuses. Un des premiers soins de l'instituteur devrait être de constituer une Bibliothèque scolaire, ou de développer celle qu'il a trouvée dans son école. Les livres ne furent point toujours choisis avec le désir de satisfaire le goût des lecteurs. Au hasard des concessions ministérielles et des achats, des fonds se sont consti· tués, sans intérêt pour des populations peu entraînées. à l'effort intellectuel, et vite rebutées par des sujets dépassant les préoccupations habituelles. Or, il convenait de donner la plus grande place aux œuvres qui distraient sans, cependant, s'interdire les livres instructifs (vulgarisation scientifique, étùdes sur les grands faits historiques ou géographiques, etc.). Pour les premiers, notamment en ce qui concerne les romans, nouvelles, pièces de théâtre, il appartient à l'instituteur de s'appliquer à · choisir des productions moralisatrices, et dégagées de la vulgarité, des livres si1~ples et sains, conçus dans un esprit de tolérance et d'impartialité, afin d'éviter tout froisse- ·
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ment ou toute excitntion mauvaise des sentiments. Quant aux seconds, la sagesse commande d'adapter le choix au mode d'activi.té et aux goûts prédominant dans la régi.on. Au reste, en cette œuvre encore, l'ampleur de l'action est subordonnée à la· bonne volonté de l' 1ns-tituteur. La Bibliothèque est plaoée· sous sa surveillance1; il- fait partie, avec le Maire, ·un Délégué can.tuna.l e'\ trois membres choisis par ~u·x et lui, du conseil d'adminisüation, dont it est le secrétairetrésorier. Al' ordinai.re, il dresse le règlement, établit le budget et le compte de g'estio11; id. propose le!J ouvrages à acheter, vendre ou échanger,, et organise fêtes el oollettes; i,l tient le catalogue e~ 1es registres d'entrée et de sortie. Le plus souvent, les initi,ati:ves lui incombent :. e,11,gagier les clépeuses, r·e lancer les né.glrgents e,t ta1acer les dés0rdonRés,,:rég,ler avec les oommqn.es, vpisines la fondation d'n»e biblfothàque intercgn1munale ou le fon ctionnemefrt cl'ul'le bibliothèq,ue circulante,, provoquer dffs imbventions \ etc. Uue tâcht aussi absorbante De trouve point sa récompense dans ane rétribution min.imé, mais dans la s,atisfactiQn de voit· les aneiens élève& dem.ander à
1. A. dû 15' décembre 1915. La commune doit obligatoirement fournir les registres et l'armoî,re-llibtiotllèque (D. du 29 janvie,c 1890). Les ouvrages sont prê tés sur plaQe ou à domicile, co,ntre l'eogageme11t de le~ rendre en bon état ou d'en restituer la valeur. 2. L'inspecteur d'Académîe, sur le rapport des Inspecteurs Primairès, dFesse, en Conseil Départemen'taJ, pEtr ordre d'urgence, la liste des bibliothèques e ntre lesquelles le Préfet l'é· partit les créd,its alloués par le Miuistre, 3. Le p. du 1t décembre '1923 prévoit, pour l'Instituteu,r gérant une biblioth èque intercommunal e , une indemnité fixée pat· le Ministre, sur la proposition de !'Inspecteur d'Académie. Elle ne peul excéder 150 francs.
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l'Ecole les moyens de se clistrair-e et de s'améliorer. d) Cours aux soldats illettrês. - La loi du 29 juillet 1900 prescrit un examen pour les recrues dépou!'vues de diplômes ou certificats d'inst!'uction primaire ou secondaire. Elles le subissent dès l'arrivée au corps\ Tout soldat qui n'obtient pas, au moins, la note cinq, suit un cours d'instruction organisé par l'autorité militaire. En principe, ce cours a lieu d'octobre à Pâques, au moins deux fois par semaine, dans un établissement scolaire, désigné après entente avec l'administration académique. Généralement, il est confié aux instituteurs de l'endroit, rémunérés au taux de 10 francs par séance~. Ils peuvent être secondés par leurs collègues incorporés.
= 13. Œnvres de préservation et d'assistance. = o) Patronages. - « Il est nécessaire q.ue )es instituteurs fassent tous leurs efforts pour que leurs él èves ne soient pas entièrement livrés ~ eux-mêmes en dehors des heures de classe, non plus que leurs anciens élèves durant la p ériode qui sépare l'école du régiment. Il y va du succès définitif de leur action éducatrice : leur influence ne tarderait pas à être neutralisée si le jeudi et le dimanche, pendant les congés et les vacances, leurs propres élèves étaient confiés à d'autres, ou si l'éducation de leurs anciens élèves était reprise par d'aufre& 3 • » Pour répondre à ces légitimes préoccupations, les patronag ;,s ont été con stitué.s par des notabilités
1. L'examen comport~ 3 épreuves écrites et 3 questions orales, très élém e ntaires. 2. Dans les villes pourvues d'une Ecole Normale, les éièvesmaîtres y participent, sous le contrôle du Directeur. - Les fournitures scolaires sont à la charge de l'autorité militaire, 3. Circulaire du 13 oct . 1924.
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amies de l'Ecole. Leur but est de rassembler et d'occuper, quand chôme l'école, les enfants dont les parents travaillent au dehors toute la journée. Quelquefois, même, on les reçoit l'après-midi du dimanche, afin de les préserver de la rue et de ses distractions grossières ou dangereuses. Sous la direction de membres de l'enseignement ou de personnes dé~ vouées, ils trouvent, dans la cour, le préau d'une école ou sur le terrain de jeux, de multiples occasions de se divertir. Des séances récréatives ( cinéma, lectures, auditions, etc.) les reposent heureusement des dépenses d'activité. A l'occasion, une promenade à la campagne, la visite d'un musée, d'une usine, etc., joint à la distraction un élément récréatif. Dans le même ordre d'idées, on a corn pris, . de bonne heure, qu'il fallait aider l'adolescent à utiliser ses loisirs. D'où, des soirées hebdomadaires, des réunions dominicales, ramenant à l'école jeunes gens et jeunes filles. Les amitiés contractées pendant l'enfance se renouent, s'étendent, se renforcent, au gré des causeries et des jeux, des lectures et des promenades. L'éducation morale se parachève, par le concours prêté aux œuvres d'assistance et de solidarité, tandis que chants, auditions, visites de musées, etc., affinent la culture esthétique. Jeunes gens et jeunes fillés perfectionnent leur éducation physique par des exercices gymniques, auxquels les premiers ajoutent le tir; les secondes, la danse. Bref, c'est un renou-' veau de vie scolaire, mais sans contrainte : l'adolescent y prend conscience de sa personnalité et s'instruit sur les meilleurs moyens de la développer et de Ia préserver. En cette action, le rôle de l'instituteur peut prendre un singulier relief. Sans doute, le patronage réclame-t-il d'autres concours et convient-il, dans l'in-
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térêt même de l'œuvre, que ces concours demeurent au premier plan. Mais n'est-ce point à l'instituteur que revient, le plus souveut, d'en déterminer le choix, de suggérer ou d'effectuer les démarches destinées à obtenir des adhésions et des subsides, de s'interposer en arbitre écouté, pour dissiper les malentendus, les conflits nés de rivalités d'influence? A lui, encore, incombe, la plupart du temps, le soin d'organiser un programme d'action, de veiller à sa mise en pratique, de varier le choix des moyens, comme, aussi, d'intervenir auprès des familles et des anciens élèves pour rendre l'assiduité plus soutenue. Enfin, qui, mieux que lui, peut orienter l'activité des membres du Comité vers l'assistance à prêter aux pupilles? Guider les adolescents dans le choix d'une profession, faciliter leur placement, les soutenir par de bons conseils, des encouragements, au besoin, même, par l'attribution de secours : quel vaste champ ouvert aux initiatives! b) Associations d'anciens élèves. - Elles recrutent leurs adhérents parmi les seuls adolescents sortis de l'école et se donnent pour but de développer et fortifier les liens de bonne camaraderie. Leur administration est l'œuvre des adhérents euxmêmes : groupés autour de l'école, devenue leur maison fraternelle, ils se forment, par la pratique du « self-government», à l'exercice de la liberté disciplinée et réfléchie. Ils élisent, parmi eux, un président et un comité, composé de membres aux fonctions spéciales : trésoriers, secrétaires, commis.sion des fêtes, etc. Plusieurs fois dans le mois, ils se réunissent en causeries amicales, revoient leurs anciens maîtres ou maîtresses et leur demandent conseil, en exposant leurs projets. Ils partagent les mêmes distractions,
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s'encourage_ t mutuellement, s'associent en des mon ments difficiles. Ainsi naissent des sentiments de solidarité et la oonviction qu'on ne pe~t ni ne doit vivre dans l'isolement. D'autre part, l'Association s'intéresse aux élèves actuels de l'école; elle leur distribue des prix, des secours en nature, les aide à poursuivre leurs études, à choisir un mé tier ou se placer en apprentissage. Elle remplit. à leur ég'ard, !e rôle- bienfaisant d'un patron éclairé et affectueu·x. Défenseurs-nés de l'école laïque, fidèles à ses principes, ses membres en servent avec ardeur l'idéal de tolérance et de solidarité. ils contribuent à faire d'elle, dans la commune ou le quartier, « la maison d'nmitié », gaie et accueillante. Réunions et fêtes se succèdent pour l'agrément de tous : concerts, matinée~ ou soirées, excursions, voyages d'études, . concours et démonstrations de gymnastique, institution de salles de lecture, de bibliothèques, de cours, l'action ùes Amicales prend les aspe9ts les plus divers. Pre~que toujours, l'initiative de créer une Association d'anciens élèves est venue de l'instituteur. li ~n a groupé et organisé les éléments, leur a donné l'impulsion première. Sa,gement, il n'a ~u garde ~e solliciter ou d ' accepter Ja présidence effective : il a voulu, à la fois, éviter tout risque d'évoquer une étroite dir,cipline scolaire et donner aux adolescents à.es occasions de faire montre d'initiative, de se familiariser avec l 'exercice de la liberté et de prendre contact avec les 'r esponsabilités. Conseiller d'au~ant plus écouté qu'il agit avec discrétion, il , assure le succès par ses avis expérimentés et l'opportunité de ses interventions . .. c) Unions sporliYes. - Socjet_és d' Education physique et de Préparation militaire. - De plus en plus, les adolescents participent aux exercices d' éducaticm
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physique ou à la préparation militaire, organisés par des associations communales ou cantonales. Celles-ci sont, habituellement, pourvues d'instructeurs militaires; celles-là ont, d'ordinaire, pour directeurs, des jeunes gens récemment libérés du service. En général, !'Instituteur y joue un rôle moins actif que dans les autres œuvres post-scolaires, mais il lui reste de devenir, selon le cas, l'animateur adroit ou le conseiller écouté, qui mettra en garde ses anciens élèves contre les initiatives décevantes ou, même, dangereuses, notamment dans la pratique des sports, d) La Mutualité scolaire. - Créée en 1880, dans l'un des plus populeux quartiers de Paris, par M. CAvÉ, juge au Tribunal de Commerce, elle S'il répandit très vite dans toute la France. Président d'une société de secours mutuels d'adultes, M: CAVÉ avait constaté qu'à l'attribution de secours convenables, lors des maladies, s'opposait, au moment de la vieillesse, l'insuffisance des pensions servies aux adhérents. Dès lors, il pensa qu'il fallait commencer tôt l'application des principes mutualistes et tirer parti, à cette fin, de l'école primaire. L'expérience n'allait point sans difficultés : à trop demander à des enfants peu fortunés, on risquait d'échouer. M. CAVÉ imagina un mécanisme très ingé-: nieux et très simple : l'enfant verserait 10 centimes 1 par semaine; la moitié servirait à constituer un livret personnel de retraite, majoré de tibéraiités de l'Etat; l'autre moitié, mise à un fonds çommun, permettrait de délivrer UI1 secours à la fàn'Ii:l{e du sociétaire malade (50 centimes par jour pendant 1 mois et 25 pen1. ~a coti~atioµ a été rel evée, ces defnières années (pour les adhérents de moin3 de 13 ans, 0 fr. 20 par semaine; pôu,r ceux d'au-dessus, 1 fr. par mois),
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dant le mois suivant ). Ainsi, la Mutualité, dans l'emploi de ses ressources, s'orientait à la rois vers la prévoyance et la solidarité; de plus, elle montrait, « tout ensemble, à l'enfant, la puissance de l'épargne et celle de l'association, qui lui apprend, à la fois, la prévoyance pour soi, forme , de l'intérêt bien entendu, et la prévoyance pour autrui, forme de la fraternité » (Po1NCARÉ). On peut ajouter qu'elle développe en lui le sentiment de la dignité : indemnités de maladie et retraite ne sont pas une aumône, mais le fruit de ses efforts. Dans la pratique, l'instituteur, toutes les semaines, recueille les cotisations des adhérents. Une part, versée à la caisse de la Société, sert au paiement de l'indemnité de maladie. Rarement, ce paiement absorbe les fonds disponibles : les familles ne le réclament pas toujours. L'excédent, accru des cotisations des membres honoraires, des subventions de l' Ela t, du département, de la commune, placé à la Caisse des dépôts et consignations2, constitue le « fonds commun », inaliénable : il sert à payer les pensions de retraite des sociétaires parvenus à cinquante-cinq ans, après quinze ans, au moins, de pat'licipalio'n ·. Une deuxième part est affectée à l'établissement, pour chaque sociétaire, d'un liYret individuel de la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse. Des versements supplémentaires peuvent être effectués, en vue de relever le taux de cette retraite. Ainsi, chaque sociétaire voit se former, parallèlement, deux pensions· en sa faveur : l'une provenant du fonds com1. Actuellement, l'indemnité journalière s'élève à : 1° pour les sociétaires de moins de 13 ans, 2 fr. (1•• mois) et 1 fr. (2• mois); - 2° pour ceux de plus de 13 ans, 3 fr. et 2 fr. 2. Elle sert un intérêt de 4,5 °/o, d'après la loi du 1•• avril 1898.
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mun inaliénable; l'autre, de ses versements sur le livret personnel 1 • A sa sortie de l'école, il peut être admis à continuer ces versements aux mêmes fins d'assistance et de constitution de retraite. Le fonctionnement de la Mutualité _ dépend pour beaucoup de l'Instituteur. Propagandiste, secrétairetrésorier, répartiteur des indemnités, intermédiaire entre les cotisants et l'Etat, il supporte le gros de l'effort matériel qu'exige la marche de l'œuvre. Mais son dévouement prend une forme autrement éducatrice s'il a su créer, entre les divers adhérents, ce courant de solidarité qui les pousse à l'entr'aide, à l'abandon de leurs droits en faveur des plus malheureux et, surtout, quand il les a convaincus que l'aumône atteint la dignité, fût-elle donnée par l'Etat, et qu'on se doit à soi-même d'être l'artisan de sa sécurité et de son bien -être. e) Caisse d'épargne scolaire. -Imaginée en France dès 1819, elle fut en grande prospérité de 1874 à 1886. On y a vu, à juste titre, « un exercice d'éducation sociale et morale, dirigé et animé par l'instituteur. Elle enseigne la sage économie comme on enseigne une vertu, en la faisant pratiquer » !!. Malheureusement, depuis 1890, sa fortune va décroissant : elle a préparé la voie à la Mutualité, qui l'a vite éclipsée. Son fonction.ne ment est des plus sim pies : toutes les semaines, les élèves apportent à l'Institu-' teur un ou plusieurs « sous »; on les échange cont1·e des timbres de cinq centimes, aussitôt collés sur un
1. Dans certaines sociétés, le fonds commun inaliénable n'existe pas : la somme restant en caisse après le paiement de toutes les indemnités de maladie, répartie entre les divers adhérents, est inscrite aux livrets personnels. 2. Da MALARIE. Guid_ e-manuel des Caisses d'épargne scolaires. Hachette, 18911
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carnet ou une feuille spéciale. Quand la valeur des tirpbres atleint un franc, on l'in sc)·it au livr<Ct du ,déposant. Dans certaines éco le s, en vue de susciter l 'ému lation et d'encourager l'épargne, des bons points-centimes sont offerts aux élèv es les plus méritants et décomptés de la mêR-1e manière. L'usage du timbre-épargne a disparu; l'idée d'économie a survécu. Les instituteurs ont estimé plus p1·atique, mieux en harmonie avec les conditions économiques actuelles, de substitu er la Caisse d'épargne à la Caisse d'épargne scolaire. Les versements les plus modiques sont admis : il sulfit de déposer un fra ne pou l' ohte~1ir ua livret . On ne saurait trop inciter les élèves à pratiquer cette forme de la prévoyance : ils trouveront dans la lenle mais sûre constitution d'un liv,ret, des ressources intéressantes quand, devenus adultes, ils songeront à s'établir. Loin de s'exclure, Caisse d'épal'gne et Mutualité se eomplètemt et s'harmonisent. f) Caisse cles écoles. - fmpfrs<ée à toutes les communes par la loi sur l'olYligatio n sce>laire1, elle a pour objet d'encourager et de faciliter la fréquentation de l' école ,pu.b.lique pàr des récompenses aux élèves as~idus et des secours a,u.x élèves indigents. Ses 1 ,essources se composent de c0tisations volontaires, de subventio,ns de la commune. du départemel.'lt et de l'Eta,t, de r eclevaa,ces duo'S ,pour les a€1.judications publ.iq,nes faites à l' éco le, d,e d&l'ls et legs, eLc . E~1 Cai-t, peu cle communes., au moiÏ:lls pamni celles de la campagne, en. possèdent - et c'es t regrettable. 'l?(!)ùt maître de·vrait en provoque!' ·l'in st'Ït utron 2 ; si faibles que soient les i'essources, elles aideraient la
il.. 28 rnar~ 1882. 2. Une délibération du Conseil Municipal suffit.
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,·réquentation des enfants pauvres dont, trop souvent, hélas! une raison d'ordre vestimentaire motive l'absence. Au surplus, en bien des cas, un appoint sérieux vient de fêtes, tombolas, quêtes, etc. En maints endroits, l'rngénios'ité et le dévouement des maîtres ont, ainsi, permis de distribuer gratuitement des :·ournitures scolaires, des vêtements et des chaussures, parfois des repas chauds aux écoliers indigents. g) Cantines scolaires. - Ces repas sont préparés et servis, durant une bonne p;trtie de l'hivér, pa; les cantines scolaires. Habituellement, le matériel pi·o 7 vient de la Caisse des écoles, des municipalités ou des Associations d'anciens élèves, qui rétribuent aussi la femme de service. Le budget s'équilibre par des subventi'ons, des dons en nature ou en argent et la contribution des élèves : ? moins d'indigence absolue, il convient que chacun paie, si pecr que l'on voudra, le repas consommé, afin d'ôter au bienfo,H reçu le caractère humiliant d'une aumône. La création des Cantines scolaires mérite d'être encouragée dans toutes les communes rurales, où J'écble reçoit des enfants venus de fermes éloignées. Si la préparation de repas complets n'est point toµjours pqssible, maîtres et maîtresses peuvent, tout au moins 1 réchauffer les aliments apportés PV les enfant:, 1 et tenter d'obtenir qu'une soupe châuae leur soit servie. A ces témoignages de sollicitpde 1 les parents app,récieront souvent la valeur de !'Instituteur. ' h) Colonies de vacances. - Se préoccupèr de don1. Nul ne peut les y conlraïndre. - Le po êle de la salle de classe ne doit « contenir ni four ni chauffe-plats " (Instruction du 18 janvier 1887, art. 26). Ce serait uqe faµte que d';iutoriser l~s «j_)èves à faire réchauffer leur repas sur le poêle (e~ .. cas d'accident, responsabilité de l'instituteur).
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ner aux. écoliers chétifs, logés dans des appartements malsains ou dans des villes à l'atmosphère impure, les moyens de fortifier leur santé, d'entrer en contact avec la vraie nature, de s'ébattre dans un milieu aux influences nouvelles et, à tous égards, bienfaisantes, n'est-ce point développer d'heureuse façon le rôle tutélaire de l'école? Le grand air et la liberté, une nourriture abondante, vivifient des enfants mal disposés à résister aux influences morbides; l'instruction se développe par l'acquisition de connaissances que les livres n'enseignent point; l'éducation s'étend et s'élève : l'existence en commun développe l'esprit d'initiative, les habitudes d'ordre et de bonne tenue, le sens de la sociabilité (concessions mutuelles, services rendus, correction du langage et des manières à l'égard des étrangers, etc.); la vie parmi les Raysans aide à les mieux connaître et contribue à ~étruire le dédain qu'ont pour eux bien des citadins. ,A tous égards, la « Colonie de vacances » est digne de fa ,sollicitude des Caisses des écoles et associations jiiv.erses, des municipalités et départements, des initiatives privées sympathiques ·à l'école. Grâce à ces concours, moyennant une rétribution minime ou, a·uelquefois, gratuitement, des enfants malingres, d é;hérités du sort, goûtent le bien-être réparateur de vacances agréables et tonifiantes. Leur choix se fait parmi les moins fortunés : un médecin y procède, généralement aidé par l'instituteur, qui le renseigne sur les antécédents, les habit11dcs, la situation familiale, etc., avec une prudence éclairée et une scrupuleuse sincérité. Très souvent, un Instituteur dirige la colonie. Groupés dans un vaste loGal, ou répartis chez quelques habitants, lès enfants constituent, pendant un mois environ, comme une vaste famille. Le maître
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établit l'horaire des jeux et promenades, des distractions intellectuelles; il veille sur leurs ébats, leur santé, leur éducation. La répartition des colons dans des familles complique quelque peu sa tâche , du point de vue éducatif surtout,_car la surveillance est plus difficile. D'autre part, les enfants, éloignés de leurs parents, quelque peu privés du con tact de leurs cumarades, risquent d'e souffrir de leur isolement. Ces inconvénients ne sont point irréductibles : l'ingénieux dévouemeut des instituteurs a, pour beaucoup , contribué au succ ès des colonies de vacances. i) Sociétés de tempérance . - Les sacrifices que s'impose la collectivité pour instruire et élever enfants et adolescents, risqueraient de demeurer inutiles si, éloignés de l'écol e, ceux-ci se laissaient aller à la séduction meurtrière de l'alcool. Il est apparn que, de bonne heure , les t erribles mé faits de l'a : ,: oolisme devaient être mis en lumière. Par des arrê tés et une circulaire ministérielle de 1897, l' enseignement ofltciel de l' antialcoolisme a été introduit dans les programmes scola_res, d'où il est naturellement passé i :inx cours d 'adultes, associations et patronages. Parallèlement, des Sociétés de tempérance se constituaient et faisaient appel aux membres de l'enseignement, en vue de créer des sections cadettes , grnu pant les écoliers dès 9 ans et les adolescents jusqu'à leur majorité. Elles eurent un plein succès aux enviroris de 1900 1 • Depuis, les activités se sont orientées vers d ' autres buts : au demeurant, par les
1. Principales associations de tempérance : Ligue nationale contre l'alcoo lisme: 34, bou le vard B ea umarchais, Paris; Union f,·an çais e antialcoolique : 5, rue de Latran, Paris ·; Association de la Jeun esse fran çaise tempérant e : 115, rue du FaubourgPoissonniè1·e, Paris; La Prospérité, 15, boulevard du Temple, Paris,
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MOR.ILE PROFESSIONNELLE
clisfractions saines offertes aux jéunes géns, e!Ies concout'ent au même t'ésultat. Quelques sections existent èncore. Elles demandent à leurs adhérents l'alislention dës boissons dites spirittieuses (alcools de clistillalion), sauf prescription médicale, et l'us·age modé1,é des boissons fermentées (vin, cidl'e, bière). A juste titre, elles se défient de l'oqtrancê çlans le bût à pour's uivre comme dans les moyens a émployer: donner dans l'excès d'abstinence, exposeratf toniber dans le ridicule et à heurter . des intérêts vitaux pour le pays. « Dans un pays comme la France, fiëre âes vi:gnes dont elle est couverte, il y aurait impolitesse à ne pas rendre justice au vin, au bon vin généreux, richesse nationale 1 • ,, Une habile prudf'.nce conduit à des résultnts sûrs et durables. L'important est d'éduquer l'adolescence. Au mo.:; rlient où l'apprenti, livré à lui-mème, sollicité par de douteuses fréquentations, se montre désireux d'affirmer sorl indépendance en pénétl'ant au cabaret, la nécessité élevien t impérieuse cl' ëclairel' et de sou tenir sa volonlé vàcillante. Si l'Instituteur ne voit point la possibilitê d'organisei', à cehé fin, des associations de tempér:ince, au moins doit-il s'applique/·, darls les cours d'adultes, patrohages et associations d 1éleves, à mène!' rul:lë ef bonne ~uerre cohtre l'alcocrl.
a
= Conclusïott. =
Le bienfait des œtivres post-scolaii•es est immènse : qu elles s'occupent d'instruction ët d'ëducatioit poplllaites ou dë préservation et d'assistance, elles aboutissent à ces résultats admirables : dévelbpper dans le!f cot1scienëes tê s~rldment de la prbtèction due à l'enfance; permettre a l'initiative prjvée, voloptairement disciplinée, 'de s't1ffirmer à côt~
1. BhÊT. OiHours prouoncé à la Fê[è de
la Tempérance, le
19 mai 1898.
�Jwu; /JE L'JNSTITU1'EUR DANS LES O EUVRES
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de l'organisation administrative; lancer hardiment l'école dans le courant des idées de solidarité dont se réclame la soci été contemporaine. En même temps, le développement d~s sentiments de prévoyance, de dignité, de fraternit é, dès l'e_n·Pance, n'est pas le moindre des services rendus par l'Ecole : la rude foi et l'ardent dévouement de ses maîtres gngent la prospérité d'un~ riche ·floraison d'œuvres., honneur de nptre t!lmps et ç!e nQt!:e _pays.
�CHAPITRE XI
La vie privée de l'Institutenr. Educateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs.
L'opinion publique se montre beaucoup plus exigeante à l'égard de l'instituteur que des autres fonctionnaires de son rang. On le rapproche, (lolontiers, du Prêtre et du Magistrat, pour qui respect et considération s'affirment daPantnge, mais de qui, en retour, on Peut une Pie priPée exempte de critiques. Non sans raison, on estime que, pour être « égaL à sa tâche », l'instituteur doit se montrer « lui-même ce qu'il enseigne qu'on doit être » (BouTRoux); sinon la c11nfian ce se réserve. Certes, l'existence ne Pa point sans difficultés quand elle s'écoule parmi des populations rustiques, portées à se défier, malPeillantes, parfois, et promptes à la critique et au blâme e,wers tout « étranger ». Rn bien des cas, il suffit de peu pour fonder un jugement dé(avorable, précurseur d' hostilité sournoise ou de mépris agressif. Aussi conPient-il de se montrer prudent, et, par une ferme Pigilance, de préserPer tenue, langage et conduite des atteintes de la critique.
I. La tenue. = a) Mise. - L'instituteur d'il y a un demi-siècle se montrait austère dans sa toilette : redingote et chapeau haut de forme, éléments décoratifs, lui valurent de l'autorité. Aujourd'hui, la cul-
=
�LA VIE PRlVÉE DE L'lNSTITUTEUR
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ture donne plus de considération que l'habit : pourtant, l'erreur serait lourde d'apporter un som médiocre à la tenue. Simple et correcte, elle ne doit ni détonner avec le milieu ni subir l'influence du laisser-aller des populations ouvrières ou rurales. Un travailleur manuel, au moins à ses heures d'effort, s'expose à des con tacts sali.,ssants : quoi de plus naturel qu'il revête de vieux habits, pas toujours très propres? Dans leur classe, instituteurs et institutrices recueillent des taches d'encre, des traces de craie, maintes poussières. Aussi, ne leur demande-t-on point d'exercer en toilette; mais on s'étonnerait d'un manque de soin: effets élimés, boutons arrachés, coutures défaites. La crainte des souillures ne doit point conduire au désordre malpropre : une blouse, un tablier, laissés au vestiaire, la classe achevée, suffisent à préserver un cos tu me simple et en bon état. En fait de mise, tout détail prend de l'importance. Des maîtres habitant l'école se rendent en classe sans col ni cravate : quelle autorité prendront leurs conseils de bienséance? D'autres, par temps chaud, enlèvent leur veste, <l i '. c;: lonnent leur gilet, mettent de vieilles savates. A la campagne,-:-- les chemins sont si boueux, les routes, poussiéreuses! -:- on cire rarement les souliers : à la· longue, pas mal d'instituteurs se plient à l'ambiance. Et le spectacle est vraiment regrettable, en quelque endroit isolé, d'un maître jeune encore, à la b~rbe hirsute ou à la figure mal rasée, aux cheveux embroussaillés, aux ongles longs et sales : en quoi un tel 111épris de la correction sertil « l'idéal démocratique »? et pense-t-on se hausser en esprit à afficher une telle indifférence pour la « matière »? Trop souvent désordonné, fort sensible aux suggestions, l'enfant imite bientôt un tel sans-
gêne.
�MORAte PROFESSIONNE-llE
Au.tant que ta négl-ig;e,n ee, une coqueblerie exl\gé-rée rndispose. Dans les vill-age,s, oil chacun se mon,t,re s:.trict ,sur la moralité d'autn-ti, elle constitue un éJément décisif des jugements. Plus que l,oors collègues masculins, les institutr.i,ees risquent de heurter l'opinion par l'absence de discernement dans le choix de leurs toilettes. Les modes pénètrent lentement da1ls le-s campagnes et, encore, après déformation. Aussi faut-il tenir compte de la me,n talité des parents, dans la mesure où elle paraît ra.isonnable. Donc, nulle exagération dans le désir, légitime en soi, de « suivre la mode » ou de se dégager de la rusticité; nulle hâte intempestive à .modifier la coupe des vêtements, la couleur des tissus, la forme d'une coiffure. La coquetterie est acceptable si elle se montrn discrète et de bon aloi. Une tenue séduisante, sans apprêt ni recherche, plaît aux enfants el à leurs parents; elle les incide à la déférence et, par là, contribue à fonder l'aulorité. Au contraire, l'abus des fards, des parfums et autres accessoires d'une toilette compliquée provoque des réflexions i;lésobti.gea.ot,es et des j ugemeu ts s:évères. b) Attitude. - Egalement, on doit s'interdire tout ce./CipUi, dans l'attitude et les geste.s, risquerait de tradu~ire un manque d'éducation. Un Instituteur qui siffie dallil la TUC ou chante à tue-tMe dans sa chambre; uneil-m,tirtmtrice <!J'1,1i, en classe, ,s'assied, jambes étenclue:s, &u.T unr chaise, se montrent incorre• e cts. Ce·u tes, il smait ii-nopportun d'afficher une allur.e .gourmée, d'exagér~r les règJ.es du bon ton et du savoir-vivre, à com,m encer p'<lr « l'accent » artificiellement donné au langage @li l'affectatioa dans la poign ée de main : la pr:é<teetion glace ou- é·l0-igne. Au« monsteur », à la <Mlie.n1ois.ellre » «..fie·1·s », 001. rend en mépni,s le,ur indif.. férence ironique. Confinés dans un isolement host.i.Le~
�U VJE PRirÉE DE L'JNSTJTUTEUR
ils s'aigrissent et s'attirent les pires ennuis: bien des plaintes envoyées à l'administration académiquè n'ont point d'atltre origine . Cependant, une trop grande familiarité conduirait à l'irresp'e'ct. L'attitud'e à prendre est' fa1tè de calme et de modér.ation, exempte de brusquerie, mais non de fermeté! Une physionomie voilée de gravité, mais toujours accueilla'nte, une voix sympathique et cordialê, achèvent de fonder la déférence. La surveillance attentive des gestes s'impose, en classe surtout, devant ces observateurs perspicaces et malicieux que sont les élèves. On doit savoir réprimer un tic, d'intempestifs bâillements - et, encore, èonserver le contrôle de soi: le nonchalant, vissé à son bureau, se montre aussi bHimable que l'agité, courant d'une table à l'autre; les gestes de colère et de brutalité, odieux, rèndent ridicule; de mêm·e, la mimique exagérée qui, sous prétexte d'ordres ou à l'occasion de fautes, se compose de gestes démesurés, signes de menace, rictus grimaçants. Res~er, toujours, maître de soi assure la dignité de la tenue.
= Il. Le langage. = cc Parle, afin que je te connaisse, » disait PLATON: à ne point surveifler son langage, on risque de se faire mal juger. a) Le temps est révolu de la préciosité dans la r~cherche des mots et l'emploi des tournures subtiles. Toute affectation du langagP- indispose et rend l'idiéulé. Dans le milieu peu cultivé où, très souvent, le sort l'a placé, l' Institùteur verrait fondre sur lui afltlp:.ithies et moqueries s'll abusait de son savoir pour ~·e~pri1ner !'ln .\errIJe~ p.Qmpe11x ~! diflicq~~ , à fOm prendre. Rien n'irrite plu~ quç la manie q~ tp\Qll~J'~ en mots savants des idées cqurantes; rien n'est plui sot ni insupportable qu'ùrte ignorance ptétentieus'i!I
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abritée derrière des vocables sonores 1 • Le moins cultivé des auditeurs se dégage vite de cette « piperie des mots », pour se gausser d'un vaniteux, ridicule à l'excès. b) Au reste, ce défaut se présente rarement chez les instituteurs, plutôt portés à s'exprimer sans recherche par l'effet de l'ambiance. Malheureusement, r'habitude prise d'uu langage terre à terre conduit, souvent, à des incorrections. Les négligences courantes, les idiotismes locaux, s'introduisent dans le .langage : « on s'en rappelle · » ... « on se sucre » (prendre du sucre pour son café) ... « on est tout trempe » (mouillé), etc. L'argot(« bécane », « p!nmard, >> «tacot» ... ), les mots parasites («ovationner», « émotionné » ... ) 1suppléent - à l'insuffisance des idées; des usages déplorables de la syntaxe s'érigent en règles (« ne m'en r,,eux, ne m'en r,,oulez pas >> ! ) De telles erreurs en disent long sur l'indiscipline d'esprit - ou l'ignorance - de ceux qui s'y abandonnent. c) Il y a pis encore : Ile débraillé du langage, qui correspond à un relâchement d'àttention. Le bouleversement de la guerre a introduit, dans la conversation, nombre de mots vulgaires et, même, grossiers. Certains ont vu, dans leur usage, tantôt l'expression de sentiments égalitaires, tantôt la marque d'un affranchissement envers le pédantisme ou un signe d'originalité, de puissance dans la pensée ! Mais que gagne 1,me affirmation à être ponctuée de jurons? quelle indépendance ou originalité acquiert- on à donner le verbe « foutre» pour support à sa syntaxe? à exprimer ennui, aversion, rancune, surprise, trouble,
1. « Quand la faiblesse des hommes n'a pu trouver les véritables causes, leur subtilité eu a substitué d'imaginaires, qu'ils ont exprimées par des noms spécieux qui remplissent les oreilles et non pas l'e_ prit,,. (PASCAL, Préface d'un traité du vide.) s
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satisfaction et maints autres sentiments par un terme « ignoble », répété à satiété? Qui se respecte s'en préserve comme d'une souillure. d) Ces considérations morales se complètent de cette règle visant la tenue « matérielle » du langage : s'efforcer à une bonne prononciation, afin d'être exactement compris et d'offrir un exemple. D'où, nécessité de bien articuler, pour ·d onner aux consonnes toute leur valeur et permettre à la voix de porter au loin, distinctement; d'où encore, obligation d'effectuer un judicieux emploi des différents registres ( notes hautes:· voix de tête; notes basses : voix de poitrine), de dépister et corriger les fautes locales de prononciation (confusion entre on et an, accentuation des nasales, etc.). Un débit monotone, sans vie et sans charme, rend la conversation pénible et languissante. Il engendre l'ennui, favorise l'inattention et influe fâcheusement sur les enfants, qui ont tant besoin d'être façonnés à parler! En les aidant à s'exprimer avec simplicité, d'un ton naturel, en les reprenant sans affectation, par la vertu de son propre exemple, )'Instituteur les conduit à délaisser les manières de parler malséantes,-et ce ton nasillard, si désagréable, dans la récitation des leçons.
= III. La conduite. = On entend, parfois, de jeunes maîtres, épris de liberté, revendiquer le droit de « vivre leur vie,,, sans nul souci des contingences. Un instant de réflexion suffirait à les convaincre que, professeurs de morale, ils se doivent, sinon à la logique, d'en respecter mieux que qu"iconque les règles. Malheureusement, à la sortie de l'E. N., ces règles _n'apparaissent point, toujours, avec une force suffisante. Pour une majeure pa1·1, la faute en revient aux circonstances. A la vie ordonnée jusque dans les
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moindres détails (heures fixes des repas, du ~oucher, du travail personnel et des cours, etc. ), succède une existence de grande liberté. Et combien différ~nt le milieu! Hièr, travail en commun avee des camarades aux mêmes aspirations, aux goûts semblables ~ à la culture identique; aujourd'hui, isolement parn'lf des populations indifférentes au jeu de l'esprit, mai~ sensibles aux résultats pratiques ef immédiats, préven·u es, au surplus, contre le « monsieur » au.x mains blanches et la« demoiselle», suspecte de par ses études et sa liberté d'allures. Pàr surcroît, H1 jal~usie s'excité, contre le fonctionnaire bien rerit~; travaillant au chaud l'hiver, et l'été, à l'apri du soleil, bénéficiaire de fréquèt:ttés vacances. Comment vivrè sans dommages en un tel milieu? a) Choi.-r: d',ine pension. - La première question à régler - source parfois féconde d'incidents et de soucis - intéresse le logement et la nourl'itul'e. Généralement, l'école offre un gîte au nouveau venu; quelquefois, il se trouve contraint d'aller ailleurs. Dans une petite coll?-mune, auberge ou hôtel convenables sont rares. Non sans se faire prier et exagérer la valeur du service rendu, le patron d'un café consent à héberger « le maître>>. Même en payant bien c~er, ?~ n'obtjent guère de confort. L'adresse consiste à sé montrer accommodant, - mais, aussi, à user de prudence : une promiscuité, à l'abord amusante 1 peut créer des relations bientôt importunes. Une réserve souriante et, à l'occasion, énergique, s'impose envers qui se montte par trop familier, au repàs servi en commun ou dans la salle du cabaret. Bien entendu, il ne s'agit point de s'afficher hautain ou dédaigneux à l'égard des maladroits bieri intentionnés, mais, en évitant toute attitude déplacée ( boir~ au comptoir, jouer aux cattes, t>tc.), de I"éagir contl'e ·
�~A VIE PRIV&E DE L'JNS'l'ITUTEUR
les ge~tes mals éants on les paroles grossières. Une querelle, la présence d'un ivrogne ou toute autre inconvennnce doivent fom·nir prétexte à denrnnder l'isolement. Si !'Instituteur y gagne, a fortiori, l'Institutriqe . Cuisiner ses repas, si désagréable que ce soit, vaut mieux pour celle-ci que fréquenter l'auberge rurale, - ou , même, la table d'hô-le du restaurant achalandé. Pensionnaires et clients de pnssage, à l'ordinaire polis , se lais·sent volontiel'S aller à d'équivoques niaiscI;Ïes, en présence d'tme jeune füle. Habiles à nouer la conversa·t ion, à la fave- d'un lapsus, ur d'une inadvertance, ils se ri--sque~t à de gênantes familiuités- La timidité empêche-t-elle une saluiaire . réaction.? Us y voient un etl'Coura·gement. D'où, risques d'ennuis. 2° J~dis, pour une rétriàution modique, le directeur recevai.t à sa table l'adjeint célibataire: prot égé contre les surp,rises du dehors, celui-ci vivait en compagnie de « gens du métier ». Cependant, la situation n'allait pas toujours sans ennuis : le directeur s'avéuait 11utorita,ü :e; la ménagère, regardante; les jeunes Il'llH)quaient de partience, se moubiaient difficiles, incompréhensifs. On se séparait et venait la guerre. Aujourd'hui, le relèvement d.es traitements a, de part et d'a• ,t re, accru le désin1'indép-endanc-e. Mais la H pension familiale se retrouve aiLice.urs. La je1rne Institutrice y vit mieux -et plus libre qu'à l'a1Ube1·ge; le débutant y évite de-s oocasio,.fls d.e bmire, de n,oH,e:r des relations suspectes. Auprès -de leuirs hôtes, t1ms deu,x bénéfioieint de calme, de sympathiesiplu,s sûres, d'effi-_ caces re:cours contre l'ennui d'une mo,r ne r6-sidenc'e et de s·oi.ns dévoi;rés en c:ms de ,mabdie. Sa-Ms - oute, là ~ comme ailleurs, trouve-l-on des inconvônients. Certains méritent peu d'attention: le père peUlt être serviable, _ ma~s bo\llg0n; la ménagère, pcéve1rnute, ma-is
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indiscrète; les enfants, bruyants et, en classe, d'au" tant moins disciplinés qu'ils escomptent, sournoise" ment, un traitement de faveur. D'autres deviennent inquiétants si, à la présence du commensal, se lie une possibilité de calcul ou de critique ( fils ou filles de la· maison en âge d'être mariés, par exemple). On voit combien se révèle nécessaire la prudence dans le choix. Si, par tradition, une famille héberge les ins" tituteurs, inutile de changer. Dans le cas contraire, on recherchera une famille de réputation assurée, paisible, vivant hors des querelles locales, aux enfants établis ou de même sexe que le pensionnaire. Le temps, une bonne humeur patiente, la volonté d'apprécier le ser" vice rendu, de se montrer accommodant et serviable, feront le reste. b) Entretiens et relations. - 1° Savoir prendre gaiement son parti des circonstances et vivre en toute simplicité, c'est la sagesse même. Rester à l'écart provoque une froide réserve; elle tourne à la défiance, puis à l'hostilité, si on se livre au jeu maladroit des récriminations, dans les entretiens. Le paysan aime profondément son terroir, l'horizon qu'il a modelé, dans une certaine mesure : mille liens inconscients l'attachent au sol, aux bêtes, à ceux qui l'entourent. Des comparaisons diminuant son village le blessent, comme le dédain pour ce qu'il chérit. En retour de leurs sentiments paisibles et conciliants, bien d'in" suffisances sont pardonnées à des maîtres médiocres : ils surent se faire adopter _par le milieu. Sa situation vaut, quelquefois, à l' Instituteur, des confidences. Qu'il évite de s'en rendre le propagateur étourdi et maladroit! Prêter l'oreille aux cancans et, plus encore, les répandre, serait, pour lui, une ins" piration malheureuse. Son rôle consiste à décourager les imaginations malveillantes, à mettre au point les
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menus inciden_s grossis par l'oisiveté, le désir de t paraître mieux renseigné, la rancune ou l'envie. Agir en pacificateur ne laisse aucun regret, mais non se mêler des affaires d'autrui, m,al à propos 1 • Il jouit d'une entière liberté en matière d'opinion et de croyances. Nulle critique ne doit s'élever à le voir suivre les cérémonies de son culte. En retour, parce qu'il doit l'exemple et enseigne le respect de la conscience, il lui revient de s'interdire toute raillerie provocante, toute manifestation contraire au principe de neutralité accepté avec sa fonction. Sa règle de conduite apparaît très nette: ni abdication, ni sujétion, mais du tact et une ferme volonté de sauvegarder l'indépendance nécessaire au respect de sa dignité 2. 2° Choisir ses relations ne demande pas moins- de tact que régler ses entretiens. En principe, point de préférences entre les familles 3 : elles attisent les jalousies et rendent suspects désintéressement et dévouement. D'autre part, à moins de malhonnêteté avérée, personne n'est à fuir. S'ériger en censeur messied à !'Instituteur : souvent, une compréhensive bonté, quelque parole d'encouragement, suffisent pour ramener au bien. Donc, bienveillance pour tous, nulle sollicitation d'avances : on craindra moins de froisser les susceptibilités, si les circonstances conduisent à nouer des relations plus précises avec quelques notables de la commune. Encore, se gardera-t-on de ces rapports qui tournent à la sujétion; viennent les rel~chements, une demi-rupture : les
1. Cf. ch. XIII: L'instituteur Sec_rétaire de Mairie, § V, Discrétion. 2. Cf. ch. IV : L'instituteur et la liberté d'opinion'; - ch. XII : L'lnstitute11r et la vie pul,liq11e. 3. Cf. ch. IX : Rapports avec les familles .
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aigreurs se manifestent jusqu'au jour où dépit et rancunes stimulent les amis d'hier à se nuire. Cette règle se précise, pour· les institutrices, par la nécessité plus étroite où elles se trouvent d'éviter tout soupçon contre leur moralité. Il leur apparlicnl de rester très réservées dans leurs relations et discrètes dans leur allure. Les «dames» qui jugent avec indulgence les écarts d'une jeune villageoise s'offusqueraient d'un léger manquement aux bienséances chez une Institutrice. Seule et jalous ée, saus la force et la sécurité que donne la prése nce d'un père, d ' un grand fr è re ou d'un mari, on lui fait grief de la moindre étourderie ou d'insignifiantes apparences par exemple, des sorties fréqu c n tes à la ville voisine, en vue de se distraire ou de retrouver une camaraà~ d'E. N. Certaines heures d'e loisirs se révèlent si pesantes! On lit, brode, rend, des visites .. . mais quel mal fait-on 11 changer d'atmosphère, de temps à autre ? Rien n'est mei lieur pour l'esprit - et le mor;il - que de visiter les collègues du voisinage, d ' assister à une réunion corporative ou de se rendre à la bibiiothèque pédagogique : les idées se renouvellent, la tristesse se dissipe, d"intéressantes relations se nouent. Précisément, parce que ces déplacements n'offrent rien de répréhensible, on n'a point à eu faire mystère. ~ais il faut éviter de les rendre trop fréquents et d ' aiguiser les curiosités. c) Payer comptant. - Avoir et conserver un vif souci de sa dig1\ité préserve des erreurs et défaillances. En voici de multiples preuves. Des négligents se préoccupe11t pe~ « de' fairn honneur » à leurs affaÎres : ils vivent au jour le jour, contractant des d·ettes, régl ée s en bJoo à la fin du mois. Des vanit eux s'engagent dans de lou1·des d épenses : jadis, la, bicyclette s' achetait à crédit; aujourd'hui, c'est la moto
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ou l'automobile ; à des conditions onéreuses, on sousçrit l'achat d'un phonographe, de livres dépourvus de fraicheur, d'un trousseau élégant. Ainsi, l'avenir s'hypothèque. Qu'une circonstance imprévue fasse différer le rè g le me nt d'une traite, ou d'un compte de fournisseur, les e nnuis commencent : ~es bavardages indiscrets pr écède nt les réclamations sans aménité. Au surplu,s, combien lour~e , à l' usage, devient une acquisition de médiocre utilité! Les « séries complètes » de romans , achetées à cause d ' une « prime », de?ieurent sur les étagères : avec le temps, leur vµe accentue les regrets ... d) Le marir;1,ge. - Le mpment est venu d 'aborder un _point délicat : le mariage. Un éducateur qui se respecte ne s'y d éc id e pas sans mûre r éflexion. Or, l'âge du début est, aussi, celui de la liberté et des passions naissantes. L' opinion, sév ère au moindre écart d 'une jeune fill e , se montre indulgente aux flirts de l'adolescent. Ri en, cependant, de plus indélicat. A ce sujet, on ne saurait trop méditer ,c e lte belle page de Sil11io P ellico 1 : « La plµs faible apparence, dit-il, suffit pour ravir l'honneur d ' qn e jeune fille, éveiller contre elle la ,c,a lomnie el lui faire, p e ut- ê tre, mariqu e r un mariage qui l'aurait rendue heure,q se. Si vous vous sentez ,épris d'.arnour pour une ,jeµne fille, et que vous ne puissiez aspirer à sa main, ne laiss·ez point para 1 tre votre Damme ; cachez-la, plu tôt, avec toute esp~ce de soin. Sachant qu'elle est aimée, elle pourrait s' ~morvoir à son tour, et devenir, ainsi, victipie d' une pa<;'s ion malheureuse. Si vous vpus -apercevez avoir in5piré de l'amour à une jeune fille que vous ne vouliez ou ne puissiez épouser, ayez une égale considération
1. Des l)evoirs des Ho111111e6.
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pour son repos et pour sa position: cessez entièrement de la voir. Se complaire dans l'idée qu'on a excité, dans le cœur d'une pauvre innocente, une passion qui ne peut produire que la douleur, est la plus coupable des vanités. » Il ne faut point songer trop tôt au mariage, encore que le retarder n'aille point sans inconvénients : la venue tardive d'enfants accumule les soucis sur une période de l'existence plutôt destinée au repos, et risque de les laisser prématurément sans appui ni ressources. Cependant, une certaine maturité d'esprit s'impose pour fonder un foyer vraiment sérieux et bien remplir les devoirs qu'il crée. D'autre part, ne faut-il point disposer de ressources suffisantes? Le traitement d'un débutant lui assure une existence modeste : deux personnes - ou davantage : on doit compter avec la naissance d'enfants - auront peine à en vivre. Qu' on réfléchisse, donc, avant de se lier à une jeune fille dépourvue de ressources ou aux moyens d'existence insuffisants. Plus que leurs collègues masculins, les jeunes institutrices le doivent avant d'agréer les hommages de désœuvrés, séduits par leur traitement plus que par leurs charmes. Mieux vaut l'union avec un collègue - ou tout autre fonctionnaire. Sans doute en résulte-t-il quelques difficultés pour l'Administration, tenue de rapprocher les conjoints. Elles s'aplanissent vite et les avantages subsistent : la similitude des proîessions concourt à fonder celle des goûts, des pensées; elle détermine une aide réciproque féconde, chacun mettant au service de l'autre son expérience, ses lectures, le fruit de ses méditations; enfin, une honnête aisance apporte la quiétude. Toutefois, ces considérations ne peuvent faire oublier que les époux doivent se convenir et é prouver, l'un pour l'autre, affection, estime et confiance.
�LA VIE PRIVÉE DE L'INSTITUTEUR
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e) Savoir s'éloigner. - Une dernière indication : elle vise le désir bien légitime, mais pas toujours heureux, qu'ont les débutants d'exercer dans leur village
ou à proximité. Pensent-ils que leur autorité, si fra• gile, sera facilement acceptée par leurs com patriotes? Connus, depuis l'enfance, ils subiront une ·familiarité importune, rendant les écoliers moins dociles. S'agi· ra·t-i_ d'appliquer une règle? quelle gêne à vouloir y l soumettre, également, amis et indifférents! Ils n'accorderont guère de crédit aux avis relatifs à la conduite, la fréqueulation, la paresse. Indulgence ou sévérité engendreront des conflits d'autant plus vifs que, depuis longtemps, on connaît le maître et sa famille, leurs sympathies, leurs aversions et leurs défauts. D'autre part, comment espérer de lui une réaction contre l'« esprit de clocher», à transformer en patriotisme éclairé? Enfin, on peut craindre que le souci d'intérêts particuliers, plus nombreux el importants là qu'ailleurs, ne le détourne de son service. Une propriété à faire exploiter, quelque entreprise à surveiller, - occasionnellement, un« coup de main » à donner, pour assurer la marche d'un commerce : autant d'occasions, même pour les meilleurs, de défaillances, d'abord menues, puis plus graves, avec l'accoutumance.
= IV. Pourquoi les opérations commerciales (sont interdites aux Instituteurs. =
Dans l'intention d'en préserver les maîtres, la L. 0. 1 leur interdit « les professions commerciales et industrielles ». « Ils doivent toute leur actù•ité au service de l'Etat. Ils ne pourraient que perdre une partie de leu1· autorité dans cette confusion de leurs fonctions
1, Art. 25.
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avec les affaires commerciales; ils s'exposeraient à être accusés de subordonner leurs devoirs profession· nels à des préoccupations personnelles et à être suspectés d'employer l'autorité qni l eur est déléguée "à favoriser des intérêts particuliers et à créér au commerce un·e concurrence facile 1 • » a) La fonction absorbante, pénible, délicate, de l'instituteur réclame toute sa sollicitude, tous ses instants et ses efforts. Obligé de servir ou de renseigner des clients, aux divers moments de la journée, il serait conduit à prendre, avec son service, des libertés répréhensibles. Les préoccr pa tions causées par un commerce ou une industrie diminueraient sa lib erté d'esprit. Enfin, la fatigue résultant de travaux multiples ne risquerait-elle point d'amoindrir son aclù.,i"té scolaire? b) Au surplus, l'autorité pâtit du voisinage de labeurs si différents d'inspiratiop : l'œuvre d'éducation exige un d évouement dfsintéress é, ce don de soi que rien ne parvient à payer, mais le sens des affaires prend pour guide la recherche des bénéfices. Presque toujours, le commerçant profiterait de la considération açcordée à l'Instituteur; l'éducateur, jamais de f'habÜeté du négociaQt rompu aux affaires . D'ai1leurs, combien de circonstances rendraient péni~le sa situation! Un client mécontent se plaindrait avec _plus d'amertume de lui que de tout autre. Inévitablement, viendrait la réflexion : « Pour un professeur de morµle ! ... J> De telles allusions, appuyées de i:palveilla1)ts commentaires, atteindraient son prestige, - paJl'S_ e0mpter la maligne envie, toujours en action po9,r dénaturer les faits, la jalou.sie des concul'l'eflts, les récriminations fielleuses contre l'in,sa1. C. du 29 juin 1897.
�LA l'/B Pli/VÉE DE l'li'1ST/1'UTEU/I
tiable « budgétivore », qui n eprouve aucune h0nte « d'ôter le pain aux pauvres gens ... ». Quelle pToie pour les rancunes! On ne manquerait point de prétendre qu'il iutimide les parents pour obtenir leur clientèle et qu'il se consacre, de préférence, aux fils des bons acheteurs ... S'il réclamait son dû avec insistance ou voulait convaincre un payeur de mauvaisœ foi, malgré sa loyauté et sa bienveillance on le repTésenterait insensible à la misère des pauvres gens. Avec une telle réputation, comment enseigner la: charité? c) Quelques dérogations - assez rares - ont été introduites, dans l'interét public, au p1,incipe posé par la L. O. Sont permises à !'Instituteur : 1°) Les opérations d'arpentage, à l'occasion d'un' règlement de succession, d'une vente', « exceptionnellement» : le géomètre habite au loin et son déplacement revient cher. ,2°) La vente de livres et fournitures scolaires, là, oi.1 il n'existe pas de libraire, et après affichage d'un prix courant, visé par !'Inspecteur Primaire : école et familles gagnent à se procurer le nécessaire sans dérangement, avec célérité et :aux mêmes prix que· dans des librairies souvent éloignées. 3°) La rédaction accidentelle d'actes sous-seing priv(: elle évite l'intervention, onéreuse, d'un notaire, qu'il faut, parfois, aller trouver à une grande distance: Bien entendu, si des abus se produisaient, l'instituteur serait. immédiatement invité à cesser de telles opérations. Nulle autre dérogation ne lui est consentie; maintes fois, l'Administration a rappelé qu'il ne devait ni être agent d'assurances ou recouvrer des primes, ni exercer la profession de géomètre-expert, ou, même, distribuer des récompenses de caractère commercial.
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d) Ces prescriptions ne visent en rien sa famille. Aussi advient-il que sa femme - ou ses enfants s'établissent commerçants dans le village où il exerce. La situation, délicate, ne va point sans embûches : pourra-t-il ne jamais pénétrer dans les locaux du commerce? s'interdire de donner conseil et, au besoin, aide? On ne manquera point de dire que sa fonction favorise les intérêts du négoce familial. Malgré une prudence soutenue, son autorité se ressentira des incidents inhérents à tout trafic. Si, par hasard, les « affaires » périclitent, que de tracas et d'avanies! En somme, une telle dépencfonce nuit à sa fonction. Les circonstances (héritage, mariage) peuvent la lui imposer : qu'il s'applique, alors, à éviter toute critique, en attendant d'échapper, par une vente ou une location, à des répercussions dangereuses pour son autorité et sa tranquillité. ·
= Conclusion. =
Puisque l'ascendant moral de l'instituteur dépend, pour une très large part, de sa vie privée, il doit maintenir à celle-ci une très grande dignité. Professeur de morale, il lui revient de mettre son attitude « en harmonie avec les préceptes qu'il donne en classe, avec les principes et les bonnes habitudes qu'il essaie d'inculquer à ses élèves. » ( E. CAZES 1 .) Ainsi, il crée le respect qui entraîne les cœurs et soumet les esprits.
1. Bulletin départemental des Bouches-du-Rhône. Ja :i l"i ,, r 1888.
�CHAPITRE XII
L'instituteur et la vie publique. Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime hors de l'école? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux instituteurs.
Aux termes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public, établi par la loi». (Art. 10.) En conséquence, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen peut, donc, parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi». Il semble que cette double f acuité: librement penser'et répandre ses _ opinions, doiYe être reconnue à l'lnsti. tuteur autant, sinon plus, qu'à tout autre : sa mission n'est-elle point de former des citoyens? Les aYis, cependant, différent. Certains admettent la plénitude du droit défini par la Déclaration; d'autres, au CO!f,• , traire, estiment des restrictions nécessaires, par le fait même de la fonction : il ne saurait y aYoir, pensentils, désaccord entre l'enseignement donné et les. opinions exprimées hors de l'école.
=
1. L'attitude de l'instituteur dans la vie publiq11e. = a) Les partisans de la première thèse
n'acceptent point que l'instituteur puisse être « diminué » dans sa liberté de pensée et de propagande: il_s
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exigent celle-ci comme un droit absolu, inhérenl à sa qualité de citoyen, sauf à répondre des abus réprim és par les lois (par exemple : la provocation, par des discours publics ou dtJs ~crits mis en vente, affichés, distribués, à offenser les bonnes mœurs ou le ch e f du Gouvernement, à dése1·ter, se révolter, etc.). Ils n'entendent poiqt protéger la pens ée en elle-même, invisible et insaisissable, mais sa manifestation, qui lui donne une valeur : que servirait de s'arrêter à une opinion, s'il demeurait impossible de la révéler, propager, défendre? Interdire à un éducateur de manifester ses vues sur la structure sociale, par exemple, ou sur les décisions intéressant la vie nationale, les relations entre pàys, ou, encore, sur la , néc.essité d'empêcher le retour des guerres, de tendre au rapprochement de peuples longtemps enneh1is chose permise à tout citoyen - constitue la pire des atteln.tes à un droit imprescriptible. De plus, c'est entraver sa mission et en avilir le caractère : n'est-cc point l'obliger à d'hypocrites silences, peut-être , même, à une attitude opposée à ses convictions? Quel ironique illogisme : peser sur son jugement et sa conscience ef lui confier la formation des citoyens, libres de pensée, de parole, d'action! b) En droit, cette thèse parait fobdée : nul ne ve~t d'un « citoyen diminué » pour édirnateur. En fait , est-il possible d'accepter que sa mission s'àmoindrisse d'un désaccord entre son enseignement et spn attitude P , 1° Au regard de l'Etat, il se trouve dans Pobligation stricte de témoigner un absolü loyalisme, c'està-dire, non seulement d 'en respecter, mais d'en accepter les prineipes moraux et politiques. TAINE, r~fusant le serment de fidélité à l'Empire et résignant ses fonctions, estimait logique et probe de ne pouvoir· servir deux maîtres à la fois . Le spectacle serait,
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en effet, choquant d'un Instituteur qui exposerait, dans sa classe, l'organisation du régime républieaiu et en justifierait la légitimité, mais, au dehors, aflirmerait ses convictions bonapartistes ou royalistes el 1!mploierait ses loisirs à les répandre 1 • 2° Plus délicate se présente la question de savoir si, libre de penser ce qu'il lui plaît, l'Institnteur né se trouve point tenu au tact, à la mesure , en matière de p1'opagande. Sur ce point, la doctrine administrative, t:lèttément formulée, vise tous les fonctionnaires, - on ne l'a point assez remarqué - et non les seuls membtes de l'enseignement : « Les fonction,!aires, précise-t-elle, ont l'entière liberté de leurs opinions, hrnis ils ont le devoir de ne point compromettre, dans des luttes et des polémiques étrangères à leurs fonctions, l'autorité dont ils ont besoin pour l' aceomplissement de leur mission 2 • » - Interprète d'une grande personne morale qui le dépasse : la Nation, !'Instituteur a reçu d'elle, avec sa fonction, une certaine autorité, qu'il a pour devoir de maintenir intacte, tou·t au moins . Elle se renforce de la confiance des parents, des notabilités locales, de tous ·ceux qui, groupés autour de lui, sont en mesure d'apprécier la dignité dans la tenue, une latg~ et tolérante compréhension des cœurs et des espl'its, la perspicacité d'un bon sens servi par la prudehee et la modération du langage. Parmi ceux qui l'entdurent, quelques-uns, d'esprit faible, ou peu portlls à la critiqu~, sè laissent séduire par les formules simplistes d'ingénieux bavards et de joui·naux insinuants, ou par les attaques passionnées d'un véhément discoureur, habile à flatter les mauvais instincts. L'lnstituteur qui se joindrait à
1. Ce point a été spécialemenl examiné dans le cl:! . IV, § Il : Restriction à la liberté d'opînion de l' lnstitltteur. 2. Journal Officiel, 29 septembre 1922.
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eux pourrait plaire, un instant, aux malheureux qui l'environnent, - mais ne trahirait-il point leur confiance à soutenir de son autorité d'irréalisables espoirs? Qu'il indique, à l'occasion, comment améliorer les lois, rien de plus conforme à son rôle : éveiller le sens critique et montrer que, dans une démocratie, il n'y a aucune place pour le droit « divin », absolu et définitif, puisque la Constitution est revisable 1 • Mais, fidèle au respect des lois, en bon ouvrier d'une discipline nécessaire à la vie et au salut du pays, qu'il ne se départe jamais d'une prudente modération : à qui prêche la résistance, les représailles, les moyens dilatoires ( refus de l'impôt, par exem pie) pour manifester contre une loi déplaisante, il doit opposer la fermeté de conseils conformes à son enseignement. 3° Par aill~urs, la nation lui conféra l'autorité attachée à sa fonction avec cette condition absolue : en user pour le seul bien général. ll ne peut, par suite, la détourner de cette fin pour le service d'un parti. Au surplus, en matière d'opinions ·politiques, la discussion est de règle, d'autant plus agressive, acerbe et injuste, que de profonds dissentiments séparent les citoyens. Or, en classe, l'instituteur enseigne que la Constitution admet toutes les opinions à se manifester dans le choix de la représentation nationale : par suite, et au même degré, elles demeurent dignes de respect et de la protection des lois 2 • Il affirme que cha~un est tenu de voter selon sa
1. Art. 8 de la loi du 25 février 1875. L'initiative de la revision appartient au Président de la République et aux Chambres . La décision doit être prise à la majorité absolue dans chaqu e Assemblée, délibérant séparément . 2. La loi pu~it d'amende et d'emprisonnement la corruption et la contrainte auprès des électeurs (art. 109 à 113 du Code
pénal),
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conscience, de rester calme et de bonne foi, de s'incliner devant le suffrage rendu, si décevant soit-il. A cette sage doctrine, conforme à l'intérêt national, pourrait-il, sans se déjuger et se condamner, opposer, sous prétexte de liberté d'opinion, les manœuvres tortueuses et les violences passionnées d'un partisan? « Notre personnalité ne se dédouble pas au gré de nos fantaisies. L'homme qui se sera fait connaître hors de l'école comme un militant ne retrouvera pas, à sa volonté, dès qu'il en aura franchi le seuil, l'autorité nécessaire à ses fonctions. » ~A. CaotsRT',) Le devoir, c'est de conserver son indépendance et sa dignité, par suite, « de s'interdire tout ce qui dépouillerait sa personne de l'autorité morale indispensable à l'exercice de ses fonctions, et notamment, tous les excès de parole et d'action incompatibles avec son caractère d'éducateur ». (F. Bu1ssoN 2 .) A se mêler d'élections, l'fnstituleur altère sa fonction et la compromet: les attaques d'adversaires injustes et violents le ridiculisent ou créent la défiance; dans l'ardeur du combat, il se laisse aller à des paroles ou à des actes répréhensibles, ou . néglige sa classe au profit d'œuvres parasites (visites ou conversations de propagande, organisation de réunions, envoi de correspondances, etc.) . Il ne lui convient point de « s'asseoir sur la ~anquette d'un café, d'écouter les raisons de chacun et d'y répondre. Son attitude doit avoir un cachet de délicatesse et de .distinction morale, d'éloignement pour la vulgarité 8 ». Au temps où des serviteurs maladroits et peu scru1. Pour les Instituteurs. DxLA.GRAVB. 2. La Foi laïque, ch. Les droits civiques du Professeur. HACHKTTB.
3. Jules PAYOT. Aux Instituteurs et aux Institutrices , ch. Situ1tio11. de l'ID1tituteur e11.ven les grands intérêts de la vie,
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prtleux de };idée républicaine, excilés par la violence des assauts livrés cont!'e le gouvernelnerit âc leurs vœux, avaient voulu faite des institlltents cc ee ciu'il y a de plus triste au mondê : des .agents d'élection », la voix pressante et griive de J. FERRY tléfihi~sait ainsi le devoir : « Dites at1x In s tltU teul's qll'ils ne doi11enl être ni les servil.eul's ni les chefs d'nn parti; dites-leur que leu!' ambitio,1 doit viser plus haut qu'au:t petites luttes des petits milieux dahs lesq1tels ils sont jelés. Ils ne doi11 en.t pas falre de polîtiq11e, non! Ils doivent être eh dehors de la politique. Pourquoi? Parce qu'ils doivent êtl'e, parce que hoLis voulons qu'ils soient éducateurs 1 ... » << Restez, Messieurs les Instituteurs, là oû hos lois et iios mœurs '\rous ont placés, restez avec vos petits enf::lhts clans les régions sereines dê l'école! Cette abstention de l'instituteur est d'autant plus nécessaire que le régime sous lequel nous vivohs est plus profondément aémocratique. Oui, si le gouverhemer1t démocratique est nécessairement èlestiné à voir de fréquents changements de personnes, si ,cette mobilité du personnel gouvernant est la force de ce gouverneme11t, si elle fait sa sécurité contre les révoltHions, en même temps ,qu'elle est un gage de la honhe conduite des affaires, ·à côté de cette admirtistrâtlon chadgeah le, il faut qu'il existe un. cbrps enseigt1ant digne, stable, clura·ble, 11eillant d'un œil jalollx sur le JJlus gl'antl ét le plus pel'lnaneht des intéi·éls publics, l' etisefgne,it!mt national, sur la chose la plus sacrée et la plus respectable ctui soit dabs le monde, l'âme de l'enfant~. >) Il serait difficile de souligner avec plus de force et de vérité cette incompatibilité entré la fonction d' é1. Congrès pédagogique de 1880. 2, Congrès pédagogique de 1881,
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duGatenr et le rôle d'agent électoral. Celui-ci, pat opinion ou, plus souvent, par intérêt, d éfend une causa étrangère à la généralité et à la sérénité des théories, soqmise aux influences les plus diverses et les moins avouables (combinaisons étroites et mesquins calèuls, jeu des ambitions personnelles, haines de~ rivalités, etc.). Celui-là « ne fait pas des élections, mais des électeurs » (Jean MAcll); il s'occupe, non des actes politiques, mais de « développer les dispositions qui les inspirent: l'esprit d'humanité, l'attachement au bien général, la lutte Gontre l'étroitesse, la sécheresse, l'égoïsme 1 ». Son intervention dans les querelles locales doit se déterminer par le souci d'amener la paix. Car la raison d'être de l'école na-tionale, c'est de pacifier les citoyens : comment servil!ilit-il ce dessein, l'éducateur qui, dans la manifes. tation publique de ses opinions, par son absence de tact et de mesure, exciterait les rancunes et pousserait à la défiance? c) Ainsi se dessinent des règles pratiques de conduite : 1) Voter selon les indications de sa conscience, sans . forfanterie ni démonstrations thédlra/es (jadis, à bulletin ouvert; aujourd'hui, que le passage à l'isoloir est obligatoire, en annonçant son choix, par exemple). 2) Se refuser, simplement, mais avec fermeté, à touM sollicitation de politicien : du moment que le principe même du Gouvernement n 'est plus en jeu, l'activité dépensée ne profiterait qu'à des personnes, de semblable nuance politique, parfois. Epouser leur cause enchaîne à leur fortune. En cas cl 1échec, avanies et traGasseries de toutes sortes ne manqueront point; vienne le succès : pense-t-on se préserver de l''.1mer1, P4YoT. Op, cii.
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turne des vaincus? Jadis, J. FERRY constatait, avec indignation : « Les Instituteurs sont devenus, en quelque sorte, des pions qu'on faisait mouvoir sur je ne sais quel échiquier _ lectoral, menteur et frelaté. é On les a déplacés, on les a frappés, inquiétés ... » Aujourd'hui, on n'exige plus d'eux des« ser~ices électoraux »; tout au contraire, on leur prescrit d'éviter tout risque d'aliéner leur indépendance. Ils « ne doivent répondre, en aucun cas, aux demandes de renseignements de nature politique, soit sur des personnes nominativement désignées, soit sur la situation électorale, soit sur l'influence respective des journaux, soit sur des candidatures éventuelles 1 »; ils sout invités à « redoubler de Yigilance et à prohiber dans les écoles primaires la distribution de tous écrits, brochures, circulaires ou prospectus constituant un acte de propagande en faveur d'un parti, d'une ligue ou d'une association politique quelconque. Cette règle est générale : elle ne doit souffrir aucune exception 2 ». Les garanties obtenues par l'action corporative contre l'arbitr11ire administratif ont valu à l'instituteur une grande indépendance. Il doit s'en montrer jaloux et fuir toute occasion qui risqQerait de l'entamer. 3° Conserver une attitude digne et prudente dans les réunions publiques : pour peu que son intervention se produise dans une atmosphère passionnée, elle apparaît, . pour certains, agressive et inopportune. Ils crient à la pression officielle et reprochent à l'instituteur d'être « aux gages du Gouvernement ». Son droit, cependant, est incontestable de participe!' aux discussions : que ce soit avec courtoisie et dans
1. C, du 2 mars 1893, 26 novembre 1904, 8 décembre 1904. 2. C. du ~ avril 1901, 29 mai 1920, 19 juin 1920, 28 avril 1925.
�L'INSTJTUTEUII E1' LA VIE PUBLTQUE
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le seul but d'aboutir à la clarfé. Alors, se prolonge, hors l'école, une influence salutaire, qui ne veut ni pervertir les opinions, ni seconder un prosélytisme politique, mais, uniquement, éclairer les consciences'.
= II. L'instituteur et les fonctions administratives.= L'art. 25 de la Loi Organique interdit
les « fonctions administratives » aux « instituteurs e·t institutrices public~ de tout ordre », en exercice. En aucun cas, !'Instituteur ne peut accepter le mandat de maire ou d'adioint : la prohibition, totale, ne se limite point à la commune où il exerce, comme pour la fonction de conseiller municipal2. De même, lui demeurent fermées les délégations cantonales, commissions administrati11es des bureaux de bien/aisance, etc. La plupart de ces fonctions touchent à la « politique » locale: ainsi s'explique l'interdiction formul~e. Toutefois, dans l'iritérêt public, une exception est consentie pour le Secrétariat de Mairie 5 et les œuvres qui s'y rattachent dans les petites communes (Caisse d'épargne, secrétariat du Bureau de Bienfaisance, etc.). Encore, l'autorisation du Conseil Départemental est-elle requise et, depuis longtemps', de pressantes recommandations aux préfets insistent sur le devoir d'éviter tout relâchement des obligatiops professionnelles. « Vous devez veiller à ce que les instituteurs communaux, autorisés à remplir les fonc1. Il est formellement interdit aux instituteurs publics de « conduire leurs élèves aux réunions et conférenc.es offrant un caractère politique» (C. du 18 novembre 1883). 2. Il peut être élu ailleurs; mais, si on le désignait pour maire ou adjoint, il devrait être mis en demeure d'opter entre ee mandat et sa fonction.
3. Cf. ch. XIII : l'/nstituteu1' Secrétaire de mairi~. 4. C. du 24 juillet 1875.
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MOif.ALE PROFESS/ONNELLt
tions de Secrétaire de mairie, s'acquittent de cette tri che sans nuire à l'accomplissement de leurs devoirs professionnels ... Si des maîtres encouraient quelques reproches à cet égard, vous ne devriez pas hésiter à proposer au Conseil Départemental de leur retirer l'autorisation qui leur aurait été primitivement ac. cordée . » Fait digne de remarq,ue : les lois du 10 aoC1t 1871, des 2 aolÎt et 30 novêmbre 1875, ne tnentionnent point les institutetus parmi ~es inéligibles, dans le ·département où ils exercent, comme conseîl/e,·s généraux, députés et sénateut·s. Est-ce un oubli? ou bieb les promot eurs de ces lois 0nL-ils estimé qu'un Instituteur n'aurait aucune chance de se voit· confier de tels mandats 1 ? ou encore, ont-ils pensé que, le cercle de la commune franchi, son intervention dans les luttes politiques, lointaine et d'un caractère relevé, resterait sans répercussi011 dangereuse sur sa fonction? Quoi qu ' il én s0it, il est difficile d'admettre que cette fonction ne p f1tira jamais des vicissitudes d'une campagne électorale~, des critiques qui s'attachent à , la personne d ' un élu, surtout dans l'e11-ercice du man<lat de Conseiller G éné ral, puisqu'il est p ermis à l'Ins· -tituteur de le remplir sans cesser d'ens'eigner .
. 1. Les communications, la press e étalent moins développées qu 'au jourcal'bui, les sentim ents « éga litaires » aussi; surtout,
l'aut ori té gouver nemental e se , ontrait dislante et rude pour m le personnel enseignant. 2. Le fonctionnaire candidat aux élections législatives dans des conditions ne lui pet·tnettant pas d'assurer, en même temps, son service, est ri:iis en congé p enda nt la période élec~ torale (temps qui s'écoule entre la publication du décret con:voquant le collège électoral e t la proclamntion des résultats· définitifs par la Commission de Hecen,;cmcnt général des rntes). JI n'est point remplacé dans sdn emploi, qu'il reprend s'il n' es t point élu (C. du 27 janvier 1925) ,
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Conclusion. = Préserver sa dignité, parler et agir avec prudence et courtoisie : telle doit être la règle suivie par !'Instituteur clans son contact avec la vie publique. Citoyen, il jouit du droit de penser librement : nul gourernemenl ne peut lui imposer une orthodoxie. Mais, d é positaire, dans une large mesure, des grandes traditions républicaines, il reste, par là même, sous la dépendance de l'opinion publique. D'où, l'obligation de veiller jalousement sur les intérêts qui lui sont confiés et, par suite, de s'interdire toute manifestation qui, au regard des familles, du public, de ses chefs, risquerait de compromettre l'autorité nécessaire au bon exercice de sa fonction.
=
1 ,·
�~CHAPITRE XIII
L'instituteur Secrétaire de Mairie.
Dans la pr13sque totalité des petites commun;s rurales, le Maire ne peut, faute d'instruction, assurer le travail administratif inhérent à sa charge. Si, par aventure, il montre des capacités suffisantes, absorbé par ses occupations ou désireux d'éYiter une besogne ingrate et d'un médiocre intérêt, il se décharge Yolontiers, sur un tiers, du trayail d'écriture. Ce tiers ne peut être un / onctionnaire spécial : la commune est trop pauYre et de peu d'importance. La plupart du temps ce rôle échoit à l'1nstituteur : n'offre-t-il point toutes garanties de savoir et de sécurité? La tradition est _ telle qu'en maints endroits, dès son entrée en fonctions, l' Instituteur devient Secrétaire de Mairie.
=
I. Les inconvénients du Secrétariat de Hail'ie pour l'lnstituteul'. = La situation ne va,
certes, point sans désagréments. L'accepter, c'est aliéner ses heures de loisir, sa liberté du jeudi et même celle du dimanche, sacrifier pour une bonne part le repos des vacances. En dehors des travaux d'écriture accomplis à la mairie, il faut, en effet, recevoir un public qui choisit son heure : sans aucun souci des convenances, mais d'après ses seules commodités, il se présente tantôt de grand matin ou fort avant dans la soirée, tantôt au moment des repas ou pendant la classe 1 • Encore, le Sect·étaire doit, de temps à
1. Voir dao• l'ouvrage d'E .
PtROCHON :
L'instituteur, au
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autre, accompagner le Maire, en visite auprès des diverses autorités administratives, ou aller se renseigner auprès d'elles. Pour une rétribution souvent mediocre,, il est appelé à connaître toute l'organisation administrative : état civil, comptabilité corn. munale, étrangers, police, biens et travaux communaux, contributions, affaires militaires, élections, etc. Les lois sociales de la 3• République, les répercu~sions de la guerre, l'évolution économique et démographique qui suivit, ont considérablement alourdi sa tâche. Par surcroît, lè public, impatient, mal au courant des formalités administratives, peu compréhensif de ses droits et du rôle véritable du Secrétaire, trop souvent le considère comme un domestique, se montre, à l'occasion, d'une inconcevable exigence ou d'une injustice révoltante. Lettres à écrire pour affaires personnelles , démarches à entreprendre, renseignements à procurer, etc., tout est prétexte à de pressantes demandes, et, parfois, sans le moindre témoignage de reconnaissance. Au contraire : ne va-t-on pas jusqu'à se plaindre amèrement, en cas d'échec, d'une négligence ou d'une incompétence, voire d'une · trahison, gratuitement supposée·s? D'autre part, les spécialistes des diverses administrations de qui dépendent les affaires communales·, tatillons, rel.è vent san~ aménité la moindre irrégularité, le · plus léger retard. Ennuis nombreux; travail fastidieux, s'ajoutant à l'effort de conduire une classe, si pénible dans une école à un seul maître; rémunération médiocre : n'est-ce point assez pour justifier des maîtres décidés à « ne jamais accepter le Secrétariat de la Mairie •? D'autant que rien ne les y a préparés et
ch. VI, l'instituteur rural, une amusante scène (pp. 62 -65) SUl' ce sujet (HACHETTE. Collection Le& Car(l.ctères de ce Temps].
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MORALE PROFE"SSTONNELLE
qile s'y adapter demande pas mal de temps et d'efforts 1 •
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II. Pourquoi l'instituteur doit être Secréta.ire de iHairie. = L'fnstituteur qui, nouveau venu dans un poste, re('useraii le service du Secréta-
riat, assumé par son prédécesseur, commettrait une grave maladresse. a) Tout d'abord, il froisserait et indisposerait une municipalite dont il aura besoin en. maintes circonstances. Elle peut faciliter son contact avec la popula-tion et,, pa11 la suite, Paidér à éviter ou à aplanir des difficultés dangereuses pour son autorité. Non - seulement le Maire représente la population parmi laquelle la tâche quotidi e nne s'accomplit, mais il a de nombreuses attributions en matière d'enseignement primaire 1. Vivre en bons termes avec lui, avec . le Coaseil Municipal «'{Ui l'assiste, ne peut que bien . servir les intérêts scolaires. A fortiori, se trouver en contact quotidien avec eux et collaborer à la tâche qu'ils ont acceptée : pour obtenir les crédits nécessaires aux réparations des locaux, du logement, surtoet, qu'on tend à trouver toujours satisfaisant, à l';ichat du matériel scolaire, etc., nul n'est mieux . placé ,qu'un Instituteur Secrétaire de Mairie. D'autre part, bien qu.e moins directement intéressée, la po.pulati:on tiendrait rigueur d'un refus qu'elle jugerait 4ésobEge- nt : q-uel.s que soient ses efforts, l'1unénit_ a é ·de son ca,r actère, son désir de bien faire, le nouveau ·venu a,urait du mal à effacer c·e tte fâcheuse impression. b) Tout au contra--rn, le Secrétariat lui permettra de i
1. D;ms que~qu,es ,Écq)es N ormaies, une pr,é paration à ces fonctions a été organisée. Il est à souhaiter que cette heureuse .jnitia-tive s_ généralise. e · ' · _ 2, Ç(. cl;,. VlJ.I, Rapp-;o,rts avec les autorités.
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se faire apprécier et estimer par les services rendus. On juge d'abord - et vite - !'Instituteur comme Secrétaire : le prestige du c< greffier » rejaillit sur les «régent». Il est, même , arrivé qu'à force de tact el d'obligeance , se seient dissipées la froideur et l'hos'tilité témoignées à l'instituteur laïque. Des municipalités, adversaires de l'enseignement neutre, mais ne pouvant se dérober aux légitimes demandes d'un Secrétaire estim,é, ont fit1i par cdnsacrer au .service scolaire plus que les dépenses jusqu'alors impo~ées d'office, et par consentir aux maîtres d'intéressants avantages en nature. Cette« victoire» toute pacifique n'est-elle tJoint là meilleul·e? c) Corn bien différerHe la situàtion si, après avoir essuyé un refus, le Maite sè rabat sur un Sect·étaire de fortune! Les erreurs, les tâtonnements, inévitables pour tout débutant, mais plus nombrènx et q.urables quand, avec l'instruction, manque la souplesse d\t• daptation, créent un mécontenteinent général, a~gui~ë d'une pointe de rancune contre !'Instituteur. Par l.:l ·suite, parvenu à une c rtaine assurance, grâce à U rn pratique, le « remplaçant >l ne manquèra. poitit, · ~alou~ d'une situation à laquelle il ne saurait préi tendre, de critiquer l'instituteur, de lè rabaisser par des comparaisohs désobligeantes et des affirmation~ tendancieuses. De là à s'estimer son égal," voird même son supérieur, le pas sè franehit ·vitê. P'où :_ conflits, à l'occasion du nettoicrhe'n t, au: chauffage, de l'éclairage, de l'eniretie11 des lop11u~, ,e t disparition des menus arnntages du poste. Ce sera l'a1110ihdrisse~ ment d'une situation qu'on doit avoir à e,œ ur de trans J mettre intégrale, sinon améliorée, à son successe.LÏr,. t ) ' • Enfin, comme les conflits s'ënve·ni111ent vite,_surt~µt si le Secrétaire, très susceptible _ q~ant à soq. ·prestige, ile double d'un ennemi de l'écolei ln positidh devient
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JtORALE PROFESSIONNELLll
:vite intenable. Il ne faut, donc, point fuir c·e poste de Secrétaire de Mairie, d'où l'on peut mieux faire aimer .l'Ecole et servir son idéaP.
= Ill. Situation légale de l'instituteur Secrétaire de Uairie.
= a) Pour ces raisons, la Loi Organique, formelle dans l'interdiction faite aux instituteurs de se livrer à une profession commerciale ou industrielle, ou d'accepter une fonction administrative, a prévu l'exception du Secrétariat de Mairie Il, Mais, soucieuse d'entourer de garanties cette dérogatio-n au principe : l'instituteur se doit tout entier à son école, elle a prescrit qu'une autorisation du Conseil Départemental serait nécessaire. Par la suite, et à maintes reprises, il a été rappelé que cette autorisation, donnée à titre précaire, donc, révocable, ne devait nuire en rien à l'accomplissement du devoir professionnel : en aucun cas, elle ne peut « permettre aux instituteurs de s'occuper, pendant les heures de classe, de traYaux étrangers à l'enseignement 3 ». Si l' lnstitu leur prête son concours aux médecins vaccinateurs, c'est sous réserve que les opérations vaccinales aient lieu, sauf circonstances exceptionnelles, dûment justifiées et approuvées par les Préfets et Sous-Préfets, en dehors des heures de classe•. Dans le cas., seulement, de l'intérêt supérieur de la défense nationale, la règle fléchit : l'instituteur Secrétaire de Mai:rie èst tenu de « coopérer aux travaux des com1. « Il est important, pour l'école et pour les maîtres, que, partout où on le lui demandera, le directeur de l'école accepte ces fonctions. o (C. du 17 mars 1927.) 2. Voir ch. L'instituteur et la Vie Publique, § Il, L'institu-
teur et les fonctions administratives, 3. Art, 25 . . ft, C. du 24 juillet 1875. • 5, C, du 7 avril 1905.
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missions de cla.s sement des animaux de réquisition, a lors même que les opérations auraient lieu pendant les heures de classe 1 • » En dehors de ces espèces, le maitre qui subordonnerait sa tâche d'éducateur à celle de Secrétaire s'exposerait, non seulement au retrait de l'autorisation donnée par le Conseil Déparlemenfal, mais à une sanction déterminée par la gravité des abus commis. b) Le Maire nomme le Secrétaire de Mairie i, le suspend ou le révoque 5. Comme le Conseil Départemental ne se réunit point à dates fixes, le Préfet accorde une autorisation provisoire. Avant d'entrer en fonctions, l'instituteur doit provoquer un arrêté municipal le nommant Secrétaire, et adresser au Préfet, président du C. D., par la voie hiérarchique, une demande d'autorisation à soumettre à cette assemblée~. La possession d'un arrêté de nomination garantit l'avenir, e~ cas de brusque congédiement. Un recours en Conseil d'Etat est possible contre tout renvoi injustifié, ou non accompli dans les formes réglementaires ( communication du dossier).
1. C. du 30 avril !895. 2. « Rieo ne s'oppose à ce que la fonction de Secrétaire de Mairie soit remplie par les Institutrices; il existe déjà plusieurs combinaisons de ce genre, et je sais que diverses municipalités s'en félicitent. » (C. du 24 juillet 1905.) 3. Loi du 5 avril 1884, art. 88, modifiée par la loi du 23 décembre 1919. 4. Modèle : Je sollicite du Conseil Départemental de l'En• seigoemeot primaire l'autorisation d'exercer les fonctions de Secrétaire de Mairie dans la commune de •.• , en remplacement de M... qui a cessé ses fouctions le ... La population actuelle estJde ... ; l'indemnité prévue s'élève à ..• En attendant qu'intervienne la décision du C. D., je vous serais très reconnaissant de vouloir bien me délivrer une autorisation provisoire, Agréez, etc,
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La multiplicité des affaires rend la tâche du 'Secrétaire difficile; les erreurs ou les négligences qu'il peut commettre engagent sa responsabilité. Aussi doit-il, avant tout, bien se renseigner et se documenter. a.) Le débutant trouvera des conseils éclairés au prés des collègues déjà en exer_cice : à coup sûr, ils ne lui r e fuseront point, avec leurs avis, les lumières de leur expérience. Sa bonne volonté, une étude attentive des textes administrati1s, l'examen des registres des délibérations du Conseil Municipal et des arrêtés du Maire, celui des budgets, compléteront rapidement cette init~ation. b) Dès la prise <Je service, commencera l'inventaire de la bibliothèque administrçtive de la commune. ,Trop souvent rédqite, elle se présente dans un grand désordre. Or, il est des publicatjdus dont la consultation est fréq11ente, par exemple : le Recueil des Actes administr'atifs de la préfecture; la Loi municip_ du 5 a~rjl_1fül4 et ses modifications 1 ; un Comale mentaire sérieux qe_Il! q1.ê1fül lPi; !'Annuaire départem en tal, un bon manuel et un formulaire détailléj; enfin, quelques ouvrages spéciaux qui aideront à comprendre le mécat1ish1e des lois plus importantes et d'une application fréquente 8 ; Î'abonnement à des
• 1. lï:dition de BERGER-LEvRA\JLT, Naney. Com~entaire de Léo Mo11GAND. 2. DuBA/l/lY, Le Secrétaire de Mairie. Le Formulaire des Ir/aires, Publications administr:)tives, 22, rue Cambacérès, Parie 8•. Pour les actes cÎe l'état civil : le Formulaire général des , actes de l'état civil, BERGER-LEVI\AULT, Nancy. · 3. Le Budget communal de PLfoT e t EsrissE. Bureaux de la l\jajrie pratique, 50 1 cgur!I Berriat, Gr_euoble1 Les Chemins ruraux; par MoNTSAHHAT 1 ~2,.XU{l Cambacérès, Pads;
= IV. Nécessité de se documente1•. =
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publications périodiques com piétera cette docutnen~ talion et, pa1· là, donnera le moyen d'aborder et de résoudre bien des difficultés 1 • c) Enfin, l'étude de particularités locales, rendue poss ible par des archires bien class ées, tenues exactement à jour, permettra de réduire rapidement et à coup sùr les contes tations qui s'élè1rnnt journellement dans l'administration des propriétés, leur bornage, partage, etc. Bien qtrn n'appartenant point, de par son origine, à la commune, le Secrétaire doit être en mesure d'en connaître, aussi exactement que possible, la vie passée et présente pour renseigner et conseiller utilement les administrés. De la sûreté de ses interventions dépendra son influence.
= V. Qualités essentielles du Secrétaire de iHairie. = Pour mener it bien une tâche aussi complexe, il importe d'acqnérir certaines qualités ou de les développer, si on les possède déjà. a) En premier lieu, l'ordre. li faut s'astreindre à classer sans retard et méthodiquement pièces et documents. On évite, ainsi, de perdre du temps en recherches inutiles, et des disparitions aux conséq1,1ences ennuyeuses. La tenue d'un répertoire permet d'aller droit au document nécessaire. Celle d'un
Guide des victimes de la guerr.e, de
Pag~, 5, r~e Littré, à BQ1'rg (Ain);
Ci.AMBARn,
chez Louis
DictiQn'!fZire des comptes (i,e g~stio11v par CASSAN, Poul-deVaux (Ain), e~c. . 1. Journal des Maires, 22, ru~ Cambaçérè,;,, Paris. Mairie pratique et Répertoire administratif, 50, cours Beri riat, Gre.noble. Journal des Communes , 8, rue de Nesles , Paris.• L'Ecole des Communes, lt, rue de Bouloi, Paris. La Vie municipale et départementale, 15, rue Guénégaud, Paria.
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MORALE PROFESSIONNELLE
registre d'entrée et sortie, pour la correspondance, fournit des arguments décisifs pour se justifier, au regard du Maire et de l'administration départementale. En aucun cas, il ne faut se fier à sa mémoire : des oublis, des erreurs peuvent se produire, souvent graves d'effets, notamment pour les actes de l'état civil, dont, seuls, les tribunaux peuve·nt ordonner la rectification, ou l'établissement, s'ils n'ont point été dressés en temps utile. La prudenee commande de noter toute demande verbale et de classer la fiche établie dans un dossier adéquat, afin d'éviter, non seulement les reproches consécutifs à un oubli, mais les con· séquences résulta!}t de l'inobservation de délais fixés. b) Ensuite, l'exactitude. Ce doit être une règle stricte de ne rien laisser t,raîner : l'accumulation du travail grossit les difficultés; elle paralyse l'effort, en diminue la qualité et le rendement : la bousculade produite au moment du règlement de nombreuses affaires place l'esprit dans de mauvaises 'conditions de travail. Au surplus, puisqu'une affaire doit être traitée un jour ou l'autre, à quoi bon tarder? S'en débarrasser au plus tôt est sagesse. Une prompte réponse laisse, d'ailleurs, une impression favorable; à l'occasion, elle incite à la bienveillance, à la patience. Enfin, elle libère l'esprit d'un souci. Sous prétexte de rapidité, il ne faut point se résoudre à l'à peu près. Tout renseignement engage la responsabilité de qui le transmet : c'est un véritable abus de confiance que de le donner incomplet ou erroné. Bien souvent, en matière de statistiques, on se montre volontiers coulant sur la valeur des éléments fournis. A tort 1 : le souci d'exactitude doit être
1. On l'a bien vu, en des temps difficiles où le pain devait être rationné : de sévalnations optimistes, touchant ensemence• ments et récoltes, amenèrent d'irritante• déconvenues.
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pouss~ jusqu'au scrupule. Se relire, même collationner, devient de première nécessité pour les actes importants, tels ceux de l'état civil. Si, malgré toute l'attention dépens ée à les rédi ger, quelque erreur s'est produite, il convient de s'e n tenir, strictement, aux presc.riptions légales : éviter les surcharges; mentionner, en marge, des renvois dûment approuvés. On ne saurait trop insister, touchant ces actes, sur la nécessité d'une tenue matérielle irréprochable, de l'exactitude parfaite des renseignements à y consigner\ d'un choix précis de formules renfermant les énonciations exigées par la Loi et de la signature immédiate par les témoins. En cas de difficultés ou d'hésitation, ne rien trancher par soi-même, mais prendre l'avis de personnalités autorisées, en l'espèce, du Procureur de la République. c) Vouloir être exact entraîne la constante préoccupation de rester prudent. En .toute occasion, quelque pressantes que soient les sollicitations il faut se refuser à admettre, à couvrir des irrégularités. Ainsi, la validité d'un mariage dépend d'un certain nombre de conditions : entre autres, qu'il doit être célébré par le Maire, ou un Conseiller municipal, spécinlement délégué_, Longtemps, une pratique assez fréquente, dans les campagnes reculées, voulait que le Maire fût remplacé par le Secrétaire : nul ne se doutait qu'un tel mariage était entaché de nullité. De même, dans la vérification des mémoires, des comptes, dans l'ordonnancement des dépenses, il faut refuser d'accepter
1. En particulier, il importe de s'attacher à bien orth-ographier les noms et prénoms, de v~rifier les dates et de les écrire en toutes lettres, de faire signer chaque acte dès achèvement de la rédaction. Un oubli, une erreur, ne peuvent être rectifiés qu'après une longue et coûteuse procédure devant le tribunal civil.
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des « arrangements », de fer1ner les yeux sur les exagérations des devis. Le maniement de fonds communaux par toute autre personne que le Receveur municipal - la ic gestion occu lte » - est irrégulier, même pour des sommes minimes, et s'il en résult.iit des simpHfications. Encorn, toucher les mandats destinés à un tiers expose à des ennuis, quand on a remis l'argent saas exiger de re.çu. A fortiori ne doit-on point simuler des dépenses, pour rendre des sommes d, sponibles (c'est le {< faux en écriture publique », i relevant de la Com· d' Assises); même si .cet argent est dépensé avec l'assentiment du Conseil Muniçipal, l'acte n'en reste pas moins répréhensible. Le mieux est d'opérer régulièrement ~ faut-il solder des dépenses pour lesquelles n'existe aucune recette au budget? On demande, par délibération, l'ouverture d'un crédit supplémentaire'. d) La discrétion est, enco1·e, l'une des qu3:lités maîtresses du Secrétaire. Il doit savoir ,,ester à sa place. Or, la tentation est trop forte, pour certains, de se substituer au Maire. Une telle attitude crée des ennuis : d'abord, l'hostilité des mécontents; ensuite, · Ja critique acerbe des jaloux; enfin, la méfiance de la muni«ipalité, le ressentiment du Maire, atteint dans sa dignité, et exposé à des responsabilités résultant de faits qu'il ignore. Un SecFétaire loyal l'évite scrupu1. Pllns certains départeme!lts l'aµto,i té préf~ctorale a étab li d~s tarifs d es tinés à réaiunérer quelques-uns des trnaux d'é· ·criture demandés par les particuliers (déclaration pour l'impôt cédulaire sur le revenu, d emande d 'allocation militaire, de dé. g1·èvements i .copie de .certificats et diplômes, etc.). - 1-,e produit des relevés d'actes de l'état civil doit être versé dans la caisse municipale, à moins qu'une délibération ne l'allribue au Secrétaire, à titre u q'émoluments complément~ires » (C. du 16 ~oûl lSllO). Les conserver sans cette décision constituerail un dé1 tournement pouvant exposer à des poursuites.
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· leusement. Assiste-t-il aux délibérations, bien que la loi prévoie la désignation d'un Conseiller municipal comme Secrétaire? Il ne se mêle pas à la discussion, se bornant à lire, sur l'invitation du Maire; pièees et documents, et à donner les renseignements demandés. Si le Maire le pousse dans le débat, qu'il y prenne une part aussi impersonnelle que possible: à mal soute_ celui-ci, il le méeontente; s'il lui fournit des arnir guments trop eonvaineants CJU froissant des susceptibilités, il risque d'indisposer des adversaires. Le mieux est, donc, de « faire parler » les pièces d'un dossier, en les sortant au moment opportun. Sollicité de faire connaître sa façon de penser, provoqué, hors séance, à des eonfidenees, il observe une discrétion d'autant plus jttstifiée qu'on ne manquerait _ guère d'imputer à grief ses appréciations. Témoin « muet» des débats, il en demeure, aussi, le témoin « inconscierü ». En rédigeant le procès-verbal de la séance, qu'il n'y mentionne aucune trace de discussion orageus(l : l'important est la décision prise. Celle-ci, rédigée dès après la délibération et. signée sans retard, c'est la porte formée à tolite contestation, l'apaisement assuré. Des dissentiments peuvent s' élever entre ;11aire et Adjoint ou Conseiller municipal. En de telles circonstances, une absolue discrétion est de rigueur. Se refuser à accueillir des confidences, encore moins à en provoquer ou à en faire; fournir, à tous, les renseignements qu'ils réclament, mais avee circonspection;· éviter de donner prise à des empiétements sur les attribµtions dévolues à chacun; prévenir les conflits, les dangers qu'entraîPeraient ·c ertains actes; se dé .. gager de to-- 1e emprise, s'écarter des intrigues : telles sont les divel'ses modalités de l'attitude à adopter. A l'égard <!es hçibitant-:;, cette discrétion doit se,
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MORALE PROFESSIONNELLE
manifester d'aussi stricte manière. De par sa situation, le Secrétaire connaît bien des faits qu'on ne se soucie guère de voir livrer à la publicité; il peut être amené à donner des conseils : que ce soit avec modération et un souci réel d'être utile, d'amener le calme, de provoquer la couciliatioo. Rapporter à tort et à travers, avec des commentaires inexacts ou désobli. geants, de menus faits appris dans l'exercicê de sa profession; vouloir forcer des secrets à se révéler, dans un but de curiosité malsaine, l'exposerait à des ressentiments dangereux. Si, par malheur, les circonstances en font naître, loin de s'en offenser, il s'emploie à les détruire. A fortiori, évite-t-il de s'asservir à des rancunes et d'oublier qu'appelé par la Cité à un poste de confiance, il se doit à tous, avec une égale impartialité : aux demandes d'attestations de complaisance, il opposera un refus formel, dans la crainte qu'elles ne deviènnent la source de passedroits ou de conflits regrettables. e) Enfin; l'exemple d'une politesse constante, sans morgue ni froideur, simple et cordiale, donnera du relief à ces qualités. Quelle que soit l'impression produite par le Maire : rusticité, ignorance, manque de franchise, etc., il ne faut jamais oublier que, représentant de l'autorité civile, il a droit au respect et à des égards. Maître et élèves doivent le saluer. A l'occasion d'événements importants, de dates consacrées, le Secrétaire ne peut manquer de lui rendre visite. Ceci n'exclut point le refus courtois, mais ferme, de se rendre régulièrement chez lui pour la signature des pièces : elle a lieu à la mairie. L'instituteur-Se- · 'crétaire n'est ni le domestique du Maire ni celui de la population. On doit le sentir dans la bienveillance qu'il témoigne à tous, dans sa patience à répéter des explicationa incomprises et sa fermeté à faire res•
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pecter les lois et règlements, les décisions prises par le Maire, aussi bien que dans la correction de ses relations avec les divers services. Sur ce dernier point, qu'il demeure toujours convenable, se montre ménager du temps d'autrui et surveille strictement sa plume. Des conflits irritants naissent, souvent, de malentendus, d'écarts d'expressions, d'insignifiantes blessures d'amour-propre. Rester de bonne foi et digne, s'élever au-dessus des mesquineries,c'est mettre de son côté l'estime et, en cas d'erreur, l'indulgence: on ne tient jamais rigueur d'une opinion soutenue honnêtement. La sympathie va vers qui se montre conciliant 1 •
= VI. Son attitude au point de vue politique.= La situation de l'instituteur Secrétaire de
Mairje rencontre un écueil dangéreux: les luttes politiques locales. Ce sont les plus ardentes, les moins inspirées de principes et d'idéaux: mettant le plus en cause les personnalités, elles se trouvent les plus décevantes et les plus cruelles d~ns leurs résultats. Tel adversaire d'hier devient l'allié d'aujourd'hui, au gré des comb.inaisons, des appétits, des courants du moment. Dans ces conditions, comment accepter de s'inféoder aux chefs d'une politique versatile, d'un idéal terre à terre et dont, trop souvent, l'ambition se borne à brimer d'irréductibles adversaires? Certes, la position du Secrétaire de Mairie devient difficile quand il subit une pression destinée à en faire l'homme lige du parti au pouvoir. Mais, doit-il renoncer à se défendre? Exiger sa loyauté est normal; quant à vouloir une soumission absolue, qui pourrait y prétendre ? - Et quel Maire, satisfait d'un Secré1. Par exemple, refuser d'écrire une lettre incorrecte, réplique d'un maire vexé à un chef de bureau.
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taire, doqt il s~nt la n~ctssit~ et éprouve la valeur, se laisserait aller, par dépit, à 1.1n acte d'autprité qui, loin de sej'vir sa fortune, risquerait de l'atteindre en soulevant des mécontentements? Si le Secrétaire de Mairie doit compter avec le Maire, la réGiproque est plus souv~nt vraie qu', n ne c1'oit . Qui a su s'attirer o des sympathies dan$ tQUS les partis est très fort pour résister aux pressions d'ordre électoral. Ce qlli est vrai de !Il politique locale l'est, encore, des electionl; departemenl(l,les ou legisl(l,tives : au demeµrant, ne prolongept-elle.s pas les luttes municipales, puisqiie les par~is lpcaux se dénombrent sur les noms des candidats? En ces circonstances, le Secrétaire surveille strictement ses propos, son attitude: les malintentionnés ne rnanqu13raiirnt point q.e tirer argument, contre lui, de faits insignifiants, de le lancer vers un parti, de l'affirmer hostile à tel autre. En se montrant, dans ces circonstances encore plus que d'habitude, dévoué et serviable pour tous, discret et prudent à l'égard de tous, il maintiendra intacte la dignité de sa modeste fonction . « Un maître, dans une commune, ne doit être le serviteur dégradé de personne. » (GuizoT.)
= Conclusion. =
Puisque le Secrétariat de Mairie est un mal nécessaire, il faut se résQudre à l'accepler et de bon cœur : ne permet-il pas « une action impo!'tante et bienfaisant,e 1 » pour « l'École elle-même autant que pour la Commune »? Indépendant et libre de tout intérêt local, à l'écart des rivalités de partis, uµiquement soucieux de l'intérêt commµn, grâce aux méthodes de travail qu'il a apprises à l'Ecole Normale, l'instituteur peut acquérir.
' 1. C. du 17 m;us 19~,.
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rapidement l'expérience administrntive nécessaire; il ·d evient, pour la municipalit é , un collaborateur de confiance &t, pour les habitants, tin conseiller sûr et apprécié. Il y gagne une considération et une autorité dont l'école publique profite largement. Hier en tutelle, celle-ci tend; aujdurd'hui, il devenir le centre moral de l'agglomération rurale: la participation de l'instituteur à la gestion des inté1;êts collectifs et à l'administration communale ne peut qu'aider à cette heureuse évolL1tion.
�CHAPITRE XIV
Les droits des Instituteurs. Leur statut, Conseil Départemental. Garanties contre l'arbitraire.
Jadis, on considérait l'instituteur comme un serviviteur à gages. Il se plaçait lui-même; mal payé, il s'astreignait à des travau.x étrangers à sa charge (chantre, sacristain, voire fossoyeur), en rétribution desquels il quêtait à domicile. Dépendant de l'auto, ité locale, - c'est-à-dire, presque toujours, du Curé, dont il devenait le craintif factotum, - il ne jouissait d'aucune garantie de stabilité. Aujourd'hui, il ne reçoit plus de gages, mais un traitement, fixé par la Loi et payé par l'Etat, variable avec la durée et la valeur des services, suffisant pour assurer une existence cl,écente. Il dépend de chefs compétents pour diriger et apprécier ses efforts. Des règlements précis le protégent contre l'arbitraire : sa nomination, son a1,1ancement, les mesures qui peu1,1ent l'atteindre, au titre disciplinaire, relè1,1ent d'une . procédure destinée à garantir sa sécurité et le respect de sa dignité . .Ce bienfaisant statut l'affranchit des sujétions locales et limite son acti1,1ité au seul service de l'école, de1,1enue nationale.
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1. Nomination. = a) Les conditions à remplir pour obtenir un emploi sont les mêmes pour tous . Le privilège de la lettre d'obédience 1 a disparu : nul ne
1. Ordre donné à un congréganiste, par son supérieur, d'aller ense igner dans une comlllune. En affiliant à l'Université le• Frères des Ecoles chrétiennes, le décret du 18 mars 1808 ·stipula qu'il• seraient « breveté• et encouragés par le Grand
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peut enseigner « sans être pourvu du brevet de capacité de l'enseignement primaire 1 ». Et la Loi Organique2 a posé ce principe, applicable à tous les degrés de l'enseignement primaire : « Nul ne peut être nommé, dans une école publique, à une fonction quelconque d'enseignement s'il n'est muni du titre de capacité correspondant à sa fonction. » Ces titres indiquent l'aptitude aux fonctions de titulaire ( Certificat d'aptitude pédagogique), de maître de cours complémentaire (Brevet supérieur), de professeur <l' Ecole Primaire Supérieure ou d'Ecole Normale (professorats divers), etc. b) En principe, la formation du personnel enseignant revient aux Écoles Normales. En fait, dans maints départements, les besoins du service conduisent à recruter des maîtres en dehors de ces établissements. Toutefois, en conséquence de l'engagement qui les lie à l'Etat, normaliens et normaliennes ont droit aux premiers emplois qui, à.leur sortie, se trouvent vacants -dans le département. c) Les stagiaires, nommés par l'inspecteur d'Académie, effectuent, au minimum, deux ans de stage 3 • L'obtention du Certificat d'aptitude pédagogique en marque le terme : elle entraîne la titularisation au 1er jan~ier suivant, sauf retard par mesure disciplinaire. Deux conditions sont, alors, nécessaires : la proposition de l'inspecteur d'Académie, communiquée
Maître ». On discuta : chaque frère recevrait-il le brevet ou serait-ce la Congrégation en bloc? FONTANES résolut la qu estion dans le sens favorable à celle-ci. La lettre d'obédience ·résulta de ce privilège : la désignation du supérieur attesta la capacité. Elle subsista de 1819 à 1881. 1. L. du 16 juin 1881, art. 1••. 2. Art. 20. 3, Pour les élèves d'E. N,, les années d'études comptent, ·dans la réalisation de ce stage, à partir de 18 ans.
�Motl.ALE i>ROFtSSJONNELLE
à l'intéressé, àihsi que son dossier, s'il le detrlande; l'avis du Cdnseil Déparlementail, où siègent les représentants élus du personnel. d) La nomination des titulaires revient aù Préfet, sous l'autorité du Mitilstre et sui· la propdsition de l'Irispecteur d'Académie, écrite et motivée, apres avis du Comité consultatif2 • Des règles précises, destinées à sauvegarder tant les droits de l'ëcole que ceux dt1 personnel, régissent la. nomination à des eh1plois spéciaux : dans les écofes Jnaternefles, la préférence va aux maitresses qui ont obtenu, au B. S., la mention prévue pour ces établissements; quant aux directrices, leur désignàlion ptésuppose cinq ans d'exercice, au moins, en qualité de maîtresses maternelles; - les di>·e'cieurs d'écofes primaires doivent àvoir, au moins, 21 ahs, ou, s'ils reçoivent des internes, 25; dans les Cours cd'm plémentaires, la limite d'âge : 25 ans, se complète d'un minimum de cinq ans de services et de la possession du brevet supérieur ( de même, pour diriger une école pourvue de ce cours); . - les maitres des Ecoles de perfeclionnément pour arriérés sont choisis, d'abord, parmi les candidats pourvus du certificat d'aptitude à l'enseignemeht des enfants arriérés ·(stage pré a labl.e d'un an dans une classe éle pedectionnemerlt, d'aveugles ou de sourdsmuets); - les instituteurs-adjoints délégués dans une E_. P. S., âgés de 21 ans, possèdent le B. 5.; - enfin, dans les Ecoles annexes et d'application, ce même titre est requis; pour les premières, en plus, la délég:1lion en qualité de directeur est subordonnée à dix ans de services effectifs dans .l'enseignement public, et celle d'adjoint, à cihq ans.
1. Of. 2° partie. Législation. Le Conseil Départemental. 2. Voir ci-après, Avancement;
�LE DROIT DES JMS f lTUTE URS
II. Avan~e1uent. = Plus encor e que pour les nominations, en mati è re d 1avan ce ment, les garanties accordées au personnel se r é vèl e nt d ' une lib érale bi e nveillance. Cet avancement s' effectue par prom otion à la classe sup é rieure ou par changem ent de residence . a) Promotion . - Les titulaires se r épartu;sent en six classes. lis prennent rang, par ordre d 'an G ienn e té, sur un tableat1 d'avan cem ent departemental, é taLli pour chaque classe et chacune des catégories. Une commission, présidée par !' Inspecteur d 'Académie, dresse ce tableau : elle comprend les Inspecteurs Primaires, le Dire cteur et la Dir ec trice des E. N., deux délégués du Conseil Départemental élus par ce conseil. Ainsi, tout maitre connaît exactement sa situation administrative. En cas d'erreur, il lui appartient de provoquer une r cctificption. L'avancement par promotions de classe des instituteurs et d es institutrices a lieu pljrtie au choix partie à l'ancienneté. Peuvent ê tre promus au choix les fonctionnaires ayant au moins 3 ans de service dans leur classe. Le nombre des promotions au choix est égal à 30 °fo du nombre des promouvables.. Les promotions de la 2° à la pr e mière sont égales . au nombre des fonctionnaires de la 2° dasse ayant 5 ans et plus d'a1rnienneté augmenté de 30 °/o du nombre des fonctionnaires ayant au moins 3 ans et moins de 5 ans d'ancienneté . Par cette disposition le législateur a impltcitement indiqu é que tous les maîtres qui ont 5 ans et plus d'ancienneté en 2° classe doivent être promus à la 11·e class(l sauf insuflisanc~ professionnelle constat ée 1 • Sont promus à l'ancienneté à la classe sup érieure t. Circulaire du 2i. novembre 1982,
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MORALE PROFESSIONNELLE
les fonctionnaires qui n'auraient pas été promus au choix et qui ont accompli 4 ans de stage en 6• et 5° classes, 5 ans en 4• et 3• classes. L'avancement à l'ancienneté peut toujours être retardé d'une année, sur la proposition de !'Inspecteur d'académie après avis du Conseil départemental. Cet avis doit être pris à la majorité de~ deux tiers des voix. Pour les promotions au choix, !'Inspecteur d'académie dresse pour chaque classe et sur le rapport des inspecteurs primaires une liste de mérite 1 qu'il . présente au Conseil départemental. Celui-ci l'arrête définitivement; il peut modifier l'ordre de présentation, non ajouter ou supprimer un nom. « Le mérite de chaque maître détermine son droit à une promotion au choix, et l'ordre de présentation doit être un ordre de mérite >> mais, « entre des services de valeur semblable, l'ancienneté peut être un élément de choix >>. « Lorsque des maîtres son l sensiblement de valeur ég'a le )), des<( considérations d'autre nature » peuvent intervenir, avec la durée des services, pour « fixer leur rang respectif >> : situation de fa mille, serPices de guerre, etc. Il appartient aux délégués du personnel, dûment renseignés par leurs collègues, de mettre en relief leur valeur. b) Mutation. - Un même souci _ d'équité s'accuse dans la réglementation ·d es changements de résidence : pour beaucoup, ils constituent un sérieux avancement. 1° Dès 1911, classement des postes et publication des emplois Pacants ont été prescrits en vue d'en assurer une équitable attribution. Le tableau des postes les présente (< en un petit nombre de séries, suivant les avantages qu'ils confèrent au point de vue des indemnités et émoluments accessoires, et, aussi,
1. L'usage s'est établi d'arrêter ces listes en comité consultatif,
�LES DROITS DES INSTITUTEURS
au point de vue des avantages de situation». On « y distingue les postes d'adjoint et ceux de directeur d'école« sans que cette distinction implique ql!'il soit péccssafrè d'épuiser la première série avant d'accéde1' à la seconde ,,. l-,a publication doit avoir lieu de manière que tous les intéressés puissent adresser à l'Inspecteur d'Académie, en temps utile, une demande indiquant leurs préférences. 2°) Cette mesure entr11ÎTJait l'obligation de« dresser le tableau de classement du personnel d'après les années de services généraux et de services dans la fonction, en distinguant les années de stage et de titularisation >). lVIentiou est faite « des charges de famille et des vœux des fonctionnaires,,, - non de la « notation chiffrée » représentant la valeur « professionnelle» : celle-ci « peut résulter de qualités infiniment variables et diversement appréciées suivant les lieux, les circ·onstances et l'estimation de chefs diITérents ,, . Con signée dans chaque dossier, elle constitue un élément d'appréci;1tion important, non exclusif. L' In~pec:tcur d'Académie ne peut s'en tenir aux seules cc consi<lérations tirées de l'âge, des services, des grnLles, des charges d- famille,,. La convee nance au poste - c'est-à-dire l'intérêt du service domine toute préoccupation. c< Un poste important et Llifficilc s'accommodera mal d'une activité amoindrie; il réclamera plus d'énergie et de jeunesse, le goût de l'initiative et de l'action ... Il n'est pas ju~te que des qualités éminentes, des talents pleins de promesses demeurent, par scrupule mal compris d'é<\µité, paralysés trnp longtemps et souvent stérilisés pour l'avenir dans des postes inféri e urs... Les directions lourlles et difficiles ... ne doivent être confiées qu'à des maîtres ayant fait leurs preuves dans des direc• lions moins chargées. »
8
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JIORAT,F: PROFESSIONNELLE
3°) Quelques années plus tôt I avait été posé le principe de l'intervention des délégués du personnel dans les mutations, jusque-là réglées par l'inspecteur d'Académie, après avis des Inspecteurs Primaires. Il ne s'agissait pas « de créer un rouage administratif nouveau l>, mais « de rendre l'autorité accessible à tous èeux qui ont besoin de recourir à elle » et de « mettre à profit une source précieuse d'information ». Celle-ci pourra confirmer ou rectifier une opinion, « servir à la manifestation de la vérité et de la justice»,« dissiper les malentendus que des points de vue très différents peuvent faire na-ître entre les fonctionnaires et l'administration ». Les heureux effets de cette innovation conduisirent les associations d'instituteurs à demander que soit défini et étendu le pouvoir d'intervention de leurs délégués. Elles proposèrent d'organiser, à côté de l'inspecteur d'Académie, (( un Conseil composé des Inspecteurs Primaires du département et d'au moins deux des représentants du personnel au C. D. 1 » : il aurait eu pour mission d.' arrêler les propositions de mutations, que ratifierait le Préfet.Dans la pensée de ses promoteurs, l'institution devait mettre obstacle à <( toute influence extérieure ou étrangère », - c'est-à-dire aux interventions politiques, alors si fréquentes et décisives. Mais, les nominations incombant « au Préfet, sous l'autorité du Ministre et sur la proposition de l'inspecteur d'Académie » 1 , l'Administration estima qu'il
1. C. du 6 avril 1906, à l'occasion des déplacements d'office. 2. Plusieurs associations s'étant, parfois, constituées dans un même département, il a paru logique de confier aux Conseillers Départementaux, chargés de représenter tous leurs collègues, la défense des intérêts individuels, sans cousidfratio.n de groupement, 3. L. O., art. 27, § 2.
�LES DIWJTS DES J.YSTTTPTTWRS
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fallait leur laisser toute liberté d'appréciation et de décision. Cependant, elle retint la préoccupation, naturelle et légitime, qu'exprimaient les groupements professionnels d'éclairer cc aussi exactement que possible !'Inspecteur d'Académie sur les intérêts, les besoins et aussi les titres et les mérites corn para tifs des fonctionnaires ». Elle prescrivit donc cc de réunir en conseil les Inspecteurs Primaires, une fois l'an, au moins, avant les mouvements généraux du personnel ». Quant aux représentants des instituteurs, ils ne pouvaient « participer dans la même forme à cette consultation. Ils n'ont pas qualité pour comparer et apprécier la valeur pédagogique de collègues qui sont leurs égaux; il serait d'une incorrection et, parfois, d'une indiscrétion intolérables de leur communiquer des notes et des dossiers qui appartiennent aux administrateurs et ne doivent être ouverts qu'aux. intéressés, dans le.s formes fixées par la loi. » Toutefois, la faculté fut laissée aux Préfets et Inspecteurs d'Acadé- . mie, (( s'ils le jugent à propos», <l'interroger« à litre priYé » lesdits représentants, afin de cc compléter auprès d'eux les informations dont ils ont besoin pour bien connaître les convenances et les désirs de chacun ... Ils y gagneilt de dissiper parfois des défiances imméritées et de conquérir une confiance sans laquelle leur action resterait le plus souvent inefficace 1 ». 4° Progressivement, tout en évitant « un déplacement de l'autorité qui serait fatal à la t!isciplinè et à la bonne marche du service 2 », la nécessité d'une collabora-lion plus précise et moins aléatoire se fit jour. « Vous ne sauriez, disait le l\Enistrc aux Inspecteurs
'I. C. du 15janvier 1908 sur le Conseil des Inspecteurs Pri1nai1·<'~.
2. C. du 31' octobre 1911.
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MORA[,E PROFESSIONNELLE:
d'Académie, Yous entourer de trop de précautions et vous munir de trop de renseignements. Il e"n est qui peuvent échapper aux sources officielles et que vous trouverez plus sqrement auprès des intéresEés. Vous recueillerez donq leurs observations et en apprécierez' fa valeur. Vous leu_r signalerez même les mutations par nécessité de service ou d'office que commande lf,, bon ordre d~ l'école , et vous leur en ind\querez le & raisons. J'estime qu'il n'y a pas d'inconv é nient à ce que les règles de votre action administrative· et les principes qu_i président à vos choix apparaissent aux instituteurs sous le ur véritable jour, - à ce que nos maîtres aient là certitude · qu'en toute circonstance vous avez la volonté d'être scrupuleusement juste et de servir les intér êts de l'école ... » En 19251, enfin, la création du Comité COn$(tltatif réalisait la conciliatjon des droits de l'autorité responsable et des int érêts du personnel: l'inspecteur d'Académie conserverait « la d éc ision réelle, puisqu'il a la responsabilité ~éelle ,>, mais après avoir, obligatoirement, consulté les délégués du personnel, sous une forme qui « respecterait leur liberté J>. Le Comité est constitué « sous la pr ésideqce de !'lnspecteur d'Académie, par la réunion des Inspecteurs Primaires et des Conseillers Départementaux, yeprésentants élus du personnel2 ». Il est convoqué
1. C. du 24 mars, du 20 juin, du 8 septembre et du 29 novembre . . 2. Le Directeul' e t la Directrice de l'E. N. peuvent y être a_ppelés. Les représentants des groupements corporatifs n'y figurent. point : ils n'o nt point, comme les C. D., « été choisis par la majorité de le urs collègues, da:1s une é lec lion à laquPlle t'ous ont été convoqués ». En fait , la discipline imposée à si,s adhérents pa1· le Syndicat National aboutit, dans ln pres que totalité des départ e ments, à l' é lec tion, comme C. D., des membres appartenant au burea u de la section local e.
�lES DR OITS DES INSTITVTEl"R S
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« avant la tin et au J ébuL d e l'atrn ée sc'o lair e » et, « si besoin e n est , fin d éce mb i-e e t fin mars ». Avant chaqu e r é union, « tous les post es vacants e t, autant que possibl e, tous ce ux qui peuvent le devenir » sont portés à la connaissanc e du personn el « dans des conditions telles que tous les int éressés » puissent produire leurs d e mandes. Le rel evé de celles-ci s' effectue en un « tableau r écnpitulntif »; les membres du Comité en obtie nnent commuuication, afin de pouvoir ém e ttre << un avis étudié ». En séance, il leur est loisible de « demander tous renseignements complémentaires, présenler des suggestions et donner lrur avis » ; ils ont qualité pour produire d'intéressants él é ments d 'appr éciàtion : charges de famille; nécessité d e r ésider dans un centre aux ressôlitces vari ées pour l' éducation des enfants; durée des services dans un poste déshé rité ou rendu pénible par la concurrence d' é tablissements libres; aptitudes déterminé es par d es é tudes spéciales, etc . Encore, ils peuvent, à l'occasion , expliquer et àtté nuer certaines défaillances, qui risqueraient d' ê tre appréciées justenient, mais avec trop de sé vérité. Cependant, la préparation du mouvement reste, toujours, « l'affaire personnelle de l'inspecteur d'Acadé mie, qui pèse, avec une scrupuleuse exactitude, tous les titres des candidats aux divers postes» : le « m érite pe>·sonnel » reste « l'élém ent essentiel ». En maintes circonstnnces , ies groupements profes.a sionnels ont demand é qu'uri ba}·ème déterminât lé classement des cà ndidats : Ùne valeur numériqùè / attribuée au mérite, serait ajoutée à des nombres repr és entant l'àncienn é të dés se rvices , tes titres universitaires , les charges de famille, etc. L'ordre de présentation s' effectu e rait d'après les totaux. Sans interdire expressément celte ~nanière de procéder,
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MORALE PROFESS/0,VNELLE
le Ministre a prévenu les lnspecleurs J' .\.c'a<lémie contre le fait d'admettre « que l'inrériorité du mérite pourrait être compensée par une supériorité dans les autres éléments 1 •• . li convient d'étudier avec attenlion quels éléments d'appréciation doivent intervenir, quel coefficient d'importance mérite chacun d'eux et quelles conséquences pratiques en résulteront. Un barème sera bon quand, dans l'application aux cas particuliers, il donnera satisfaction aux sentiments de jt1slice qui inspirent les membres du Comité. Tous doivent revendiquer le droit et le devoir de soutenir, en certains cas, contre la brutalité ac,eugle des chiffres, les solutions de justice ou d'humanité. De même, quand il s'agit d'aptitudes spéciales ou d'intérèts gôoér~ux supérieurs à toutes considérations individuelles, en aucun cas, l'arithmétique ne peut justifier une proposition contraire au bien du service. L'im11ortant est que le Comité ne soit pas une simple machine à calculer. Cc rôle ne convient ni aux chefs ni aux représentants du personnel ». Ces sages prescriptions concilient les droits de l'autorité responsable, le devoir de bien servir l'Ecole, les intérêts légitimes des maîtres. III. Récompenses. = Elles comprennent la mention honorable et les médailles de bronze ou d' argent. Elles sont décernées, le 14 juillet, après avis du C. D., statuant sur les propositions arrêtées par l'inspecteur d'Académie en conseil des Inspecteurs Primaires, pour les deux premières, ou, pour la dernière, par la commission qui établit le tableau d'avancement du personnel2. Pour chaque récompent<e,
1. C. du 28 avril 1926. ~ A. O., al'l, '127 modifié par l'A. du 1°' jnnvier 1922.
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�LES DROITS DES INSTITUTEURS
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le nombre des présentations est le double de celui des récompenses : il appartient au C. D. de fixer leur · ordre. Une procédure identique règle l'attribution des récompenses accordées au titre des œuvres complémentaires de l'école. Elle traduit l'intention d'aboutir à des solutions équitables, d'une autorité telle que nul n'en puisse discuter le bien fondé.
Les sanctions disciplinaires. = a) Plus encore que dans les espèces précédentes, notre législation scolaire accuse, en matière de sanctions, la volonté de « donner des garanties solides à un personnel soucieux de sa dignité professionnelle et que l'inquiétude d'un arbitraire possible prive du calme d'esprit indispensable à l'exercice de ses fonctions 1 ». Ces garanties comprennent : 1° la communication du dossier; 2° le droit de se dé(endre ;_ 3° dans les cas graves, celui d'interjeter appel. 1° La communication du dossieri a lieu dans les bureaux de l'inspection académiqut, ou, en cas de trop grandes difficultés de déplacement, chez l'inspecteur Primaire. Elle ne se limite point aux seuls faits motivant une sanction, mais « à toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant le dossier 3 » : la défense peut trouver, dans le passé, même sans relation avec les faits présents, des arguments de quelque intérêt. - Cette communication est « personnelle » et « confidentielle ». En proscri,ant toute copie de documents (pour les livrer à la publicité, par exemple), la loi a voulu que l'af1. C. du 6 avri l 1906. 2. Prescrite par la loi du 22 avril {905.
= VI.
�MORALE PR OF'ESSIO.YNELLE
faire restât strictement administrative. Sa restriction n'e ntrave en rien la défense: toutes racilités sont lai ssées pour aboutir à une cc connaissance complète» du dossier. 2° La defense consiste chns la présentation d'explications écrites. b'Habildtle, l'lnstituten r incriminé chargê le bureau de son Association d'appuyer sa défense. Plus libres d'esprit et désintéressés claHs le débat, les manJataires peuvent, mieux que l'intéressé, disculei· les charges qui pèsent sur lui et, en cas de torts grave s, mettt·e en lumi èl·e les circonstances àÜénuantes. 3° Enfin, toute sanction ouvre, en pridcipe, un droit de recours auprès du Minislre ou dei; juridictions compétentes, Conseil Supérieur od Conseil d'Etat. Il est prescrit de doriner àu personnel (( les moyens pratiques d'en user». Tous les documents de nature i1 éclaire 1 lè Ministre lui sont transmis. Le 1'eéours hd C. Supét- iel!r vise les jugeri1ents du C. D. Quant au Conseil d ' Etat, il todnaît des décisions prises C< en excès de po11voir », è'est-à-dire, en violation des lois et règlements'. b) L'exa 1 11en des dir,,erses peines disciplinaires permcttÎ'a de préciser iès garadties accordées pour chacdue d'elles : 1°) Déplacement d'office : l'intéressé est prévenu par écrit de la !nesürc qui le vise; on lui en fait connaître les motifs, en lui assi g nant cinq jours pour prendre connaissance de son dossier et se justifier pa1· écri t; la décision, précédée d'une enquête si les renseignements recueillis s'opposent, est prise par le Préfet2, d'accord avec l'inspecteur d'Académie. Elle
1. Par exemple, s'il n'y a pas eu communication du dossier. 2. En Algérie, par le Recteur, investi des pouvoirs du Préfet, ~?l!f eo ce qui co ncerne le C. D,
�l,[.'i Df:()/TS nEs /.YSTITUTEUns
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pèut être suivie d'un recours au .Ministre : toute mcsure d'exécution est suspendue en attendant sa réponse. 2° !iéprimande : !'Inspecteur d'Académie la prononce, àprès avo:r suivi l:t même procédure. Peine très légère, exclusivèmetil morale, elle ne comporte ni publicité ni faculté d'~ppel. 3° Censure : réprimàbde accentuée, elle peut s'àggraver de la ptibllcatidri au Bulletin des Actes administratifs. Aussi, l'aPis motiPé du C. D. est-il obligatoire, sans lier l'lhspecteur d'Académie, dont la décision resté définitive. 4° RéPocation : le préfet statue : 1° s111· fo propos ilion de l'inspecteur d'Académie; 2° après avis motipé du C. D. En cas de conflil entrè Préfet et Inspecteur d'Acatlémie sur le point de savoir si un fonctionnaire doit être traduit devant le C. D., le Ministre décide. Cinq jours, au moins, à l'avance, no : :fi cation est faite à l'intéressé de la date et de l'heure de la séa~ce, du droit qu'il a de comparaître en personne et de prehdre, au secrétariat du C. D., communication, sans déplacement, des pièces de l'instruction. La désÎsion du C. D. 1 n'oblige point le Préfet : « motlvé ii ne sighifie pas << conforme ». Vingt jours sont laissés pour eri appeler au Ministre, à partir de la notification de la décision préfectorale. Le pourvoi n'est point suspensif. - La révocation s'applique aux seu ls titulalres. Les stagiaires exercent en vertu d'une délégation de l'inspecteur d'Académie : il peut la retire!' sur avis écrit et motivé de l'inspecteur Prin-îalre. Lès garanties prévues pour le déplacement d'oflîce entourent cette mesure.
'I. Cf. ci-ap1:~s, au § Interdiction d'enseign er, la procédure suiv i e en C. D.
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MORALE PROFESSIONNELL&
5° Interdiction d'enseigner : 11011 seulemeut elle déchoit l'instituteur de sa fonction, mais encore, elle le prive du droit d'exercer, temporairement (cinq ans au plus) ou à toujours, même dans l'enseignement libre. Véritable incapacité, semblable aux déchéances prononcées par le Code pénal, elle résulte d'un jugement du C. D. Un principe fondamental domine les règles de la procédure : les formalités constitnant des garanties doi11ent être strictement accomplies; le Conseil ne peut ni les abréger ni les simplifier, même sur la demande des intéressés. L'inspecteur d'Académie le saisit par un mémoire évocant les faits incriminés, avec indication de la peine demandée; les pièces de l'affaire ( rapport d'enquête, déclarations diverses, etc.) y sont jointes. Le secrétaire du Conseil les en registre. Le Préfet désigne, alors, un rapporteur pris parmi les membres de l'assemblée. Celui-ci instruit l'affaire et convoque, s'il y a lieu, l'inculpé, pour l'entendre en ses moyens de défense. En séance, il expose les faits, résume la défense et donne lecture d'un projet de décision. Dans les huit jours précédents, l'intéressé est cité par le Préfet à comparaitre en personne et avisé qu'il a le droit : 1° de prendre connaissance de son dossier, sans déplacement de pièces; 2° de se faire assister par un défenseur. Pour la révocation, d'ordre strictement administratif, la loi n'admet point l'intervention d'un avocat; il en va autrement de l'interdiction qui prive le citoyen d'un droit. Si l'inculpé se présente, le président l'interroge, après lecture d_µ rapport. Ainsi que sori défenseur, il assiste à toutes les opérations du débat. L'appel est porté, non devant le Ministre, mais en Conseil Supérieur : la décision du C. D. est un jugement que, seul, un autre tribunal peut connaître. Le
�LES DROITS DES INSTITUTEURS
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délait (viugt joul's) cuurL de la signification de ce jugement. Une réglementation bienveillante concède le droit d'appel au seul maître frappé . Il l'exerce par simple lettre, enregistrée au secrétariat du C. D. et transmise , aussitôt, avec le dossier , au Ministre, qui en saisit le Conseil Supérieur. La commision d es affaires contentieuses et disciplinaires in s truit l'affaire et dresse un rapport écrit. Un jour franc av ant la d élib é ration, dossier et rapport sont tenus à la di sposition de l'intéressé et de son conseil, qui peuvent demander à être entendus. La décision doit être pris e à la majorité des deux tiers, - autre prescription d'un libéralisme éclairé 1 • V. Conclusion. = Ainsi, des garanties nombreuses, équitables dans leur précision, règlent la carrière de l'enseignement. Elles se justifient par la dignité de la tâche et la nécessité, pour bien la remplir, de vivre dans une sécurité constante. Cependant, le progrès des mœurs républicaines a pu les faire estimer insuffisantes . Les groupements professionnels s'élèvent, périodiquement, contre la dé pendnnce du corps enseignant à l'é g ard du pouvoir politique, - contre le droit laiss é au Préfet de passer outre soit nux propositions de !'Inspecteur d'Acad émie, nssisté du Comité consultatif, soit aux avis du Conseil Départemental. Ils r éclament la transfurmation de « l'a11is » en « décision ». Ainsi serait
1. Daus les cas graves et urgents, s ' il juge qu e l'intér êt de l' é cole commande celle mesure, !'Insp ecte ur d'A cad é mi e prononce la suspension provisoire pendant la durée d e l' e nqu ê le . Me sure de pré caution, comm andé e p a r la na lnre d e s faits , non san ction disciplinaire, elle n' entra îne a11 c uu e pri va tio n d e lraite meu t et cesse av ec la fin de l' e nqu è le . Le C. D. doit ê tre sai si dans sa plus prochaine ses · ; , :i (il se réunit. de droit , au moins une fois par trimestre).
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MORAL& PROFESSIONNEllR
supprimée toute intervention « politique>> et fortifié'e l'autorité des chefs, rendus plus ((indépendants» dans leur action et moins (( discutés », les résolutions prises l' étant avec les d élégués du personnel. Celte revendication se lie à celle , qui voudrait assurer au personnel enseignant le droit syndical reconnu aux travailleurs 1. Qu estion vivement controversée et qui détermine l'opposition du gouvernement, car il estime cette revendication contraire à la doctrine d e notr e clrnit public et à l'intérêt supérieur de l'Etat : une grève dans les services publics ne produirait- e lle point de g raves perturbations dans la vie national e? La qu es ti on ne p eut ê tre ici discutée. Remarquons, simplement, que l'obje c tion n'a rien d ' irréductible, du point de vue juridique . Le droit n'existe pas en soi : il est relatif, conventionnel, et, quoique l entement, évo lutif. La Révolution a créé un droit civil et social incli11iâualiste : la reconnaissance du droit à l'association en a commencé l'émiettement. Il en est r ésulté des rapports nouveaux entre les individus et l'Etat, jadis maître souverain. Une brèche apparaît
1. Par la loi du 21 mars 1S84. L'art. 6 de cette loi recounaît aux syndicats professionnels le droit d'ester en justice; d 'employer les cotisations ; d'acquérir les immeubl es nécessaires à le urs réunions, bibliothèques, cours d 'instruction profe tsionuelle; d e constituert entre leurs membres, des caisses spéciales de secours mutuels et de r e traites; d e créer et d'administrer des offices de rens eignements pour les offres e t demandes de travail; d' être consultés sur tous les différends et toutes les questions se rattach ant à le ur spécialité ... L'art. 5 perme t l'union des SJndicats p o u,· là défense et /l'étude d e leu rs intérê ts , sans l e ur reconnaître la personnalité ' civile (ac tion en justice, achat d'immeubles, e tc.) . En Go, l'art. ter abroge l'art. 416 du Code pénal, réprimant« l'atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail », c'es l-i1-dire, le droit de g rève.
�LES DROITS DES INS1'/TUTEU/lS
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· dans la doèl1·ine : quelques jul'isles distinguent les fonctionnaires d'autorité et ceux de gestion, ceux-ci pouvant participer à la plénitude du droit syndical.· Le jour n'est pas loin où le Code, refoit pour le groupement, se plicrri, sous la conlrninte des {'aits, aux exi-1 gences de la solidarité socirile. Alors, le droit de grève, seul et née!!ssriire correctif de l'isolement économique du travailleur, fera place à l'arbitrage 1 • Les l\Ssociations d'instituteurs qui, depuis 1887, ont tenté de prendre la forme syndicnl c, ne s'en éloignent gu è re. La vigueur de leur action a déterminé des résultats remarquables contre le favoritisme et les ingérences politiques; elle a aussi développé la compétence technique de leurs membres. Depuis 1909, leur Fédération a pris contact avec la classe ouvrière, en vue d'adapter les programmes scolaires à ses besoins2. Il en est résulté l'affiliation à la Confédération Générale du Travail et une orientation vers l'autonomie professionnelle. Déjà s'émousse la résistance des pouvoirs publics : ils envisngent de donner aux fonctionnaires un cc stritut » qui, sans leur conférer le droit syndical, leur reconnaîtrait la capacité des organisnlions syndicales, mais leur interdirait, avec toute grève, d'adhérer aux associations dont les intérêts corporntifs di'Œèrenl des leurs. Il préciserait les règles de leur recrutement, de l'avancement (tableau, conseil spécial), de l'npplication des peines disciplinaires (conseil de discipline,
1. Acluellemeut, l'opinion publique Lient le rôle d'arbitre. Bien que démunie <le sanctions positives, elle n'en a pas moins quelque inAuencc : ne fil-elle point, en 1920, échouer , en Fra nce , la grève des chemins de fer, après une deuxième grèvé postale ? Plus r écemm e nl, en Angleterre, même échec po111· la grève générale, issue de la grève charb-onnièrc, malgré la ténacité el la ,·aleu,· des moyens employés. 2. cr. c1,. I\, ~ 111.
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JIOR .11.E PROFESSWNNEUE
assistance d'un défenseur ). Enfin ~ le droit serait reconnu aux groupements de saisir les ministres des · questions se rattachant aux intérêts pro(essionnels de leurs membres et de déférer aux juridictions compétentes tout fait, toute mesure, préjudiciables aux intérets corporatifs. Le Parlement n 'a point encore examiné ce projet. Il n'en reste pas moins que s'affirme la nécessité de garanties de plus en plus précises et complètes. Quel chemin parcouru, cependant, depuis le temps où le « régent » s'engageait à la louée, et, même, depuis l'époque, bien plus récente, où « l'instituteur ne pesait pas lourù d:rn s )a n1::in d'un Préfet >> !
�TABLE DES MATIÈRES
CuAPITRB PRrMIER.
La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. Rôle des conférences pédagogiques. Nécessité de lutter coutre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement........................ La conscience professionnelle. De la régularité el de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne .. ..••.......... . .......... La neutralité scolaire; sa définition. Qu'elle est uu devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur, son représentant ..•........•.....••.. Autre devoir de l'Etat éducateur : il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes ju1·idiques et moraux. Accepter d'être Instituteur, c'est accepter cette restriction à la liberté d'opiuion...... Du choix des livres de classe : avec quelles précautions il doit être fait. Devoirs envers les é lèves : respect de leur personnalité naissante; équité; bonté. Soins et visiles aux élèves malades......................... Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et Jes adjoints...................
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Il.
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IV.
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V.
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CuArtTH& VIII.
TABLE /JES MAT!E:RES
Rapports avec les autorités préposées à la surveill ance e t à la diri:clion des écoles publiq11 es (municipalit és, insp ec te urs ). . ...... ... . .. ... . . . Rapports avec les famill es . . .. ,,... . Rô le de !' Institute ur dans les œuvres co mpl é mentaires de l'Ecole ... ,., . La vi e privée de lînstilute ur . Edu cate ur, il doit p1·ècher d'exempl e : obli ga tions qui çp résultent e 11 ce qui concerne sa teµ ue, son la ngage, sa coQduite. Po11rquoi les op é rations commercial e~ sont interdites au x instituteu rs .. , • . , ....... .. .. . L'instituteur e l la vie publique. Peutil y avoir désaccord entre l'ens eignement qu'il donne à l'école el les opinions qu'il exprim e en d ehors de l' éco le? Pourquoi les fonctions a dmini s tratives soqt inte rdites aux Institute ur s . . . ... , . .. , . . . . . . . . . . . L'In s titute ur Sec rétaire de Mairie... Les droit s des Instituteurs . Leur s tatut. Conseil départemental. Garanties co ntr e l'arbitraire .•.. , ·. .. ....
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IX. X. XI.
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XII.
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lMPIIIrol E R! E DELAOHAV~ VILLEFRANCDE-OE- HOUEIIOUE
FRANCE
��BIBLIOTHÈQUE
R...omans Nouvelles Variétés
Les ouvrages qui composent cette nouvelle collection sont choisis parmi ceux que préfère la jeunesse
MONSIEUll LECOQ par F. Ga/Joriau LE llOMAN DE LA MOMIE par Tlz, Gautier TAllASS BOULBA par N. Gogol LES. DEllNIEllS JOUllS DE POMPÉI par B. Lytton LES FIANCÉS par A. Manzoni COLOMBA par P. Mérimée
�Chaque volume l 2x 18,5, illustré, se vend broché, couverture couleurs, ou relié rouge.
A TR.AVER.S L'HISTOIR.E DE FR.ANCE
par
J.
Micltelet
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par A. de Musset
CONTES DE MA MÈR.E L'OYE
par Cl,. Perrault
HISTOIR.ES EXTR.AOR.DINAIR.ES
·
par Edgar Poë par G. Sand
FRANCOIS LE CHAMPI LA MARE AU DIABLE
par G. Sand
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1|TABLE DES MATIÈRES|243
2|CHAPITRE PREMIER. La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. Rôle des conférences pédagogiques. Nécessité de lutter contre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement|9
2|CHAPITRE II. La conscience professionnelle. De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne|28
2|CHAPITRE III. La neutralité scolaire ; sa définition. Qu'elle est un devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur, son représentant|39
2|CHAPITRE IV. Autre devoir de l'Etat éducateur : il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes juridiques et moraux. Accepter d'être Instituteur, c'est accepter cette restriction à la liberté d'opinion|58
2|CHAPITRE V. Du choix des livres de classe : avec quelles précautions il doit être fait|71
2|CHAPITRE VI. Devoirs envers les é lèves : respect de leur personnalité naissante ; équité ; bonté. Soins et visites aux élèves malades|84
2|CHAPITRE VII. Obligations envers les autres maîtres. Devoirs réciproques des directeurs et des adjoints|101
2|CHAPITRE VIII. Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs)|124
2|CHAPITRE IX. Rapports avec les familles|141
2|CHAPITRE X. Rôle de l'Instituteur dans les oeuvres complémentaires de l'Ecole|157
2|CHAPITRE XI. La vie privée de l'instituteur. Educateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs|180
2|CHAPITRE XII. L'instituteur et la vie publique. Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime en dehors de l'école ? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux Instituteurs|197
2|CHAPITRE XIII. L'Instituteur Secrétaire de Mairie|208
2|CHAPITRE XIV. Les droits des Instituteurs. Leur statut. Conseil départemental. Garanties contre l'arbitraire|224
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Ouvrages remarquables des écoles normales
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Traité de morale professionnelle
Subject
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Morale
Instituteurs (enseignement primaire) -- Déontologie
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La mention d'auteur "un inspecteur" sur la couverture et la page de titre est barrée de façon manuscrite et remplacée par le nom "Ansel"
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Un inspecteur
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Librairie Carus
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19??
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2017-06-22
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������COURS DE
MORALE
R édigé avec la collabomtion des P1·ofesseut·s de
Éeole Univerrselle
parr Corrrrespondanee de Patris
Placée sous le haut patronage de rttat
ARCHIVES
TR.AITÉ
DE
Morale Professionnelle
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( TOUS DROI TS R ÉSERVÉS)
IUFM ~ CEl\:tTRE DE LILLE
Ml=DIATHl=QUE
58, rue de Londres - B. P. 87 59006 LILLE Cedex
Tél. 03 20 10 54 00
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59, Boulev a rd Exel man s
PARIS ( xv1•)
L . 231
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AVANT-PROPOS
Cel ouvrage est le développement du programme de Morale professionnelle inscrzl au plan d' éludes de la _roi:sième année l des écoles normales. Il est donc écrit pour les jeunes gens el les jeunes filles qui préparent la série terminale de l'examen du brevel supérieur. Dans la pensée de ses éditeurs, il élail tout parliculièremenl destiné aux candidats qui, ne pouvant entendre les leçons des écoles normales, des écoles primaires supérieures el des autres établissements où est instituée la préparation régulière à cel examen, en sont réduits à travailler presque seuls; ceux-là ont besoin d'ouvrages qui soient tout à la fois un peu moins secs ou un peu moins arides que les manuels proprement dits, el qui, néanmoins, suivent pour ainsi dire pas à pas le programme offi.ciel, sans en déborder les cadres. C' esl ce que nous avons essayé de faire. Chacun des chapitres du livre correspond à l'une des divisions mêmes du programme de 1920. Le développement en est quelque/ois étendu, parce que la matière le comportait, el peul, par conséquent, constituer la substance de deux leçons. Mais il nous a paru un peu oiseux ou un peu enfantin de marquer nous-même, en pareil cas, la séparation entre les deux moitiés possibles de le[ ou le[ chapitre. Chaque candida[ la fera donc à son gré, d'.après le Lemps qui lui sera départi, d'après les moyens de travail dont il pourra disposer. L'imporlanl esl qu'il la fasse el qu'il ne se hasarde pas à galoper rapidement el tout d'une traite à travers les nombreuses pages d' w1; long chapitre; qu'il sache se limiter, au contraire, qu'il s'arrête de lui-même vers le milieu d'une leçon touffue el qu'il en reprenne avec allenlion la lecture el l'étude, quelquefois même la méditation. V n ouvrage de celle sorle ne peul guè1e se garder, quoi qu'on fasse, de ressembler à un « manuel ii de pédagogie; el nous savons tout ce que ces manuels peuvent avoir de vain el de vide, de faussement substantiel el de platement optimiste.
�-6Nous n'ignorons pas les justes, mais sévères paroles que la circulaire ministérielle de 1880 avait pour certaines conférences pédagogiques d'autrefois, - qui les méritaient bien : « Trop souvent, les questions d'éducation ont servi de thème d de vaines déclamations. Des plans chimériques, des théories ambitieuses et vides ont parfois compromis plus qu' avancé le progrès ... » Nous avons donc lâché simplement d'être vrai. Nous nous sommes efforcé de serrer de près la réalité, la réalité vraie, si nous osions dire; el tout le long de nos conseils ou de nos recommandations, comme de nos exemples ou de nos critiques, nous avons eu en vue des faits précis, authentiques, souvent actuels. Nous avons en un mol lâché de ne pas parler d vide el de ne pas enliser les esprits dans la fadeur ou dans la solennelle banalité des formules pédagogiques, qui ne communiquent ni vie ni force el qui habituent d se ,repaîlre de mols. Ce fut ld noire ambition. Mais n'a-t-elle pas été bien haute?
�CHAPITRE PREMIER
La eu lture professionnelle
La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. - Rôle de.; conférences pédagogiques. - Nécessité de lutter contre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement.
1. 2. 3. 4. 5. 6. -
7. 8. -
L'école vaut ce que vaut le maître. Savoir beaucoup pour enseigner peu. Travailler sans cesse à s'instruire. Moyens de travail qui s'offrent· à tous. Nécessité d'une culture professionnelle. Comment travailler à son perfectionnement professionnel. Les conféren ces pédagogiques. Psychologie et pédagogie modernes.
1. L'Ecole vaut ce que vaut le maitre. En commençant, non p.our des théoriciens de l'éducation, mais pour des praticiens de chaque jour, ces simples entretiens sur les devoirs et sur les responsahilités de la fonction d 'instituteur, il n'est pas hors de propos sans doute de s'arrêter un instant à une question µréjudicielle, dont ou peut espérer peut-être que tout le reste s'éclairerait. Nous souhaiterions donc cru 'on accordât attention dès l'abord à un sujet d'ordre très modeste, et pourta,n t grave, et redoutable- bien propre à de secrètes et courageuses résolutions : , c'est à savoir tout le bien que peut faire autour dedui, pendant de longues années, un excellent instituteur. Guizot écrivait jadis, dans l'exposé des moti,fs qu'il plaçait en tête de sa fameuse loi de 1833,. qu'« un mauvais maître d'école, comme un mauvais curé, comme un mauvais
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-8maire, est un fléau pour une commune». C'est d'une vériLe si manifeste que nul n'aurait w. pensée même de vouloir Jp contester. Mais tout auss·i, bien peut-on, avec une vél'i<é non moins as urée, retourner cette formule et dire qu ·en revanche un bon im,tituteur est un bienfait pour une commµne. Bienfait d'abord, la chose va de soi, -pour ses élèves, pour toutes les générations d 'élèves qiu'il appelle à la vie de l'esprit, dont il cultive et façonne pour une part la pensée· el l 'âme, qu'il munit d·un savoir élémentaire certes, mais pratique et solide, auquel ils ne cesseront d'a,•oir recours et qui leur seTa sans fin utile. Bienfait ,pour la commune tout entière, où on exemple ne manque guère de faiTe loi, où il peut être pour tous en mille circonstances un conseiller vigilant et désintéressé, où son action, lorsqu'un séjour prolongé .au milieu d'une même population rurale la fait durable, peut élev,er le niveau général de l'in truction et même des mceurs. Dans nos mémoires à plus d 'un, vit le souveni;r, ou récent ou lointain, de l'homme qui fut notre instituteur, et dont les soins attentifs ont décidé peut-être de not-re voie et de notre destinée ; nous savons tout ce que d 'aucuns lui doivent qui, enseignés par un autre que Jui, avec une moindre sollicitude, un moindre scrupule p'I'ofessionnel, fussent demeurés des ignorants tout juste dégrossis. Heureux 1"instituteur de qui les familles sont unanimes à dire : cc C'est un bon maître, il fait bien travailler les enfant ! » Car elles sont les juges les mieux informés : elles le voient chaque jou;r à l 'œuvre, elles saisissent sur le viif et sans déguisement possibl,e la loyauté de son travail et le résultat de son effort. La valeur d'une école ne dépend que bien peu des programmes et de l'organisation des études ; elle ti,ent aux bons ouvriers qui mettent en œuvre ces programmes ; elle est faite tout entière de la val,eur de ses maitres. Elle vaut ce qu'ils valent, elle est ce qu'ils sont. Et la valeur d'une nation, la dTOiture ou la fermeté de l'esprit public, ne laissent pas de tenir pou11 une part - une part qu'on a trop .facilement exagérée parfois, mais qui n'est pas oontestable - à la valeur même des écoles où viennent s'instruire et se former par mîJli.ers et milliers les enfants du peuple. Toutes ces choses, il faut y songl}r avec conviction, dans le recueillement de sa pensée et de sa conscience ; il faut se les 11épéter à soi-même, sans orgueil ni présoin}:>ltion, sans enflure· ni pédantisme, en toute simplicité et avec foi. Il ne s'agit pas de s'exalter à vide, de se croire investi d'un sacerdoce, d'une mission, d'un apostolat : on a trop abusé
�-9d e œ s mol à effe t, leur règne est fini. Il s'agit sim plement de faire en h onnête honune et en h omme courageux Lout son office d 'instituteur ; il s'agit de co~nprendre, dans LO'Ute l ·adhésion ré.fléchie de son 1 âme, ce qu 'il y a de grave à la fois et de fi er dans cette fonction et ce devoir : inst ~ ire les enfants, forme r les ,e,s,prits. Ho·r ace Mann disait de l 'école qu 'eJle est la p lus grande découverte que l 'hum anité ait jam ais fa ite. La plus grande, on en pourrait discuter ; très grande, à coup sfir. Encore fa ut-il des h ommes qui sach ent la faire fr uctifier , qui p uissen t lui fa ire produire tout ce qu·on est en droit de lu i dem ander et d '.m attendre. 2. Savoir beaucoup pour enseigner peu. - Au prem ier rang, a u tout pr emier rang de d evo irs pro fessionnel de lïnstitutcu r, n ou p lacerion s san h ésit er celui-ci : s' in struire, et s ïnstruire encore, el s'ins tru ire touj ours. C'"H pour lui la plu impérieuse n écessit é, c'est l'u ne des plus exigeantes parmi toutes les obligation s de sa ch arge . On dira, n ous le savon s, qu 'il en sait toujours assez pour en seigner le b a, ba, et les rudiments de toutes choses, qu'il. n 'a nul b esoin d 'êt~e un savant pou r apprendre a ux en fa nts la pr atique d e q uatre opé,rations de l'arith mé,tiq ue ou les grandes dates d e l 'histoire de F ran ce. Mais il ne s'agit ,en aucune manière d'être un savant, - l 'espèce en est rare - . cn coT que, p0<ur en seign er avec une forte et e pén étrante simplicité b eaucoup de choses élém entaires, il faille un vaste savoir et une rich e culture. Rien n 'est difficile comm e de se faire simple en restant substant iel ; on ri sque à tàute min ute de n 'être ni l 'un ni l'autre, d 'échou er soit dans la puérilité in sipide, soit da n s l,e ,•erbiac;e pseudo-savant. Les insp ecteurs, c royon s-nous, en porteraie nt unanimem ent bém oignage : la plupart des faib lesses qu 'ils ont l 'occasion de constater dan s le!, écoles primaires tiennent, san qu'on pui sse un seul instant s'y m éprendre, à un e insuffisan ce da n s l 'approvisionnem ent intellectuel des maîtres. Soutenu par un e ·i nstr uction gén érale plus ample et plus pro.fonde, leur en seignem ent mordrait davantage sur les esprits, 6largirait plus h eureu sem ent les horizons, aurait une autre ver tu formatrice. Sach on s voir les ch oses telles qu 'eBes son t et dén onçon s comme un très grand m al, et très da ngereux pour nos écoles primaires, l 'in erti.e d 'esprit à laquelle d es maitres parfois s'aba ndonn ent. Comment éveill er les intelligen ces à la vie quand soim ême cin a condamné la sienne à la somnolen ce, presque
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à la mort ? <e Pour bien enseigner aux enfants ce qu'il n ·est pas permis d'ignor er, disent les Instructions officielles de I 923, il faut sa.voir Choisir et doser, suivant leur âge, les connaissances qu ïls auront à assim.i.ler. L'enseignement do it être gradué... L 'école pririUtire ne donne qu 'un nombre limité de connaissanoes. Mais ces connaissanpes sont choisies de telle sorte que non seulement elles assurent à l ·enfant tout le savoir pratique dont il a.ura besoin dans la vie, mais enooTe e lles agissent sur ses facultés, forment son esprit, le cultivent, l'étendent et constituent VTaiment une éducation ». On ne saurait mieux parler; enseigner, c 'est choi ir. Or choisir, cela suppose qu'on est pourvu de richesses intellectuelles, disons de connaissances abondant-es et nettes, parmi lesquelles on sait distinguer et retenir celles-là seules qui conviennent à l 'enfant. Mais quand manquent ces rich esses, quant on ne sait guère plus que ce, qu 'on doit -en eig ner , comment choisir, et que choisir ? L'essentiel et l'accessoire, l 'impO'r tant et 1 futile S€ ~ confondent alors dans la même indigence sp1• rituelle ; on ne pe ut distribuer qu ·un savoir étriqué e t sans vigueur, · à 1'image de celui que 1·on possède. Il suHlt, pour être fixé à ce suj et, d 'entendre les m êm es leçons "faites à des g-roupes d'élève,s semblables par des maîtres :iu savoir pauvre e t couTt, puis par des maîtres ·au savoir copieux et sûr : où les uns ne dispensent qu 'une maigre nourriture, ne trouven t à dir,e ri e,n de curieux, de viva nt et de fort, les autres m ettent sans peine l'intérêt, la ric hesse et la vie.
3. Travailler sans cesse à s'instntire. __, Et c'est pourquoi nous ne cesserons de le répéter : le premier devoir du m aître, parce que, m aître, est d 'accroître sans r eliâche son savoir et de cultiver son esprit. Il lui fa ut être un ferven t , disons plus, un passio nné de la vie, intellectuelle, un fanatique de sa propre culture. Qu 'il lise, qu 'il lise des livres de toute na ture, y com pris, s'il ve ut, le roman en vog ue ou l'a uteur à la mode : car se bornât-il à oeux-là que ce ser ait d éjà beauooup ,plus que rien. Mais qu 'il s'adonne surtout à la lecture, h élas ! trop négligée, de nos grands écrivains, ,poètes non moin qiue prosateurs, moralistes e,t philosoph es non moins que conteurs ou historiens. Nous voudriohs qu ' il pratiquât jusqu 'à les connaît'fle sur le bout dù doigt et La Fontaine, et Mo lière, et plus d 'un autre, où il trou"er ait tan t à puiser pour ses élèves. Qu 'il étudi!l, oui , qu 'il éLudie, sans répit, obstin ément · ; qu 'il repl'enne
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ses livres de naguère, ses manuels d'école normale, el d ·autres ouvrages encore ; qu'il en recommence avec application l'étude labOTieuse et lente, d'autant plus profonde et plus joyeuse qu ·elle sera moins hâtive. Qu 'il demande de temps à autre à quelques grands ouvrages documentaires de ! 'initier à des travaux ou à une science dont nos petits ouvrages p·o ur les enfants ou même nos manuels de seconde main ne lui apportent qu'une imag,e décolorée. défigu~·ée,; un vo1um,e, die la gll'andle Histoire de Lavis;;e lui révélera ce qu'est l'histoire et du même coup lui fournira des matériaux à prolfusion pour enrichir et vivifier toute une série de ses leçons. Qu'il entretienne commerce avec l'atlas, un livr-e trop peu ouvert, et plus encore avec le dictionnaire, ce livre des livres, le plus indispensable et le plus profitable de tous. Qu'il e lienne au courant de toutes choses, qu'il soit un esprit vivant, curieux, · fure- · teur ; qu'on puisse dire de lui en quelque manière ce qne Ral;ielais disait de son élè,•e : « Somme, que je voye un abysme de science ». Qu ·au besoin il devienne le fidèle mais non 1·esrlave ~ d 'une manie, d'une de ces « bonnes manies » dont Bersot célébrait l'excellence et qu'il regardait comme le don d''une fée bienveillante. « Trois fois heureux, écrivait-il, ceux qui e passionnent pour rnssembler toutes J,es variéliés d'une famille végétale et vivent dans une succession de soins qui ,! >nt paraître les années trop courte : pratiquer les ,échanges, classer les sujets, les mettre en terre, les arroser, les voir pousser puis fleurir, ies préserver du soleil, du vent et de la pluie, s'extasier sans· fin dUJ wu1P d'1'.l}i1 et s'émerveillloc ~ suq>ll'i.ses r1). » Bienfaisantes manies pour un instituteur que celle de la flore locale, ou de ] 'histoire locale, ou de la géographie locale, et plus d'une autre encore que nous avons·vu pratiquer : eUes permettent à la pensée et à la curiosité, d 'agréables découvertes, et urtoUJt elles préservent l'esprit de ] 'engourdissement et de la torpeur. C'est par là et par là seulement, c'est par cette constante application du maître à sa culture intelJ.ectuelle que l'humble enseignement de ] '·école pTimaire peut aciquérir force et substance, se faire ,p énétrant et nourri. Mais sans ce renouvellement ininteIT01TlJWJ et ce perséivérant exercice de l'esprit, le savoir le plus assuré s'clfrite et s'use en quelques années ; et cette usure, insensible et d'autant plus perfide, inaperçue mais impitoyable, n'a q1<1e trop
(1)
BERSOT,
Un moraliste, Etudes et Pe1tsées, p. 26 (Hachette.)
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vite fait de condamner à la t érilité les plus b elles intelligences. Que les m aîtres, encore une fois, y prennent garde. Le mal contre lequel nous essayons ici de les m ettre en défiance est le plus redoul able pour e ux-mêmes et pour leur enseignement ; ét il les g uette dès leur entrée même dans la carrière.
4. Moyens de travail qui s'offrent à tous. - Et qu 'on ne se récrie pas qu 'un programme aussi ambiti,eux dépasse les forces et les po,ssibilités, qu 'on n 'y pourra jamais suffire, qu 'il serait vain de le tenter. Nous n e prétendons pas établir à titre impératif le plan d 'un cycle d 'études qui sera it parcouru en une seule a nnée, ni en quelques années. Nous traçons le dessin gén éral d 'Ulll prog ramme, d 'J.rne activité plutôt, qui se r,éopaTtit sur toute une vie d 'enseign em ent ; une vie, ne l 'oublions pas, qui par définition m êm e est vouée a u travail intellectuel. On ne comprendra it pas, en conscience, que le travail intellectuel sous sa form e la plus efücace en fût excl u, que la J.ecture et · l 'étude y fussent réduites à la portion de misère au lieu de fournir le tonique quotidi en et d 'être les gardi,enncs sévères de la valeulf de 1·enseignem ent . Aussi bien nous n 'ignoron pas le autTes objections qu'on peut nou opposer : le temps m anque, comme m anquent le bibliothèques, comme m anquent les moyens de trava il. Obj ection s sérieuses, qu ' il ne faut pas écarter san s di cussion , m ai qui n e sont pas, tant s'en faut, sa ns r éplique. Le tem ps ? Assurém ent il est m e uré ; assurém ent la bâch e journalière est souvent lourde et fatigante, elle absorbe les h em:,es comme elle absorbe les forces. Mais est-il entièr em ent vrai pourtant qu 'elle ne r éserve nul loisir jamais, et qu ' une b onne volonté sincère n e puisse tou rner ce loi ir à la culture personnelle ? Soupçonn e- t-on le profit qu 'au bout d 'une a nnée et qu 'au bout des :m n ées donnerait une sim ple demi -h eure employée avec obstination ch aque jour à la lecture sérieuse et à l 'étude ? Les livres? les instrum ent d e travail ? Mais qui n'a pas, qui n e peut pas avoir sa m odeste bibliothèque et consacrer quelques m enues r.essources à l 'entretenir ? Les livres coûtent ch er , ce n 'est qu e trop vrai ; ,et n éanmoin s nos classiqués, y compris ceux du derni er siècl e, se publie nt m aintena nt en éditions à bon m arch é, accessibles à tous lès budgets. La b iblioth èqu e pédagogique du r-anton ?U de l 'arrond'issernent offre gra tni tem ent en prèt ses volum es ;
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en est-on l'emprunteur régulier, assidu (r) ? La ville qu'on habite ou dont on est le voisin n'a-t-elle point une bibliothèque municipale, aux collections très riches peut-être ~ Telle revue scientifique dont la valeur est grande et qw n'exige pas du lecteur une spécialisation très poussée ne pourrait-elle être acquise par un abonnement en corntmun à deux ou trois, si l'on en juge le prix trop élevé pour un seul ? Les journaux scolaires eux-mêmes fournissent à qui les lit au complet pour s'instruire, au lieu-de n'y chercher que des dictées ou des rédactions pour son auditoire d 'enfants, plus d'un article de bonne vulgarisation ou plus d'une chronique instructive. Tout bien pesé, à qui veut rien n'est impossible ; mais il faut vouloir. Et là sans doute est la vérité. 5. Nécessité " 'une culture profess:.onnelle. - Ainsi donc d nous tenons pour ess&itiel!e chez I1'instituteur une c~tur~ génémale sans cesse enrichie; elle est l'assise fondamentale qui porte le 1,este, il n'est pas sans elle d'enseignement vigoureux et forme. Mais toutefois nous ménageons sa part aussi à ] '.éducation plus spécialement ,pr-0fessicmnelle, qui est le complément obligé de la premièr,e. Non pas que n-0us ayons la superstition de la pédagogie, que nous 111. croyions capable à elle seule de communiquer la vie et la sève à nos écoles. Elle ne peut tenir lieu de savoir, elle n'a de raison d'être que si elle se met chez le maitre au service de cette instruction générale étendue qui fait sa principal1 va•leur (2). Il est ban, il. e,st nécessailre de raie l sonner et de discuter sur la ~anière ~d'enseigner les é%ments de l'histoire ou de la langue française. Mais d'abord convient-il de bien connaitre cette histOli:re et d'être très versé dans cette langue :tlrançaise ; sinon la pédagogie qu'on en voudrait établir ne serait que ratiocination et verbalisme. Sav ir beaucoup et bien comprendre ce qu'on sait : telle est, elon le bon sens, la première règle pédagogique pour quiconque a mission d'enseigner. Cette réserve faite, au smplus, il n'est pas contestable que l'art d'enseigner a ses canons ainsi que les autres arts, que ces règles peuvent s'a,piprendre et que la pratique en peut
(1) Se reporter à la circulaire ministérielle du 14 mars 19041 relative aux bibliothèques pédagogiques, que l'on trouvera en appendice à la fin du présent chapitre. (2) Cf. F. PÉCâUT, L'éd~cation publique et la vie nationale, p. 53. (De l'usage et de l'abus de la pédagogie.)
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être améliorée par l ïntelligence et la réflexion. Tout bon ouvrier travaille à se perfectionner, le bon instituteur comme les autres, plus que les autres même ; car, opérant sur la matière vivante et pensante, il y trouve l'occasion d'investigations toujours nouvelles et de d·écouvertes toujours opportunes, au lieu que la matière inerte, plus simple et plus docile, est bien davantage connue et conquise.
. 6. Comment !travailler à son perfel;tionnem~nt pro.fes~
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slonnel ? - Comment se perfectionner dans son métier d'instituteur, comment amélio,re,r ses méthodes d'enseignement? -Ce sera tout d 'abord par l 'examen critique de soi-même, ede ce que l'on fait, des résultats qu'on obtient. Si nos l_ çons ne portent pas, si elles sont peu écoutées ou peu fructueuses, si les progrès sont lents, si les esprits restent lourds, si les, orthographes sont mauvaises et les écritures informes, ayons le courage de n 'en accuser ni les programmes trop chargés, ni les élèves trop frustes, ni les cerveaux trop r~belles, ni les attentions trop fugaces : le coupable, c'est nous-même. Nous ignorons l'art d'exciter l'intérêt, de soutenir les attentions, d'entr!).îner notre petit monde. Cherchons alors par où nous avons péché et comment ne point retomber dans les mêmes fautes. Cette leçon semhle n'avoir pas été comprise ? elle n'a laissé dans lt's intelligences et dans les mémoires que des données i·ncertaines ? Dono elle n'était pas au. point, elle · n'a pas mordu ; cherchons ce qui lui manquait, appliquons-nous à déceler l'erreur de méthode que nous avons commise. Cette autre fut écoutée distraitement, dans l'agitation peutêtre ou l'indifférence atone? Cherchons pourquoi l'entrain et l'intérêt en furent absents. Et même, là: où nous avons réussi, demandons-nous si nous ne pouvions faire mieux encore, si tel détail n'aurait pu être retranché parce que superflu ou fastidieux, tel autre introduit au contraire parce que révélateur ou propre à faire de la lumière ; demandons-nous si telle façon de procéder ou telle explication délaissée n'eussent pas été heureuses, si tel ,exercice écrit n'eût pas été préf.érahle à tel autre. Rien de fécond comme cet examen de conscience pédagogique ·quand on le fait avec sincérité, avec compétence aussi, et autrement que pour se décerner un facile satis.fedt. Quel progrès attendre de qui ne sait pas être à soi-même un censeur sévère et 'découvrir les imperfectîo,ns de son œuvre ? L'exemple des autres est en l'occurrence aussi une leçon
�15 salutaire. Entre collègues on s'entretient volontiers trop volontiers et trop exclusivement parfois - des choses mêmes de la profession. Ou bien, des circonstances se présentent où l'on voit en action lac.lasse d 'un voisin. Imitons Molière, qui prenait son bien où il le trouvait, et retenons pour notre profit les suggestions fécondes ou les initiatives intMessantes que nous pouvons happer au passage. Quelquefois aussi la chron°ïque - édagogique d 'un journal p scolaire, une Note du Bulletin départemental, une étude de la Revu,e pédagogiqwe nous feront entrevoir, nous ouvriront même quelque. route nouvelle ; engageons-nous-y, et partons à la découverte. « La vérité et la raison, disait Montaigne, sont communes à un chacun, et ne sont non plus à qui les a dictes premièrement qu'à qui les dict a,prez : ce n'est non plus selon Platon que selon moy. Les abeilles pillottent deçà delà les fleurs ; mais ellE\5 en font aprez le· miel, qui est tO'Ut leur ; ce n'est plus thym ni marjolaine. » (Essais , I. 25).
7. Les conférences pédagogiques. - La loi elle-même s'est préoccupée du perfectionnement professionnel des instituteurs. Elle leur en fournit un moyen sous la forme des conférences cantonales régulières, soit annuelles, 50it plus fréquentes. Un arrêté du 5 juin 1880, modifié par l'arrêté du 9 février 1925, contient en effet les dispositions suivantes :
ARTICLE PREMIER. Des conférences pédagogiques d'im.tituteurs et d'irn,titutrices publks sont organisées dans chaqn43 canton par l'autorité académique. Deux ou plusieurs cantons pourront être• réunis. La présidence appartient de droit à l'inspecteur primair~. Les mem·bres de la conférence nomment ohaque annre un vice-président et un secrétaire choisis parmi eux. ART. 2. Il ne sera traité dans ces conférences que ùe:; questions de pédagogie théorique et pratique ou d 'administration scolaire. ART. 3. Le nombre. la date et le lieu des réunions sont fixés par l 'inspeoteur d'académie, sur la proposition ùe l'inspecteur primaire. L'une d 'elJes a lieu obligatoirement. dans les deux premiers mols de l'année scolaire. ART. 4. L'ordœ du jour de r.h,,que conférP,nce est ar~té par l'inspecteur d 'académie. Il comporte. outre les questions 5ur lesquelles le ministre et les autorités académiques désirent consulter les membres de la conférence, une de celles qu'ils ont proposé d'y inscrire lol'S de la précédent~ réunion. ART. 5. La présenœ aux conférences pédagogiques est obligatoire pour tous les instituteul'S et institutrices publics.
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Des dispenses peuvent être accordées par l 'inspooteur primaire. ART. 6. Une oopie du procès-verbal ~e chaque séance est envoyée à l 'inspecteûr primaire. .Et une circulai~-e du 10 août 1880 a défini en oes termes l'objet de ces réunions : « . . . 11 est désirable que les membres d~s conférenct.5 pédagogiques étudient les suj ets scolaires à un point de vue essentiellement ·pratique. Trop souvent, -res questions d',éducation ont servi de thème à de vaines décl~mations. Des plans chimériques, des théories ambitieuses et vides ont parfois compromis plutôt qu 'avancé le progrès. Il faut que nos instituteurs se persuadent que la pédagogie est une science positive qui s 'appuie sur l'expérience ... Mettre en c-ommun le fruit de l'expérience scolaire quotidienne, se commun,iquer mutuellement les petîtes découvertes p11l.tiques que chacun a faites dans sa classe, s'éclairer par la discussion non sur de savants systèmes, mais ·; ur les réalités de l 'école primaire, c 'est bi,en là le véritable but de conférences et la raison de leur juste popularité. e . . . L'important est qu- notre personnel enseignaut échappe à cette influence de l'isolement qui paralyse peu à peu les volontés les ,p lus fermes. Jeune. ou vieux, sortis ou non d'un e école normale, nos instituteurs ont be.soin de faire effort pour ne pas se laisser gagner pa;r le découragement ou pai;: routine. Pour les y aider, pour tenir chacun d 'eux en haleine, nulle action ne peut être plus efficace q;ue celle du corps tout enti,er, qui a intérêt à ne laisser faiblir aucun de ses membres. En se ra,pprnchani dans des conférences périodiques, ils n'apprendront pas seulement à discuter en commun les questions de méthode, les points de doc.trine, les procédés et les livres, tous les détails de l'organisation scolaire ; ils y trouveront, par surcroît, l'occasion de nouer ensemble de bonnes relations de confraternité, et de multiplier leurs rapports avec leurs c.hefs hi,érarchiques, c'est-à-dire de créer entre eux librement cette communauté d'esprit et cette solidarité professionnelle qui fait la puissance et la dignité du coi:ps enseignant. » Ainsi entendues, les confél'€nces pédagogiques ont rendu et continuent de rendre d'inappréciables services; il n 'est personne qui ne puisse s'y instruire des choses de l'école et du métier, personne que cet échange d'idées -1< sur les réalités de l'école primaire » ne puisse éc.lairer ou inspirer. C'est à la condition èèpendant que les réso-
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lutions qu'on y adopte ne deviennent P?S bientôt lettre morte et vite oubliée, mais que chacun au contraire veuille avec sincüité réagir contre ses habitudes ou sès routin<:ls pour en tenter, en toute connaissance et en toute bonne f.oi, l'application persévérante.
8. Psychologie et pédagogie modernes. - A juste titre, la parole ministérielle est sévère aux « vaines déclamatioos » et à la solennelle phraséologie, toute faite des g.énéralités traditionnelles et depuis longtemps usées, q:u'on a prises ma,intes fois pour de la pédagogie doctrinale et de haut vol. Les traités d<J> pédagogie n'apprennent guère l'art d'enseigner, pas pius qu'un traité de versification ne.i peut se substituer à l 'influence secrète du ciel pour former un poète. Néanmoins, il est de féconds ouvrages sur l'éducation - nous ne disons ni traités ni manuels - , soit qu'ils aient poussé loin leurs investigations sur la psychologie de 1'enfant, soit encore qu 'ils soient propres à faire concevoir el fortifier ce haut et net dessein d 'éducation nationale dont Félix Pécaut s'inquiétait qu'il manquU trop à nos maîtres (1), soit qu,e, novateurs entreprenants, ils explorent des avenues nouvelles et s'efforçent à renou! veler les doctrines et les méthodes. Ceux-là, on ne les lit et on ne les médite jamais en vain. 0~ y prend une plus claire- conscience et de la fin à laquelle tend l'édtiœtion, et des moyens par lesquels cette fin se peut réaliser. En leur compagni<J> on quitte les sentiers trop battus et les champs désormais stériles pour s 'acheminer vers des conceptions plus modernes et des méthodes renouvelées. A la lumière d'une psychologie moins verbale, plus soucieuse de l'expéri-ence, la pédagogie se transforme, s'engage en de nouveaux courants, travaille à s'ajuster de plus près à la nature enfantine. Ces courants, il faut les connaître; ces termes nouveau-venus de pédagogie expérimentalei, de tests, de méthode Montessori, de centres d'intérêt, d'édu.cation par l'action, et bien d'autres, alors même qu 'ils ne sont que de vocables récents pour des choses anciennes, il faut sav,oir ce qu'ils signifient et à quoi ils · prétendent. La lecture et la méditation d'ouvrages sur la psychologie de l'enfant, des bulletins de sociétés diverses sur l.a pédagogie nO'Uvelle, peuvent donc être d'un excellent secours à l'instituteur pour l'initier davantage à la théorie
(1) F. PÉcAuT, L'éducation publique et la vie nationale, p. 22 ..
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ivivante et à la pratique rationnelle de son métier. Ils sont propres à faire penser, à aiguiller l'esprit et l'effort dans des diroctions jusqu'alors insoupçonnées. Au total et pour en finir avec ce sujet inépuisable, redi.s-0ns sans nous lasser qu 'il faut monter une garde vigilante autour de son savoir comme autour de son enseignement, qu'il faut les rajeunir sans cesse l'un et l'autre par l'étude et par l 'effort personnel, si l'on ne veut s'endormir hien vite d 'un sommeil de mort sur le mol orei.Jler de la routine. Montaigne disait de la coutume qu'« elle establit en nous, peu à peu, à la desrobée, le pied de son autorité ; ·mais, par ce doulx et humble commencement, l'ayant rassis et planté avec 1'aide du temps, elle nous descouvre tantôt un furieux et tyrannique visage, contre lequel nous n'avons plus la liberté tle haulser seulement les yeux. ,i (Essais, I, 24). Et quand, à notre insu et selon le mot du poète, sa force obscure nous a gagné insensiblement, c'est pour le plus grand dommage de notre fonction et de notre œuvre. Ni le contenu dès lors de notre enseignement, ni la méthode suivant laquelle nous enseignons ne peuvent plus guère s'améliorer : la substance des seuls livres d'élèves suffit à peu près au maître, qui refait pendant des ·a nnées la même route invariable à travers les matières :lu programme. Une longue expérience, chez certains, n 'arrive-t-il pas que ce soit une longue routine qui ne s'est jamais aperçue ni défiée d'eHe-même ?
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APPENDICE
Les bibliothèqtres pédagogiqu0:; (Circulaire ministérielle du 16 mars 1906). - « ... Les bibliothèques pédagogiques cantonales n'ont pas donné les résultats qu'on espérait de leur institution (1). Partout, le nombre des prêts de livres "St peu élevé, il est même nul dans beaucoup de hibliothèqurs. Deux causes ont contribué à ! 'abandon des bibliothèques pédagogiques par les instituteurs : 1° La nécessité d'aller chercher les livres au chef-lieu de canton oouvent éloigné et d 'un abord parfois difficile ; 2° La nature même des ouvrages que renferment ces bibliothèques et qui consistent. pour la plupart, en des spécimens
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(1) Cette institution date de 1837
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de livres classiques envoyés gratuitement par les éditeurs ou en ouvrages qui ont vieilli el qui n'excitent plus la curiosité des lecteurs. La première des causes si• gnalées ci-dessus n'existe .fllus aujourd'hui, la franchise postale accordée par la loi de finances du 3o rn.a:rs 1902 permettant aux iru;tit·uteurs de se procurer, sans déplacement et sans frais, les livres des bibliothèques pédagogiques . ... Au lieu d 'avoir une bibliothèque par canton, il serait préférable de n 'en avoir qu'une par arrondissement ou par circonscription d'inspection primaire. Les instituteurs et :nstilutrices réunis pour l'entretien d'une bibliothèque vers(}raient annueUement une modique cotisation qu'on emploierait à des abonnements à quelques périodiques, à l 'achat e.l à la reliure d'ouvrages nouveaux, ainsi qu'à la confection d 'un catalogue qui serait mis à la disposition des intéressés. La liste des livres à acheter pourrait être arrêtée tous les am, par les instituteurs. Leur choix ne porterait pas uniquement sur des ouvrages de pédagogie et de morale, mais aussi · sur des livres de littérature, d 'histoire. de sciences ... »
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CHAPITRE II
La conscience professionnelle
.De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne.
l. 2.
3.
4. 5. 6. 7.
La conscience professionnelle. Ponctualité el exaclllude. · Préparation de la classe. Emploi consciencieux de tous les instants de La classe. L'éducation est une amure de foi. Ne rien -négliger de L'amure scolaire. Le courage à La lâche .
1. La consc-lence professionnelle. - Remplir conscien.cieusement les devoirs de sa profession, s'acquitter avec .courage et avec loyauté des obligations et des travaux qu'elle comporte : telle est la règle morale qui s'impeise à tout homme, à tout ouvrier. Et nous entendons par ce mo,t d 'ouvrier non le seul travailleur manuel, mais, quelle que soit sa profession, l'homme qui « ouvre », c'est-à-dire qui travaille, soit du cerveau, soit de la main . Le tailleur .d'habits ou le plombier comme le préfet, l'ouvrier ag·ricole ou • Je facteur des postes comme Je directeur d'un service, tous ont un devoir pareil et qui a pour tous les mêmes ·e xigences rigides : bien fa ire ce qu'ils font, accomplir ·en toqte conscience leur devoir professionnel. Ce devoiT commun à tous, est-il besoin de s'attarder à démontrer qu'il est aussi celui .de l 'instituteur ? Lui aussi, il doit apporter à sa tâche une application sans faiblesse et un scrupuleux souci de ne pas la remplir à demi. Il doit même s'y appliquer plus scrupuleusement ·que l;>eaucoup d'autres, avec un soin. plus vigilant encore et avec une activité plus éclairée. Cela résulte de la nature
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m ême de sa fonction. Investi par l 'Etat d'une charge par.ticulièrem ent importante et qui n 'a pour obj et qt1e l 'intérêt général, il lui fa ut être un fonctionnaire sans r eproche et un serviteur d évoué du bien public ; sinon il serait .d éloyal envers la collectivité tout entiè.r,e, et le mal dont il se rendrait coupable par son insouciance ou sa paresse serait à peu près irrémédiable. . Un habit mal fait, une ,conduite d 'eau mal établie, un ch amp mal labouré, ce sont à co up sùr autan t de d ésagr ém ents à subir, auta nt .d 'avantages perdus ; mais encore peut-on tant bien que ma l y pourvofr : un habit se remplace, un labour peut se ,r efaire ; et à tout prendre il est lois ible au client m écontent de s'adresser à un fournisseur plus ponctuel ou pl.us labori eux. Ma is quand un médiocre instituteur est installé dans un e oommune, il est bien malaisé aux famil! P.s ,d 'envoyer leurs enfa nts s'instruire ailleurs, ce leur es t m êm e souve nt impossible : il leur faut le subir. C'est rn · pareil cas que le ma uvais m aitre ~s~ un fléau pour une -comm une, coonme, à l 'inverse,. un bon instituteur est un bien fait. Et lorsqu ' une éducation négligée ou insoucieuse a compromis le développem ent d 'une intelligence, quand ell e a laissé en fri che, qu'elle a faussé même un esprit ,d 'enfa nt, le mal ri que fort par malheur de demeurer sans rem ède.. Cet enfa nt, une fois te rminées se~ années d 'école primaire, ne recommencera pas son éducation ; il n 'aura plus ni le loisir ni les moyens d 'acquérir le savoir néces·saire dont son m aître avait pour devoir de le m unir. Ce sera un ig norant de plus, un esprit fruste et gauch e, au 1ieu d 'un esprit év,eillé, tout au moins dégro i . Ri en n 'est plus dilfficil e à répar er , à supposer m ême qu 'il soit r éparable, que le tor t ain i eau é aux intelligeqces; et nous savons L ous combien une na tion comme la nôtr e a besoin d 'intelligences droites et aines. Relisons ces passages de la lettre qu'en juinet 1833, au lend emain du vote de la loi qui . imposait à toute com mune ] 'obligation d 'entre tenir au m oins ffl-ie école prim aire élémentaire, le ministre Guizot adressait à chacun d es imtitutem s de France; trouverons-nous beaucou p à Y changer ? « Ne vous y frompez pas, Monsieur : bien que la carri ère de l 'instituteur prim aire soit sans éclat, ses travaux intéressent la société tout entière, et sa fonction par· ticipe de l'importance des fonctions publiques. Ce n 'est pas pour la commune seul em ent, et dans un !ntérêt p ure~ m ent local , que la loi veut qu,e tous les Français acqmèrent les connaissances indispensabl es à la vie sociale, et sans
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lesquelles l ïntelligence languit et quelquefois s'abrutit; c'est aussi pour l'Etat lui-même, et da,ns lïntérêt public; c'est parce que la liberté n'est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter, en toute cirC-Onstance, la voix de la rai·son: L'instruction primaire universelle est désorrnais une des garanties de 1'ordre et de la stabilité sociale ... « Les premiers de vos devoirs, Monsieur, sont envers. les enfants confiés à vos soins. L'instituteur est appelé par le père de famille au partage de son autoTité naturelle ; il doit 1'exercer avec la même vigilance et presque avec 1~ même tendresse. Non seulement la vie et la sanM des enfants sont remises à sa garde, mais 1"éducation de leur oœur et de leur intelligence dépend de lui presque tout entière ... Rien ne peut en vous suppléer la volonté de bien faire ... >> (r). Cette volonté de bien faire, c·est une fière, c'est une-_ haute conscience professionnelle.
2. ·Ponctualité et exactitude. -
Etre un instituteur cons- '
1 ciencieux, nous l'avons dit au chapitre précédent, c'est
premièrement se mettre ·et se maintenir en état de bien remplir sa fonctioo même d'instituteur, se mettre et se· maintenir en état de bien faire sa classe, de bien enseigner, de bien élever les enfants. C'est par conséquent être e-0nvaincu qu'il faut à cet effet travailler d'abord et tra· vailler toujours à sa culture personnelle, s'appliquer avec persévérance à élargir l'horizon de sa pensée. Ne revenons. pas, au surplus, sur les développements qui ont fait l'objet de notre première leçon; nous n'y pourrions ajouter rien. Cela dit, et supposée acquise puis surtout entretenue avec sain cette culture indispensable, il s'agit maintenant de faire son devoir d'éducateur avec une inflexible conscience. Qu 'est-ce à dire, et quelles obligations s'imposer ?
(1) De Guizot encore, dans ïExposé des motifs placé en Lêle de sa loi:« On ne saurait trop le répéter, autant vaut le maîLre, autant vaut l'école elle-même. Et quel heureux ensemble de qualités ne faut-il pas pour faire un bon maître d'école! Un bon maître d'école est un homme qui doit en savoir beaucoup plus qu'il n'en enseigne, afin de l'enseigner avec intelligence et avec goût; qui doit vivredans une humble sphère, et qui pourtant doit avoir l'âme élevée, pour conserver cette dignité de sentiments et même de manièressans laquelle il n'obtiendra jamais le respect et la confiance des familles ... Faire des maîtres qui approchent d'un pareil modèle· est une tâche difficile, et cependant il faut ;f réussir, ou nous n'avons. rien fait pour l'instruction primaire. »
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La première, très stricte, c'est la ponctualité et l'exac.titude. Règle tout extérieure encore, toute formelle, qui n'annonce pas nécessairement une classe bien préparée et une école bien tenue, donc un travail consciencieux et de bonne qualité, mais qui en est la condition pourtant, comme elle est la première coµdition aussi de l'autorité du maître auprès des familles. Qu'on_ne nous parle pas de .ces instituteurs, rares par bonheur, pour qui l 'heure de l'entrée en classe n'est qu'un à peu près complaisant avec lequel Ol) a licence d'en prendre à son aise, ou pour qui la récréation est aisément extensible et peut antici,per à .son gré sur la séance de travail qu'elle précède I « On est loin du centre, on est loin de partout, l'inspecteur ne viendra sûrement pas aujo'W·d 'hui ; et puis ce n ·est qu'une fois en passant » : et sans résistance un compose avec le .devoir, et la règle de l'emploi du temps se plie à des ac.commodements regrettables. On oublie que si l'inspecteur est Join les enfants sont là, qui ont à s'im,truire et qui n 'ont pas t.irop d'une scolarité souvent écourtée pour .s'approvisionner d 'un bagage tout juste sulffisants; et que les familles aussi sont là, qui voient, et savent, et jugent, et non sans raison estiment que l'instituteur n'a guère de .courage au travail et qu'il remplit ses journées avec une parcimonie vraiment excessive. Quand un maître a été .assez coupable pour mériter de tels jugements, c'est un .très grand mal ; un grand mal pour lui, qu.i ne peut se passer de ! '- stime et du respect des familles ; un grand e mal aussi pour l'idée qu 'il représente et qu'il doit servir, c 'est-à-dire pour l'école laïque elle-même, dont le succès définitif et général en F11ance ne tiendra - disons-le et redisons-le sans cesse - qu 'à son mérite et à la valeur de son per onnel. Donc il ne faut pas lésiner sur l'exactitude : la classe doit,commenoer à l'heure que prescrit l'emploi du temp.5, sans une seule minute, sans une seule seconde de retard. L'heure, c'est l'heure : maxime rigoureuse, intraitable, qui veut que l'on se montre intransigeant envers soi-même. Au surplus, y a-t-il là autre chose qu'une habitude, un dres.sage ? Certains sont toujours en retard, quoi qu'ils aient à faire ; d'autres sont toujours d'une ponctualité parf!it{l, même s'il leur en coûte au début un ,effort qui vite s'affaibfü et devient presqu,e une joie. Mais cette ponctualité qui est la forme élém,entaire de la probité professionnelle, elle commande autre chose que le respect n:.inutieux de l'heure. Elle s'étend à tout le tra-
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vail et à tous les jours de travail : la moll esse et la négligence· n ·y sont pas de mise, el l 'on ne doit pas éraindre de e verser plutôt dans le rigorisme. 11 n ·- sl personne. qui ue soit tenté, dans une circonstance ou dans une autre, d ·:i.1léger indûment le poids de son labe·u r ou de· se donner du r eliâche alors qu 'il devrait être à la peine. Et c'est ain:,i qu 'un instit uteur peu conscie ncieux descend parfois à des manquements qui, pour n 'être pas chacun à part très répréhensible , constituent tout de m ême autant de trahison envers les devoirs de sa charge. Sou tel oa tel prétexte insiricèrè qui ne déguise qu 'une petite Mch eté : une con férence à entendre, une indisposition qui n 'a d 'i:mportance que cell e qu 'on lui aUribue, un événem ent de .fa mille, etc., on abrège la durée régJ.em entaire d 'une éance de trava il, on va dans certain s cas jusqu 'à la supprimer. Une fois n ·e t pas cou tume, allègue+on ; c'est l 'excm:e toujou rs inv g uée en pa reil cas et toujo'llr mensongère. Mais on ne e dit pas, en r etour, que la probité dans la t1âche quotidienne ne souffre pas ces m anquem ents mêm e · légers; et l 'on ne se dit pas dava ntage que, bien vite, la négligence aisém ent consentie d evient coutume, la coutum e de ne pas rem plir de tout son c1 ::eur et de toute sa loyauté courageuse la fonction à laquelle on est com mis . Ou bien encore, quand sonne le samedi soir l 'h eure de la sortie - oela se voit surtout ch e,z les jeunes - on n 'aqu 'une préoccupation, qu 'une hâte : gagner la station la plus proche et prendre le train pour aller pàsser lè dim anche dans sa famille ou loin de sa besogne accoutumée ; on n 'en r evient que le lundi matin , juste à temps pour r ecommencer le travail ~ l 'heure de la rentrée.. Pendant ces trente-six heures, on n 'accorde pas un seul instant à la pensée m ême de ce travail ; il se fait ensuite au petit bonheur, et l 'on sait ce que cela signifie à l'ordinaire. Qu 'on nous entende bi en. Loin, très loin de nous la pensée de condamner lé loisir et la détente, qui sont indispensables à tous, et de' prétendre qu 'llill zèle intempérant doive aller jusqu'à s'interdire le r epos h ebdomadaire. La vi e sans dim anche, corrnme disait Félix Pécaut (1) , serait durement monotone et lourde, et ne perm ettrait le r enou 0 vell ement ni de l 'esprit ni des for ces. Nous d em andons seulem ent que l'on puisse toujours, d ans la ,p lus impartiale sin cérité de sa conscience, se donn er à soi-m ême et donner à qui voudra l'assurance que la tâch e r éguJ.ière
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(1) Quinze ans d'éducation , p . 33.
�-25n ·en ouffre · pas, que la cl.asse est. préparée avec tout Je sain requis et faite avec tau.te 1'activité allègre qu ïl y faut.
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Préparation de, la olasse . ..1. Prépa.r(lr .sa classe : . ~elle .est bien la besogne ess.entielle, dont tout le reste dépend .et à quoi tient ia valeur des leçoll6 et du trava~l journalier Ce n ·est pas le moment de redire pouTquoi elle doit ètre bien faite et comment elle doit être compriij,C; nous ne ferions que reprendre un chapitre du programme de première année élonL on trouvera le développement dill1S ùll !lutre volume. Mais ce que nous pouvons dire ou répéter ici avec une insistance nouvelle, c'est que cette préparation doit être sérieuse, réelle, ~fficace, et non se borner à .un simple hompe-l 'i:eil, se réduire à un simulacre de préparation. Aucun règlement, notons-le tout de suite n 'oblige l'instituteur à tenir comme autrefois un .« journal de clas e » où il mentionne jour par joUT chacun des .exercices, OI'.aux ou écrits ; pas davantage le règlement n 'impo e une préparation écrite qe la classe; et tout directeur d 'école ou to4t inspecLeur qui l'exige 9utrepasse son .droit. N'en alffirmons pas mo,ins avec .énergie que là uù manque cette préparation écrite, aucune préparation attentive et complète n 'est élaborée; c'est un point sur Ir.quel certes nous p.e redoutons pas le démenti. Pas davantage une préparation sérieuse et à tout dire sincère ne con·siste dans une simple énumération de titres de leçons ou de rapides sommaires; ces titr~s, disait quelqu'un, c'est le menu du repas qui sera servi ; mais le seul énoncé, même très a,ppétissant, des plats qui composent le festin ne sulffit pas à garnir l'estomac des convives, il y faut les mets eux-mêmes: C'est quelque chose à coup sûr que d'avoir arrêté avant la classe· J.es sujets des leçons et t_ou.t réglé pour une progression méthodique de l'enseignement dans les différents cours ; mais cette vague et brève indication ne fournit pas au maître l~ contenu de ces leçons, qui est 'bien pourtant ce qui importe. Un titre, ce ·n'est rien, ou si peu de chose! Ce qui co~pte, c'est le développement qu'il annonce, c'est la matière et la substance même de la leçon. Savoir d'un bout à l'autre· ce qu'on dira et comment on le dira, voilà qui est capital et qui ne se découvre pas sans un travail pr~alable de recherche et de réflexion Quiconque se d6robe à ce travail, affirmiât-il cent fois qu'il connaît depuis longtemps ce qu'il doit enseigner ou expliquer, n'est pas en droit de dire qu'il a le souci de sa classe et qu'il fait tous ses e,fforts pour bien instruire ~es ·élèves.
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Le même SO"i• intelligent, la même conscience atlentiv~ n doivent pr,ésider au choix des devoirs. Les cueillir à la hâte dans un journal scolaire après une lecture superficielle ou précipitée, utiliser tels quels et par soumission à. la loi du moindre effort les questionnaires des manuels. d'écoliers, ce n'est pas préparer sa classe, ce n'est pas faire honnêtement sa besogne et approprier le travail à son auditoire de manière, à le rendr.e fructueux. Un devoi.r écrit n'a de valeur que s'il est adapté exactement aux l{'çons qu 'il complète et s'il convient non moins exactement au groupe d 'enfants qui doit le traiter; comment se flatter que ceux d'un journal ou d ' un livre puissent correspondre aux leçons de tous les maîtres sur tous les points du ten·itoire, ? En tiTer parti, I,es imiter, les modifrer en les. améliorant, rien de mieux ; mais les copier servilement sans prendre même souci de Je.5 mettre au point, ce seraif paresse et ce serait malhonnêteté dans le travail.
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4. Emploi consciencieux de tous les instants de la classe ..
- Etre consciencieux, c'est encorn donner à ses élèves, à ses élèves seuls, la totalité, des instants de la classe, sans en distraire aucun dans son propre intérêtJ pour sa correspondance, pour ses affaires personnelles, ou même ... pour la lecture de son journal. IJ>as davantage il ne saurait être admis que le travail matériel de préparation se fasse· au e-0urs1 de la séance scolaire et en absorbe un certain nombre de minutes, aloi."s qu 'il est possible, d'y vaquer auparavant. C'est avant la· rentrée des élèves qu,e ~e doivent prendre ces précautions et ces soins de, tous les jours, grâce auxquels la cla~ ensuite se déroul·e sans contre-temps et sans à-coups inscrire aux tableaux noirs, cr d 'une écriture parfaite, la date et les autres indications · qui seront transcrites sur les cahiers, y porter de même les textes des devoirs, les modèles d'écriture ou de dessin s'il y a lieu ; s'assurer que les encriers ne sont pas à sec, que la craie n'est pas absente, que toutes choses enfin sont à leur place et ,prêtes à servir , disposer à' portée de· la main cartes de, géographie, gravures, objets, appareils qui seront utilisés au cours des leçons e,t qu'on ne perdra pas de temps - sans compter la bonne humeur et l'entr.ain - à chercher ou à rassembler le moment venu, etc. Infimes détails que tout cela, pourra-t-il sembler, côtés mesquins du travail de la classe, si puérils qu'insigni'fiants et dignes à ,peine qu'on les signale. Que non pas; car ces petits .soins sont les prépara.tifs obligés des choses
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importantes et de l'activité féconde. Ils sont un peu à 1'école la méthode Taylor en action, cette méthode industrielle qui cherche à obtenir le plus grand rendement possible par l'élimination des gestes inul'i'les et des mouvement improdacti~. Ils sont bien plus . encore : l 'attention prévoyante à ne pas gaspiller le moindre instant de travail, l'attention loyale à vouloir que tqutes cho~s mar,chent excellemment, pour le plus grand avantage des enfants qui sont là. Car enfin ces enfant-s, et leurs familles avec eux, ont le .droit absolu d'exiger que l'instituteur consacre à sac.las.se, .et. uniquement à sa c.las.se, les six heures quotidiennes que _ prévoient les règlements. Ces six heures leur appartiennent en entier et à eux seuls ; elles sont instituées à leur bénéfice exclusif; pas la moindre parcelle n'en doit être détournée de · sa destinaJion et dépensée en pure perte p,ar 111 faute du maître. Ce n'est pas trop de trente heures par semaine pour approvisionner les élèves,, en six ou sept ans -1e scolarité, des connaissances pratiques et des bonnes habitudes dant l'école primaire a le fivoir comme la mission de les munir pour toute la vie. :ue les maîtres y , songent souvent : chaque minute qu 'ils eraient dés::euvrée ou dont ils ne sauraient pas tirer le meilleur parti, serait un préjudice certain causé par eux au savoir_ou à ) 'éducation de leurs écoliers. Fournir un travail ponctuel, c'est bien, c'est le commencement de toutes choses. Mais il faut de plus que ce travail soit consciencieux, qu'il soit , donné to-ut entier et de tout oœur à la tâche obligatoire. L 'éducateur n'a jamais le droit de dire : « C'est assez bon » ; cet optimisme indulgent, ou plutôt cette résignation nonchalante et passive 'à la médiocrité des résultats, ne se.rait pas autre chose qu'un sabotage déguisé, le sabotage des intelligences. Il convient au con traire de n'être jamais content de soi, de vouloir toujours faire mieux e,n. cor<e et de s'appliquer courageusement à renouveler !'.es méthodes, se.s procédés, la matière et la forme de ses leçons, tout son travail enfin. Ainsi ce travail sera-t-il apte à produire tous les früits que les familles et que la collectivité peuv,ent en espérer, ont le droit d'en espérer. FQllre bien sa classe est tout oela, et n'est pas moins que cela. Mais une tâche aussi exigeante - car e1Ie l'est, elle doit l'être - demande qu'on se donne à elle'" d'un o~ur vaillant et sans regarder à sa peine. Signalerons-nous au passage, une faute rarement commise, mais de laquelle néanmoins il n'est pas inutile d'être
�averti ? Il y a dans, toute classe de bons et de médiocres élèves, des inteliigents et des déshérités, des laborieux E;t des api1thiques ; et les faibles ne le sont pas toujours par leur faute, loin de là, ni à raison de leur mauvais vouloir. Or ces faibles âussi et oes médiocres ont drt>it aux mêmes soins que les bons; leur faiblesse même serait plutôt un Litre à une sollicitude plus ingénieuse et plus patiente. L'enseignement est pour toute la classe, il n 'es,t pas pcmr les seules têtes de file. Le maître n'a pas le droit de s~ désintéresser d'un enfant sous le prétexte qu'il est inattentilf ou indolen~ et qu'on n ·en peut rien tirer. Il faut que ia classe au complet travaille et apprenne. « Le maître, disaient les Instructions de 1882, ne peut se donner à quelques-uns, il se doit à Lous; c'est par les résultats obtenus sur l 'ensemble de sa classe, el non pas sur une élite se,uJement, que on .œuvre pédagogique' doit être appréciée. Quelles que soient les inégalités d 'i,ntelligence que présentent ses élèves, il est un mimimum de connaissances et d'aptitudes que l'enseignement primaire doit communrquer, sauf des exceptions très rares, à to- s les ,élèves : ce u niveau sera très facileme·n t dépassé par quelques-uns ~ mais, le fût-il, s'il n'est pas atteint par tout le reste de la classe, le maître n 'a pas bien compris sa tJâcbe ou ne l'a· pas bien remplie. » 5. L'éducation est une !Buvre de fo:. - Au· demew·ant, cet~ tâche est une œ:uvre de foi, qui veut être accomplie avec foi. Et la foi, c'est d'abord l'amour de son lravail, voire un amour un peu exc.Ju if et passionné, comme Lous les enliments qui entraînent fortement à l'action. Nulle profession n'est plus aride et rebutante que celle d'instituteur quand on n'y met pas toute son ,âme, quand elle· n'est que le métier dé.oonchantéo auquel on demande le pain de chaque jour, quand on la rapetisse à n 'être que cela : le métier contraint qui fait vivre. Plaignons le maître qui n'aime pas sa classe, qui n'aime, pas ses élèves, qui n'aime pas son travail, pour qui ce travaill est une pénible corvée d'esclave refaite chaque jour sans joie, sans élan, sans allégresse. Oh! nous ne demandons pa l'enthousiasme quotidien, l'exaltation rituelle de l'âme et d'e l'esprit à l'heure où doit reprendre le travail accoutumé : ce serait sottise, et ce serait hypocrisie. Nous demanâons que l'on aime sa besogne, malgré les déboires et les fatigues qu'elle apporte, parce qu'elle mérite d'être aimée; qu'on s'y applique de tout son oéeur et de toutes ses forces,
�29parce qu 'à ce prix seulement elle aura vie et flamme;_ qu 'on s'éprenne de son art, un peu à la façon de l 'artiste qui se réjouit de faire du beau travail par amour seul du travail soigné et qui ne se satisfait que de la besogne pe.rachevée avec minutie .et avec amour; qu 'on ait à o:Eur de la mieux faire de semaine en semaine, d'année en année, et qu 'on s 'o• stine avec persévérance dans cette volonté de· b progrès. En entrant dans la carrière, il est sage de ne pas nourrir d 'illusions na'.ivement excessives; car on se prend. à une œuvre difficile, SOl\lvent décevante, qui réclame de · la méthode et de la constance, qui a besoin qu 'on voie un peu haut et un peu loin devant soi ; une œuvre où beaucoup dé patient effort ne donne qu 'un modeste résultat, parce que ni les intelligences ni les âmes ne se laissent docilement pétrir comme une argile inerte; où toutes sortes . d 'influen ces hoshles viennent contrecarrer l'action de · l 'école et ajouter aux dilfficultés; où les satisfactions sont moins nombreuses que les lassitudes et les découragem ents ; une œ uvre où le succès toujours est incomplet ou précaire, quoi qu 'on fasse et si excellents même que puissent être par instants les iiésultats obtenus. Mais une · œ uvre pourtant où il y a du bien à faire, beaucoup de bi en, et du bien à longue portée; une ,œuvre où l'on peut goûter des joies austères, où l'on aura le bonheur de voir s'épanouir et se développer par degrés de fraîches et confiantes intelligences d 'enfants; une ,œuvre qui déborde !Îngulièrement les limites de la maison d 'école, de la commun e et du présent même, e t qui veut qu 'on se donne à ell e sans marchander. A qui po sède cette foi fervente el clairvoyante, il apparaitra naturel et simple de m ettre dans sa tâch e toute sa conscience d 'honnête homme et d 'ouvri er labori eux ; ce sera un peu son idéal et sa raison de vivre, ce sera sa vie mêm e. QUJe si l 'on nou objectie que sans douJte nous e,n demandons trop, qu 'il est vain d 'espérer chez tous, la vocation et que la foi ne s'éveille pas sur commande, nous r épondrons : Certes, la foi de chacun dans son 1::euvre, l'amo1Jr du travail et l 'ardeur à la t\4ch e ne sont pas des articles dont il se tienne m arch é et qui puissent entrer en nous du dehors, ans l'adhésion intime d e l 'âme. On peut se m éprendre sur ses aptitudes et ses goûts, on peut choisir la profession d'instituteur pour des raisons qu'on saisit d~fficil ement soi-même, et tout simplement peut-être parce qu 'il faut bien faire choix d'une profession pour vivre. Mais quand cela serait, quand même on se serait trompé,
�-3oil est possible néanmoins d ·en venir à aimer son travail .et à s 'y donner avec sincérité : il n'y a qu 'à vouloir de ,toute sa force faire bien cette tâche qu 'on trouve sans .cha,rme et s'acharner à la vouloir faire bien, malgré vents .et marées. Peu à peu ,e,lle nous prendra, nous nous livrerons de jour en jour plus complètement à elle, jusqu'à ce qu ·elle nous ait conquis. Là comme partout le dehors formera le dedans, l 'automat·isme façonnera l'lâme. 6. Ne rien négliger de l'~uvre scolaire. - Pour tout embrasser en une seule formule, le maître consciencieux et probe fait bien et au complet toute sa tâthe, il ne se désintéresse d'aucune des questions ni d 'aucune des œ uvres qui peuvent la fortifier, qui peuvent prolonger ou affermir son .action. La fréquentation scolaire ? Il en est le plus obstiné propagandiste ; action ·sur les famhlles comme sur les enfants, insistanc.es répétées, intervention auprès des parents dès que se produit une absence, appel aux autorités locales .et aux délégués cantonaux, il met tout en œ uvr,e pour empêcher les vides ou les désertions ; sachant bien d'ailleurs que son enseignement lui-même est son plus sûr .auxiliaire et que l 'école est d'autant plus estimée, donc aimée et fréquentée, qu'il a su la rendre plus attrayante et que les progrès y sont plus apparents et plus certains. Les ,::euvres extra-scolaires ? N'en est-il pas dans les communes rurales le .seul ou presque le seul ouvrier ? Et dans les centres urba ins où il advient que des bonnes volO'Iltés agissantes s'ajoutent à la sienne, que pourraient-elles maintes fois sans l'aide elfficace et persévérante de chaque illlstituteur? N'essayons pas de passer en revue toutes les tâches et toutes les iœuvres pour lesquelles on fait appel à l'école, c'est-à-dire à l'instituteur publio; il semble quelquefois, tant la liste en e,st longue; que rien ne lui soit impossible et que son action puisse s'étendre à toüt ce qui sert Je bien du ,pays. · Ma·is est-il oiseux de rnppeler que dans cette riche et même un .p eu envahissante floraison la pièce maîtresse ne cesse pas d''être la classe du jour, la olasse régulière? D 'abord instruirre les enfants, le plus qu'on p·eut, le mieux qu'on peut, et s'appliquer à former Jeurs :â mes non moins que leurs esprits : telle est l''l:euvre essenüelle, telle est l'œ uvre féconde, telle est l 'iœuvre impérative qui a sur toutes les autres la primauté. Ce n'est pas à dire que ces autres -soient un luxe ou un superflu, maiLs elles ne sauraient en aucun cas revendiquer le premier rang. Et celle-là qui par
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son importance est la première de toutes est la plus laborieuse et la plus ingrate aussi, celle qui demande le plus. d'application et d'effort : raison de plus pour qu'on s'y. dévoue davantage. Avec un peu d'habileté, il n'est pas difficile de se faiire quelque réclame, même auprès de ses supérieurs, en se dépensant ,p our des œuvres excellentes. mais marginales, dont les résultats apparaissent assez vite· et permettent les statistiques laudatives. Mais bien faire ~a. cl~sse, mais s'appliquer d'abord et principalement à ~a classe, a une autre valeur et atteste plus de mérite. On ne· la fait jamais trop ,bien, on ne s'y applique jamais trop,. même si cette appiication silencieuse échappe aux regards. des inspecteurs et attend longtemps sa récompense. La sincérité tians le labeur méconnu et dans l'effort opiniiâtrequi se tait, n'est-ce pas une forme très haute de la cons-cience professionnelle ? 7. Le courage à la tâche. - Le résumé de tout cela, c'est que la fonction d 'instituteur ne demande ,pas seulement du savoi,r et des aptitudes, elle demande aussi une énergie· courageuse dans le labeur quotidien. Il faut du courage , au travail et un robuste vouloir à bien faire pour èontiô. nuer sans défaillance à s'instruire tout le long de sa vie· ~, et à se préserver de la routine et du mécanisme. Il en faut pour préparer chaque jour sa classe, la préparer efficacer ment, par un effort assidu d·e méditation et de recherche. Il en faut pour recommencer toujours une même tâche tou.-jours inachevée, dans des mHieux parfois décourageants:. où !"application la plus tenace ne rendJ pas. ~ semaines, des mois, des années, on doit insister sur les mêmes choses, répéter les mêmes efforts sans se laisser rebuter· ,,...par aucun échec. On croyait un progrès assuré, une notion solidement fixée dans les esprits, une habitude }?ien ancrée; et soudain l'on s'aperçoit que tout est à reprendre, que l'édifice qu'on s'imaginait résistant ·est fragile et croule. On a trop souvent à compter avec la fréquentation irrégulière, avec la légèreté des enfants, avec leur ,.\l!!i!= Qéten_çe intellectuelle, avec la lenteur des esprits, avec h disparité des intelligences dans u-ne même classe ; on a partout à compter avec les obstacles de toute nature que · rencontre l'éducation et dont elle ne triomphe pas sans· rudes peines. Et c'est p,ourquoi, si l'on veut fahe œuvr~ qui vaille, si l'on veut remplir son devoir en toute cons, cience, il y faut de la volonté et du courage. Il faut ~ 'y dépenser sans compter ni ménager trop ses forces, sans:
�avoir peur de l 'effort, sans redouter d 'cc en trop faire u ; en fait-on jamais asez ? Il faut tout ce que dit ce mot bref, un peu désuet peut-être, mais si expressif et si plein . : le zèle, le zèle laborieux et soutenu, ·1e zèle consciencieux et sincère. cc Ce qui fait la noblesse de l'éducateur, disait le Ministre dans une circulaire d'octohre 1924 s.ur les ,.:.euvres · complémentaires de l 'école, c'est qu'il se donne tout entier à ses élèves; c 'est que, sans peser en des balances trop subtiles ce qu'il leur doit et ce qu'on lui doit, il se dépense pour eux sans compter; c'est qu 'il n 'est rpas un distributeur automatique de connaissances et de recettes, mais un a,p ôtre du travail, de la vérité, de la liberlé et de la justice. » Mais cet apostolat, pour employer ce g~and mot, ne requiert pas seulement de la science ; il requiert davantage encore du labeur et de la conscience, de l'entrain et de la probité au travail ; il veut des hommes d'énergie t>t de foi, et c 'est de tout cela ensemble qu 'est faite la conscience professionnelle.
�CHAPITRE III
La neutralité scolaire
La neutralité scolaire ; sa définition. Qu'elle est un · devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur son représentant.
1. :_ Dispositions légales (1882-1886). Laïcisation dès
2. 3.
4. -
programmes, du personnel, des locaux. La neutralité de l'école ; en quoi elle consiste. Elle est un devoir pour l'Etat éducateur. Quelle est la raison d'être de L'enseignement laïque?
(E. Quinet).
5.
6. 7. -
Le devoir des maitres. Lettre de Jules Ferry aux instituteurs. (17 novembre
(1883.)
Une page de Jaurès.
1. Dispositions légales (lois de 1882 et de 1886). - Jusqu'en 1882, cc l'instruction morale et ueligieuse » figura au premier rang des matières d'enseignement obligatoires dans les écoles publiques. La loi Guizot de 1833, la première des grandes lois qui organisèrent vraiment en France un enseignement populaire, disait en son article ,p remier :
L'imslruction primaire élémentaire comprend nécessairement
! 'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les
éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.
Parmi les autorités préposées à la surveillance et à l'inspection des écoles, elle énumérait les ministres des différents cultes reconnus par l'Etat (1). Et enfin le Règle(1) Avant la loi du 9 décembre 1905 (qui a séparé les Églises de l'État), l'État français reconnaissait et subventionnait quatre ~mites : le culte catholique, le culte protestant, le culte israélite, le culte musulman (en Algérie).
. MORALE PROFESSIONNELLE.
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�-34ment sur les brevets de, capacité inscrivait le ca téchisnie et l'histoire sainte en tête des matières sur lesquelles portaient les épreuves orales qui composaient le programme die oes exa.mens.
La loi Falloux de 1850 n'affaiblit pas oes dispositions; quand elle les modifia, ce fut plutôt pour les renforcer dans un sens anti-libéral et donner au clergé un pouvoir plus important encore sur l 'enseignein"ent. Elle disposa en particulier (art. 44) que :
Les autorités locales préposées à la surveillance et à la di. rection morale de l'enseignement primaire sont, pour chaque école, le maire, le curé, le pasteur ou le délégué du culte israélite.
Elle contenait en outre (art. 36) cette disposition que : Dans les commune-s où les différents cultes sont professés publiquement, des écolœ séparées seront é.t ablies pour les en1lainls appartenant à chacun de ce.s cultes. En vertu de cet article, renouvelé d·" ailleurs, mais en l'accentU{tnt, d'une disposition purement facultative de la loi Guizot, on vit dans une même commune s'établir et coexister une école publique catholique et une école publique protestante ,:Ou israélite). Ces dispositions légales demeurèrent en vigueur jusqu 'à la loi du 28 mars 1882 (1), qui les abrogea et fontln. comme on va le voir, un état de choses tout à fait différent. D'abord, elle laïcisa les pll'ogrammes, en effaçant de la liste des matières d'enseignement l'instruction morale et religieuse, et en y substitua.n t l ïnstruc.tion morale et civique. L'article 1°• est en effet ainsi conçu
L'enseignement primaire comprend L'instruction morale et civique ; La lecture et l'écriture ; La langue et les éléments de la littérature française La géographie, particulièrement oelle de la France;' etc ...
En second lieu, elle enleva (art. 3) aux ministre,: des 1 cultes le droit d'inspection, âe 'f>Urveillance et de < :rc:::tiün dans les écoles primaires ,publiques et privées et dans les salles d'asile, que, leur avait attribué la loi de 1b:i0 ; rlle sépara ainsi complètement, selon la formule usitée, l'école de l'église. ' En troisième lieu, et pour que ne fût portée aucune at(1) Rappelons en passant que cette loi a établi l'obligation scolaire '(de 6 à 13 ans) en même temps que la laïcité.
�-35winte aux dwits des familles, elle décida (art. 2) que : Les écoles publiques vaqueront un jour par semaine, l.!n outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donJjler, s'ils le désirent, à leurs enfants l 'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires (c'est-à-dire en dehors de l 'école et de ses dépendances). Cet article 2 est complété ou' interprété comme suit (,'ar l 'article 5 du Règlement modèle, toujours en vigueur, de janvier 1887 : Les enfants ne pourront, sous aucun prétexte, être détournés de leurs études pendan( la durée des classes. Ils ne seront ènvoyés à l'église pour les catéchismes ou pour les exercices religieux qu'en dehors des heures de classe. L'instituteur n'est pas tenu de les y surveiller. Il n'est pas tenu davantage de les y conduire. Toutefois, pendant la semaine qui précède la première communion, l 'instituteur autorisera les élèves à quitter l 'école aux hem:es où leUJrS devoiirs religieux les a,ppe!lent à l'égli~. De son côté, l'article 3o de la loi du 9 décembre 19o5 établit que : Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 28· mars 1882, l'enseignemenb religieux ne peut être donné aux enfants de 6 à 13 ans insarits dans les écoles publiques qu'en dehors des heures de classe .
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La loi du 28 mars 1882 avait ilaï<:isé l 'enseigneme,nt Iuiimème et de cette manière établi, la neutralité de l'école. La loi organique du 3o octobre 1886, à son tour, laïcisa le pe.rsonnel de l'enseignement priµiaire .p ublic en disposant (art. 17) que : Dans les écoles .publiques de tout ordre, l 'ens.eignement est exclusivement confié à un personnel laïque.
La ubslitution d ·un personnel laïque au personnel congréganiste dut être achevée dans le délai de cinq ans pour Je .écoles' de garçons, et avant le 1•r janvier 1913 dans les éco.Jes de filles 1 1). 'tn!ln des Instructions ministérielles. d'avril r9o3 ont éclairci de la façon suivante les dispositions légales s,ur certains points qui pouvaient soit donner lieu à des dilfficultés div.erses, soit prêter· à l 'inceriitude : L'instituteur n'a ni qualité ni compétenœ pour donner, à
(1) La même loi du 30 octobre 1886 interdit aux instituteurs publics (art. 25) ,, les emplois rémunérés ou gratuits daus le service .:les cultes ». ·
�-36la place du ouré ou de son prrposé, l 'enseignement du catéchisme. n ne peut le faire répéter ni pendant les heures réglemenitaires de L 'école, qui doivent être coru;aarées intégiralement à l 'enseignement fixé par les programmes, ni dans les locaux affectés à cet enseignement. Les mêmes locaux ne peuvent servir à aucune cérémonie cultuelle. Les emblèmes religieux, de quelq'lle nature qu'ils soient (crucifix, images, stat,ues), ne doivent pas figurer dans 1,)5 locaux scolaires ... L'instituteur, usant de la liberté garantie à :tous les citoyens, libre de satisfaire, à titre privé et s 'il le juge à propos, à tous les devoirs de la religion à laquelle il appartient, ne peut participer, comme instituteur ,du fait de ses fonctions, et à la tête de ses élèves, aux manifestations extérieures du culte et notamment. aux processions, qui sont en usage dans certaines communes. En ce qui concerne les internats, les pères de famille seront toujours consultés sur la participation des enfants aux exercices du culte ; toutes facilités ~"ront données aux élèves pour se conformer sur ce point aux volontés de leurs familles sans que les études puissent en souffrir quelque détriment (Règlement du 29 décembre 1888)2. La neutralité de l'école. - 11 ressort de tous cc,; lextfs que la situation actuelle de ! 'école publique en France r~t la suivante : Elle est exclusivement séculière et 1 ï que, 8, dégagée de tout lien confessionnel, entièrement soustrnite à: la direction ou au contrôle de n'importe quelle auto.rit6 religieuse. Elle est laîque par ses programmes, elle l'est par le personnel de ses maîtres. Elle ne donne à aucun titre et en aucune manière l'enseignement religieux, elle ne renfer'me aucun emblème cultuel, elle ne fait de place à aucune pratique religieuse. Ajoutons tout de suite qu'elle n'est pas davantage anti-religieuse, - ce qui serait une forme du manquement à la neutralité, - qu'elle -est' élevée par la loi au-dessus de tout esprit de secte et de toute intolérance. • Telle est la neuiralité scolaire (1), cette neutralité que Jules Ferry eut à l'époque tant de peine à faire accepter par le Parlement, que d'aucuns aujourd'hui attaquent encore avec ,â preté, peut-être simplement parce qu'ils la connaissent mal, mais à laqueUe, dans son ensemble, l'opinion publique, d 'abord un peu émue par endroits, s 'est ·accoutumée bien vite et qu'elle tient à présent pour un droit intangible. Ne manquons pas d'observer, par respect
(1) Etymologiquement neutre signifie : ni l'un ni l'autre.
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�pour la vérité et comme un hommage de plus à cette neutralité que ses adversaires pouvaient croire sectaire et antireligieuse, que si elle est entrée par degrés et à coup, sûr dans les m:eurs, le tact, la réserve, la prudence des maitres d'alors y forent pour une large part. Répondant aux intentions et aux vŒux du ministre, ils surent faire apparaître la loi scolaire nouvelle, ainsi qu'il le leur demandait, cc non comme une loi de combat dont il faut violemment enlever le succès, mais comme une de ces grandes lois organiques qui sont destinées à vivre avec le pays, à entrer dans ses mœurs, à faire partie de son patrimoine )), et qui ne peuvent s'instituer ,p rofondément que par la modération et la sagesse dans la fermeté persévérante. L'école .primai,re peut d001e recevoi.!r les -enfants de fammes aiplpa·r tenant à toutes les conhsions religieuses, a1USSi bien que oeux. des famillles qui n'appaatiennent à aucune oonf-ession quelconque. Entre les, uns et 1leSI aJUtres, pas la moindre distinc:tion n'est faite; et rnu.l d'entre eux n'y est exposé soit à entendre UJlle pa,r ole, wit à se voir obligé à une pratique ou à un geste quri pourraient le blesser dans ses sentiments intimes de croyant ou dans son respect .p our J.es enseignements qiu'H reçoit de sa fumille. La IlJ€1\lrtrafüé devilent ainsi le irespeot infiniment scrupuleux et diéliicatJ de la conscience de tO'UiS. La situation de l'école n'est pas sans analogie sous ce rapport avec celle die ces nomlxreuses sociétés de mwtu:alilté, de spoirt, d',éitude ... qui s'interdisent sévèrement toll/te d!iscussi.œ1 politiqulel ow religieooe, qru,i ne fonL jamaiis pilaœ dans leurs statut& ni dans lieul"S assemhlées à des coosidéirations de ce g1errrre. De la sorte peuvent s'y réunir, discuter sur leurs intérêts commlllils et y fralterniser sams ani.ère-penséie des hommes que par aiUeurs séparent leUTs opinions politiques ou leurs croyances n1eiigie'l.lse,s. L'école laïquJe .est te1'le; mais c'est la Ooi qui lui a oonféré impérieusement œ caractère. Est-il besoin d'insister sur ce point que l'éèole, pas· plus qu'elle n'est religieuse, n'est anti-religieuse, malgré le reproche qui lui en a été souvent, et bien à tort, prodigué? « L'irréligion d'Etat, le fanatisme à rebours, disait Jules Ferry à ses adversaires du Sénat en 1882, nous les réprouvons autant que vous; je l'ai répété à satiét6 jusqu'à fatiguer l'une et l'autre Chambre ... » Et s'adressant aux instituteurs, dans leur Congrès pédagogique de, 1881 : cc Gardons-nous des deux fanatismes; car il y en· a deux : il y a le fanatisme religieux et le fanatisme irréligieux, et le second est aussi mauvais que le premier. Je ne sais rien
�-38de plus contraire à une véritable et libérale philosophie ; je ne vois rien de plus contraire à nos devoirs à tous vis-àvis de la foi d'autrui, qui est la chose du monde la plus sainte, même pour ceux qui ne l'ont w.s ... » Quel que soit, religieux ou ·irréligieux, le fanatisme oppresseur ou intolérant, il mérite dans tous les cas la même condamnJ.tion ; et peut-être celui qui se réclame de la liberté et de la libre-pensée est-il encore plus haïssable.
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3. Elle est un devcxir pour l'Etat· éducateur (1) . - Cette neutralité, dit le texte même de notre programme, est un devoir pour l'Etat éducateur ; il ne nou.s est pas d~fficile, ce semble, d'en comprendre à pr-ésent les raisons. La loi a décrété l'instruction .primaire obligatoire; d'où cette conséquence que l'école publique doit s'ouvrir à tous les enfants sans exception d'aucune sorte. Mais ces enfants ap~ partiennent à des familles - très différentes par leurs croyances et par leurs pro.tiques religieuses. Quel aùtre moyen d'assurer le respect de toutes les consciences, de n'en heurter aucune, de les concilier et les réconcilier même, que de laisser en dehors des programmes d'en;;;eignement tout ce qui perpêtùerait à l'intérieur de l'école les divisions éntre Français ? Institution d 'Etat, faite à l'image de l'Etat, séculière comme lui et comme lui dé·gagée de toute attache confessionnelle, l'école se tait SIH' tout ce qui peut diviser les hommes, elle exclut tout ce qui peut maintenir ou aggrav,e r leurs différends. La cohésion et l'unité de l 'Etat sera ient en péril si aux puissances de désaccord et de discorde entre les individus ne s'oppcisaient des puissances d'union capables de les contrebalancer. Les dissentiments, souvent même les haines entre, partis religieux, sont des éléments dé sécession ; l'école publique au contraire est une puissance d'union. C'est par elle, notamment (non par elle seule, mais d'abord et principalement par elle), que le groupe social propage et. enracine · dans les. esprits et dans les o'.Burs les vérités fondamentales sur lesquelles peuvent se rencontrer et se rappro· cher les citoyens qu'éloignent l'un de l'autre les dis~idences religieu·ses. Elle n'enseigne et ne répand que ce qui doit leur servir à tous indistinctement, et par là les porter à la sympathie réciproque et à la communion des es. prits : non seulement les connaissances élémentaires et les
(1) Lire dans F. PÉCAUT, L'éducation publique et la Yie nationale, les pages xr, xn et xnr de l'introduction.
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- · 39vérités scientifiques que personne ne songe à rejeter ni à discuter et qui sont nécessaires à chacun, mais les vérités non moins assurées et non moins néoessaires de la morale, sur lesquelles. mêmement tout le monde est d'a~cord. L'obéissance filiale, le devoir envers les parents, . - l'amour .du tra.vail, l'amour de la justice, le respect dû à tous J.es hommes, tous c< ces vieux préceptes que nou~ avons tous appris de nos mères et de nos pères quand nous étions enfants », disait Jules Ferry, tous ces principes incontestables et incontestés, cc la bonne, la vieille, : ·antique m.orale humaine », disait-il encore, tous ces principes, il importe à l'Etat qu'ils soient· fortement établis dans les :âmes : la .p aix sociale en dépend pour une .Jarge part. La mis~ion de l 'éco'le est justement de les· enseigner à tous les enfants, de s'appliquer à les graver au même titre dans les oœurs ; ils sont le fonds invariable de toutes les morales, en dépit des oppositions religieuses ou .méta· physiques qui séparent les h0011mes, et ils sont unive1 eUernent acceptés. L'école ne mêle ni ne juxtapose à cet enseignement de concorde et d'harmonie sociale aucun enseignement religieux, puisque ,celui-ci ,au contraire, ne serait pas accepté unanimement ; il ferait entrer dans 1~ cllaisse les dissensiOIJls quii1 doi,vient oo être bannies, qui seraient la négation même de son esprit et de sa fonction. Cette laïcisation de l'enseignement moral fut à l'époque (1881) devant le Parlement l'objet de débats ,passionnée;, dont certaines polémiques actuelles réveillent parfois encore les échos. Il serait oi,seux de !'ésumer ici les arguments que les défenseurs de la <c morale religieuse » oprposaient à Jules Fen-y, et lés arguments par lesquels celui-ci ré.futait leur thèse et obtenait enfin gain de cause. Nous rappelles rons cependant quelques paroles du min:istre ré,publicain, parne qu'elles témoignent du souci où il était d'assurér aux familles et aux enfants la pleine liberté de la consdence et combien il y voyait un devoir pour l'Etat : « Comment ! s'écriait-il, en tête d'un programme· d'enseignement obligatoire, vous placeriez un enseignement confessionnel obligatoire l Mais c'est -la négation même de la liberté de conscience! E'n vain me direz-vous qu'il ne s'agit que de quelques protestants, qui d'ailleurs peuvent trouver satisfaction dans les écoles confessionnelles, Pt d 'un très petit nombre de libres-penseurs. Me.ssielllrs, les questfons de liberté de conscience ne sont pas d€6 questions de quantité, ce sont <les questions de principe ; et, 1a liberté de conscience ne fût-elle violée que chez un seul
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�-4ocitoyen, un législateur français oo fera toujours honneur de légiférer, ne f"ût-ce que pour ce cas unique... » On est donc mal venu à prétendre que la neutralité scolaire est une violation de la liberté de conscience et une forme de la persécution rel,igieuse ; rien, nous l'avons dit, n'était plus étranger à la pensée de ses fondateurs. Mais il faut aÜer plus loin et dire : Non seulement cette neutralité de l'école ne porte atteinte chez personne aux droits de la conscienoe, mais c'est par elle seule que la liberté de conscience de tous est sauvegardée. Celle du maître d'abord, qu'on oublie quelquefois dans les controverses ou les critiques véhémentes dont la neutralité fournit le thème. Car si c'est un princ~pe essentiel de notre société moderne que tous le,s citoyens ont également acc~s aux ~onctfons publiques, il ne se peut que la fonction enseignante ne soit accessible à tous, même . à l'occasion aux incroyants. Or, quelle misère et quelle indignité s'il fallait à ceux-là, de par Ja· loi, enseigner un catéchisme que répéteraient leurs lèvres, mais que de toute la conviction de leur âme ils renieraient 1 - cc Ne prenez pas d'incrédules 1 » répliquait un sénateur à Jules Ferry qui défendait juste.ment la liberté de conscience des maîtres. Alors il _ faudrait demander compte aux candidats-instituteurs de leurs croyances religieuses et de leur culte ? . Et pourquoi ,pas à tous les candidats aux fonctiJms publiques ? Que deviendrait dans tout cela le secret de la conscience et de la oro-yance, et que devjendrait la liberté ? Celle des enfants ensuite, nous l'avons déjà: marqué, puisqu'ils n'entendent rien, ne sont jamais les témoins d'une manifestation, ne sont astreints à aucune pratique dont ils puissent se sentir trouhMs ou froissés. Ils ne sont exposés à aucune attaque, directe ou déguisée, contr.e le · culte qui est le leur, ni contre le dogme ou la doctrine que le ministre de ce culte ou leur famille elle-même leur enseigne. Ils ne reçoivent qu'un enseignement de fraternité, de tolérance, de respect envers tous leurs condisciples et envers tous leurs compatriotes sans distinction. Celle des familles enfin, puisqu'elles ont l'assurance qu'à l'école la conscience et la foi de . leurs enfants sont hors de toute atteinte, et plus encore parce que la loi leur a fourni avec lihéralité tousi les moyens de faire donner hors de l'école à ces mêmes enfants l'instruction religieuse qu'elles veulent pour eux. Cette sécularisation de l'école publique, cette cc D!)tte, claire et définitive séparation des attributions et des compé-
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tences entre l'Eglise et l'Etat sur le terrain de l'école » (J. Ferry), ce n'est qu'une des conséquences d'un grand principe posé et appliqué déjà depuis longtemps en France : la sécularisation, - la laïcisation, si l'on préfère - , de toutes les institutions civiles et de tous les services publics. La laïcis_ation de l'école n'a ,été qu'un pas de plus, très important d'ailleurs, dans cette voie. Nos miœurs et nos codes font une séparation de plus en ,plus tranchée entre le domaine de la foi et celui de la loi, entre le dœnaine de la croyance personnelle et celui de l'autoi:ité sociale ; elles n'admettent plus que la religion soit autre chose qu'une affaire privée, qu'elle soit à un titre quelconque, à un degré, quelconque, institution d'Etat. Nous avons presque peine aujourd'hui, tant nous voyons dans cette prescription de jadis une atteinte insupportable à la liberté, de conscience, nous avons presque peine à nous imaginer qu'il fut un temps où, dans les oooles normales, un règlement é,tait en vigueur (1851) ordonnant que « les jours de dimanche et de fêtes légalement reconnus, les élèves sont conduits aux offices publics par le di1'ecteur assisté des maîtres adjoints -». La neutralité nous paraît 1 pour l'école, pouT ses maîtres, pour ses é,lèves, un régime autrement tolérant et digne, autrement soucieux des droits de la conscience de tous.
oi. Quelle est la raison d'être de l'enseignement laïque ?
- Aussi bien ces vérités ne sont pas d'aujourd'hui ni d'hier ; et longtemps avant que la troisième Ré,publique et1t fondé, chez nous la neutralité de l'école, cette neutralité avait été, demandée; et justifiée par plus d'un défenseur des idées républicaines. En 1850, dans son ouvrage sur L'Enseignement du Peu;plei, et à la veille même de la loi, Falloux, Edgar Quinet écrivait un chapitre auquel il donnait ce titre : Quelle est la raison d'être de l' ensèignement laïque ?. En voici quelques fragments impartants ; le temps ne leur a rien ôté, de leur intérêt et de leur force. Ils nous aideront à mieux comprendre encore à quelles conceptions et à quels desseins ré,pond chez nous l 'institution d'un enseignement primaire sans attache confessionnelle ; ils nous aideront à mieux comprendre ce devoir · de concorde et de pacification qui est celui de l 'Etat éducateur et le nôtre. « Supposez qu'il n'y et1t d'autre enseignement moral que celui qui est distribué au nom des églises particulières ; dans ce cas, la société, actuelle ne pourrait subsister telle
�qu 'elle est. Chacun suivant rigoureusement le principe exclusif déposé dans son église, il y aurait en France d es sectes et point de nation. Le juif serait ramené au ghetto, le protestant enfermé dans ses villes de sûreté ; · Je catholique, acharné contre l'un et contre l'autre, travaillera,i t à les faire entrer dans son Eglise. Il suit de là que le principe d 'aucune des sectes qui soot reconnues ·par l'Etat n'aurait pu, en 'se développant, produire la société française telle qui',el,lre est arujoll)rd'hui, aJllia.n.oe pacifi<Jllle de toutes les croyances, de toutes les opinions, _ de toutes les, sectes dans le sein d 'une m ême nation. C'est dire que chacune de ces églises a l 'autorité d 'un système considé'rable, mais qu'aucune d'elles n'est plus le principe vital de cette sooiété. Pour qu'elle subsiste, il fa.ut que l'esprit qui l'a fuite continue de se r épandre par 1'éducation, de gélnéi-ation en génération. Là est la raison 'd 'être de l 'enseignem ent laïque sans acception d'aucun dogme particulier. Toutes les objections iront se briser contre ce fait :' Nulle église particulière n 'étant l'âme de la France, l'enseig nem ent qui doit répandre l 'âme de cette société doit être ind épendant de toute église part~ulièr_. e L 'instituteur n 'est pas seulement le répétiteur du prêtre ; il enseigne ce qu 'a ucun prêtre ne peut enseigner, l'alliance des églises d ans une même société. L'instituteur a un dogme plus universel que le prêtre, car il parle tout ensemble au catholique, au protestant, au juif, et il les fait entrer dans la même com munion civile . . .. Ce qui fait le fond de cette société, ce qui la rend po-;sible, ce qui l 'em pêch e de se décom poser, est précisément un point qui ne peut être en seigné avec la m ême autorité par aucun des cultes officiels. Cette société vit Stlr le principe de l 'amour des citoyens les uns pour les autres, indépendamment de leurs croyances. Or, dites-moi qui professera, non pas seu1em ent en paroles, ma is en action cette doctrine, qui est le pain de vie d'u mo nde moderne ? Qui enseignera a u catholique la fraternité avec le juif? Est-ce celui qui, par sa croyance mêm e, est obligé: de maudire la croyance juive ? Qui enseignera à Luther l 'am our du papiste ? Est-ce Luther ? Qui ensei• gnera au papiste l 'am our <le Luther ? Est-ce le ~pe ? Il faut pourtant que ces trois ou quatre mondes, dont la foi e, t de s'exécr,er mutuellemnt, soient réunis dans une m êm.e am itié. Qui fera ce miracle ? Qui réunira trois ennemis· acharnés irréconciliabl es ? Evidemment un .principe ~upériem. et 'plus universel. Ce r rincipe, qui n'est · eelui
�-43 d'aucune églirse, voilà la pierre de fondation de l'enseigriement laïque... · >> Que changer et . qu'ajouter à ce plaidoyer pour l'école laïque ?
5. L'e devoir deis maitres. - Cela étant, le devoir des maitres est simpfo, facile à préciser: il est dans le respect loyal et scrupuleux de la neutralité de l'école et de l'enseignement. cc Le maitre, disaiènt les Instruc.tions de 1887 et répètent celles de 1923, le maitre devra éviter comme une mauvais'e action tout ce qui, dans son langage ou dans son attitude, blesserait les croyances religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porterait le trouble dans leur esprit, tQut ce qlri tr!).hirait de sa part envers une opinion quelconque un manque de respect.ou de réserve. » C'est au premier chef une obligation légale, sur laquelle auc~ne équivoque n 'est possible : l'école ne peut être, par la volonté, de l'instituteur, autre que ne l'a faite la loi ; elle ne peut être ouverte à une propagande ou à des manifestations qui seraient contraires à la neutralité, ; elle. peut moins encore entendre des paroles. sectaires ou intolérantes alors que la loi en a fait une institution de paix civile et de fraternité, nationale. Nul ne songe ni n 'oserait songer, certes, à d bnier à l'instituteur le droit d'être à son gré catholique, protestant, israélite, libre-penseur, etc. ; pour tous les citoyens, ce droit est de tous le plus sacré. Mais dans sa classe, il n'est plus le croyant ou l'incroyant, le fidèle d'un dogme: ou d 'un culte : il est l'éducateur impartial, dont les préffu-ences personnelles ne doivent pas se donner carrière ; il ne représente que l 'Etat neutre, au-dessus de toutes les sectes et a. tous les partis ; il est tenu par conséquent à une attitude tQIU/1lei pleine de r ése~1et de précautions. Que cette attitude lu,i .soit parfois difficile, pé,nihle même, qui le nierait ? Elle est la seule _ ourtant qui soit p droite autant _ ue digne, et il doit s'y renfermer avec ferq meté,, avec probité aussi. Qu'il prenne garde : la limite est fragile , elle e,st indistincte et mobile entre ce qui es~ permis et ce qui est défendu ; il n'est pas de règle sûre et commode qui ,p ermette d'établir le départ entre l'un et l'autre, et c'est là qu 'est l'écueii!l. Une oonviytion, une !foi ardente se font ais-éimen,t rombatives, et il ne faut qu 'y céder par une pente naturelle pour glisser à un enseignement tendancieux ou à un pro· sélytisme suspect. Il suffit , dans les paroles qui touchent à certains sujets délicats, d'un peu d'inattention ou d'er-
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�-44traînement immodéré pour sortir de celle réserve dont on ne doit jamais se départir en présence des enfants. Que par un mal,encontreux excès de zèle, religie1,1x ou laïque, une maîtresse très pieuse (c'est son droit) porte ostensiblement au corsage pendant la classe un insigne de piété, qu 'un instituteur qui professe l'athéisme (c'est son droit aussi) se permette de illâcheuses intempérances de langage en parlant des r eligions ou, de leurs rites, ce sont là des fautes, des manquements à la neutralité, des manquements à une forme légale du devoir professionnel ; des fautes aussi contre le goût et la parfaite raison . Le devoir strict, c 'est d e n e rien dire, de ne rien faire qui !Puisse alarmer ou inquiéter à bon droit les c onsciences des enfants ou des familles ; c'est de ne pas se permettre un mot, une allusion, un geste qui puisse être de bonne foi interprété comme une manifestation pour ou contre une Eglise oru un culte. C'est le devoir strict, et il faut s 'y tenir strictement, parce que là est la sagesse et que de cette sagesse est fait le succès de l 'école. Il ne s'agit pas d'invoquer la. vérité et la science ___, un ignorant ou un m al-adroit sont les premiers à les invoquer en par eil cas - pour décrier ou condamner des c.royances qui. par leur nature m ême échappent à la science et qui , en fussent-elles justiciables, en récuseraient la juridiction . Cette prétention d 'apparence scientifique prête trop à' la fac ile raillerie ; gardons-nous bien d'y tomber et disons-nous que nous n 'avons - as qualité pouir argup m enter « scientifiquement » contre ou pour les croyances r eligieuses. Sans compter que l'école prima.ire n 'est pas une enceinte où puissent, entre maître et enfants, s 'instituer d es discussions ou se m esurer des doctrines qui ne sont ni dans ses pr ogrammes n'i dans ses rrioyens . Apportons à notre classe plus de hauteur de vues, de largeur d'esprit et de sincère tolérance . · Peut-être est-ce moins encore les choses m êmes que T'on dit que la ma nière dont elles sont d- tes qui peut inq:uiéter i Iles consci,enoes, tirois.ser 1 élèves et les parents ; ce ne sont ~ pas tant les affirmations ou les critiques que la brutalité ou la violence du langage d·a ns lequel elles s'expriment ; c'est m oins en certains cas l'audace de la pensée grue la forme tranchante et absolue ·dont cette pensée s'enveloppe. La r éserve qui s'impose dans le,s idées et les affirmations s'impose donc bien da,v antage encore dans les paroles. C'est là surtout qu 'il faut du tact et de la m esure, c 'est là qu'il faut évit.er d 'être offensant e t agr essif, c'est là qu'il fau_ t savoir adoucir, m odérer , nuancei: ; partout et toujours il
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�-45 faut de la ,pondération e_ du tact, saœ un mot qui soit t jamais irritant ni discourtois. C'est assez dire combien il faut surveiller son langage et en être maitre. Et ce que nous disons des choses de la religion, nous le dirons sans ambages des ·choses de la politique ; car là aussi il y a matière à intolérance ou à maladresse. Réclamons d 'abord pour l'école nationale le droit de vivre dans l'air de la vie présente, comme disait Félix Pécaut, donnons-lui pour devoir, selon la parole d 'un ancien m;nistre, d 'enseigner la démocratie et la République. Mais que ce ne soit pas aux dépens de la vérité et ài grand renfort de mots empruntés au vocabulaire des réunions - ubliques. Il ne p faudrait pas, sous couleur de préparer à la France des générations républicaines, falsifier l'histoire et ne pas rendre à chaque époque et à chaque régime la justice qui lui est due. Nous devons à nos élèves la vérité, dans toute la mesure, bien entendu, et sous la forme où elle leur est accessible (une certaine vérité n 'est pas faite pour eux) ; nous ne pouvons pas, selon notre bon plaisir et dans une intention même louable de propagande, faire le silence sur des événements gui ne serviraient pas notre dessein ét enseigner ainsi le mensonge. Et ce tact, cette réserve que nous demandions tout à l 'heure quand on risque d 'effleurer les choses de la religion, ne les demandoru; pas avec moins d'insistance quand on risque d'aborder les choses de la politique : il ne faut pe.s que nos élèves puissent entendre et rapporter dans leurs familles des paroles d éplacées, qui seraient pour leurs propres opinions une insulte ou une réprobation. La véritable victime, quand un instituteur manque à ce devoir de neutralité et déchaîne des campagnes même injustes, ce n'est pas lui seul, c'est l'école publique tout entière, c'est l'école laïque, que la faute de l 'un des siens expose à l'animadversion et au discrédit. Les amis trop zélés sont parfois de bien dangereux amis ! rous voulons préparer à la République des r épublicains, faire grandir nos élèves dans des idée~ modernes ; personne ne pourra nous en blâmer. Mais le gage le plus certain d'un succès durable dans cette éducation du civisme, ce n'est· pas l'intervention de la politique dans les ~nseignem en ts de l'école ; elle n'y a pas sa place, elle y fausserait tout-. Le vrai garant du succès est -tout autre : c'est une classe toujours bien faite, c'est une éducation intellectuelle bien conduite qui ouvre lesi esprits, qui, habitue à comprendre, à voir clair, à se rendre compta, une éducation
�-46qui fusse vivre les enfants dans le !Présent, avec leur temps. Des enfants ainsi, débrouillés ne seront. guère enclins à tourner leurs regards vers un .passé mort ; ils ne consentiront guère non plU5 à croire le progrès pour les nations soit une course immodérée vers l'abîme, par une rupture violente avec ce même passé.
que
6. Lettre de Jules Ferry aux instituteurs (17 novenlibre 1883). - En novembre 1883, au moment où venait de s''ouvrir la seconde année d 'application de la loi du 28 mars 1882, Jules Ferry, alorrs ministre de l'Instruction ,publiq'lle, adressa à tous les instituteurs de France une lettre demeurée avec raison célèbre. ·n essayait d 'y « bien fixer le
caractère et l 'objet du nouvel enseignement », celui de la morale, et en même temps il se proposait d 'indiquer aux maitres, ainsi qu'il le disait dans une autre circulaire destinée aux recteurs, « les mesures à prendre et les efforts à faire pour mettre la neutralité religieuse dans son vrai jour et à l'abri de toute atteinte. » Nous donnons ici les parties principales de cette longue lettre ; elles n'ont pas vieilli. « La loi du 28 mars 1882 se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d 'une part, elle met en dehors diu programme obiliigatoiire l 'enseignement de tout dogme, particulier ; d'auitre part, elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique. L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'église, l'instruction morale à l'école- Le législateur n'a donc ,p as entendu faire une •::euvre purement négatjve. Sans doute il a eu pour tPremier objet de séparer l'école de l'église, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l'aveu de tous. Mais il y a, autre chose dans la loi du 28 mars : elle af.firme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur' les notions du devoir et du 'd roit que lé législateur n'hésite pa,s ~ inscrire au nombre des pre-· rriières vérités. que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation. c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant d,e l 'en-. sei,g nement religieux, on n'a pas ,s ongé à ·V~us décharger de l'enseignement moral : c.'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru
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lout naturel que ! 'instituteur, ·en même temps qu ïl apprend a-ux entants à lire et à écrire, le ur enseigne au.ssi ces règles élémentaires d~ la vie morale. qui ne sont pas !flOins universellement acceptées q;ue celles du langage ou du calcul. ... Votre rôle, 'en matière d'éducation moPale, e:st très limité. Vous n 'avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens. Et quand on vous parle de mission et d 'apostolat, vous n 'allez pas vous y mé!prendre : vous n 'êtes porint l 'apôtre d 'Ulll nouvel EYa.ngifte; le législateur n'a voulu faire de vous ni un philOSOlphe ni un théologien improvisé. Il ne vous demande 1·ien qu'on ne puisse demander à tout homme de o~.ur et de sens. Il est imposible que vous voyiez chaque jour tous ces enfants qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, Olbservant âge où votre conduite, s 'inspirant de vos exemples, à l '1 l'esprit s'éveille, où le oœur, s'ouvre, où 1a mémoire s'enrichit, sans que l 'idœ vous vienne all6Sitôt de profiter de cette docilité,, de cette confianœ, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j 'entends simplement cette bonne et antique morale q;ue nous avons reçue· de nos pères, et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre oo peine d 'en discutm les bases philosophiques. · Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du J)€re de famille; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parliât au vôtre : avec force et aU1torité, toutes les foiiS qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d 'un préœpte de la morale commune ; avec 1a plus grande réserve, dès que vous risq1rez d 'effleureP un sentiment religieux. dont vous n'êtes pas juge. Si parfois vous · étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignemep.t moral, voici une règle .pratique à laquielle vous pOUII'rez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, ,demandez-vous. s'il s.e trouve à votre connaissance un seuil honnête homm:e qulÎ puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un .seuJ., présent à votre c.Jasse et ,•ous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son· assentinrent. à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, ab.stenezvous de le dire ; sinon, parlez haroiment : car ce que vous allez communiquer .à· l'enf111nt, c-e n'est .p as votre
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�-48propre sagesse, c ·est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d ·ofdre universel que plusieurrs sièoles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l 'hurmanité. Si étroit que vous semble peui-être un cercle d'action ainsi tracé, faites-vous un devoir d 'honneur de n 'en jamais sortir, restez en deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à là franchir ; vous ne toucherez jamais avec. trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant ... » Voilà de sal,utaires conseils pleins de dignité et de sagesse, avec une règle exce1lente. Sera-t-il permis d'en dire toutefois que cette règle n'enferme pas la solution définitive du problème, et qu'elle n 'est pas un critérium infaillible ; car elle implique une définition préalable de l'honnête -homme et de la bonne foi, qui, à son tooc, ne serait pas chose aisée et hors de toute discussion. De bonne foi , un honnête homme peut avoir la vue courte et l'esprit borné ; i.J peut penser à faux, être égaré par le préjugé ou l'ignorance, le parti pris ou le fanatisme : son jugement alors règlera-t-il notre parole et notre enseignement ? Mais si dans sa formule littérale la règle que proposait Jules Ferry n'échappe pas entièrement à la critique, iI ne convient pas moins d 'en retenir l'esprit et de s'en pénétrer ; ainsi pourront être évités les écarts de pensée et de langage qui ont de çà de là échappé parfois à quelques maîtres et qu,i fwent également maladroits et regrettables. Une fois de plus donc, et ce ne sera pas la dernière sans doute, recommandons surtout une grande modération dans le langage, qui doit répudier, lorsqu'il en vient à toucher quelque point délicat ou su1et aux dissentiments, toute expression d 'allure offensante ou brutale et toute affir. mation tranchante. Les intempéran~ et les violences de la parole sont souvent plus à craindre et sont plus pernicieuses que iles emportements de la pensée.
7. Une page dei Jaurès. - Si étendu que soit d~à cechapitre et si abondantes qu 'y soient les citations, nousen donnerons pourtant une encore, po'll!r tout ce qu'eHe a· de loyal, de haut et de noble. II y est fait allusion à un long débat qui eut lieu en janvier 1910 à la Chambre des: député's sur la neutralité scolaire et la mise à l'index par· l'épiscopat français d'un certain nombre de manuels scolaires ; c'est à' ce propos que Jaurès écrivit l'article dont nous transcrivons un fragment. « ... Mais le conflit même qui s'est produit, en obli-
�-49geant tous les esprits sincères à réfléchir sur les conditionsd 'une saine éducation populaire., obligera tous les éducateurs à éliminer de l 'enseignement tout ce · qui est polémique étroite et aiguë, dénigrement systmnatique de telleou tehle période, de l'histoire. L'école la,ï que doit enseigne1' fortement, ardemment- la science, la raison, la démooraL'ie, le droitt de toutes les personnes et de toutes lescroyances au respect des libres esprits. Elle le peut sans abaisser le passé, sans flatter le pr-ésent. Il y a dans plusieurs de nos manuels un optimisme un peu subalterne, une habitude de juger trop complaisamment les chose'> présentes. Certes, j'admire et j'aime notre temps : je sais quels prodigieux et nobles efforts l 'ont préparé et jr sais quelles riches semences d'avenir il contient. Mais· quand je lis que dans le passé tout était misère et oppression, que tout aujourd'hui est liberté, lumière et bonheur, je m'inquiète de ces formules outrées, et je songe au . grand effort de nos aïeux sous l'ancienne France ; je songe à l'énorme masse d 'iniquités, de misères et d'ignorances qui pèse encore sur nous et que l'effort ùe l'avenir doit soulever. De même, il serait à la fois abusif et puéril d 'obliger les instituteurs à trepéteT sùr D.ieu et l 'lâme des formules mécaniques auxquelles ils ne donneraient leur assentiment que du bout des lèvres : mais c'est leur d~voir, même au point de vue scientifique et ration!lliste, de n~ pas laisser entendre aux enfants que par la découverte de quelques lois physiques OUJ chimiques Je mystère du monde est épuisé. Le monde et la vie posent à l'homme de formidables problèmes, dont il a cherché la rnlution par l'effort tragique de toutes ses religions, de toutes ses phi· losophies. L'instituteur ne doit pas, il ne peut pas proposer aux enfu.nts des soluti'Ons toutes faites de ces problrmes. Mais il doit, dans la façon même dont 'il enseignera l'histoire et la science, les habituer à considérer avec gravité, avec une haute éllll'o tion, les questions d'ensemble . 1'e s questions totales, que plus tard, dans leur -expérience de la vie et avec leur pensée plu~ forte , ils. essaieront d~ résoudre librement. selon les inspirations de telJe ou telle doctrine, de te11e ou telJe · croyance. C'est là la vraie liberté de l'esprit (1) >r
(1) La Dép~che de Toulouse, 28 janvier 1910.
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CHAPITRE IV
Autre Devoir. de, l'État éducateur
Il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes juridiques et moraux. Accepter d'être instltuteur,c'est accepter cette restriction à la liberté d'opinion.
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Quels sont ces principes ? Exemples. Comment entendre la liberté d' opinion. L e maître ne peut enseigner et propager ses croyances personnelles. P eut-il objecter qu' il travaille pour l'avenir? Faut-il s'en tenir à l'admiration du présent ? L 'esprit général de l' enseignem ent. _ . L e savoir et l' esprit critique chez l'inslilutèur.
1. Quels sont ces principes ? Exemples. - C '-est ici un sujet délicat, pTesqu,e périlleux, parce qu 'il se lie de près à la politiqu,e militan te et à des questions :à'Prem ent dé.battues ; un suj-et q ui a suscité d e b ruyantes querelles, aljmentié des polémiques retentissantes -e't_ passionné-es . Nous l 'aborderoos sans bia iser, nous efforçant seulement de bi-en compr-endre ce dont il s'agit et d 'y apporter la plus entière indépendance de la pensée. Nous n'au rons pas peur des mots, ma is nous nous défendrons de céd er à leur prestig,e ; nous n 'aurons ~as peur d,es idé-es, mais nous Jl 'abdiquerons pas devant elles la liber té de la critique et du jugem ent. Nous ferons à tout le m oins tout notre possîble pour n 'avoir d'autr.es guid-es et d 'autres règles .que la raison et la vérité. : De quoi s'agit-il tout d 'abord ? L'Etat éducateur - il l 'est par l 'intermédiaire des maîtr es qu'il coinm~t au soin de bien instruire et de bièn él-ev-er les enfants - n e doit ;rien ense,igner, nous dit-on , qui soit contr~ire à ses propres
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principes juridiques et moTaux. Ces principes, il n'est pas: malaisé de les découvrir et de les analyser : la Déc1aration des dioits de 1789 les énumère tout au long ; et ceux qu'elle n'énonce pas explicitement, l'esprit géné,tal de nos codeS' et de nos institutions les révèle sans effort. Par exemple, c'est un des principes fondamentaux de not• société re moderne que ·cette laïcité des pouvoirs publics dont nous avons parlé au chapitre precédent. Il saute aux yeux q;ue si, dans les écoles où l'on enseigne au nom de l'Etat et en son lieu et place, on professait par impossible que la liberté de conscience est un cc délire » et que l'Etat n'a pas à l'asSIUll',elI', ou qu'il est wtile quie la !religion catholique SOIÎI considérée comme l'unique religion d'Etat à l'exclusion de toutes les autres (1), un tel enseignement saperait pair · la base un des principes essentiels sur lesquels. est blâtie notre société contemporaine. Celle-ci travaillerait de la: sorte à sa propre ruine. On comprend sans autre insistance que l 'instituteur qui hasarderait des leçons aus.si étranges n'aurait pas le droit de demeurer un instant de plus dans l'enseignement public ; il y aurait incompatibilité totale entre son devoir légal d'éducateur et ces mianifestations de son opiniçm personnelle comme citoyen. C'est aussi un des principes essentiels de notre droit public et de notre organisation saciaile, qUJe l'autorité souve, raine en France appartient au suffrage universel régulièrement et librement consulté,. Par cela même est mis hors la loi tout appel à la violence, toute dictature, tout coup d'Etat, tout coup de force, sous quelque nom qu'il se déguise et au profit de quelque individu ou de quelque parti qu'il s'accomplisse. LàJ est la vérité légale, et là aussi est la vo.Jonté commune. Si donc ·un instituteurr se révélait dans sa classe partisan de la guerre civile ou de la révolte, s'il s'y faisait l'apologiste de la violence et du mépris de la loi, ce désaccord entre son devoir et son attitude serait de la plus haute gravité et ne lui permettrait pas de continuer sa fonction d'instituteur national. Veut-on d'autres exemples encore ? Il existe chez nous, et ·c'es~ 'un des fdnd~ments solides de notre société, une certaine organisation _ e la famille, organisation "à la fois d juridique et morale, que consacre la Joi, que soutiennent fortement les mt::eurs et ·les traditions. S'imagine-t-on un institurteu,r oUJ UJ11e ·institutrice, quo, a ll~"U'ant. que l 'in.stfüi,
(1) Nous citons ici soit ")'Encyclique de 1832, soit le Syllabus (proposition 7'J).
�-52tion familiale est en voie d 'évolution et poussant aux dernières limites la théorie des « droits de l'enfant » ou du .droit naturel de chaque être humain à la liberté, dénierait aux parnnts leur autorité traditionnelle, prêcherait aux enfants l 'indépendance au lieu de l'obéissance farruiliale ? Qu'on ne se récrie pas trop qu'un tel exemple est à mille lieues de toute vraisemblance. Contentons-nous d'affirmer qu 'il est extrêmement rare et que, selon toutes probabilités, il n'est pas le fait d 'un père ou d'une mère de famille .ayant le sens et la conscienoe de leurs devoirs.. Soit encore lé fait de la propriété. Que le drnit dont il s'agit ne soit pas, ne puisse pas être absolu, tout le monde le concède plus ou moins ; qu'il ait changé à travers lës temps, qu'il soit appelé à se modifier encore dans l'avenir, .c ·est un point aussi qui ne saurait être sérieusement contesté. Toujours est-il que la vie civile actuelle est fondée sur la propriété, et que ce droit « inviolable et sacre » a chez nous des formes que la loi détermine et garantit. C'est bien là un des p,rincipes fondamentaux de notre société :1.ctuelle. Concevrait-on alors qu'un maître, enseignant au nom de cette société, se déclariât, en classe, l'adversaire de la propriélié privée et - à tort ou à raison, ce point n'est pas en cause, et nous n 'avons pas à discuter ic.i de doctrines sociaJes - prônât à ses élèv~, par exemple, le retour à la collectivité de tous les biens ? Ce serait, si .:,n ] 'écoutait, toute la structure sociale jetée à bas. Et combhm d e parnnts dans la commune, combien d 'enfants même supporteraient à l'-école une propagande de cet ordre et l 'étalage de théories aussi osée5, se prétendissent-elles avant-courrières de l'avenir ? Nous nous aidons d'exemples simples, simplistes même et. d'autant plus frappants. Les choses, noos le verrons par la suite, n'ont peut-être pas toujours cette simplicité crue et peuvent prêter il la Cf)l) trovcrse ; miiis on "aisit par ces exemples la signification générnle ou la portée du sommaire placé en tête de -cette leç,)::1 et dans l'examen duquel il s'agit maintenant d'entrer.
2. Comment entendre la liberté ,!l'opinion. - Il fa.ut d'abord prévenir ou dissiper une équivoque possible qui empêcherait toute clarté ; nous ne la signalons du reste que. pour avoir vu plus d'un y tomber, peut-être un peu à l'étourdie. Elle réside dans les termes : :restriction à la liberté d'opinion. Il ne s'agit en auoune manière et il ne saurait en aucune manière être question d'interdire aux
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maîtres de professer dans leur for intérieur, p.ans 1ïmpénétrable secret de leur .pensée et de leur conscience, telles opinions et telles doctrines qu'il leur se~hle bon. Cet asile mystétieux: de la vie intime est dérobé à tou~ ; nul n'y peut donc régenter à son gré les démarches de l'esprit ou la croissance des sentiments. L'empire de la loi ne saurait par conséquent s'y étendre. Il n'y a pas de règlements, qui puissent me défend!'e de penser silencieusement, à part moi, et de croire avec la conviction la plus sincère que la forme républicaine est une forme détestabîe qe gouvernement ou que la souveraineté nationale est une aberration. Mais il en va autrement lors.que la croyance qui s 'est ainsi élaborée et enracinée dans les profondeurs lointaines de la conscience s'exprime en paroles, en attitudes et en actes. Nous le disions il y a un instant : il s,erait intolérable qu'un instituteur public alliât ouvertement dans sa classe à l'encontre des principes qui sont à la base même de nos institutions sociales et de notre organisation politique. Aucun parti au pouvoir, aucun gouvernement ne tolérerait des écarts semblabl&s, et il aurait l'opinion publique avec lui. Il faut opter en pareil cas entre sa fonction et son droit à la libre parole ; le bon sens le ~eut ainsi. Pourquoi ? nous l'avons indiqué d&jà : c'est au nom de l'Etat, c'est-à-dire de la nation et pour la nation, que l 'instituteur instruit et enseigne ; au nom de l'Etat il a pour office et pour devoir de former les esprits et les consciences ; de l'Etat il tient son autorité légale en même ~mps que des programmes, un horaire, une organisation pédagogique. Par lui, maître et fonctionnaire .public, c'est donc l'Etat qui s'enseigne lui-même. Or cet Etat .p eut-il se renier, peut-il s,e faire son propre destructeur ? L'éducation que donnent en son nom les maîtres à qui par lui ce soin a été délégué ne peut battre en brèche ses principes - fondamentaux ; sinon nous aboutirions à cette absurdjté que lui-même se ferait sciemment prêcheur et fauteur de discorde nationale et de troubles civils ; il se tournerait contre lui-même et travaillerait à s 'abattre. . Un groupement, restreint ou vaste, et notamment un groupement national, ne se maintient que par une suffisante communauté: de sentiments et d'idées qui domine et fasse taire tous les dissentiments entre les particuliers ou les partis. Comment cette communauté spirituelle et morale pourrait-elle se réaliser en dehors des idées ou des principes qui servent d'assiette à la société, même et en a surent ainsi la durée ? Une sodété n'existe et ne dure
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que par son st.atut , tant que ce statut subsiste et que la majorité y est attaehée, l'enseignement chargé de répandre l ',§me de la société, comme disait Quinet, ne peut qu 'en être le serviteur ponctuel. Certes il n 'est pas de doctrine d 'Etal ; il n ·y a pas u •H! croyance officielle, un dogme otficiel, uue philosophie offi ci elle, qu 'il serait prescrit aux maîtres d ·enseign er commP, la seule vraie et la seule orthodoixe. l\'1ais i/l, y a d es prngrammes et des règlements, qioo la loi régUil~èrn a éitablis et auxquels elle communique son autorité,; il y a une neutralité obligG.toire ; il y a un certain esprit général de l'enseignement que les débats dans le Parlem~nt, que les circuhires et les instructions ministérielles dégagent et fom1ul ent avec assez de précision pour que nul n e pws.se sincère ment s'y méprendre. Par tout cela, en définitive, c'est la nation elle-m·ême qui manifeste sa volonté, qui exprim e ses aspirations et ses besoins. L'instituteur n 'en est que le serviteur fidèle et loyal.
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3. Le maitre, ne peut enseigner et propager ses croyances personneiiles. - Mais si sa conviction. intime est autre, s ïl n'adhère pas de toute sa pensée et ·d e toute sa foi à ces
principes qu'il a pour tâohe non seulemerlt de rnspecter dans son ensignement, mais encore de mettre à la portée des enfants, puisque les programmes comportent des leçons d 'instruction civique? Si, ploo enoore, iJ honnit tel ou e tel de ces princi,p es et en - st l 'adversaire déclàré, devra-t- il néanmoins l'enseigner, le faire aimer ? · Imaginons, si vous le voule~. un instituteur qui ne so it pas républicain ; c'est son droit de citoyen, et nou ne lui en ferons pas grief. La conscience de chacun est ch ose sacrée ; nul ne nous doit compte de Il!, doctrine qu ' il ,révère dans le fond de son âme et qu 'au surplus nous ne sommes jamais sûrs de connaître. Mais nous sommes en -droit d ·exiger de cet instituteur, e t de l'ieocige.r aiu nom de la loi , que sa croyance personnelle d 'homme n 'altère pas l 'enseignem ént que le maître impartial doit donner. Oh ! . nous ne dirons pas avec certains : « La République le paie, il doit la servir. >> Ce n 'est pas, il s'en faut, un e questio·rt seule de gros sous qui est e n cause i-ci ; les raisdns pécuniaire:, ne sont pas du tout souveraines en de pareils débats, et la 'conscience n'ést pas au service d'un traitement m ensuel. Voiçi qui nous semble autrement important : · Cet instituteur connaissait d 'avance ou tout au moins a très vite connu les programmes qu 'il a charge d 'enseicrn<.1 r
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et Jes règles principales qui doivent légalement diriger son activité prolessionnelle. li sait par exemple qu ïl lui est deiùandé de donner un enseignement civique, ou bien eücore qu 'il est tenUI à la neutralité ; la loi lui en tait un devoir. Ou il doit e contormer à la loi et alors, quelle que soit sa conviction profonde, son attitude extérieure est corr,ecte ·e t il pratique un loyalisnie n,écessaire ; ou il doit renoncer à sa fonction, si la loi lui semble inacceptable e; s'il se reluse à l'accepter. Mais se mettre en révolte contre -1a loi et par conséquent saboter ou déformer le travail auquel il a librement consenti à s 'astreindre, serait une faute protessionnelle très gravement répréhensible, chez lui :,urtour qui doit apprendre aux enfants le re pect scrupuleux de la loi. . On dira : une troisième solution est pos.slble, à <sarnir faire modifier la, loi. D ·accord, et agir dans ce sens est bien son droit aussi. Mais en attendant que le législateur l'ait changée, elle est, donc elle doit être obéie. Et quant à J 'actiqn qu 'il faut entreprendre et souteni,r, pour la faire réformer, ce n ·est pas, du tout dans le milieu scolaire qu 'il est licite de l'exercer : l'école n'est pas faite pour ce rôle, et les familles ne s ·y prêteraient pa plus que les l'èglernent eux-mêmes. Une propagande de cette espèce leur inspirerait vite une défiance motivée et soulèverait leur énergique protestation ; elles ei:ivoient leurs enf~nts à J école pour qu 'on les y instruise, pour qu 'on s'y app~ique à les former au bien , non pour qu'on les catéchise dans quelque sens que ce soit. Ce soin leur appartient à elles · seules, au même titre que Je soin de l'instruction religieuse. Dans le chapitre qui précède celui-ci, nous avo.Qs dit assez pour n'avoir point à y revenir que la neutralité scolaire 'étend au-delà du domaine religieux dans le domaine .poli. tique, et que sur ce terrain elle n'est ni moins obligatoire ni moins digne d ·attention et de vigilance. L ' hypothèse dans laquelle nous venons de nous placer : un in tituteur anti-républicain, est sans doute peu vrai~ semblable ; encore ne fé\ut-il pas l 'exclure comme impos. sible. En voici maintenant une autre tout opposée et dont il s'est vu des exemples : un instituteur <c extrémiste )), comme on dit vo-lontiers dans la langue politique d'aujourd'hui. 1e·s choses en seraient-elles changées pou:r cela ? Pa le moins du monde ; en présenée de quelque opinion qu ·on se trouve, la loi est toujours lil, même et t~ujours impérative, et le devoir demeure imariable. L'école .ne doit s'ouvrir à aucune propagande, à aucun prosélytisme ; elle
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n 'est pas créée pour cela, il ne faut pas se la1,ser de le.dire et de ie ,redire, et la volonté des familles y mettrait obstac.le, le cas échéant. Qu'elle soit républicaine, et par là « conforme aux principes juridiques et moraux » d'où procède toute l'institu~on sociale, nous nous en sommes expliqués dans une leçon précédente et nous sommes d'accord en cela avec l'opinion publique. Mais qu'elle prenne ouvertement parti pour telle ou telle fraction de l'opinion républicaine, la plus tiède comme la plus avancée, celle qui est momentanément au pouvoir comme celle qui est dans l'opposition, nul ne pour.ra l'admettre 1µ1 seul instant. Ce serait y introduire les dissensions entre partis, alors que la nation la ,veut, avec la loi, pacificatrice et créatrice de ·concorde ; ce serait y manquer à la neutralit~ et à l'union. La pression ainsi exercée sur les consciences d'enfants serait une véritable violation de ces consciences et un abus de pouvoir spirituel : ne sont-elles pas désarmées et toutes passives en face du maître qui leur impose sa croyance bu sa doctrine ? A ce titre, nous la proscrivons déjà énergiquement. Pas plus que je ne reconnais à un prêtre le droit d'enseigner malgré moi le catéchisme à _ mon enfant, je ne reconnais à un instituteur le droit de lui enseigner un catéchisme politique, de l'enrégimenter malgré lui et malgré moi dans tel ou tel parti. Qu 'il se borne à lui faire étudier le programme officiel, qu'il lui apprenne les connaissances positives et précises sur lesquelles porte ce programme et qui ne !)ont pas contestables, qu'il lui enseigne les vérltés morales 2 uxquelles se rallient tous les hommes : je ne lui permets pas d'aller plus loin, et en cela j'ai la loi pour moi. Je ne lui reconnais pas le droit de communiquer à mon enfant, comme étant la vérité objective, ses propres préférences politiques ou ses opinions personnelles.
4. Peut-il objecter qu'il travatlle pour l'avenir 7 - On objectera, et nous ne donnons l'objection que pour l'avoir entendue : mais si ces « avancés » sont dans le sens de l'évolution, si leurs idées sont c-elles de l'avenir, s'ils sont les vrais artisans du progrès ? Etrange fatuité, ou orgueilleuse présomption. Qui donc a don de prophétie et peut prédire l'avenir ? Qui donc peut se flatter de détenir dans sa pensée la vérité future, et œe affirm€fl' qu 'a,ultour d.e liU:i tout le monde se trompe ? La science el'le-même, malgré la certitude de ses données et la rigueur de ses mAfhodes, ne s'aventure pas dans une voie aussi téméraire ; elle ne pré-tena pas savoir de quoi demain sera fait. Serait-..:e que la
�poiitique ou la science sociale est plus assurée dans ses conjectures et plus affermie dans ses prooictions ? Assurément toutes choses changent ; nous ajouterons même que nos effo1ts n'aident pas peu à ce changement. Mais dans quels chemins elles s'engagent, ne nous flattons pas de le savoir de science certaine. Cest assez déjà d'avoir -à faire comprendre à l'enfant, autrement que par une formule toute verbale, que le présent est différent du passé, que l'avenir sans doute ne ressemblera pas au présent où nous sommes, c'est assez, disons-nous, sans vouloir se risquer plus avant et prévoir devant lui, surtout dans les institutions politi · ques et sociales, les différences probables ... et inconnues entre le présent et cet avenir. Ces anticipations aventureuses ne sont pas de celles où son esprit d'enfant puisse se hasarde_ sans dommage: Il ignore tout de la vie sociale, r de son vaste et complexe mécanisme ; qu'il attende d'avoir grandi avant d'essayer d'y voir un .p eu clair et de songer à imaginer ou même à comprendre un avenir hypothétique. Et puis enfin, pour en revenir toujours à une raison de bon sens, la fonction de l'école n'est pas celle-là. Elle apiPrend à lire et à écrire ; elle enseigne selon un programme .fixé des connaissances ·sûres, précises, incontestées ; elle meuble, la mémoire d'un savoir utile, abondant s'il se peut ; elle donne un enseignement moral et civique qui ne prête à aucune critique ni à aucune contestation, parce qu'accepté par tous ; et avec cela elle éveille le jugement, elle apprend à observer, à réfléchir et à penser. C'est déjà une belle 1Jâ1che et qui requiert tout le dévouement et toute l'activité de ses ma'ltr.es. Une tâche aussi, quand elle, est rem plie avec intelligence, qui. suffit à préparer dans l'enfant le citoyen futur, -épris d'un meilleur avenir. Cet éveil intellectuel, cette dispositiçm générale de l'esprit a une bien autre portée civique et une autre vertu qu'une propagande intempestive et discutable.
5. Faut-il s'en t€1Ilir à l'admiration du présent 7 - Est-ce à dire que l'instituteur doive professer que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Certes non ; s'en avi-
sftt-il, que l'enfant entendrait dans sa famille trop de démentis à un si audaeieux optimisme et trop de récriminations contre notre temps ; il ne pourrait faire confiance ensuite à la parole de son maître, et sa foi en l'école en serait d'autant diminuée. Mais pas plus qu'il ne se fait le pa- égyTiste qoond même des institutions actuelles et de n 1'état présent des choses, l'instituteur ne s'en fait le con-
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tempteur agressif et fougueux. A dirn vrai, il n:"amène pas à la lumière ces questions scabreuses, qui appartiennent plutôt à la politique active et qUJ'il serait vite dangereux d 'évoquer à l 'école ; il les laisse dans une pénombre discrète où rien d'aigu et de saillant ne peut apparaître pour froisser ou heurter qui que ce soit. S'il y touche, ce n 'est qu'en passant, incidemment et sans appuyer ; c'est surtout avec tant de tact et de modération, avec un tel sens de la réserve et des nuances, avec des paroles si mesurées et sages - c'est-à-dire, aUJ fond, si vraies - que nu;l, ne saurait s'en offenser ni voir là une intrusion de la politique à l 'école . Mais qui ne voit, qui ne devine combien difficile est cette attitude de mesure et de pondération, lorsqu 'on est soi-même véhémentement convaincu de l 'excellence de sa cause-et qu'on sent bouillonner en soi toute l'ardeur tumultueuse d 'un réformateur fervent ? Oui, combien est difficile a.lors, mais combien justement est plus nécessaire et 'doit être plus impitoyable cette discipline de sa.pensée et de son enseignement !
6. L'esprit général de l'enseignement. - Est-ce à dire encore qu'il faille n 'avoir que des paroles indifférentes, se résoudre à un enseignement sans vie et sans â'me et ne pas animer d 'UJll certain esprit toutes ses leçons, tout le travail scolaire, toute l'œuvre d'éducation à laquelle on e donne? Loin de là. Il n'est pas possible, ayons même la franchise de dire qu 'il serait scandaleux que l'école publique desservît la démocratie et la République, qui l 'ont créée à lewr image pour être une institution de progrès social, et qu'elle ne s'inspiPât pas dan on action et dam, son enseignement d 'une tendance sincèrement libérale. On poUIITatÏt dirre d'eHe a.loTs qu'e!Je est infidèle, jUJSqu'à les trahir, aux grands principes qui sont l'lâme de notre société moderne et qu'elle a reçu mission d'enseigner à la jeunes e française. cc Ne souffrez pas, disait Jules Ferry aux instjtuteurs en clôturant leur Congrès pédagogique de r88r, qu'on fasse jamais de vous des agents politiques ! Nous nous entendons bien, nous ne r ééditons pas la formule qui fut célèbre dans les dernières années de l'établissement si difficile, si contesté de la République, cette formule du fonctionnaire qui disait : Je ne fais pas de politique. A cette époque-là, comme on avait changé beaucoup de notions et bouleverrsé le sens des, mots, ne pas faire de politique cela voulait dire : Faire de la politique sournotÏse contre la République.
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Nous ne l'entendons pas ainsi. Je ne dirai pas, et vous ne me lais~riez pas dire, qu 'il ne doit y avoir da!\s !'·enseignement primaire, dans votre enseignement, aucun esiprit, aùcune tendance politique. A Dieu ne plaise ! ,p our deux raisons : d 'abord, n 'êtes-vous pas cha,rgés, d 'après les nouveau:i- programmes, de l'enseignement civique ? C'est une preqüère raison. Il y en a une seconde et pius haute, c'est que v~ms êtes tous les fils de 89 ... Cette politique-là, c'est une politique nationale ; et vous pouvez, et VOllS devez la faire entrer, dans les formes et par les voies voulues, dans l 'esprit des jeunes enfants ; ma.is la politique contre laquelle je tiens à vous mettre en garde, est celle que j'appelais tout à l'heure la politique militante et quotidienne, la politique de parti, de personnes, de coterie. Avec cette politique-là n 'ayez rien de commun I Elle se fait, die est nécessaire, c'est un rouage naturel, indispensable dans un pays de liberté ; mais ne vous laissez pas prendre par le bout du doigt dans cet engrenage : il vous aurait bien vite emportés et déconsidérés tout entiers. Une école pour un parti, une école pour une coterie, un instituteur de ·parti ou de coterie, vous seriez cela, quand vous êtes les instituteurs de la France et de la patrie I Vous useriez dans ces luttes quotidiennes, et d 'autant plus mesquines que l 'horizon dans lequel elles se passent est plus étroit, votre temps, vos forces, vot'fe chaleur d'âme, cette passion que • vous avez pour le oien I Non !. .. Restez là où nos lois et nos m;:eurs vous ont placés, restez avec vos petits enfants dans les régions sereines de l'école .. . » Ces régions sereines, il ne faut pour s'y maintenir que rlu tact, du bon sens et de la pondération, avec le sentiment même d 'un devoir prnfessionnel1très haut et tr.ès exigeant. Quant à t racer avec minutie, ou avec précision, la ligne de démarcation au delà de laquelle il ne faut jamais s 'aventurer , !!entreprise serait vaine. Personne ne saurait établir ·le catalogue des paroles à dire ou à taire, des idées à énoncer ou à garder pour soi. La limite nécessaire, chacun doit la trouver dans son bon sens, dans son savoir, ,dans son respect et des enfants et des familles.
7. Le savoir et l'esprit critique• chez l'instituteur. _:_ Nous -disons bien : dans son savoir ; ou, ce qui revient au même, dans la soumission à là vérité. Car c'est peut-être quelquefois un savoir plus profond et moins étri~, c'e's t en même· temps un 'fespect ou un sens plus éclairé de la vérité impartiale qui manqoo à quelques-uns de nos maîtres, lo:rs-
�-60qu'il,s ont la maladresse de vouloir introduire à ,l'école une propagande déplacée. Il est bien rare que la vérité, surtout dans les choses disputées de la polttique où se mêlent les passions et les préjugés, soit tout à fait oui ou tout à fait non, sans atténuation possible et sans adoucissements. Le pour et le contre, pour l'observateur de sang-froid et sans pa:rti pris, s'y enchevêtrent souvent au point qu'on n'y distingue pas toujours en pleine lumière le vrai et le faux, la rectitude et le sophisme. Toute doctrine enferme une ,âme de vérité : un philosophe l'a dit depuis longtemps. Entre le oui et le non absolus et brutaux s'interposent toute une longue série de nuances, de dégradations, de demi-vérités, oserait-on dire, qui sont souvent la pure et simple vérité bien plus qu'une affirmation ou une négation intransigeantes. Le oui se bute à toutes sortes de faits et d'arguments qui l'affaiblissent, le non doit composer à son tour avec toutes sortes de restrictions et de raisons qui le tempèrent ; trop catégoriques, l'un et l 'autre seraient hors des voies' droites. Nous ne sommes plus dans le domaine des sciences exactes où les solutions sont :rigoureuses, exclusives, parce que tous les éléments possibles ùes questions et des problèmes sont connus dans leur entier ; la vérité ici est autrement fuyante, souple et indécise. Avec raison on a pu reprocher à certains maîtres de simplifier démesu:rément l'histoire, de la rétrécir à des conceptions enfantines où la vérité ne se retrouve plus. << Avant 1789, rien ; depuis 1789, tout. » Rien de faux, rien d'étranger à la vérité historique comme ces raccourcis simplistes que les faits démentent à chaque pas et dont préserverait, sans aucun doute, une connnaissance plus copieuse et moins na,ï vement élémentaire de l'histoire. L'ignorant s'accommode à merveille de ces formules et de ces affirmations tranchantes ; le doute du savant, le doute prudent et méthodique, lui est une attitude impossible. Par une indin'ltion naturelle, il est logicien• jusqu'au bout, à outrar,ce. jusqu'à l'absolu. Sa logique implacable pousse à l'extrême les conséquences de ses principes ou de ses · doctrines, sans qu'il songe jamais à les confronter aux faits et. am. réalités. Il ignore la prudence dans les affirmations, la modération dans les raisonnements ; il ne s'arrête jamais à mi-chemin, il ne soupçonne pas Ùn instant qu'il puisse s'égarer dans les entraînements inconsidérés de sa dialr.ctique. La vérité pourtant n'est que dans cette attitude prudente et réservée qui sait la valeur des contingences r.t se défie de l'absolu. ·
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Mais combien est difficile une pareille attitude de l'esprit et de I.'iâme, et quelle riche et ,p rofonde culture à la fois intellectuelle et morale elle suppose chez les ·maître:. ! Par toutes les voies nous sommes ainsi ramenés à l'alffirmation cent fois évidente que nous placions au début même de notre première leçon : l'école vaudra ce que vaut le maître. Et nous vivons en des Lemps où il est d'extrême importànce que les instituteurs et pa:r eux, ~ce à eux, l'école publique, soient de premier ordre. Jaurès écrivait, quelques années avant les ~v-énements qui ont bouleversé le monde, les fi.ères et fortes paroles que voici, que rien n'est venu depuis affaiblir, qu,i plus qu'alors sont dignes d'être relues et méditées. Relisons-les, méditons-les, écoutons cette grande voix : « Rien n'est plus difficile que d'enseigner la morale et l'histoire dans une société aussi tourmentée, aussi divisée que la nôtre. Se réfugier dans un enseignement incolore et glacé, qui ne serait q_u 'une nomenclature de faits sans âme ou de menus préceptes sans idéal, serait une déplorable abdication. Il faut que l'enseignement soit vivant, moderne, toot pénétré des plus généreuses espérances de la science et de la démocratie. Mais plus il sera vivant, plus il faut qu'il soit débarrass~ de tout esprit de polémique subalterne et de dénigrement systématique. Il importe que l'esprit de l'enfant soit préparé à comprendre le sens des époques successives dans la grande évolution humaine, à reconnaitre avec sympathie la ~andeur des efforts du passé comme des espérances de l'avenir. Il n'y a pas, je le répète, de tJâche . plus dilfficile. Et les maîtres n'y pourront suffire que s'ils considèrent eux-mêmes qù'un de leurs premiers devoirs est d'élever sans cesse et d'élargir leur propre culture. Par là seulement ils seront en sympathie avec toutes les grandes idées de l'esprit _ humain, avec toutes les grandes forces de l'histoire humaine, et capables de donner un enseignement vraiment impartial quoique noblement passionné (1) ».
(1) Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieW' (6 février 1910).
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�CHAPITRE V
Les Livres de Classe
Du choix des livres de classe doit être fait.
avec quelles précautions il
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2. .3. 4. 5. 6. ------c
Prescriptions réglementaires; ouvrages donl les élèves doivent être munis. Les listes départementales. Les droits des familles • La simplicité dans les livres élémentaires. L'inlérèt. Les ouvrages de morale, de lecture, d'histoire. Esprit ancien, esprit nouveau.
1. Prascr~ptions réglementaires. - Rappelons d 'abord les _prescriptions réglementaires sur le « matériel d'étude à .l'usage individuel » dans Les écOiles, prirn:aires publiques, comme dit le décret du 29 janvier 1890. Aux termes d'un .article de ce décret, tout élève doit être muni au minimum ,des .ouvrages suivants : Dans le cours élémentaire un premier livre de lecture. Dans le, coJLrs mayen : un livre de lectures co urantes approprié au programme .du cours moyen ; une grammaire élémentaire avec exe.rcices une arithmétique élémentaire ; un _ petit atlas élémentaire de géographie un livre d'histoire de France, Dans le coùrs supérieur : un livre de lectures courantes approprié au programme ,du cours supérieur ; une grammaire française avec exercices ; une arithmétique ;
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un livre d'histoire de France ou d'histoire générale con· forme· au programme ; un atlas de géographie ; un livr,e d'instruction morale et c1v1que . Tels sont les seuls ouvrages dont l 'instituteur peut exη ger légalement - nous disons pe.ut et non doit - que cbaqtJe élève soit pourvu. En fait, la règle souffre des e;x.ceptions assez fréquentes : il est des écoles où tantôt l'un, tantôt l'autre de ces vo'l umes obligatoires n'est pas mis entre les mains des écoliers; il en est d 'autres où la liste des ouvrages possédés par chacun d'eux est plus longue au contrnire que la liste fixée par le décret. Dans le premier comme dans le second cas, les maîtres ont leurs raisons pour agir ainsi ; néanmoins on serait plutôt porté à regretter un peu une trop grande parcimonie : un bon livre ,e st si précieux ,et peut rendre tant de services! Ce nous est l'occasion en~ore de recommander une qualité tourours à sa place et toujours d'un prix particulier chez un éducateur : la prudence, le tact, le souci de l'opinion et des sentiments des familles. Il s'en trouve quelquefois parmi elles pour qui l'achat des livres de classe rnprésente une dépense sensible, un peu lourde même à leurs budgets modestes ; il faut donc la leur réduire dans toute la mesure cfo possible, sans que toutefois les études des enfants en soient compromises. On en voit d 'autres qui, par un esprit inopportun d'économie ou par UJI1e sorte de demiindifférence aux progrès de leurs enfants, sont, quoique aisées, peu ou prou rebelles à des dépenses de cet ordre. Il est des maîtres qui, de leur côté, se· laissent entraîner parfois à mettre un trop grand nombre de livres entre les mains de leurs élèves, et, poussant ainsi llâcheusement à la dépense, s'exposent à soulever quelque mécontentement chez les parents. Tous ces intérêts un peu divergent~ ou toutes ces tendances un pe,u contradictoires doivent pourtant être conciliés; et cette conciliation n'offre pas des difficultés invincibles ni même bien sérieuses à: qui ' sait s'y prendre.
2. Les listes départementales. - La loi n'accO'l'de pas aux instituteurs (r) une liberté sans bornes dans le choix des manuels dont leuT classe fait usage. Néanmoins une
· (1) Il ne s'agit ici qu e d es écolés publiques. L es directeurs d'écoles privées sont entièrement libres, dit la loi, dans le choix des méthodes, des programmes et des livres.
�-64très grande initiative leur est laissée, comme on va le Yoir _par le texte suivant du décret du 21 février 1914, qui réglemente la matière : ART. 1°'. - Dans chaque département, la liste dEllS livres rc-connus propres à être mis en usage dans les écoles primaires .élémentiaires publiques est l 'objut d'une revision annuelle. ART. 2. - A cet effet, les rnstiluteurs et les institutnc,~s titulaires de chaque canton, réunis chaque année en conf.S. rence, sous la présidence de l )nspecteur primaire, proi,'os~u t les additions et les suppressions qu'ils jugent utiles. Chaque propooilion doit être l'obj,!t d 'un rapport motivé et d"un vote de la conférence. ART. 3. - Ces propos-ilions sont trnn'.lmises à l 'inspeoteur .d'Académie. Une commission, .siégeant au chef-lieu du département, les examine el dresse, pour le déparLement, la liste de celles de ces propositions q u ·eue adopte. Celte commiS6ion est composée ainsi qu'il suit : !" inspecteur d 'Académie, président ; les inspecteurs primaires, le di-recteur, la directrice et les professeurs des écoles normales, les délégués des instituteurs et des intitutrices au conseil ..départemental, deux délégués cantonaux désignés par le conseil départemental. ART. 4. - La liste dressée par la commission siégeânt au cbef-lieu du département est wu.mise à l'approbation du rec.teur. Si le recteur refuse d'approuver l 'addilion ou la suppression .d 'un ouvrage, il en réfère au ministre qui statue, après avis de la section permanente du conseil supérieur de l 'inslruc.Lion publique (2). Pourquoi ces formalités ou, si l'on veut, ces précautions ? Que le soin de dresser la liste des ouvrages scolaires soit remis aux instituteurs, la chose va de soi : qui mieux qu'eux, gens du métier, peut par avance apercevoir les -qualités et les mérites de ces manuels OUI, à l'user, leurs .défauts et leurs insulffisances ? Ils sont donc pleinement .qualifiés pour leur ouvrir les portes des écoles ; et le suffrage des .c onférences pédagogiques, après un rapport motivé, prévient les_fantaisies individuelles et garantit contre
(2) Le conseil .supérieur de !'Instruction publique compte un peu plue de cinquante membres, dont neuf nommés par décret du Président de la République, les autres étant élus par l'enseignement supérieur, l'enseignement seeondaire, l'enseignement primaire (celui-ci y a six représentants). La section permanente comprend les neuf membres nommés par le Président de la République et -six conseillers que le Ministre désigne parmi ceux qui procèdent .de l'élection.
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des choix un peu maladroits ou un .p eu étranges, si tant est du moins .que de pareils choix soient à redouter. Mais il peut arriver néanmoins que des manuels soient partiaux ou malencontreusement tendancieux, ou que la valeUT en soit plus que médiocre, ou qu'ils ne soient pas o·un bout à l 'autre d 'un bon goût irréprochable, qu'ils d'ffensent même la vérité (en histoire par exemple), sans que ce caractère apparaisse avec netteté soit à ! 'instituteur qui les présente, soit à la conférence cantonale qui en demande l 'inscription sur la liste olfficielle. Il se peut que qoolque.s phrases disséminées çà .ert; là e t qw ont ocfiappé à une lecture quelquefois :rapide, ou bien encore qu'un _paragraphe au cours d 'un chapitre q;uclconque, soient contraires à la neutralité ou au respect délicat qui est dû à l'enfant et prennent des allures de combat ou de propagande dont les familles s'inquiéteraient. C'est pour éviter des erreuTS de cette nature, très rares du r este et 1rès exceptionnelles, que les décisions des conférences d 'instituteUJrs, puiis c elles de l~ commission œ ntra,le, sont soumises a u recteur et même au ministre dans les circonstances que nous avons indiquées. Et parce que l'école, ne l'oublions jamais, est faite pour 1es familles et pour les enfants et qu 'elle ne peut m éconnaître ou leurs volontés ou leurs besoins, le r espect des familles est poussé dans cet ordre de choses à l'extrême limite. Si des parents, en effet, jugeaient q u 'un livre mis Pntre les m ains de Jeun~ enfants ne convient pas à l'école primaire., ou qu'il m anque à la neutralité imposée par la l oi aux maîtres et à l'enseignement, ils auraient le droit de saisir le ministre et d e demander que ce livre fût interdit. dans les écoles publiques. Au reste il existe une liste d 'ouvrages interdits soit dans les écoles publiques et privées, soit dans les écoles publiques seules. Il ne nous paraît pas utile d e la donner ici, puisque ces volumes ne fi . · gurent sur aucune liste départementale et qu 'ainsi nulle, k ole publique ne court le risque de les admettre. La plupart sortent de maisons d'édition qui publient surtout des manuels à l 'usage d es établissem ents catholiques : la neutralité y est atteinte dans le sens que l'on devine. Mais des exempl es tout opposés pourraient se :rencontrer aussi et se rencontrent en fait. ' Telle est donc la première précaution à prendre dans le choix des livres de classe, afin qu'ils n 'exposent pas l'école aux protestations des familles . Ces protestations peuvent tenir d'ailleurs à des causes tout à fait contraires : soit à
MORALE PROFESSIONNELLE.
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�-66l'esprit rétrograde de l'ouvrage, soit à son allure trop ... mettons trop résolument novatrice et hardie. Dans l 'une comme dans l 'autre circonstance, il manque à, une règle essentielle et doit être à cause de ceia éliminé. Répétons-le comme une de ces vérités évidentes qu'il faut néanmoins redire sans se lasser, dùt·on en obséder les gens : ce n'est pas en mettant les populations en défiance que l 'école laïque triomphera. Nous ne la voulons .p as prête ni résignée à toutes les concessions et à toutes les capitulation ~ nous ne voulons pas non plus qu 'elle s 'expose par des atti- 1 tudes outrancières .à des attaques ou à des critiques bruyantes qui, pour outrées qu'elles soient elles-mêmes, ne manquent pas de la déconsidérer, elle, son personnef et la cause.qu'elle représente.
3. La simpEcité. - A cette précaution importante et d~ilcaœ, dollit nous dirions violootiers qru'ei1le est d'ordre moral, doit s'en ajouter plus d'une d 'ordre plus spécialement pédagogique, et parmi lesquelles tout d'abord celle qui concerne la implicité. Celle-là aussi doit être attentive et clairvoyante ; eill1e veut dur disaernement et de la réflexion, et même quelque perspicacité : car il est fréquent qu'on ne s'aperçoive qu 'après avoir ' choisi, donc trop tard ,qu'on s'est trompé. Avec la plus louable intention du monde, voulant être substantiels et riches plutôt que maigres et pauvres, nos manuels d 'école primaire ne savent pas assez contenir leuT ambition ni modérer leur bon vouloir. Ils s'enflent au delà de la mesure raisonnab.Je , oubliant qu 'ils sont destinés à des enfants; à des enfants, c'est-à:·dire à de très humbles commençants dont l'intelligence ne fait que s'éveiller et qui ont tout à apprendre, à des commençants que bien des fois le milieu familial ou local n'a pas préparés beaucoup au régime intellectuel de ]'école et qu'un livre trop savant ou trop touffu a vite dépaysés puis rebutés. Il est fréquent, malgré l'effort indiscutable de simplification qui a été fait depuis quelques années, qrue nos livtres dei dlasse soient d'U!Il det>crré· aUJ-des. sus du cours en vue duquel ils ont été composés. Les Instructions de 1923 le constataient non sans une pointe d'ironie voilée; elles regrettaient qu'on n'eùt pas su toujour.conserver aux anciens programmes, ceux de 1887, leur caractère de simplicité, et que les liwres""'é1crilts poiur les élèves eussent mis trop de complaisance « à substituer amme olWciel de volumiaux quelques pages du progr_ neuses interprétations... Si bien qu'il est rare de trouver
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aujourd'hui dans une classe un livre qui réponde à l'esprit ,et à la lettre du programme officiel : les manuels écrits pour Jes sections enlantines - d ·où ils devraient d 'ailleurs être bannis, car l 'enfant, dans ces sections, n 'a pas besoin d 'autre livn~ que du syllabaire - sont du ni. veau du cours élémentaire ; ceux que leurs auteurs destinent au cours élémentaire sulffiraient pour les ·élèves du cours moyen, et, s'ils pœsédaient les connaissances énumérées dans les livres faits pour le cours moyen, on pourrait féliciter de leur savoir les élèves du cours supérieur >J. Aussi voudrions-nous que la première qualité requise dans un manuel fût la conformité au programme, à l 'esprit et à la lettre du programme, comme il est dit dans les lignes qui viennent d 'être citées; nous entendons une c<;mformité réelle, exacte, qui ne fût · pas seulement une similitude dans les titres des leçons ou dans l'ordonnance.ment des chapitres. Nous n'avons pas certes la superstition du programme olflkiel, nous ne le tenons pas pour un dogme soustrait à la critique et devant lequel on s'incline en silence. Mais enfin il est, on a le droit de soutenir qu'il répond. à peu près dans chaque cours aux possibilités et a1Lx besoins, et par dessus le marché i.il a force die loi. A ! 'étendre en cor e l 'eneur serait grande, et nO'Us verrions vite reparaître ces volumineuses interprétations qu'on a déplorées et qui étaient, en vérité, déplorables. Enseigner c ·est choisir, dit un vieil aphorism e plein de sens. Demandons que nos livres élémentaire nou présentent un choix sévèrement limité, mais judicieux, intelligent, pratique, de connaissances qui oiênt simples, bi en à la poTtée de nos écoliers, e t dont l'ensemble form e v:raiment cc ce quïl n'est pas permis d 'ignor er ». Mais avec quelle facilité ce modeste avoir d'école primaire, ces élémentaires connaissances qu 'il n'est pas permis d'ignorer , deviennent ch ez certains auteurs, les Instructions elles-mêm es ) P constment, une nourriture pléthorique et compacte que nulle intelligence d 'enfant n'est en état d 'asS':imiler ! Qui dit simplicité ne dit pas .pourtant indigence ou pauvreté; il ne faudrait pas que la peur d'un mal nous conduisît d'ans un pire. Sans doute des manuels trop touffus n e conviennent pas à nos écoliers, parce qu'ils les dépassent et sont indigestes ; mais des ouvrages trop squelettiques ne leur conviendra ient pas davantage, à cause de leur séch eresse et de Jeux insuffisance. Il est une forme de la simplicité sur laquell e nous insisteroos davantage parce que peut-êtTe on n 'en a pas toujours une préoccupation
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suffisante : c ·est cell e du langage . Tel ouvrage que nou& pourrions citer est une constante énigme pour les enfants, parce qu ïl est écrit dans une la ngue abstraite et sèche qu 'ils n e peU\'ent entendre et qui appelle à chaque paragra,phe, à chaque phrase, des explications et des conunen- . taires sans fin. C'est là un très g rave défaut et pour lequel nous écarterions sans hésiter des ouvragC\5 qui Qlllt pour.ant par aif!eurs plus d 'une qualité séirieuse. Il faut que le Ji.vre,. comme le maître, tienne aux enfants un langage à leur wrtée. Nous n·espérons pas qu 'il puisse se faire s imple , clair et _lwnineux. comme la parO'le du b-On instituteur ; mais nous voulons au mo-in qu'il ne soit pas par son vocabulaire e t par sa lang ue un incessant casse-tête et que la lecture ,en soit intelligible et \PfOfitable. Qui dit simplicité ne dit pas non plus puéirilité, insignifiance. Parce qu 'ils veulent être écrits dans une langue enfantine, certains ouvrages n 'arrivent qu 'à contrefaire· gauchement cette forme enfantine et donnent dans une affectation de simplicité où l'on oserait presque dire qu 'il entre par mom ents comme un peu de niaiserie. Or r enfant, quoi qu'il en puisse sembler; aime une langue d 'hommes et la préfère à, une langue de bambins. Il l 'aime comme il aime dans ses jeux, dans ses manières ou dans ses allures, tout ce qui l'élève au rang d 'homme et · par là le séduit ou l'enchante en plaisant à son amourpropre. Que nos livres ne craignent donc pas de lui parlerune lang ue adulte et virile, une langue où il y ait de la fermeté, de la force, d e la précision, pourvu qu 'elles ne !e dépassent pas.
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4. L'intérêt. - Ce n 'est point · assez qu'un livre pour l 'école élémentaire soit simple et néanmoins nourri, clair et néanmoins d 'une belle tenue par le contenu et par la langue ; nous lui demandons, dans toute la mesure où peut s'y prêter la matière dont il traite, une qualité de premier ordre aussi : l'intérêt. Et là encore il y a matière à pr~autions sagaces quand on fait choix d'ouvrages pour une classe. Peu intér essants, à cause de cette exagération de puérilité dont nous parlions tout à l 'heure, !es livres de lecture qui sentent trop l 'artifice, la berquinade, l 'historiette conventionnelle et faussement naïve, inventée pour les besoins de la cause ; ou ceux qui, ne voulant présenter à l'enfant que des scènes familières, se traînent dans un fastidieux terre à terre sans un grain de jolie·
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fanlaisie souriante ou sans u11 e:ssor d imaginaLion. Peu intéressanLs les manuels ct histoire qui ne donnent qu ' une ennuyeuse et sèche suite de taits, avec su,rabondance de noms propres el de déLa1ls arides, et se flattent de· faire absorber à 1 enfant des exposés où rien ne répond à sa courte expérience des hommes et des événements, où tout se confond 1 pour lui, se brouille et s 'emhrou1lle dans un latras savant. tout hérissé de formules livresques. Peu intéressants les livres de géographie qui ne sont d'abord et longtemps que définitions - oh I oes définitions revêches et purement verbales au seuil même des petits traités de géographie élémentaire ! - puis qui aux définitions ajoutent les nomenclatures interminables, sans cartes attrayantes et claires, sans belles gravures qui disent quelque chose et qui même disent beaucoup, sans grapniques qui parlent aux yeux, sans même quelcruefois le souci des faits nouveaux et des sLatistiquoo récentes. Peu intéressants les manuels de sciences qui ne sont que le traditionnel exposé livresque, sans rien qui le rajeunisse et le vivifie, sans rien qui parle aux sens ou à l 'imagination, sans oopieuoc questionnaires qrui oœti.nhme,nt convient à l observation avisée et curieuse, sans une page qui laisse entravoir les nouveautés et les hardiesses même de la science. Peu intéressants, dans leur aridité presque obligatoire, les livres d ·arithmétique qui sont la redite ài peine modifiée « du vieux catéchisme du calcul » toujours présenté de la même manière et sous les mêmes formes, qui ne semblent pas s'apercevoir que la terre a tourné depuis un quart ou un tiers de siècle, que tant de définitions et d'abstractions doivent faire place à des connaissances plus concrètes, plus vivantes et plus usuelles, et que les données des problèmes ne peuvent plus être ce qu'elles lurent au temps lointain de la monnaie d'or et des tarifs 0u des prix sans majoration. Peu intéressants les ouvrages attardés, qui ne se sont pas r enouvelés alors que tout se :renouvelait, qui n e sont appropriés ni à des pensers nouveaux, ni à des méthodes nouvelles, ni à la vie moderne. Ou ceux encore qui marchandent par trop la ' place ?i. l'illustration tantôt artistique, tantôt évocatrice, tantôt dor:umemtaire suivant les drconsta:tices et 1J1on IJ1éd.UJite à a'insignifiantes· et minuscules gravures que l'enfant regarcle à peine, parce qu 'elles ne l'attirent pas. Ou ceux encore dont la présentation matérielle n'est pas agréable, voire 9.l]échante, qu·i ne savent pas disposer avec clarté et avec goùt . tifres et sous-titres, qui sont imprimés en caractères dont
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la lisibilité insumsante décourage de prime abord la lecture et constitue de plus un danger permanent pour l'hygiène même de la vue. 11 faut bien des qualités de toutes sortes p.o ur faire un bon livre de classe, car il doit tout ensemble plaire à l'enfant, suppiéer au besoin le maitre dans quelque mesure et, en tout cas, seconder intelligemment l'enseignement que donne celui-ci. Peut-être un type aussi parfait d'ouvrage classique n'existe-t-il point; à nous de savoir faire choix de ceux qui s ·en approchent le plus. Et les meilleurs ,,e seront, avec toutes les qualités que nous avons dites déjà, non les meilleur en soi, mais ceux qui seront le mieux adaptés à notre classe, qui pour une raison ou, pour une autre conviendront le mieux à notre auditoire scolaire. Si bien qu'au totaJ le maître qui examine des livres de classe pour faire élection de l'un d'eux devrait .se poser à ' peù près. un questionnaire tel que celui-ci : 1° Ce ,livre est-il conforme aux programmes, à leur lettre comme à le1,1r esprit ? 2° Est-il élémentaire et par le fond et par la forme ? Ditil tout l'essentiel et rien que l'essentiel ? Si les élèves le possédaient à peu près sûrement, auraientils la mémoire suJffisamment garnie et avec elle l'intelligence ouverte ? ou tourne-t-il dans un cercle d'idées un peu rétréci, un peu désuet ? La langue en est-elle à la fois ferme et simple, dépouillée des formules toutes faites ou des clichés usés (« Colbert fit rendre gorge aux traitants 1>) auxquels l'enfant ne comprend goutte et qui sont si usuels néanmoins qu'on ne · songe pas à les lui expliquer a 3° Rendra-t-il vraiment des ·services aux élèves ? Lesquels ; comment ; pourquoi ? Leur est-il indispensable ? 4° Est-il intéressant, œ sera-t-il pour les enfants, et [PIOU.Tquoi ? Et les parents eux-mêmes aumnt-il's, le oas échéant, quelque agrément ou, quelque profit à le feuilleter ? 5°· Ne contient-il· rien qui puisse porter ombrage ou déplaire aux familles, qu'il s'agisse de fautes contre la neutralité, de fautes contre le bon go-0.t, de fautes contre une correction parfaite dans les idées, les récits, les gravures ? son prix même, n'est-il pas trop .élevé ? 6° S'il renferme des notes e?('.plicatives ou des questionnaires, la rédaction en est-elle heureuse ? le choix
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en est-il intel'iigeint ? Est-ce cimpl.eanent mécanisme, routine, ou ce complément peut-il clficacement servir aux élèves ou aider le maître ? 7° Est-il assez coquet, solide, bien illustré, d'une illustrati'on qu!Î. ait Ull1 seins ? .,...... Est-ill imprimé en caractères assez gros, avec une heureuse disposition matérielle des chapitres et des paragraphes ? Etc ... Ce questionnaire n 'a rien de limitatif; il n'est présenté ici ni comme le seul ni comme le meilleur possible-. Il apporte seulement quelques indications toujours importantes et toujours utiles, et chacun pourra le compléter à volonté suivant l'occurrence et pour le plus grand bien de sa classe.
5. Les ouvrages de morale, de lecture, d'histoire. -
Parmi les livres de classe destinés aux écoles primaires, il en est quelques-uns dont le caractère tout spécial ne saurait nous échapper et doit retenir un moment l'attention : ce sont ceux d "instruction morale et civique, de lecture courante, d 'histoire. Ce qui les classe à part des autres, c'est qu'en raison de la matière même dont ils traitent et qui est éminemment propre à évoquer ou à faire naître des sentiments, ils s'o nt les plus décisifs dans la formation profonde de l'individu. On peut les impré-gner d'un certain esprit, en faire le véhicule discret de certaines façons de penser ou de sentir, de comprendre la société et la vie; on peut éveiller par eux des émotions, des sympathies, des antipathies qui par la suite peut-être ne s'effaceront pas. Ils sont ainsi capables d'une action éducatrice que ne sauraient exercer à un degré semblable les ouvrages de pur savqir; ces derniers ne s'adressant qu'à l'intelligence et à la mémoire, non au sentiment, n'ont pas· cette puissance de sugge~tion et d'émotion. Là est 1'importance toute particulière de ces manuels comme aussi l 'écueil auxquels ils sont exposés, et par conséquent la dilfficulté plus délicate d'un choix judicieux et motivé. Lorsque, comme il est arrivé naguère, des batailles se sont livrées entre les partis politiques ou religieux ?i. propos des manuels scolaires, · ce sont toujours des ouvrages de morale, de lecture, d'histoire qui furent incriminés à cause de leurs tendances ou de quelques-unes de leurs pages. De ces livres, en effet, les uns sont, pourrait-on dire, avancés, J.es autres attardés; empressons-nous d'ajouter d'âilleurs qu'aucune .nuance d'approbation ou d'improba-
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tion ne s'attache ici à l'une ou à l'autre de ces deux épithètes : elles ne sont employées que comme des vocables commodes parce . que compris de tous. De nos manuels donc, il n'est pas çiouteux que les uns gardent plutôt fidélité. aux institutions et a~x traditions, aux idées et aux sentiments dont le passé fut fait · et d'où il ti.ra, souvent sa force et sa grandeur. Il est non moins visible que les autrés me.ttent à la voile vers des temps nouveaux, souhaitent pour les hommes d 'aujourd'hui et plus encore de d!emain une éducation et une (( mentalité )) nouvelles qu ïls travaillent à former, pour le moins à préparer. Lesquels ont raison, et auxquels donner la préférence ? · · Posée sous cette forme simpJiste et absolue, la question nous semble insoluble. Demandons à connaître premièrenwnt tous les faits de la cause, à réfléchir et à discuter; nous verrons ensuite, s 'il y a lieu, comment trancher le débat. Nous ne déclarons à priori ni que tous · les livres d ·une catégorie ni que tous ceux de l'autre manière sont nécessairement bÔns ou mauvais et doivent , être tenus d 'emblée pour suspects. Qu'on nous les présente, que nous ayons les n oyens de voir par le détail ce que contient cha~ cun d'eux et quel souille l'anime. Une fois dûment éclairés, et dans tout l 'effort 'Cl.'impartialité qui nous sera possible, nous essayerons de juger selon la saine raison ; jusque-là ré&ervons notre jugement . . Mais qu'il soit entendu d'abord que, timorés ou hardis, traditionalistes ou novateurs, ces 0 uvrages de caractère si différent ne sont .p as de ceux dont, en toute justice et en toute bonne foi, la conscience des enfants et des familles ou l'opinion publique soient fondées à s 'émouvoir, encore moins à s'alarmer; sinon nous les écarterions sans instruire plus longuement leur procès. L'homme de raison dro;te et d'esprit tolérant ne s'étonne pas le moins du ·monde de trou.ver dans un mêm~ recueil !'Hymne. de Victor Hugo :
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Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ...
et les strophes de Lux qui terminent Les C/1Xitiments
Temps futU.I'lS l Vision ~ublime !...
Il applaudirait plutôt à ce rapprochement, qui répond à de très nobles et très hautes aspirations humaines. Nous ne voyons pas que la réunion de ces deux poèmes dans un livre de morceaux choisis puisse inquiGt~r qui que ce soit. Le seul sujet d'inquiétude, et le livre alors n'y serait pour rien, ce pounraient être les commentaiTes in.temipéiran!s
�d ·un maître maladroit ; mais ils se feraient aussi bien jour à propos de n'importe quel texte. 6'. Esprit ancien, esprit nouveau. - Ces remarques faites, deux observations s ïmp9sent, qui sont plus ou moins contradictoires, mais non inconciliables sans doute dans un juste milieu. La première, c'est que l'éducation ne peut s 'immobiliser, pas plus dans son esprit ou son dessein général que dans ses méthodes. Tout se transforme dans la société, tout évolue, comme nous disons volontiers aujourd 'hui; et so us peine de n 'être plus adaptée, de tourner le dos à la vie, 1'éducation eiHe-même, image ou é.manation de cette société,, doit s'accommoder au temps et se modifier par degrés . Il lui faut se mettre, suivant ce mot de Félix Pécaut que nous avons déjà cité au cours d 'une leçon antérieure, dans l 'air ,.de la vie présente. Nous ne vivons plus à l'époque d e Louis XIV ou · de Louis -Philippe; nos livres actuels ne peuvent donc plus être ceux qui e ussent conve~u à des écoliers d 'alors. N011S ne pouvons p iétiner lorsque le monde marche, car il nous aurait bien vite abandonnés. L'école a pour tJâche l 'adaptation de l'enfa nt au milieu social; nous n 'avons pas le droit d 'être des fossiles. • La seconde, c 'est que cette évolution est irrégulière, par fois problématique ou h ésitante, pleine de cahots et de soubresauts, que nous n 'en distinguons pas avec une parfaite sûreté de vision la direction et le sen ; l 'avenir nous demeure caché, quoi ·que nous fassions. Puis encore, elle ne se fait pas par la négation totale et soudaine du passé ; elle en est fille, elle en sort pâr transition insensibles, el1e tient à lui par des liens sans nombre qui ne se rompent pas au gré de nos désirs et de nos volontés, ni par la ·seul e vertu d 'une législation brusquement réformatrice. Ce seront toujours pour une bonne part les morts qui gouverneront les vivants. Educateurs, nous cherchon s la vérité, nous voulons vivre dans la vérité, nou s vO'Ulons enseigner selon la vérité. Or elle n 'est ni dans l'immobill.ité çle l'histo,i. e, n i, dans une r course éch evelée que er ait censé cmiduire v,e rs ! 'avenir le dieu Progrès. << L 'histoire, disait .Taùr~s, enseigne aux hommes la dilffi culté des grandes tiâche et la lenteur des accomplissem ents ». Il ajoutait d 'ailleurs tout aussitôt : · « Mais elle justifie ] 'invincible espoir ». La vérité et la raison sont donc, ici comme partout et plus encO're en édu cation, dans fa juste mesure et non dans les extrêm es.
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.Mais celte juste mesure, ici comme partout aussi, n'est pas enfermée en des limites que l'on puisse nettement tracer· une fois pour toutes. Sottise et bon sens, erreur et vérité, exagérahon et sagesse confinent et se succèdent comme la nuit au jour ; qui saurait dire la minute précise où cesse le jour et commence la nuit ? Qui saurait di're de même quelle· parole ou qu.eillie suggestion so,nt, dans l'enseignement d'u maître ou du livre, aux limites indécises et mouvantes de la vérité et de l'incertitude? Plus d 'une fois déjà nous avons rencontré ce problème redoutable et toujours nous avons redit la même solution : dans· ces questions de mesure, de nuance, de bon sens, on ne peut s'en remettre qu'au tact et à la raison éclairée de chacun. Ra,ison éclairée, disons-nous ; l 'est-elle quand le maître abonde complaisamment dans ses propres idées et qu'il croit servir la :vérité objective en ne donnant audienc~ qu 'à s.es préférences pro,p res ? Un vigoureux esprit critique n 'est-il pas Ja marque et la condition prem'ière d'une raison éclairée ? Que par exemple un certain patriotisme haineux et ombrageux, qui tourne à la « surexcitation éperdue du sentiment national » (1), ne doive plus trouver place dans l'enseignement de l'école primaire ; qu'on ne puisse .y passer sous silence l'existence de la Société tles Nations; qu 'on y soit teAu à la justice, c'est-à-dire à la vérité, enveTs toutes les patries et envers tous 1-és peuples; qu'il ne faille pas dénaturer l'histoire, ancienne · déjà .:>u toute récente, pour la faire servir à l'exaltation et à l'apologie constante et quand même de s_ n prop-re pays et de o sa propre race : tout homme de oœur et de sens qui ne s'hypnotise pas sur le passé y souscrira. Mais, anticipant sur des événements éncore incertains et peut-être fort éloignés de npus, faut-il parler et agir comme· on le ferait dans une Europe définitivement pacifiée ? faut-il ,par-Ier Pt · agir comme si à ja.m ais était ouverte l'ère radieuse de la réconciliation internationale? Est-ce « sans précaution et san contrôle )) (1) qu'il faut ouvrir l'école aux idées et aux aspirations nonvelles ? Et tout de même doit-on l'y tenir fermée ? Pour revenir à notre question des mamiels scolaires, que nous n'avons quittée qu'en apparence, concluons que pour les cc orienter vers l'avenir n - ce qui ne laisse pas ·d'être désirable et sans doute nécessaire - il faut de la
(1) Enqu~te sur les livres scolaires d'après guerre, p. 113. (Centre européen de la dotation Carnegie).
�prudence et de la hauteur de vues, jointes à une large et dairvoyante ouverture d 'esprit. Mais quand elle est à la fois mesurée et ferme, respectueuse de la vérité et prudente dans ses a1ffirmations, cette orientation nouvelle nous paraît digne des efforts de l'école. Il ne faut seulement que l'accueillir avec discrétion, sans esprit de parti, sans passion politique, dans le seul et juste amour de la raison et de la vérité.
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�CHAPITRE VI
Devoirs envers les Élèves
Respect de leur personnalité naissante, équité, bonté. Soins et visites aux élèves malades.
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2. 3.
4. 5. 6. 7. 8. 9.
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L e bon insliluleur. Se dévouer à ses élèves. Donner le bon exemple. A pplication particulière à la langue française. Le libéralisme dans l'édur;alion. Respect de la personnalité inlellecluelle des élèves. Respect de leur personnalité m orale. Bonté. Equilé. Soins el visites aux élèves malades.
1. Le bon instituteur. - Ayant à traiter d es devoirs d e l 'instituteur envers ses élèves, c'est-à-dire des plus nombreux et des plus importants devoirs de sa vie professionn eUe, nous résisterons, pour commencer, à la tentation faci le de tracer le portrait de l'instituteur idéal, mais mythique el à tout jamais inexistant, en qui se rassemblent tan t de qualité qu.'on ne sait vraiment si l 'on doit sourire ou s'émouvoir de cet idyllique et touchant tableau. Quand orn a ,parcooru l'a longue Jï-ste de oes vertus q'U,i sont requises chez le maître et des devoirs auxquels i1 doit s'astreindre sans manquer à un seul , oil ne peut se retenir de penser, avec quelque scepticisme; ou quelque amertume, que tant de perfection ne se doit guère rencontrer au monde, e~ q.u 'a.u.x vert.UJS qu'on exiige des instituoou.rs bien peu d 'hommes peut-être auraient droit d 'enseigner dans les écoles primaires. Soyoos donc raisonnables, c'est-à-dire r espectueux de la vérité vraie, et n 'en demandons pas tant.
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Lïnslituteur n'est pas un héros ni un .saint, et attendre ,communément de lui des vertus trop austères ou trop hau.te.s serait une attitude purement conventionnelle, qui ne laisserait pas de sentir un peu le pharisaïsme ou l 'hypo.crisie. Il est homme, et il participe de la condition lmmaine ; n'espérons pas, par conséquent, qu'il soit sans fai.blesses et sans défaillances, qu 'il n'ait jamais de moments d 'humeur ni d'heures maussades, qu 'il ne lui arrive jamais -d 'ètre mal en train ou mal disposé ; quel homme surB.u· main pourrait se montrer, à sa place, si exempt des imperfections de l 'homme ? Facile de lui prêter ou de lui prêcher la patience, et l'égalité d'humeur, et le calme souriant, et Jac sérénité de ,] ',âme, et l'allé,gr·esse soUJtenue au trava-i/1, et quoi encore ? Il est moins facile, pa-r malheut, de garder ces sereines attitudes quand, six heures par jour, on a charge - cela -s 'est vu et se voit enco.r e- de cinquante, soixante ou quatre-vingts enfants qtü ne sont pas toujours bien élevés, ni propres et dociles, ni hélas ! ignorants du vice, et à qui il ne faut pas se lasser de redire laborieusement sans fin les mêmes choses. Et quan..,d nous faisons au maître un devoir d'être ex,pansif et entraînant, nous oublions un peu trop qu'il doit lui-même compter avec son tempérament naturel, et que s'il est né taciturne ou froid ïl serait vain d 'exiger de lui qu'il se transformlât à ce degré. Nous n'en conclurons pas .p ourtant qu'il est condamné alors à demeurer un maître médiocre : l'expérience . • témoignerait plus d'une fois du contraire. 1-1 nous paraît donc chimérique de vouloir que l'instituteur soit un être exceptionnel, très au-dessus du commun et doué de qualités rares. Si cela est, tant mieux, réjouis· 1iiri -son' -nou& en. M:ais d'e mandons lui seuleme,n.t dl'être _ homme bien élevé - oui, commençons par là, - un homme bien élevé, droit et sî1r, avec une belle et fière ,conscience d'honnête homme et le souci profond de ses devoirs pTOfessionnels. Cela suffit pour q·u 'il soit en état de bien faire , de faire loyalement tout SOIIl devoir d'instituiteur, et -de s'imposer par son mérite et à ses élèves eux-mêmes et à la population qui l'entoure.
2. Se dévouer à ses élèves. - « Les premiers de vos devoirs, Monsieur, di-sait Guizot en 1833 dans une circulaire aux instituteurs que nous à-vons déJà citée, sont envers J.es enfants confiés r. vos soins. L'instituteur est a.ppelé par le père de famille au partage de son autorité naturelle ; i'l doit l'exercer avec la même vigilance et presque avec la_
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mème tendresse. Non seulement la vie et la santé des enfants sont remises à sa garde, mais !'éducation de leur o~ur et de leur intelligence dépend de lui presque entière ... Vous n'ignorez pas qu'en vous, confiant un enfant chaque famille vous demande de lui rendre un honnête homme, et le pays un bon ciloyen ... >> On serait fondé à faire ici quelques restrictions ; on pourrait , objecter par exemple que le ministre force un peu la note, et qu'il exagère le pouvoir de l'éducation scolaire en af-firmant que la formation moaale de l 'enfant en dépend presque entière ; quelle, part laisse-t-il donc ·à la famille dans cette œ uvre maîtresse qui commence, pourrait-o~ dire, dès le berceau ? Mais,. cette réserve faite, les paroles de Guizot' sont d 'une claire et simple vérité : il faut que l'instituteur exerce avec :a même vigilance et presque avec la même tendresse que le père de famiHe dont ilJ. tient la plaœ l'arutoritéi qu 'il a reçue de la loi ; c 'esf bien envers ses élèves que sont les premiers de ses devoirs. Disons davantage : la .p lupart des devoirs de sa fonction ; car ceux qu'il peut avoir ensuite envers les familles et même envers les autorités ne sont que le prolongement de ceux-là. C'est à ses élèves qu il doit son activité, son temps et son intelligence ; c'est pour eux qu 'il est là et qu'il travaille. Ces dev9irs, il en est un qui les devance, ou plutôt qui les résume tous, et nous l'avons étudié plus haut déjà · quand nous avons traité de la conscience professionnelle. Il tient en quelques mots très simples : bien faire son travail. Bien faire son travail, c'est-à-dire faire pénétrer dans l'intelligence et dans la m émoire des enfants un saYoir aussi étendu et aussi pratique qu'i.l se peut ; et en même temps, pour reprendre les termes mêmes des Instructions de 1923, leur donner de bonnes habitudes d'es,prit, une intelligence ouverte et éveillée, .d-es idées claires, du jugement, de la réflexion , de l'ordre et de la justesse dans la r pensée -et le langage. Et d'autre pa- t, avec non moins d'effort et de sollicitude, travailler à leur donner une conscience ferme et droite, « s'appliquer sans cesse - nous citons de nouveau Guiz:ot - à protéger, à affermir ces: principes impérissables de morale et qe raison sans lesquels 1'ordre universel est en péril, et à jeter profondément dans de jeunes o::eurs ces semences de vertu et d'honneurque l'âge et les passions n'étoufferont point ». Encore que difficiles, de tels résultats ne sont pas totalement impossibles ; ils evgent du SaVOÎT et du savoir-faire; du labeur _ de la persévérance, une robuste et tenace · voet
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Jonté de réuss;r. Mais le maître à qui manqueraient cette obstination au travail et cette volonté de succès méconnai~ trait justement le plus essentiel de ses devoirs envers ses élèves ; car tant qu ïl n'a réussi ni à les bien instruire ni à les disposer au bien, il est resté au-dessous de sa tJâ.che, il n'a pas fait tout ce q u ïl devait faire, tout ce que les enfants, les familles, la nation attendaient de lui. Ce sont -ses élèves surtout qui en souffriront et c'est envers eux surtout que l'école a failli à sa mission ; elle ne leur a pas ,donné la provision de route qu 'ils avaient droit d'en espérer, et peut-être que toute leur vie il leur en faudra subir les conséquences. Ainsi donc, trava~Her soi-même et se donn~tr de toUJt son O'.llur à son œuvre ; puis bien faire travailler les enfants, 4es bien élever et les bien diriger, de manière que les progrès soient apparents aux yeux de tous et que les écoliers e ux-même les constatent : tel est, dans sa formule générale, le devoir du maître envers ses élèves. Sans doute n'y r éussira-t-il que par un en~eignement intéressant et vivant, actif et fécond, qui pique les curiosités· ,qui entraîne au 'travail et qui par là fasse aimer l'école. Mais l 'instituteur a-t-il rempli tout son devoir qui n 'a pas su faire aimer 1 'école ?
3. Donner le bon e'Xemple. Application particulière à la langue frança:se. T ous avons dit la formule d'ensemble
des devoirs du maître envers ses élèves. Dissocions maintenant cet ensemble, entrons dans le détail quotidien de la classe et voyons comment ce devoir général trouve son application à toutes les heures du travail scolaire. Il n'est rien de tel que d'aller ainsi au vif des formules et de mettre au jour la réalité minutieuse qui, lorsqu'elles sont riches -de sens, y est ,e nclose. Brisons l'os, eût dit Rabelais, pour tmuNeT la substantifique moëhle ; à proc-éd.er autrement on se paye de mots et l'on se rassasie de verbalisme. ::\Tous disons : tous les devoir"s professionnels de l 'institute11.1 r rn·n t cm ré. uméi des devoirs envers ses éllèves. Cbmmrençon_, ,si vous le voulez bien , par oolui-ci : 1'ï'nsti,tuteulr' dbit en toutes choses donner) 'exemple. Si devoir fut jamais éviqent, c'est bien pour l'instituteur celui de ne pas· démentir par· l 'action ses conseils ou ses ordres ; agir àutrement serait avec certitude encourager lês élèves travailler mal et à mal agir. Or donner le bon exemple, chacun sait à coup sûr ce que cela signifie quand il s'agit des actions sérieuses ou graves qui ress0rtissent principalement à la conduite et à
a
�-80la moralité : probité, exactitude, bienséance, savoir-vivre, etc. Mais des soins trop souvent négligés - oui, beauco.up trop souvent, et c'est bien regrettable - font partie cependant de la tâche régulière ; et pour être modestes dans l 'ordre intellectuel ou pratique, ils n'en sont .pas moins dignes d'un haut prix et ils appellent dans un grand nombre d'écoles un effort éclairé autant 'qu'opinilâtre. Plus même qu 'un effort : toute une réforme, toute une campagne à entreprendre sans jamais lâcher pied et sans la croire jamais terminée. Que viennent apprendre à l 'école les enfants qui s'y pressent ? Avant tout certainement à parler un bon français·; avant tout à s'exprimer avec correction tout à la fois et clarté. Cet enseignement, nul n 'y contredit, est celui qui doit être mis en première place. De nos jours où ·· ft développent sans cesse les relations et les affaires entre les hommes, c'est une grande, c'est une très grande infériorité que de ne pouvoir manier aisément sa langue, d'être malhabile à se faire corn.prendre. D'où pour les instituteurs un devoir plus urgent et plus impérieux que jamais. Mais s 'ils n 'en sont pas persuadés avec foi, avec profondeur ? si leur sentiment sur ce point n ·est qu·une adhésion purement verbale et superficielle à cette vérité, sans qu'il~ en aperçoivent toute l'étendue et toutes les exigences ? On se plaint, et l'on n'a que trop raison, de la médiocrité générale des résultats dans l'étude élémentaire du frnnçais ; on en a tout au long dénombré, analysé, pesé les raisons et les causes ; est-on bien sûr de n 'avoir pas 0mis celle dont pour un peu nous ferions la principale et que nous venons d'énoncer : l'insu'ffisante ferveur de la conviction chez les maîtres ? Nous souhaiterions que leur apr,arût comme un devoir pressant et capital <'11.vers leurs élèves la nécessité de l'es accoutumer à un respect plus zéllé et comme plus affectueux de notre langue française ; et voi..:i ce qu'alor nous leur prescririons toujours et partout. Au premier rang, parler un français d'une correction parfaite et qui s'interdise avec une extrême rigueur tonte trivialité. Le langage trivial est un fâc:beux manquement aux bienséances, il témoigne de bien P<'·IL ,:Je resp<:>ct envers l 'interlocuteur. Or à ce respect -l'enfant a droit, pleinement droit ; ses oreilles ne doivent rien entendre de répréhensible ou de choquant, surtout dans la bouche de son maître. Celui-ci doit donc se c!.Heridre contre la tentation d~ céder aux idioti,smes locaux, et plus encore (nous parlons surtout pour les jeunes) sontrr. la tentatio11 de cé-
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der à ce laisser-aller et à cet amo1Jr dn moindre effort qui font préférer le langage facile et vulgaire au langa,ge cl1àtié et"de bon goût, quoique simple. Il est bien regrettable qu ·on puisse entendre de jeunes instituteurs user sans scrupule dans les classes du mot embêter que le savoirvivre proscrit de la langue des honnêtes gens, et bien plus :regrettable encore d'entendre quelqu'un d'entre eux dire par exemple_ à un petit élève : « Tu as du culot, toi ! >i Entre gens biJn élevés, et l'instituteur doit être pour ses écoliers le modèle de l'homme bien élevé, ce langage de corps de garde n'a cou:rs en aucun cas ; il faut s'en garder comme d'une mauvaise action, et c'en est une. Nous n'aimons guère non plus entendr,e demander, après la correction d 'un problème : « Qui a bon ? », car enfin l 'expression avoir bon n'a pas droit de cité dans le dictionnaire. Serait-il si long de dire : « Qui a trouvé la b-Onne réponse ? » ou : « la réponse exacte » ? Il serait déplaisant et sot que l'instituteur s'érige§.t pédantesquement en puriste eJ; ne s'avisât de parler qu'avec affectation et recherche. Il ne serait pas moins regTettable, et il serait fort nuisible à sa petite société, d'élèves, qu'il ne les habituât pas par son seul exemple à un français correct et soigné, voire choisi . N-ous voudrions aussi cette même correction et ce même soin dans la partie matérielle du langage, c'est-à-dire la prnnonciation et l'articulation. Ils ne sont pas une exception très rare, les maîti,es (surtout les jeunes) dont la voix indistincte et atone se fait mal entendre, n'émet pas avec netteté - nous ne disons pas avec force et d'un ton criard - les sons dont les mots e composent. Parmi les victimes habituelles de cette prononciation malhabile, il faut comp· ter en particulier la dernière consonne des mots quand elle est suivie d 'un e muet ; d'ordinaire on la supprime et la pauvre langue française en est lamentablement estropiée. On entend bien, par exemple, le son chai ; mais le mot demeure énigmatique, parce que la dernière consonne n'est pas .fortement articulée, et l'on ne sait si l'on a affaire à chafne, à chaire, à chaise, à chèvre ... Ou c'est expliquer où l':v se mue en s ; et c'est possible., risible où la consonne l disparaît, calibre et qu;atre où le r n'a pas .un meilleur sort ·; et toutes ces négligences dëfigurent les mots et les rendent méconnaissables. Et pourtant c'est un devoir rigoureux envers les élèves que de leur enseign~r dans sa pureté inaltérée la langue française parlée ou écrite. L'indolence dans l'articulation, la chute notamment, i'escamo-
�-82Lage plutôt, de la dernière consonne esL, qu ·on le sache bien, une marque caTac:ténsuque d e vulga,qtô; avec eHe, 11 ne p!3ut y avoir ni élégance ni distinction dans le langage. · L est un devoir encore en vers les élèves que de leur p.ir,er de manière à êLre toujou1s parfaitement entendu et iJl compris. Et powr cela _ est nécessai:re, tout part1cw1erement quand on s 'adresse aux plus petits, de s'exprimer lentement, très lentement même, presque comme si on syllabait, et avec cette netteté d'articulation dont nous venons de parler. Il faut donner aux oreilles le temps de percevoir à l 'aise tous les mots que l'on prononce, afin que les esprits ensuite aient le loisir d"en bien saisir le sens. C'est une règle tout à fait capitale que les jeunes instituteurs surtoul ont tendance à perdre de vue et dont la violation les expose à de graves mécomptes. Qu 'ils se disent, quand ils s'aperçoivent que leurs leçons n'ont pas porté et ne se· sont pas fixées dans les mémoires, qoo œla tient peuit-être tout simplement à ce qu 'ils n'ont pas su parler avec assez de lentem et de netteté, et que telle est la seule causé pour laquelle ils ne sont pas parvenus à se faire comprendre. Il ne leur a manqué que de bien informer d 'abord les oreilles pour bien informer ensuite par elles les esprits. Voilà quelques points sur lesquels il nous a paru que l'attention des maîtres, et principalement des jeunes, puisque c'est à e,ux que s'adressent ces leçons, a besoin d'être attirée avec une particulière insistance. Sur chacun de ces points il y a un devoir en\ters les élèves. Il y a premièrement ce devoir de leur donner un irréprochable exemple, que nous -signalions il n'y a qu'un moment; le devoir de leur donner en toutes circonstances l'exemple non seulement du travail, mais du travail soigné, méticuleux, fini , qui ne ' néglige aucun détail et qui ne se satisfait pas à bo9 compte ; l'exemple du travail consciencieux -et attentif, qu'on ne tient pour valable que lorsque rien n 'y est resté d'inachevé ou d'incomplet. Et si, négligeant comme il le fallait bien les autres matières du -programme, nous ne nous sommes arrêtés qu'à la seule langue française, et encore sous un point de vue tout particulier , c'est que, nous Je répétons , ce point de vue ne reti,ent pas toujours assez l 'attentipn des maîtres, gu 'ils ne voient pas là, avec force, un devoir important à remplir envers leurs écoliers.
4. Le libéralisme dans· l'éducation. - Les enfants qui c9m<p0~ent l 'effectif d'une c1lasse sont tout à la fois fort
�-83semblables et fort différents. Semblables par les traits distinctifs de la nature enfantine, qui ne peuvent pas ne pas se retrouver en chacun d"eux; différents par des tr;its individuels dans la constitution physique, dans le t!lmpérament, d,ans le caractère, da~s l 'intelligence, qui font qu'aucun d'eux n 'est pareil aux autres, n 'agit et ne r éagit de même. Tous les maîtres le savent bien, qui ont éprouvé maintes fois à quel point tel élève est plus sensible que ses condisciples, ou plus primesautier, ou plus lent, ou plus actif, ou plus secrètement vaniteux _ t qui, dans oertaines e cire-0nstances délicates, sont fort embarrassés pour régler leur attitude envers ces individualités naissantes, mais déjà formées et quelquefois même vigoureusement aœentuiées. otre pé<lagogie moderne rompt délibérément avec 1a vieille tradition autoritaire et répressive, qui imposait à tous les élèves d ·un même groupe la même discipline despotique et les mêm.es procédés de travail,. qui établissait dans la classe une sorte de conformisme obligatoire dont il n 'était permis à personne de s'écarter. Peu importait qu'on eût affaire à des écoliers très différents les uns r!es autres par les éléments du caractère et de l 'intelligence : toute la classe devait marcher de la même manière et du meme pas, sous la même direction du maître qui réglait tout, compa sait tout, selon un dressage qui ne laissait -i,as de place à l'initiative ou à la -spontanéité de ! 'enfant. Dans l 'éducation comme dans la politique, oe sont les tendances libérales qui prévalent aujourd'hui, et les mêmes formules 'y retrouvent transposées sous des appellations diverses qui recouvrent des vérités ou des principes identiques. De toutes parts des voix s'élèvent en faveur du self-government, du libre développement de l'élève, de . l'éducation spontanée, des méthodes libérales, etc., c-0mme si d 'aill.eurs ce fussent là des nouveautés - Rabe.la'Îs, Montai,gne, Rousseau et bien d 'autres témoignent du contraire - et que ri.en n'eùt jamais éité, dans œ sens, indiqué ou tenté. 11 est vrai que cette tradition s'était perdue et que la presque totalité des écoles ou I ïgnoraient ou n'étaient pas soucieuses de la mettre en pratique ; elle n'avait pas la faveur des temps. Mais les temp$ ont changé et d'autres conceptions l'emportent maintenant. Notre pédagogie libé rale professe que les enfants ne sont pas, suivant une expression usée mais juste, tous coulés dans Je mêlru} moule, que ce n'est pas du dehors exclusivement qu'il convient ni qu 'il est possible à l'éducateur de les façonner par dre.s· sage, qu'il faut enfin respècter en eux une personnalité qui
�-84.déjà s 'affirme et qui doit s 'aHlrmer de plus en p,lus si l'on veut qu'un jour chacun d 'eux soit un homme et compte pour un. Encore faut-il que ce libéra lisme garde la mesure et nïnslaHre pas le laisser-faire et l 'anarchie à la place du . m écanism e et la discipline compressive. On n 'a pas !aissé de nous citer, comme des exceptions un peu extraordinaires, il est vrai , tel jeune instituteur (l'âge mûr se défend .de ces audaces aventureuses) ou telle jeune institutrice .qui, tout imbus des soi-disant théories nouvelles, ne veulent dans leur classe · aucune c®trainte, ni aucun règlement, ni aucune discipline imposée ; ils se confient uniquement à la volonté raisonnable et à l'heureuse nature des écoliers, décorées alors du nom de libre spontanéité. Ce que devient une classe ainsi menée, il faudrait ignorer tout .des enfants et de la nature humaine pour ne pas le deviner ; ,et les protestations des familles se sont vite chargées de le ra-ppeler à qui de droit. Le mot d 'un philosophe r estera éternellement vrai, qu 'il s'agisse d 'enfants ou d 'adultes : « La nature humaine n 'est jamais plus esclave que quand e lle est trop libre. » L 'éducation collective, pour nous en tenir à celle-là, ne va pas sans un peu et quelquefois sans • beaucoup de fermeté, voire par instants et dans certains mi~ieux o u à certains !âges sans un peu de sévérité.
5. Respect de la personnalité intellectuelle des élèves.
C'est donc une doctrine aujourd 'hui fa milière à tous, et par t ous acceptée en principe et plus ou moins en fait , que 1'éducateur doit r especter là personnalité de chaque élève a u lieu de la comprimer - de 1'étouffer soit sous le dogou m atisme de 1'enseignement, soit sous la rigueur m écanique de la discipline scolaire . Mais en quoi doit consister oe respect et p ar quel agissem ents se traduira-t-il ? Comment ne pa multiplier les contraint.es qui courbent tout et tous, esprits et âm es. sou s un e règle invariable ? Comment laisser s'éveiller les énergies, les exciter m êm e à se produire ? Dans l'enseignem ent , ce sera par de.s m éthodes vivantes qui feront de l 'enfant non un simple récipient pour les îdées des autres, comm e disait Spencer , mais un chercheur actif de fl! its et d 'idées. Elles lui apprendront, autant que fa ire se. peut, à ne juger que par lui-m êm e et à se r endre bien com pte avant de se prononcer et de croire. Et tel est bi en ! 'esprit dans lequel ont été conçues et la réforme des programm es en r9:i3 et les Instructions qui ont suivi. La méthode à suiv1 dans l'enseignem ent, primi\ire, disent ces :e
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Jnstructions, c'est la « méthode intmt1ve et inductive, partant des iaits sensibles pour aller aux idées ; m éthode active, faisant un appel c onstant à l'effort de l'élève et l'associant au maître dans la recherche de la vérité ... A l 'observation, qui laisse encore l'écolier passif, nous préfé1·ons, dans .J:a mesure où elile peUJt êttre prat.iquiée à l 'oco.le pùmaire, l 'expérimentation qui lui assigne un rôle actif. Dans certaines écoles, les enfants du cours préparatoire em-mêmes pèsent des liquides et se r endent compte de la .différence des densités. Nous souhaitons que de telles pra· tiques se généralisent, que partout 1es élèves collaborent à Ja préparation des leçons, à la récolte des matériaux et des documents ; que partout ils fabriquent d e leurs mains d es obj ets de démonstration ; que partout ils travaillent effecth•ement pendant que le maître parle .. . » Cette m éthode d 'enseignement par l 'action est hien 1a plus attrayante pour l'enfant, parce qu'elle répond à ce besoin de mouvement qui est ch ez lui si accentué et qu 'il satisfait ainsi pour son profit le plus certain ·; elle est <:eméqu ent la plus efficace pour susciter l'activité intellectuelle et former son esprit en m êm e temps qu 'elle l'aiguillonne et l'enrichit. Loin de réprimer en lui le désir d 'apprendre et d 'agir, elle le stimule et le déveloPJfe , au contraire, et lui fournit des matériaux où se prendre. Elle permet à es facultés de s'épanouir, elle permet à ses aptitudes de percer· déjà, ; elle est toute différente en cela de la · m éthode dogmatique, qui le laisse passif. Celle-ci n 'est pas im p11L sante, on ne peut le nier , quand il s'agit de remplir la m émo ire ; m ais 'ell e n 'offre pas à l'enfant les moyens d ·aider à sa prcpre instruction et ne fait pas cet incessant et fructueux appel à sa spontanéité. Elle le juge en quelque sor te in capabl e de contribuer à son propre progrès, elle l 'estirn e trop inférieur pour collaborer activement à son éducation intell ectuelle. Au fond, elle implique quelque m épris, avoué ou tacite. de la nature enfantine et c'est pour relil qu 'ell e la tient en lisière. Tl y a donc bel et bien un respect . d e la personnalité inteller tuelle de l 'enfant, et il se manifeste notamment ,par cette r réoccupation d'encourag-er et de favoriser en lui le développe1nent spon tané au lieu de le refréner et de l'en~rave'r . Est -il possible de pousser plus loin ce r espect, par une conn aissance plus approfondie de chaque enfant, de sa naturP intell ectuell e. de se aptitudes, et par une adaptation d es m éthodes et des procédés à la nature individuelle -et aux aptitudes de chacun ? Oui , sans doute, dans quel-
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que _ esure ; mai cette mesure est assez restreinte, puism que l 'instituteur doit conduire à la fois tout un groupe d 'enfants et qu'il lui est demandé avant tout des r ésultats d 'ensemble. Il n 'en est pas moins vrai qu'en cela aussi il a pom d evoir de se proportionner à l'élève, de le connattre donc pour savoir comment se mettre à · sa portée, comment tirer de lui tout ce qu 'il est possible d'en obtenir. Sans oublier d 'ailleurs que l'école primaire n 'a pas à spécialiser ses élèves et abonder trop complaisamment dans le sens m ême de lem s propres aptitudes ; car elle leur doit un savoir général, un ensemble complet de connaissances élémentaires, sans lequel toute tentative de spécialisation serait prématurée et plus nuisible que féconde . Est-il tout 'li. fait inutil e de signaler aux instituteurs une Jiâch euse erreur où tombent quelques-uns, qui manquent ainsi à ce respect délicat dû à l 'enfant et du m ême coup stérilisent en lui les bonn es intenti ons ou paralysent l'effort ? Cette eri,eur , égalen:ient sotte et gravie, injurieuse autant que m alhabile, consiste à décourager d 'avance au lieu d'encourager , à déprimer au lieu de fortifier. « Allons, quelles b êti es vas-tu encore r épondre ? » disait unjour un maître à un de ses élèves, en m ême temps qu 'il lui posait unie, des que tions que la leçon comportait. Rien de tel qu 'une phrase aussi malh eureuse - malheureuse de · pensée comm e de vocabulaire - pour tenir muettes des lèvres qui peut-être auraient parl é. justem ent et pour raire gronder dans le silence· du oœur l'amertume ou l'irritation. Les iinspecteurs ont plUJS d'Uine fois relevé de se,mbl abl es erreurs et ils n 'ont pas manqué de les pourch'tsseir .saris m erci . Tri o n dit à ! 'enfant : << aturellement tu ne vas pas répondre, comm e à l'ordinaire » ; ou : « 1\Ton·. pas toi , tu n 'es pas capabl e de bien écrire un m ot » ; ailleurs : cc Je ne t 'interroge pas , tu ne dirais que des sottises » ; ou bien l'on déclare à l'inspecteur, à haute voix ét devant l'élève intér essé : « Je n 'en tirerai rien , c 'est un mauvais élè:ve, il ne sait ri en fa ire ... » Parfois il est arrivé pis encore : on s'amusâit de l'écolier malchanceux ou fautif,· on fai sait rire toute la classe à ses dépens. P.ernicieuses maladresses et lourdes fautes d 'éducation r c< L 'homme est ain si fait, écrit Pascal, qu'à force d e lui dire qu 'il est un so t, il le croit ; et à foroe de se le dire A soi-m ême, on se le fait croire. Car l'homm e fait lui ~eul nn e conversation intérieure qu'il impoTte de bi en régler >> . Pour j,eiune et novice que soit l'enfant, il y a ch ez lui un très vif sentim ent d'am our-propre et m ême qu elqu efoi ,
�une extrême susceptibilité ; s ·exposer à Je m eurtrir, le trop rabaisser à ses propres yeux, c'est lui donner la conviction préconçue que son effort sera inuti le ou infécond, c ·est glacer en lui toute énergie et toute volonté de bien faire. Comrnemt les maître coupables ne le sentent-ils pas ? et comment peuvent-ils de gai,e té de oœur alfficher un tel mépris envers l 'écolier qu 'ils enseignent ? 6. Respect. de -leur personnalité morale·. - Lâ remaTque qui précède, et qui vaut égalem ent pour le travail et pour la con.d uite, nous am ène à étudier nù intenant le respect de la personnalité morale de l 'enfant. Le uj et ici est plus subtil, la conduite à tenir envers l 'élève r éclam e plus de tact e t de perspicacité, .plus de clairvoyance et de finesse psychologique. Il faut d 'abord que I 'i.nstitu,ternr connais e sufüsamment es élèves, sache pénétrer à leUT insu dans leurs 1 âmes, sach e deviner les sentiments et 'tes tendances q ui les peuplent et que les actes extérieurs ne d écèlent pas toujours. Il faut que par delà les tim idités ou les turbulences, les silences ou les expansions, les fa ux-semblants et les r éticenoes, il voie clair dans les consciences et dans les oœurs, et qu ïl soit apte ensuite à exer cer sur chac un ! 'action la plus opportune. Ne pou,vons-nous. malgré la diversité des tem pérament et des natures d 'enfants, énoncer quelques règles générales applicables à tous et dont tou les m aîtres puicsent s'in spirer ? Oui sans dout e ; essayons-le. C.elle-ci d 'abord , que l'enfa nt, per sonne huma inè en puissance, a d roit au respect qui est dû à toute person ne lrnm aine, à toute âm e humaine. L'obéissance qu 'on lui demande ou l'autorité qu ·on exerce sur lui ne doit donr, pas être com me dégradante, e n faire un outil , urie ch ose entre les mains de l'éducateur. Il y a une tyrannie sur lt's àm es qui , sans r espect pour elles, lem impose comme de force d es croyances ou des doctrines dont le m oins qu ·on puisse dire est qu 'elles ne sont pas r.eçues de tous et que !"en fa nt les r epousserait peut-être s'il avait une raison et un e volonté d'homm e. Une. telle éducation déforme au li eu de form er , ell e asservit au lieu de libér er ; elle n 'est à propremernt parler qu 'une intolérance et une oppression ·qui se déguisent. Que le m aître ne se permette donc iamais d 'entreprendre sur la conscienoe et l'®me de l'enfa nt par un enseignement tendancieux, par une éducation de secte ou de parti. L 'oser ait-il si d evant lui , a u lieu d 'un ,écoli er intell ectuellem ent d ésarm é et prêt à tout accepter
�-88de qui l ïnstruit, il avatt un qomme qui sût r éfléchir, c_ir tiquer, réfuter ? Cette faiblesse et cette crédulité de l 'enfant impose justem ent à l 'éducateur, nous nous en somm es expliqués dans une leçon précédente, le devoir d e ne pas en abuser pour fauswr l 'intelligence, encore m oins ra conscience et la moralité de ce petit être docile. Respecter sa personnalité, c'est cela plus que tout; et ce devoir est très haut et très exigeant. Il veut que le m aît:re soit d 'un e sévère probité d 'esprit et que son horizon intellectuel 5oit ample et riche. Une seconde règle, que nous avons indiquée plus haut et sur laquelle il n 'est pas besoin de revenir longuem ent, c'est qu 'il ne faut jam ais décourager, jamais humilier. Nous ne voulons pas dire qu 'il ne faille en aucun cas, et selon l 'expression populaire, « faire honte à l 'enfant » d 'une défailla nce ou d 'une action blâmable; mais il y a bien plutôt, dans une telle sanction sagement dosée, un stimulant à mieux faire et un préservatif contre les rechutes qu 'un e humiliation qui froissè et dispose au mal. Car, nous supplions qu 'on y prenne garde, on peut par des reproches excessifs ou trop cinglants porter ! ',enfant au m al plutôt que le ramener au bien . Avons-nous besoin d 'ajouter après cela que l 'instituteur doit s'interdire tout m ot insultant, t'o ut propos grossier- ou mal éant pour ses élèves? L 'injure n 'est pas un procédé d 'éducation et l'enfant, redisons-le, est une personne humaine . à respecter . Une âm e d 'en fant a comme la nôtre des tendances, des sentim ents, des m anières de sentir et de s'émouvoir qui sont quelquefois très différ entes des nôtres, qu'à cause· m êm e: de cela nous sommes exposés à ne pas c0Ti1prendre et que nous pouvons m eurtrir sans y prendre garde. Il est tels chagrins d 'en fants, des chagrins · sincèr es, profonds, dont la cause nous semble si futil e que nous somm es portés ,à en rir.e et à raill er . Défion s-nous : nos r ailleries et nos remontrances pourraient bien n 'être que des blessures. douloureuses et aviver au lieu d 'apaiser. Il en est de m ême· pour des joies, pour des préférences, pour des ambitions que leur puérilité ne doit pas nous faire accueillir avec· ironie, qu'il faut . au co·n traire prendre au sérieux e t resT'<'C ter. quitte d 'aill eurs à les combattre s 'il convient par des attarrues m oin s directes. Ri en d 'important et de précieux comme ce respect de la sensibilité <le 1'enfant. et ri en dans l 'éducation qui exige plus d 'attention et de finesse : il s'agit en effet de ce qu'il v a dr plus personnel et d e plu profond dans l 'être, et il n'est p,as donn é à ch acu n
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· d'y toucher d'une main sûre. Ce respect ne signifie pas
qu it faille laisser librement grandir i.es tendances ou les sentinients qui s·opposent à 1 institution des bonnes habitudes et d'une conscience droite ; 11 faut, cela va de soi, les combattre, comme il faut d'autre part aider à éclore ou aliermir ceux qui peuvent être les auxiliaires et les soutiens de la moralité. Mais on n'en arrive pas là par une discipline trop dure ou trop tatillonne, qui ne laisse nulle place à l'expansion et à la confiance, qui porte l'enfant à se recroqueviller sur lui-même, à s 'enfermer: ,en lui-même. Ce caporalisme qui prétend dompter les volontés rebelles ne fait que les comprimer ou les briser; dans l'un comme dans 1·autrl.l cas le résultat est également funeste. Que dire aussi de ces maîtres malhabiles ou irr.éfléchis qui, ignorants d'une âme d'enfant, se font courroucés et revêches pour le pauvre élève timide qui n'est déjà que trol? craintif, ou ne tarissent pas de paroles aigres et rebutantes pour l'enfant émotif, à l'iâmei de sensitive, dont ils n'ont pas su a;percevoi.r 1a sensibilité intime et si facileme,nt émue. C'est encore respecter la personnalité de l'enfant que de le traiter parfois• en homme, de faire appel à sa raison et à sa volonté pour aider précisément en lui l'éclosion de l'homme futur. Il faut souvent certes, quand on a. toute une classe à 'm ener, surtout une classe nombreuse et dans certains milieux encore grossiers ou incultes, il faut souvent alors presccire avec autorité, ordonner sans faiblesse, exiger une obéissance sans atermoiement. Mais combien souvent aussi il est possible, il est aisé et agréable de fairè comprendre à l'écolier pourquoi on exige de lui obéissance et discipline, pourquoi on lui donne de tels ordres, pourquoi le règlement intérieur de l'école contient telles dispositions. De même que, dans l'éducation intellectueHe, on recourt aux méthodes actives pour l'aider à mettre au jour ses aptitudes ou les ressources de son esprit et former à la fois toutes les facultés qui sont en puissance dans cet esprit, de même, dans l'éducation morale, il y a en quelque sorte une méthode active qui suggère et susc,ite plus qu'elle ne formule explicitement, qui dispose à l'action bienfaisante ou honnête par la pratique même de cette action. Le libéralisme intellectuel du cc faire agir » a son pendant, et non moins avisé, dans le libéralisme de la discipline ; dès que l'enfant arrive à ce que le catéchisme appelle l'âge de raison, on peut et on doit l'accoutumer par degrés, avec précautions et avec prudence, à 1'ini-tiative morale et à la responsabilité de ..soi. cc Lorsgu~
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l'enfant, disent les Instructions de 1923, arriv,e- au coms moyen, ... non seulement on continuera à pratiquer une discipline libérale, c'est-à-dire une discipline qui ne lais.;;t> aucun de ses décrets sans justification devant l'esprit des enfa.n ts ,mais, au moins à certains moments et dans certains domaines de l'act.ivité scolaire, on fora place au self-governmfmt ... Sans que l'autorité du maître perde un seul de ses droits, on multipliera les circonstances où l 'enfant aura l 'occasion de prendre une décision soit par lui-même, soit de concert avec des camarades ... n . En omrne, respecter la personnalité de l'enfant, c'est avoir déjà pour lui les égards qu'on a pour les grandes personnes, c'est ne pas le traiter en quantité négligeable, en être inférieur ou ennµyeux, de qui on ne peut attendre rien die bon et doot Qa coerd'tm serule peUit triompher; mais tout au contraire s'intéresser à lui et à sa vie, s'ingénier à 1e comprendre, le savoir capable de bons entiments et de bonnes actions, partant lui marquer confian ce et lui accorder crédit. C'est n 'avoir pas pour lui les parole_ blessantes ou malsonnantes qui abaissent et qui révoltent, les attitudes dédaign euses ou maussades qui indisposent et qui dépriment . C'est, ·tout à l'opposé, s'appliquer avec sollicitude à exalter ses forces intellectuelles et morales, à lui faire rendre tout ce qu'il peut raisonnablement produire et donner, avec allégresse et bonne humeur. C'est ne pas égaliser ou niveler les intelligences, les aptitudes, les caractères sous la rigueur hiératique d'une cc discipline mécanique de l'esprit >> (J. Ferry) ou' d'un dur sys· tème disciplinaire qui, l'un et l 'autre, nefoulent tout,e spontanéité et arrêtent tout élan. Le respect d'une personnalité est tout juste le contraire de ce nivellement in flexible ou aveugle qui ne voit pas ou qui ne veut pas voir c;e qu.'i, y a d 'individuel, die pall'ticul ie.r en chacun, ce 1 l qui fait déjà sa marque propre et qu'il serait déplorable . et vain d'extirper· ou de comprimer à tout prix et malgrP
tout.
7. Bonté. - Ne pas tenir l'élève pour quantité négligeable ou, pour importun, disons-n<YUs, mais s 'intéresser à. lui et à sa vie ; cela s'appelle en un mot : aimer l'enfant et le traiter avec bonté. L'aimer pour ce qu'il y a en lui de faiblesse, de candeur et de crédulité; l'aimer parce qu'il est l'avenir ; l'aimer pour la joie qu'éprouve un ma1tre d'esprit haut et pll'obe à voir par sesi soins s'ouvrir une jeune intelligence et s'affermir une pensée; l'aimer
�-91pour tout ce que les poètes - ces grands enfants quelquefois - ont chanté. en lui. Ils ont par moments, on le sait bien, embelli le tableau de couleurs trop enchanteresses jusqu'à le rendre un peu méconnaissable; mais à la magie de_ mots et au mirage de l'imagination ils ont mêlé s tant de vérités ! Qui donc a dit de l'instituteur qu 'il lui faudrait aimer l'enfant en philosophe et en poète, afin de le mieux comprendre et de le mieux diriger ? Amour sans mièvrerie . d'ailleurs et sans attitudes conventionnelles ; un peu attendri parfois ou ému, toujours clairvoyant et fenne, et d 'où procède une bonté également clairvoyante et sûre, qui ne se dépense pas en geste de parade et en paroles étudiées, qui est sans mollesse et sans fadèur, mais qui vient de l'affectueux et sincère intérêt que l'instituteur ou l'institutrice porte à son petit monde d 'enfants. Rappelons encore le mot de Guizot que .nous avons cité au début de cette leçon : « L'instituteur est appelé par le père de famille au partage de son autorité naturelle ; il doit l'exercer avec la même vigilance et presque avec la même tendresse ». Sa tendresse de père n'empêche pas le chef de famille de gronder et de tancer, de W' fâcher même quand il le faut et de punir ; mais parce qu'alors l'enfant sait que son père a raison, ni son affection pour lui ni son respect n'en sont diminués . Souhaitons que l'école ait toujours quelque chose de l'allure familiale et que, même réprimandé quand il le mérite, même conduit d'une main un peu énergique avec cette c< sévère douceur » que voulait Montaigne, l'enfant se sente toujours ·secrètement sootenu par l'intérêt et par la sollicitude que lui po·r te caon instituteur. Qu'attendre d 'un maître qui, n'aimant pas les enfants, prêt à ne voir en eux que ces petits êtres insupportables .dont La Bruyère faisait un pCYrtrait si peu engageant (1), ne peut pas davantage aimer sa profession, aimer son · travain ? Ou il s'en désintéiresse et i/1 les néglige, ou il les -rudoie, et souvent 1'un et l'autre ensemble. Quelle prise peut-il alors avoir sur eux et quelle action formatrice ? Mais l'instituteur qui , sans rien reùâ.cher d'une iiermeté toujours nécessaire, traite ses écoliers un peu en père de famille, mais plus fréquemment encore· l'institutrice qui, selon le naturel sentiment de la femme, est un peu la maman de sa petite troupe dorile et espiègle, qui n'en a connu, qui n'en a. vu de semblables à l'iœuvre, et qui ne
(1) Chapitre De l'homme.
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sait quel bien ils font autour d 'eux? Leur sollicitude ne r se répand pas en paroles maniérées ou convenues ; elle se traduit en actes discrets, qui ne cherchent point à s'étaler ni même à paraître : il leur sulffit qu 'ils soient, et qiu'ils soient utiles. Que de soins précautionneux et vraiment charitables dicte ainsi la bonté ingéni·euse ! Ce sont d 'abord toutes ces attentions d'ordre matériel qui rendent plus agréable le séjour de la classe et préviennent nombre de _ petits tdésagréments et de petites souffrances. Supposonsnous par exemple l 'hiver ; la salle de classe est-elle dès1'entrée chauffée ? e t-elle maintenue à une température sulffisante ? Que de classes, hélas I où soit l'étourderie, soit la négligence du maître laisse 'à contretemps tomber et même s 'éteindre le fou ? Ou bien n'y a-t-il pas juste sous le vasistas ouvert un pauvre petit qui reçoit sur la tête et sur les épaul es toute la colonne d 'air glacé ? Cet autPe n'est-il pas incommodément assis sur une table qui n'est pas à sa taille et ne s'en trouve-t-il pas fort gêné pour son travail, ~ Cet autre encore n 'est-il pas mal à l'aise et comm e r elégué dans ce coin obscur ou ià cette plaoe' d 'où · il voit mal le tableau et où il fait· un / peu figure de réprouvé ? Voici un retardataire qui arrive en assez piteux état sous la pluie ou la neige ; n'y a-t-il pas inhumanité à le laisser debout près de la porte jusqu 'à la fin de la leçon en cours ? Ic.t dans un e classe de filles, c'est l'heure de la sorti_ ; tout-es ces fillettes défilent en rangs, àl la mi-· e litaire, en des allures m algracieu ses, les mains au dos et marquant le p,as ; ne pourrait-on pas leur épargner ce petit ridicule ? . Nous interrompons cette liste, qu 'on pourrait faire interminable ; ch acun en trouvera la suite dans sa s<,Ilidtude ou sa prévenance pour ses élèves ou pour ses propres enfants. Puis ce sont des sou cis et d es atlie'ntions d 'un autre ordre, et plus délicats ou plus généreux encor e. Tel enfant timoré ou taciturne n'a-t-il pas quelque dureté d'oreille, ou quelque défaut de pronon ciation , ou quelque disgr,âce physique dont il souffre en secret et pour laquelle il craint toujours d'être objet de risée ? Ne faut-il pas que le maîtr-e ait pour oe-lui-là quelques égards plus discrètem ent affectueux, qu'il sache le protéger et l'encourager sans en avoir l'air jamais ? Ou voici un pauvre enfant dont la famil1e est mi séreuse ; il lui est dilffi<'ile de travailler à la maison. car la p.Jace y m anque ; ses parents peut-être le négligent, il entend plus de mauvaises paroles qu'il ne -reçoit de marques de tendresse. Ne serait-ce pas cruauté
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d 'exiger de lui autant que des autres ? ne serait-ce pas· crua uté plus douloureuse e t plus impardonnable encore que de l 'humilier , de lui faire sentir sa condition inférieure, d 'ajouter cette misère nouvelle -à toutes celles qu 'il lui faut déjà subir ? Et cela prouve en passant combien il importe au maître de connaître le milieu familial, pour mieux r égler sa conduite envers chacun, pour ne pas s'exposer à des erreurs de m éthode ou d 'action qui seraient infinim ent regr ettabl-es. Ne m ettrons-nous pas aussi la bonne humeur parmi lesform es les plus a ttach antes de la bonté ? N'en est pas doué qui veut, semble-t-il ; eUe tient à plus d 'une cause dont nous ne somm es pas toujours les m aîtres, à commencer· par un h eureux don de la nature. Mais il est des moyens pourtant de la faire naître ou de l'entretenir; il y a-toute une hygiène physique et mentale à laquelle il faut s'astreindre si l'on veut garder l'a llégre se et la sér énité. Sansdoute il serait vain ,et m ensonger de vouloir que l 'instituteur, que l 'insti tutrice aient toujours et malgré tout dansleur classe le sourire aux lè.vres : ti;op de motifs de m écontentem ent, ·de découragem ent m êm e s'y offrent à eux. Mais qu 'ils ne les exagèrent pas, qu 'ils ne soient pas attentifs seulem ent aux raisons de gronder et de si> plaindre. On peut vouloir. on a le droit d e vouloir que ce ne soient jam ais des êtres bourrus ou grognons, à la parole brusque et rude, ne sachant parler aux enfants que d'un ton dur et antipathique, qui les déconcerte et les r ebute dès l'abord. Il faut, PQUr mettœ l 'enfant en confia1Dce et iJie dfr,pooor au travail, faire de la classe autre chose qu'un mm.eu d éplaisant et glacial, << où le maHre est tout- noir et où l 'on n 'ose pas rire 1> .
8. Equité. - Venon s-en maintenant à un devoir généraT par lequel il semble que nous eussions dtî commen cer , mais qui n 'en sera que plus clair et plus aisé à com prfmdre après tout ce qui précède. Ce devoir, c'est l'équité ; il faut que fo maitre soit l'arbitre ou le chef im partial et juste. Or les enfants ont un sens très averti et très si'.lr de la. justice; ils savent déceler avec une finesse impitoyable toute m arque de faveur et de partialité, et ils n e la pardonn ent Pas à l'institutéur. Qu 'il soit distant, qu'il soit sévèr e, qu 'il soit un peu sec m êm e, .ils s 'en accommodent et au besoin le comprennent ; mais qu'il soit injuste, qu'il ait ses préfér és, qu'il -écoute son humeur changeante ou fantasqu e, ils ne peuvent l 'admettre, et ils·
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ont raison. La classe doit èt, e l ·asiie de la justice, l'équité doit y être la règle souveraine. L ïnstituteur ou l ïnstitutrice qui ne sont pas les inflexibles gardiens de cette règle p,erdent vite leur autorité morale : l 'estime cLe leurs élèves cesse de s 'atta·cher à eux et ne leur revient pas. L'équité dans la classe, c'est d 'abord l 'égalité de tous devant une même loi invariable, qu 'il s'agisse de la discipline proprement dite, ou du travail exigé de chacun, ou des notes attribuées à chacun pour ce travail même. « A chacun le sien ; à chacun selon son mérite, à chacun sèlon ses œ uvres » . La justice ne consent pas que le maître cède à des préférences ou à des antipathies, que la classe ait soit ses privilégiés, soit ses outlaw. Certains jeune6 maitres, plus encore peut-être de jeunes maîtresses, tombent quelquefois dans ce malencontreux travers. Tel enfant, à cause de son minois agréable, de son air éveillé, de sa vivacité d'esprit, ou tout simplement (et c'est plus grave encore) , de la situa ti on sociale de ~a fam ille, devient le préféré, le gâté pour qui on est tout indulgence et tout aménité; tel autre, que ne favorise pas le même extérieur avenant ou la même situation d é famille, se voit dédaigné, semble peu intéressant, r écolte i tout propos les paroles sèches, les mauvais points et les mauvaises notes. Ce sont ,l à des fautes déplorables et dont les en fants sont profondément blessés. Parfois même on voit dans une classe des enfants dont le maître ne s'occupe pa , qu'il la isse traîner abandonn~s à eux-mêmes, p<trce qu'ils n 'ont ni les dispoe sitions h eur- uses ni l 'arde ur au travail scofaire qu 'il voudrait rencontrer chez eux. Un tel ostracisme est hors de toute justice, et smtout il n'est pas le fait d'une scrupuleuse conscience professionnelle : les élèves m édiocr es et · m êm e les mauvais ont droit aux mêmes soins que les bons, et la queue d e la classe doit, tout comme la tête et plus qu 'elle encore ,être interrogée, stimul ée et surveill ée .. Prendre son parti de l'ignorance d'un élève ou de sa mé,.. diocrité en le déclarant in corrigible --< c'est vite dit - et n e pas s'occuper de lui sous prétexte qu 'on n 'en tirera rien - l'a-t-on essayé par tous les moyens? - c'est abdiquer ou c.'est fouler aux pieds tous les devoirs qu'on a justement envers lui, et doint le principal est de le faire activement participer aux leçons et à tout le travail de la classe. L'équité, c 'est encore l'uniformité régulière de la discipline, qui ne procède pas par à-coups et l ar boutades, qui n 'est pas capricante et variable selon l'humeur mobil e du
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maître ou de la maîtresse. Il ne faudrait pas que, au jugement des enfants ou des familles, ce maître (ou cette maîtresse) passàt pour t( lunatique » et qu ·on ne pùt compter sw· lui, parce qu 'aujourd 'hui il absout ce qu'il défendait hier et que demain il tiendra pour gravement punissable une incartade qu 'il juge vénielle aujourd 'hui. C'est par d ·a ussi liâch euses ou ridicules sautes d 'humeur que J 'instituteur ruine dans sa classe la discipline et en vient à n 'être plus pris au sérieux ni par les écolie.r s ni par la population même. Nous n 'allons pas, encore une fois, jusqu 'à lui vouloir toujours la sér énité d 'un sage antique ou toujours le sourire de l'optimisme satisfait : il est ho mme, et il a plus d ·une occasion d 'avoir au oœur m écontentement <>u humeur noire. Mais cela nous m et bien loin des bizarreries et des inconstances de caractère par lesquelles il se r endrait plus ridicule encore qu 'il ne serait déconcertant . Et néanmoins équité ne saurait être égalité stricte et totale, inconditionnelle. pour ainsi dire . On n 'a pas aff:üre dans une classe à des enfants en so i, à des êtres tout pareils et interchangeabl es, placés dans des conditions identiques ; ne pas tenir compte des circonstan ces particulières à ch acun , ne pas e plier . aux contingences, c'est cela souvent qui serait l 'injus tice en dépit d 'une égalité appar ente. Peut-on demander à tous les élèves, quels que soient leur état de santé et ·Jeurs aptitudes intellectuelles, le m êm e travail, le m êm e effort , la m êm e exactitude, les mêm es soins OO'I1parels ? Ou l'équité ne oonsiste-t-edle pas plutôt à dem ander à chacun selon ses moyens, ses possibilités et ses forces? Et ces moyens ne sont-ils ~ s à l'ordinaire dépendants du milieu familial ? D'où l,a n écessité, que nous avons signalée d_éjà, d e bien connaître et cha que enfant en particuli er et l 'exist ence qui lui est faite dans sa fam ille. Mais cette connaissance n 'est pas toujours possible ; elle est , dans certains cas tout au moins, fort difcile. On ne peut pour y parvenir questionner indiscrètement l'enfant et s 'insinuer dans le secret des familles ; un tel manque de tact n 'aurait pas d 'excuses. L 'on voit . ainsi combien il est malaisé d'être juste, quel effort d'attention et de vofonté y est n écessaire. Sans cet effort on s'expose non seul em ent à louer ou à r écompen~ r à faux, ce qui n 'est que d'une gravité Telative, m ais aussi à réprimander et punir à faux, ce qui est a1:1trem Pnt déplorable aut éviter par tous les moyens. Même dans ce et qu 'il ~ milieu limité et calme qu 'est une c1asse, il n 'est pas tou-
�-96jours aisé de découvrir les vrais mérites et les vraies aptitude& de chacun, et de le traiter selon son mérite, ainsi que le veut l 'équité. Du moins iaut-il s'y appliquer; et la première condition pour y réussir, c'esl qÙe l 'instituteur s'intéresse à ses élèves, les suive avec attention et sollici· tude, et par conséquent voie en eux autre chose que des trouble-fête ou des trouble-repos dont il n'a que le souci de se délivrer en grande hlâtte.
9. Soins et visites aux élèves malades. - Il nous reste à étudier maintenant une dernière catégorie im1 p'Orlante
de devoirs du maitre envers ses écoliers : ceux qui c;oncernent leur personnalité physique, leur corps, leur santé. On n 'oserait pas soutenir qu'ils ne soient jamais un peu perdus de vue : trop uniquement préoccupés des études et de l'éducation intellectuelle, les instituteurs et les institutrices oublient par instants que l'enfant est un corps autant qu'un esprit, et que, s'il importe d 'exercer cet esprit, il n'importe pas moins de donner au corps et à la santé les soins nécessaires. La première condition du succès dans la vie, remarqnmi;t Heirbiert Spencer, c'est d 'être un bon anima1 ; et longtemps avant lui MQIJ11 taigne avait écrit ces phrases que tout l,e monde r&pète sans leur aœorder tout le prix que pourtant elles méritent : « Ce n 'est pas une âme, ce n'est pas un corp , cru 'on dresse; c'esL un homme : hl n'en fa'lllt pas fair,e à deux. Et comme dit Platon, il n e faut pas les dresser l'un sans l 'autre, . mais les conduire également, comme une coupl<: de chevaux attelez à mesme timon ». Voyons donc ce que, en dehors des exercices d 'éducation physique inscrits au iprogramme, !~instituteur peut raisonna.blemenC pour la santé de ses é1èves. Il peut et il doit d 'abord pren dre toutes ces simples précautions hygiéniques que chacun prend pour :,oi-même et surtcmt ipouir ses propres enilants, et dont nous ne nous attarderons pas à donner le détail. Elles concernent soit ] 'aération de la salle de classe - est-il bien sûr qua le nécessaire en cela soit toujours fait, toujours et partout ? soit le chau ffage et même l'éclairage, soit le contrôle des soins die propreté, etc. Il n 'est pas excessif d'a'ffirmer qu'en général la plupart des salles de classe sont l 'hivêr à ur, e température insu!ffisante : de ce côté un progrès est souhaitable autant que possible. Et, sans tomber dàns l'exa gération, on peut ·souhaiter que maîtres et maîtresses songent toujours à avoir pour leurs élèves quelques-uns
�des soins d'une maman prévenante et attentive; il faut qu 'ils sachent se rendre compte des conditions matérielles et hygién~qute,c, dans ,IiesqueiHes à l'école 1·eniant est placé, et qu 'ils fassent de leur mieux pour les améliorer ou pour .en adouciJ:1 les inconvénients llâcheux. Combien de fois ils en auront par exemple l'occasion les joms de mauvais temps! Ils n'ont pas . le droit ces jours-là de se désintéresser de l'hygiène et de la santé de leurs élèves. Nous croyons qu'il n 'est pas inutile non plus de donner une mention spéciale à la nécessité de surveiller avec la plus grande vigilance les attitudes des écoliers. DMectueuses, elles peuvent entraîner des déformations qui seraient ensuite dilfficilemoot curables ; elles peuvent aussi, sans aller jusqu'à ces graves conséquences, . être une gêne constante pour 1-a respiration et préparer plus ou moins le terrain à la tuberculose. Il arrivera qu'au cours d'une séance scolaire un ,élève se sente indisposé et qu'il ait besoin de soins. Que faire alors ? Tout simplement - et surtout sans jouer au médecin, sans vouloir faire ou contrefaire le docteur - s'efforcer de YOir ce qu'est cette indisposition et à quoi elle est due; cela fait, donner au petit malade les soins appropriés : un peu die grand air, un peu de repos, un léger pansement s'il ·agit d'une coupure ou d 'une brûlure, etc. Nous dison bien : sans jouer au médecin. Encore faut-il que l'instituteur soit instruit des notions élémentaires de l'hygiène et des menus soins à donner e.n cas d'indisposition légère ou d'acciâerrt bénin. Même il serait excellent que l'école fût pourvue d'une petite pharmacie Tenfermant qu'elques produits indispensables : coton hydrophile, teinture d 'iode, acide picrique, etc. Au besoin le maître confiera l 'enfant indisposé à quelqu'un de ses camarades en qui il peut avoir une enti'è re confiance, s'il s'agit par exemple de conduire le petit malade au grand air dans la cour ; mais à 1a cond.ition que lui , maître, soit bien assuré que le néces1-aire sera fait. En pareil cas, c'est à soi-même surtou't que l 'on doit. s'en remettre. Il ne serait pas moins opportun quelquefois d,e faire J)Tévenir la famille à la sortie de la classe ou même d'aller la prévenir en accompagnant chez lui le petit malade. Parfois l'indisposition pourra être l'annonce d'une maladie plus grave que des syrnptôm,es révéleront, une maladie contagieuse par exemple, rougeole, scarlatine, etc. Fn pareil cas le plus sage est d,e rendre le malade à sa famille dans le plus bref délai: Tant que dure la classe, la chose
MORALE PROFESSIONNELLE.
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est dilfficile : l ïnstituteur ne peut quitter l'école, e ~ d ·autre part il ne ;peut confiœ die ma!ladie à un arutre enfant, à cause du danger de contagion possible ou des dangers d'accidents le long du chemin. La classe fini e, soit que lui-même accompagne le. patient, soh qu 'il s'en remette de ce soin à un autre enf.ant, il donnera aux familles intéres- · sées les renseignements nécessaires et avec toute la d iscrétion nécessaire aussi. C'est dire que ces renseignem ents seront donnés par écrit et sous enveloppe cachetée. Quant à ce malad e dont un rien peut-être aggraverait l'état , on ne manquera pas de le protéger sur son parcours contre le froid ou contre toute autre circonstance qui lui serait nuisible. Envers un enfant malade il existe un devoir de sympathie, à tout le moins de simple convenance, qui est de lui faire visite d e temps à autre et de s 'intéresser à lui . Ce devoir est dfl à la fois à l 'enfant et à la famill e, et il n 'y faut manquer pour aucune raison . Ce n 'est pas assez de faire prendre des nouvelles du petit malade par un cam arade ou par un voisin ; s'en tenir à cela ne serait pas un témoignage sulffisant d 'intér êt , accuserait une indifféroooe coupable à la santé de l'enfant. Ne serait-ce au surplus que pour se conduire en homme bien élevé et de bonne éducation , il faut faire davantage et a ller voir chez lui l 'écolier absent. Sans faire ces visites trop fréquentes, car pour des r aisons diverses la famiJ.le pourrait en être importunée, il est indi spensable aussi que le maître ne les espace pas outre m esure et qu 'e·ll es n'apparaissent pas comme un devoir ennuyeux dont il s'acquitte sans conviction et comme malgré lui. Aussi bien ell es peuvent lui fournir l'occasion de donn er discrètement et avec tact de salutaires conseils d'hygiène, dont l'ignorance des par ents a le plus grand besoin par fois. A l 'occasion égalem ent, il fer a 1-a guerre aux pr éjugés qui on t, h élas ! trop cours encore quand il s'agit de la propreté et des wins que réclam ent les m alad es et les blessés. Tous ces devoirs imposent, on le sait bien , des dém arches et des attenti ons ; mais ce sont des devoirs qui perme ttront au m aitre de r endre des services peut-être d 'un grand w ix, et que la sympathi e envers un enfant qui souffre n e manquera pas de lui rendr!3 f.acHes et d'inspirer. Plus m ême : il serait bon qu e les cama rades de l'enfant , ou plutôt l'un d 'eux au nom de toute la classe, al1.ât 1.ui au ssi faire régulièrem ent vi site au petit- m alade et s'inform er de sa guéTison. Comm ent, à quels jours, selon quelles for mes, ce sont là des points de q étail qu 'un instituteur
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a vite régl és a1 ses élèves quand l'harmonie règne comme vec. elle doit dans la classe. Etant bien entendu d 'ailleurs que si l 'on a afliaitne à une maJadie oon.taigieuse, les ahoses .ne peuvent aller aussi simplement ; il pourrait y avoir imprudence grave à mettre alors un enfant bien portant en contact avec un élève souffrant. Ici comme toujours, les solution heureuses sont celles qu'on dem ande au bon sens, à la raison, au tact , quand le cœur les anime ou les soutient. Nous ne terminerons pas ce chapitre sans dire au m oins un mot du surmenage et sans signaler les pernicieux effets qu 'il peut avoir sur la santé de l'écolier. Ge n 'est pas que nous soyons tenté de croire que le mal sévit dans la m ajorité des écoles . Nous en sommes loin ; ma is il est néanm ôins exact queo certains maîtres abusent qui d es devoirs à la maison, qui des leçons à étudi er dans la famille. Ils le,: m ultiplient sans m esure, et l 'on voit ainsi des écoliers, de::: écolièr es à qui ne sont laissés ni r ePQs ni détente, n.i jeudi ni ·dimanch e, qui , toute la soirée ch aque jour et tou t le j ur chaque dim anche ou chaque jeudi, peinent sans joie sur leurs cahiers ou sur leurs ·livres pour des devoirs ou des leçons dont la liste' est inépuisable. Fâch eux excè!'. et dont les conséquences pour la santé ou la croissance des enfants et des ado.Jescents peuvent être graves. Rappelons ces m aHres, bi en intentionnés, m ais trop zélés ou irréfléchis, à la m esure et au bon sens. L'enfant a besoin de jeu , d 'exer cice physiqu e, de grand air; il a besoin de laisser son systèm e nerveux et mental se reprendre et se reform er ; ne fai sons donc pas violence à' la nature et lai sons, comme disait Rousseau , mûrir l'enfance dans l 'e nfa nt. Payons pas hâ te d 'en faire trop tôt un cérébra,l , à l ',àge où il est nécessaire qu 'il soit surtout un bon animal et où sa vie doit être végétative a utant et plus encore qu'int.ell ectuelle. Cela aussi, c'est un devoir ,enver s sa santé, et c'e,5t un devoir assez importan t pour qu'en l 'occurrence un zèle intempestif n 'entraîne pas le maître à le n égliger.
Le bon m aître, disait un jour Lavisse, est celui en qui le m agister n 'a pas étouffé l'homm e. Peut-être est-il vrai en effet qu e ch ez l 'instituteur le m étier transforme inexo. rablem ent l'homme en « m agister », et que )es élèves qu'il a autour de lui ne sont plus vus par lui d 'un regard d 'homme, d 'un regard humain, a ffectueux ou ému, m ais !'enl em ent d 'un r egard sec et froid de pédagogue. Et cela fai t qu 'il les voit autres qu 'ils ne sont, qu 'il n 'aperçoit plus en eux tous l_es traits ni tous les besoins de la nature
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humaine et de la nature enfantine. Si bien qu'il peut demeurer plus ou moins étranger dans sa classe aux préoccupations, aux soins, aux attentions amicales que, comme homme et surtout <:omme père, il ne lui viendrait Jamais à , 'esprit de négliger ou d'oublier dans la famille. Si l bien aussi que justement des pères ou des mères de famille s'étonnent quelquefois, non sans raison, semble-t-il, du peu de sollicitude qu'à l 'école on paraît avoir pour leurs enfants et maugréent contre le peu d 'intérêt que le maître a l'air de porter à lP-ur santé et à leur bonheur. Il faut que les instituteurs - et même les institutrices, que pourtant leur instinct de femmes et dei mères préserve ordi.1'Baiiremenrt de oos négligenoes, - soient en gairde contre cette défor:mation professionnelle. A la longue, elle étoufhomme, c'est-à-dire la bonté humaine, l'afferait en eux l'_ fection qui est toujours due aux petits enfants et qu 'un papa ou une maman leur donnent si libéralement de tout leur o:eur. Guizot le disait bien, l'instituteur doit exeirœr son autorité avec la même vigilance que le père de famillf.' et presqu,e. avec la même tendresse. Mais pour que cette tendresse demeure en lui toujours profonde ert agissante, encore faut-il que le métier ne lui dessèche pas l'iâ:me et que ses élèves ne lui apparaissent jamais comme des indif.Mrents ou des étrangers. Et qui niera que le iplus sùr moyen de les aimer et de s'intéresser à eux soit de se donner sans réserve à sa tâche, de se oréer ainsi une classe laborieuse, alerte, vivante où le maître sent chaque jour que son effort n'est pas ·perdu ?
�CHAPITRE VII
Obligations envers les autres Maîtres
Devoirs réciproques des Directeurs
1. 2, 3. 4. 5. -
L'union pour le bien de l'école. Les rapports entre collègues. Directeurs et adjoints. Leurs devoirs réciproques. Le conseil des maîtres.
1. L'union pour le· bien de l'école. - Entre collègues, des devoirs s'imposent. Un mot banal les résume, banal mais expressif, celui de « bonne confraternité >>., auquel d'ailleurs l'usage substitue de plus en plus le vocable prodigué aujourd'hui de « solidarité ». Ces devoirs particu liers, ce ne sont pas seulement ceux de tout ·homme enveTs lout autre homme; c'est-à-dire ces devoirs généraux de justice et de respect qui rendent possible et douce la vie en société et que chacun de nous est tenu de pratiquer envers tous ses semblables ; ce sont des obli gations nouvelles nées du fait que l 'on travaiUe à la même '.X:!uvre d 'intérêt social et qu 'on doit y travailler du même o:eur, avec la seule préoccupation de la mener à bien. Soit une école à plusieurs classes, où enseignent des maîtres qui ont chacun leur tempérament, leur volonté, leur tour d 'esprit, leur méthode propre, et où chacun, comme il est natuTel, est soucieux avant tout de lui-même et de ses élèves et des résultats à obtenir dans sa classe. Un tel souci est pleinement louable, il est la condition première du travail fructueux ,et du succès. Mais il n e saurait être exclusif ; il ne saurait faire oublier qu'au delà de l 'intérêt spécial d 'une classe, il y a l 'intérêt de l' éwle tout
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entière, c ·est-à-dire de tous les écoliers eux-mêmes. Or c'est à eux qu 'en définitive il taut toujours revenir; c'est le soin de leurs études et de leur éducation qui doit tout inspirer et régenter. D 'année en année i,ls passent d 'une dfasse dans ooe rautre, et iJ n 'est ,pas rn. -e, dans tes grandes r écoles, qu ·au cours de leur scolarité ils soient ainsi les élèves de six ou sept maîtres successifs. D'où l'importance d 'une organisation, d 'une <:0ordination et d'une harmonie de tous les efforts en vue du maximum de résultats, afin que, de classe en clhse, l'élèv<e ne soit pas dérouté ou condamné au piétinement, que ni heurts ni contradictions ne vienrnmt ébranler ou défaire en lui ce qui a été fait auparavant. Si donc il advient, et il adviendra sans auc un doute, que chacun des maîtres de l'école ait à renoncer peu ou prou à l'entière autonomie de sa classe, qu'il lui faille se plier plus ou moins aux nécessités de cette orga( • ,.. nisation d ·ensemble dont les écoliers bénéficieront, ce lui > ~~ un devoir d ·y consentir sans anière-pensée, sans at11 t~~dre t'nème qu'on le lui demande. Se cantonner dans un i.. iriiéduotible quant-à-soi, prétendre n 'abdiquer rien de sa personnalité parce que charbonnier est maître chez lui, et par là même alourdir ou compromettre à quelque degré la tâche des autres maîtres, ce serait manquer envers eux à ce devoir de bonne confraternité qui est l 'a b c de la vie professionnelle ; ce serait faillir ensuite au devoir professionnel lui-même, puisque c'est l'intérêt des €!lèves qui en est la règle invaTiable et souveraine. Si maintenant, au, lieu de maîtres tr~vaillant dans la même école, nous considérons des maîtres exerçant dans les écoles de la même localité, par exemple un instituteur et une instJitutrice enseignant dans chacune des deux écoles d 'une m ême commune, nous n .' avons rien à changer aux simples préceptes qui viennent d'être indiqués ein quelques lignes. A défaut d'autre sentim ent, le souci de l'école leur commanderait l'entente et l'harmonie, c 'est-à!-diTe La bonne confraternité. Car de leurs inimitiés ou de leur mésentente il ne se pourrait pas que l'une ou l'autre, elt peutêtre l1'une et l 'autre de J.eiuirs éooles ne souffrlt pas à la longue et même bien vite ; soit que trop de disparité s'accusât aux yeux mêmes des familles, soit que l'un des deux maîtreR vouhît attirer trop égoïstement à lui seul et à sa . classe les libéralités du conseil municipal, soit que leur dissentiment ébranl'ât '··1e crédit de l'école laïque et fô.t ainsi nuisible à la cause qu'ils représentent, qu'ils servent 'et qui les dépasse singulièrement.
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Et les mêmes remarques seraient vraies encore appli<J'llées aux maîtres de communes voisin%, de tout un canton, · de tout un coin de, pays. A n'examiner donc que l'intérêt supérieur de l 'institution même dont ils sont les serviteurs, il est es entiel que les instituteurs et les institutrices vivent ein bons collègues et ne donnent jamais ni au..x écoliers ni aux populations le spectacle de désaocords, de bisbilJes et de querelles. Cet intérêt général ne laisse pas d 'être pJeinement conforme aussi à lerur intérêt pa,r ticulier. Ils perdTaient bientôt dans ces brouirles ou ces jalousies une part de l 'estime qui s'attache à leur peil'Sonne même et à leur fonction, et avec cette estime une part du respect qu 'on leur accorde. « Cela fait mauvais effet », disait un JJ€re de famille en déplorant le peu d 'entente qui ri¾:,onait entre l'instituteur et l 'institutrice de son village ; et ce « mauvais effet » voulait dire que les habitants voyaient J.11 un mauvais exem_ple donné par ceux qui justement ont pour office. de prêcher l'entente et l 'union, et qu'ils ne pouvaient pas ne pas leur en retirer quelque chose de leur sympathie et de leur confiance. JI est nécessaire que le corps tout entier des instituteurs d e France soit honoré et respecté, qu'il donne l 'impression d 'une grande force morale, d 'une de ces forces vives qmi sont salutaires r.,our une nation. Non pas qu'il doive prendre figure d 'un groupement professionnel prrêt à faim obstacle aux lois et à mettre au-dessus de l'intérêt national ses intérêts corporatifs ; non pas que l'esprit de COTJ)S doive l 'avieugler et lui faire accepter envers et contre tous des solidarités que ni l'équité ni la raison ne ratifieraient : il serait alorrs un élément de ,peirt,rurbation ,et de trouibHe, e.t l 'opinion publique ne tarderait pas à se dresser contre lui. Mn,is qu'il soit une grande force sociale, un puissan,t agent d 'ordre et de progrès, rien de plu s désirable et de p~us fécond. Or, une des conditions de cette autorité et d e ce prestige qu 'il est légitime d 'ambitionner pour lui et qui font pour une large part sa valeur comme son crédit auprès des pouvoirs public~, c'e t qu'il apparaisse comme un'Î et cohérent, qu'on ne le sente pas tiraillé, divisé contre lui-m ême, tourmenté par des quereJles de personnes ou de clans ,et plus attentif à ses rivalités intestines qu 'aux grands inté>rêts et à la grande Mcbe que la nation lui a remise. Et par là les di cordes aiguës, toujours regrettables autant que mal fondées parfois, entre partis adverses au sein de la grande famille enseignante, et les polémique~ acrimonif\uses qui s'ensuivent, oui, tous ces oublis dei:;
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devoirs qu'imposerait cc une bonne confra.teirnité » et que cer.tains, d ·un o::eur léger, foulent aux pieds dans l 'ardeur des polémiques et des questions de personnes ou de chapelles, acquièrent une portée bien plus étendue qu'on ne pourrait le croire à première vue. Elles fatiguent et elles indisposent l 'opinion, elles aliènent à toute la corporation des sympathies et des appuis, elles ont cette incidence désastreuse que, pour finir, c'est l 'école laïque elle-même qui est atteinte par delà son personnel, jusque dans son princ ipe même et sa r aison d'être. 2. Les rapporu. entre collègues. - Quittons à présent ces hauteurs et ces vastes horizons pour en venir à des sujets plus bornés et à des réalités plus familières ; et demandonsnous : Qu 'est-ce qu 'un bon collègue ? Quelles qualité& voudrion!-nous rencontrer chez un collègue- par OQlllSéqu.ent chez nous-même - pour que ce qualificatif apparût mérité ? Ou, pour prendre la question par un autre biais, de quels défaUJts est exemp et queils agis emients ïnterd'it un bon collègue ? Nous remarqufüon d 'abord que nul défaut humain n 'est plus naturel ni plus commun que l 'envie ; elle est une des formes normales, ose,raiL-on dire, de cet égoïsme irréductible et profond qui habite au cœur des hommes. Mais cette cc fureur qui ne peut souffrir le bien des autres », comme la définit un orateur sacré, nous parte envers eux à l 'irritation et au dépit, elJ.e nous rend ombrageux et jaloux, inquiet et méchant. Qu'à côté de nous un collègue nous semble mieux que nous réussir et conduire sa classe, que simplement même nous redoutions en lui un rival OUI un émule, que pour des raisons quelconques il enregistre des succès professionnels, et même d'autres, qui le signal,e nt autant ou pbUis que noms à l'att,eintion d:es elllfants, ·aes familles, de nos chefs communs, et c'en est assez pour nous . inspirer quelquefois de l'aigreur et du ressentiment. L'esprit de dénigrement et de médisance, les attitudes sournoisement hostiles ou franchement agressives jailliront de lA comme d 'une source qui ne peut tarir. Et Dieu sait quelle prodigiern;;e fertilité dans le mal la haine et la jalousie rommuniquent à l'imagination l Il n'est pas çl'invraisemblable méchanoeté ni de perfide détour, sous des appairenc:es indif~éTentes ou correctes, dont ne soit capable aloirs l 'esprit d évoyé ; et il n'est sophisme de justification qu 'il n'invente pour s'en faire accroire à lui-même et se donner raison. Est-ce à dire que ce démon de l'envie s'attaquè à toutes
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les • mes, qu'il soit partout puissant et partout sème la à zizanie ? Loin de là ; beaucoup de o.::eurs et d'intelligences sont rebelles à ses inspirations, parce qu'ils sont rebelles aux petitesses et aux sentiments mesquins 011 méchants. Il n'est pour s'en convaincre que de regarder ks faits : c2 'n 'est pas le désaccord et l'hostilité, c'est l'harmonie et l 'union qui sont de règle dans le p~rsonnel. Et s'il y a drs exceptions, qu'à la vérité, ne fussent-elles que quelques: . unes, on ne peut s'empêcbeT de trouver toujours trop nombreuses, c'est bien à cette malheureuse et triste envie qu'il faut la plupart du temps en faire remonter la cause ; c'est elle la grande coupable. Elle est l 'ennemie dont il faut se, garder, comme de la plus venimeuse con eihlère qui puisse s'in,sinuer dans les replis des âmes. D'autres fois, ce sont des raisons d 'intérêt, de pauvre et misérable intérêt matériel, qui cr éent entre les maîtres la dissension ou l 'animosité. Pour quelques fruits ou quelques légum es d 'un jardin, pour quelque insignifiante portion d'un créd_l -municipal , pour un maig re avimtage pécui niaire, « pour une misérable ptièce de oent sous », comme dit le vul gaire, on a de exigenoes ou des avidités qu'tlarpagon lui-même ne, renierait pas, on fait d 'un rien une af· affaire interminable que l'on outient avec une apiniiâtreté acariâtre, on suscite des m écontentements et des inimitiés aussi tenaces que la cause en fut petite. A chacun son dû , la cho e n 'est pas contestable ; est-oe une raison pour exiger son dû avec tant d'1âpreté et tant de discomtoise intransigeance ? Puis il y a ceux que le langage populaire, trivial mais énergique, appelle les mauvais coucheurs, ceuoc qui' par nature sont hargneux et grincheux, et ne peuvent vivr.e en paix avec personne, tant leur caractère épineux en fait d es êtres antisociables. Où qu'ils aillent et quoi qu 'on dise et fasse, ils se croient toujours lésés ou molestés, mais ils ont , ,eux, u:ne prapien ian. fort d~plaisante à mtin ester les autres. Ils se froissent d'un rien, mais leur ombrageuse ~sceptibilié n'a pour les autres nul ménagement. Peut.être ne sont-ils après tout que les pitoyables victimes de cet amour-propre exaspér é qui ne veut s'accommoder de rieJl'l ni consentir à aucune concession , parce qu'il s'en estimerait trop diminué. Foin de ces gens qui , invoquant à '· tout propos leur dignité, voient partout des manquements \ aux égards qui leur sont du et en sont flâcheusement atrabilaires ! Dirons-nous encore un e cause, qu·on souhaiterait plus
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rare, de ces inimitiés . entre collègues ou de ces froissements qui finissent par en faire des frères ennemis ? C'est bel et bien la complaisance, avec laquelle certains prêtent l 'oreiJ.le aux racontars et aux commérages, s'.en font euxmêmes les échos amusés ou avides et les colportent avec une satisfaction d 'où est absente toute intention de charité. Qui .!',e mporte, en pareil cas, de la petitesse d 'esprit ou de la petitesse de o-.:eur i1 On hésite à se prononcer, mais on regrette que des gens de bonn·e compagnie et qui doivent se tenir au-dessus de certaines médiocrités de caractère ou d ïntelligence se laissent aller à ce rapetissement mental. .. N'y. a-t-il pas mieux à faire dans la vie que de s'arrêter à ces mesquineries méchantes et de s'en repaître, ? Notre tâcha d 'éduca:le,uxs ne d~ait-e.J:le pas nous éJle-ver bien plus haut ? Cela dit, nous demanderons encore : Que faire pour agir toujours en bon collègue ? Quels écarts éviter ? De quels agissements e garder ? Ces questions paraissent comple,xes et fort embarrassantes ; on y peut donner pourtant des réponses à peu près sûres et toujours valables, quoiqu'elles n'aient rien de spécifiquement pédagogique : ce sont les traditionnelles formules de la morale des honnêtes gens. Celle-ci d'abord : ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qiue l 'on vous fît à vous-même. Que de fautes nous éviterions si nous respections toujours cette règle avec une absolue sincérité ! Elle est vraiment la règle, d'or de la moral-e, le guide assuré des consciences. Quand un maître manque à la droiture ou à la bonne confraternité envers un collègue ; quand un directeur· d 'école travaille en secret contre l 'écofo publique voisine pour avantager la sienne ; quand l'instituteur secrétaire de mairie profite de son crédit au conseil municipal pour en obtenir des libéra· lités ou des sympathies qu'il n 'a que rarement l e souci de d ériver un peu vers l'école de sa collègue l'institutrice ; quand un débutant va clabaudant sans discrétion et sans me.sur-e que son prédécesseur dans un poste lui a lai~é une école en piteux état et tout à faire ou à rMonPer : qm,nd un (( bon collègue )) garde jalousement pour lui u.n avis officieux ou officiel, un renseignement, une information qui seraient pourtant les bienvenus pour d'autres aussi, ou quand il rechigne à s'imposer un léger dérangement pour les aider à sortir d'un mauvais pas .. . ou i. que diraient tous ceux-là si, les rôles étant irenv,e,rsés, on se cond'Ulisait envers eux aussi peu chadtablement. aussi peu loyalement même, qu 'ils ~e conduisent envers les autres ? cc Mettez-
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vous en la place du prochain, dit un Père de 1·Eglise, et le mettez en là vôtre, et ainsi vous jugerez bien. » Dans nos rapports avec tout un chacun, opérons souvent cette mé· ooanpsycho.se idéal,e; mais opé'rons-la bien .davantage encore dan nos rapports avec nos collègues ; et ainsi nous jugerons bien et serons en mesure de bien ag,ir. Serait-il bien difficile aussi de se demander en toute bonne foi si l'on ne se conduit pas, en paroles ou en actes, de manière à nuire à un collègue ou à son école, si l'on n~ s 'expose pas à lui rendre la tâche plus dif'ficile ou plus ingrate ~ La bonne confraternité, comme la fraternité tout court, a pour devise : cc Aidez-vous les uns les ·autres >i. L',œuvre dont on a la charge est déjà suffisamment lourde par elle-même sans que la jalousie, ou la méchanceté, ou la susceptibilité d ·un coUègue viennent y ajouter des difficultés nouveJles ou des déboires nouveaux. Que cle bien feraient certain s'ils appliquaient à des pensées, charitables ou simplement conciliantes le temps et l'activité qu 'ils emploient à médite,r sur les moyens de contrarier et d'ennuyer autrui , ou à ruminer leurs mesquins froissements d':imourprOipfe ! Si la règle de la bonne confraternité est bien ':elle que nous disons : - Entre collègue , enlTe arti ans de la même ,~vre, se soutenir et s'entr'aider, ne jamais se dénigrer ni se nuire, - à plus forte rai on est-elle impérieuse dans les communes ,et dans a régions aù ·l es popu;Ia,tion sont de,es, meurées réfractaires encare à l 'enseignernent la'ique et où leur hostilité rend d'autant p~us pénibJ.e la bâche des maîtres. En ces régions, c'est surtout anx écoles de filles que l'on s'en prend, c'est elles qui sont Je, plus combattues et c'est d'elles urtout que l'on travaUle à détourner les enfants. II serait inconcevable qu 'alor les instituteurs et les institutrices laïques ne missent pas en commun tout ce qu'ils ont d'influence et d 'action, à la fois pour le bien général de J',œuvre à laquelle ils travaillent et pour le bien particulier de ceux dont la situation est la plus difficile. AvaJlt les questîons d'e personnes, avant les bisbilles individuelles, doit passer ici la question de principe, : aider ses collègues et n'ajouter rien jamais aux misères et aux soucis que leur vaut déjà, leur fonction. Bie·n coupable donc serait l'instituteur qui, dans les communes hostiles, desservirait ouvertement ou en cachette, sa collègue de l'école des filles, ajouterait des obstacles à tous ceux qu'e.Jle doit vaincre. La récipTOque serait d'ailleurs tout aussi vraie. Et nous y insistons, parce qu'il est fâcheux, plu que cel{l, il est dou-
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Joureux d'avoir à constatiar gJUe de çà de là ces élémerutaires vêrit:és sont perdues de V'Uie et que, pou:r de méprisa.hies froissements d'amour-propre ou pour de ·s ottes -et ridicules histoires de on-<lit et de ragots, il règne entre collègues qui devraient s'aider et se défe.ndre des différends qui leur sont nuisibles à eux-mêmes et qui achèwmt de comipron tettre le succès de leurs écoles.
3. Directeurs et adjoints. _, Nous nous attarderons un
peu: sur ce chapitre : il intéresse naturellement plus que
tout aUJtre les jeunes maîtres, ceux qui vont débuter bientôt, et il e.st toujours d'actualité. Directeurs et adjoints, pour d 'aucuns, cela resserniblle fort à patr()[ls et ouvriers; i! l emble que de part et d'autre existen,t les mêmes opposition , 1es mêmes antagonismes, et quie la bolfine harmonie et la pa.:ix ne soient pas possibles entre eux. Il est de fait que dans plus d 'une écale ç 'a été a1U!refois, _ c'est même encore aujourd'hui la guerre, sourde ou manife~te. Mais c'est un fait aussi que ces écoles-là ne sont pas le nombre, tant 1:-'en faut, et que très sûrement leur nombre déijà bien petit va se réduisant de plus en plus. Au fond , c'est un des aspects de cetbei crise de l'autorité que l'on retrouve partout dans la société, sous les formes les plus innombrables. Tout en a favorisé l'éclos ion. Liberté, autonomie, indépen,danoe, tels sont les mo;ts et les idées qui aujourd'hui courent le monde, qu 'on respire dès l 'enfance et à quoi dans la jeunesse tout nou convi e à nous rafüer. Puis l 'autoTité a couvert tant d'abus et commis tant d'injusti ce, qu'elle en a perdu un peu du respect qnü s'attachait à son nom ; et il serait vain de prétendre que l 'autorité des directeurs d 'écoles ne fut jamais tyrannique, abusive et parfois, disons le mot, insupportable : nous en avorn:. dans la m émoire d'incroyables et authieintiques exemp les. Cependant le temps et les m~s ·ont changé, cette autorité s'est bien adoucie, eiltei s'est imprégnée profondément de l'air des temp . nouveaux. Malgré cela, pour plus d'un jeune instituteiur encore le dir,ecteur reste le patron, le maître, c'est-à-dire l'ennemi. Il l'est par définition , l il l'est piar n:a,turn, i[ l'est à prioTi , il r'8'9t quJO~ q:u'il fusse et auoi qu•'il veuill e. Plus e ncor e : il advient que, tout pleins d'eux-mêmes autant que d 'une scien ce toube, fraîche, tels de res jeun es, en face de leur directeur au savoir ,e.t aux diplômes déjà vieillis, n e sont - as loin de le tenir pour inapte p à les dirig-er. La jeunesse immodeste a parfois de ces audaces et de ces présomptions, et croit pot1r le moin s qu'ell e va r ebiâtir le monde .. .
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Rebâtir Je monde,! Il n'est pas rare en ef:f.et que les jeunes p rofessent les idées d'avant-garde - c'est de leur lâge et croient déte.nir le secret des formules de l'avenir. Il n'est pas rare, à l'opposé, que les directeurs, revenus peut.ê tre de ces emballemen~ juvéniles, n'aient pas la même foi dans les constructeurs de cit6 future et, moiru; soucioo:x de la société lointaine, aient davantage la préoccup.1tion présente de leur école et de leurs ,élèves. Et c'est poUll'quoi ils tiennent à ce que leurs jeunes cqllaborateurs 6 ·apphqwent à la tâche, y mettent toute leur intelligence et toute leur activité. Cette, tlâche, c'est hi.e n le devoir -essentiel, c'est le devoir quotidien, c'est le devoir siîr, préci's et limité, et J.e jeun es qui seraient tentés de le négliger trahiraient, on peut le craindre, plus de paresse et plus d'insouciance du vrai devoir que de, vertu; Téformatrice et de dévou,ement social. Pour l 'instituteur, la première forme du. dévouement au bien public, c'est la conscience profess ionnell e et l'effort laborieux à meubler et à façooner les r-ervearux. Ce n 'est pas« pour le patron » que les adjoints travaillerut,. et ce n'est pas le patron qui Tecueillera les fruits de leur application. Ils travaillent pour leurs .élèves, et e sont leuTs élèves qui r écoltemnt ce qu'en ']J!I'Obes ou en mauvais O'llvrieTS eux, maîtres, auront semé. On n'a pas laissé de nous insinuer quelquefois qu~ ceux des adjoints qiui, le plu véhémentemen,t, tiennent le patron pour ·l 'ennem i, sont peut-être ceux aussi qiui tiennent suTtoiut le travail pour l'ennemi .. . Que vaut la bootade, ? Nous la issons aux intére sés le soin de faire le ur exam en de conscience et de r épondre. De froids humoristes vont même plms loin enwre : ils affirment que les adjoints qui dénoncent avec le plus die fougue le despotism e des directeurs et sont les . ubordonnés les plus... insubordonnés. deviennent par la >'uite les directeuTs le plus agaçants et l,es plus intraitables. Le. extrêmes se toochent, on le sait de r esre, & l'on a vu plus d 'un révolutionnaire à tous crins devenir avec l',§.'ge et les circonstances le plus conservateur et Je plus rassis des bomgeois. Que si, changeant d'écoles, nous examinons un peu ce q1ü se passe entre directrices et adjointes, nous entendrons peut-être des récriminations d 'un autre ordre, parce que nous sommes da,ns un camp où les petites questions d 'amom·-prop,re et de préséance se m êlent volŒ1tiers à toutes choses, et où l'autorrité se fait, dit-on , plus pointilleuoo et ,pilus tatiilon.ne. La direcflrice, dlédlarnemt cLe çà: de là quelques adjointies, prétend tout r égenter dan les
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plus petits détails ; et non sellllem.ent notre service scolaire, mais même notre vie. Elle nous traite ie!IJ. petites pensionnaires que l 'on conduit par la main sans jamais leur M.cher les lisières. Il semblerait par instants qu'elle nous en veut mêmie de notre jeunesse et qu'elle 'la jalouse ; elle ne nous pardonne pru, notre âge. Jusqu'à notre coiffure et la coupe - nos robes, et .la couleur de nos bas et la forme de de n.os souliers, il n',e t rien qu'elle ne s'aTroge le droit de vouloir régir à son gré ; et pour peu qu'elle ne nous trouve pas un air suffisamment pédagogique, ce sont sous-entendus et doléances ou critiques qui ne cessent pas. C'est à croire, prétendent d'autres, qu'elle nous en veut de n'ètre pas dupes des petit artifices et des petits mensonges gros quelquefois - paT lesquels elle s 'a,ppliqrue à se reindre favorable. une administration qui n'y voit rien et ne soupçonne là ni wueaies ni stratagèmes, aloTS qu'il en est à chaque pa . Ailleurs, raconte-t-on, la directrice n 'a qu'une ambition, qu'un rêve : être ap,pelée « Madame » ; et qui s'aviserait de la nommer « Madame la. Directrice 11 et plus, encore « Mademoiseille », connaîtrait son courroux. Elle croirait son autorité à jamais compromise i on pre~ nait avec elle de telles licences eit ne s'en consolerait pas. Et chacune donc de lui donner du « Madame 11 à bouche (fllle veux-t).1, sans que « Madame J>, satisfaite, aperçoive tout ce qu'il y a de moquerie un peu irrespectueuse et de railleries voilées au fond des âmes. A quoi des voix répondent, du côté des dirnctrices : Oui, m,a,is c'est que peut-être nous avons à diriger teHe éberluéequ,i, s i •on la laissait failre, devancerait la mode plœ qu 'eHene la suivnait e4 ne se rendrait .p as compte qu'elle extravague. C'est que, si les jeunes maîtresses ont une fois r:crdu ie sens et le respect de l'autorité, e1les cèdent trop docilement à leuir -fantaisie et que cela peut mener loin. C 'e t que les familles prêtent une particulière attention aux façons de faire et aux allures de l 'institutrice laï(Jill,e, et que· l 'écol.e concunrente aurait tôt fait de mettre à profit la moindre de leurs défaillanœs ou le plus innocent de leurs égarements. Nous n'a.von!'- en vue que le bien de l'école ... Aussi bien, tous ces conflits et fous ces heurts entre directeur et adjoints, entre directrices et adjointe~, ne sont que des rocceptions ; dans la, pluPQrt des écoles règnent la confianoe et r'hiarmonie. Mais ;pourr excepti(JITlS qu'eUes &Oient, i,l faut les signaler au passagre,, : e d~iplore,rl et en cher.cher ,]es remèdes : c'est ce q,ue nous allons maintenant essayer.
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-i. Leurs devoirs réciproques. - Le premier de ces remèdes, c'iest que chacun y mette du sien; c'est-à-dire qu.'on se fasse avec bonne humeur et avec bonne griice des con.cessions réiciproqu-es, que chacun ne s 'obstine pas dan.s son attitude ou dans son point d,e vue, sans vouloir, en démordre. Directeurs et directrices ont l 'autorité et doivent en user ; mais qu ïls sachent la contenir dans des limites raisonnables, qu'ils ne jouient pas au souverain absolu et se persoodent qu 'ils ne peuvent pas aivoir toujours raison, qu ïl,s ne sont ni l'équité, ni la sagesse, ni la science pédagogique incarnées. Qu'ils ne se persuaden,t pas avec moins <le certitude que 1·autorité brutale se rend haiissable, qu'elle n 'est pas supportée sans impatiooce et sans désir de re· vanche, et qu 'à se faire tyrannique ou trop dure elle sape jusqu,·à son propre principe : rien ne l'a ruinée comme ses excès mêmes et ses prétentions. Qu'enfin leur autorité ne tende pas à devenir trop envahissante et trop minutieuse ou tràcassière ; qu'elle ne cherche pas à trop gouvern,,r, surtout dans les domaines qu'elle devrait d'elle-même s'interdire paroe qu 'elle y empiète trop visiblement Slllf' la liberté individuelle et le droit des consciences. Et que les :adijoints de le1J1r côté se nendent bien coonJplte - e.st-ce diificile ? - qu'un organisme quelconque, en l'espèce une école à plusieurs classes, ne fonctionne régulièreipent que si 1·ens,embl e est réghS et si cette r égularité est maintenue par l'homme justement quii ie111 a la responsabilité et qu'ont instruit les leçons de l 'expérience. Lorsque le di,recteur tient. la main à ce que ses collaborateurs soioot ponctuels et appl iqués. qu'ils fa6Sent leuir office en toute conscience et en toute loyauté, cette exig,e'[lce est-elle donc contraire aux lois, contraire à la raison, contraire au devoir ; et ces mêmes adjoints, s'ils étaient directeur,s, s'en tiendraientïls pour dispeinsés a Qui consentirait à croire que sans ce · contrôle et cette direction les débutants vaqueraient tous et toujours à leur besogne avec une exactitude exemplaire et avec le sentiment profond de leurs obligations profession·n ell es ? Une> direction vigilante et bienveillante à la rois, n 'est-ce pas pour les jeunes une heureuse chance plutôt -qu 'une sujétion ; ne peut-elle J.eur épargner plus d 'un faux -pas ou plus d'un tâtonnement malencontreux ? i\ous demanderons ensuite que de pa1t e t d'autre on, se ·conduise toujours en hommes bien élevés, en hommes ·courtois et ·corrects, respectueux liis uns des autres, et ·qu 'on ne fasse :jamais fi des convenances et des égards
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qu 'on se doit entre gens de bon ton. Les temps ne sont plus, sans aucun dout,e, où certain directeur d 'école, qui · passai.t pour un homme à :goigne, s 'autorisa,it de son titre de directeur pom: entrer sans fra.pper dans les chamhres de ses adjoints et, le cigare à la bouche, y transformer sans plus de façon le plancher en crachoir ; et rares aussi, s ï i en existe encoTe, sont les directe,urs hautains et :rigides à qui la cordial.ité dans les paroltis et l'affabilité. dans les manières ne sont pas de mise dans leU!I's ra,p ports avec leurs subordonnés. Nous voudrions tout pareillement croire passé le temps où cer tains adjoints partaient en vacances sans avoir la politesse m êm e de salue r avant le départ leur directerur, O'UI auraient cru déroger en JUJi faisant t~1ür avis, le cas éch èant, de l'empêchement majeur où ils étaient de venir tel matin à leur classe. Un cc C'est -asse~ bon, qu ïl se débrouille l » leur paraissait une justification suffisante de leur beau: sans-gêne. Non, ne prenons pas pour un luxe, dans nos r elations m utuelles, les règles du savoü-vivre et de la civilité puérile et h onnête . Attachons-nous y au contraire, p0ur tout ce qu'elles mettent d'agrément dans les relations, pour tO'llt ce qu 'elles y apportent de rectitude e.t de fac.ilité; ce n 'est par un ton rébarbatif e t un air hérissé que l 'on entre en confiance poulf colla borer à unô ,œuvre de foi . Mais par courtoisie, et correction , nous entendons aussi loyaut~ ; nous r éprouvons avec énergie tout cr qui est hypocrisie et m enées tortueuses, tout ce qui est cautèle et finasserie. D 'honpête homme à honnête homm e. qu'on soit directeur ou qu'on soit adjoint, la roub.Ja-rdis!:. et l'astuce né président pas aux ra.p ports quotidiens €t n 'ont accès ni dans les ,âm es ni dans les actions. Demandon e'!'i core qUre les directeurs dirig,e,nt , comme l 'indique leur titre et comme le requiert leur fonctio•1, et qu'ih- tiennent à h onneur, dans toute lia mesure où il.:: peuvent s'y employer , la formation professionnell.P. des jeunf.s . maîtrés. Cer tains s'en désintéressent trqp1, oo dit-on; d'au Lie5, les autoritaires, si l'espèce n'en a pas disparu . trouvrn t tout simpl':l Q'imposer com1"'c des do{lm •·s sacro,:ain ts leurs proc.édé$ eL lieurs façons de faire. M ii 5 nous en savons aussi qui , sans se lasser , mettent à cette tJâche un tact, une sollicitude ret un sa,voir-fa.ire sur lesquels leurs adjoints eux-m êm es ne tarissent pas d 'éloges et dont ils se félicitent comm e d'un gFand bienfait. Non seulement ceux-là donnent sans faiblir, en tant qu'instituteurs, l'exemple d 'une belle conscience professionnel'le ; mais ils déploient le m êm e zèle, un zèle discret et de bon aloi, à
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consei,ller leurs collaborateurs débutants, à les former à la pratique intelligenle de leur fonclion. Tant de jeunes, mème sortant de écoles normales, ont un besoin si instant de directions et d 'exemples ! Ils n 'ont plus rien à apprendre ... que leur m élier lui-même. Leur devoir, à e ux apprentis, c 'est donc la déférence aux conseils et au.x suggestions de leur di:recteur ; c 'est plus que cela : l'empressement à provoquer œ conseils, à y recourir avec sincérité et modestie. Nous ne leur disons pas de s'en faire les plagiaires passifs ou les démarqueurs serviles ; mais qu'au moins il s s'appliquent à les comprendre et qu ïls essayent de les faire passer dans la pratique. S'ils ont- un peu d'initiative ou de vie pe;rsonnelle, ils sauront vite se les approprier et, des pièces empruntées d 'autrui, eût dit Montaigne, faire un ouvrage qui sera tout leur. Plus délicate est la situation des directeurs quand - ls ont i sous leurs m dres, comme le cas est fréquent aujourd'hui, des adjoints iâgés dont toute la carrière s'écoule comme adjoints dans une école urbaine. Chacun peut alors invoque;r son expérience et l 'ancienneté de ses services pour prétendre agir à sa guise sans avoir besoin des conseils de personne. Mais cela prouverait tout simplement que, soit d 'un côté, soit de l'autre, quelqu'un m anque· d e doigté ryu de tact, ou bien encOII'e que le directeur n 'a pas su imposer son autorité tout au m oins morale, ou que l'adjoint man que à son tour de quelqu,es-unes d es qua lités que l 'on voudrait trouver ch ez un collabornteur n 'ayant souci que de l 'œuvre commune. Est-il nécessa• ire d 'ajouter , tan t ce devoir est élém entaire , qu'il faut que le directeur soit juste, traite chacun .::.elon son mérite, r ende à chacun selon ses ŒUNres ? Tout ce que dans le ch a:pitre pr écédt nt nous avons dit du devoir e d 'équité, alors qu 'il s'agissait de l 'instituteur devant ses élèves, nous pourrion15 le redir e ici sans y rien changer . Rie-n , sinon q;u e la justioe s 'éte,nd ici plus loin qu 'alors : il y, a une m anière d 'exploiter - c'est bien le mot - le travail des adjo ints qui ressffiJlble fort à une spoliatï.on. pour n e pas em.p loyer un term e pl us ·énergique. Nou n e parlon s -pas, bien ,entendu,, si tant est qu 'oo ,en r en contre encore, de ces abus d e pouvoir en vertu desquels un di recteur d 'internat, par ex.emple, forçait la m ain à un de ses adjoints pour lui faire accepter , moyennant une r,é,mu nération insulffi.sante et i;arfois d,éri, aire, un service de surveil1ance dans son internat . Si oe ch oz,es furent , le souY enir eu! en reste, nous l 'espérons b ien . Ma is n 'arrive-t-il
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plus, jamais ,p lus, que des directeurs, que des directrices s ·emploient subtilement à induire en erreur 1'administration, à tout arranger pour se donner le beau rôle et s'attribuer à l 'occasion les mévites d'une initiative qu 'ils n'eurent pas ou d'un travail bénévole dont ils se déchargèrent sur autrui ? Malhonnêtes et tristes choses que oette piperie et cette menterie, dont on voudrait avoir la certitude qu'elles s001t désormais SMLS exemples I Des gens s'étonnent, de bons esprits s'inquiètent et non à tort dru. discrédH où tombe le principe d'autorité : serait-ce donc qu'ils ignorent les abus et les erreurs qui se commirent en son nom' ~ Faut-il dire encore qu'un directeur doit s'interd~re absolument, en présence des élèves, toute ob-servation qu,i sera-it de nature à diminuer si ·peu qu:e ce ftlt l'autorité de ses c:ollaborateuTs, à diminuer par suite l'estime et la confiance, qoo les élèves leu,r accordent?. La règle d'aill,l eurs est simple : si tranchés que soient les différends entre les maîtres, si vives même leurs querelles, il faut que, jamais, au grand jarnais, les ,élèves n'en soient les témoins, ne puissent même les soupçonner. Est,ce hypocrisie ? Non pas ; car de ces désaccords ou de ces inimitiés d'homme à homme, l ,.éduca!JeuT, lui , n 'a pas à coILilaitre; en l.al'lt qu ',&ducateur. tout entier à ses élèvès, il les ignore ; il ne laiss~ voir de lui-même q.ue ce qui peut être à ses écoliers un bon exemple et un entraînement au bien. Et nfin, faut-il une fois de plus, inlassablement, répéter aux jeunes qu'avant tout et par dessus tout c'est à leur classe qu 'ils doivent se donner, que c·est envei,s leurs & 1èves que sont leurs premiers, leurrs pTincipaux d6Voirs, et qu'ils ne sont quittes ni envers leur conscience ni en~ ·ers la société s'ils ne.les ont pas dans toute leur pléniü1de laborieusement rerruptis ? Ce devoiir envers les élèves commande à tous l,es autœs, prime tous les /l/U!tres, ou pour mieux dirn les concentre tous. Tous les devoirs ou toutes les •'.lluvre e.t toutes les activités d''à côté, y compris au besoin la politique et ses ,alentours. doivent s'·effaoor devant ce devoir souvera-in : bien faire sa classe, s'appJ:iquer df' toute sa ferveur et de toute sa probité à son travail scola i,re. C'est pour l'instituteur l'alpha et l'oméga de toute la morale professionnelle. 5.. Ve conseil des maîtres. - Le rôle respectif du directeu·r et des adjoints a été fort bien mrarqué paT une longue c irculaire min'istérielle du 15 janvier 19o8, qui en même
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temIJ6 a donné une existence olfficielle et obligatœre à Uil16 institution déJà existante par e:ndrû'its : le Conseil des maîtres. Sans autres commentaires, qui seiraient in.u:ti,ies, nous reproduisons à peu près ,en son entier cette circulaire très importante. cc L'école est une, quel que, oit le nombre de ses maîtres, et tout enseignement est une collaboration : coll'aboration des maîtres entre eux en vue de la formation intellectuelle et morale de l 'enfant ; colliaboration des maîtres et des familles. Il n'est pas de conception plus fausse, plus étrangèr.e à nos princiJpes d'égalité et de bonne confraternité, que œlle.: qui maintiendrait le dirocœurr et ses adjoints dans un isolement mutuel, le premier concentrant en sa person.ne toute la vie administrative et pédagogique de l'école, les seconds 'féduits à ume obéissance énroite et bornant Jeurr activité à enseigner suivailit des méthode et de principes acceptés sans discussion et sans foi et imposés d 'autO'fité. L'unité ainsi obtenue, frapperait par avan ce l 'enseignement de stérilité,; pK)IUr être féconde, l 'h armonie dœt être faite de l'accord de toutes les bonnes volonté s'employant à l 'œuvre commune. Tous attendons cette unité et cette harmonie de l 'oraanisation hien c-OTDprii-e du Conseil des maîtres. cc Il va sans dfi-re qui'iJ ne pe,uJt être question de diminuer et d 'a ffaiblir l'autorité du directeur. Un de, mes prédéce,:seurs, dans sa cirou1 laire du: 13 janvier 1895 , traçait en ces termes la Mche qui lui incorrnbe : cc Le directeur d'une cc école ayant sous ses O'I·dres plUJsieurs in,stituteu/fS :td« joints, les ums déjà titu1 lafrres, les, a:utres stagiaires, a la « r esponsabilité de la bonne oraanisation pédagogique de cc l 'enseigneme.nt. Il a , e devoir, et par cons:équent le droit, J cc de guider l'es maîtres, surtout ceux qui débUJtent, de « ooordonner leurs efforts. vers le but commun. A l'école cc primaire, p lu:s qu 'ailleurs peut-êtr.e,, i1 importe de m é« nag.er avec un solin jaiJoux le temps des élèves,. d e leur « épargner le tâtonnement des méthodes, d:e prévenir ou cc de. combler le lacunes TéS'U, tant dl\lJ manque de concorl « dance entre les diverses dass.es qu'ils ont à franchir. n Ce langage n'a rien perdu de son autorité, ; H répond à! des n"éicessités to:u.t aussi impéri euses aujû'Ulfd'hu~ qu.'j.J y a treize ans. .T'ajoute;rai que le directeur, choisi parmi les maîtTes les plus éprouvés pouir se, se,rvices, son expérience et sa valeur personnelle, représente dan l'.école Uill -élément de fixité, de permanence et de tradition. Il demeure, tandi!: qu 'aut<YUT de lui l'es adjoi,n ts, surto'Ut dans les écoles si
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populeuses des grandes villes et de le'l.llr banlieuie, changent et passent. De cet élément mo!bile - t trop souvent renouvelé e il e.st impossible de faire d épendre l 'éducation de l ',enfant, qui veut être observé dans ses penchants e,t ses aptitudes, s uivi dans son progrès, instruit avec la contil.).uité de méthodes qui seule peut soutem.iir l 'eff.ort de son e~rit et augm enter l'efficacité de cet effort. « Uqe autre tlâche délicate dévo-lue a.u directeur est de parachever la préparation de ses adjoints. Il y faut û:hfiniment de. tact, de m esure et, pour tout dire, de bonté. Il lui faiut ménager des susceptibilités légitimes, par!fois om brageuses, e t désa- mer les défiances que fait naître chez r quelques-uns l 'aprparence d 'une suj étion. Iil do<it surtout se ga rder , par ê::l. es critiques incons idérées et présentées sans am énité, d e paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage d e l',éoo],e et de décourager des initiatives qui, bien dirigées, peuvent porter d 'heureux fruit . « De leur côté, les adjoints doivent se repz,ésenter que la plupart <l '€ntre eux n 'abordent leurn cLilffic iles fon ction . qu'avec le sommaire et insulffisant aipprent.issage qu'ils doivent à l 'école normale, avec un savoir surtout théorique, qui demande une longue mi,s e au point de pr atique pour s'accommoder au niveau d 'intelligences ,encore neuves et obscuirns ; que beaucoup d 'autres entrant de plain-pied , munis du, seul brevet, dans les fonctions d 'enseignement, ont tout à apprendre d 'une profession qu 'ils ignor ent. Ils doivent don c rechercher les conseils de maître pl'lli5 igés, se féliciter de pouvoir profitell' de J ',e xpériencie d 'aîTl!és qui ont passé avant eux par les m êm es chemins et leur en aplanissent les dilllkultés et ne pas voir, dans d es ob ervations amicales et prudentes, je n e sais quelle entfleipri se contre le'I.IJI' indépendance• et lem libre arbiitrn. « L 'idéal, dans ] 'intérêt de l 'école, sera- de pouvoir it r éunir ct combiner les ava ntages d e l'expéri,e nce des un s et l 'initiative des autres. Il peut être facilement réalisé, pour peUJ que chacun s 'y prête de bonne volonté, par le Conseil des maîtres. « Qu1e<llies sont Ies quiesLi()[lSJ qui se:ront soumises à ce Conseil ? Il est d~/ffioile, ipoull' ne pas dire impossible, de les énumérer toutes limitativem ent ; il faut compter avec l 'imprévu et distinguer enttiei elle&. Tout d 'abO'I'd , il convi-ent d 'en excepter ceUes ql\.1i sont de nature purem ent adn'llinis(rative et qu'i apparti ennent en propre à' la direction . telles les r elations entre l'école ét les autoirités locales, mu-
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nicipal,es et académiques, les raipports aviec les familles, celles .qui touchent à r entretién des hàtiments, à l'hyg iène scolaire, à l 'ordre généra l de l'établissement. « Au oonlraire, rentrent d.a;ru; les attributions du Conseil Lou tes 1 questions q·u,j €1S embrassent la vie pédagogique de J'école et dont le champ est assez vaste pour occuper l'activité et l 'ingéniosité du personnel. C'est par la discussion qu'elles soulèvent que se perfectionnera l 'édiucatioo profossioomelle d es maîtres . Je range daillS cet ordre l'élaboration du règletrnent intérieur de l ',é,cole en conformité avec les règlements générauoc airrêtés par 1e Conseil dépa1rtemental, la r épartition des élèves dans les classes suivant leœr ,§.ge -et leuil' degré de préparation, le passage des enfants de l'écol<e ma ternelle a u de la c.lasse enfantine à l'école prim aire en dehors dies &poques rég1ementairns . J 'y joins aussi la réipartition des· maîtres dans les c1asses ; il me paraît équitaUe c 'i1s soi ent coillSultés sur leurs convenances ru et swr les aptitudes qu'ils m anifostent. « Malis sur oes questions, die nature piartiouJièr ement d-é1icate, la d élibération du Conseil ne deviendrait d éfinitive qu 'après la di&:i ion d e l 'inspecteU!l' p[·imafre. Il ne faut pa s oubJi.er q1 nOUJS avons à nous préoccuper avant tol\.!Jt des ue intérêts de l 'enfant, qui prim ent tous les autres. « Il va de soi que ce sont surtout les questions d 'ordre purem ent pédagogique quiÏ anim eront ces réUiDions et I.eur donneront leU[· intér êt : em:ploi dUJ tem'l)I:>, application et ada·p tation des programmes, choix des livres d'après la liste d épa'Ttem enta'le, étude d<JS m éthodes et des procédés d 'enseignem ent, entretien et recrutem ent d e, la bibliothèque, etc. Ces discusSliO'Tls fournirnnt à nos maîtres l 'occasion de faire preuve de rech erch es et d 'initiative personnelles, de produi,r e d es idée nourvelles, de tenter , s'il y a HeUJ, des expériences fruc tueuses. En es u sciterront l'rorrnlation parmi les m aîtres, secouNo,n t la torpeur ré ignée de ceux qui _·àttardent à la besogne m achin al,e et préserveront ] 'enseignem ent de dé,gén ére'T en roUJtin€. Ces débats, quelque vivacit é qu1 cb'a.cun y appO'Tte à sout enir ses opirn.ions , e . conserveront toujoUTs J,e, caractère de dÏ!sCm,siom amicales ; on y discute,r a pour s' instruire, pour échanger ses vues, pou:r s 'éclairer mutll/ell,e,rn ent. Il ne saU1ra it être qu·estion d e lem donn err lé\ sanct1 ioo d ' un vote. NCYUs ne. d evons pas tra,n sforrne,r ce, réunions pacifiquies en autant d 'a emblées dé,Jibérantes ; on risquerait d 'v fa ire pénétrer du m êm e · courp l 'esprit de brigœ, de coalit,ion et d 'intl7igure et d 'ou-
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vrir la voie à des divisions qu.i conduiraient à une rnntabl,e anarchie scolaire. Cest au contra.ire vers l ' union et la concorde qiue nous prétend_ ns mar-eher. o « Je verrais avec plaisir œs Conseils s ·occupe·r à exer-· ce:r sur 1es élèves u:ne 11éedle action discipl.inaür,e, Je r elève· dans une circulaire d 'un lns. ectem d 'aq._démie oe passage, . p dont j 'adopte 1es idées et les Lermes ; << A des époq,oos dé<< te.rnunée.s, à la fin dé chaque trimestre, par exemple, << après échange de vues sur la situat~on morale d.e l"école, u 1e Cons,eil ferait comparaître les très· bons élèves pour les. << féliciter, les très mauvais pou:r les répvimande.r et les << ramenetr dans la bonne voi,e. En cas de. faute grave corn« mise pa,r un élève, il serait immédiatement convoqué par << le directeur, et, i l 'assemblée se prononçait pour 1·ex« clœion te- nJpOraire OU! définitive, c'est sm son avis (exI << primé, cette fois à la majorité des voix) que l 'autorité su<< périeure statuerait. Ainsi, en dehors des menus incidents « de la vie jouirrutlière ireglés par chaque ~nstitUJteuT ou par« le dirocteUT avec l 'adjoint intéressé, les élèves auraient « toujours pour juges tous les maîtres. << C'est aussi. dans ces Conseils de disciipline que seraient << arrêtés les prix d'excellence dans les écol-es où ces prix << existent encore, ainsi <l'i.lie 'les bénéficiaires. des récom<< penses extraordinaires qui font l'objet de donatio115 par« ticu:lières ». << Pom conserv, :r à l 'institUJtion l'attrait que nous VO'Ue drions luii donner et pourr soutenir l'intérêt des séances, H faut d 'abocd leur fournir u,n aliment; il faut ensuite qu'elles ne reviennent pas trop fréquemment. Les plus importantes doivent ouvrir l 'année scola·i-re et la f.erme1· ; dans l 'intervaJle, eliJes po,ll!rront avoir lieu par trimestre. Des séanoes extraordinai;res pounont se tenir, en cas de besoin, sur l'initiative du directeur. « Il sera teruu1 u!Il com:pte rend·u suiccinct d63 défübérations par un s,ecr,étaire. Toute contestation d'où ])01.Jrrait résulter un trouble dans la vie scolaire sera soumise à l'arbitrage de l'inspecteur primaire, qui. luii-même , pourra coosu.lter l 'inspecte,m d'académie. << J 'ai ~onfianœ qu:e l'1institu.tion du Conseil die, maîtres, si elle est pratiquée avec cet esprit de sincérité, de bonn e foi et de loyauté proressionnelle.s qui anime- l 'imrn>f'nse majorité de natrèp'ett'SOnnel d 'insti,tuteurs, produira d 'e±cel'lents résultats . .El1e fera sortir nos maitres de l 'isolel me.nt ,pédagoglique où bea: icoup d'entre euiX se plaisrnt,_
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c onfinés dans le travail de leur classe, sans relations suffisantes avec leurs coHègues .En rapprochant les hommes, ,on rapprochera les O'.llurrs; en se connaissant de plus près et mieux, maîtres et directeun, apprendront à s'apprécier, à s 'estimer davantage, et 1.es questions mêmes qu'ils seront .appelés à dis,cuter, en élevant lelllrS esprits et en leur ouYrant des horizons plus larges, leur donneroot UJle cons-eience plus préleise de la grande œuvre d'éducation nationale dont ils sont les modestes et dévoués ouvriers. n
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�CHAPITRE VIII
Rapports avec les Autorités
préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs).
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5. 6. 7. -
Autorités préposées à la surveillance des écoles publiques. Droits el devo irs des municipalités . Insliluleur et municipalité. V isites du maire el du délégué cantonal. L ' inspecteur primaire. L ' inspecteur d' académie. _ La collaboration du personnel avec l' adminislralion.
1. Autorités préposées à la surveillance, des écoles publiques. - Aux termes de l 'artÎICle 9 de la loii organique du
3o octobre 1886, l 'inspe,ction des établissements d 'ins~rucLion primaire publics ou privés est exerc ée : par les in pecteurs généraux de !'Instruction publique ; pair les reoteurs et les inspeoteurs d 'académie ; par Ies inspecteurs de l 'enseignem ent primaire; par le mair.e et les dél(\, és cantonaux (1) ; oU1 dan s les écoles maternelles, concurrnlllJl11oot avec les au ·lorités préoitées, par les inspectrices générales et· },es, in,-peclrices départementales des ,écoles m aternelles ; aui point de vue m édical, par les m édecins-inspiec1teurs, comm'llJlau~ 0 1.1 d épartementaux.
(1) L es délégu és can t ona ux sont d es p er sonnes, hommes ou femmes, que le Conseil d ép artem ent al d e l'en seignem ent primaire désign e da ns ch aque canton pour v isiter et surveiller les écoles publiques et privées d e ce canton. L e Conseil d épartem enta l dé t er- mine aussi les écoles p arti culi èr em ent soumises à la surveilla n ce d e chacun d 'eux.
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Ajoutons à cette liste les préfets et sou.s-priéf-.ets, qui ont entrée dans les .écoles publiques de leurs départiements et de leurs arrondissements re :pectifs. Ces diverses autorités ne sont pas investies des mêmes pouvoirs, on le conçoit, et ont reçu des att11iibutions différentes. Les médecins· c.ommuinaux ou départementau.x: ne peuvent faire parter leur inspection « que sur la santé des enfants, la salubrité des locaux et l 'oœerva.tion d,es règles de l'hygiène scolaire n. L'inspection du maire porte, cc dans les écoles publiqUJes, sur l 'état des looauoc et du matéiri,~, sur l'e chauffage et l 'éclairage, sur l'hygiène. Elle ne peut jamais pol'ter Slllr l'enseignement n. - « L'inspection des délégués cantonaux porte slllr l'état des locaux, 16 chauffage et l'éclairage, le mobilier scolaire et 1-e matériel d'enseignement, sur l'hygiène, su,r la fréquentation sco- ,. laire, sur l'assiduité et la tenue des élèves. Le dé:l,é gué cantooal n 'a pas à liormuler d'appréciation sur les méthodes, ni sur les l'ésullats de l 'en&eignement, ni sur l 'organisation pédagogique de l'école : le exercices de la classe pell!Vent contin,ue,r en sa présence· ; les d,evoirs des élèves peuvent lui être présentés. » QuanL au."{ fonctionnaires purement universitaires qui sont à des degrés divers les supérieurs hiéiro1'Ch~ques des instituteurs, leur inspection et lew contrôle s'exercent sur tout ce qu,i a trait à l'.école, de quelque ordre q,ue ce soit, comme à l 'em;eignement que donne le maître et à toute son ·œ uvre éducative.
2. Droits et devoirs des municipalités. - La loi met notamment à la charge des communes : Les fr,a is d'acquisition, de construction et d'appropriation des locaux scolaires, ou les frais de location de l 'immeuble, s'il y a lieu ; L'enrt.reti,en des bâtiments scolaiTes et d,e, leurs dépendances; L'acquisition, l'entreti'en et le renoiuvellement du mobi- lier scolaire et du matériel d'enseignement; les frais d~ chauffage et d'éclairage des clas&es ; les frais de balayage et de nettoyage des classes et des locaux à l'usage des écoles primaires ·é lémentaiTes dans lec: commun'es ou sections de communes dont la populatioo agglomérée est de 500 habitants au moins (dans les autres communes, le balayage doit être assuré par les ,élève.5 en tâge de pouvoir oo être chargés) ; La rémunération des gens de ,service dans les écoles mat,ernelles et, s'il y a lieu,, dans les autres écoles ;
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L~ registres et imprimés à l'usage des écoles; Le logeme-nt des maîtres ou les indemnités représentatives. Ce sont là des dé.penses obligatoires pour les communes. Elles peuvent s'en imposer aussi, de facu'1tatives, par e:x:em:ple des crédits pour suppléments de traitements 3.ux institutewrs, pour organisation de cours d 'adultes, pour fournitures scolaires aux élèves, pour distribution de prioc, etc., etc. On voit ainsi combiem, en un sens, las éooLes primaires publiques sont dépendant~ des c.omm.unes et de quels avantages elles peuvent leur être redevabl,oo. IL est bien entendu d 'airlleurs, et des décisiooo juridiques l'ont p;-écisé au besoin, que ni le maire ni le Conseil municipal ne sont les supérieurs hiérarohiques des instit11teU1rs et ne sauraient, en oons.équence, leur adresser un, blâme. Mais i'l saute aux yeux qu 'il est de la plus haute impo1r:tance, pour l 'école puibliquie d'une oommune et pour son personnel, que des rapports cordiaux et sympathiques s'établissent entre l'école et la mU'Il.Îci:palité. 3. Instituteur et municipalité. - Mais qUJi dit rapports dit action bilatéirale ; •e bon vouloir d'un seul ne sulffilt pas l toujours à créer dans les relations mUJtualles la cordialùté et ,l a confiance. Il se peut qUJe pouT de5 raisons personnelles, ou le plus sourvent pour des rai.sons de parti, le maire et la muin.icilpa.Jité soient peui favorables ou même nettement opposés à l'école publique et à ses maitres, et qu'ils la combattent au lieu de la favoriser. Cependant oette hostilité n 'entraine pas toujouTS de leur part le refus des dépenses nécessaires d'entretien : on mit plus d'un maire « réactioonai-re » acoorder aux écoles ipooliq;ues tous les crédits dont eHe,.<; peuvent avoir besoin et mettre même son point d'honneur à ne pas lésiner, tandi,s qTU'on vo,i t en revanche des municipalités répub,licaines ou « avancé.es » se désmtéresser plus q,u e de 'raison des ,écoles publiques et leur mesurer av,ec une excessive parcirrronie les crédits indispensables. Ma,is là n'est point notre suj,et : il s'agit de savoir quels doiv-ent être les raiprports de l'instituteur avec les aurtarités locales et quehle conduite iJl doit tenir envers elles. Or, quelles que so.ient l'attitud-e ()lllJ les ol)Ïnions des municipalités, il est des 'règles gé.néirales qu.i doivent être partout observées et desqu~llès un maîtTe ne s'écarterait pas sans dommage. TI tombe sous le sens d'abord que selon qu'il s'agrt d'une école de grande ville ou d'une école d~ village la
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�situation esL bien d1flére.nte. A ia campagne, oiù l'on se connait, où l'on voisine, où l"on a tous 1es jolllrs des occasions de se i-encontrer et de rrayer, où les habitudes et les m:..eur sont plus simples, où, sauif exception., :le · maire n ·est pas un (( bourgeois )) ni un .personnage, imJPIOl'lant eL n ·est que peu absorbé par les atraires munici;piales, il en va autiiement que dans les grands centres, où les senices de la mairie sont vasLes et complexes, QÙ le maire doit faire lace à de multiples charges et à de low·des responsabiJités, où ili vit, pour ainsi dire, dans une atmosphère purement o.iûcielfe et où la .po,r te de son cabinet ne s'ouvre pas à toute heure ni à tout venant. ,Là, l~- choses se passent en toute simplicité et sans tant de laçons; ici, il f.au:t plus de cérémonial, des formes plus protocolaire.s, sans que d 'ailleurs, pas plus dans le premier ca,s que dans le second, l 'institurteur ait à se départir jamais de la ,plll6 impeccable correction. Cette correction, elle se marquera et par ses actes et par ses pa:roles. Des actes ? Tout d'abord une visite, la première de toutes, à l'arrrivée dans la commune pour: y prendre ses fonctions; elle est d'autant plTuS obJigatoire que c'est le maire qui o.füciellement, « instaflle » l 'institu1eur. Ensuite la visite traditionnelle du nouvel an, .c omme le veuilent les usage.s (et il n'y faut pas manquer); pUIÎ.s, soit corrune i~stituteur même, soit corrune secrétaire de mairie, toutes les déma;rohes ou toutes les visite5 que peuvent nécessiter les affaires du service ou les intérêts de l'école. Il importe du r'e&te de ne les point·muiltiiplier à l"excès, de ne pas se transformer en continuel solliciteur ou èn quémandeur importun. Enoore faut-il ne pas s 'en dispenser sous des prétextes plus ou moins rece"vables, et n.e, pas imiter cet institùtem qui, dans une, école de campagne, prétendait n'a.voir avec le maire que des rapports écTits et lui faisait tenir une note · QIUJ un rapport ohaq:ue fois qu'il avait une requête à lui prés:enteT ou une affaire à l,ui soumettre. Des procédés aussi étranges, et qui ne sont pa,s loin d'être fort discourtois et fort peu corrects, ne peu;vent que détourner d'un maître la sympathie en même temps que l'estime et créer t-OUtes sortes d'incidents et de conflits, ce que la langue administrative, quand elle .se fait prosaïque, appelle « des histoires >> . Et ces histoires, i-1 est des maîtres vraiment qui ont le don de les faire naître comme à plaisir. Il en est qui, paTtout où ils exercent, sont en froid avec le maire, aY1ec le oonseil municipal, avec tout 'l e inonde. Pas une localité
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où ils ne passent sans s'y faire promptement une réputation de brouillons et sans se brouiller en effet avec chacun et avec tous. Ils sont insociables, et oo en .est réduit à se les rejeter de commune en commune comme un fléau dont on a hâte de se délivrer à tout jamais. Est-il donc si d.i!fficile de n 'être ni rébarbatif ni incivil, ni sottement drapé dans sa dignité ou dans on ne sait qrœl singulier et irascible amour-propre qui faiV cp1 'on necondœcend pas à vivre et agir comme tout le monde ? Oui, vivre et agir comme tout le mondei, comme un « tout le monde J> bien élevé,· de bonne tenue et de sens d'roit, c 'est sans doute pour l'institutellil', et pour bien d'autres, la véritable sagesse. Cette s,agesse et ce bon sens hû feront donc éviter les agissements et les allure,o qui pourraient heurter les suscepitibilités du maire ou des autorités locales, qui pourraient maladroitement les indi poseir et même les tourner contre lui. Il saura se tenir à sa p~ce et rester à son rang, sans s'aviser de jouer au petit potentat soit dans les occasions qoo lui oo offrenit ses. fonctions de secrétaire de mairie. soit parce que son instruction l'e classe hors de pair dans la commune. H est fréquient que, même som; des dehors indifférents et détachés, les mai1res de campagne cachent une vanité un peu chatouilleuse de leur titre de mairé - la nature humaine le veut ainsi - et ne soient pas disposés à totlérer ou à pardonner les empiètements. C'est dire que la prudence. à défa:u,t de tout autre sëntiment, commande à l 'iDISltituteur la déférence ; entendons une déférence sans servilité, où l'on se pal'le .et où l'on traite d'honnête bomllTle à honnête homme, et non de maitre à valet ou de ched' à subordonné. Et c'est pourquoi encore il veillera sur ses paroles autant que sur ses. actes, plus encore même que sur' ses actes, car elles sont plus vite travesties et se rat.trapent dilfficilement une fqis lancées. Ce seront des paroles d'homme toujours correct, attentif à ne pas blesser, attentif à ne pas manquer aUJX convenances, attentif, le cas échéant, à ne pas inviter ou à ne pas se prêter à un e familiarité vulgaire et facile dont son indépendance et sa dignité auraient également à .sCYUiffrir. Nous venons d'invoquer là prudence; insistons-y, comme sur une qualité maitresse, et voyons-la sous d'autres aspects. Ou plutôt nommons-la de son vrai nom : la réserve., la discr.@tion. Nous l'avons dit déj~ : if convient de modérer ses sollicitations oru, ses demandes, même quand eJJes ne visent que l'intérêt de, l'école et des
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élèves, et de savoir les mesurer aux ressources du budget locaJ. Il serait fücheux que l'instituteur passât pour un monsieUT qu,i n'est jamais satisfait ni content, qui, ne s.ait que geindre et réclamer, et qui n'a nulle préoccupation des finances de la commune. Mais il est un autre genre de réservPi qui a bien plus d'importance encore et qui oot autrement prudente, parce qu'elle aussi est une ferme garantie d'indépendance et de dignité. Même un minuscule village _souvent est divisé par des questions non moinsminuscules de politique de clocher ; le maire y a ses partisans, il y a de même ses adversaires acharnés, sans CO'II1pter toutes les autres riva.l ités de ,personnes et toutes les compétitions di.verses, quelquefois très aiguës, qui peuvent s'y· agiter au grand jour ou dans l'ombre. L'attitude à garder par l'instituteur doit être toute de ré-serve· et de neutralité : n'être au service de personne, n'être contre personne; n'épouser aucune querelle, n'entrer dans aucun clan, se tenir au-dessus de la mêlée. De quelque côté que souffie le vent ou penche la ba-lap.oo, il' échappera à la critique et ne pourra être entraîné dans la débâcle d'un homme ou d'un parti. Cette même c,irconspection sage iet prudente, il l'apportera dans tous ses actes et dans ses propos. Il ne se répandra pas dès son arrivée dans une commune en confidences et en démonstrations, H ne se livrer.a pas trop vite, il saura garder le secret sur lui-même. Si la parole est d'argent, le si'lence est d'or; et plus d'un s'est repenti d'avoir été trop naïvement erx.pansif ou confiant, de s'être mis en imprudent OUJ en étourdi dans la dépendance d'un maire ou d'un personnage quelconque à qui, par son manque de retenue. il avait ainsi donné prise sur lui. Mais surtout il aura pour arme et pour déilense sa parfaite conduite, sa bonne tenue, la dignité de sa vie ; par des qu,a.lités de cette sorte on parvient à peu près toujours à s'imposer, on désarme à la longue l·es préventions et les haines. Nous en avons connu, de ces communes revêches où le maire menait belliqueusrment la campagne contre l'école laïque, et où pourtant i'l a fini par donner son estime à ce,s maîtres qu'il combatt.nit et aui échappaient à tout reproche. Parmi lr.s popnfations et les municipalités hostiles, de tels maîtrPs peuvent seuls assurer, avec les années, le lent et pro.Q"re~if succès de l'école laique. Ils savent g-arder en toutes circonstances le calme et la dig-nité, J1ésister ,a ux provocations. et par ce calm e et cette droiture forcer le respect de leurs adversaires, f.aire
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.taire les préjugés eL triomipber peu à peu de 1·1iosL111té .qu 'ils a va1ent d abord rencontree. Leur valeur et ·d ttomrnes et de ma'.ilres accouwane insens1blemenL leurs adversa. res 1 à considérer avec moins d 'antipatilie, puis avec quel.que respect, bientôt avec une secrète estime, celte idée laïque contre laquelle se dressaient d'abord \eur mé1piris ou ieurs préventions. Il s 'en 1aut d'aiJleurs que lïnstituieur n'ait que des devoirs en vers les autorités locales. 11 a des droits aussi, et ces droit , sans commettre l'impardonnable faute de les _pousser à leurs dernières limites, il doit les maintenir Lea-mern:e.nL, avec calme, sans raideur et 5ans a:rroga.nce, .en y mettant toutes les formes et en ne manquant jamais .d ïnformer son inspecteur des dilficu,Jtés ou des conflits qui pourraient surgir. Il a droit à un .logement convenable ; il a droit à n 'être pas dérangé de son travail pendant les heures de classe ; il a la garde des locaux scolaires et ne doit pas permettre ~ ce sont les termes mêmes .d11 règlement - qu'on· les liasse servir à aucun 11Sage .étranger à leur destination., sans une autorioo.tion spéciale du PDéfet, etc. Si conciliant qu 'iJ soit et qu'il veuille .ètre, il se peut qu'il ait à résister aux :prétentions du maire ou du conseil municipal qui seraient tentés d 'outrepasser leurs droits et de C<YI1trevenir aux règlements ; et il ne .doit pas hésiter à le faire. A lui de voir au besoin quelles concessions insigniHantes ou opp-0rtUJI1es il peut être expédient de consentir, et qui ne tirent pas à oonséquence. Mais qu 'il se tienne sur ses gardes : quand cm a commencé de céder avec trop de complaisance, iJ vient un marnent où il est difficile de se reprendre et où l 'on s'expose, si on veut faire machine en arrière, à déchaîner les mécontentements. L'essentiel, en pareille occurrence, est de ne mettre jamais les torts de son côté, d'agir toujours avec beaucouip de correction et d'esprit conciliant, d 'être ré,. servé dans ses paroles comme on l'est dans ses actes. Répétons-le une fois encore. car nous ne le diroos et les jeunes maîtres ne se Je diront jamais trop·: l,es paroles imprudentes ou maladroites, outrées ou cassantes, sont plus pernicieuses souvent que les aotions elles-même ; elles -sont éminemment propres à susciter ou aggraver les conilits, à ,exaspérer au-de1à do toute limite les mahreilkmces et les haines. « ... Les maires, les municipalités, rappelait Jules Ferry aux instituteurs dans leur Congrès pécLagogiqu,e de 1881, -n 'ont pas de droits SU!l' vous, à vrai dire; i~s n'ont pi.s le
�-1nd roit de direction, de correction ; m ais ils ont un droit de surveillance sur vos écoles. Ce droit, il faut le reconnaîLre, l'accepter de bonne gnâce, et c'est ici, comme dans toutes lei, choses humaines, que le tact, la mesure, l'esprit de r-.onciliation, trouvent leUT ;place et fac ilitent toutes les solurtions ; c'es t ici qu 'il faut ,employer cette recette .,i commode, et que je vous propose de formuler ainsi, : la déférence et l'esprit de conciliation dans les petites ch oses afin d,e r ester maître dans les grandes. » 4. Visites du maire et du délégué cantonal. - Il arrivera qu 'en vertu des pouvoirs que la loi lui confère, le m aire visitera les écoles de sa commune ; c'est son droit ; c'est son devoir m êm e d 'aller se r endre compte par ses ,piropres yeux de l 'état des locaux et du matériel. Ce sera l'occasion pour l 'instituteur de lui signaler - avec tact et discrétion - les insuffisances les plus fâoheu5es et d 'attirer· sa « bienveillante attention », selon la formule consacrée, Sur les amélliorations ou les acquisitions désirabl es. U faut donc souhaiter que, loin de paraître importunes, ces rares visi.tes soient au contraire les bienvenues, et il conviendrait plutôt de les provoquer que de les d éclarer inutiles Ol] désagréables. Rappelons (m ais en est-il besoin ?) qu "elles -peuvent avoir li eu pendant les heures de classe ; di ons plus : il est prétérabl e qu 'elles aient lieu penda nt les heures de classe et que le maire voie l 'école en activité ; il n 'en sera que -plus aisé de lui faire, constater les progrès qui dé:pendent de lui et qu 'on peut attendre, qu'on· espère de son intervention. Il se pourra d 'autre part qu 'ignorant soit de la lettre soit de l 'esprit des r èglem ents. ou que, tout n aturellem ent porté à tenir ces règlem ents pour une simple indication plutôt que pom une cih ligation impér ative et stricte, le ma ire veuille s'informer du travail d·es é:lèves, de l'en l seig niement, die t a tenue dres cahiers, etc . Faudra-t-il, invoquant la loi et so r etranchant d errièire ses dis. ositions, p se h érisser là ,contre et lui déclar er ou. lui laisser entendre, m êm e sous les form es les plus diplom atiques,, qu 'il excède sef. pouvoirs et se h asarde sur des sujets qui échappent à F-a com pétence ? Non. cent foi s no- : d 'abord parce· n qu 'une observation de cette sorte re '-emblerait fort à! une déclaration de guerr.e et serait dépoorvue de toute courtoi,sie , voire de t011 te bienséance ; en suite paT'Ce qrne cette intrusion passagèr e sur un domaine interdit est probablement sans importance aucune, qu'aussi bien elle peut
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tenir à w1 souci très loooble et n'être qu'une forme de Ii'inûérêt porté à l 'école et aux enfants ; enfin parce que, dans une classe bien tenue et qui travaille, le maitre doit n'hésiter jamais à laisser faire des constatations dont il tirera plutôt un motif légitime de fierté. Et ce sen. le cas par exemple si, comme on est fondé à le oroire, les cahiers des éJèves ront tenus avec ce goût et œtte propreté qu'on a aœoutumé de renconLrer dans les bonnes écoles. Un bon maître ne craint pas d'ouvrir sa classe aux regards des profanes, il sait n 'avoir qu 'à y gagner en considération. Et il ne tient pas pour devoir le manque d 'égards ou le manque de savoir-vivre ou l'humeur ombrageuse à l'encontre d 'un maire, celui-ci fût-il par hasard malintentionné, qui joue un moment les inspecteurs au petit pied. Les mêmes observations et les mêmes conseils s'appliqueraient à la visite du délégué cantonal, lorsqu·e d e temps à autre l 'école soumise à sa « surveillance » - un m ot qu'il ne faut pas ici prendre en mauvaise part - aura la joie de la recevoir. Car la visite du délégué cantonal doit être un événement heureux. On le sait, lui, ami d& l'école ; il n 'est pas, très rare que ce soit un ancien instituteur, un ancien univer itaire, à qui le respect de son passé rend sans doute plus chère enc.ore l'école et les écoliers. Lui aussi peut-être, bien qu'ayant lu les iru;tructions qu'à plusieurs repiises les ministres de l 'Jn truction publique ont publi,ées à l 'intention des délégués cantonaux, voudra s'enquérir de la classe et de l'enseignement ; qu'en roûtet-il de satisfaire oette curiosité aprè torut légitime et à coup sûr bienveillante ? Si même il veut bavarder avec les enfants et les interrorrer. pourquo~ ne pas le lui permettre de bonne g!'âce, e,t surtout pourquoi 'aviser de l'en empêcher ? Cela ne se ,c omprendrai,t que si son désir dépassait les bornes, devenait une manière· d'exigence hiérarchique ; oette extrémité n'est guère à craindre. Mais en revanch e, il est fréquent que le délégué cantonal fasse à l ',école quelques libéralités : toutefoi il ne faut pas les soUiciter , ou du moins qu•'avec unie eoctrAme '!'éserve et une discr étion délicate. Il est fréquent aussi qu'il puisse, sans jouer à la mouche du coche, s'entremettre auprès . d es aiutorités locales pour le bien de l'école et des 1~uvres scolaires, ou qu'il puisse intervenir auprès des familles, de quelques-unes tout au moins, pour une plus exacte régularité dans la fréquentation. Si menus ou si intermittents qu'ils soient, tous ces modestes gains sont apprécia-
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h ies et ne doivent pas être dédaignés ; ils sont les petits rui~seaux dont l'afflux r épété fait les grandes rivières. Terminons par un conseil à l 'usage des maîtres : il est .de bon ton d 'informer l 'inspecteur primaire de la visite du maire ou du délégué ,cantonrul (comme de toute autre a utorité, quelle qu 'elle soit) ; il e t utile en m êll'!,e temps de lui faire de cette visite un rapport sommaire et surtout .trè exact, afin que ,s a r eligion soit éclairée et qu 'il puisse, -S 'il y a lieu, accorder son action à celle de ces visiteurs extra-hiérarchiques.
5. L'•nspecteur primaire. - Il est pour les instituteurs i n on pas le chef suprême, m a is le ch ef direct, celui qu'on voit Je plus souvent, avec quiJ 'on a le p lus de rappor ts ; cel ui qui préside les sous-commissions chargées de faire subir a ux stagia ires les épr euves pratiques et oral-es du certificat d 'aptitude pédagogique ; celui qui prœide les conférences can tonales et les exam ens du certificat d 'étu · des ; celui qui dans sa circonscription impl'ime à l 'ensem ble d es écoles et à l 'œ uvre scolaire une impulsion ou une directi011 déterminées ; celui do nt les rapports et les notes constituent la pa rtie essentielle du dossier de chaque maître et décid,ent . de· son avenir. Il n 'est pas parfait ; qui l 'est au m onde ? Il a quelquefois ses manies. il a se marottes, il a son dad a ; qui n 'a les si,en s ? Il en est de haut ains qui regardent leurs subordonnés, au m oins ceux du second rang, avec quelque commisération, ~ saüf quand la classe de ce subordonné m arche bien, ce qui se voit, Dieu m erci, souventes fois ; il en est de glacials, ou. d e secs, ou de renfrognés ; il en est qui s 'absorbent dans des broutilles ou des vétill es sans portée, affublées pour la cir constance du nom d e m éthode rationnell,e ou de quelque autre vocable pédagogique à l'allure imposante ; il en est, comme dans tout groupem ent, d 'impénétrabl es et d',expansifs, de fermes et d'ondoyants, de. roublards et de candides, de tatillons et de pattmres. Mais il n'emJpêch,e que dans l'ensemhle ils sont les plus solides et les plus sincèr es amis d;es instituteUTS, letllrs. dêfons,eua's les plus éner giques et les plus affectueux. Nous disons donc en toute sincéritJé aux jeunes maî· tres : Non, ne redoutez pas votre inspecteur, n e vous en fuites pas un épouvantail. Il se pourra qu'e le jour de sa . visite il se répande en . observations nombreuses et qu'il prenne à: partie bien -des choses que vous aur,ez faites
MO RALE P R OFESSIONNELLE.
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cela prouvieo:a Lou t sim!PLem.en t que vous n ·êtes pas dans la bonne route et qu 'il veut vous y remettr-e. Il ne vous critiquera jamais pour le seul agrément de vous critiquer ; ce ne sera que pour votre utilité propi;e et Je profit de vos élèves. Mais so,yez bien assurés aussi qu 'il sera attentif à vos qualit.és autant qu'à vos imperfections, quï,l aura plaisfr ài les enregistrer et à les encourager. Ecoutez donc avec déférence et avec confiance ses conseils et ses remarques ; ellorcez-vous de les suivre, et qu 'à une prochaine inspection il constate v.isiblement 1'effort qu 'en toute conscience vous a urez fourni. Si vous ne saisissez pas bien ce qu'il vous demande, ne craignez pas de pro·v oquer de nouvelles explications avec des détails plus précis ou des exemples plus circonstancié : il se fora une joie et un honneur de vous guider ; c ·e t son rôle, et il tient, croyezle, à le bien remplir. Ce n 'est .pas tout : il vous lais-sera O'll vous fera parvenir un BuJ,fotin d'inspection, qui sera la copie exacte du rapport qu'il adrésse sur votre corn pLe à l'inspecteur d 'Académie ; il y consignera les constataLions qu ïl aura faites dans votre classe, ainsi que les ob· servatioins qu 'il aura formulées. Ce Bulletin , vous le recevrez par la voie hiérarchique, en l 'espèce par l'intermédiaire de votre direc teur. Par la même voie aussi (eU.e est strictement obligatoire du haut en bas de l'échelle administrative), vous le lui retoornerez : 1 ° après l'avoir signé ; 2° après en avoir pris une copie intégrale. Il est ixnportant, dit la circulaire :ministérielle du 12 juin 189L1 reLative à l'emploi du Bulletin d'inspection, <c que l 'Inspecteur primaire laisse de sa visite une trace écrite. qui sera la m ême dans ses mains et dan les mains de l'instituteur. De quelque façon qu 'il soit rédigé, transmis et conservé, le Bulletin d 'inspection ne peut et ne doit être que l'exacte reproduction. des notes prises par l'Ins-ptecteur primaire au cours de sa visite et transmises à l 'inspection académique. Il importe que l 'institute'ur prenne copie et accuse réception à son chef direct des observations qui lui ont été faites, des conseils qu'il a reçus, des engagements qu'il a pris. Chacun de c.es bulletins allant se placer dans le dossier de l'instituteur, chaque fonctionnaire se trouvera avoir par devers lui· le double de son dossier ; il y trouvera les avertissements et le encouragements qu'il a mérités ; il y trouvera aussi, le cas échéant, l'explication des mesures qui seront prises à soo égard en raipport avec les appréciations dont il aura
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été l'o,b jet, et notamment la raison de son avancement au · choix plus ou moins rnpide... » . Avoir confiance dans son inspecteur, voir en lui un conseiller bien plus qu'un surveillant, un guide non moins qu ·un juge : les jeunes maîtres, et avec eux plus d 'un ancien mème, ont besoin qu'on le leur répète et.qu'on lss en convainque. Quand une difficulté surgit, pour peu surtout qu ·elle so,i t grave ou menace de le devenir, quand des cas épineux se présentent ou que naissent des incidents quelconques, la sagesse voudl'ait que l.'on mît tout de suite l ïnspecteur au courant et qu 'on rncourût à ses conseils et à se olfices . ; pourquoi tous ne le font-ils pas ? Il faudrait aussi l'informer avec pop.otimlit,é, de tout œ qui dans la commune intéresse l'école, touche à l'école, afin qu'il sùt tout ce qu'en d éfinitive il a droit de savoir et qu 'à l 'occaion il aigît ,en con équeJ1ce. Mieux il sera reiru.eign~, plus on action pou rra être efficace et plus ses avis auront d'autorité. 1 e n égligeons pas de donner aux débutants les .petites indications pratique que, dans leur inexpérience de la vie et de usages administratifs, il est si souvent nécessaire de leur Tedire, eussent-elles l'air de vérités selon f. de la Palice. Donc, lors d'une nomination, et à moins que la difficulté des communications n'y mette empêchement., ne pas trop différer de faire à l'inspecteur une visite officielle ; ce doit être pour la première ou la deuxième . tout au plus la t1·oisième semaine d'octobre, si même on n·a pu s'en acquitter avant la rentrée. Le jour où l 'inspectem vient dans la classe qu'on . dirige, ne pas le fuir a,p euré, mais se conduire bel et bien ·e nvers lui comme on &e conduit chez soi envers un visiteur connu qui se présente : aller à lui, le saluer, l'aider à se débarrasser de son chapeau et de son pardessus, lui apporter une chaise ou l 'installer au bureau, etc. Qu'on ne trouve ni puérils ni f'.upeTflus ces menus conseils qui relèvent plutôt du· savoir-vivre que de la pédagogie ; tant de jeunes maîtres, dans leur émotion ou leur gaucherie, y manquent sottement et se font mal juger ! Puis, sans lui donner à, chaque pas du « Monsieur ! 'Inspecteur >> et lui en rabattre · 1es orei'lles, ne pas ou'.blier tout de même qu'il est Monsieur . ! 'Inspecteur et non Monsieur Durand ou• Monsieur Dupont, et qu'on ne s'adresse pas à lui sous soo nom patronymique. Et c'est ·e ncore un point sur lequel nous avons vu et entendu plus d'un jeune commettre des impairs bien
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regrettables et faire concevoir de lui, dès 1·abord, une opinion désavantageuse. Voici qui est pour les jeunes encore, pour quelques-wisdu moins, pour ceux qui, nourrissant des idées qu'ils croient hardies ou fortes, tiennent en suspicion l'autorité quelle qu 'elle soit et voient dans tout supérieur, par définition, un ennemi. Pour ceux~là, l 'inspecteur n'est pasun homme juste, ne cherche pas à l 'être, ne met pas tout son effort à l 'être ; il est partial, il se range toujours du côté de l'autorité ; il a ses préférences e,t ses préventions, il cède à des considération ou à des influences que 1"équité parfois désavo'Ue .. . Hélas I oui, l 'inspecteur est homme, ~mme vous, comme moi, et comme chacun·; sujet par conséquent aux erreurs humaines et aux imperfections humaines. Et il est vrai que pa,r ci par là il s'en rencontre un à qui la majorité de son personnel refuse à bon droit peut-être estime et sympataie. Mais de ,prétendre que, parce que chefs, les inspecteurs sont suspects ou haïssables, c'est à prOIJllfement parler une monstruosité ; c 'est une de ,ces idées absurdes ou mal4onnêtes qu''on s'aiflligede voir professer, fût- ce par de jeunes maitres écervelés ou inexpérimentés ; d'autant plus absurde ou malhonnête que la plupart des inspecteurs sortent, comme on dit, du rang et ont mis jadis la main à la pâte. Il n'est pas certain, du reste, que ces contempteurs quand même del 'autorité soient toujours les meilleurs d es instituteurs ou des institutrices, ceux qui font le mieux et le plus consciencieusement leur devoir d''éducateurs. Mais il y a ceux pour qui l'inspecteur est gênant parce qu 'il c ontrôle le travail, qu'il exige du travail. qu'il prêche l'ac tivité et l'effort, la bonne tenue et la raison. Puis il y a ceux qui se croient toujours victimes de dénis de justice, qui ne s'estiment jamais assez payés de leur peine, et à qui porte secrètement ombrage toute récompense ou toute promotion qui va non à eux mais à autrui ... Il faut que tombent des préventions aussi injustifiées, et qu·e le personnel des instituteurs'· ne voie pas dans c;es inspecteurs des ennemis ou d'inquiétants censeurs. Tout au contraire, nous voudrions que la visite de l'inspecteur ftît un peu pour l'école une joi'e et une fête ; un honneur aussi. Il est, et dans certains départements il est en grand nombre, de petites écoles de campagne un peu isolées, un peu perdues, où cette visite est un événement presque sensationnel' ; la commune elle-même ou le hameau en est ce jour-là tout en rumeur. Celles de ces communes où
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l'inspecteur n'apparaît que rarement, comm.e à regret et en hâte, font un peu figure de délaissées ; il semble qu ·on les tienne à !"écart et qu·on les juge indignes d 'intérêt et de soin . Les maîtres qui y exercent peuvent, de leur côté, s'estimer eux aussi abandonnés, indignes de l'attention et de }a sollicitude de leurs chefs. A ce seul titre, la vi,site de l 'inspec,teur leur apporte de l'encouragement et du Téconfort, elle attesle qu'ils ne sont pas oubliés. , C'est pour cela qu 'elle doit leur ètre, comme à toute la é classe, un plaisir et une fierté, 'non une cor-Y- e désagréable. A moins que l 'insliluteUT, que l ïnstilutrice ne soient que des maîtres médiocres ... Mais si l'école est bonne, quelle joie pour tous, quelle joie et quelle satisfaction surtout pour l 'inspectem ! Ne versons pas dans l'idylle, et n 'allons pas pleurer de tendresse, comme le loup/ de la fable ; mais qu 'on sache bien, encore une fois, que dans une école où travaillent de tout leur oœur élèves et maître les inspections un peu fréquentes ne sont pas autre chose qu·'une marque de confiance et de sympathie ; -en y entrant, l 'inspecteur vient un peu dire bonjour à des amis petits et grands au milieu desquels il se plaît.
6. L'inspecteur d'Académie. - Avec ses autres supérieurs hiérarchiques, l 'instituteur a beaucoup moins de rapports qu 'avec son inspecteur primaire. Le recteur notamment et les inspecteurs généraux lui sont à peu près inconnus ; ce n'est qu 'en des circonstances exceptionnelles qu'il• a l 'occasion de correspondre avec eux ou de les recevoir dans son école. Il n'en est pa,s tout à fait de même pour l'inspecteur d'académie. Il n'·e st pas rare que celui-ci visite tl.es écoles primaires dans son département, surtout lorsqu'il peut lui être utile d 'avoir des renseignements de première main sur un maître ou sur une œuvre. C'est le cas, par exemple, lorsque lui sont présentées des prO(plQsition.s en vu:e de promotions, de r,écompenses honorifique , d'un avancement important. C'est le cas enéore lorsqu'il veut se renseigner par lui-même sur telle ou telle oœuvre scolaire ou sur l'état général, la méthode et le niveau d'un enseignement déterminé. IL se pourra aussi que l'inspecteur d'académie assiste à des conférences pédagogiques ; il peut tout ensemble y apporter aux instituteurs des directiol'ls sûres et y recueillir pour lui-même quantité d'indications utiles. Il est enfin pour tout le départem~mt le véritable chef du service ; sur nombre de points il a le pouvoir de déci-
�134 sioll, tandis que l inspecteur primaire ne fait qu:'.émettre des avis ou 1orn1uler ues propositions. La liste de ses attribulio11s est par conséquent très longue ; c 'est pomquoi d 'ailleurs il nous paraît un peu fastidieux de la donner ici, pas plus que nous n'avons ·énuméré les attributions des rnspecteurs primaires. Un mot la r,é sume : tout ce qui se rapporte aux écoles et à ! 'enseignement relève de son autorité. Dans pl us d ·une circonstance il sera nécessaire que lïnstituteur en réfère à lui, le mette au courant de ses ailaires 9u d e. es désirs. Ce sei-a par exemple lorsque, soJliciLant un poste pour des raisons particulièrnment sérieuses et qui l~i paraissent dignes d 'une at~ention plus bienveillante, il tiendra à plaider en personne sa cause. Ce sera lorsque des dil'ficultés g;raves·, de quelque nature qu 'elles soient, se présenteront pour lui, qu 'il en craindra 1'es suites ou qu'il ne saura trop comment en triompher. Ce sera !or qu'il lui semblera prudent de ne pas prendre une initiative ou de ne pas s 'engager dans une affaire 5ans l 'avis préalable. ou les conseils de ses chefs, etc. Il faut à ce propos éviter un double écueil : soit déranger et importuner I "inspecteur pour des affaires sans importance dan · lesquelles son intervention n 'est aucunement nécessaire, soit tomber dans l 'excès inverse et ne pas s'adres-er à lui alor qu 'on ·a urait tout à y gagner. Lorsqu 'un instituteur ne sait à quel parti se résoudre, le mieux est qu'il cons ulte, s 'il est adj oint, son directeur, sinon son inspecteur primaire. Il est da règle qu 'avant de se tendre au· cabinet de l'inspecteur d 'académie p our l'entretenir de sa situation ou d e ses désirs, on lui fasse parvenir par voie hiérarchique un e demande d 'audienc e ; de la sorte on est toujours c;ùr d"ètre r eçu par lui . Cette demande lui expose d 'ailleurs en quelques mots l'objet de l'audience qu'on sollicite . Il est de r ègle aussi que les affaires qu 'on se propose de lui soumettre aient été au préalable exposées ou soumises à l 'inspecteœr ,primailre. n y a toujours une . incorTOOti~ et iJl y souvent une faute à vouloir passer par dessus la tête de son chef immédiat ; ni cette incorrection ni cette faute ne doivent être commises. Il n'est pas exceptionnel que les instituteurs voient dans leur inspecteur d'académie un homme d'une grande culture, pourvu des titres universitaires les plus élevés, mais peu au courant de, l'enseignement élémentaire et de ses méthodes, et partant exposé à ne savoir descendre ni au niveau des enfants ni au niveau de l'enseignement. pri-
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maire en général. Nous croyons que cette op1mon, assez communément r épancl,ue,, est souvent très mal fondée . Certes on ne s'avance pas trop en affirmant qu'il est par. fois des inspecteurs d 'académie que rien, pas même peutêtre leurs goùts personnels, n 'a préparés à s 'intéresser à l 'enseignemen t primaire e,t à sympathiser avec lui, et qui, durant toute leur carrière administrative, lui demeurent profondément étrangers. Mais ils ne sont pas le nombre, tant s'en faut. Quant aux autres, 1'éi,endue même et la souplesse de leur savoir leur facilitent grandement au c-ontraire l 'adaptation, et les préservent de ces ... mettons de ces erreurs singulières qu 'il est arrivé à de moins avertis de commettre dans les écoles primaires en interrogeant les élèves ou en s·avisan t de guider les maîtres. Un homme très instruit , pour peu qu 'il devine ou qu'il connaisse les intelligences enfantines, se m et sans effort au niveau des écoliers et arrive à leur parler simplem"'n t ; cette simplicité lui est mème beaucoup plus facile qu 'à un maitre de savoir incertain et pauvre, qui confond indigence et simplicité. Avec une facilité toute pareille, un tel homme a vite fait connaissance avec cette chose un peu nouvelle pour lui qu 'est l'enseignem ent primaire, et vite aus i le comprend, s'y ada,pte, deivient capable, de l'e, di·r ige,r dans son département : il s'en est vu et il s'en voit maints exemples. On peut même soutenir sans paradoxe que le fait d 'être étranger à l'enseignement élémentaire et à ses méthodes - si tant est qu 'il en ait de propres - donne à un supérieur une vision plus claire ou plus sûre de ce qui s'y fait et <les progrès à tenter. Son jugem ent n'est pas altéré en effet ou rapetis é, par le m étier. par la routine du m étier, par les préjugés du métier ; il juge en homme, selon le bon sens et la raison, non en magister ou en professionnel à: 1'esprit purement professionnel. Aussi hien cette J'emarque est vraie dans toutes les administrations et dans tous les services ; ce ne sont pas toujours les h ommes du m étier qui aperçoivent le mieux les réformes à entreprendre, les r emaniements à opérer; ce sont les hommes d 'à côté, les profanes, qui voient les choses justem ent de leurs yeux impartiaux et droits de profanej, et dont aucune habitude, aucune servitude ni aucun pli professionnels n 'ont déformé ou r étréci la vision . Combien de fois n'a-t-on pas répété, et non sans raison, qu 'une administration est presque toujours impuissante à se réformer elle-même ? Il faut que l'impulsion vienne du dehors, de là où la pensée n'est pas assujettie aux fonne.s
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el aux forlllules LradiLionnelles ni serve des errements accoutumés. On peut le dire de l'enseignement, on peut le dire de l 'armée, on peut le dire de la marine, on peut le dire de Loutes les institutions. Il ne faut donc pas q;u'une si l 'on sorte d 'orgueil et de pédantisme wrporatif veut, de su!flisanœ proressionnelle incline les instituteurs à croire que seuls ils sont et peuvent être instruits des choses pratiques du métier , que seuls et parce qu'ils vivent au milieu des enfants ils connaissent l 'enfant et savent ce qui lui convient, que seuls ils ont compétence pour décideT des modifications qu'il est utile d'apporter dans les programmes ou les méthodes ou l'organisation des écoles. Et nous le disons sans déguisement aux jeunes, et mème à d'autres, parce que bien des fois nous avons entendu exprimer par des maîtres cette confiance un peu naïve et même un peu bornée, contre laquelle il n'est pas vain de les mettre en garde pour l 'avenir et même déjà pour le présent.
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7. La collaboration du personnel avec l'admdnistration.
- L'occasion s 'est présentée à nous bien des fois, au cours des pages ou des chapitres qui précèdent, de répéter une vérité qui éclate de toutes parts à tous les yeux, à saâche· de son abvoir que l 'autorité se transforme, et se rel1 solut isme, que les ordres et les directions ne descendent plus d'en haut comme, d 'un Sinaï, mais que dans nombre de services, au contraire, les praticiens et les gens du métier sont appelés à émettre des viseux, à donner des avis, à participer plus ou moins à la gestion des affaires et à l'élaboration des réformes. Cette pratique nouvelle s'est instaurée p lus fortement à mesure que se sont créés les groupements professionnels, et que ces groupements ont pu faire entendre soit les revendications, soit les vœux du personnel intéressé et parler au nom même de l'équité ou de l'intérêt du service. Dans l'enseignement primaire les débuts de cette « collabocation », suivant le terme officiel aujourd'hui à la mode et d'ailleurs très juste, remontent assez loin déjà. Dès 19o6, une circulaire sur les déplacements d'office invitait les préfets à ne pas négliger d 'entendre le bureau des associations amicales d'instituteurs s'il demandait à présenter la défense d'un collègue· menacé. « Il ne s'agit pas, disait le ministre, de . créer un rouage administratif nouveau, de permettre entre l'autorité et le fonctionnaire l'interposition d'un pouvoir non prévu par la loi et qui prétende s'imposer. Il s'agit plus
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simplement de rendre l'autorité accessible à tous ceux qui onL besoin de recourir à elle et qui le font avec les sentiments de déférence que vous êtes en droit d'attendre , il s'agit swtout de mettre à profit une source précieuse d ïnlormation qui pourra confirmer ou recLifler votre opinion e t servir à la manifestation de la vérité et de la justice. C'est dans ces sentiments que vous accueillerez les d élégués de l'association, que vous vous entreLiendrez avec eux e t que vous parvi_ ndrez souvent à dissiper les malene Lendus que des points de vue très différents peuvent faire naîLre enLre les foncLionnaires et l'administration. n En janvier 19o8, une a utre circulaire permeLtait aux préfeLs et aux inspecteurs d 'académ ie, au moment des mutaLions, 'de « s'adre ser, s'ils le jugent à propos, aux représenLants élus des groupements auLorisés d 'instituLeurs, les inLerroger à titre privé, les éclairer sur leurs intentions et compléter au __près d ·eux les informations donL ils ont besoin pour bien connaître les convenances et le dé irs de ch acun . Le minisLre a lui-mème recommandé fréquemn1ent à ces fonctionnaires de r ech ercher les occa ions de se rapprocher de leur per onnel, de ne jamais perdTe le conLact avec lui ... Leur· autorité n'a rien à perdre à ces rapprochements ; ils y gagnenL de dissiper parfoi les défiances imm éritées et de conquérir une confiance san laque.Ile Ieur action re ·lle:raût le plus sowve.nt inefficace. n Quelques années plus tard, en octobre 19 II, une circulaire invitait les inspecteurs d'acadénüe à utiliser le concours du Bureau des Associations d 'in tiLut eurs avant d'arrêter la liste des propositions pour le mouvement du per•sonnel. « Vou ne sauriez, en effet, vous entourer de trop de précauLions ·e t vous munir de trop de ren eignernents. Il en est qu.i peuvent échapper aux sources officielles et que vou. trouvereZ' plus sûrement aup,rès des intéressés. Vous rec ueiJl.erez donc leurs observation et en apprécieTez la valeur. Vous leur signalerez même les mutations paT nécessité de service ou d 'office que commande le bon ordre de l'école et vous leur en indiquerez les raisons... Mais il est évident que - ette consultation ne doit avoir c qu'un caractère officieux. >> Enfin , au début d e l'annoo scolaire 1924-1925, plusieurs circulaires ministérielles ont de nouveau posé le principe de la collaboration e ntre l'administration et « les délégués du personnel, conseillers départementaux 'et représentants des associations» (syndicats d 'in titutem s ou as-
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sociations amicales). Celle collaboratiop entre de plus en plus dans les usages, en attendant qu 'une r églem entation précise intervienne pour en établir la forme et les modalité . C'est particulièrem ent lorsque sont établies les listes de propositions en vue des promotions ou des r ocompen, es lw noTifiques ou lorsque sont préparés les mouvem en ts du per onnel, que les r eprésentants des instituteurs so nt consulté par l 'inspecteur ·d 'académie et appel és à , collaborer à 1'établissem ent dJe ces li-stes ou de ces proj ets de mouvement . Comm e le disait la circulaire que tout à l 'h eure nous citions, il e t des renseignements pourtant im portant èc qui peuvent échapper aux sources olffi"cielles >> nous en connaissons plus d ·un exemple à peine croyabl e - et q ue ces r eprésen tants apporteront ; san préjudice de cet autre avantage inappréciable que les actes adrnini tratifs ainsi arrêtés ne pourront pas appar aîti,e commre des déci ions arbitraiires, et qu'obten ant ainsi l 'adhésion de tout Je per sonnel lui-même, il n 'en au ront que plus d 'autorité et de force . Mais, pour por ter ses fruits, oette collaboration doit être pratiquée dans un sincère e. prit de confiance r éciproque et de loyauté; sin on ell e jouerait à faux et n 'engendrera it entre les chefs e t les ubordonnés que suspicion et conflits aigus. Cette confiance et cette loyauté naîtront aisém ent sans doute si les un s comm e les autres, avec une mêm e sincérité, ne se proposent que l'a jus Liœ et qu e l'intérêt général et non la satisfaction de commodi· tés, de vanités ou d 'intérêts particuliers. Il faudra, pour être féconde et durabl e, que leur collaboration et leur entente ne s'inspire que du d ésir égal , un d ésir un peu haut, de ne travailler qu 'au bi en du service et au seul bien du service, indépendamm ent de toutes questioos de personnes et des camaraderies m êm e les plus louabl es .
.APPE NDICE
I. A la date du 20 juin 1925, a p aru la circulaire ministérielle suiva nte adr essée aux Inspecteurs d'Académie et vi sant l a CO LLA B O R AT IO N :
« .. . Le Go uvernement est d' accord po ur admettre et favoriser _vos contacts avec les groupements corporatifs dont vous avez pris co utume de recueillir les suggestions. J e n'ai point de règle à vo us fournir sur « l' art de conférer »,
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comme disait Montaigne, « pourvu qu'on n'y procède point d'une trongne trop impérieusement magistrale ». Je compte sur vous. pour assurer en toutes circonstances l'application de cette réserve. D'autre part, les Inspecteurs d'Académie, dans la plupart des départements, prennent avis, pour la préparation des mouvements, des conseillers départementaux élus par les instituteurs. Celte procédure doit être généralisée et systématisée sous les seules conditions que voici : 1° La responsabilité des nominations appartient à l' Inspecteur d'Académi'e, sinon au regard de la loi en vigueur, du moins à l'égard du Ministre r esponsable, qui est le Ministre de l' instruction publique. L ' inspecteur d'Académie doit donc conserver la décision réelle puisqu'il a la responsabili té réelle, même sous l'actuel régime qui laisse subsister l'autorité du Préfet {l ). 2° Quelle que soit la forme en laquelle elle se produit, la consultation des délégués du personnel doit respecter la dignité des chefs adminis tratifs el la liberté des fonctionnaires consultés. Le vole qui serait émis par la réunion des inspecteurs primaires et des conseillers élus n e saurait don c, en aucun cas, être considéré comme annihilant o,u remplaçant la décision personnelle de l' inspecteur d'Académie (2). La responsabilité ne pouvant être ni anonyme, ni co llective, il importe que l'inspecteur d'Académie soit en mesure de défendre une décision dont il sera tenu pour l'auteur, encore qu'il ait été, à bon droit, influencé par les avis ou les votes du Comité consultatif. Il n e semble pas qu'il y ait li eu, quant à présent et sauf modification législative, de reco urir a ux bons offices du recteur d'Académie. Cependant, je n e verrais auéun incon vénient, pour répondre à cie hautes préoccupations qui se
(1) D 'après la loi du 30 octobre 1886, les instituteurs titul air es sont nommés par le Préfet, sur la proposition de l'inspecteur d'Académie. (2) Dans la circulaire du 15 janvier 1908, dont un passage a été cité tout à l'h eur e, le Ministre fait ressortir que « les représentants élus des group ements. autorisés d 'rnstituteurs n 'ont pas qu alité pour comparer et apprécier la valeur p édagogique des collègu es qui sont leurs égaux; il serait d 'une incorrection et p arfois d'un e indiscr étion intolér a ble de leur communiquer des notes et des dossiers qui appartiennent aux administrateurs et n e doivent être ouverts qu'aux intér essés, da n s les formes fix ées par la loi (v. plus loin , chapitre.XIV). » - Tout en r ecomma11dant donc ces consultations officieuses des r eprésent ants du personnel, le Ministre ajo ute · : « Ma is il serait contraire à mes intentions de trans former cette consultation tout officieuse e t privée en un droit pour les administrés de substituer four initiative en m ati èr e de proposition et de nomination à celle que les lois et décrets ont n ett ement déterminée e t de cr éer ainsi, dans notre organisation scolaire, un rouage nouveau qui la fausserait, en ses principes essentiels ».
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sont manifestées, d'admettre que, sur la demande exceptionnelle des maitres d'un département et en raison d' une situation particulièrement délicate, le recteur soit appelé à présider le Comité consurtatif départemental. II conviendra de m'en référer pour éviter qu'il soit fait abus de cette procédure exceptionnelle. 3° Le souci d'une exact e justice a suggéré, parfois, l' emploi de formules mathématiques appliq_uées aux avancements du personnel. Je conçois fort bien qu'on puisse établir en com mun des règles statutaires à observer pour l'établissem ent des tableaux de promotion, et dè la sorte recueillir les coutumes professionnelles particulières à ch aque ressort académique, ainsi qu'ont ét é recueillies, dans chaque grande ville de chaque région, les coutumes ouvrières. Mais le barème est un système trop rigide pour permettre de doser à leur just e valeur humaine toutes les considérations délicates qui doivent s'imposer au chef départemental quand il s'agit d'affecter un instituteur à un poste déterminé. Je vous invite donc, dans chaque -cas particulier, à choisir entre les candidats celui que désignent tout particulièrement son mérite professionnel et ses aptitudes toutes personnelles, en écartant résolument un système d'appréciation quantitative contraire à l'expéri ence de tous les pays civilisés, même des plus occupés d' égalitarisme ( 1). >>
II. A la dale du 2 1 no vembre 1925, a paru sur le m ême sujet la circulaire aux Inspecl eurs d'Académie dont voici le texte :
Leslcirculaires antérieures sur la collaboration de l'Administration et du personnel « ont été appliq1.J,.ées sans diffic ultés dans la' plupart des départements. Je suis h eureux de féliciter ici ad ministrateurs et représentants du personnel: iJs·ont montré dans ce loyal essai de coll abor a tion confi ante le plus ha ut so uci des intérêts supérieurs de l'école; ils ont
Soit dix ins tit uteurs à qui est attribuée par leurs inspec teurs, comme expr.i.ma1 leur valeur d'ensemble, la même note gé nérale lt 16 su r 20, co mpte tenu de leur ancienneté, de leurs diplômes, d e leurs méri tes professionnels, etc. Cela signifie-t-il qu e, notés quantitativement de m ême, ils soient égalem ent a ptes à occuper n'importe quel poste ? Sont-ils pour ainsi di:c inter chan geables, et aptes à réussirlégalem ent partout ? Ou plutôt ne peut-il pas se r encontrer c hez l'un des qual ités plus spéciales de tact, de finesse, de bonhomie, d e ferme té, etc., qui le r endront bien plus propre qu' un autre à réussir dans tel ou tel poste donné ? Est-cc que toutes les considérations particulièr es de famille, d'antécédents, de r elations, de santé, etc., toutes ces considérations délicates dont p arle le Ministre; est-ce que toutes les qualités profondes du cœur, du car ac tère, de l'intelligence, es t-ce que la conscience professionnelle et la foi peuvent s'exprimer m athématique ment par des nombres et se comparer e nsuite comme des quantités arithmétiques ?
Il' ('l)
�·su heureusement concilier le respect nécessaire de l'autorité responsable et la considération légitime des intérêts du personnel. Cette pratique · unira chaque année davantage les maîtres et les administrateurs dans le sentiment de leur ·solidarité profonde poµr le plus grand bien de notre école primaire. . « Ainsi que le prescrivait la circulaire du 20 juin 1925, les commissions consultatives des mutations ont été constituées sous la présidence de l'inspecteur d'Académie par la réunion des Inspecteurs de l'enseignement primaire et des Conseillers départementaux représentants élus du personnel ( 1 ). « La question a été posée de savoir si les délégués des groupements corporatifs pouvaient, en outre, y être appelés. Elle doit être résolue négativement. Seuls doivent faire partie -des Commissions consultatives les représentants du personnel régulièrement élus au Conseil départemental par tous leurs collègues. « Le gouvernement entend laisser les fonctionnaires se g1'ouper librement au gré de leurs convenances, sous la protection et dans le resped des lois de la République, sans intervenir jamais dans la vie propre de ces groupements. Pour le choix des représentants du personnel au Conseil départemental, il appartient aux diverses organisations existantes, soit de s'entendre pour proposer une liste corn• mtine, soit de laisser à la libre décision de la majorité le choix entre les listes présentées par eux. Respectueux des libertés d'association, et soucieux de laisser une entière autonomie aux groupements, le Gouvernement ne saurait ni accorder une reconnaissance officielle à tel ou tel groupement plutôt qu'à tel autre, ni donner accès dan13 une commission officielle à tel ou tel délégué qui aurait sans doute pour lui la -désignation de ses collègues, mais qui n'aurait pas été choisi par la majorité dans une élection régulière à laquelle tous les fonctionnaires auraient été appelés à prendre part. « Il reste néanmoins que vous pouvez recevoir en dehors de la commission tous les délégués régulièrement accrédités -qui désireraient vous soumettre les vœux et les suggestions de leurs groupements. Le cas échéant, vous pourriez en saisir ·la Commission consultative des mutations, pour avoir l'avis des représentants élus par. le personnel. Les relations avec les représentants de tous les groupements ne peuvent que vous .donner plus de lumière sur les questions qui préoc·Cupent vos collaborateurs, plus de facilité pour trouver une solution équitable et plus d'autorité pour la faire accepter par tous. »
(1) Sur le Conseil départemental, voir plus loin le chapitre xrv.
�CHAPITRE IX
Rapports avec les familles
Importance de ces rapports. Connaître le milieu. Connaître les familles. 4. Entrer en rapports avec elles. 5. Défauts à éviter. 6. Bienveillance nécessaire. 7. Ce que seronl ces rapports. Enll'eliens réunions, etc. 8. - La queslion des cadeaux. 9 . - Agités et hommes de bon sens.
I. 2. 3.
visites,
1. Importance de ces rapports. - L 'attitude des familles et de la PQPUfation envers l 'instituteur ou l'institullrice est pollŒ' euoc cho&e extrêmement importante, si importanlie même que nous n 'hé.5iterions guère à la placer au premier rang ; une grande partie de il,oor bonheur ,en est fait. Autant sorut enviables les ;posles tranquilles où la paix n ·est jamais troublée et où ,le maitre se sent entouré d',estime e.t de œspe,ct, autant son~ terre ingrate oeux au contraire où il '1u.i fa,UJt vivre cfuns l 'agitation et dans l 'hostiliLé, même simplement au milieu de l 'indifférence. Or ce n'est pas de lui toujours, ce n 'est pas de Jui seul qu,e, dépendent la paix OUI la guerre, les bons rapports avec tous ou les relations d~fficiles. Parce qui'instituteur laïque, il peut être. en butteà des haines qiue soulève l'intolérance ou le fanatisme, c'est-à-dire souvent l'ignoranœ ·; il peut avoir affaire à une· population attardée ou grossière, qui le jalt1 oosera et s'éca rtera de lui ,p lutôt que de l'aippirécier et die le soutenir ; ou il petiit apparaitre un peu comme un « bourgeois » dont letravail facile et le traitem:ent élevé, à ce qiu'on croit, éiloignent de lui la symipathie véritable : des gens n'ont-i l-s pas feint naguère une indignation courroucée à la pensée de ce·
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quïl,s appelaiienL les allltomobiles des instituteurs ? Mais, exclus tous ces facteUJrS Î.IIl(pO'rtants de conCOTde ou d'o• posip -tion, il reste que l 'instituteUJr 1JuJi-même. est powr une large -part l'artisan de son propre .succès ou de son échec auprès .des famiUes.. Son auLomobi!Le même,, quand par ha.sard ,elle exis.te, lUJi e t aisément pardonnée s ïl est syffijpathique à .la popllllation et surtout si les parents s 'ac.cordent t.ous à le proclamer bon ma1~re. On peut dire en vérité que rlans ja moyenne des cas, là où l '001 n 'a pas affaire à des populations .systématiquement ho.sti,Les à l '-écOlle, ou bien encore là où quelque potentat de village ne ,p rétend pas jouer au despote ,e t ne brouille pas tout, la situation morale de 1ïnstitUJteur dans la commune est presque toUJt entièl'e son 1'.ll'll1VTe. Il obtient • a confiance des famill es s'itl la l mérüe ; elle lui est refusée .si on ne reconnaît pas en lui le bon maître ,et l ·homme estimablie. Le maître et l'hommle : il faut qu'à ce double titre l'instituteur ait ies suffrages, c '.est-à-dire H•'estime ,et les sympathies de tous. Assez nettement distincts l 'um. de l 'autre, ces deux a.,peclts die sa personne se confondent pourtant de tel'le manière qu ïl n ·est pas toujours possible de les disso.cier. :\Tous l'essaye,rons toutefois, réservant pour un chrupitre prochain ce qui concerne proprement fho,rn,me; nolliS a llons dans oeluii-ci étudier surtout l 'institurt.euni, Je maître, dans ses raipports avec les fami.l,les.
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2. Connaî!re le milieu. -
Nou marquerons d'abord que
fa situation est fort différente selon les milreux. Nous le
constations, dans l~ chaipiitre précédent, à propos des autorités locate ; mais oe que nous en disiO'Ils a,lors est vroi pour touite la ,population elle-même . A la campagne on se connaît, on a lli'occasion de se rencontrer à tout moment, ,d'entrer sans ,façons e,n propos, de se, rendre même, entre maîtres ,et familles, de petits services -réciproques,. Les relations en ont un caractèr e simple et bon enfant, où les for~édu,i l!e5 au: minimlllm; et l 'instimes céTémonieuises ont 1 tuteur sourvemt èncore est cc quelqu'un ». A ,J,a. ville les choses sont auitres et l'on ne fraye pas avec la même simplicité; les rapports ,entre, pa1-ents ,et maîtres son.t moins fréqoonls; i1s ont quelque chose de ' plus officiel, de plus compassé; il n'est pas ra11e non ,p lus qu'ils soient moins cordiaurx O'll moins affables. E)t selon encore qiue le milieu est a.grioole ou industriel, oumer 0/UJ bourgeois, selon que 1a .population est concentrée ou éparse, etc., les circonstances spnt différentes a,U1SSi, et il ne se Jle'llt que Be maître
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n'en tienne pas le plus grand compte pouir régleir son attitude et sa conduite. Et cela mème notIB révèle non pas un de ses premiers devoirs, mais un de ses premiers soins, une de Sle6 premières hab~letés, si l 'on veut : connaître ce miliew où il OJpère; et, en attendant, se 1JelniiI· sur ,l'eocpectati.ve et la réserve, cequi ne veut pas dire cependant sur la d&fiance et le qui-vi".e, 111 faut connaîtr.e le milieu pour savoir cornmiem.t agir à n'égard des uns et des aUltres, avec qru.i se créer quelques relations et jusqu'à quiet point, chez qui même, car cela peut n'être pas indifférent da- certains cas, s'approvisionns ner e.n denrées diverses. Le connaître sur!Jolllt, puisque c'est du seul point de vue scolaire que nous sommes actuellement préoccupés, pour savoir s'il est favorable ou hostile à l'école, ou si elle lui d~rn1euire i111différente, SIÎ. les famines ti,e nnent à l 'instruction - iJ est vTai que ceLa dépend pour beauoowp de la valeur du maître et si l'on peut compter sur eHes pouir une certaine :r.égularité dans la foéquientation. Le connaître enfin I*)UT y adapter son enseignement et son action. Premièrement son enseignement, qu~ doit, disent '],es In·trUJCIJions, « s'adapteT aux conditions <l:e la vi,e locaJ.e ». Et cela ne veut pas dire se:rul.ement qu;'on parlera beaucoup de· la vigne aux élèves de l'Aude e.t fort peu à ceux du Calvados ; de semblables vérités sont de pures tautologies. L 'adlaptalion dont iil' s'agit va beaucowp plus loin, a une, autre portée : pour que l'enseignement soit intuiti-f ,e t pratique, qu'il parte des faits sensibles pour aller àux idées, il faut résolument s'attachier à œs faits sensibles, c'est-à-dire aux choses et aux phénomènes qu'offre le môlieu. Encore· est-il nécessaire d'abord de connaître ces choses et ces phénomènes, et la connaissance ne s'en acquiert point si l'on s 'enferme dans sa olasse et si l'on se contente de regarder de loin par les fenêtres. Il faut donc aller au.x choses ; ce qui revient à dire bel et bien qu'il fa,Ult aller aux gens et connaître leur vie. Leurs travaux, leurs ressources, 1~ genre d'existenœ, 9eUTs besoins, le possibilité d';iméliaration, i~ fu.Ult que ,I 'institurteur soit i-nfO!l"Illé de tout· cela s'i'1 veut vraiment faire. œ uvre intelligente et pratique dans sa classe, Œuvre utile au dehors. Et il n'en sera instruit, ,encore une fois,, qu'à la condition de ne pas se confiner comme font certains entre, les quiatre murs de son éco'l,e, mais au contraire de. vivre un peui la vie de toi1s. Nous connaissons d&.; institu1Jeurs qui , dans ulll milieu, rural, se sont faits les meiUeura coUaborateUTs du . prqfesseur-·
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d épartementaJ d 'a,gricUiltu,re, l 'oot aidé à introduire de mei.1lemes se-mern:.es ou de merneurs modes d·e cultme, à fonder ici des mutu:alités et là des coopératives. Ils en ont acCrt.ll d 'autant leur bienfaisance et le urr a utorité dans la commune. L'elllSSent-ils pu faire, s ïls éta ient restés spectateurs distants ou indifférents de la vie paysanne et qu'ils se fussent donné pom règle de viVTe., pourr ainsi dire, en marge des travaux ou des intérêts d e la population ? Mais si c'est une vérité banale que l'enseignement doil s'-asSOU1plir aux con<llitions de la vie locale, la même règle est vala.ble quand il s'agit du magislère moral que I ïnstituteur est appelé à exercer dans l ',éco1e et hOT de l 'école. Son eJ'forL d 'éducation ne sera efficace, ne polhl"ra l'être que s 'il agit non dans l'abstrait,. non sur de enfants en soi, mais u,r les enfants qui sont là devant lui et ools même qu'ils sonl là, ayant tels dléfauts ou t.elles qualilés et non tels aulres, ,pliés par l 'ambiance à de certaine habitudes, à de certaines mœurs, à de certaines manière de parler, de sentir e t de penser. Contre ces habitudes oo ces m J'lurs il est parfois n écessaire de r éagir, de réagir même avec énergie ,et obstination. Encore faut-j,J, p,ocm· Oll"i,enter cet!e aietion et la meswrer, con.naî>t1,e, l'étiage moral du milieu el n e pas s'engager à la légère. Il fauL ,encore être sùr que 1 1::familles ne .pre.ndro,nt pas ombrage des efforts ou des intentions du maître, qu'elles les approuYeTont au contraire eL au besoin y aideront. S'il en veua il à hem·ter la population qui ! 'entoure, à témoigner ouvertement mépris ou ironi e pouT les Jiaçons de faire el les u. ages auxq;uels el le est accoutum&, bien vile des rési tances invincibles e dre~~er aient sur son ch emin el des animosité se lèveraient qu~ ne lui piélrdonnera ient pa . L"adhésion des fumillas ne lui sera donc acquise que ïl ne se pose pa en rélfornnte~ir prétentieux ou en novateur inq1 étant ; il lui faudr.=t de laui sagesse et de la prudence, de la di, rétion el. du doigté. Mais toUJt oela aussi uppose qu'il n ·agit pas a u l1as1 rd . qu'H sait ce qu'il fait et pourquoi, que par rn,nséqnenL if connaît le milieu. dans lequel son ,action s'exerce, qu 'il te· connait avec ses traditions, avec ses usages, avec son parl,er même. Il est donc bien i,nforrné, des habitudes qu 'il doit combattre et soit de l'aide soil des Tésistances qu'il lrouvera dans cette lulte. Il y a, poUJrrait-on dire, u,ne mentalité locale dont il est nécessaire d 'êlre. bi,en averti i l'on wut prétendre en pareil cas le .succès. Qu'on nous entende bi en surrtouit. Nous ne disons pas :· L'instituteur a pour fon ction principafo de lu.tl er dans sa:
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,commune contTe les habitudes ou les prati(}ues qui sont .condamnables et dont la disparition marquerait à coup sûr un progrès. Non, son rôle n 'est pas celui-là, et Cel n'est pas pas pouT des campagnes et une combativité de cette sorte qu ·on l 'appeJle à son poste; iiJ. se rendrait vite ins UJpiportable à la population, qu'il aurait l'air de, provoquer. Mais ni son enseignement ni son action morale, ne peuvent ~/abstrai,r e des faits locaux et se mouvoir hO'l'S de ces faiit:6; il's .doivent, Lou,t à l 'inverse, s ·en inspirer; ils doivent donc, .à 1·occasion et avec tact, s'en prendre à oolles die ces habitudes ou de ces Lradition que la raison dé6avoue et qu'à la longue une ac.tion persévérante pouna, selon qu'il lie faudra, soit ébranler soit améliorer. Sou'Vent c'est. contre des habitudes de gros ièreté, de - n.alpropreU, de sans-gène -qu ïl y aura à gœrroyer; si modeste que soit le gain ·obtenu .pm- de longs efforts, ce gain n 'est pas dédaignable. En ma.tière d'éducation et de perfectionnement, la moindre con.quête e t digne d'estime. ~- Connaître les familles. - Oe n'est point ass.ez de connaître en bloc le milieu; la connaissance particulière de chaque fu.mi:rle a plU.6 d 'importance encore. Les raisons en· sont nombreuses et sautent aux yieux. C'est d 'abord que la ; ,conduite à tenir envers chaque enfant, la sévérité ou l '_n,dulgence à lUJi témoigner, l 'action particrulière à exercer sur lui ne laissent .pas de s.e l,ier étroiLement à la situation de la famiH,e et aurx: exemples qu',elle donne à l 'enfant. Nous l 'avons dit au chapitre que nou avon plus haut consacré aux devoirs de l 'institut,e,u,r envers ses élèves : l 'attitude à observer envers l'écolier que sa famille néglige ou rndoie (car ae<l:a. arrive, hélas !) ne peut êLre la m ême qu:'envers oelui qui doucement y est protégé et choyé ; el le maître ne saUJTait avoir les mêmes exigences, touchant par exernrple les devoirs ,é crits à la maison, pour l'enfant qui trouve au retour un foyer lranquiUe ou confortable et pour -celui â qui le logis de familJe n 'offre q'l1'à g rand'peine un coin de table au milieu du brmit. Fl1iest indisperu;able quE' 1'in tituteur soit au courant de ces choses et que prudemment, délicaL ement, en homme de o :x:J-U~ il en t.mne ·. -comJpte chaq'l.l~ fois qu1 oonvient. 'il Par la famiifüi encorn, et par elJe seul,ei Je plus sou'Vent, îl pourra être renseigné S certaines part.iculaTités 1,ellatives UT à l'écolier et sans la connai sancie desquelles son action s'exercerait à fau.x. Tel enfant est ma ladif, a besoin de soins spé-ciaux ou de ménagements, doit être pfos affec-
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tueusement surveil'l.é, dans telle ()Il] telle ciroonstance ; tet autre doit éviter le.s jewx eL les exercices vialents ; tel autre a besoin au contraire qu'on ~ ·excite, presque qu 'on lf: contraigne au, jeu et au Temuem,ent; tel autre, encoœ a une petite 11me de sensitive, s 'émeut ou se trouble d 'un rien~ tel autre, passe pour insensible, quii a la .p udeur de ses émotions et nei se hvr,e pas facilement, etc. L'instituteim· qui reste ignooam.t de œs faits s'expose à des €1J.'l1elllfS ou à des maladresses d'éducation qui seraient vraiment bien regrettables. De la famil'le encore lwi viendront d'utiles, de précieux avis sur les d}Spo,s itions et les défauts ou les qoolités de l'éoo1ier; si bien que l'action de l 'école pouna s'accorder à ceNe des parents, comm~ aussi eUe sera appuyée par la leur. L 'enfant n 'est .pas toujoUTs à l'école ce qu'i'1 est au milieu, de siens; il ne s 'y Jiv1ie pa avec la même sincérité, il n'y est pas autant lUIÎ-m ême ; Î'l y vit d'une vie moins ponLanée et moins vraie, plus étudiée et plus factice. C ·e~t po'Wr cela que les rnns-eignements venu de la famille peuvent être d ' un si grand pTix parfois ; ils peuveint empêcher l'instituteur de s'égarer, de po,rteT son effOTt et ses oin& ailleurs que là où il loo fauL por ter avec le plus d 'intelligence et d 'attention. Il est juste de rema rqu,e,r pourtant que ces renseignements so,nt quelquefois suûe ts à caution ; le parents voient iLeur enfants d ' nn œ il trop attendri ou trop. admirateur, ou, à l'oppo_é, trop· é.vère dans quelques cas, pour q;ue leu!rs appréciations soi,ent toujou,rs dignes cl 'un crédit sans réserve. Mais néanmo in , et bien que plus ou moins partiales, elles ne manquoot pas d 'une certaine vérité et sont toujours bonn e à connaître . li y a profit paur l 'in stituteuŒ' à ne les ignorer poi nt, car il sait mieux aloi" à. qooi s'en tenir et comment procéder . JlL faut connaître les fu.mmes, enfin , du mo ins ou surlJOl]t à la cam pagne, ,pom oette grave· ra ison qu 'elles peuvent et qu'eUes doivent être les meiUeme.s collaboratricesde l 'é,oole, mais qu'e1les ·l,e seront d 'auitant plu que ,les rapports en q'Uelque sorte personnels se seront établis entre elles et Vinstituteur. S'ils sont l es uns auoc autres des inconnus, s 'ils dieme'W'em.t .lJes UlIIB piOUJI' les a,UJtres d,es entités, les parents n 'auront pas 4e m ême penchant à s'intéres~er à l'école, inclineront moins à vouloir quie loors enfants la fréquentent avec réi:,aularité et y bravaillent avec application. L'instituteur obtient bien . lus des famiJtles qu'il conp naît un peu personnellement q.ue de celles qui luù dem eurent comme perdues dans une masse indistincte. Il y a.
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plius. Dans les pe,t ite.s et dans les moyoones comml1lles, son aurtorité tient pow· une bonne part à ce qui'id n 'est pas un m onsieur invisible, distant, inconnu. ÈUe est faite a u contraire d e son ascendant personnel; ·eue est fai,t e de tout ce .qu ·on sent en lui de droiture, de raison, de consoience, l orsql.l!'on a l 'occasion de lier conversation avec lui O'll de le fréquenter , ne fût-ce qu 'un moment. Ces occasions, il ne .doit pas l,es multiplier avec osten tation, ni par une détestable tendance au bavardage e t au com.mémge ; rrmis il doit les recher cher plutôt que de les fuiir ou de s'y dérobeir.
4. Entrer en rapports avec elles. - Il y a' donc nécessité .exi!)tresse poull' ]'instituteur, - ~~ pour i}J 'inst!itutrice, ne l'omettons pas - d 'entre.r en r aipports avec les ilam:illes et ,de les connaître au trem ent qu1 travers, !,es enfu.nts : leur 'à indispensable collaboration est à ce prix et par là seuleme,nt s ïnsLitueront des li ens de sym pathie entre elles et l'école . Aussi fa ut-il san hé6iter aller à e1lles et diélibér ém ent faim l,es preirnièr,es avances : on en a du reste, àla campagne, .tant d 'occasions facil es ! Pourtant les famitlles n 'ont pas toujours une très bonne pr esse dan le monde de l'enseignemen t. On le y rend responsables de bien des maux, à charge de revanche d 'a ill eurs, car e'lles-mêm e , à ce qu'on chuchote, n e se font pas faute de récriminer contre les instituteUJrn et de les viUu.pérer : « c'e.sit la faute au maître d '&cole » si l 'enfa nt n 'est pas J.e , irem i.e.r de sa division , p s ïl écho ue à r exam en du certificat d 'études, s'il n'esV pas tou~ou,r docile ,et déférent, etc. Les par ents, a.ffirment nombr-e d 'in stituteurs, écoulent en oracle les propo de l'enfa nt, et pour eux comme pour lui ~otre ennemi c'est notre m aître. Que ] '.écolier vienne à se plaindre d 'avoor été' m almené ou traité injuslJement, e t sans se reinseign er d avantage, san enteindre au moin l 'auit.re son de cloche, la l'a• mille pirendJ parti pou:r le pla ignant ; à coup sûr, « c 'est la faute au m aître d 'école, ». Que le m aître se mo ntre exigeant sur l 'e.xactitude, ou la propre.té, ou le soin dans la confec.tion d.es devoirs, CYUJ l ',é'tUJde des 'leçons, et le cc pauvre pe tit >> ainsi persécuté trou1Ve à la maisO'Jl des dé!fonsoors aisément convaincus de· l 'excelle,nce de sa cause,. B'ref, -comme a dit un humoriste, on ne dem ande plu au!iourd 'hui au maître s'il est con !Jent de ses élèves, on d ema ndé aux enfants s'ils sont contents de le ur mattre. Et cette fai bl es~e des paren ts est cause de miHe m aux ; eNe alourdit d urem ent la t,âche des éducateurs. N'est-ce pa,s m ême qu el-
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quelois dans les famiiles d'instiLuteurs que 1·enfant est le plus soutenu contre les collègues de son père ou de sa mère ? Car nous ne somme& plus au temps de 1·autorité incontestée, où 1'instituteirnr était bien le maître dans wn ,é-OoJe, où personne, hormis l 'inspecLeur de loin en loin, ne cootrôlait ses actes et ne discutait ses agissements ni son •:euVl'e. Il n 'est plus qui'à ,peill'e\ un sQuveraiin colli5titutionne1, et il do.il des comptes aux parents : il tient lellir place, il lui font CO"nfiance, ils prétendent donc avoir s ur lui droit de regard. Et pour peu que des forces occultes agissemt contre l 'école, publique ,et ses nwîtres, lesdits parents, affirme-t-on, sont faci1ement des adveTsaires plutôt que des a.mis, des voisin· malveillants plutôt que yrnpathiques... Nous ne nions rien de tout œ la. Il y a des parents désaguéab'les et grincheux, il y a ,des fami'liles peu accommodantes, i·l y a d es populations hostiles; et l 'instituteur n 'est plus comme jadis monarque presque absolu dans son doma ine scolair~. Des yeux l 'épient, des oreilles l 'écoutent, des ;plaignants ou des m écontents sont toujom's prêts à se lever contre lui, et des « Ligues de pères de famiHe », sous couleur de veiller au strict re pect de la n eutralité, lie surveillent sans indulgence. Il est bie,n vrai enco re que la venue du « règne de l 'enfantJ » n 'a pa · facilité les cho {s : faibles ch ez elles, les farnille.s exigent pour leur descendance, des égards et des m énagement auxquel on n ·aurait pas au.trefois songé ... Mais tout de m ême le ma• est-il si grand qu·on nous l le dit ? Nous serions tenté de c1'0ire que dans ces accu.sation r éci.prnques on est attentif surtourt à des exceptions - assez nombreuse , soit, et surtout frappantes - et qu 'on n e voit. pas le cas le plus ordinaiTe, à savoir la J:b nne r.nte,nte entre 1·ocolie et les famille . ri n 'est pas vrai que lrs familles hargneu e-s soient la règle, il n 'est pas vrai _que la Jp,lU1part d ·entre, elles n 'ai'ent qiu,'un m édiocre souci de étu-de. et d,e l'intérêt d e le ur enfants, i1I n 'est pas vrai que la m ajorité des institut:e,uil'S soient en butte, de la part des populations antipathiques, à on ne sait quel ostraci m e san;;, raison. C'est le cO"ntraire qui es~ vrai; les fuits l'attestent, et chac un n 'a qu'à riegarder autour de soi ou à -consu,l ter les soUNenirs encore récents de son e nfance. Lo in, très l:oin de nous l'affirmation que tout est pour le. mieux dan;;. le meill eur des mondes et qu 'il ne s,e :produit jarnnis de grinoornents ni de fri.cli.ons ; confesson qu'il ne s'en produit que tJ10p. Mais nous n ·en savons pas moins avec -une certitude irréfutable, parce que telle est la leçon cons-
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tante de l 'expérienœ, que. nombre d 'instituterurs, que la grande majorité des ins titUJ'Lella:'S n 'ont jamais avec le~ fa nülles de difficultés sé;rieuses, ni m ême de difficultés d ·aucune sorte. Nou savons que dans nombre de communeci, da ns fa grande majorité des communes, la .p,opuùation fait volontiers confiance à l 'instituteur et ne lui ma rchande · pas sa :ympathie. Et n ·est-ce point demeurer fidèle à la vérité que d "aTfirmer en core què cetle sympa thie ou cette confiance redoublerait si certains maîtres ne la décourageaient pas e-o,mme à plaisir ;par leur insuffisance professionnelle ou par lellil' attitude et J.eur allure trop peiu con ciliantes? Proclamons-le hautemen t., comme une vêrité qui éclate à tou s les :yeux : il eist bien rare que l'es bons institu,te,un; n'aient pas dans leur commune le r espect et 1·a ffection qu 'ils m éritent. Nous disons donc : des li.ens doivent se nouer entre l 'école, c 'est-à-dire J'insti,tiuteuui et la famiHe; ffl, dans la pluparrt des cas, il n ':y aura pas d 'obstacles séri.eUJX à surmonter pour instaurer ces reil.:ation.s cardiales et confiantes. ous ajoutons : oette en tente cordia le et loyale se oréera d ',eil.le-même, s,i l 'instituteiur le veUJt et s,'il y L.ravaiHe sans autre pensée que de bien agir. Car il sait bien qu'il ne peut pas tenir pour non avenu s les se,ntin1ents ou le désirs des familles. C ·est elles qu 'il ser t en m êm e temps qu 'il se dé![)ense pour l 'éducation des enfants; c·ef't par eUes que l 'écofo est en contact avec la ociété, avec les " besoin:,, les moruvement d 'opinion , les a pirations de la SO'Ciété €!Je-même. Une école, dit une cirarnlaire ministériel'le de 19u,. « si l'on ne fait pas, de parti prri• , abs tracs tion des réalités, ne coR titue pas un domaine iso.Jé qui ~e suffise absolumen t à lUJi-rn êm e et qui puisse rester absolum ent f.el'II\é aux influrences extérieures. EUe confine de toutes paTts à la vie sociale; elle ne peut m éconnaître ni ies famiJJ.ès, ni les besoin s particuliers die la ré<gion, ni les co ur ants d 'opinions et d 'intér êts qiu1 l'enveloppent, et la pénètrent >l .
5. Défauts à éviter. - Deux défa uts extrêm es, en l 'Pspèce, sont à éviter , plus ou moins füch eux ou, nuisibles selon les milieux, m ais plus ou moins déplaoés partout. C'est d 'une part l 'excessive famili,arité, la familiarité 1m peu vulgaire oui bon asse, qu,i fait que les gen du viila~e en vienn ent in ensiblement a traiter ] 'instituteur en simpl e et quelconque << bon garçon », pa'l'ce que lui-m êm e n·a pporte ni dans ses manière , ni dans ~on langage, ni dans
�ses refations avec Lous, la correc:ion et la retenue dont II ne devrait se départir jamais. Qu:'un peu de rondeur ne soit pa de nature à m esseoir, que dans certaines ciTCQID.stances et dans oe1tains milieux il so,it parfois expédient ou licite de céder peu ou prorn à une ambiance dont le moins qu 'on puisse dire est qu'elle n 'est ni gommée ni guindée, nous ne pousseron ,p as le puritani me jusqu 'à refuser d'en convenir. Mais ce n ·est qu'une exception, ce ne doit pas è:re 1a règle. Même là où les usages du: mOIIlde sont le plus ignorés, même là où le code d e la civNité puérile et honnête n ·est pratiqué qu·à peu près, m ême là où l 'on ne se choqu e g uère d 'un peu et même de beaucoup de laisser-aller, le populations n·ont1 qu'u111e médiocre estime pour l'instituteurr qui ne ait pa garder son rang et se, tenir à sa place . Trop de débo!Ilnai reté dans les rapp01rts avec autrui n 'aboutit qrn'à lui attirer de la déconsidération, sinon quelque m épris. On est peu porté à 1a· dé férence envers un homme , qpi, chargé d 'un office d 'éducation , se commet ou se com;prom i;t trop volontiers avec qui il r~ncontre ; il devient objet. dei risée plutôt qu 'il ne conquiert sympathie et rnspect. Si donc, par tempérament, l 'instituteur est naturrel'lement enclin à cette familiarité facile et sans retenue qui , m~me de bon aloi, n e laisse pas d 'être pew séante; ou si, tout âiffléremment, cett e familiarité, est ch ez lUJi. un calcu1, une politique dont il se flatte qu 'eNe créera autour de lui la gmpathie ou la confiance, dan s l 'un comme dans l 'autre c~s il se leurre. il s'expose à s'aliéner des sympathies ÙtiÎes e,t que fonde l'estime. Même les gens frustes ou r ell1'c hés sentenL qu'à cause de sa fonction et de son ll'ÔJ.e l 'ïtnstituteur doit être autrement qu'eux; et non seulement ils le sentent, mais ils le veulei11t et ne le 1Ja.Îse!nlt pas. Ils veulent que l'homme qui reçoit de ·la société missi.on d'élever 1eu:rs enfants, de l,es éle'Ver par son eooem;ple n.o n mo~ns que par ~on enseignement, soit d'alh1rns plus réservées et plus di tinguées qu 'ils ne ~ont eu.x-mêrnes, et qiu'il sache. pa,r ce qu'il est autre et mi eux él,evé,, imiposer le respect. JI leur dé,plaît que 1le m aître n 'ait à leurs yeux que l'asMct d'un individui quelconque, pre-s,qu,e, d 'un camarad1 inon m êm e d 'un copain, devant qui· on ne. e sent pas tenu à la r éserve ,et à la m esure. puisque ,l ui -m ême, .franchissant toutes les distances, se fait sans nulle distinction fam:ilier avec vulgarité. ' L'excès oppo é ne vaut pas mieux qiu1e œ 1'ui-là. li s'agi:t ici de l 'instituteu;r (ou de lïns titutrice) dont on dit quïl ta it le fier (ou la grande darne), q·ui vit trop chez lu,i, ù
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l 'écart de la population, qui r este distant ou ia:i.bordable . et se.nilile regarder avec un peu de, condescendanœ dédaigneuse les habitan ts de la localité où hl exerœ. Que parfois oette attitude s 'explique ou se justifie, par endroits, nous en conviendrons sans hésiter; mais un pŒ rjois n 'est pas un souvent, encore moins un toujou::rs , et une n écessitétout à fait exceptionnelle ou rar e ne saurait devenir sans de graves inconvénients la règle commune. Et la r ègl e commune, la règle de la sa- esse tout à la fois et de l 'intérèt, g c 'est que l 'instituteur soit un être sociahle, e·t qu 'il aif.le aux famill e , de bon o~m e t san barguigner , pour les m ieux a m ener à ] 'école. Peut-être - nous dison bien : peut-ètre - le défaut que nou comba tloms ici est-il p1 lus fréquent chez les institutrices que chez • e.s institute urs. A l plus d 'une le séjour à la campagne , embl e une manière de disgnke OUJ d'humiliation; elle s'y déplaisent, ell ~s , n 'y trouvent rien ni personne qui corresponde à leurs goùls et à leur éducation , tout lem ;paraît grossier , san délicatesse et sans a ttrait. Aussi n e frayent-eJ.le aveo per o nnÏ3, et délibérém ent évitent d 'entrer en r elations avec qui que· ce soit ; << elles vivent ch ez eUl es », selon la formule . Aussi bien il est naturel et il sied qu'une femme bien élevée s'cu,suj ettisse à une r éserve oo à une prudence tootes part iculières, et qu'e!le garde d es m énagiements 1 p1us striols; bien m aladroit,e ou bien mal inspirée l'insti tutrice qui l'ou blierait I Comme bien maladrorit serait, d e SOIIl côté, ! 'instituteur qui croirait déroger en se m êlant un peu à la popu lation eit en ne se condamnant pas à l'ignornr. Le m al, là comme partout, n 'est que dans l"excès, paTCe que cet excès un peu prétentieux est fort propre à éoarter die, l'instituteur, et par conséquent -de son écOlle et dei son œ.uVTe, des appuis et des sympathies auxquelles l 'u,n et l'autre trouvera ient grand profit. Est-ce donc 'abai-sseff, est-ce se vu1lgariserque d 'entrer en relati001s coUJrtoises et bienveilla,n tes avec les famill es et. de ne les traiter point avec indiffér ence ou hauteur? Le maître ou la maîtresse sont-ils d 'une autre · argi-le que ces pèr es ou ces m ères dont ils instruisent Je;: erifa-nts? Ni cet excès, ni l 'autre : t elle est la vérité et teiHe est la conduite à garde,r . A tout prendre cependant, un peu de réserve est encore préférable à une famili arité outrancière : elle commande davantage le r espect , elle préserve l'in!-tituteur de compromissions et de complaisances où il o urait bien plus à perdre qu'i\ gagner. La rése• ve dans laqu ell :> il' r se ti ent alors est, par son attitude m ême,, imposée aux-
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.autre dans leurs Fapports av,ec lui ; il n ·en est que moins &posé à êtr.e ,e nglobé dans des riva,litéf. de wrsonnes ou de clans, il sait mieux rester équitable envers · tous et garde;r envers tous U1ne indépendance toute faite de dignité(1). Mais cette r éserve, 11edisons-le, n 'est pas le moins du monde exdusive de bienveillance e t de sociabilité. ille n~ signifie. pas que l 'institutoor demeurera à tous un étran.ger, presqu'u.n inconnu, ou même que!lqui'u.n de méprisant ou d 'hostile . Elle signifie simpl.ement que cette sociabilité et que le désir sincèr e de provoquer et d 'e ntretenir de cordia'1es relation avec les familles ne franchiront pa certaines limites, et ne Lourneront pas à un <( bon garçonnisme >> intempérant, créateur de dilfficultés et de déboires. 6. Bienveillance nécessaire. - A dessein nous insistons sur la bimweillanee, ,e,t la coUTtoisie ; elles sont ch ez 1ïnstituteur, dans ses rapport s avec les fümilles, qua• lités maitresses (2). C'est à lui qu 'il a,ppartient de faire· les J)'I'emiers rpa pas, de se montrer eÀ. nsif et accUJeiollant, dans tau,te la m esure où il peut l'être salls manquer à la prudence ou à la réserve que nous avons dites. C'est lui qui doit le premier, en actes plus enoore qu'en paroles, témoigner du désir de lier commerce avec la popUJlation, sans attendre qru'elle vienne à lu.i . ElleJ le sùspecterait si, lorsqu'il arrive dans une commune, e,ll,e le jugeait renférmé et comme renfrogné, mal disposé à sympathiser avec ell.e. Se sentirait-il m ême e,n pays peu ami, serait-il averti qu 'il est dans une commune peu favorable à ! 'récole ;pirnblique, qu 'il agirait en maladroit en coUJpable s'il répondait dUJ tac au tac par l'aigre1J1r ou la dureté. Une attitude hostil,e ou arrogante ne se justifierait pas par la défiance ou l'hostilité des familles ; loin d e les désarmer, elle les confirm.erait dans
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(1) L ettre de Guizot aux instituteurs (juillet 1833): « Les rapports d e l'instituteur avec les parents n e peuvent m anquer d'être fréquents. La bienveillance y doit présider : s'il ne possédait Ta bienv eillance des famill es, son autorité sur les enfants serait compromise, et le fruit de ses leço ns ser a it perdu pour eux. Il n e saurait donc porter trop d e soin et de pruden ce dans cette sorte de r elations. Une intimité légèrem ent contractée pourra it exposer son indépendance, et quelqu efoi s m ême l'engager da ns ces dissen ions locales qui désolent souvent les p etites communes. En se prêtant avec compla isan ce aux demandes r aisonnables des parents, il se gardera bien de sacrifier à leurs capricieuses exigences ses principes d'éducation et la disciplin e de son école. Une éçole doit être l'asile de l'égalité, c'est-à-dire de la justice. » (2) N'en séparons pas la patience : il faut savoir écouter, et savoir donner son t emps.
�154 leurs motifs, vrais ou fau:x, de tenir en -suspicion l 'école et le maître. Cette lo,n ganimité et cette ,peTsévérance que nousprèchons peuvent ètre, nous n 'en disconvenons pas, Jes vertus ou des attitudes dilfficiles, courageuses même, dans certaines conjonctUJres ou dans certains milieuoc. Nous souhaiterions que œ fût alors aux in tituteuJrs, et davantage encore aux institutrices à qui ces milieux sont plus particulièrement ingrats, une raison nouveHe de les pratiquer sans faiblir. Nous le ur demanderions même de n<:i pas condamner tr0ip vile ce qui leuif paraît mauvais ou ridicul e, mais de chercher d 'abord à le comprendre et de ne p11s s'ériger en juges infail1ible . Que penser - car l,a chose n 'est pas inexistante, - que penser des maî:tres qu.i, dans un milieu, ami, parmi une po. pulation qui aime l 'école publique et ·l a soutient, ne savent pas être. conciliants quand il, le faudrnit et faire preuve d 'une obligeance ou d 'une affabilité pourtant nécessair0s et toutes simples? Voici deuoc faits qui ne sont qiu 'une cxœpticm, nous nous empressons de le dire, mais une exception véritablement d ésolante Eft qu'on dé!plore ; nous !es relatons en quelques lignes, pour mieux enseigner aux jeunes les faurtes à ne pas commettre. Un enfant se blesse au genou et, quoiqu'il ne lui faille pas. garder le liL, il ne peut le matin e rendre à pietl. :\ fécole. Mais vers huit heures et demie ou neuf heuTes, .son père est libre, et il pourrait l'amener en voiture. SeU1leme nt l'entrée en classe a 1lieu à huit hffilll"es. La rn.èrei v,a trouJVer cc le rriaîlre », le met au courrant, lui demande de consentir que son fils aTrive avec une demi-heure ou troi quarts d'heure de retard. Qœlle sollicitation était ;pilus naturn! le et mieux fondées? Or savez-vous quelle l'~nse lU!i fut faite ? « Jmpo~sibl e; la règle est la même pour tOIUS ; 1 j'accordais à un seul une pareille dérogation, Lout le monde l'imiterait et per onne ne viendrait à l'heure. » . Que vous semble de ce rigorisme rébarbatif et de oe simplisme dans les solutions absolu·es ? Nous imaginons bien qu'après une réip!Onse aussi peu accommodante et aussi peu humaine, cet institureur intransigeant fait de fort belles leçons sm la complaisance, sur la se,rviabiiit_é, sur l'entr'ai<l:e, et qu'il les iNustre d'exemples pratiq;ueis. Où le respect des principes va-t-il se nicher ? Et si la famille, un peu indignée (on le serait à moins) , est allée ensuit..e, frapper à l'école d'en face, J'.école adverse, où UIIl tout autre 11ccuei.J l'attendait; à q,ui en imputer !la fa.ut.ei? Est-ce par <l'€J pareils procédés que l'école la1que se fera aimer ? Car
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l'école, il n e fau,t -pas se lasser d·y revenir, cela signifie [e.
maître; 'parents et enfants n 'ont cure de l 'institution elle-
m êrne , seuls 1eur iiniportent. les hommes qui sont à son -service. Et i~ avait cent fois raison, le ·Ministre qui écrivait en 1887, dans une circulaire ,portant la date du 25 mars : cc Le véritable r essort de l 'école, ce n 'est pas le règLemen t on ne le voit que trop ici., - le programme, le livTe, re n ·est m ême pas l 'inspection ou la survei'ilance administrative, c'est urn homm e, c'est l 'instituteur ». Venons-en à l 'autre affaire. Il s 'agit d ·un pauvre enfan t qui dans sa fa mille, dans sa demi-fa mille plutôt, car la mèr e est remariée, l'rouve plus de , rudesse que de bon té, de privations quie de tendresses. Il n 'apporte à l 'éoo,le que leçons. m al sues, devoirs ma'! faits ; et comm ant pourrait-il en èt re a utrem ent puisque nul à la maison n e s'occupe de lui, que nu~ ne fait ri,en pour lui re nd<re possible sa biche d ·écolier ? Ma is l 'instituteur n e sait pas cela, ne le oupçonne pas, ne s 'ingénie pas à connaître la vérité; punir lui su!ffit . Une voisine c haritable, qui aime cet en.font parce qu ·,ene le sait màfüeureu4 et qui le ptrotè.ge de on. mî,eux, sïnte.r,_pooo; elle s 'en vient expliquer au maître ce quii ~e passe. Mais c·est à peine s'il la reçoit et s'il consent à l 'entendre. cc Il n 'entre pas dans ces considération -là; un n 'en finirait pas si l'on voul ait écouter toutes les r éolama,dre, e t foin des imlportion s; on n 'a pas de temps à pe1 tun ! » Nous aimons à croire que, pour garder l'accor d avec lui-m êm e, ce maître non plus n e présente jamais de réclamations à qui que ce soit ... Mais d l:' quels arguments ,et de quels exem ples noorrit-il ses leçons sur la bonté, et mêm e tout simcpLem ent sur la justice ? Encore une fois nous nous excusons de citerr, comme disait quelqu•'un , des cc exem ples à ne pas suivre » et qui ne sont quie d 'attristantes ,exceptions. Mais il est sal'Utaire que les débutan ts soient informés des lourdes fa utes qu ' un instituteur peut commettre lorsque la bonté n'habite pas s·on âme et que, selon la fOTm'Ule de Lavisse qu,e, norus avons déjà citée, le magister a en lui étouffé l'homme. 7. Ce que seront ces rapports. Entretiens ; visites ; réunions. - Nous avons exposé tout au long, dans des chapitres précédents (II et VI) , que le devoir essentiel pou'r Fins- . tituteurr est de bien faim sa olasse, die s'acquitter en toute conscience de ses obligations proprement scolaires. Ce que L demandent ayant toute autre chose et l'E.tat et les enui fants et davantage encOTe les familles, c'est quei sa classe
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soit bien tenoo et march e bien, que les progi·ès des écoliers. y soÏent visibles à tous les yeux . NuJ'le con idéiration ne prime celle-là auprès des familles; le maître a leurs sympathies et lieU'r estime si eUes le savent laborieux, si e lles. constatent que sous sa direction les enfants travaillent et s 'instruisent. Eût-il alors la r é.PfUtation d 'être un peu· ,sévèr e:, qu'elles ne lu.i en sauraient pas maU'vais, gré et sans doote s 'en féliciteraient. Son autorité auprès d 'elles et son. ascendant se. m esuœ nt en premier lieu à sa valeur de maître. ·/ « D'une ~açon générale, disait lie Ministre. aux irusipecteur & d 'académie dans une circulaire du 1 °r avrill r9u , un instituteur passionnément dévoué à ses devoirs-, atte:n.tilf ai\.lJ développement du progrès individu;el de ses élèves, devient aisém,ent, dans sa co,m mune, un con seiller ,i.11to1 isé· et écouté des parents ; l 'institutrice peut de son côté, pa r une sollicitude di,sorète et avisée vis-à-vis des enfat11.s qu 'elle ::i sous sa garde, acquérir très , 1 ite su r les mères de famill e une ,p r écieuse autorité. Nul le meilleiure façon de dis ~per les prévention et les préjukés qui séparent parfois les maîtres et les familles que de faire naître ,e ntre eux des liens de confiance mutuelle et de sympathique ootime. Les instituteurs propageront ain i au delà de. la cla e les vertu et le prestige de leur ,enseignem ent ». Et le Ministre recommandait aux instituteurs « de n e point s'isoler d an le strict accompJissem ent de leurs obligations profes ionnelles, d'e garder av,ec les familles un contact inëiispensable ». C'était .p arler d 'o.r. Si les maîtres savent les y entraîner, les famil1es eront pour la plupart ~es collaboratrices les plus e\fficaces de l'école - quand il s'agira de la h-éque.ntation, par exemple, - et l'ac tion ex'elrcée sur elles se traduira, en fin de com pte, pa,r une action bi.enfaisante e t du:rabJ.e sur les enfants. Les instituteuTS n 'ont pas à craindre· que leu;r efforts se d6pensent à perte,, s'ils y m ettent la patience et la persévérance qui sont n écessail'es toujours dans les ch oses de l'éducation. Ces relations régulièr es et assidues entre école et famille , entre maître et paren ls, elles s-e pe.UNent .établir ,et organise,r d e bien d.e·s manièr es, et plus aisément enoore à la campagne que dans les milieux ur bains. Au ha,sard d 'une promenade ou d'une sortie, on a maintes fois l'occasion de · se rencontrer et d'échanger quelques p ropos, qui ne roulent ;pas nécessairement sUII" le temps de la journée ou les µ;révisions atmosphériques dUi lendemain . L'insti!Juteur {'St presque toujours secrétaire de mairie, et oette- fonction
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le met en rapports fréquents avec les habitants d e la comm une, donc avec les parents de ses écoliers ; i; ne ;pourra J pas ne pas an-iver que <ans ces en!, etiens fortuits _ ; i r rien ne soit dit de oes écoliers eux-mêmes, d& leur santé, de leur tenue, de leur travail ou de leurs progrè . Pa.pas et m!lmans recevront là d 'utiles renseignem ent ; le maître à son tour saura mi-eux ensuite ce que pensent ou désirent les familles, iJ en tiTera parti. Cela encore ,l ui procurera une occasion propice de redresser avec tact quelque jugeirrnent faux, d e mieux faire com:prendre ce qu'il veiut, ce qu 'il tente, ce qu'il espère. Sa parole sera d 'autant plus écoutée· qu'il :prendra plus grand oin de mettre les famille au CQIUrant et qu'il s'expliquera sincèrement devant ,elles . Viendront ensuite des visites mêmes à oes furnihles. Peutêtre se f.eront-eHes à l 'occasion de quelque fait imprévu ; le plus ordinairement clles seront motivées par UIIle absence de l'enfant, ou par une m aladie qui l'élloigne de l'école, ou par une maladie qui fra:ppe quelqu'un de son entoUil'age. Ni 1'une. ni l 'aulTe de ces circonstances, et · 1 d-eux prees mières surtout, ne doivent laisser le maître indiïfé.rP!Ilt. Il fa ut qu'il se re,nseigne, qu'il sache au juste pourquoi l'enfant a manqué ou pourquoi il manque à intervalles tro p rapproch és. Il faut qu'il s'intéresse à un élève malade, qu 'if s'enquière d e sa santé, et par conséqirnent qu 'il se rende auprès de lui : charger quelqu 'un d 'aller aux nouvelles ne suffit pas, une démarche personnelle, «:>t de temps en tem,r,s renouvelée s'il y a lieu, est nécessaire. Nous l'avons dit · dans U1n autre chapitre (VI) : il · serait maladToit de multiplier ces visites au point de l,es rend'r e importunes ou gênantes, mais il ne faut s ',en dispenser sous aucun prétexte. Et pourquoi l'instituteuir, ou sa fomme, ne donnerait-il pas une marque d'intérêt et de sympathie à une fami.JJe que l'infortmne àtteint., en y ve,n ant s'inform er de la santé d '1in malade, en apportant du réconfort à de pauvres gens affligés ? Une visite encore est <lie rig,œulf cp.mnd, :rnr extraordiooire, un ·elfi.fant a commis une escapade gnve, ou que, pour quelquie raison que> ce soit, les parents 0nt besoir. d'être avertis de certains incidents de la vie scolaire. Il est à la campagne on À la ville plus d'un a éf-ole - o~ souhaiterait qu 'il y en eût bien davantage - où, chaque année après les grandes vacances et même plusieulfS fois chaque année, l'instituteur, Finstitutrice convient les parents à u:ne petite réunion sans apparat, les entTetiennent de ce qui se fait dans loor école. de ce qui s'y est fait l'imnée ;précédente, de ce qui s'y fern dans l'annoo qui corn 1
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mence, des résultats auxquels ils s 'appliqueront, des obstacles qu'ils rencontreront .et que l'aide des parents euxmêmes peUJt les aider à surmc:mteT·. Ils y disent ce ·que devrait être celte aide, comment elle s '-eocercera, comment l:J famille peut soutenir l 'école, ajouteT son œ uvre à la sienne, .et notamment la seconder dans son effort po'Uil' la bonne fréquentation. I1s ne craignent pas de pirovoque,r les re.ma,rquies e,t les obj<eclions, profitant des unes, examinant et approuvant ou réfutant les autres, et toujours courtoi_, loyaux et sincères. Car la simplicité et la bonne foi sont les nécessaires conditions du succès pour oe séances ::-ar.s fasle aucun e t sans rigoureux protocole,, d 'où ,peut sortir le plus grand bien. On ne manquera pa,s d 'objecter que tous les pères ou toutes les m ères ne s'y r endront pa . A .c,O'Up sûr ; mais qu'est-il besoin de tQ!utes les j)il'ésences ? Sous prétexte que nous ne pouvons obtenir tout, nous ré _ignerons-nouis à ne tent,e,r et à n 'obtenir ri en ? En politique , cette théorie du Tout ou rien n 'est déjà q,ue trop ma'1faisante ; ne transportons pa ses méfaits en éducation, -et surtout ne l'invoquons pas comm e une excuse déguisée à . notre ineTtie . Le moyen que nQ/us mentionnons ·pour ines téresser la famille à 1'action de l'école, pour L raiPiprocher et nQ/Uer des liens 001tre l 'une et l 'autre, a été en plus d 'un endroit - urbain ou rural - expérimenté avec d 'heureux r ésultats . On vcmJdrait le voir partout appliqué, essayé tout .au moins. Il est vrai que là encore la valeur , ersonne'IJe p du maitl•e ou, de la maîtres.se serait d-écisive; et c'~st pourqtOOi l'on VQ/OOrait qlll'il n'y eüt pa;rt,oUJt que de DOllS, que d'excellents instituteurs. C'est la conclusion à laquelle -on est toujouJrs ramené. Dans la c irc ulaire que nous invoquion tout à l'heure, J.e Ministre demandait m ême que là où l'éc()l,e laîque est in~ justement attaquée, les parents fu ssent par l 'instii utenr mieuoc écla irés sur ,elle et sur son ca:rac.tère. « Vous aurez soin, écrivait-il aux iru;ipecteurs d'académi,e, de recommander aux mia1tres de ne point s'isoler d:ans le strict accomplissement de leurs obligations professiiœme,lles, de garder avec les fami;lles un contact indis,pensable, de, soulign eT à tous les yeux, par une attitude d:e sincéirité cordiale, 1a d'éhryauté des polémiques dont ils sont pa,rfois victimes. -Qu'i·l s n 'h ésitent pas à mander l,es parents des élèves r écalcitrants (1), qu•'ils s'adressent à leur bon sens. Qu'Hs les
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(1) Cctt<' cirr.uln.irc du 1er avril 1911 visait la campagne dirigée -alors contre l'école publiqu e e t en pa rticuli r co ntre certains
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fass.ent juges de leurs propres critiques et œ.scu.tent avec eux Jes passages des livres incriminés, qu 'ils en appellent à leur imparti.alité. Aussi bien l'expérience qu,e je, conseille· a-t-elle été rentée ; eHe a prouvé son ~cacité décisive chaque fois qu'elle s'est trouvée en présence d 'objections formulées de bonne foi. >> C'est qu'en effet il n 'est pas rare que les parents s ',en rappor tent à des on-dit qu ïls n 'ont ni vérifiés ni contrô,lés, qUJ'il.s n 'on t pas même songé à contrôler ; lem· attitude agriessive ou im.pleme,nt défianle. ne tient qu 'à leur ignorance de la vérilé. Les mettre en éiat de connaître ·cette vé rité, c 'est le moyen 1e plus assurré de m odifier le'Urs dispositions, ou, à towt le mO'ins, d e les incliner à plus d 'impartialité et de, justice. Ailleurs encore, UJile ou deux fois l 'an, et même, da.ns les petiroes communes que l 'on s 'i1111ïtginerait dé$1héritées, maisq ui ont le bonheur de possédetr un bon institu teUir ou une bonne institUJtrice, de pe tites fê tes scolaires s 'institu ent ,. auxquelles les familles sont heureuses d 'assisûer. Et, b ien qu'il se défende de vouiloi.r mettre une note trop, grave ou ennuyeuse dan ce séances récr éai ives, 1'instituteùir néa nmoins s 'autorise de la présence des papas e t des m ama ns pour parler un peu de l'écolle, de ce qu'on y fait, de ce que peuvent les familles à le ur toliil' pour rendre sa tâch e pl usfructueuse encore. Comme tous les appels à l 'effort et à la bonne volonté, son appel reste ·pour une part stérile . Mais tout de m ême, une paroelle de ses paroles et de se,s adjurations tombe sur une bonne terre et finit par porter des fruits ; et c'est toujours autant de gagné. « Toutes 11,m vres· donnent acc:roissemenL », aurait dit Bossuet. Par le carnet d e con es,pondance aussi, l 'école et les familles sont en relations profilabil e.s. Ch aque sema ine, ou chaque quinzaine, ou chaque m o•s, soit le résumé des i notes de ! 'écolier , soit une, appréciatioµ sm sa conauite , son assiduité, son travail, ses progrès sont remis aux parents, qui doivent r.etouTn er le livret après y avoir consigné· leUJrS observations et apposé leur sig nature. Bs sont instruits par c onséquent de la valeur soolaire de Jeurr enfant et ils peuvent, ainsi que le maître e,t après lu~ , l'encoUirager p ou le tancer . Beau:coup . eut-être penchent vers une inœul genoe exagérée, mais il n'en est guèTe néanmoins que les·
manuels scola ires (nou s en avons d it un m ot, a u cha pitre nr, 'e n citant une p age d e J a urè~) . L es élèves r écalcitra nts dont parle Jp Minis tre sont ceux qui ; à l'instiga tion d 'adver saires d e l'école laïque, se refusaien t à faire u sage de certains m anuels inscrits pourtan t sur les lis tes départem entales, m ais mis_ à l'index p ar l'épiscopat,-
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mauvaises notes réitérées ne flortifien t pas dans leuirs exigen.ces envers le petit coupabk D'autres fois, c'est le ca hier de devoirs mensuels ou Je cahier de devoirs journaliers qm, périodiquem ent, sont envoyés dans les famiU es, avec quelques lignes ou qu elques mots d 'aprpr éciatian . Exce1lenle façon encore de les tenir au courant du travail des enfants, d,e leurs absences s'il s'en ,est produit', des r ésultat de leur .application. Tou le ces formes de reilations et de co,llaborat ion entre maître et parents sont au plus haut point recommandable , €t il fa ut les ma int,enir. Le uns et les aut res n e se connaîtron t et ne se soutiendront jam ais trop. L'école, de la sorte, ne s'isütlera pas, ne vivra pas à l'écart <le la vie m ême. u Que nos iilSltituteur s, dit la circ ulai re m inistérielle du 25 m ars 1887, n 'oublient pa que notTe enseignement primaire public ne doit pas tendre à 'isoler , à s'enfermer , à se d éfendre contre l 'incessante intervention de la ocié té, contre les critiques, les observations, le contrôie du deh ors ... Plus la famille s'intéresse à l 'école, plus l'école est sûre de prospérer . L 'idéal, en œ lte m atièr e, ne serait-il , tas que l'école fût, pour a insi dire, ouverte perp pétuellem ent aux r egards de la famille, et la famille sans cesse invitée à aider le m aitT dans sa tâch e par un cone ·cours effectif et journalier ? » Faut-il dire que dans ces relations le maître doit s 'asservir à l"éq:uité, distrihuier le bliârne ou la louange à qui le m érit,e, et n 'avoir pour personne de préférences injustes ? Mais est-il superflu de dire aussi qu 'il ne lui est pas moins nécessaire de m énager les susceptibilités des par ents, de ne pas s 'exposer àl le,; humilier ni à les hJ.esser dans leur t endresse ou dans leurs préventions de pèr es et de rnè11es ? Il leur dépilait for t d'entendre dire ou de lire que Ieur fils est un m aU/Vais élève; ils nie sont qure trO'J) portés alors à :rendre l'école elle-m ême, en l'espèce le ma,itre, rnspo, n sable de cette insulffisance . Et c 'est ;pourquoi la r édaction -des notes d'un carnet de oorrespondanoe ou l'eocpresffi'on vierbaJe d'une appréciation SUir tel ou te,} é1è~ ne dbit pas se faire sans quelques précautions, n~ fût-ce quie des préCMJJtions oratoires. ToUJt.e v&ri, é n'est pas bonne à dire, tout t au moiins à dire avec trop de biiUJtalité et de rude.500. Alœste maitre d'école auraiiit viite dressé contre ,JflJii, toute la , oipup lation de son vi,1lage.
8. La question des cadeaux. - D'autres points encore méri,tJent examen dans cette étude des rapports des nmîtTes avec les familles, et nexus voudrions nous y aITêter UJI1 ins-
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tant pouT mettre le.5 jeum.es instiitu:teiurs en garde contre des praü ques tâcheu5e5 qilli n 'ont pas tout à fuà,t disparu, si rares q;u'elles se soient faites et si condamnables qu 'O!Il. aiJtr ~ droit ·e de les estimer. Nous vou:lon.s paTler en partioulieir ·de la qiuesti.on des cadeaux. Dans telle localité ou dans telle école nonobstant l 'article 18 du Règlement colaire quo s 'exprime ainsi : cc Il est interdit aux instituteurs et institutrices publics de recevoir des élèves ou de leurs paren ts i.l U· c une espèce de cadeaux », - hl e, t d 'usage qiu 'oo oertaines s circonstances, üe plus souvent du reste pr&vues e t habituell es, les élèves offrent à leuT m aître ou à le ur maîtresse d es cadeaux vari,és et d'importaoce diverse : cLe.s fleurs, un bibelot, un livre, un obj et d 'ameublememt, etc. C 'e t 1'u-age ... On ne nous dit pa , au r este, qua nd et comment . s'est créé cet usage. On D QIU.S dit moin encoTe si cc Monsieur » ou si cc Madame >> n 'a pas mis toute sa fineS&eJ, quj. est grande, - et son ingéniosité, - q ui est féconde , à établir cet usage ou à instanreT cettr-e, tradition . Et donc, quand vient la fête de Madame, ou quand vie nt le nouvel an, ou quand vient Piâques, ou quand sont terminés les exam ens de fin d'année, ou dan telle autre circo,nstance encoœ , cc l 'usage veu;t » qu 'on songe à la cotisation accoutumée et à · 1a petite surprise a faire cc spontanéme.nt » à Madam e ... qui y com pte bien et qui, si besoin ~ t , met tout en œ uvre adroitement pour q'lll'on y songe. Nous disons <c Mi dame· » paToe qu 'on no;us alffinne qu e il', a écoles de filles, et spécialem ent les internat de j,e1 unes fill es, t ombent dans ce trave.rs, - n 'est-ce que cela ? - plus que le écoles d-e garçon ; ma is nou joindrnns le m ol Monsiem au mot Madam e autant qu 'il era r equis. Pu,i , e n 'e,:t pa tout : il y a aussi parfois la mère (ou le pière) de ·Madam e, et ,J.a s:.r.ur de Madame, et la tante d e Madame, qu ïl convient de ne pas tenir pour in existantes, et qui ont au"si l,eur fête, et qui aiment au si les fle uirs oui les petits , o uvenirs ... Bref, tout cela est plu trist,e que comique; rt t ou.t cela suTtout est bien flâcheux. touit oe,Ja n 'est ni en vers les famille ni envers soi-m êm e un e marque de r espect et de dignité. · Que dans quelque circonstances tout à fa.it excepitio-11 nrll es. très rares par con séquent, un insti,tute.uir, OUJ un ch ef d 'in sti tution , ou un ch ef: de service, ne puisse, pas rPfuser un cadeau sans froisser ou sans peiner prnfondément ceux qui le lui Tem ettent en toute. confiance et en toute amitié, sans leur faire même un e véritable injrnre, nous ne pouvon s qu 'en tomber d'accord. Mais de là ·à instituer habiMOR ILE P ROF ESSIONNELLE.
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�lement dans une école des pratiques à peu près régulières, de là encore à proc-éder pa:r ma:m:euVTes obliques, à insinue,r• négligemmenll à qùi saura, l 'entendre, qu,e tel cad eau serait bien agréable au maltr.e O'U à la maîtresse, il y a 1111 abîme. Cet abîme n 'est que rarnment franchi ; encore estc,e trop qu 'il le soit quellgjUieJois, auoc yethl( mêmes et à la ba• be de l'ad'ministJration qiui,nie s'en doute pias. r Peut-être faut-il jugeT avec moins de rigueur les petites amabilités dont on est encore coutumie-r à la campagne et auxquelles on n ·attache ipas d'autre importance. Tantôl l 'un, tantôt l 'autre apporte à 1'institiuteurr (ou à sa femme.) qui un panier d e frui ts ou UJJe corbeille de l~gumes, q ui m ême une livre de OO'l!'lTe ou quelques œ ufs frais. Ce ne sont, au dem eurant, que façons bon enfa nt de lui té,m0ign eir en queùle sympathi e on . le tient et d 'être agréable à . un homme qui est agréable à toos ; une . façon aussi de le remercier soit de quelque wt,it service qu 'il a r endu a,vec ohligeance, soit de quelque peine qu 'il a prise JP!OUT autrui. Que flaire alors ? Refuser, ae serait blesser et contrister . Entr e amis, entre bons voisins, cies amabilités sont choses normales, ,ces échanges de petits services et de petite~ complaisances sont monnaie courante : le mi eux est donc de se conduire en ami ou ,en bon voisin et d 'accepter , .e ncore q ue le règlement soit· Jà. Ce qui• seTait bl:âmable et da ngereux, · c'est que le m aître mîL quelque astuce à susciter la coutum e, des petis cadeaux, ou; qu 'il y vît une sorte de filon !p!l'écieux à: exploiter. Elle· ne serait pas fière . cetl r. attitud~ de quém andeur ou de par asite déguisé ! Nous dirons d:es invitations à peu près ce que nous disons des cadeaux : elles ne doivent êtrn qu ' une exceptiol1', une axception tout à fait motivée, qu,i ne puis e porl,er ombrage à ip,eTSonne ni soulever d e critiques dans la corn-. m une. Il est plus oui m oins habitue·! encore, dans quelque r égions, qu'ài l'occasion d 'ooei TéJjouissance de famille ou d 'une fête chôm ée, on invite l'instituteurr à prendre pari au festin . Doit-il accepter , doit-i.Jl r efuser ? Refuser, c·'i~"t aller ·à l 'encontre d 'un vieil usagf), que son ancie nneté m êm e rend tabou ; c'est se do nneT des airs de personnage r évolutionnaire ou de pédant. Néanmoins nous n'hésitons pas à dire : il faut abolir cet usage, il n,e fau.t pas que. le matlTe consente à devenir à un jour donné le commensa l' des familles ou de quelques famiales. Il y a là une question de correction d'aboTd, de dignité ensuite, sur laquelle ïl nous semble qu 'on ne doit pas se montrer accommodant. Le tout est de savoir répondre non avec courtoisie et bien -
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~ei llanc.e . Nous ne donnerons pas cependant dans rnn rigorisme doctrinaire, et nous nous garderons de prétendre qu 'une règle aussi rigide n 'admet point de temipéraments, qu 'il ne faut jamais composer avec les circonstances : l'instituteur n e peut passer poill un être insociable ou pour un ours mai léché, qu:i oo ipeut ou ne veut fréquenter perl sonne ni li,eT' commerce avec personne. Comme lo UJt le m onde, comme tout homme sociable et bien élevé, il faut bien qu'à l 'occasion il ache aœepte1· une invitation chez l'un ou chez l'autre, ch ez le maira, chez le délégué cantonal, ... et voilà les principes par teyre et la barrière ouverte ; à qui s·œrrêlera-t-Î'l ? A lui d ',en juger ; à lui de peser avec discernem ent l,e .pom· e t le contre, d'avoir du tact et de 1·entrecrent , de la raison et de la réserve. Qu 'il veille bien à garder toujours leë distances e.t à ne pas Laisser oompromettre son autorité morale, cela sans raideur .et sans m~e. Et. crue dans sa classe les faveurs injustes pourr les enfants <les amphitryons n 'aient jamais accès; que l'équité reste sa règile inflexibl.e. iv!ais justement est-elle toujours aisée à respecter qua nd on est ,pieu ou proUJ enchaîné par la ·1-econ.J1aissanoe de l 'estomac ?
·g. Agités et hommes de bon sens. - N n 'est donc pas toujours faci le de maintenir la balance égale entre toutes les fam illes et de n'en vexer ni mécontenter aucune, pas plus d 'aillem que de ne paraître ni de n 'être inféodé à aucune. Il est 1réqo:ent pourtant qiue les instituteurs et les in tit.utrice y Téussissent sans grande ,p~ine, tant iJs mettent en général d 'a lltention à ne se point livr-er trop htàtivement ou à ne e point commettre: avec le prem,i er venu , tant ils mettent de corr ection ,et de lact dans leUJrs :rappo,r ts avec la ;population . Quelque,s,..u:n y échouent', parce qu 'ils sont incapablei:. de se tenir à! leur ))Il.ace et de n,e pas se mêler de ce qui ne les rngarde pa6, ou parce qu'ils ont twp enclins au bavardage inconsidoéré, oui parce qu 'ils ne: f'avent pa,s en toube occurrenœ g<'l,rder la réserve digne qUJÎ convient . D 'autres y échouent , de leu:r côté, pa.rce que ce, sont des agités ou des brouil lo n , qu'Ï n 'exce~le nt qu'à jeter ipartout J.e trouble e~ la zizanie. Où qu'on les appe,lle1, nlt-ce." au milieu des populations les plus paisibles, ils trou-vent moy,en d e se brouiller avec ill'un ou avec l'autre, sinon avec tous, et d,e se faire partout une siLuation impossible. Ils sont grincheux, S1Usceiptihles, peUJ agréables, peu conciliants, intransigeants avec dUJreté ; ils ne sont faits que pour vivre aUI désert , r ecroqu,evillés da ns leur égoïsme ou leur
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humeur hargneuse. Trente ou quarante ans durant, l 'administration les traîne comme un boule t, obligée à chaque mouvement du personnel die J.eoc trOUNer un poste nouveau où l'on veuille bien les tol.ére,r quelques semestres ou quelques années... D'autres y échouent encore parce qu 11s n 'ont pas le bon sens de se Lenir en dehors et au-dessus des querelles locales, qu 'ils entrent ouvertement ,en lice pour ou contre celui-ci ou oe.luii-là, se faisant de cette sorte d ïrrécon ciJiables adv,ersai-res. Rien d 'aigre et d 'implacable, en effot, oommei ces rivalités el ces inimitiés de cloc her; l ' instituteur qui a l'a mailadresse ou la :.oit.tise de s'y laisser P1 nglober expiera un jour ou l'autre lia faute d 'avOIÎ.r été l 'homme d 'une secte ou d 'un clan, alors qu,ïl était là pou r faire œuvre ulile à tou.s, en dehors de ~oute chapelle. e dirons-nous rie n d'un surj et un peu délicat, mai qu îl faut tout de m ême aborde.r sans louvoyer.? lil- s'agit de la femme de J 'instituterur. C'est e!Je parfois (JlllÎ ne sait pas ;.;:,e tenir à sa place, qui se mêle de t<ml dans la comm.u·ne, fr.équiente à tort et à travers loo bavardeis et les comrn.ères, excelle à brouiiller gens et choses, attire à son mari toutes sortes d 'histoires. Elle devrait savoir pouriant q;u '.elJ.le n 'e-;t pas au village une femme comme }es autres, q'Ul'elle est , tenue e-Lle.-m~mle. à uine paTtie, au moins de cette réserve qui s'impose à son mari. ous ne voulons pas la onilner en rectluse dans son ménage; nous lui de mia.ndon simplemen t d'être attentive à ses faits ,e t g~tes, saTIS ,excepter ses paroles, afin cLe n e pas exciter contre ell'le et contre l ' institu.t eur un mécontentement dont tous deux poUirraient avo ir beaucoup à: souffrir. Noue; avons connu bien de institu,LeUJrs et bÎ{'ll des in t, t.llltrices qwi, d:epuis longtemps en exer cice dan la même communa, y avaient vécui toute une exi:o.tence de travail et de probité, et, loin d 'y com1piter un seul ennemi , y avaient poUir amis r econnaissants la population tout ,entière. Ils ne s',étai.ent pas, dès l1'abord, ils ne s'étaient jamais posés en• esprits forts ou en rérormateu:rs éch$'elés, dont les allures, dont les manières, dont. ]es idées ou les attaches politique effarouchent et rebutent, sèment la défiance ou l 'émoi. [l s ne couraient pas en grande, hâte à la gare le mtericredi soi r ou le samedi soir, dès la classe finie, comme s'il lem· tardait de fuir avec J.eur labern· le village et ses habitants, l{JIOUT n 'y repa-raître que vingt-quat:11e1 oo trente-six h eures après. Ils se ·savaient des droits, et ils ne les abdiquaient point ni ne se sentaient di!,posés ~ les laisser prescrire ;· mais ils apportaiMt à les d'éfond.re, le moment venu, .au-
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tant de dj scrétion que de fermeté et ne prenaient p,d; bruyamment à témoin l"Qpânion, puiblique : ils m ettaient le,u r point d 'honne,uir, au oontraire, à ne l 'agiter jama is et à ne pas requérir on intervention dans les affaires proiessionne:lles . Ils avaient une ambition : bien faire 1-eruT Lâiohe, condui"Pe chaque année des élèves au: certificat d 'études, vivr e en paix avec tous et se r.e.ndre sympathiques à tous ; leoc clas, e, était leur principal souci. Etre conci.liant ne leuiT paraissait ,point 001e faible se, passer pour « boo esprit » ne Jeur ébait point une. injure; ils voulaient qrue, adm inistration ou famille , tout le monde pùt comp ter ;.,ur Toire .en ,euoc. Ils étaient pouir tous les bons coneux et C seilleTs, da ns la bouche de qui on n 'entend que des paroles de sag~e et de raisŒI, e t ciue l 'idée m ême de se faire agents de di scorde ou: de désunion n 'aurait jamais effleurés .. . Tous les inspeotiewrs en ont conil'u, d,e te;Js, ,en oonnaissent de tel , car la race n 'en est pas éteinte et rnste vivace au oonlraire. Et ces m.aîtres-là, nous pouwons nous incliner affec.tueusem enl devant eux : ce sont eux qui ont fait aimer l'école laïque, ce sont eux quâ, sans bruü nÎ! agitatio1J1, mais à fo11Ce d,e labeur et d,e coosoience, servent lie mieux la cause que nous aimons.
�CHAPITRE X
Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'école
l'école. 2. 3. -
Nécessité de compléter el de prolon ger l'actio n de · Situation actuelle de l'amure posl-sco laire. Rôle des instituteurs el des institutrices. 4. -...:. Les co urs d' adultes. 5. A utres amvres « conférences, lectures, coopératives scolaires, etc. 6. - D eux circulaires ministérielles : l O juillet 1895, 11 novembre 1896.
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1. Nécessité de compléter et de prolonger l'actfon de l'éc ole. - Pourquoii des œUNres « complémem.taiTes » d'e l'école ? Serait-c.e. que l'école primair.e publicroo, telle q ue la loi l'a faite chez nous, ne se suffit pa à ellè-mêm.e rt qu'el:le a besoin d 'être complétée? B.épond-·elle mal aux besoins généraux .et a·ux n écessités sociales qui furnnt, qui sont, ·qui seront · longtemps encŒ'8 la raison tprofonde de son in stitution ? La loi a décrété - nous citon les termes mêmes de• l 'art icle 4 de la loi du 28 mars 1882 - qu:e « l 'ins truction primaire ,est obligatoire pourr les enfants des deurx: se!X.-es 1 §.gés de s.ix a- s r évolus à t.reize ans révolus » ; ,et en m ême n temps ,e,lil,e a p()IUrvu, ou cru pourvoir à tü'US les, moyens d 'asSUT·et' le. r espect de oette disposition fondamentale. Nous disons : cru :POU Tvoir, paroe que la loi, pour d es raisons qu,'il serait intéressant mais oiseux de rec,h ercheir ici, s'est montrée ,en partie inopérante .et n'est qu'imparfai-tement appli1quée. Non ;pas que nüllls voulion , pour les besoins de la cause, pO'U.SSeT les choses trop au noir et prétendre que la fréqu,entation scolaire ou qu-e l'instroction obligatoire est un mythe. Ava,n cer une semblablle affirmation serait pé-
�cher contre la vérité , qu:i, pour triste qu•'elle soit encore,, n 'est pas si affligeante. Car la vé:r ité, c ·est qure. la très grande majorité des ,enfants fréquent.ent l'école, qu'ils la fréquientent avec une r égularité tout ar moins suffisain te, et u qu,'ils y acquièrent rnn,e bonne instruction primaire, : regardons d 'un peu près arutooc de nous et nous en serons vite convaincus, si nous ne le sommes pas déjà. Mais il est exact aussi que bon nombre d 'eni'anls, soit à la campagne, soit à 1a ville, ,e,t pour des mo tifs qu'il n 'est pas dans le cadre de cetle l eçon non plus d·étudier, n 'o,nt qiu 'une scolarité incomp lète ou écourrtoo e t qur'ils demeurent des d emiil1ettrés, sinon m ême Œ:)S illettrés comp lets, des « allililphabétiqu,es » (igno:rant l 'alphabet), comm e dit un vocable consacré. Les startistiqu,es r,égime,ntaires en font foi : il est des r égiments où J.'examen des conscrits (1) décèle une proportion dJ'ïlliettrés véri tablemoot déconcertan te, et sur. tout dowlo u-reuse. Plaçons-nou, dans l'hypothèse, la ploo favQl.l'ab le, et voyons oe q:u'il advient des écoliers qu'Ï , à doUJZe ou treize ans, quittent l'école après avoir obtenu le oertificat d 'études. Ce qu'on .en peUJt dire de pl'Us élorgierux, c ',est qu1 ls savent, 'i1 elon l 'ambition même des programmes, « ce qu 'il n 'est pas permis d 'ignorer » . C'est qiuielque, chosei assm·éme.n.t, c 'est m ême beaucoup , e,L il leur serait peuJt-être di.fficile, à le uT ,â ge, d 'en savoir dlavanta.ge. Mais cette mod est e provision inteUootu1lJe qUJ'ills ont am assée ll!Tle foi s [)IO>ill toutes, e combien ne la reno11veill eirtmt pas, combien la laisseront s'épujse1 ou dépérir l Les années d 'étu,de sont finies pour r em: ; voic i v,enir les années d 'apprenlüssagei, cel1e.s m;êrne où, déjà o uvri.er s ou petits employés, il _e,ron t jetés dans la vie r éelle, i différente souven t de l 'existence et du m ilieu scolaire. J.usqu,e ~ ,l 'école et la llamiUe orut travaiHé, cha·à ,l cune poUir sa part, à leur formation ; mais à partir de ce moment leur rôle s'affaihlit, celui d e l 'école cesse m êm e tout à fait : r ad'ole,soent luli. échappe, à l 'heoce où il! serait le plUL5 en m esuire, de profiter die son ,e1nseignemJent et cle son action, et où , hélas ! sa règle et ses leçons lUJi .Sietr'a ient le plus nécessaires. De ça de là, soit curiosité, roit passetemps, qu! elqu 'un de ces ado.lesœn ts rouvrira par infer va!Jes ses livres de classe oru· emiplruntera un· volumie à la
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(1) Article 1er de la loi du 29 juillet 1910 : « Chaqu e ann ée, les conscrits non pourvus d e diplômes ou certificats d 'instruction primaire ou seconda. re doivent, dès leur arrivée au corps, au jour i fixé par l'autorité militaire, subir un exam en destiné à cons ta ter leur degré d 'instruction. »
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bibliothèque scolaire, et, se rendant compte qu'il sait bien peu de cho e, trop peu de chose, essayer a d 'êllr<e à luim êm e son propre instituteUJt. Mais combien d!'a,UJJ;1ies ont à tout jamais déserté l "étude e,t les livres, comme èhoses " n, nuyeuses ou s uper.flues, bonnes pour des ,e nfants ou po11r ceux dont c'est le m étier que d 'étudier! Ma intenant qu'ils se croient hommes el quïls n ·aspirent qUJ'à fa~tie les homm es, tant d 'autr es am.bitions et d 'autreis désirs, tant . d 'autres travawx, tan t d 'autres distractions pl us encoœ, auront désormais lem'S préférences, que par b00ll10011p l'école en era aisém ent ou.biliée. C'est là justronent qu'est le gr and mal : en m êm e temps que l 'école, ils ouiblieront peu à peu bien deG ch oses qu 'ils y a vaient apprises. Pas to utes assurém ent,, pas au tan t même que se complaisent à le d ire certains; car la mém oire tient pour tourjorn·s en garde, rt d 'un e, prise olide, u n e qua ntité co.nsidéyable d es notions q,ui ont été étudiées et répétées peindlant six oUJ sept an[l.ées consécutives . Il n 'empêche cependant que le diéchet era considérablei qua nd le jeune homme arriviera à ,l',i'ge adulte Il n 'empêeh e . urtoUJt quie bien des notions q ui eu ent été inaccessibles à l'enfant, mais q,ue l 'adJol,escen t poUJITait san s peine. sérieuse s'assimiler , lui m anqueront, malgré l 'utilité pratique ou fo rm atri,ce qu 'elles présentent. On ne peut guère,, par cxemp'le, entrnprendre avec u,n peu de sûreté l'éducation civique ou socia,l e d,e l'enfant; on le pourrrait dava ntag,e quand il atteint l',1ge de l 'adoJ.escencc, mai à ce m oment· sa êrola rité e, L fini e et cette form atîon ,i importante lui e. t refuis$e. Et com bien d 'autres r enseig nrmtents util,es lui restent de m êm:e interdits, paroe qu'il a cessé complètem ent d 'êt,r,e écoli er ! Ion seulement des enseigneme.nts générau.,x qui, mis au point et a&.,OI\Jlflili . eu sent avoc succès acoru et F ortifi é ~on savoir élém entaire : un peu d 'hi stoire cont.emporaine:, un peu, de géo,,o-raiphi P économiqiu1 un peu de calcul usuel, un peu d 'orthographe e, et die rédactio n , etc., rnJa,is des en eign.em ent.s de caractère pllll:S n ettement IJ)fatique et profes ionnel , variables suivant les mili euoc, eJt qn.iii l'eu ssent a idé à mieux r éussir dans son m.§1.ier , à mioox le com:p:rendrei, ài s'y intéresser dav:antage . Cet lâge où l'enfant dit adieu à l 'éoole est celui où il serait ],e plus e,n état d'a,ppre, dre ,et <l'e commenCler des études n suhstanti.e1 es; e,t o'est malheureusement l 'iâge où , la plu H pa,rt du Uemrps, il renonce d'u.ne manière définitive à toute étude, pour son propre , réjudioe et poo·r lei ]Yr'é;iudice de p tous. Nous venons ·a e ,p arleir des m eilleurs élèves de l'école pri -
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maire , de ceux qUJ'elle a conduits au certificat â 'études. .Mais ,les autre , en maints endroits les plus nombreux, dont la scolaTité ce se avant d 'avoir atteint ce but, e t qui n e dépassent pa 1 niveau: d 'u.n cou,rs moyen abai é ? 11 €1 en est n1èm e, nous en connaissons ou en avons tous connu, q;u!i ne vont pas au delà du cours élémentaire. Que d evienn ent ceux-là par la suite ? Que devient lem· maigre. savoir, let qw'oo. suhsistlef- tJ..il ,quand ii.ls (PUviennent à I'1 âg,e d 'homme ? Dans quelle nuit s'éteint lew vie int l'l!)ctuelle ? Ce préjudice que nous signalons et que nous déip1lorons s 'étend à la formation morale. Si mo deste qu'on jugie su,r ce L errain l ',œuvre de l'école, si contrariée que soit on influence par toutes celles qu'à SQ!Il .e,sciJelnit ou, à son insu l'enfant recherche ou subit, il n 'en r este pas m oins vra i qu.e ! 'école exercei sur ses élèves, grands e t petit , une action bienfaisante, que nul ne songe à nier et qui est en ,effet indéniabile. N''en exagérons point l 'e[ficacité ni la profondeur, mais ne la déprécions pas non plus et dédaig no·n s-la. mo ins encor e : elle est ré.elle ,et ne lais1'e pas d 'être durabl e. Pui s brusquem ent une .coupure e produit : l 'enfant se sépare de l'éc-Oile, l'écol e abandonne l 'cnGève, eL l ïnfluence heureuse qu1'eille exerrçai t sur lui cess.e d éso1111ais d 'agir. D'aut r.es la rem,plaœ nt ; qui ne sont r a toujours excellentes ni to,uoours louahle.s, OIIl Le S0JÎlt de resle, et dont l'attrait pervers ou sournois peu.t légitimer par m om ents le plu graves inquiétudes. D:e l'école au régiment, s'étend une période dangere,use pour l 'adofoscen t.. Sa raison , mal affermie encore, on expérience insuffisante, sa volonté il)certaine le défendent mal , à cet 1 âge critique, conlre toutes orles de u:ggeslions et d 'ent.raînem e,n ts . Et si nul secours ne lui vient du dehors, s'il ne trouve nu·ne par r dans la société! un ferme soUJtj en , q:u.'adviendrn -t-il de lui ? Question redoutable, à laquelle la cbronique jucliciai,rie ne fournit que trop souvent une douloureuse ré-· pome ;· les délinqua nts qiu<i comparaissent deva-nt les tribunauoc correctionne,ls n'ont pas tpujouirS attieint 1'1 1,ge d 'homme, c,e sont trop fi,équemment des jeunes gens de dix-sept ou dix-huit ans , quelquefois m oins encorre. Serai,e ntils toujours ce qu 'ils sont s'ils avaient été dirigés et soutenu , s'ils avai ent e.u autour d 'ewx: des guides ave1 s tt 'ti pll'U.dents ? La famill e peut-êtr,e ,l eur a fait défaut ; ou e.lle a manqiuéî à ses devoir~ ; our bien - ncore elle a été impuise sante à ,p ré.venir ,le mal. Ce 1 "Ôle capital de la fami.]] e,·<!ans la tutelle moral e de l'adollesoence non m.oins que de l'enfan ce, q,wi n'en voit, qui n'e,n comprend toute l 'éte,n due et
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la portée, ? La famille, quand elle est fidèle à sa m1ss10n, c'est la grande instillU.ticm de saiJut soôal. Mais si eùle ~ dérobe à ses devoirs, qui pouirra la 5U!ppléer au moins en partie dans cette lamentable carence? Et à sup,poser même qu'elle comprenne son devoir, veuille l'accomplir et s'en acqu,itle de son mieux, ipeuit-elle se faire l'éducatrice -et l'instituLTice de l 'adolesœnt plus qu'elle ne le fut pour l'ènfant lui-même? Ne peut-on su;ppœer plutôt que des institutions, que dres groupements de bonnes volontés Pe présenteront à eil!le pour agir à ses côtés comme auoci1fuires, l pour prendre en c.harg,e avec elle ceb office d 'éducation et de sauvegarde dont eHe ne pe,ut seule assurne:r le poids? Il semble bien què nous en ayons dit assez jusqu 'à présent pour fa.ire comprendre en quoi et ,pourquoi l 'école priniaire a be oin d 'être complétée, et de qrnelle importance sociale peuvent être ces i::euvres complémentaires de l'-école. Que~Les ,e lles , sont, quell.eis eilles doivent être, c 'est la quiestion à laquelle tout à l'heure nous essayernns de répondre; nous ne voulions d 'abord qu'en marqueir la nécessité, ,oo esquisser en linéaments rapides i e 1 l rôle général. li aipparaît donc infiniment souhaita,ble que, par delà l'école, tout un réseau d'iryfluence.s préservatrices puiisse envelopper le jeune homme ,eit c001tinuer .pl us ou moin l 'œu,vre saluta ire commencée ij)élr 1'école. Ecole prolongée, lendemain de l'éeoile ... : peu im,portent les noms qu'on lui donn&ait ou qu'on lui a donnés, fussent-i.J,s même dépourvus de toute étiquette soolaire. Ces œuvres complémentaires de l'école trouveraient partou:b du· bien à faire ou à créer, elles trou;vernient partout une action éducatrice à entreprendire sur la masse des adolesçents et des jeunrs gens. Aussi bien ces ,::euvnes existent depuis longt·eml))s déjà; et pour s'êlre, semhle-t-il , plus ou moins assorurpie, lem action n 'a pas coosé, de se faire . entir néanmoins Pt n'attend que 11"heuœ d'un vivant réveil.
2. Situation actuelle de l'œuvre post-scolairei. Ce n ·est pas dl'aujourd 'hui ni d 'hier, en effet, qrue la. nécessité en :i sl.llrgi à tous J,es yeuoc ; e·t sans vouloir faire dans ces page5 l'historique même très raccourci des Œuvres post-scolaire., · nous raipipeHerons pourtant que la Convention déjà avait
(1) " L es ins tituteurs, avait-elle décrété, seront char gés de faire aux citoyens de tout â'g'e, de l'un e t l'a'utre sexr, des lectures et d es instructions une fois par semaine. 11
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résolu de les instituer dans chaque commune (1), que Guizot avait donné aux cours d 'adultes une impulsion puissante, que vingt ou tr.entie ans après lui Duruy avait travaillé à urne i:::eUNre semibdaMe, q'lle dep• u.is lors les coursd 'adultes n 'ont jamairs cessé de fonctionner en France sous doo forlllles diverses, et que, dans les huit ou dix dernières années du dix-neuvième siècle, soU6 l 'influe,n ce en particulier de la Ligue de l'Enseignement, un grand mouvement se· produisit en faveur des œ uvres coni,plérnentaires de l'école_ . Cours d 'ad'l11tes, conférences populaires, ass-ociations amie cal• s d 'anciens elèves (les petite A, comme on disait), mutualités scnlaires (res petites Cavé,), patronages, etc., etc., se créèrent alocs de tous côtés en quelqll1€s années; ce fut comme une grande pcm,ssée d 'enthousiasme en' faveur du lendemain de l'école et un riche épanoUiisseiment d'rnuVTes multiples. Puis cet enthousiasme eut J.e ort de beaucoup d'a.utr,es en France; le mouveim,e,nt se ralentit par degrés e t Ja flamme des jou:rs de foi sembJa s'éteindre. Mais jamais ce généreux mou:vement ne s'arrêta tout à fait, jamais l'Etat ni l'initiative privée ne cessèrent- d 'y .contribuer, jamais le personnel des in tituteurs ne lui retira ni ne lui marchanda s001 ap,p1ui. L'écoJe 'primaire n 'a pas cesssé d'avoir un lendemain. ]\fais c.ei lendemain, tel qru,e nous le voyow o us nos yeux, n 'est qu'une in titution insuffisante et précaire. ~i tooo les adoJ.escents qu'iJ s'agi,rait d'atteindre n'y sont englobés - on en est 1-0!in - , ni toutes les Œ1 u,v1,es nécessaires n',erxistent et ne fonctio,nnent., ni toutes les ressources financières et autres qu'il y faudrait ne lui sont acquises_ Ce qui s.e fait n 'est que la moindre part de toUJt ce qu'il faudrait faire, et qui est immense. Un in spect~ur général de l'instruction publique, M. Maurice Ro,ge,r, chargé justement des œ·u,vres complémentaires de l 'école, l,e disait à la fin de l'année 1924 dans son raipip0,1t au minisitre : « Comment ne pas épToUJVer une v.éritable t, istess,e, une, vér ritable inquiétude, en vo, ant se prollonge.T un régime qui y laisse sans instJruction, au delà de treize ans, quand c,e n 'est pas plus tôt, des adolescents par centaines de milliers ?... Que représente le chiffre de ces auditeurs [il s'agit jes 300.000 audit.ems des coUJ1·s post-scoJ.aires de toute nature] dans, l 'ensernble de la ipopul-ation ? Ce qJU,'apprennent ces privilégiés, en tœnte ou quaralllte heiu<res, embrasse-t-il le programme indi :pensable, même réduit à ses limites les pluis étiroites ? Et que fait-on pour instruire non plu les
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adolescenLs, mais les adulbes, pou,r les éclairer sur le sens de la vie nationale, pouir Jes rendre capables de se diriger dans les wnflits de l 'heure aotueLLe? ... »(1). C'est tout le problème de la ,p ost-école qui est ainsi posé en qu:elq;ue.s lignes. Ce problème ,e st coonipl€1Xe, il est gra,•e, ~I est pénible à nos pensées et à nos <::onscience . ~is nulle illusion n 'est .p ermise : il ne pourra se résoudre que par l'éneTgiq,ue eL en mêrne temips coûteuse intervention de l 'Etat. Il ne ,p ourra se ,résoudre que si l'enseignement postscolaire reçoit une organisation, officielle aussi complète, . aussi netLement airrêLée quie l 'enseignem'E'nt primaire luimème et qui COll1l,p orteraiL en premier lieU1 l 'oiblligation. rous n 'en sorrunes ,pias là ; à teUe enseigne que, l'obligat.ion légale, ponr les seuls enfants de six à treize ans, n'est encore, après un demi-siècle, ni e ntièrement dans les mi~urs, ni entièr emrent dan les fait : on ne J.e sait crue tro p. L'obligation post-scola irn, i elle est un jour d écrétée, donc ccm naître un sort pareil ? A si bien la devrait-elile _ queslion eist µré.mat urée ou S'Uperfl oo; ell e ne e pose pas en core, ne se. pœera pas de sitôt, redourton -le. Et pourtant, à n 'en ,p as douter,, d es jours viendront où eHe dev.ra · être abordée e t résolue. Un temps n e pourra pa ne pas naître où ! 'éducation des adolescents apparaîtra comme un devoir impérie ux pour la collectivité, et où celte organisation officielle et totale que n ou souhaitons pour ,elle sera la réalité to11rt,e, p<rochaine. En pleine guerre (1917), un projet d'en<-emble avait été élaboré et mis sur pied ,par J.e ministre de 1'instruotion piu.bliquJe: (2). Des néœs5it'é.s imti:ona~es p lus urgentes le firent abandonner avant touille discussion préliminaire, et en différèrent pour de nombreuses années la réaili a tion. fais l ' idée dememe e,t nous n'avons pas oessé d 'entendTe tour à Lour soit les rapporteurs du budget de l"instructi.on puhliqUJe, soit les mi.lllÎ.stre.s e uoc-mlêmle6 proclamer ,en m ainte circonstan ce, tantôt dans quelque congrès, tantôt à l'a tribune dru Parlement, que 'l'obHgation et l'OII'g,anisatio n de J',ense.ignem.ent post-scola:i:re .étaient uin de6 articles du proigramme r épublicain et un devoir démocratique à ne pas ,pierdre de vue. Mais en attendant ces jo ur qu'on a trop d e raisons de craindne - ncore éloign é , e t parce que l'Etat ne fait ou ne e
(1 ) J ournal Offi.ciel , 6 oc tobr e 1925, p. 672. (2) Il prévoya it en particuli<'r une rédu ction dPS h eur<'s d<' la classe du jour, a fln qu<' l es instituteu rs eussen t du L<'mps à co nsacrer aux a dole Cc n ts, apprcn ti s. c Le.
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peut faire ri,e n del trge et de décisif - qU{·.1qu,es œntaines de milla franos se J·l ement figment à son budget pou'.· les cours cl'adulte\5, - faut-il laisser y. :,:, irement. a!ier les choses sans tenter quoi que, ce soit, fa.llft-il s'enfermer dans l 'indifférence et l'inertie? En dehors de l 'action de l'Etat, mais en tout cas sous sa tutelle et avec son appui tacite ou avec son éncourage,ment toujours, l 'ini1 tiative privée agit sur mille points du ten-itoire, sou:vent avec persévérance et avec suce.ès. Nombreuoc sont les conseils municipaux qui subventionnent les cours d 'aduù.te,s et les 1:ruvres post-s.co1.aires ; nombreuses ,sont les soc.iétoés et ligues die tou'te sorte qui suscitent, soutiennent et organisent ces mêmes 1 :euvreè, sous des formes très vari~ et parfois avec une solli·.CÏtu<le ingénieuse. Tantôt elles fondent des paitronages, tantôt elles encomagent et enrichissent des bibliothèques, tantôt elles fournissent a uàJC. soirées populairns des confér-enciers bén&voles, tantôt ,et fréquemment elles créent des cour d 'ensei,gnernent professionnel, etc. ; de mille manière5 enfin elles agissent et 15'efforcent de rayonner. Mais J.es plus nombreux et très oertainement aussi les plll!S sûrs ouvriers de c.ette tâche extra-scolaire, ce sont encore Jes instituLeurs eux-même. Ce ont ernx. surtout, instituteurs e,t institutrice , qui dirigent des cours de perfectionnement, qui président à la naissance de amicales d 'anciens élèves, qui organisent des conférence>s e t des éances récréatives, qui assurent le fonctionnement et la prospérité des bibliothèques, qiu,j ipropagent la mutualité scolaire ; et quoi encore ? Ils sont ainsi plusieurs dizaines de mille qui, moyen- · nant de modiques aHocations communales, qu,and ce n 'est pas mème à titœ gracieux, mette}1t au service du « lendemain de l'école » un peu de leurs forces et de leur activité, un peu de leurs aprtitu:des et dP leur bon vouJoir siI11Cère. Sans leU1· concours, que .pou:rrai.t-on dans les milieux ru~ raux, et dans la plupart des centres u:rbains? Même dans les grandes villes, où il semble pourtant qu,e l'on puisse avec facilité, parmi Jes membres des « Aides maternielil.es » ou des « Amis d.e l 'école >> ou des « Foyers universitair,es » ou des « Associations philotoohniques » ou aes sociétés similaires, recruter des bonnes vo1ontés agissantes et oom.pétentes pour les œuvres complémentaires de l'ooole, même là, fo conc:ours des instituteurs et des institurtriceis ne laisse pas d'être comme ailleiuJrs indispensab1e. Et c'est aux instituteurs encore qoo l'on s'adresse presque toUJjours, dans plu d'une ville de garnison, - sinon: à qui s'adresseT? - quand i1 s'agit â'institu:er des cours dur soir pour
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l,es soldats illettrés ou demi-illettrés : et Dieiu sait ou les statistiques révèlent, combien, hélas l le nombre en e t grand paT endroits, et quelle ingrate et duœ bffiC>gne c'est souvent qu,e d 'apprendTe à lire à des analipihabétiques de vingt ans.
3. Rôle des instituteurs et des institutrices. ~ Eh l quoi, répüquera-t-on, encore 1'00 inst,itute:urs e,t les institutrice , toujours eux! C'est à croire, comme a dit quelqu'un , que ipQIU1' eux les jours ont 48 bewres et il ne le.UJr est besoin ni de détente ni de repos; c'est à croire qiu 'ils peuvent prêter main-forte à tout, suffire à tout, ,et qu 'il n 'est pas de tâche sociale dont iJs soient dispensés de se faire les artisans. Tant ,et si bien q;ue la classe du jour finirait presque par leur devenir besogne acce oire et econdaire. Et quels dédommagements leur offre-t-on en retour ? par qui et comment seront rémunérées ces besognes surérogatoires qiu,'on iest unanime à vouloir leur coofier ? Ou se flatte-t-on, alors que partout autour d'eux é'est la course éperdue à l'argent et aux bénéfices et c 'est la vie chère,, qu'ils donneront gratuitement leur temps et lem labeur ? Premièremoot vivre, ensuite pédagogiser. Ils sont hOIJllmes. eux aussi. Convenons· que de telles oh!jection sont très forte et que ceux qUJÎ parlent ainsi allèguent de solides ,e t justes raisons; que leur répoodre, en v,érité, q,UJand ils arguent de l'impossibilité oµ il sont de se disp,ersei· sur tant de Mches proclamées toutes urgentes ,et pressantes, quand ils arguent qure la bonne volonM et les forces - et le temps - ont des limites, et que peut-être on a tendance à paraître parfois les estimer taiHables et corv.éabLes à mel'Ci, sans songe.r assez que toute pieine mérite salaire ? Oui, ces -raisons sont sérieuses, elles sont vraies, e.t -tout de même elles ne parviennent pas à nO'll& convaincre. Ecartons d'abord un premi,er et redoutable malentendu. On répète de divers côtés que Les générations présentes d 'instituteurs ne sont plus telles que jadis, qu 'oo les voit bien plus ~igeantes leu•'S droits et plus attentives à leu r dù, f moins ouvertes ou moins doci,les aux suggestions et auoc ap·pels d'en hauit, et qu'elJ.es ont perdu la foi , qui donne à , 1 ,s -croyants l'allure de dupes OUI d'attardés : les temps sont durs aux chevaliers de 1'idéal, ,en u,n siècle où il semhle que l'argent soit le dieu suprême. Et oe dieu , les maîtres die l'enfance lui rendent, eux aussi , à leur manière et ~elon 1eur pouvoir, le culte dont il n'est personne qui ne soit au-
sur
�-175jourd 'hui le fervent. Il n 'est donc adjuxation ni admonitiqn qui tienne : ils veulent tirer de. leurs peines un pro/it matérieli, e,t c'est pourquoi D'on ne peut plus comme autrefois compter sur eux pour les tâches désintéressées ; donna.nt donnant, telfo .est· leur mJ8.xime nouvelle, qui est l 'uverselle maxime. Nous confessons· n 'en être pas si persuadé ni si convaincu que cela. Il est de tout temps, et surtout aux époques un peu inqJUiètes ou difficiles, qu'on crie à l'abomination de la désolation, et que les anciens soient pleins d 'éloges et de r,egrèts pour « autrefois », cet autrefois où, formant la génération montante, ils étaient avides d 'action, pleins de longs espoirs et de vastes pensées, et confiants dans l 'a-renir comme on l'est à vingt ans . Les choses, les idées, les hommes, et les instituteurs mêmes, sont à présent autres que jadis ; mais qu,i dit autres ne dit pas immanquablement inférieurs. Il se peut, comme on le .p rétend, que beaucoup d 'instituteurs, parmi l.es' jeunes au moins, aient apparemment rompu en visière à bien des idées traditionnelles, et qu'ils aient, comme tout le monde, d 'auitres ambitions et d'au-trf6 rêves. Mais c 'est peut-être faute de pénéLrer assez dan leurs raisons que nous sommes mJ8.lhabiles à les comprendre, et twp vite poTtés à l,es juger avec un peu d'acrimonie; cc les hostiles ont surtout des différents ,, . Certes oui, notre époque est celle de la lutte pour la vie et , pour la riches e ou le luc1,e. ; certes 6ui, il semble, bien que 'plus d 'un jeune maître serait asse- disposé à n 'en prendre z q,u '- son aise avec les exigenoes gênantes du devoir profesà s ionnel ; qil]'il se préoccupe d 'abord, en présence d 'une Mche non obligatoire, de savoir combien elle lui rapp01tera ; qu 'on le dirait plus enclin à redouter l'e,ffoct et le trnva.il qu'à ne pa,s m énager sa peine et à se dépenser avec zèle ; que le mot de devoir n 'a plus dans son âme les mêmes échos p'l'Ofond et souverains.et cru 'i.l ne se répète plus assez viriJeme,nt ce mot à lui-mêm~; que si bien haut, voire à l 'occcasion brnyamment, il se .targue d'être ardent démocrate et croisé du progrès, il oublie cette toute siffi!Ple, mais laborieuse et sévère vérité, q,ue le meiJ.leur moyen ;POOC lui de servir avec certitude et avec fruit la démocratie et le prngrès, c'est de bien instruire les enfants, de garnir ahondamnent leur ,es.prit et d'éveiller lenl!l" i1 nteHigience, afin qu'elle ne demeure fermée à aucune. vérité . Ou~. à considérer les agissements de plus d'un maitre, nous avons parfois d e ces craintes et nous n 'en vollllons pas ic i faire mys~re. Ma is il nous semble bien aussi qu'en définitive il y ait là
�plus d 'apparences que de réal.ité; que nous sommes, dans de6 appréciat,ions ainsi sévères, plus arrêtés par des exceptions insolites, tapageuses ou choquiantes qu'attentifs à 'la pratique générale ; et que, pai,ce qu 'ic.i ou là un institu~eur ~ ou un petit groupe d 'instituteurs au:ront r ei'usé, avec m ême une, ostentation d 'assez mauvais goût, de travailler à une œ uvre post-scolaire, nous n 'avons peut-être pas le droit d 'en conclure sans pl,us ample informé que les hautes quafüés de conscience, d,e prnbité et de travail par lesquelles le corps des instituteurs avait canquis la confiance des pouvoirs publics et l 'opinion pubhque sont chez lui en décTOissance. L 'esprit général, la m.entalité gén érale, ~i l 'on .pouvait ,em ployer ce terme, s'est modifiée de faço n sensihle; · chacun aujorurd 'hui est plu ,âpre au gain. agi t davantage en homme d 'affaire , suppu te en LO'llltes choses l'e profit : voudrait-on, se.r ait-il possible que le personntil des maîtres échaw;ât si complètement à Ja réia.:Uté ambiante qu 'il vécût èncore sur les seules idées du passé, et qu il m• fùt pas pénétré ploo ou . moins de l'air, m ême un pe u lour d, des tem ps nouveaux ? En dépit donc des on-dit téméraires et de certaines cam ]Jlll.gnes outranf ièr es et mala droites, nous continuon s de croire autant que jamais qu 'on peut s',en remettre aux instituteurs du soin d 'être, pom Ul,),e très large part, les· bons O'UIV'.riers de l'éducation post-scolaire. S'ils sont VTaiment les • serviteur fid èles et convaincus qu 'ils prétendent être de la démocratie et de la classe ouvrière, ils savent bien , sans · qu'on ait à le leur dire oo. r épéter , que cette c.las.se ne peut s 'éleve,r que si elle commence par s 'im,truire, par se hausser à la vie de la, .pensée. Or qui lui prêt era l 'aide nécessaire, qui la conduira d'un pas assuré dailS' cet effort d 'ascension , 5inon eux ? A qui pourr a-t-on recoiurir, sinon aux ma1tres m êmes de 1'enfance,, qui se,mblent à Lou:-, et nmi à tort, na turellemm t désign~ pourr cet o,ffioe ? Qu 'on les encourage, qu'on les r étribue comme, il convient, qu ·on l P11r facilite la t- che e,t que la loi s'y emptl<Yie, rien cl e à mieux et ce n 'est que justice stricte. Mais en attendant l?s e jours espérés où l 'Etat pourra faire pour l 'éco1e prolono,S ce qu'il fait poor l'école tol\.lrt court, il faut bi,e,n compt,er ;:ur les instituteurs pourr organiser e<t: pour faire viv1,e. av13c l 'E1ppni des autorités et des ~ ci-étés loca1e.s, e t dans les meilleures ou ~s rooins mauvaises conditions qui soient. tout ce qu'en too te bonne foi il est possible de faire. Selon ie communes, selon l'état d,e dispersion ou de groupe,me.nt des habitations, selon le milieux, selon T r égions. les es
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choses seront différ,entes : un ooms d 'adu:ltes (d 'adolesœnts plutôt), bien fréquenté dans t.elle communie, ser:i peut-ètre très difficile à établir ailleurs pour des raisons de toute sorte; des réunions périodiques d 'anciennes élèves par l,em in ti.tutrie,e réussiront ici bien mieux que là ; unE' bibliothèque ou une coopérative scolaires auraioot peutètre grand .succès dans une localité et moins dans une autre; etc.. A chacun d 'étudier le milieu, de voir ce qu ïl peut faire ou tente,r, en toute sincérité et en toute conscience. Car de se dire d 'avanc.e, et sans doute c.omme excuse : « A quo,i bo:o,? » ou : cc Il n·y a rien à faire ;1, c'est se libérer à trop bon compte d 'un devoir moins accomm odant. Croit-on, au surplus, qu'une telle action ne. soit pas propre à rallier à l 'école des sympathi es? e t non seulement · à l'école, mais d 'abord à la personne même, de ] 'instituteur ? Il n ·a rien à pe;rdrn e,t il a tout à gagner à se montrer labot"Ï e,ux, à passer pour un homm e qui .ne r ecule pas devant le travail utile aux autres; et i, miellL.x en core, il e t 1·éputé homm e plutôt. désintére é, quci n e cède pas à la tenta tion commune de tirer argent de tout e t de ne ri.en faire sans profit personnel certain. I)e< sera-ce pas chose h eureu e et bi enfaisante ? Dans un e circulai~·e du i3 octobre 1924 au:x: Inspecteurs d 'académie., et, relative aux •:euvres coll1lplém.enlaires de l 'école, le. Mini t11e faisait appel tout à la fois et faisait confiance au per onnel des institu.le4rs; et voiici ce qu 'iJ éc nvait aux , chefo dépa rtemen taux du service : << .. . Je, vous prie d ïnvit,er ,M .M. les inspeoL eurs prima ire · à consacrer , dans chaque conliérence (pédagogique), quelqu es instants à la question des ,œuvre complémentaires d,e l 'école .
« En attendant que la loi, coordonnant les initiatives particulières, organi,se un réseau d 'in titutions. qui complè te et pro longe ! 'ac tion d e ! 'école, il es! n écessaire que nos insliturteurs et nos im:titu• Lrices fa !'.ent tous leurs effort pour qu~ leurs élèves n e soient pa entièrem ent livrés à eux-mêmes en dehors de he11.n-es de cla e, powr que leurs anciens élèves ne soioot pas enlièirememt livrés à ellxmèmes durani la période qui sépare l'école. du r égim ent. , Il y va du succès défin itif de. leur action éducatrice ; leur· influenc~ n e tarderait pas 'à être neu,t,raJisée si, le jeudi et le dimand1e, pendant les congés et les vacances, leur _ propres élèves étaient confiés à d 'aur tres ou i l'éd'U éàtion de· leurs' anciens élèves était, de treize à vingt ans, repri e piar d'autres. JI importe donc que lelJl' concours soit acquis à
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�-178.toutes les œuvres quJi ont oo.Lrepris de continuer et de par- . faire. l 'éducation donnée à l'école en s ïn.s.pirant des principes rationnels dont s'inspire l 'école elle-même. « J.e sais que bon nombJ e d'entre eux donnent depuis , longtemps à ces œuvres tous leurs loisirs et tou,t lem dévoutll'lent. Je souhaite que ce nombre s'accroisse, et qu 'au.ou,ne défaillance ne se produise. A l 'heure où le Gouvernement de la République est décidé à aller j'llsqu'à l'extrême limite de ses i·essources financières pom améliorer leur sort, toœ les instituteurs et institutrices voudront aller jusqu'à la limite de leurs forces pOiU1f lbrtifier, dans l'esprit de leurs élèves e t anciens .élèves, l'instru-ction et l 'éducation rlonnées à l 'école. <C Ce qui fait la noblesse de l 'éduca:teur, c'est qu'il se .donne tout entier à ses élèves; c'est que, sans peserr en des .balances trop suhtiles oe qu'iil. lewr doit et oe qu-'on lui doit, il se dépense pour etU sans comipter; c 'est qu'il n 'est pas un .distributeur automatique de connaissances et d e recettes, mais un apôtre du travail, de la vérité, de la liberté e t de la justice. <C Voilà oe qiu.e je vous demande de dire aux instituteurs et aux institutrices, .sûr qwe vou trouverez un écho • .dans lem O'.l':·ur. Il ne s'agit pas de le ur adresser une circulaire : la parole vivante agit pJ,us que la lettre morte. Inspirez-vous de mes intentions pour commu1niq:uer à MM. les inspecteurs primaires l1'ardeiUJr avec ·laquelle ils devront faire appel au dévouement de leurs collaboraterurs. Et. le . plus souven t qu'il· vous sera possible, allez vous-même dans ],es conférences pom' lewr adresser cet appel ». Répète qui voudra que, même institwteur, on vit d e bonne soupe et non de beau langage, et qu1e le moindt'e grain de mil forait bien mieux l 'affaire; sourie quii voudra de ce fier appel aux maîtres et n'y voje qu:'ulll cliché de plus après tant d'autres du m:ême ton; nouJS défions bien oeux qui ont, commie dit le proverbe populaire, du o:e.ur au ventre, de ne .p as réfpé,ter avec le ministre : « Ce qui1fait 1a noblesse de l'éducateur >> - ou alors, au lieur d'un éducateur, il n'est qu'un m6fcenaire qui vtend de l 'instruction , -comme d 'autres des étoffes oUJ des épices, - « c'est qu 'il ·se donne t:out entier à .ses éilèves; c 'est que, sans .peser en des balianœs trop subtiles ce qu'il lelN' doit et ce qUJ'on lui doit, il se déipense pour eux sans compter; c'est. qu'il n'est pas un distributeur aJUJtomatique de connill.Îssanœs et de recettes, mais un apôtrte du travail, de la vérité, die la li~rté et de la justioe. » Et puis enfin ce que d'a1 rnlïœs, dans un
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camp qui n 'est pai le nôtre toujoU!I'S, font pour I,e triompl_,..es de « la bonne cause », pa.1· Leurs iœuvres de « pel'S0vé-· rance » ou dans leurs patr001.ages, est-œ qœ nous ne pouvons pas, est-ce qoo nous ne de-vons pas le faiTe aussi bi,ein. . · qu'euoc, et po1lX une bonne et belle cause, nous aiussi ? 4. ues cours d'adultes. - Très nombreuses et très diverses, nous l 'avons indiqué déjà, sont les œ uvres qm se juxtaposent et s 'allient à l'école pC>ll4' en fortifier l'action ou pour la prolonger. Les UTues sont plutôt des a·uxiliaires· de la classe du jour , telle , par exemple, les caisses des· écoles, les cantine,s scolaires, les coopératives scolaires. Les auLre sont plus pJ'O,prement au semoe du lendemain de l'école ou mème, à vrai dire, constituent à elles seules. ce « lendemain » :· couirs d 'adultes, conférences pop,ulai,r , a sociations d 'ancien élèv- s, etc. Les autres sont e des auxiliaires Lout ensemble de l 'école .d u jour et de 111 post-école : telles sornt les bihliothèques. Nous passerons en r evu:e quelques-unes de ces i:e.uvres, mais sans entrer à propos de chacune d'elles dans des dévelappements que Je manque de place notIB interdit, et surtout sans nous flatter ni même sans avoir dessein d'en omettre aucune. n en e t, dUJ œste, pour lesquelles il nous sulfllra de renvoyer purement et simplement au couTs d'administration scolaire ; sur les caisses des écoles ou sur les bibliothèqnesscolaires, on t:l'ouvera, là toot 1'e.s,entiel de ce qu 'il faut savoir. A tout seigneur, tout honneur : nous commencerons donc pa,r le cours d 'adultes, qllli sont l'institution la plus· ancienne et sont resté l 'une d,es plus en faveur, une de celles qui ont eu et peuvj:)nt avoir encore les r-ésultats les pl'UJs assurés. Leur - xiste.n ce e t prévue par la loi orgae nique, du, 3o octobre, 1886 qui s 'exprime ainsi en son 1rticle 8 : « Il peut être créé des classes pour adultes et apprfflltis ayant satisfai.t aux obligations de la loi du 28 mars 1882 (c'est-à-dire ayant dépassé, l'lâ,ge de la scolarité obligatoire). Il ne peut être J·eçu dans oes classes d'élèves des deux sexes. n Et le d!écret organiq,u e du 18 jan vier 1887 comp,lète ainsi lies dispositions ré,glem,enta ires rela tives aux cours d 'ad'Ulltes et dl'aprprentis : « ART . 98. Les cour d 'adultes et d'a,pprentis sont créés par le Préfet, à la d emande, du Cop-seil municipal -e l: sur l'avis de l 'Inspeèteur d'académie. ART. 99. Dans les clas es d 'adultes · oui d'apprenti;;, l 'en,:eignt>m ent ])€Ut porter sur le~ matières de l'instruc-
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.Lion éléme ntaire et swpérieure, telles qu ',elles sont fixées par les lois eit règlem ents, ou comp r,e ndre des cours théoriques et pr atiques spécialement aJ)Jpropriés aux besoins de la région. ART. 100. - Ne peU'vent être a dmis à suivre les clàsses d'adultes que les enfants àgés d 'au mo ins tœize ans. ART. 101 - Les classes d 'adultes ou d 'ap prentis sont sou m ises aJx mêm es inspections quie les écoles primaires. ART. 102 . Les cours d 'adultes ,p euvent comprendre d-es classes des!Jinées aux iUeiLtrés,. des oours spéciaux pour les jeunes gens qui désirent compléter l<eur ins truction, d,es conf&ence.s et des lectures communes à tous. Il pourra être établi d eux ou plusieurs sections distinctes, suivant l 'iàge ,et le d egré d ïnstrœ tion des élève . ART. 103. - Aucun instit u,t,eur p ublic ne peut être contraint de diriger ces oours d 'adultes. Les cours et conférences Jl:<mvent être confiés à toute personne qui en liera la demande, sur la proposition du maire, approu vée par le Préfet , après avis de l'inspecteur d'académ~e. Le programmie de oes cours et confélre,noes sera soumis à 1'in sp€clieur d 'académie en mêm e temps que la d ema ,ùde.. ART . 10Li . La subventio,n de 1'EtaL ne peut être acco rd ée aux oours d 'adulLes ou d 'apprentis que si la commun e se charge des dépenses de chauffage et d '·éclairage. Cette subv~ntion, allou ée sur la propo,sjti< . du Préfet, n e dépas;m sera pas la m oitié des fra is qu'entraînent ces cours. Des subventions de l 'Etat, ainsi que des concession s de Jivres et d e matétriel d 'enseignemen,t po ur:ront être 'l,1l ouée,s aux associations d 'enseig nem en t créées en vue d 'organi er des oours d 'adultes o'lll d 'apprentis. ART. 105. - Lorsque la commune prend à sa charge les f.rais des cours, les ooncütions de r émunératio n sont fixées d e gré à g.ré entre la comm une. et le directeur du cours d 'adultes, >> Ajoutons, pour m émoire, que l 'a,Frêté du 2 7 février 191 8 dispose qu '« il sm-a · déoeim é chaque année des prix et des récompenses a.uix ins Liitu teurs ,et instit utrices publics qui au r.o nt participé a:vec l'e plus de !lMe e;t de succès à l'inst ruction des adolescen ts' et des adultes, ainsi qu'aux i::euvTes CoonJplém entaires de l'école. Ces iI),Tix et r écom penses consistenJ; en : Palm es d 'olffic,i:er d e ]'Instruction publique; Palm es d'olffici-er d 'académie ; Prix de 1 oo francs ;
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Prix de 5o francs ; Prix de 25 francs; Lettres de félicita.Lions. li convienL de dire ,encore que la loi du 2 août 191 8 sur l 'organisation de r enseignement pto.fe ionnel public J.e ! 'agriculture règle q,ue. « l 'enseignement posL-scola ire agri.cole peut êtr,e donné dans les ,écoles pllibliques ou dans les locaux mis par les communes et les particulier.s à la dispo ition de l 'Etat >> . Il est donné, par les instituteur s ayant obtenu le bre,viel agtr-icole (déŒivr-0 par le Ministère de J:"agricultu1 re), aux joUJ11Jes g,ens ,âgés de treille ans, pendant qualre an a u rno in , à raison de cent cinquan te h eures :1u mo ins ch aque année, r épartie entre les différe nts mois, selon ],es besoins d e chaque r égion , par les soins d 'une .cornmi ion départeme ntale d 'agricuilture. Les in tituteurs quii donnent cet enseignem en!J rnçoi,v,ent une i'ndemnité : e lle est arrêtée de côncert par les fonctioonaiœs char gés d e l ïn pection comme représentants dru 1inistère de 1'agriculture. La m ême loi _pn \,voit un « enseignement agricole m éna' ger post-scolaire » donné dans de conditions analogu':.'.', aux jeunes filles ,~gées de ,p lu de do uze ans, par des in t1tut1.rices pourvures du breveil agricole m énager (délivré égô lernent aprè exam en par J;e, Ministère de J'agriculture). Cet ,enseig nem ent post- colaire de 1'agriculture est t}n core un e nouveauté .pieu oonnue et peu: pratiquée,. On n_e t rouve que peu de m aîtres pourvus du diplôm e, corre,spon·dant , elt le nombre des coœrs ouverts dans toorte la France ·n 'att,eignait qu 'à peine sept cents en 192L1. D 'autre part, la loi du 25 juillet 1919 prévoit l 'organisa·tion de cour ,prorfes ionnels ou. de perfectionnem ent agréés par J.e ous-secrétariat dJ'Etau de l 'enseignem ent 1 .e,clmique, -et destin és a u;x « apprenti , O'U VTi€rs et ,emp loyés du com·merce ,e,t de ll' indrnstriei » . Mai , pair leur caTactèr e tech 1J1iq,ue, ils sortent du cadre d e notre leçon ·et nous · ne fai 'Sons que les m entionne.r au- passage à titre documentaire. En déip.it de leur nom , les cour d 'adultes n 'ont guère o u n ·ont point d 'adulte pour auditeurs, mais seulem ent ·d es adolescent e t des jeunes gens. Et encor.a la d épo,pula1ion graduell e des camlpagnes fait-ell e que. par un m ou·,,em ent par allèle,. le5 cours d 'adlllltes dans les miHeux ru r aux voient leur clientèle diminuer . Par m alheur au ssi, re ux-là m êm es à la ville plus encor e qu 'à la ca~ pagne, ~ qui le rours du soir e.ra it le plu,:. nécessaire, les semi. îll ettrés, sont en général 1 moins emprei,sés à le suivre, €>S
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soit que la défici,ence intel1ee,tuelle leur soit légè're, soit qu 'un fauoc et ,p ourtant compréhensible am.om·-p,Topre les éfoigne de 1".école où ils .p ourraient plus 011 moins la . corriger. Mais malgré oes défections,. il n'est aucune local ité où les seirvioes que peuvent rend:re loo cou,rs d 'adultes soient négligœbles; et c'est de la part des maîtres faire i:el.Wre utile que de mettre leur effort à les instituer et à les faire vivre. Ils rencontreront plus d 'une r ésistance ou d 'un obstacle, en· dehocs de l'indifférence même des intéressés : les j6U!Iles gens, après la journée 'de travail , 5e trouvent fatigués et pe.u en huiheUT de redevenir écoliers ;. le mauvais temps les retient, surtout i l 'écolie est éloignée, comme il arrive dans les communes aurx. habitations éparpiHées ; le familles craignent que cette absen{:e d e l'adoliescent ne l1U,i soit prélext,e. à des amusements su,,. pects ou à des stations dans les cabarets, ,etc. S'il s'agit de· jeunes fille,s que réunit leur institwtrice, les objections se font plus nombreuses encore; a1Ussi plus d'une in, tiLutJriœ plaœ J.e jeudi œ11 m ême le dimanche, dans 1·a,prèsmidi, les r~unions de jeunes filles qiu'elJe a établies. D'autres motifs d'in u.cœs peuvent tenfr au cours lui- . même : il calquie trop la classe du jour, il n 'apporte rien de nouveau ni de captivant, il ne vise pas assez l'acquisition de connaissances pratiques, agricolas ic i, profossionn.elles ailleurs, m énagère."' chez les. joones filles. Autant d'obstacles contre l,esqiuels il faut veiller à ne pas trébur ch er, autant de caU1Ses d 'écheo q;uiîl' faut prévoir pour les prévenir. C',est dire combie:n la valeur ~onnell e ,lu maître, là encoTe, là comme, pa1rtout. e t u.n éJéirnent de réu ite, et combien l 'asoendant moral qu 'il aura ~u prendre sur les enfants et sur les. famiJJ.es s.era pour lui un fa.;leur du uccès. Quelquies causeTies !:'Ur l'actualité. où il" ne faudrait pas verser dans la politique (au sen& étroit ou péjoratif du. mot), serai~ t sans doute en tout endroit :m l,es bilenvenues ; et J:»,en in~ré sara,i,t le mlaîtire s'i,l w nsu1l tait ses auditeurs suT le urs goûts, looTs désirs, leurs bP~oins, qu'il en raiso:nnl~t aveo eux et qu 'il en tînt compte, _ autant qui'i-1 conviendrait dans l 'organi~atio'll et dan~ le· programme doo séances de travail. Nous parlions tout à l''heillrn d e l 'enseignement ai:rricole· dans ]e5 milieux ruraux. D'aucun s en conçoivent J'e!-poir que, bien compris et bien donné, i.l powrrait contribuer peu ou prou à retenir les jeunes gens à la terre el· r:ilentir, sinon arrêter. la désertion ininterrorm1Pu~ die~ r am pagn es. Peut-être, quoique peut-êlre au ~i il . n 'y ait là
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,qu ·un fallacieux ·espoir. Mais si l'enseignement agricole, .scolaire et post-scolaire,, a œ t heureux r éslllltat, ne, fût-ce .que dans une très modeste proportion, disons-nous nien ,qu'il ne l 'atteindxa pas, comme le souJignait M. Maurice R oger dans le Rap1 porll que nous citions il y a quelques .pages, en oélébrant avec dies effusions de lyrisme le bonh e,ur cham;pêtre et J.es bienfaits moconnus de la vie rus.tique : ce lyrisme démodé fait sourire, ma is ne touche ui .n 'ébranle personne,. Ce sera d 'unei manièœ a,ut rement pratique et prosaïque, autrement intelligente aussi, en montrant· comme nt le travaiJ dUJ oultivateur peut être rendu plus fruc tueux, plus intéressant e t moins lourd par la pratique des rneiHeures m étl1odes de ouJture, .par l'emploi des machines, paT l'utilisation de l'électricité, - oette électri.cit é à quii l'on demandera m ême d:e permettre, .l'installation du cinéma e t d 'apporter par T. S. F . soit des concerts lointains, soit d es nouvelles du mo nde entier . - La .poésie 'buw liq uie a fait son temps ; les pay ans vivent dei r éalités ·tangibles e t ne; ve.ulent iplus passer pour attard és. 5. Autres œuvres : conférence.is, lectures, coopératives .scolaires, etc. - Les cours d 'adultes - nous le ur conservons le nom accoutumé - sont la plus r égulière 01u la IJ)lus mélhodiq-ue., m ai non la seule d es œ uvres d 'ensei·gn ement qui se donnent pour objet de continuier et de .pa rfa ire, comme dit le Manist.re, ! 'éducation donnée à 'l'école. C'est .um.. peu au mêm e but, mais paT ooe autre 'Voie et en sachant pe•ut-êtr,e· mieux allier le plaisant au ·sévèr,e ·e t l 'a.gr ément au profit, que tendent les << confér ences populaires » qui sont partout, semble-t-il , fort goiîtées. Elles le sont urtout qua nd la lanterne m agique ou 'lei cinéma (1) les illustl"ent. Parfois l 'instituteur, à la carn ·pagne, trouve pour les donner des auxiliaires am,îcaux : ·délégué cantonal, m1édecin , ju:ge de paix ou q:u,elque autre, -qui consente-nt volontiers à se priver d 'un p€'U de loisirs ;pour vUJl:garise·r des notio n util€1.5 ou aider à une œ uvre excellente. L 'écu-eil' à é,vit,eT, et suir lequel jadis on buta fr~q;uemment, c'est q,ue œs oonférenoes ne soient trop savante., , arideis et sèch~ , peu faites po ur l'a·s sistance à qui ·on tes destine. C'est un écueil dont l'institute ur lui-même,
(1) L~ Musée P édagogiqu'l, t,1 , ru e Gay~Lussae, à P aris (V•), m et gra tuitement des vu es et des films à la disposit ion des confér en ciers qui le désirent, lesquels films e t vu es circulent en franchise. ·En demander d 'abord le catalogu e.
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quand il se Jlera confé1 rencie.r, devra se _garder avec vigilance. Une cc conférenoe » ne va pas, d 'autre ,p art, sans une préparation séri,e use, sans une œrtaine doc umentation même; elle exige, si peu oratoire qu'an la sUJppose,, une certaine aisanœ de parole, UJile certaine facilité dans le maniement c1e la voix, qm oo sont pas données à toos. Par bonheur, soit les sociétés d 'enseignement, soit lesjournaux 1 :Jléda.gogiq;ues eux-mêmf6 viennent e n aide au personnel, en mettant à di position ou en publiant des textes ou des entretiens dont la mise a u point n e demande ensUJite qu 'un travail réduit. Les Jecl:ures d11 soir sont également vouées au succès quand on sait s ·y prendr.e. Mais savoir s'y prendre, c'est d 'abord, condition essentielle, savoir bien lire; ce ta lent ne se ren,contrn p'a s si commUJllément qu'on l.e ·croirait, mè'me chez ceux qui ont mi ion d ·enseign er à lire (et o',e st pourqruioi nous d,éjp~ocon qu ïl n 'y ait pas, dans l~s écoles normales, des cours de diction et clJOO C0\1I'S de lcrture à haute voix; on y explique et commente beaucoup, et même trop ; mais y lit-on ? y a,prprend -on à lire ?) . Mais enfin, même un lecoour ... m1e.ttons cc ordinaire » peut ètre très écouté et très goûtt) q:uand il sa it choisir des teoc:es a uxqu els son auditoire puisse prendre sans effort intérêt ou pJoaisir : d'alertes Oll1 émouvants· récits; des scèn es comiques OUI mieurx: av,ec quelques couipures, dies corn.é'cLies tout e n~ières; des TOimans captivan ts, ce qui ne veut pas dire d'un goût douteux ou niaisement méladramatiqut>5 : des relations r écentes, av-ec cartes à l'appui, de voyage ou d 'exploration ; des aTticle sur ] 'actua lité scie'Iltifique. géographique, politique, à condition que la cc politique »· en s-oit excluei ; des poési,es à gr,a,nde a11lm1e, niarrativies plutôt que descriptives ou p1bilosophiq·ues, où passe, un souffie· gén éreux e t puissant, etc. On n 'a vraiment q,ue l 'embarras du choix, car la mine est inépuisable. Noo no u~ souvienons d)'une lecture de, Tœrtcr.,in de Tarascon qui orcup., plusieurs séan ces et qui eut un succès indicible . Et le· même public fut, à des éances suivant.es, ému e t. ~éduit :par Les pcruvres gens, Le crarpmul, Le petit roi de Galiçe (avec les r etran che m ents n écessaires) de la Légende c/Ps siècles. H s·a,gis ait d'un maître, il est vrai, qui , aim11rft 111 poésiie, savait la faire aimer à ses élèves, savait d e même b faire sentir à son pub·lic du· soir. Heure,u x don pour lïn;:titutem ou 1'institutrice que celui de lecteur et de di seuT !. Le!" petites fêtes scolaires, bien ·quie parfois dilffi! il·e s 0 1r . c même ép ineu~s à orrganiseT, car i.J y faut ,p arer a,uiX m eur-
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trissures possibles des amours-propres, sont à leur l,Qur d; · exce.Uentes cllos.es q·uand e11es n ·ont pas s.imJplement pour but - un but qui, du r~ste, n 'est pas toujours condamna,ble - l'a.pparat et la r éclame : elies peu'Y-ent être alors, dans les petites et m,oy-en.nes loaahtés, Ulil 1iein bienfaisant entre l'école, les auto;rités, la population. Si, notamment, l 'instüuteur ou l'institutrice a.p ~lle11t lems anciens élèves à y 1 articiper comme, acteuTs ou exécu lants, p si des chanL ou cies chi:eurs qui en vaillent la peine trous vent une .place dans le prog ramme,, si mème, 1aute d ·artistes, un phonographe y fait eptend11e, de simples m,ùs belles choses, si enfants eL jeunes gens y acquièren t quelque ai ance à joue~, avec agrément des scènes pla,i santes e t de bon, goùt, il n 'est pas douteux que ces p6tites so.Jennités cr éent de l• sympathie au,tour tle l'école· et la rendent a . plus attirante pour un auditoire post-scolaire. Xous ne rappellerons pa,s ici, µu,isq:u 'elles figurent au progranune d 'administration scolaire, les dispositions princ~pales de l 'arrêté du 15 décembm 1915 réorganisant les bibliothèque des écoles prnbliqiues. Cet arrêtié, s ï l est app liqué partout avec intelligence et avec ·persévérance, peut a.voir les suites les plus he.ureooes. Il n 'est ,p as exagéré d'attendre beaucoup de la lecture. dans l 'édu.cation populaire . Nou,s ne répéterons pas avec un poète tro.p optimiste que t-Oul? homme qui sait lire est un hamrrne sauvé, mais nous dirons que tout homme. qui Ji u est sauvé die la torpeur inteHectuelle, et de l 'incurie d ',esprit ; et ce n'est pas un m édiocre résultat. Tout ce que font les instituteurs et J,es ~nsLitutrices piour la prospéir~té dJes bib:liothèqu.es, tout ce qu ïh font 1 ar l'eixen1iple, • par la propagand'e pour leur p et ait irer des lecteurs ,petits et grands, est un gain précieux et f'ornw, à l'école un salutaire lend,emain. Qu 'ils ne craig nent dO'll c pas d'intér esser à cette œ uvre les am is de 1'écolie, !,es - onsei,Is municipa·uoc, les coopémtive scoc lai1,es; qu'au: be oin , et parlout où la chose se pouna (où ne se peu,t-eill e point ?) , ils ins tituent J.e « sou des bibliothèques n ohaque emprunteur versant cinq centimes par .p rêt, - qu 'ils r ecourent m ême à une quête dans -ia commune : il n 'ont là, quoi qu'ait pu nou~ en· dire un jour un m attre aux susceptibilités par trop chatouilJeuses. aucun suj et d 'htumirriation. Ce n ',e,st pas ;p:ou.r eux-mêmes alor: qu.,ils sollicitent, ce n ·est pas ,pour -leur avantage per-. ' sonn el , ce fl 'est ni pour J.eur commodité ni pour leur profit. : mais, complètement désintéressés, et cela même, fait 1 l eur honneu'r 1 lelJJ!' forcie, ils trav,a'ÏU~nt po111r 1'éoofo, eit
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c 'est-à-dire pou4· !"avantage de tous, pour une ,p arcefle du. bien public : y a-t-il là suj et d 'humiliation, 01U: de légitime fierté ? ous avons vu, dans de minuscules cou1mùmes perdues qui'on aurait pu croire encore arriérées et. ~ t indifféirentes à , n,e bihlioL u hèJque '{il'éoole, nous avons vu de semblables quêtes, bien préparées et bien amorcées, produire des sommes vraiment inattendues, qu, 1 ont permis l 'ach at d 'un premier fonds important de volumes. Encore faut-il,· on n'y saurait prêter u.ne atl>enti0n. assez éclairée, que ces volumes soient judicieuooment choisis et non propres à décevoir, c'est-à-dire à lasser bienl,Jt et à rebuter Jes 1-ecteurs. QUJ'ils soient avant tout, de gd ce, intéressants, à quelque titi-e que ce soit ; m ais qu'ils soient' tels, et qu'on se ,p laise à les lire, et qu 'on veuil1e les lire, - ce qui ne signifie pas que ce seront de seuls ouvrages. amusants ou récréatifs auxquels un esprit un :peu actif ou curieux ne puisse s'alimenter. Et qu 'il5 ne soi-ent pas trüp vieillis non plu.s et surannés : aux bibliothèques scola ires. aussi il faut d'u r enouvellement et du rajeunissem ent ; il faut que le 1-ecte,ur qui les fréquente ne s 'y sente ni dépaysé ni r ejeté dans le :passé, qu'il y retrouve, ,piarfoi 3 u contraire des pensées, des sentiments, des aspiration~ de· son temps. Peut-être quelque g;roupem ent d 'ami s de l'école pa rviendra-t-il à fondeT un .patronage, où il attiœ ra et r ecevra le dimanche les élèves et les anciens <élève.s de l 'école publique, ,pour or-ganiser à leur intention des jeux, d es ports, des lectures, des excursions, essayant ainsi d 'obtenir. :-aIon le vœu du ministre, que les élèves de nos écoles cc ne soi ent pas entièrem ent livrés à eux-m êmes en dehors des h eures d:e classe, que les anciens élèves ne .soient pas ,entièr em ent livrés à euoc-m êm es 1 ou recue illis par d 'autres) durant la périod e qui sépare l 'école du r égiment ». Dans quelle m esure et sous quelle forme instituteur et in, tilutrices ,p ouri·ont-ils et d-eVTont-ils participeir au fonctio nn em ent de oes patronages ? La qu€6tion est embarrassante, ,et nous ne nous lm.sardeimns pia,s à la r ésooidre par une· règle générale. D 'une part, on l es voit m al se désintéressant d 'une insti tution locale qui 5e propose dei consolider ou de faciliter leur tâch e et qui n 'a en vue, que, le, bien de leurs élèves et de leurs anciens élèves; d 'autl'e ,piart, on ne· peut leur demander ,pourtant de se priver de leur'- di manches pour être encore, ces jours-l'à , les gardiens et les maîtres de leur jeune public . Creer un patronage pour en la isser la charg,e ensuite à- x instituteurs·, n 'est peut-être u
�pas, chez des c< amis » d,e l'école publique, une marque de sympathie au d'intérêt telle qu 'on la souhaiterait. Le tait d 'a·i lleurs doit êLre très rare. Plutôt rares au surplus sont les palronaiges ·scolaires, et on ne peut que Le regrette.11 ; mais il faut convenir que le fonctionnement en est d~fficile, parce qu, 'il requiert d,e,s bonnes. volontés qui sont plutôt l'exoeption que la règle. . Les associations d 'anciens élèves sont plus nombreuses; il en existe un rPèu ,p artout. Rien ne servirait de s'exagérer l,ea services cru'elles rendent ; tout de même elles organisent qui des séanoe6 r écréatives, qui des soirées cinématograiphiques, qui même, dans plus d 'U1I1e ville, de.s cours de perfectionnement; ou bien encore e n.es cultivent les sports, elles pratiquent le chant choral; cru elles s'érigent en sociétés d'amis des arbTes, ou elles étendent leur protection et leurs libéralités à la cantine scolaire. Et elles prêtent à l'écoJ..e un appui au moins moral. D'institution .plus récente, les coopératives scolaires (dont un i'hspecteur primaire, M. Profit, a été le convaincant. initiateur et propagateur), soot en passe de se répandre et de marcher au uccès . Voici sommairement en quoii elles consistent. Avec le consentement exprès de leurs ,parents,, les enfants de l'école se groupent en une petite a soc.iatio,n, q 1ui a bel eb bien ses statuts, e t s 'engagent à verser chaque mois une cotisation 1}1,inime, donc acoess ibl e à tou I soit deux, trois ou quatrn sous au maximuxn. C'e~t peu, mais les petits ruisseaux font, comme. on sait, ],es grandes rivières ,et les décimes ainsi accumul és donnent au. bout d e peu de mois des sommes qui ne sont pas négligeables. D'autres ressourrces s'ajoutent à ceHes-l à : les petits coopérateurs eux-mêm es s'éprennent d 'un beau zèle pour leur ·~uVTe et tiennent à la faire prospérer. Il re- . crutent, parmi leurs parents, L eurs amis, les notabil,itJé.s de la commune, d~s membres honocaires à qui , pour ne pas les effaroucher ni e les aliéner, ils ne demandent q;u,'une coti sation peu élevée. Tls font plus encorn· : ils recueillent , par exeim.ple, des plantes médicinales et les vendent ~u b énéfice de J.eurr coopérative; ils cultivent une partie du jardin de l'école, qui leur est la·issée à ce effet, et en vendent de mêm e les produits ; ilt. n 'hésitent pas devant une coll'ecte le jour d'une fête scolaire, ils savent enfin s'ingénieT de, plus dl'une ma nière pour accroître leurs rece~te$. Ils y ajoute.nt, le cas échéant, des dons en . naturE>, d 'une espèce oui d'une autre. Toutes ces ressources sorit e<miployées au profit de, l'école. On aohètè du matocier
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soientifique, du, matérie l géographique , des produits indispensables, des gravures, etc. Il arrive même, et non sans. raison, qu 'on se procure d'abord une armoire pour y abriter et ranger cet outillage pratique . E IJ· ce sont les enfants eux-mêmes, sous la direction de l'instituteur ou de l 'institutrice, m ais non SOU6' sa dictée ni sur son ordre, qui tiennent la comptabilité, qui rédigent et expédient la correspondance, qui font les achats, qui classent les objets. Bref la coopérative est cc leur » ,~uvre, · leur bien, leur chose; le:ur orgueil aussi ; i1 n 'est pas r ar e qui'ils apportent à l'e nrichir ,e,t à la gérer une ardeur e t un soin d e néophytes. N'est-ce pas là un appr entissage antic ipé d,e certains aspects de la vie sociale ? N~us ne pou e rons pas plus avant ce tte énuméra tion et cette étude abrégée d e tout.es les œ uvres extra ou périscolaiœs que la sollicitude inventive des uns et d e a utres a peu à peu créées et qu,i , selon les circonstan ces et selon les mi:I,ieru:x,, sont bi,eri faite.<; pOiUll' fortifier ou: pou!l'su ~vrel'action de l 'école . Elles ne se fondent pas d 'elles-mêmes, elles n e fonctionnent pas toutes seul es; il faut, pour les faire naîtrn et pour les mainbenir en vie, quelqu,es initiatives convaincues qui · viennent tantôt d'amis sincÙe. de l'école e.t de partisans de l 'éducation ipo t-soolair,e, tantot et le plus souvent d es instituteurs et d es institutrices. Les uns comme les autres n 'obtiennent aucun r ésultat sans peine ni sans fatigué·, san s le sahifice d e loisi11S agréablese t opportuns, sans le renonoem ent à quelgues aises et à quelque tranquiUité. Mais quoi ! il n 'est pas de bien qui se conquière ou f>e r éalise sans peine ; et qui veub se rendre utile doit s'oublier un peu parfois e t n e ,pas songer surtout à lui-mêm e. La question est seulem ent de savoir si 1·,rn veut se rendre utile.
6. Deux circulaires mmdstérielles : 10 juillet 1895, 11 noNous avons rappelé, en commençant la ~Pconde parti e du, présent chapitre, l'effort qui fut fait de toutes parts, dans les d ernières a nnée du dix-neuviè m e siècle, en faveur du lendemain d e l 'école, qruielles initi::i, tives l 'appuyè1·ent, quels élans de, bonne volonté, et d e fo i il suscita . A oelte époq.uie parurent, P'Our soutenir e t g ui der cet élan; deux longues c.irculaires ministériell es d o nt il nons semble opportun d e donner ici des, extraits impottants : les choses n'ont pas tell-ement changé, que ces circulaires ne soient toujours d'à propos ; ce qui était vraialors l'est· 'de même aujourd'·h ui, pour dies raisons qui·
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n ·ont ,p as varié. La premii.ère die ces circulaires, en date au 10 juillet 1895, étai-t un appel adr,essé aux délégations. cantonales, caiisses des écoles et commissions scQllaires ; la seconde, venue un peu plus Lard, le l l novembre 1896, était adressée aux recteurs et se rapportait à << l 'enseignement dans les cours et conférences d 'adultes ». « ... Notre idéal, disait Ja première en ·faisant appel aux amis de l 'école, n 'est pas d 'avoir de belLes écoles dirigées par des maîLTes très instruits, s'acquittant hQlnorablement de leur !lâche professionnelle et indifférents à tout le reste. Nous soul1aitons, nou espéi.ons beauéoup plus. L'école républicaine n 'est pas un étahlissem ent isolé, vivant de -.,a vie ,propre et se confinant dans l'apprentissage consciencieux de la lecture et de l'écriture, de l 'orlhogra,p he et du calcul. C'est la première, j 'en.tends à la fois la plu humble et la plus importante des institutions sociales, celle qui prépare pour nous succé<ler de jeunes générations animées de l'esprit patriotique et républicain. C'est une sorte d 'ateli-er national où se forge la France de· demain... ' « Dès lors, rien de ce qui se fait à l'école n ·est indifférent au pays. Et c'est ce qui vous donne le d!roit avec l,e, devoir de vous ·. y intéresser très directement... Malgré les prescriptions formelles de la .loi, il y a encore prè de la moilié des cœnmunes en France quii ne possèdent pas de caisse des écoles. Ne devez-vous pas saisir l'occasion pour constituer cet auxiliaire .p récieux de l'école? L 'argent manque.? Mettez-y seulement votre cotisation et celle, si minime qu'elle soit., dei, vos voisins et de vos amis, celle· du maire, cell e de deux ou trois conseillers municipaux, le produit d 'une quête faite à la mairie à l'occasion d'un mariage, et en voilà ass-ez pour commencer ; vous demanderez au• ministère une petite subv.enLion à titre d 'encouragem ent, et elle ne vous sera pas refusée. Ainsi, peu à peu, grossira cette modeste réserve,, humble, mais uti.le bureau de bienfaisance sco,l aire. ,, .. .J 'insiste sur la Caisse des écoles, parce que c'est l'aide par excellence ,p our la fréquentation colaire. Mais il existe d 'autres instritutions auxiliaires et complémentaires de l 'école, dont la prosp~rité 'dépendra de vous, quo l'institutffilr ne peut presque jamais CToor à lui tout seul, qu'il créeTa toujours avec votre appui. Il ne suffit pas, en effet, que l'écoJe soit fréquentée le plus longtemps et le plus régulièrement possible·, il faut qu'elle s'entoure de toutes les annexes qui peuvent en rendre l'action plus ;li-
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mable et, par la m ème, plus ,efficace. Et c,e sont autant ,d",::.euvres modestes dont vous .p ouvez être l,es initiateurs : vous serez s uivis dès que vous aurez fait le premier pas. << Vous pouviez ainsi fond~r une oib• liothèqiu,e, scolaire (1) , dont les livres emipo·r tés dans la famille feront prendre au moins aux enfants et .p,eut-êtrn, par contrecoup, à beaucoup d e pare,nts, 1·habitude, et l,e, goût de la lecture. · « Vous ·pouvez fonder un petit m wsée scolaire, où se trouveront bientôt r éunis des spoc.imens des mat.iè1,es premières, des produits industri~Js et a,gricoles de la régi001 et .de la leçon die choses qui ajoutm·ont à l'ense,ignemeinit du livre le vivant exemple . « Vous pouvez fonder ... quelqu'une de ces sociétés si fogénieusem e'nt. conçues depuis quelques a nnées sous le nom de, miitoolité scolaire,, qui montrent Lout ensemble à .l'enfant l,a .p uissance de l 'épargne et oelle de l'association, ,qui lui a,ppr,ennent à la fois la prévoyance pour soi, qui est une forme de l"intérêt hien entend u , et la .prrévoyance pour autrui, qui est une. forme, d e la fraternité.. . A la campagne, vous pouvez cr éer ces petites sociétés d,' élèfves· et • • puis d'anciens élèves pour la protection des animaux utiles, pour empêcher la destruction d es oiseaux, ce fléaUJ de ·qut'llques contrées, pour d 'autres intér êts agricoles [com me font, .par exem ple, le sociétés d ·amis d,es arb re,., ] . A la ·ville, oo seron t des sociétés de gym.na. tique, de tir , de jeux physiques, des sociét és de ch ant et de mu'9ique in trume,n. ·tal e,, des associations amical,es d 'anciens élève d e presque 'l-0utes les grandes écoles urbaines. « Vous pouv,ez presqu e partout organiser de comités -de â1ime.s palronesse:s ,pour l 'école maternelle, d ·autl'es . a ·pour établir de ouvroirs, des r éunions de coulure, d 'autres pour offri r le jeudi et le dim anche aux élèves et aux anci,ennes élèves une occasion de se 1iéunir autour de quel,ques ,p ersonne.s qui se feront une joie d 'égayer leur aprè,,. midi par des jeux, des l,ectures, des promenades, des di--verti ssem ents de bon aloi. · « Vous pouvez prendre, part à ·ce grand mo uvement qui
(1) L es bibliothèau es scolaires' on t é té r éoT'!rnnisécs d epuis lors, par l'arrêt é du 15 déce mbre 1915 (v. Cours d 'adminis tra tion scolair e) ; nous en p a rlons d 'ailleurs da ns les pages qui pr écèden t . Qua n t au mu.~ée scolaire, d ont au cune école n e doit être dépourvue, 1'institutcur et les élèv es eux-mêm es en ~ont aussi nour une bonne p art les créa t eurs et les pourvoyeurs ; m a is toute aid e extra-scolaire ,est toujours la bienvenu e.
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s·accentue en faveur des patronages laïques, destinés à. offrir auoc élèves, d'abord pendant le temps de la scolarité, plus !Jard au moment de l 'a.p,prentissage, la syrrupathie et. la - rotection de personnes, amies qui sauront les guider, p les encourager dans les d€1buts de la vie et leur faire connaitre, parfois dans des m.ome,nts critiques, la douceur· d'une bonne parole. et la force d'un bon conseil. « ... De toutes parts, en France, on demande que 1ïns-lJrUJCtion ne s 'arrête pas à fa période scolaiiie obiliigatoi,r e,. qu' un grand effort soit tenté pour donner un lendemain. à l'école, que., de douze à dix-huit ans, l 'apprenti et le jeune ouvrieir n e soient pas absolument destitués de tout. secoUTs intellectuel et moral, mais reçoivent quelque part, sous des formes appropriées, encore un peu d 'enseigur-· ment, encore un peu d 'éducation. De l'école au régiment s'étend l 'â·gtel critique à franchir', celui où l 'adolescent n 'est plus soutenu par l 'école, n 'est pas encore armé pour la vi,e et sei trouve "5i souvent ex.posé aux tentatiom, 'de la rue et du caharet . .. Quel q;ue soit l'effort des pouvoirs publics, il faub bien se dire que, dans ce domaine surtout, rien de grandi ne peut se faire sans le concours ardent et libre, san lrnitiative génié:reuse d"un e foule d e volont.;1.i tie . Ce n ·,est pa un règlement ministériel, c ·est un éliln n:a,t ional qrni peut crée, d 'Thil bou,t de la France à 1'autrer on oeloo forme nouve.lle de l'éd1Ucati- répuiblioaine. « Vous ne, vous élonnerez donc ,p,as, Messî,eurs, que je m ·adre·s e à vo,1151 comme, à mes premiers collabornteurs. No us ne somme6 pas en mesure de décréter d'office b. con titution d"un vaste enseignement populaire des adultes; de créer de toutes pièces un nouveau cadre· d 'institu-t:i ons scolaires proprement dites; d 'ouvrir au budget tout un nouveau · chapitre; mai s chacun de vous peut., sur place, r éaliser un'e partie de cet immense programme. « Il suffit que vous y pen iez pour trouver une i::euvre à· faire, et à 'faire sans délai. Qu'il s'agisse de réunir les· jeune gens pour leur faire un cours suivi ur les mdt: ères q;u'ils sentent maintenant le besOlin d'étudi,e.r oo die simpl~: conférences instructives et r écréatives ; qu'il s'agisse de convier les famill es à des séance d'enseignement agri-· cole, scientifique ou industriel, à des J.ectures que vivifiero,n t des projections lumiineus86, à <les $Oiré<>s fraternelles où l'on s'efforcera de les intéresser à tout ce. qui .est' intéressant pour !"homme et pour le citoyen, ,,ous êtes err situation de dé.terminer un mouvement d'opinion, d''en-t!rainer après vous. maîtres et élèves, public et conféren -
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.cie.rs. L'inspecteur de la circonscription , les instituteurs .de la oommune et du canton seront les premiers à r épondre à votre appel. Etudie~, avec ,eux, la meil.Jeure manièr•3 d'organiser dans la commune, dans la section, dans le quia.Ttier, cet enooignemient œsenti€1llement variable et fragmentaire qui n,e vaut qJUe par l'exacte apprOlpJTi.aJtioo aux besoins des auditeurs, lesquels Ille sont ,p lus dies écoiliers. Choisissez, d'accord avec eux, ce qillli vous pa1Taîtra le miieuoc oonvenir à votre p1Ubllic. Surt-Out, n'ayez pas le ·souci d'opérer t-Ous et partoUJt pareilleme,nt : d/'ooe commune à l 'arutre, d'UIIl8 année à l'autre, les procédés peuvent vari e1T. Le cowrs d 'adUJltess, ici très élréimenta.iil:e, &era .ailleurs presque savant, presque technique . Il ne sera pas le même dan uoo commune agricole, dans une petite ville commerçante, dans un grand centr,e, industriel : ni lœ hieumes, ni les objets, ni les condlitions de 1'ense,i,gnem.ent nre saura,iffll.t se ressembler. « Ce qui importe, c'est que, partout où il y a une éco le, on sache que cette école n ·e.st .p as seulement faile pour les petits écoliers, qu'eUe 1,este ouverte à leu: s frères r .aînés ... »
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Et Ja sewnd!e circUJlaire, celle de novemhre 1896 aux recteurs, disait
cc ... L'•~uvre scolaire de la Ré.publique, si énerg iquement poursuivie depuis vingt an , grâce au concours du PaPlrement, erait gravement compromise i, à douze ou treize ans, au sortir de 1'école élémen ta ire, à l ',âge où l 'r~prit et le caractère se forment r éeJ.l.emenl et se précisent, la plupart· des enfants, obligés de fa ire 1·apprenti · age ,d''une ,p rofession , parfois même i olés d e Jeurs familles, se trouvaient en q'Uelque sorte intell ectuell ement el moralement abandonnés. Le nombre de ceux qui peuvent fréquenter l 'école primaire, su_périeure o,u le cours c.omplémentaire, est fatalement r estreint. Le cour d 'adultes, ou. ,oomme on l 'a dit justem ent, l'école prolongée apparaît - <lonc oomme le, compJ.ém ent indi pe,n.sahle de l 'école élémentaire, et les efforts de tous ce:ux qu·i s 'intéressent nu d évelopipiement de notre, enseign ement et. à l 'avenir de notr,e pays doivent tendre à l '·<Yrganiser d'lllile façon normale... .T 'ai été profondément touché d e voir avec quPI géné11eu:x empressement les fonctionnaires de ! ',enseigne.ment primaire ont r épondu à l'appel qui leur éta it adressé. Il importe que ce, mouveménl, s'accentue ·enco-re, que lc's
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cours d 'adulLes, les conférences populaire ·, les patronages scolaires se multiplient sur tous les points du pays ... cc L'en.seignement des adultes peut affecter des formes _ diverses, cours, conférences, lectures. Quant à la durée des cours, aux jours, aux heures où ils auront lieu,, il convient de laisser aux instiLuteurs et aux institutrices qui voudront bien s'en c.ha:rgei· la plus grande latitude. cc Le cou.rrs, sans exdlua:e les illettrés, d9it avant tout s'adresser à oeux qui veulenrt oompléte<r et fortifier les con. naissances élémentaires déjà acquises. Agir autrement serait sacrifier les int,é.rriêts du plus grand nombre à ceux d 'une rni'norîté qui va sans cesse décroossant. cc Les ma tières d 'enseignement peuvent être générales ou péciales. C'est ainsi qu'il serait Oipipor~un de r eprendre dans les cours d 'adultes l 'enseignemenrt moral el civique e n lui donnant un carnctèr,e plus précis et je dirai plus viril. A m esure que ! ',enflant se rnpproche de l ',âge où il d eviendra un homme et un citoyen, il est plus facile de lui faire comprendre l'importance des devoirs qui s'imlP(o, eront à lui , la gravité des droits qu 'il a].lra à exercer, de l 'initier au fonctionnement de nos instiltutions, de lui inspirer l'amoi.ll'- réfléchi du bien, de la grandeur nationale, de principes sur lesquel et fondée la République. cc De même, da ns les cours d 'histoü-e, il conviendraît d 'insister surtout, mais de .la façon la plus simple et la mieux à la portée des auditeurs, ~mr l 'histoirn contem porain e, sur to.µ,b ce qui touche directem ent à la formation et aux conditions d 'existence des sociétés modernes; en géographie, sur la géogra;pihie économique, agricole, 111dustrieJle, oolon.i.,ale de n,otre pays. Rren ne serait plus utile, par exem ple, que d 'attirer l'attention de je unes ge ns UT les débouché que nos colonies réservent à l 'activité eL à l 'initiative nationales. cc Parmi les matières générales, l 'hygièn,e,. m é1 •ite également de trOUJV·eir plaœ ; ma,i s i:l .im,porteJ que de maitre se contente de notions très simples, apiprnpriées au genre de vie. des populations de la régioù ... cc En ce qui rngarde les matières spéciales, on ne pe11t évid emment que 1'ec.ommander aux maitres de ,s'inspirer des besoins de chaque r égion ,et m ême de chaque localité. L'enseio-noo, ent doit avoir un caractèr e pratique, et profes ionne.J... n On s'en rendra comlJ)lte àl la -lecturei de ces pages, les pensées, les préoccupations, les conseils que le Ministre formulait en r895 ou 1896 ont le m ême caractère qu'alors
)!OR ILE P ROFE>'~JONNELLE.
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d'actualité et de vérité. L'1:euvre de bonne volonté à laquelle il conviait le personnel universitaire, les autorités publiques et les amis de l 'école est toujours aus,si pœssante et toujours aussi vaste,, eHe ne réclame pas moins qu'alors des concours nombreux et agis.sants. Il n 'est pas défendu d 'espérer, répétons-le en terminant, que des jours V!iendront où cette œuvrr1e d'intérêt national sera moinsabandonnée à l 'initiative privé~ et où l'Etat, la prenant résolument en charge, lui donnera une organisation bien définie. Mais à ce moment-là comme aujo'Urd'hui, c'est encore au personnel des instituteurs et des institutrices que les textes législatifs feront surtout appel, c'est à eux · que sera commis le soin d'être les maîtres de l'adolescence et de la jeunesse comme ils sont déjà ceux de !'.enfance. Qui pourrait les suppléer ou les suipiplanter dans· cette tâche d'intérêt puhlic ?
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[Ce chapitre était à l'impression {février 1926) lorsqu'.a été déposé sur l e bureau de la Chambre, par le Ministre même de l'instruction Publique, M. Daladier, un projet de loi instituant l'enseignem ent postscolaire obligatoire. Nous n 'avons pas à analyser ici ce projet, à étudier les dispositions qui règleraient le fonctionnement de la post-école, ses ressources, son programme, etc. Il nous suffira de dire qu'en tête de l'exposé des motifs, le Ministre inscrit cette parole de Condorcet: "La second e instruciion est d'autant plus n écessaire que celle de l'enfance a été r esserrée dans d es bornes plus étroites. · C'est là même un e des causes principales d e l'ignorance où les classes pauvres de la société sont aujourd'hui plongées ; elles manquent encore des moyens d 'acqu érir quelque instruction première et de la conserver. » Et, songeant aux 700.000 enfants « qui s'incorporent avant ou peu après la treizième année à l 'armée du travail », le Ministre écrit : "A tous ceu;x-Jà que qnfériorité intellectuelle ou la dureté des conditions économiques réduisent à la scolarité minima, nous donnons la post-école a utant comme ·un adoucissement iL la rigueur du sort que pour satisfaire au plus haut intérêt n a tional et humain. » - Quand ce projet viendra-t-il en discussion d evant le Parlem ent ? la r éalisation en est-elle encore lointaine ? La suite des évén ements nous l'apprendra ; mais l'idée est en l'air, le bon grain sans doute est semé].
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�CHAPITRE XI
La vie privée de l'instituteur
Éducateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs.
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2. 3. 4. 5. 6. -
L'éducateur vaut ce que vaut l'homme. L'instituteur doit travailler à sa cullure morale. La fenue du maître. Son langage. Sa conduite. L'instituteur el les opérations commerciales.
1. Lféducateur vaut ce que vaut l'homme. - « Toute vie .est une prnfession de foi et exerce une, propagande inévitable et silencieuse .. . Chaque homme rayonne sans cesse comme un corps lumineux ; il est un fanal qui attiiie sur les récifs, s'il ne guide pas au port. Chaque homme Pst prêtre, mais involontairement ; sa conduite, prédication muette, le rérvèle perpéLuellem,ent aux autres ... Le mauvais .exemple est un empoisonnement spir~tuel. >> A tout homme, à toUJte existence, on peUJt appliquer ces pa;roles d'Amiel; il n'est personne dont l 'exemple, bon ou mauvais, ne soit pour d'autres une suggestion el un entraînement à l'action bonne ou mauvaise et, en même temps, une justification et une excuse. Mais combien ce qui est vrai de chacun l 'est plus encore de quiconque a autorité suT autrui, de quiconque surtoùt est préposé au soin de conduire et de redresser autrui t On l 'a -dit, et tel est bien le sentiment commun : un instituteur, un prêtre, un magistrat, :parce qu'ils jugent et corrigent les actions humaines, paTae qu'ils maintiennent ou ramènent les
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hommes dans le droit chemin, ne peuvent ètre tels que les autres hommes. Il leur faut une dignilé de caraclèf.3 el de vie sans laquelle Ieur fonction apparaîtrait comme un 1Jeu profan~ ou dégradée, sans laquelle ils resteraient toujours, quoi qu'ils fissent, inférieurs à cette fonction rnê'me et peu qualifiés pour la remlPfü·. Bien des fois, au cours des chapitres qui précèdent. l"occasion s'est offerte à nous de dire longuement ce que doivent êLre, comane maîtres, l 'instituteur ou 1·in:;L itutnce,. de quels devoirs on peut leur dema nder d 'ètn. la ,ivante imag;e, de quelles qualités sévères et fortes, humaines et cordiales, ils doivent, à raison même de leur charge, offoir Je modèle presque infaillible à '. ..:urs élève-.; et à la population. PreSqJUe infaillibles, disons-1,ous; C.C'H' tuut d e même, si exigeant qru.·on ait ou qu'on :;'arroge le droit de les vouloir, on ne peut prétendre qu 'ils soient des sain1s ou des héros au-dessus de la commune nature el cru e leu r intraitable et austère- vertu compense le reM.chement générnl des m~urs. Qu'ils soielllt de braves gens, qu 'il s soient d 'honnêtes gens, qu'ils soient d es travailleurs cou:;cicncieux et qui fassent avec intelligence leur métier, rela doit suffire, nous avons eu l 'occasion 1 de nous en expliq1:er déjà (Chap. VI). Mais cette réserve formul ée, il 11 en est pas moins évident que dans leur classe et hors -:Je leur classe, en tant qu'éducatems et dans leur rôle J 'éducateul'S, ils ont pour premier deivoir de donner l 'exew ple de la conocioooo professionneille e,t die s'appliquer loy,alernoot à leur tlk,he. Ce n' est point assez : cette L1che - st d 'une e telle nature qru.e chez eux l 'homme ne ·e sépare fJa. <lu fonctionnaire et n 'en peut pia être éparé. Ce ne sont pas dffi.lOC personnes distinotes, étrangères l'UJI1e à l 'autre, isolées l 'une de l'autre et qui s'ignorent mutuellement sans réagiP l'une sur l'aul,re. Le, fonctionnaire, àu contraire, dans une fonction d,e oette sorte, vaut tout justem ent ce que vaut !"homme. Certes, on peut à la rigueur· concevoir qu'un citoyen quelconque, à la seule condition d'avoiT fait avec succès les éludes néoes aires et sans que sa personnalité ·ntime ou a valeur morale aient à transparaître ni à intervenir, on peut concevoir, <lisons-nou, , que cet homme soit néanmoin s en état d 'in truire les au-· tres, de leur enseign~r la l~cture ou la grammaire , le ca lcul ou la géographie. Il s'agit là d'une lâche purement' intellectuelle et ol:vjective, qui n,e demande que de la scienoe et de la m éthode, non des qualités moral e ; au point que le m{)JÎns recommandable des hommes, à con-
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dition de posséder du savoir, de 1·aptitude et quelqiue pénétration d 'esprit, pourrait y réussir tout comme un autre et, toiuJt comme un aiuœre, bien mU!ll.i.r de connaissanoes et d 'activité l ïntelligence de .ses auditeurs. Mais tout différent est l'office de l'instiit.uteur, parce q1J 'il n 'est pas commis au soin seul d 'instruire et qu'il est en même temps un édwcateur. Ni l "Etat qui l 'investit d e cet office, ni les familles lorsqu'elles lui confient lems enfants, ne voient simplement en lui rhomme qui a mission d 'enseigner les rudiments de t,outes choses et dont le rôle est é,puisé dè lorn qu 'il a bien garni le mémoires et débrouillé les esprits. L 'Œuvre qui est sienne, et que JP,s famüles comme l'Etat attendent de lui, défu.O'r de de beaucoup cet étroit programme. C'est une œ.uvre de formation morale et sociale, une œuvre d 'éducation de la volonté et de la conscieince, où le but n 'est pas seulement d'instruire et d e communiquer du savoir, m ais d 'éveillei.r et de, dîriger des sentiments, de provoqu·e·r d es émotions saines, de m ettre en œ uvre la volonté droite, de faire _ naîtr.e, de bonn<>s habitudes, d e pré<pia.rer en un mot dans cliaque enfant 1'éclosion d 'un honnête homme·. cc Il ne s 'agit plus là, disait Jules Fe,rry dans la Lettre aux institutenirs (novembre 1883) que nous avons citée au chapi tre s ur la neutralité scolaire, il ne s'agi t plus là d 'une série de vérités à démontrer, mais d ' une longue· suite d 'influences mora les à exercer sur de jeunes êtres à force d e patience, de fermeté, dei douceur, <l 'élévation dans le caractère e t de puissance persuasive. On a compté sur vous ,p our le ur apprendre à bien vivre par la m anière m êm e donit vous ivez avec eux et devant eux ... » Une tell e .e,ntreprise n 'est pas de celles où su fil.sent le, savoir, m ême étendu , et le qualités intellecLuelles, m êm e, rare~ ; il y faut autre chose, qui e~t un homme, c'est-à-dire de solides et profondes ·qua.Jilés morale . Cette action h eur-euse à exer ce,r sur les enfants ne résulte guèr e, de l'enseign em ent lui-m êm e, f-ût-il l'en eignement moral. Elle tient à d e qualités d'homme , el1e tient à une insen ible et constante influence qui enveloppe ]',âm e d e l'enfant ,et la ipénètre, e,t qui est faite d'abO'rd d' un grand et constant • xemple. L 'éducation sans l'exem e ple ne peut rien , ell e esl d 'avance condamnée à la stérilité . Nous le savons bi-en tous ; et, tous nous le savons d epuis l'enfance, caT détià nos souvenirs et nos - xpériences d 'en e fant en portent le témoignage assur é : les conseils et les exhortations, sans l'ex,emiple vivant et proJ:ie, qrui les fonde et, en attestant la vérité:, leur donne de la force , ne sont
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que paroles futiles, n ·eoccilent que le ridicule ou le mépris. l) 'autorité el de puissanœ persuasive, elles ne peuvent en avoir aucune ; elles détourneraient plutôt du bien, en soulevant l 'indignation ou le rire contre qui le prèche. Or la cont.radiction entre les paroles eit les actes, entn~ les enseignements et les mœurs, n 'échappe pas plus à l'œil malicieux et sans pitié des enfants qu 'à oelui des grandes pe,rsonnes. Et alors _elle a cette conséquence plus redoutable encore, de faire apparaître comme une plaisanterie ou. comme une duperie les actes e t 1€'6 sentimen,Ls qui out bien été prônés, mais dont se ga1tle celui-là même qui les prône. Comment y croire, comment y attacher du prix, y voir autre chose que des prétextes à homélies obligatoires et sans portée, CJ!Uand le rmi.jtJre qm les lou,e ou CJJlllÏ. les exige chez autrui les lient pour si peu dignes d'amour et de foi q;ue sa conduite ne s'en ins1piire, point ? C'est la pire semence de scepticisme, de· laisser-aller et de frivolité morale. Quelle forc1:1 convaincante, par e~emple, et quelle action persuasive peut avoir un maître qui célèbre le Uravail et l'activité utile alors quïl s'est fait une r éputation méritée d 'inwuciant et de .paresseux, ou qui exalte la dignité ùe la vie e,t la souveraineté de la raison alors que [pllus d 'une fois, cuvant son vin, il s'est donné en spectacle le dimanche, et même d'aut.re jours (ca·r il en est de· tels, très rares, mais non imaginaires, hélas !) ? Ou comment veutil qu 'on l,e craie et qu'on le suive, comment veut-il qu'on le prenne au sérieux, q;uand, sans soin ni goût dans sa mise e,t ses manières, il vante la bonne tenue et bl:1.'me le laisser-aller ? Les · punitions même qu 'il distribnera sous prétexte de manquement aux devoir qu'i l enseigne, elles ne pourront avoir aucune action r éformatrice ; mais bien plutôt elles seront jugées imméritées, puisque l 'oo estime to'u" bas qu 'il devrait comm encer :par s'infliger .à luimême les sanctions qu'il r éserv,e• aux autres. Comment espère-t-il plier et entraîner les ,enfants à l'effort mO'ral, si lui-même, incapable de cet effort, n'en offre. IJ)laS le scrupuleux exempl,e? Il est vrai qu'on serait en droit de se demander alors si vraiment il croit à1 ce qu'il ,e'Ilseigne, et s'il aµpiorte une conviction bien sincère à son œuvre d'éducateur. Que si mêm1 on va jusqu.,à supposer que ces contradice tions échapperont plus ou moins à l',enfant, on est Qlblig6 pourtant de convenir que le manque d'un exemple salutaire et fortifiant lui sera funeste. Il est dange<reux pour lui de n'avoir pas sous les yeu~ l'exemple du travail, de la
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bonne tenue, de l 'atLaohement au devoir; inconsciemment il imite qui le guide, et si le modèle à imiter n,e se , rencontre pas dans le maître, c 'est autant de perdu pour les bonnes habitudes et les heureuses dispositions. Nons l 'avons dit naguère (chap. VI) en étudiant les devoirs de l 'ins~ituteur enve-rs ses élèves : il en est un qui les précède ou qui les résume tous, et qui est de donner un exemple irréprochable, parce que c 'est sur lui, maître, que, même à leur insu et même malgré eux, les enfants se règlent. Ce n'est pas tout encore. Les familles et la population ont les yeux ouverts sm l'école, elles la voient et la jugenL; que peuvent-elles pense,r d'un instituteur dont la vie dément et d éshonorn un peu la fonction qu'il exerce, d'un instituteur qui, chargé de l 'éducation des autres, ne donne pas l 'exemple loyal e L courageux qui affirmarait la vérité de ce qu 'il enseigne ? Ne peuvent-elles redouter qu'il pervertisse et démoralise au lieu de redresser et de former ; et quelle autorité morale peut être la sienne dans un milieu où il n'a pas su conquérir le respect?
2. L'instituteur doit travailler à sa culture morale. -
On nous dira : les qualités secrètes et !pll'Ofondes de ] 'homme n 'ont qu'une importance réduiLte paur l'e:xercice de sa fonction ; nul ne peut les a,percevoir ni les soupçonner, rien ne les révèle, et quel que soit ce tréfonds inaooessible, de son âme, il ne modifie guère sa valeur de maître ni sa science d 'éducateur; l 'essentiel ,est qrue; dans tout ce qu'il laisse paraître de lui, il n'y ait qu'à louer "t ri-en à reprendre. Celte doctrine· aimable et surtout accommodante nous semb>le le contre-pied même de ·1a vérité. Assurément c'est chose de .piremière impoa·tance que nulle parole ou que nul acte extérieur ne vienne prêter à suspicion et que les dehors soient ponctuellement ceux d'un honnête homme. l\f.ais il est bien invraisemblable, et l 'expérie·n ce quotidienne en fait foi , que ces dehors soie:nt sans tache et sans reproche si le dedan qu 'il recouvrent n'a pas la même netteté ou la d!éliœte&se m01r'alie. Ils 1~ recouvrent, et iJ. ne se .pe'l1t pas qiu'i,l s ne ]te trahissent, quoi q;u•'on fasse; car ce dédoublement de la personnaliré, chez un homme que la nature même de- son travail invite et · entraîne à toute minute à se mettre tout entier dans ses paroles et dans ses actions, ne doit pas s'effectuer si aisément. On a beau chasser le naturel, il revient au galop par des détours inattendus. Qui a l'iâme sèche et le tempéram·ent autoritaire pourra bien s'appliquer à se faire
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courfois e t bienveillant : il sufüra de quelques imperceptibles inflexions de voix pour r évéler la nature qui se dbrobait et qui ne pourra pius désormais donner le change. Qui mettait tous ses soins à se donner l'air consciencieux e,t travailleur• sera vite estimé, à sa valeur véritable, que mille riens et mille menus faits dénonceront avec certitude à de r egards pers.pùcaces; qui n'a pas l'âme droile et bonne et feint la bonté ou la prévenance, n 'en pourra pas soutenir de longs mois le personnage. Et no us parlons bien ici des e nfants, des élèves : ils ne se laissent pas longteml)IS abuser. S'il arrive, en effet, que l 'admini tralion, elle, soit dupe d 'àprparences et de supercheries qu 'on sait habilem ent lui déguiser - certains y ,excellent - et qui l 'égarent du tout au tout, les élèves sont autrement instruit des réalités, c'e t-à-dire de la vérité, parce qu 'ils voient les choses sous d'autr,es. angles, avec plus de suite et par d es yeux plus assidus; ils connaissent l'envers des apparences et il n 'est roueries ou artifices qu'ils n 'aient bientôt, sans qu 'on le soupçonne, percés à jour. Ne croyons donc pas, ne cro,y ons en aucune manière que chez un instituteur l'être; puisse être tout différent ùu paraître et que puis.sent co-exister en lui deux hommes : l 'homme extérieur et apparent, celui qui fait la classe el qui enseigne les élève , l 'homme intime et vrai, qui sera ce qu'il voudra parce qu 'il se eroira bien à l 'abri dans la retraite du for intél'ieUT. Le dedans el le dehor sont unis par une sol ida rité, sing ulièrem ent plu étroite. S'imaginer qu'un instituteur pourra impunément pratiquer ,en cach ette l 'intempé.rance, ou se montrer en famille despôtique, exigeant et quinteux, ou fuir ,en son privé l 'étude ('t le travail inVell ectuol ; qu 'il pourra lai ser dépérir en lui la vie intérreure, jusqu'à n'être plus qu 'une • me inerte ~t â rabougrie, ans ,élan et ans chal eur; qu 'il pouna, seul avec lui-mêm e, ruminer des pensée,s mesquines ou ma uvai.ses, s'abandonner à toutes le ugge.stions de l 'indolence, de l'amour-propre ou d,e l'intérêt, etc., sans que rien de tout cela passe d 'un mouvement ininterrompu et sûr dans son enseignement, dans son exemple, dans sa cond'uil:e ·vi sible, ce sernit méconnaître toutes les lois de b psychologie humaine ou, plus simplement , !',expérience m ême de' ·t011s les jours. Cette osmose mentale où morale s'accomplit à noire insu , sans que nous ayoos le pouvoir de la prév,e,nir ni de l 'emipêchm-, et les résultats n 'en. échappent pas_aux yeux qui sont fixés sur nous. Tout à' fait de m êmie d'ailleurs, ce qu 'il y a de bon , de noble et de· fi er
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dans le caractère ou dans l'~me s 'incorpore par un phénom ène idenliq ua à 1·enseignement et à l 'action de tous les jours, ,pow1 iui comffiJUniq:oor vie et flamme , cœiviction et puissan ce. La conclusi on , c·est que l'éducateur doit, avant d ·ent1-e.p11:endre l "éducation des aulres, travailler à la sienne propr e et se faire l'artisan dei sa culture mornle non moins qu e d e sa cu1ture intell,ectuèlle ou professionnelle . Nous n 'ign oro• s rpas qu 'on est assez mal venu à dire ces choses. ; n on co urt le risque alor s de pa ser pour ph arisien , ou pour pédant censeur d e m~urs, sinon pour' rhéteur à gage . EL pouitan t telle e L la imple, la droite, l 'intang ible vérité : les qualités e t les ver tus, les faço ns de penser et d ·agir que l 'instituteur voudrait développer ch ez ses élève , il faul d "abord qu 'il ait travaillé à les installer dans son ,âm e et à les cultiver en lui-m ême. Nous ne lui dem andons rien du stoficien , encore moins du p mitain ou de l'ascète ; n ous nous bornons à lui dem ander d 'être au dedans ce qu'il veut paraître aUJ dehors; de, travailler , sans r aideur et sans affeotation , à banni r de son :âme lou t ce qui déprim e et rapeli sse, les s.en tim ents m esquins et bas, les entraîneme,nts au la issér-aller , à l 'improbité, à la malfaisance ; et de s 'accoo·t umer , au contraire, par la .pensée, par le sentimen t et par l'action , à cc vivre sur le sommets », où l 'air est tonique el vivifiant. En seigner et façonner l 'enfance, ce n 'est pas une pièce où 1'001 vienne faire parade de beaux sentiments et jo uer en acteur ·un 1 b eau r ôle, quitte à le d époser la classe fini e qua nd, loin d e L ous, on est rentré dan s le sec.rel de la vie privée. C'est une chose érieuse et grave, qu'il faut e m ettre d 'abord en état de rem ipŒir dignement, pour être capable en suite de pr êch er , san se m entir à' so i-m ême, la foi au devoir et la pratique du bien. « Ce n 'est pas assez, dit un de maîtres de Port-Royal. d ei donner aux en fants de bonne inst.ructions ; m ais il faut au si tâch er de leur dooner de, bons exemples. Rien n 'a lant de force sur les esprits, et particulièrem ent sur ceux des enfants, qui p rennent bien plus garde à ce qu 'ils voient faire• à leurs maitres qu 'à ce que ceux-ci peuvent leu,r dire, et qui ne peuvent concevo"ir que du m épris po ur le bi,en qu 'il · leur proposent, quand leurs actions ne sont pas conformes à leurs paro·l-es . Et, en effet, peut-on écouter un b'o mm e qui ne s 'écoute 'P'a s lui-m êrrœ ? Et a-t-~n lieu d e croire qu 'il soli.t convaincu des V €>rités q:u 'il Mche de persuader aux autres, quand il ne se m et pas en pe ine de les pratiquer ?
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u Il faut donc qu'un précepteur soit à ses enfants -oomme une glace pure, et comme, un beau mirnir, où ils puissent voir leurs taches et leurs imperfections; ou bien comme une règle qui redresse, par sa rectitude,, tout ce qui y est en eux d'inégal et de défectueux.. Il faut, d'is-je, qJU 'il leur parle bien plus par ses actions que par ses paroles et qu 'il leur montre, plutôt en agissant qu 'en ,p arlant, par quelle voie ils doivent marcher. S'il fait luimême tout oo qu 'il a desse..in d',e njoindre à ceux qui sont sous sa conduite, non seulement il corrigera leurs défaut5, mais aussi il se ga rantira de ce jus le reproche que l 'apôtre fait à ceux qui n 'en usent pas ainsi : <t Que ne vous instruisez-vous vous-mêmes, dit-il, vous qu.i vous mêlez d 'instruire les autres ? » « Or, rien ne sert tant à un maître, pour donner bon exemple, que d,e, garder une grande uniformité dans toutes ses actions : « Prescrivez-vous donc une bonne manière de vivre et proposez-vous une règle que vous voulez suivre, dit Sénèqu,e ; compassez-y toutes vos actions, car l'inégalité dans la co!Ilduite est un e marque d'un es,prit inconstant et qui n'a pas une assiette ferme (1). »
3. La tenue du maître. La tenue du maîlrn, c ·P.st beaucoup de choses à la fois ; c'est presque tout son extérieur. C'.est premièrement la mise cl la toilette ; ce sont ensuite lies allure , les manières, les attitudes, les gesles mêmes et la démarche, un peU,, sinon la plus grande part~ de t(){Ult ce que J'é,giente le oode dJui savoir-vivre. La qualité principale de cet ensemble, c'est la correction ; le ,premier défaut à repousser, c'est la vulgarité, le sansgêne, si l'on \"eu'L Si à la correction quelque distinction et quelque élégance s'ajoutent - le fait n ',est pas très rare - les choses n 'en vont que mieux e ncore et l'on n e peul, en toute raison, demander rien de plus. · La inise d''abord. Nous sera- t-il permis, parlant comme
(1) CousTEL, R ègles de l'éducation des enfants. - L e précepteur, -dit-il encor e, étant te le modèle sur lequ el les enfants se do~ven t former, il fa ut que toutes ses actions soreo t si bien r églées, ses paroles si plein es d e ci.;eonspcc tion et de prudence, et toute sa conduite si sage et si uniforme, qu e les copies puissent se r essentir de la b eauté et de la perfection de l'origina l, et qu'il se fasse en eux une h eureuse tra nsfusion de ses bonnes mœurs et d e sa ver tu ... Il faut qu'il veille beaucoup sur lui-mêm e, parce qu o les en fa nts ont des yeux de lynx pour observer jusqu 'aux moindres actions, paroles"et gestes de leur maître, pour en faire le suj et de leurs entretiens e(souven(d e leurs ra illeri es, si elles n e sont pas bien réglées ».
�-203à 1·ordinaire sans déguisement, d 'exprimer quelque regret
qu 'elle ne soit pas LolJ!Îours plus saignée? 11 n 'en coû Lerait rien, pas un sou ; et c'est une remarque qui n 'est pas vaine en un temps où l'on sait le prix des vêtem ents eit des étoffes. Il n 'en coûterait que d es coups de brosse m oins parcimonieux, une a ttention plus méticul.eiuse à éJviler ou à pourcbass.er les moindres taches 1oui, les, moindres); il n'en coû terait, en particulier chez les institutrioos, qu 'un peu .. . nous n 'oson s pas dire de docilité intelligente à la mode, mais en quelque manièr e moin d 'hostilité à composer avec elle et moins de complaisance pour 1·archaïsme vestimentaire. Il ne faut pas s 'asservir béatement à la mode, c'est entendu et tel est le langage du bon sens; il faut m oins en core en accentuer les h ardi- sses ou les fan e taisies. Mais taut aussi' bi-en ne d s>it-on pas pourtant, en cela comme en toutes choses, se· r efuser à être de son Vemps ou à peu près. Il y a un art ou, si l 'on ipa·éfère, un e façon de se chausser , de se vêtir, de se coiffer q ui n 'exclut pas le sérieux et la dignité, et qui néanmoins fait q u 'on n ·est pas d 'un autre 1 âge : or, dans ce domaine du costume et de la toilette, on se signale tout autant. par un misonéi m e apeuré que par un modernisme outrancier . « Donn ez l'exemiple de la propreté e t de la simplicité n, écrivait un jour dans l'un m ême d e nos ;journaux scolaires, une personne étrangèr e à l'en seignem ent et, de ce fait, mieux placée peuL-être pour nous parler avec indépendance et franchise, « donnez l 'exemple· de la pro:p1reté et de la simplicité. Il y a des éducateurs qui, n e soign ent pas sulffisarnment leur tenue : tel vient en clas..c:.e avec un visage m al rasé, les ong les noirs, des vêtem ent tachés ; telle autre, fatiguée, peut-êt• e tTiste, s'habillera d 'un cor sage m algrar cieux, d 'une jupe posée de g uingoi . Quell e fo~·ce auron t vos con eils si vous avez le courage de .réaliser sur vousmêm e l 'ordre et la netteté que vous r éclam ez des enfa nts ! n (2). Et ces enfants eux-m ême , les petits surtout, n e sont-ils. ipas h eureux que leur m aîtres.se ~·habiHe non de ces couleurs somhTes qu 'on ren contre trop souvent dan s les écoles - Je maître y est tout noir et 1'on n 'ose pas y rire , - mais de coule,u rs. un peu claires et gaies.. qui sont de la joie, pour leurs yeux ? Qu 'instil.u teurs, qu 'ir.stitutrices ne craigne,lt pas d 'être un peu s.oigneux: dans leur mi,s,ei, sans déborder , la ch œe
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(2) R evue de l'Enseignement primaire et primaire supérieur, 8 m ar s 1925.
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·s ·entend, les limit,es où le ur budget les e,nfermc ; car, encore rum.e fois, la coqitllmterie simplre, m-es'Ull'ée et d'e bon goût, qui est déjà cle l 'élégan ce, u 'est pas si r ii~pe ndieuse que d 'a ucuns se plaisent à le dire. Une éwffe se) aiite n 'est pas à plus haut prix q11 'une, é,tod'fe quelconqur. ; un costum€> de bonne co upe n 'est pas une ruine, quant à la propreté e t au soin des vêtem ents ou des chaussures et à leur entretien minutieux, ils c·o nstituent une 0conomie, non une dépense somptua ire . Peut-être ceux qui exercen t à la campagne, surtout dans des communes retirées, so nt-i ls tout naturellement tentés d e s 'habilleir comme on s'habille au viùlage, sans y mettre tant de faç,ons, et dans Ira crainte m êm e de passer pour fats ou vaniteux. En quoi ils n 'ont pas tort : on voit mal les modes nouvelles apparaHr,e tout à coup dans un villag isolé et y h eU'rter toutes les idées r eçues ; il y aurait dans cette audace intempérante m a tière à sédition ! Mais il ne s 'agit pas de œs extravag:mœs i.nJvraisem blables. Il s'agit, qiuoique habitant la campagne, quoique tenu à plus de simplicité et de ré,erve que dans les villes, il s'agit de ne pas descendre au laisser-aller , au sans-gêne, à trop de banalité et m êm e à la négligence d ans la mise. La « bonne petite in titutrice, de campagne», qu 'on no us vante avec raison poor es prétentions m odestes - t on dédain du luxe tapageur, n 'en est pas mo ins e bonne institutrice e l ne perd ri en de ses qualités sérieu5e pour s'habill er agréablem ent et avec un goût délicat . li y a un exemple à donner ; donnons-le. Et donnon s-le en oi.lette, que la tenue sont des élén ous disant bi en q-ue la L m ent non négligeable d 'ascendant et d 'autorité : voyez dans les m agasin , voyez dans les gares, voyez ipiartout la différ ence des égard's ou des attentio ns elon les dehors et la tenu e des per onn e à qui le ma rchand ou l'em ployé ont affaire. c·,est un peu le code complet des bi en séances ou des cc usages dU' rnonqe », toot au m oins celui dei la civilité puérile et honnête que nous aurions à pa ser en re vue, si nou vouli()IJ)s entrer dans des détails abondants à propos de la tenue de l 'instituteur ou de ! 'in stitutrice. Mieux vaut s',en I;'em ettre au bon goût et au soin :précautionneux de chacun , à la condition que chacun possède ou acquière ce goût et s'impose ce soin . Bornons-nous à signaler aux jeunes quelques traver où il arrive qu 'ils tom bent , où tombent ·d 'ailleur d 'autres, plus ,/l.gés qu 'eux et qu 'il ne faut pas cependant grand ,effort pour éviter. Donc, pas de bizarreri es ou de singularités, ni de négligen ç_es non plus,
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de toilette e t d,e misei. Pas d e vêtements fripés ou froissés, déchirés moins encore, auxquels manquie çài et là Ulil bouton, où une épingle de sûreté supplée quelquefois de longue diat:e 'Ulil cordonnet déoousui q;uiand el,Le, ne ·m asq;uie pas un accroc non réparé (veillez sévèrement à cela, mesdemoiselles les stagiaires.. . et mêm e, titulaires). Une propr eté p t oujours exemplaire, ralffinée m êm e, et nous 1 arlons non seulement des habits e t des chaussures, ma is du corps, d u ,,isage, de la chevelure, des mains, des ongles ... Pas de mains en foncées durant la classe ou par les rues au plus p,rofond: des poch eS1. De la politesse envers les élèves, m êm e petits, avec qui il ne faut :pas êtr-0 ména~r d ·un merci affectueux et distinct quand on leur prend des maius 'ln ob~et ou quand' ifa ont soit rendu, lllil. mmUJ .service, soit fa it montre de quelque obligeance. Pas de coups de règle bruyants sur les tables pour scander la lecture collective - h élas ! - ou donner un signal, ma i au contraire le plu de sil,ence et de discrétion qu e 1·on pouTra ; le silence, c 'est de l 'élégance; le tapage, c 'est de la grossièrelié. Pas d e distributio n de cahiers par un lancem ent à la volée, où lesdits cahiers voltigent :par-dessus les tables e t s'en vont à travers l 'espaoe vers leur destinataire, au petit bonheur ; est-ce ainsi qJUJ'entre gens bien élievés on .se passe les oh~ j et ? Pas d 'attitudes m algr acieuses ou négligée , où le maître s ·assied à la diable suT le, coin d'une table, comm e .pourrait le faim un orateur populaire sur le coin d 'une tabl e d'auberge, etc. Ce sont toutes ces choses, oe sont tous ces détail s qui font qu ' un m aître se tient bien ou se :tient m al, donrie ou non un bon ,exemple, s'impose ou n on pa r son extérieur et sa tenue. Ce n ',e st que façade, oui ; mais c'est justem ent là ce qui se r évèle tout d 'abord et ne œs~e jamais d 'être visihle; c 'est justeme,n t su r quoi l 'on n ous juge tout de suite, sur quoi l'on continue de nous juger pour u~e grande part. Dcxnc, soignons la façade et que no dehor donnent de nous une idée favorable. Est-il besoin d e dire que, hors de la classe, ce même soin ·de la façade s 'impose de la m ême manière, e t plutôt davantage ? Dans ses ra:rniorts avec les a:utorités, avec les fom:nles, avec la population , il serait désolant que le maître passât pour Ù.rn excent'rique, ou pour un rustaud, ou pour un individu vulgaire, qui ne sait rien des usages <l'u m onde ni des règles de la bonne éducation . Au village surtout; il est, n ée€ saire qu 'on voiei en lui un homm e bi~n élevé et qui sait se tenir, qui sait · tenir son r ang . On J.e veut autrem ent que le commun , mieux que le commun , parce qu'il
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est l 'instituteur et qu 'une autorité morale s'attache à sou: vitre et à sa fonction. On est mécontent, on est choqué que63. tenue et ses manières n'aient pas un cachet de distinction et de supériorié. On n'a plus alo:rs pour lui la même-déférence ni le même· respect, puisque rien d 'extérieur et d'apparent ne met une différence immédiate entre lui et tous les autres. Nous n e songeons pas à dire par là qu'il le faille guindé, gourmé ou prétentieux, c'est-à-dire insupportable. Nous Je voulons, correct et soigné, digne â. 'être pris en exemple ; rien de pl'us, rien de moins.
4. Son langage. - C'est un point auquel déjà nous nous sommes arrêtés un long moment (chapitre VI) lorsque, examinant les devoirs du maître envers ses élèves, nousavons insisté d 'une façon toute part.ic.ulière sur le soin qu 'il doit donner à son langage et à sa dictioo. Les qualités pour ainsi dire intellectuelles quie l 'on a droit d'elti-· ger dans le langage du maHrn, nous les avons dites alors, ainsi que les qualités matérielles de b-Onne articulation et de diction élégante et nette. Nous avons dit entre autres choses, et nous le répétons aujourd'hui , qu,e la qualité maîtresse du parler c'est la co,necticm, la correctïon dans la simplicité, mais une correction attentive, impeccable ; et c'est e,n même temps le b-On goût, la haine du langage négligé et lourdement vul,gaire qui dispense d,e; l 'effort vers le bien-dire et glisse tœ.i,t droit à la trivialité. Mais c'est hors de l'école aussi bien que dans l'école que l'instituteur doit « veiller beaucoup sur lui-même n, comme dit Coustel, et donner l 'exemple du bon langage ; oh l sans la moindre pédanterie ni. le moindre maniérisme, mais simplement parce que répandre, et populariwr la bonne, claire et b elle langue française est, même en France, un excellent moyen de « civiliser n, d'é1ever Je niveau intellectuel e t de rendre à tous le plus pratique des services: Telle est la raison pour laquelle nous voudrions qœ, d.a.n.s les 'I'ég,ions où des dia1elctes locauoc ou provinciaux sont d'usage c<mJrant, l'instituteur et l'institutrice se fissent dès le premier jour, dans leurs relations avec les gens du vi1lag,é, une règle inflexiblie de ne jamais parler patois, ·mais de toujours s'exprimer.....;)n un français irf'érprochable. Beaucoup le font, tous d evraient le faire. Les gens s'y habituient très vite, nous -disait l.' un d 'eux, ils, finissent même par en savoir gré au maître; et l'autorité, de celui-ci n'y perd rien, bfon au contraire. Ce que les instituteurs n e font pas toujours, d'au1res fonctionnaires, mieux avisés,
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le font. Nous en connaiS'SOns qrui, e:x:perts à parler ndiome local, qui est le leur, ne l'utilisent jamais pourtant, conversent en français et veulent qu 'on leur parle ou, leur répond,e en français; ils n 'en recueillent que ploo de considération et ils rendent par œ moyen service à tous, en les .contraignant peu ou prou au maniement familier de la langue nationale. Nous voudrions enco1 que Jœ instituteUJrs eussent tous re .en aversion la trivialité dans le langage, et que jamais aucune oreille ne pût les 1 irendre en faute. La tendance est p _ grande et la pente est glissante, dans oerplins milieux. rus.tiques ou encore grossiers, à céder à l 'ambiance et à parler un peu comme tout le monde, c'est-à-dire mal el grossièrement. D 'autant plus grande qu'elle correspond à cette loi du moindre effort qui nous est plus ou; moins chère à tous : il ne faut ni réaction contre soi-même, ni discernemenv, ni attention qlllelquefois laborieuse pour parler un langage quelconque, banal et rel:âohé. Mais il ne faut pas s'abandonner à cette tendance; il fuut bel et bien la maîtriser, et .p ar respect pour soi, et par respect même pour des interlocuteurs qui y cèdent., soit, mais auxquels on -doit tout de même un autre eoc,eIIlfP'le. Disons plus : précisément parce que, le milieu est inculte ou fruste, il est indispensable qu,e l'instituteur soit l'homme de bonne éducation dont la pamle se refuse toujours aux expressions malséantes et :malsonnantes, et dont l 'eocemple même, en enseiJgne d'autres. Et c'est quelques jeunes princi1 alement p que nous mettons en garde contre! le laisser-aller que nous dénonçons ic.i. Ils ont bien d'autres soucis, n'est-œ pas, que celui de la convenance du langage ou que cette obsession du bon ton à garder·? Et ipruis, quand, avec quelques amis, on fait « sa partie, » au café ou qrui'on s'ébat sur un terrain de sports, l'endroit prete-t-il, au purisme et in.ême au choix tloujours fütéraire dles expressioosi i?/ Alors on s'oublie, on ne ,p ense pas à surveifüir sa languiei ; et telle est bien l'excuse, en effet, qu'on invoqim : « Je n'y avais pas ,p ensé... , je n 'ai pas faiv attention ». Pauvres excuses, ou: piètres arguties, dont ceux-là, mêmes qui y recourent savent le juste prix. Elles n'absolvent pas une forme regrettabl10 du man~ment au devoir, devoir de maître, devoir aussi d 'homme bien élevé qu,i doit l'exemple à tOIUs. Nous parlons de la moralité du langage ; n 'y a-t-H rien de plus à en dire ? Ne voudrrait-on pas que l'instituteur, homme de raison, que l'instituitrioe,, femme de goût, n'eussent jamais s,ur les lèvres rpropos méchants, médi-
�-208sanls ou violents ? Ne voudrait-on pas que non seulement leur langage, mais la pensée même qu ïl interprète . Oll1 le sentiment qu 'il traduit, ne fosse,n t jamais malveillants, discourtois ou haineux ? Ce ne sont que de bonnes paroles, wroles de raison et de sagesse, pa,i'oles de bon sens et de bon conseil, parol,e s d'e concorde et de respect, qu ïl de. vraient faire enténdre; et cela aussi serait d'un exœ llent exemple et l,e ur vaudrait l'estime publique. Ifiâtons-nons d'ajouter q;u,ei notr~ soUJhait est r,é alisé dans de,; milliers de communes; et ni l'école ni le maître n 'y pewl.ent. Le6 bavardages et commérages, dans la bouche des instituteurs et des institutrices, sont déplaisant s ou sots et toUJjourn déplacé&; aurOIIls-nous plus d 'induligence pour ces propos inconsidérés, pour ce& confidences intempestives dont ils remplissent le& compartiments de dïemin de fe~· les jours où se tient une ,réunion pédagogique d 'une espèoe OUJ d'UJD.e autre et où i:ls voyagent en groUlflles ? La füohell!Sle, la déplorab.Je manie que de ne pouvoir se déprendre une minute des chosoo de métiier et d'en parler, n<m& allions ·dire d'en caqueter, sans relenue et sans améni_té souvent, devant toutes les oreilles plus ou moins sympathiques et discrètes qui ·ont là ! Y a-L-il donc impossibilité majeun,e, à ne pas parler pédagogie dans les cafiés, les gares ou les trains, à ne :pias y évoquer en public - et combien dauber 1 les élèves, les règlem ents, les compositions d'examen, l'inspecteu,r, les marolte administrati,·es et tout le reste ? Comme si le beau temps e t la pluie, la santé des uns et des autres, les joUJrnau:x: du joor et ... le malheur d es temps ne pouvaient fournir aux conversations et mêmeaux facéties :plaisantes ,dies gens d'esprit un aliment "u1 1frsant ! Qu'est-il besoin de se rabattre sur les affaires ou les . histoires - ou les racontars - d'e la profession, et d 'en fatiguer ou d 'en faire sourire sans charité les voisins ? Oui,. le sot, le malencontreux travers ! Ce n 'est pas crime ,. assurément, ni faute impardonnable ; mais c'est une faute de goüt et souvent de bon s~ns. Et quand il advient que, parmi œs voisins inaperçus ou tenus pour qUJa.ntité négligeable, se trouve à point nommé, ip.ar un caprice du hasard, l'inspecteur primaire lui-même ou l'inspecteµr d 'ac1:1:d ém ,i,e nouveaUJ-venu quii s'entend accommodeir de toutes. pièces pa~• des babillards (ou: b.abiHardies) qui le connaissent à peine - cette histoire n'est lpja.S un conte - et qiui tout à coup, se mêl,e, à Jta conversatioo · pour décliner ses nomi et, qu.allité, de qiue_l' côté sont les rieurrs et de quel côté le,s parleurs interloqués ? Ou bien encore - aut·re his-
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toire authentique - c ·e t une jeune tagiaire qui , en ple in, march é et d 'une voix à laqu elle on souhaiterait plus de gr,âce et de fin esse, raconte à son ancienne institutrice qu 'elle a « ;passé son pédago » (sic) et que la voilà dé-..<-0r-· m ais bien tranquille. Ah ! que parfois le sil ence ,est d-·or, et qu,e. le bavardage. inéfléchi ou vulgaire peut inspirer une 6âch euse idée de nou- à qui nous entoure et nous entend ! Aussi bien , la langrne n 'est-elle pas la meille ure et la pire des cho es ? D 'une voix sans grâce et sans fin es e, venons-nous de dire. Eh bien ! nous, souihaiterion que le souci du bon ex,emple à donner s 'étendit à la voix elle-même, à la voix qui m érite bi en qu 'on la juge comme Esope jugeait b. langue. Chacun sur ce point a été rplus ou moins favorn.blem en t douié par dame Nature ; encore est-il possible de rectifier ou dl'am éliorer, ~ans de certaines proportions. ce d'on de na ture, ·et ch acun peut s'y emipJo,yer. Il est déplaisant· d 'en tend,rie, en classe, interpeller d 'une voix ma lagr éable ou rude le petit élève à qui le maître n e s'adresseainsi d 'ailleurs, on ne le supposerait pas, que pour l'interr og,er et non le g ronder. Il est déplaisant, hors de la classe, d 'avoir à constater quie l 'institutew n 'a qu•'une voix inculte et brute, qui, matériellement sonne mial aux oreilles. Cela n'arrive f!U ère, par bonheur ; c'est encore, trop que· cela se. r encontre de loin en loin. Il v a dans ce défaut une marquie d,'infériorité dont on aimera it à savoir noo ma îtres exempts.
5. L'a conduite. - Voilà un sujret qUli 1 p,rêterait à, des développemient.s interminables. Nous nou s restreindrons, ponr cette rai'Sôn entre bien d 'autres que le personnel des instituteuTs, dans ! 'ensemble, connaît bien là-dessus son devoir, qu'il ne faut d;'aillems qu 'un ,p eu de bon sens pour comprendre e t se pr escrire. n y a des écarts, il y a des fautes commises ; peut-on espérer une perfection si générale et si grande qu'il en, soit a1Utrement.? Mais .ce nous est un motif de plus rp.o ur insister auprès des a ébutants <;ur quelq:ues points spéciaux ~b leur s ignaler . de quelles défailla nces il faut se préserver avec le plus de soin. T otre plus vif ouhait, c'est d 'aboTd qu 'il y ait una nim ité ch ez les familles pour procl amer que l'instituteuir ou l'insl·itutrice c se conduit bien » et qu 'on n 'a sur ce point , aucun reproch e. à lui fa ire. Se .bien condlt.Iire, œ la dit en trois mots beaucourp de chose que nous entendons tons ~ans de plus amples explication : une sobriété pia·rfaite,
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pas le moindre dérèglement dans les mœurs, une propreté de vie morale, si l'on ose dire, qui défie le SOUJPÇOn même, tout ce qui enfin permet à la population de pe11&er el de dire que l 'instituteu:r: est u un homme très estimable » ou « un digne homme ». Et oette rectitude dans la conduite, il la faut jusque dans les petites actions de tou les jours et dans les détails mêmes de la vie : rien d'incorrect, rien de doutelllX, rien d'inconvenant ne doit être reproché ou imputé à l'instituteur. Il importe que 1es jeunes, débutantes comme débutants, en soient bien persuadés, en soient profondément pe1 uadés _ qUJ'ils ne s'exposent pas, el par des légèretés qu'ils se figurent innocentes ou qu'ils croient inaperçues, â être acOUJSés dJe se cond/uiire mal et de donner un exemple pernicieux. Qu'ils ne frayent pas avec n'impoTte qui; il y a des compagnies suspectes ;,u malsaines dans lesquelles U1I1 instiuteur et une institutrice ne doivent pas se commettre et quri ne peuvent que les rléconsidérer. Qu'ils surveillent de même leurs divertissements et leurs plarisirs; parce qu'instituteurs, il ne leur est pas loisible de n'y apporter aucun choix et de prendre ce plaisir où ils le rencontrent. Certes, nous n'avons aucunement dessein de mettre en interdi~ le dancing ou le cinéma, par exemple, s'ils y trouvent agrément; mais qu'ils sachent choisir, et qu'ils aient le bon goût de hien choisi·P; qu'on ne les voie pas n'importe où, en com.pagnie de n'importe qui, pour n'importe quelles distractions; et que nul écart de tenue, de manières ou de langage ne les désigne à l'attention ou à la critique. Nos jeunes étourdis ne se disent pas toujours assez ces ohoses et ne savent pas toujours, par malheur, s'imposer les réserves ou: les interdictions nécessaires; c'est pourquoi nous leur ra~lons qu'il en est, et de sévères. Qmi.nd', sur les quais d'une petite gare et sans la discrétion qu·e Ie hon sens seul commanderait. un jeune instituteur et sa comèlgue stagiaire . alffichent un fl.irt dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'à ce moment et en ce lieŒ ll est fort déplacé, et qu 'i1s donnent ainsi matière àJ des commentaires f-ort'·désobTigeants et pour eux et pour les instituteurs en général, croit-on qu'·ils agissent en personnes sérieuses qu,i savent se tenir ,e t se coind'ui·re, cruri ont le reS!piect d'eux-mêmes et de. leür profession ? Est-ce un tel exemplie qu'on attena 'd'eux, oŒ s'ils ont ,p erdu !'~prit pdurr s'OUJb1i~ d~ la sorie? Hcmune €i.Stimahle, l'i.nstiturteur passera du même coup pour honnête homme, et telle est bien ipour lui notre ambition. Tout c.e qui va à l'encontl'e de la droiture et de la
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probité un peu rigides : les faux-fuiyants, les allure.s louches, les indélicatesses, !"appétit déréglé de l'argent, il 'Hl *1ut pas qu 'on puisse lui reprncher rien de 1piareil. Il faut · qu·on puisse compter sur lui. Il faut qu 'il soit l'hommejuste el droit, dont la forme conscience est à l'abTi de la critique et du soupçon même. Il faut qu'enfants et familles aient pour lui cette estime et ce respect qwi ne se IP6Uvent ,refuser à la supériorité morale. « C.e. sera dans l 'hisloire un honneur particulier pour notre oorps enseignant, écrivait Jules Ferry dans sa Lettre aux instifuteurs, d'avoir mérit6 d 'inspirer aux Chambres françaises cette opinion qu 'il y a dans chaque instituteur, dans chaguc institutrice, un auxiliaire du progrès moral et social, une personne dont ! 'influence ne peut manquer, en quelque sorte, 4 'élever autour· d 'elle le niveau général des rru:euTS. » Mais cette influence, ce ne sont pas les préceptes ou les exhortations qui la créent : c 'est l'action même, c.'e t la conduite et c'est la vie; c'est la vie laborieuse et probe, droite et drigne, que chacun peut donc imiter, où chacun trouve un exemple sain et fortifianl. Ious parlions tout à l'heure dancing et div.ertissements; une question toute vo,i sine mérite examen : L 'instituteur peut-il i!réquenter le café ? ne dist'inc.tion s'impose, semble-t-il. Qu'à la ville, le dimanche par exemple., les instituteurs aillent comme tant d'autres· faire au café leur partie de bTidge, de billard ou d'échecs, no1Us, n'y voyons certes ,rien à louer, mais rien à bMmer non plu et nul n'y pounait trouver rien à redire. ou supposons, comme il convient, qu'ils ne hantent que des cafés respectables où , même dans la plaisanterie, leUTs allures et leurs paroles restent mesuré.es et correctes. Mais on sernit fondé à s'étonner et à s'inquié'.er si cette r écréatioo hebdomadaire se transformait en récréation quotidienne· ~t pour d 'interminables heU'res : il semble bien que la place de l'instituteur ne soit pas là, même si, mal,g;ro les alffi'rmations tant répétées que. la tlâche est absorbante et accaparante, d''aussi abondants loisirs lui demeurent qu'il ne sait comment occuper. JI nous semble même. préférable que l 'inslituteur n 'aille :jamais ou presque jamais au café ; l 'atmosphère qu'on y r.espire - nous tpi8rlons au: propre et au figuré -n'est pas tellement tonique l En tout cas, nous serions très alffirmatif quand il s'agit du village : non, ce.nt fois non, V'instituteuir ne doit jama,îs aller à l'auher~e, sauf exception rarissime et tout à fait insolite. Ce n'est pas d'un bon exemple, chez lui surtout qui, ayant à donDi8r un e.nsei-
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gnement anti-alcoolique, lui infligerait par là un éLrange démenti. Il ne peut quie s 'y trouve,.r entraîné à une familiarité frelatée ou de mauvais goùt, qui ne manq1Ue pas de lui être nuisible ; le cabaret ·p ermet ou appelle presque nécessairement un laisser-aller dont l 'insLituteur doit s,e ga-rd er avec s&vérité. 1 ous ne le, voyons pas du tout s'asseyant avec tout le monde et comme tout le monde sur une banquette d 'estaminet, parmi les fum é.es de tabac et les odeurs de bière ou de vin, pou1· acc.epter ou püflll' offrir « une tournée ». Il faudrait, au contraire, que tout le monde si1t bien que jama is, au grand jamais, il ne va au café e t que c'est oublier un peu le œsp~t dont il doiL être e ntouré que de le solliciter d 'y entrer. Tout cela, on le devine bien, sans qu 'il cessât l,e moin s du monde d'être un homm e .obligeant et bvn , et parfaitement sociable, qui sait refuser avec amabilité, mais avec formeté, une invitation de ce genre. Il y a ainsi des habitudes et des usages dont chacun -saura qu 'il ne les suit :pas, pa,rce qu'ils ne conviennent, p~s à sa fonction et qu 'il doit un tout autre exemple. Nous ne voudrions même pas qu 'il passât pour « grand fumeur l>. Non point crue nous lu.i interdisiops l 'usage du tabac ; qûi n e fume pas aujourd'hui ? Mais il est fâcheux qu'il soit réputé fum eur incorrigible, lui qui cherche à conriger le.s mauvaises habitudes et enseigne les bonnes. S'il ne sait -pas s'affranchir d 'un tel esclavage, si la seconde nature est ,devenue chez lui aussi tyrannique, comment 1 pourra-t-il :aider les autres à se 1ibérer dè tyrannies semblables ?
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6. L'instituteur et les opératfons commerciales. - Au demeurant, toutes les règl es et tous les conseils que nous répétons a.u cours de ce chapilre n 'ont qu'un but : prévenir <les défaillances ou des manquements dont l'in tituteur aurait à souffrir tout à la fois comme homme et comme maître et dont son œ uvre éducatrice serait à son tour diminuée. Un mot vient comme de lui-même à l 'esprit, qu 'on h ésite pourtant à • crire tant il a fini par s'affaiblir é ·à l'usage, mais qui dit bien ce qu'il s'agit d'exprimer : l 'instituteur doit se garder de toute action et de toute parnle qui porterait atteinte à sa dignité. Et cette dignité, oe n'est à aucun degré fü.tuité ou orgueil ; c'est le simiple. mais sltric t rnspect de soi et d e sa fonction , c'est le sentiment sincère des devoirs que cette fonction impose eJ; qu'il n'est· pas permis de transgresser sans en être le se.rviteur înfidèl,e et coU1pablei. Et sauvegardant sa dignité, il saq,1 egarde du même coup son indépend.anoe ; parce qu'il
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échappe a u· r eproche et paTCie qu ïl se garde de compromissions enlisantes, il n 'est le serviteur de p er sonne ,et personne n ·a .prise sur lui. Dignité et indlépenda nce : c 'est aussi par souci de 1·une ,et de l'autre que la loi interdit u a,ux instituteurs et institutrices publics de tout ordre lés professions commerciales et industriell e » (art. 25 de la Loi organique du 3o octobre 1886) . u Il n e pourraien t », dit une circulaire de 1897, rappelant e:x:prre sém ent cette interdiction - qui ·s"étend d 'aiUeurs à bien d 'autres fonctionna ires - « que perdre une partie de leur a utorité dans cette confusion ùe leurs fon ctio ns avec les affaires commerciales; ils s'expo·seraient à être accusés de subordonner leurs devoirs professionnels à des préoccupations personnelles, et à être ·suspectés d 'employer l 'autm ité qui leur est déMguée à favoriser des intér êts pa1ticuliers ,et à créer au commerce une concurrence facile » . On se représente mal un institute.ur qui soi,t en m'ême tem'J)s, en dleihors des hooirss de olas.se, m:archand d e grains ou agent d'assUTances, épicier ·ou représentant de comlmerce. On delvine bien qU1'alors la classe serait pour lui une besogne marginale, la besogne ·d 'appoint, et qu:e lia préocoupation de son cornmeroe ou de -son industrie, le souci des affai.res et des b énéfices ne lui laisS€fl'aient ni le temps, ni la tranquillité d'esprit, ni le désir m êm e de s'occuper activem ent de son travail scolaire : j} am ai,t à m ener à bonne fin bien d 'autres M.ch es, d'ans lesquelles son intérêt serait plus directem ent engagé. Or, n ous n e oroyons pas nous tromper en professant que la fonction d'éducateur exige un certain détachement. Il ne n ous semble pas qu 'on puisse l 'exercer ,en toute conscience -et avec foi sans qu:elque désintéressem ent du gain et du pirofit . Non pas, entendons-le bien , que ndus ne r éclamion pas pour les institu te,u rs le droit de s'inquiéter d e leurs traitem ents et de vouloi.r une existence ma têsrielle assurée et digne. Mais cela diL, on les imagine mal absorb és par les affaires ,et peuplant leur :âme ou leur esprit de sou cis d 'affaires, · de maniement d 'affaires : un homme ainsi absorbé ou tourmenté sei-ait ma lhahile ensuite et m al venu à donner certaines leçons. Secondem ent, on ne peut g uère supposeT qu ' un tel m aî tre, m ême à la dérobée, m ême par manœ uVTes insinuantes ou insidieuses, n e s·autocise pas de son titre et de son asc.endant poUJr r ecruter la clientèle,, et que dans cc ,dessein il ne fasse ,pas pression sur les enfant ou sur les p arents. · Ni que l'homme d 'affaire ou le commerçant, en
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lui, puisse se séparer de l'éducateur au point qu.ïl observera· dans sa, classe l'impartiale justice et n 'ama nulles préfélrences pour les enfants de ses clients les 'Pllu préci'eu:ic:. Ou bien, pour « étendre ses affaires », comme on dit, ou pour les restaurer si elles périclitent, devra-t-i'l se faire, solliciteur, raccoler la clientèle comme, d 'autres, pour gagner leur vie, courent Je cachet ? A quelles démarches serait-il alors réduit ou contraint qu• ne se concilient pas avec sa i dignité de maître et sa sérénité d'éducateur ? AusS'.i bien, nous nous en voudrions d 'insister et de rlémonbrer l'évidence. Il ·tomoo sous le sens qu 'on ne peut être à la fois instituteur, au service de la collectivité, e.t commerçant et indùstriel, pour son propre compte, sans qu'une des deux professions pâtisse des exigences de l'autre; et c'est probablement toujours celle d'instituteur qui passerait au second [·ang. Le mal alors serait grave : elle n'est pas de ces professions qu'on puisse exercer n'im• .orte comment el par à peu près, en simple mercenaire, p sans y mettre toute son activité et son :âme. C'.est bien ce qu'a voulu le législateur quand il a érocté la di position que l 'on sait (1). Un mot encore, au su(iet des coopérauives. C'est un point sur lequel se sont produits quelques conflits, un point aussi SUir lequel la jurisprudence hésite et qui a donné- lieu à dies décisions QIU à des instructions ministél'.ielles un peu contradictoires. Fréquf!mment le mouvement coo,pératif a trouvé dans les instituteurs des partisans convaincus ; plus d'un, s'e..<,t employé à la fondation d'une cooipérative, en a même accepté la gérance bénévole. Pour Tester dans la vérité, ne négligeons pas de dire qu'il y eut là, pilus d 'une fois, matière à l 'animosité de commerçants. Mais est-il légal qu 'un instituteur administre ou gère, même gratuitement, un e coopérative? Comment, en l 'espèce, interpréter la loi ? L'administration centrale a langtemps répondu non et, en pareil cas, mis le ma11:Jre en demeure d)'opoor entre sa fonction enseignante et sa fonction commerciale. Mais il semble bien qu'il n'en soit plus de même, car, au cours de l'année 1925, le Ministre, revenant sur une interdiction antérieure, a admis que les maîtres appOII'tent Leur concours aUiX coopératives, à une doohle con\
(1) La loi ne défend pas aux instituteurs de donner des leçons particulières, de se liVTer moyennant rétribution à de menues opérations d'arpentage, de vendre des fournitures scola ires à leurs élèves, etc.
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dition : r ils ne recevront pas de rétribution ; 2° la coopérative qu 'ils gèrent ou administrent n 'aura pas d 'autres clients que ses adhérents, ou, si elle est ouverte au public, elle consacrera à: des œ uvtres sociales les bénéfices qu'elle réalise.
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On nous dit qu ïl se rencontr.e parfois de jeunes maîtres
qu;i, prenant à leurs yeux mêmes figure de novateuTS ou d 'esprits forts, semblent vouloir laisser à de pilus timorés
qu 'eux tous ces scrupules professionnels et tous ces soucis du bien-faire que nous venons d'étudier à travers ce chapitre et qui leur paraissent le legs périmé d 'un autre lâge. Tant d 'entraves à l'expansion naturelle de four cc libeiri, », la nécessité d e se soume ttre à des renoncements ou à des r éserves qui requièTent un effort contre soi, leur paraissent d\intoLérables ~ênes qiue surpporte ;imrpatiemment un homme de progrès, aux idées ha•rdies·... Les temps ne sont guère, sans doute,· à l 'effort moral, à la discipline· peTsonnelle, à la contrainte sùr soi-même, ; e t sous couleur de liberté et de dro its, on e t enclin plutôt à ne pas se limiter, à ne pas s'asservir à tant d 'obligations restTictives qui devienne nt vite un encombrant fardeau. Prenon -en notre parti paurtant, et cc ceignons nC>s reins », comme disaient les sages antiques, pour l 'effort nécessaire. Car de ,:e meLtre en créance qu 'on peut être instituteur sans une ' fière tenu e morale et sans de belles qualités de cooscience, c'est s'abl)ser comme à plaisir ; à moins qu 'on n'a·pipelle -êtTe instituteur le fait de se tenir ix he ures par jour au milieu d 'enfant qu 'on n'aime guère, poiur une t1'che qu 'on aime .peu, qu'on ne compr.end pas, .qu'on fait sans joie et sans conviction, et dans laquelle on ne voit rien de 'Plus qu'un fa tidieux gagne-pain pareil à tout autre. Ce n'est tout de même pa · cela qu.'avaient voulu , qu'avaient rêvé les fondateun, de !',enseignement laiique, et ce n'e.10t pas cela quie la diémocvatie al.te'Il,d de nous . Ne nQIUS y méprenons pas : si nous ne savions pas, nous, les instituteurs, êLr-e ce q.uïl faut que nous SOl)'Ons et que l'opinion publique dema nde que nous soyons, elle se r etirnrait dP. nous sans merci et nous tomberions dans un discrédit dont aucune m esure lé,gislative, dont aucune tutelle officielle n 'aurait le pouvoir de nous relever. Ne prétendons pas à être d es hommes de qualit.é éminente, ne prétendons pas à être de prétentieux professeurs d e vertu ; mais sachons bi.en , de toute la claire vision de nos esprits et de toute la convic tion fervente de nos 11\mes, acbons nous dire e t
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nous redire que nous avons à faire avant tout notre devoir d 'instituteurr et d 'honnête homme, que hors de là Lout est dérèglement de l ·esprit, égarement irrémissible dans l ·action . L 'opinion publique n ·a rien rabattu de ses exigences légitimes envers nous et n 'est pas près d 'y consentir; les familles qui nous envoient leurs enfants e~ nous font confiance veulent, et veulent de plus en plus, que ces enfa nts reçoivent à l'école Lous les soins qui leur sont du~, et que les maitres soient qualifiés par 1,euir valeur professionnelle et par leur vale ur morale pour bien remplir la fonction qu'ils ont sollicitée de l'Etat. Et nous-mêmes, en tant que particuliers el pères de famille, nous avons des exigences toutes pareilles pour les maîtres, à quelque degré d ·enseign ement qu'il appartiennent, à qui nous confions nos proprns enfants. C'est dirn q,ue, dans les joors à venir autant que ,par le passé et ·p lus même encore que dans J.e passé, le corps des instituteurs trouvera auprès de l'opinion, souveraine maitresse· et souverain juge, le crédit seul dont il sera par eHe jugé digne et qu 'il ·aura m érité par la valeur personnelle de chacun de ses membres, entendons paT ces mots tout à Ir fois leUrr valeur de m.aîtr.eJS e t l€1UJI' valeur a d 'hommes, insépa.rahlement.
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�CHAPITRE XII
L'instituteur et la vie publique
Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime hors de l'école ? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux instituteurs.
L 'éducateul', l ' homme, le citoyen. L ' insliluteul' doit faire de la politique. L'insliluteul' el la politique active. 4. E x i genees plus strictes qu' on a pouf' lui. 5. - La politique el l' inlé!'êl de l 'école. 6. - L es familles et leu!'s pl'éoccupalions. 7. D ésacco!'d possible ent!'e l' enseignem ent el les opin i ons du ma îll'e. 8 . - L ' instituteu/' el son amvl'e de conco!'de sociale. 9. L ' insliluleu!' el les fon ctions administ!'alives. 10 . - Conclusion : comment tra vaille!' pou!' ' l ' avenil'?
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1. D'éducateur, l'holmne, le citoyen. - Nos leçons, jusqu' à présent, ont eu pœsq,u e touj01Urs pour oh-jet la vie p roÜ~". ionnelle de l'instituteur ; elles n 'ont par conséquent vu en lui que le maîh·e, l'éducateur . Nous venons toutefois, r .au ch apitre p,récédent, d 'étudier 1plus particulièrnment l"homm e et sa vie privée ; nous allons à présent le consi_<lérer sous un point de vue un peu nouveau, c 'est à savoir en tant que citoye,n et membre du corps , olitique. Nous p noterons tout de suite, d 'ailJ.eurs, et ce ne sera pai; la première foi s, qu 'entre ~es aspects divers de sa personnalité il n 'y a pas, rl n e peiut pas y avoir dans la r&lité les sélparations n ettes que, pour la comm-0dité de l'étuae, nous somm<>. obligés d 'y établir. Tant et si bien_qu 'en des chapitres p récéd ents, ur la neutralité scolaire, par exemple,, ()ITh sur
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les devoirs de l'EtaL éducateur, il nous a fallu côtoyer déjà et même amorcer par endroits les développements où nous allons nous engager aujourd 'hui. C'est que l '&lucateur est solidaire de l'homme; ou, plus ,exactement, il en est inséparable : l'éducatell!l' vaut ce que vaut l'homme. La valeur inLellectuelle et la val,e ur morale de celui-ci déterminent pour la plus grande part la valeur profession- · neHe du maitre, sans pouvoir en être isolées. Pelllt-être serons-nous tout à l 'heuire amené de la même manière à constater, si nous ne le pressentons déjà, que le citoyen Pt l'éducatem ne, sont pas non plus des entités indépendantes, soustraites l'une à l'autre et suscepilibles, dans la pratique, de s 'ignorer mutuellement. Electeur et citoyen au même titre que toot autre, l'instituteur, comme toot autre, a ses préférences et ses opinions personneUes, prend sa part de la vie publique, lit les journaux, discute à l'occasion les événements politiques du jour, appartient à tel ou Lel parti, s'inscrit à telle ligu·e ou à tel groupement, fâit en un mot acte de citoyen dans les mêmes conditions et sorus les mêmes garanties que n 'importe lequel de ses compatriotes. Et cela est nécessai1re ; il serait inconcevable que, chargé de préparer les jeunes générations à la vie civique, il se tînt 'lui-même oo, fût tenu à l'écart de la vie politique du pay:1. 2. ll'instituteur doit faire de la politique. - N'hésitons pias devant la vérité et disons-la sans détours : l'instiluteur doit faire de la politique. Et quand nous disons l'instituteur, nous entendons par là également l'institutrice. Il est pénible d 'avoir à constater parfois chez des femmes instruites, qui ont à donner un enseignement civique, qui ont tout au moins à imprégner d'un cert~in es.prit leur enseignement tout entier, il est pénible d 'avoir à constater chez elles l'ignorance à peu près totale des événements politiques actuels. C'est toute une province du savoir et rl.e la pensée qui leur est déroM.e, c',est , un aspec.t pourtant vaste de la vie co,llective où leur regard ne s·arrête pas. Et cependant les grands intérêts nationaux sol).t les leurs· aussi , tout comme aux hommes; ils sont les intérêts de tous sans distinction. Comment songer à ces choses sans évoquer une -parole profonde d 'Edgar Quinet : « Eleve, r des hommes, c'est beaucoup, sans doute; ce n 'est rien, si vous n'élevez des femmes. Les hommes feront des lois, les femmes seules feront les m~urs ... Elles portent sur leu:r giron non pas seulement les enfants, mais les œuples. >~
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(La République.) Demandons aux institutrices non cerles-
de se faire << politiciennes » et de se jeter dans la mêlée un :peu trouble des partis - elles ont mieux à faire à la fois comme éducatrices et comme mères, - mais de ne pas :rester étrangères à la vie politique de leur pays et tout au moins de la connaitre autant que le premier venu de leurs concitoyens, même électeur. Donc, disons-nous, l'instituteur doit faire de la politique ; ,et en revendiquanL pour les institutrices le même devoir, nous laissons entendre assez ce que signifient pour nous ces mots : faire de la politique. C'est, pour commencer, ne pas vivre en marge de son époque, mais avoir quelque claire notion des grands intérêts publics du moment ; c'est connaitre par conséquent les questions - il en c~t de redoutables, presque d'insolubles - qui se débattent au Parlement, dans la presse, dans l 'opinion piublique e,t constituent une des plus ,puissantes formes d'activité de la vie nationale. ous ne disons pas : c'est avoir toute prête, en poche ou dans l'es·pTit, la solution de ces qu·e tions; les homme de gouvernement eux-mêmes ou les techniciens sont .p arfois fort hésitants devant les problèmes à résoudre, et, si oompétent que se juge à priori n'import.e quel Franç,ais dans les choses de la politique, force nous est de convenir qu'on ne résout. pas ces problèmes avec l'aisance simpliste et la logique abstraite qui sont le triomphé des ignorants. Mais ces questions même ardues 0u insolubles, il faut en avoir une connaissance su,ffisante pour être en état de les comprendre en bloc, d'en apercevoir l'étendue et les difücultés, de les examiner avec quelque impartialité et non d;1 regard seul, plus ou moins rétréci ou faussé, soit d 'un partisan, soit d 'un adversaire également fanatiques. Enes ne sont pas d''aiHeur spécifiquement politiques, étiroil·em ent politiques, si l'on veut, c'est-à-dire d'ordre gouvernemental. Elles touchent à tont , .elles embrassent toutes les formes de la :vie publique· du pays; el qu ïl s'agisse de justice sociale, d 'hygiène socialf., de mouvement social, pour nous servir de vocables aujourd'hui fam ili,e rs; qu'il s'agis e de démographie, de lois fiscales, de mis-e en valeur des colonies, de rapports avec les autres Etats du .globe, etc., c'est toujours de la pülitiqu(\ puisque aussi bien il s'agit toujours d'intérêt,s généraux à la solution desquels chacun et tous, solidairement,, sont intéressés. Tout cela, qui est « ·la chose publique 'l>, il faut qu:e chacun s'appliq:ulel à le oonnaîtJ1e, à y voir clair : c'est -un devoir ,élémentaire pour le, citoyen d'une démocratie.
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La chose1 iPublique est perdue, observait Monte~quieu, quand chacun dit en en parlant : Que m'importe ? E_lle n 'est plus alors que la chose de quelques horrunes ou même d 'un seul homme, et l'histoire enseigne oe qu'elle devient une .fois remise à leur pouvoir discrétionnaire. Elle irnl)O(lte à tous, qu'ils le veuillent d 'ailleurs ou non et quoi qu'ils en puissent penser. Et ,plus les citoyens sont a,ttentifs à la comprendre e~ se mettent en état de créer, selon la sagesse et le droit, de larges courants d"opinion, mieux la chose publique est conduite par les hommes qui sont au gouvernail. L'instituteur est un de ces citoyens; il est parmi ceux grue leur savoir et leur habitudes d 'esprit autorisent à juger avec quelque lucidité les événements, les hommes, les doctrines; à ce premier Litre, fa irt de la politique est un clevoi1r pour lui comme pour Lous. n y a µ].'US. Non seiuJement il ne doit pas s'abstraire de son temps, mais il doit r é'pandre dans tout son en eignement un esprit, qui en fait prop,r,ement la vertu éducative. Es,prit non de secte ou dJ'église, de ·p arti ou de groupe, qui rapetisse et qui déforme, mai esprit largement humain et libéral, qui étend le regardJ et élève la pensée. Or comment imprégner d'un tel esprit l 'enseignem ent élémentaire lui-même, sans que des idées sous-jacentes el par conséquent inexp1rimées l'ins,pirent et l 'alimentent r Quelles seront ces idées, comment pourront-elles mettre l'enfant dans l 'air de la viei ,présente et le préparer à son temps, si ce n'est pas la vie contemporaine elle-m ême qui les fournit et qui les renouvelle ? Si, comme nous l 'avons fait tant de fois au cours de tous les chapitres de ce livre, tantôt l,e confessant et tantôt le déguisant, si l'on nous peirrnettait, di sons-nous, d 'érnquer encore un souvenir, ce serait pour rappeler un petit fa it déjà bien loi·ntain , q;ui eut pour Lhéàtre un école de g rands jeunes gens ,en passe de devenir instituteurs. Ce jour- là, plusieurs fonctionnaires de marque la visitaient, entre autres le Préfet du départem ent et un Inspecte ur généruT dont le nom r este cher à l 'école puibliqiue française. Et. parlant en homme de gouverneme nt , en sage et prudent administrateur, le Préfet donnait à l'auditoire ces conseils avisés : « Surtout, ne faites pas d,e politique; ne vou;- mêlez pas aux querelles locales, tenez-vous:. dans votre commune , à l'écart des brouilles et des disputes des partis. Votre rôle d'instituteur a de quoi suffire à votre activité ; ne la lui marchandez pas, pour alleT vous aventurer ' ans d
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la politique militanle, compromettre votTe situation. et risquer milile ennuis... Ne faite pas de ·p olitique; ne soyez. qu'à votre classe ... » Et l'homme de noble esprit et de haute conscience qui était là, reprienant à son Lour la question et la déplaçant, disait : « N001, ne faites pas de cette pollitique étroite ,et agressive, pleine d 'embûches aussi qui se met au: serrvice d 'un 'P'arti, moins que cela, d 'une fraction de parti, et crée autour d 'elle de l'hostilité ou de la haine dont votre école pâtirait, autant que vous; ou de cette politique p lus mesquine encore qui se met au seniir,e d'un homme, dont vous eriez ainsi à votre grand dam le vassal e t pre que le valet. Vous n'avez à épouser les querelles de personne,, et su,rlout dans votre p1ropre communt3' où vous ête l'instituteur de tous, au service de tous. N'a!lez pas déserter les austères et grands devoirs de vot.rn charge, devoir silencieux mais féconds, recueillis mais impérieux, '.JYOUr une action politique de caractère moins modeste et plus bruyante, mais plus facüe, parce qu'elle n ·exige pas les mêmes qualités solides de conscience el de· raison , ·et qui, plus théfürale, e résout peut-ètre plus en agitation qu 'en action sérieu e, efficace et réfléchie ... Non, ne faites pas une politique ainsi entendue. Mais je vous dirai pourtant : Si, faites de la politique. Instituteurs r épublicains, vous n 'avez pas le d1roit de vous dé intéresser de la Répu.hlique et des combats qu'il lui faut livrer encore pour devenir une réalité incontestée, une réalité dont chacun comprenne le sens et la pwfonde vérité morale. Instituteurs français, vous n 'avez pas le droit de vous désinté~esser · de la vie nat,ionale et d!'ignorer les événements qui ·. au hasard des jours la traversent. Vous avez dans vos écoles à faire œ uvre d 'éducateurs, une i::euvre civique, une 1.:eu 11re libérale, au même titre que vous dispensez le savoir. Tout ce qiue la liberté implique de de:voirrs et d',effo.rts, de, discipline personnelle ,et de discipline sociale, vou devez le savoir pour l 'enseigner. Toote la valeur morale de la libert€, toutes les conditious de so,n étahlissement et de sa riurée, toute la dignité q• 'elle confère à la vie co,ll eclive, u vous devez le savoir et vous l'être dit à vou -mêmes pour le répéter à vos élève et le faire pénétrer dans leurs esprits. Un grand Américaiill (Horace Mann) le disait il y a quelque cin(fUlante ans à ses conc.itoye:ns : cc U peut être aisé de fonder une république ; il ne l'est pas de faire des républicains, et malheur à la République qui ne s'a,ppuieque sur les votes de l'ignorance, de l 'égoïsme et de la pas-
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s ion I n ... Tout c~la, c 'est de la politiCJ!u-e ; et c 'est celle -là . qu'il faut failfe, et celle-là vous devez la faire si vous ne voulez pas être infidèles à votre r ôle .. . n 3. L'instituteur et la politique active. - Mais ici surgit une question épineus-e, autour de laquelle on bataille àpremenL, en adversaires irréductibles. L'instituteur, disent 1es uns, est un citoyen conime les a utres, et non un citoyen diminué. Car une di scrimination préalable s'impose, sans laquielle on fausse tout : il faut bien distinguer ielil. lui <lem: individoo ,effectivement distincts, le foillctiQIIlilaire et l'homm e ; ils ne sont ni assuj ettis aux mêm es règles ni astreints aux m êmes devoirs. Que, dans sa classe, en vertu m ême des lois qui ont fixé le statut de l 'éco1 e et organisé l'enseignem ent primaire, il respecte la neutralit~ et qu 'il n e soit pas l 'hamme d'un parti ni d1'un clan, la chose va ,de soi. Il lui faut êt're très évère envers lui-mêm e quand il s 'agit du r espect de cette n eutralité légale·; quell es que soient ses O'fl(Ïnions politiques et ses croyances per sonnelles, il ne ser ait pas tolérable qu 'il y m anquât ; la loi 1restreint rigidem ent sa liberté de parole et d 'action., et il n e la violer ait pas impunément. Mais ces contraintes et ces restrictions dont le fonctionnaire est l 'esclave, il cesse, rede--venu homme, d'y être sorumis. Si, à l'intérieur de l'école et dans sa fonction magistlfale, sa liber té est enchainée par les lois scolaires, il ,en va tout autrement au deh oo-s de l 'école : il n 'est plus fon ctionnaire alors, m ais simple particuli er , simple cito,yen , comme tout un chacun. Tout ,:;e : qu'alor s il dit et fait, il n,'-en doit compte à personne. ·Comme tout ci.toyen , il a le droit d 'exprimer pubJiquiement ses idées, de -les défendre,, de les prOIJ_)ager, quitte, comm e tout citoy- n ·aussi et selon le droit commun , à répondre e des abus qu 'il comm ettrait et dans les cas que la lo,i a pr évus. Lorsque, piar e-xemiPl-e,, en raison d e so,n altitude politique b9r s d-e l'école et pour cette raison seule, un Îll'itituteur est déplacé d'office, rr- çoit un e lettre de blâ me ou. e aux fin s de censure ou de r évocation , est traduit devant le Conseil départemental , une injustice est commi e ,enver s lui : car , dans sa classe et y exer çant sa fonction enseignante, le fon ctionnaire n'a pas enfoeint la n eutralit é et de ce fait est irréprochable. Ce n'est plus le fon ctionnaire, . c'est l 'homme indépendant, c'est le citoyen libre. qui a telle o~ telle attitude politique, qrui se mêle à la poî~ique militante, qui fait acte de po-litique ar.tiv,e ; mais ce cit0yrn -n 'est pas passible des sanc.tions administratives snus le
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coup desquelles le fonctionnaire seul peul tomber. En pa_rnille occurrence, il doit donc être mis hors de cause t:t pa,r tant échapper à ces sanctions. Telle est la thèse. Elle ne porte pas,, disons-le encore, sur la neutralité de l 'école et de l 'enseignement ; il n 'est pas question de récuser cette, neutralité et d 'ouvrir l 'école à une proipagande d 'une espèce ou d ·une autre. S'il est des maît1 qui, bien· mal inspirés, contreviennent à la neures tralité ,,oulue par la loi, ils savent quel devoir de '.':Onscience et quelle obligation légale ils enfreignent et à quoi ils s'exposent. C'est l'attitude de l 'instituteur hors d e !"école, hors de la présence des enfants, en tant que citoyen par conséquent, qui est en cause ici. Par exemple, un ins- . litutoo,r a-t-il le droit, dans une réunion publique, de prendre la pardle en faveur de n 'importe quel parti, de n 'importe quelle doc trine ? A-t-il le droit de se transfQlrm er P,.11 orateur ·p plitique et de combattre tel d éputé ou tel ministre, tel projet de loi ou telle mesure gouvernementale ? A dire le wai , lorsque des conflits se sont p roduits, c'est presque toujours de théories ou d 'idées « avancées » que 'les maîtres ou maîtresses incriminés s'étaient faits les protagonistes; ce sont des opinions « extrémistes », « r évolutionnaires » qu'ils avaient exprimées et soutenues. Mais les choses n 'eussent pas été différentes et la même question se fût posée si, dans des circonstances du m ême Qll'dre, l 'instiluteur se fût fait l 'avocat d 'une doctrine (( ultraroyaliste », comme on disait sous la Restauration.
4. Exigences plus strictes qu'on a pour l'instituteur.
C'-est un redootable suj et que nO'Us frôlons ; il n 'a que trop peut-être agité l 'opinion et la presse (y compris en premier lieu 1a presse corporative) et fourni matière à de& controverses imipétueuses. Sans jugement préconçu , sans prendre d 'avance parti ni pour les uns ni pour les autre&, nous essayerons d 'y voir clair en toule indépendance dP pensée et en tout esprit de justice. Savoir d 'abœ-d si les instituteurs ont l,e droit de faiire « ùe la politique » est une question qui ne nous arrêtera plus, après ce que nous en avons dit tout à l 'heure . Tout dépend, il e t vrai, du sens qu 'on donne à cette formul e ambiguë et , dans la bouche de certains, én ergiquement péjorative. Mais nous: nous en sommes expliqués, nous avons dit et nous redisons qu'au point de vue où nous nous sommes placés, faire de la ·p olitique est pour les maîtres non seulement un drnit, mais un devoir; d'où il suit
�-224.que pren..dre part aux ma nifestations de la vie publique ,:;o;t un droil qui leur appartient en principe comme à tout citoyen. ous n e voyons pias, par exempJe, à c:iuel titre o n prétendrait leur interdire d 'assister à une réiu,nion électoi·alei, de prendre part à un banquet .p olitique, etc. Mais il se w uit qu'un banqruet de ootle sorte soiit, au vu et au su de tous, une manifestatiO'Il clirig,ée contre le régime ; et l'on serait fondé à trouve;r ét4·ange alors que l 'instituteur, eu s tant que fonctionnair-e public, en tant que dépo: itaire par .conséquent d ' une parceUe de la p/Uissance publique, prenne part à une m anifestation dirigée contre celte puissance même et destinée à la combattre. C'e t une question, du r este, qui concerne L ous les fonctionnaires, non les insîituteurs seuls; elle est , en r ésum é, la suivante : Un fo nctionnaire a-t-il le droit cLe combattr·e au. gr and jour, par des actes pa tents, le gouvernem ent de qui il tient sa [onction ? Poser la question a Lorujours été la résoudre; il n 'est e aucun régime qui ait jamais - u la m oindre hésita tion à la r ésorudre, avec plus OU, moins de ,rig ueur toutefois .. Et s.i, comm e on le dil, de extrémistes se rencontrent qui la résolvent par l 'affirmative, on p eut douter que, détenteurs à leur tour du pouvoir, ils per sévèrent dans cette affiirm ation. L 'expérience des « r évolulion ~aires » passés et r écents, sinon actueils, réipoind de reste. Au surplus, cette qùestion n 'est ·p as celle que nous voulons ·examiner ici. EH e relève ou. du Parl em ent ou du pouvoir exécutif, et ce n 'est pas en juris le que nous étudio ns notre suti et ; nous ne disons, ni inter prétons, ni discuton s la loi, nou s nous plaçons au eul point de vue pédagogique et n 'avons ,en vue que le bien de l 'école ou du maître. Or , à ce propos, une différence esL noto• re : l 'opinion pui b lique ne s '• eut guère ou ne s'émeut qu 'à demi de, la ém participation de certains fon ctionnair-es aux ma nifes tatio ns politiques, m êm e quand ell es ont un caractère agressif ou exllrême; ma is ell e est, en par eil cas, b eaucoup moins indulgente aux instituteurs. Pom:quoi donc? C'est qu e, da ns bien des cas, 1'exercice m ême de la fon ction est toot à fait indépiendant des opinions poililiques du fonctionn aire et n e peut s'en ressentir en rien. Un em ployé des po tes, par exemple, ne fait pas payer plus ch er aux uns qu 'aux autres l 'affranchissem ent des lettres ou des paquets, ni ne m ajore ft,es taxes postales div81rses, au gr é de ses préiférences politiques ; et des remarques a nalogu es s'apipliqueraient au travail d 'un fonctionnaire des ponts et chaussées O'U d r.s ·douanes. Mais e,n est-il vraim ent de même ch ez l 'ins titn-
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Leur ? L'homme de parti, le militant, peut-il se séparer si complètement de l 'éducateur que celui-ci n 'en subisse j:.imàis la secrète influence ? Sans manquer brutalement à la neutralité, sen enseignement ne seira-t-iil pas tendancieux, n'exercera-t-il pas dans le sens de ses propres docL inès une seCTète pression sur les e pri ts ·e t sur les cous'r ciences? C'est là ce qu 'on reaoute, et qui ex.pliqu_ cette e sévérité plus g rande contre 1ïnstituteu• « politicien » que r contre tout autre fonctionnaire (1). Après des outrances d 'attitudes ou de langage, il n 'apparaît plus aussi qualll1é pour sa tJâche éducatrice, qui exige au contraire du cailnlè, de la pondération, de la maîtrise de soi ; il semble qu'o,n ne puisse plus attend• de ltiii la sagesse mesurée, la sere reine raison ·et le libéralisme toléran t dont on veut qu 'il soit 1'exemple. Celte sévérité, iil n 'est pas rare ·que des adversaires de l 'enseignement laïque la poussent au delà des limites légitimes, lorsqu 'ils en viennent à ü1ire à 1'institut eur des prncès de tendance, à lui reprocher non ses actes extérieurs et son attitude, qui sont corrects, mais sa pensée même et son opini011 intime, qui doivent être pourtant un secref inviolable. Que vous importe ma conviction profonde ~i rien dans mes actions, dans mes gestes, dans mes démarches, n 'offre matière à reproch es précis, si vous ne pouvez en rion les incriminer? Le droit de l 'Etat s'étend-il donc sur ne fond même de mon être, sur le sanctuaire de ma pen ée et de ma consc.ience ? Cela nous mènerait à la plus oppresshe des inqiuisitions. N'est-ce pas en plein Parlement qu'un sGnat'eur r épliquait à Jules Ferry, au temps des batailles pour la laîcit.é : cc Ne p,renez pas d'instituteurs incroyants ! » Nous-même, nous avons entendu un jour, dans une Cornmi:,sion ou un Conseil dont no1,1s no préciserons pas davantage la nature; cette .parole venue d'un élu du suffrage universel : cc Tout instituteur sociaHste cfovrait être révoqué. » De telles pratiques, qu 'elles visent les incroyants ou le,s socialistes. les déistes ou ~es réactionnaires, pourraient mener loin : ] 'ère des proscriptions serait vite orouv,erte. Ce sont là' des mœurs d'intolérance et de dictature - dictàturè d'un homme, d'un part'i, d'une
(1) Il faudrait sans doute examiner à part le cas où l'instituteur, désireux d 'u ne. carri ère. politique et ambitionnant un mandat électoral, fa it longtemps à l'avance 11cte d e candidat et prépare le t erra in. Même d ans ce cas d' a illeurs, plus d 'u ne parmi les remarques qui suivent lui est applicable.
MORALE PROFESSIONNELLE.
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�-226classe, peu nous chaut, - non les m œu.rs de la liberté. Ma is hélas ! sont-elles bien insLaurées chez nous, .J m ~·urs is de la liberté ? 5. La politique. et l'intérêt de· l'école. - Ecartés les -sophismes ou les solutions irrecevables, la question dem eure entière : l 'institute'UII' peut-il, sa cillasse finie, entrer dans la polil,ique militante, s'y faire le propagandiste d 'un parti , le zélateur d'une doctrine? Légalem ent, O'Ui ; la loi n 'a posé auc une interdiction de ce genre. Elle n 'est formelle que ur un point : le re pec t de la neutralité de l 'école ; elHe se tait sur l'action de l 'institu1 eur en tant que citoyen hoTs de sa classr. Mais· il r este, rl 'une part, l'autorité administrative qui peut estimer que l 'ins: ituteur ou l'institutrice, pa1 ses pa rol es et ~es actes publics, a commi une : faute (r) et s'e t exposé de ce fait à une peiné disciplinair-e (voir chapitre XIV) ; il reste l 'opinion publique, à la: juridiction de qui rien n'échappe ou ne peut prétendre éch apper. Seulem ent, alo'l's, la :Joi étant mue tte, tout drvient affa ire d 'ap précialion, de nuan ces, de d·osage ; et par conséquent les avis peuvent différer radicalement, chacun jugeant suivant ses tendances propres. Sauf dans les cas extrêm es, les ~s limites, comme disent Ies matbémati iens, il y a toujours, en toute bonne foi , mati ère à discussion et à interprétations diver genl es. Mais nous ne
(1 ) C irwlaire cltt 25 juillet 1925 au.-i; ins pecteurs d'Académie
« concernant les fa its r épréhensibles commis en clchors des fon c-
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tions et qui p euvent en gager l~s r esponsabilités des maîtres de l'enseignem ent » : - « U n certain n ombre de m aî tres, usant d 'une liberté civique que nul Gouvernem ent r épublicain n e leur contest er a, se m êlent à 1 ou tes les viol en ces de la propagand e communisbc. J c v ous r apocllc la doc trine cons tan te de mon dépa rtem ent en m a ti ère disciplina ire. E n dépit des efîorts t entés pour ra ire a dme ttre qu e .l'ins tituteur, sa classe ra ite, n e doit a ucun compte à l'Adminis tra tion , il a é té décidé, il a é té jugé qu e les incorrec tion1,. grav es de v ie ou de la n gage commises par d es ronctionn a ires de l'enseign em ent publi c ~ont in comp a tibl es avec les d evoirs d e leurS' fonctions et donnent lieu à des sanc.tions disciplinaires ... Il n o vi e ndra à l'es prit d e p ersonne d 'admettre que la grossièr eté d es a ttit ud es ou d es propos, la pra tique publique du m enso nge, le débraillé cyniqu e des écrits ou des a ltitudes puissent s'accorder avec la haute mission d e l' ins tituteur prima ire. « Il y a des choses qu'un ins titu t eur, qui cs.t fonctionna ire, n e p eut fa ire, » déclar ait le 7 juillet d erni er M. IIuysm a n , dé puté-socialis te e t Ministre des Sciences et Arts, d evant la Cha mbre b elge. f c .fa is mi enn e ce tte o pinion. J e vous confirme donc qu 'il convi en t, en deh or s de la s tri ct e surveillan ce d es leçons ou di ctées, de m e signa ler les m anqu em ents gr a ves à la di g nité profossoralc d es m aîtres ... »
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voulons iGi qu'examiner si, même quand il n 'enco urt aucune peine administrative, l 'instituteur qui se mêle à la politique active ne risque pas souvent de se fourvoyer et de faire ,::eiuVI'e mauvaise. Une première remarque, nous semhle-t-il, doit ètre nettement formulée avant qu 'on aille ·p1us loin ; celle-ci : l'instituteur n 'est pas responsable seulement de lui-même et du t'ravail de ses 6lèves, ill l 'est aussi de son écoJ.e. No us voulons dire que si, par sa faute, ! 'école qui est sienne venait à déchoir dans l 'estirne publique; si, par sa faµte, ces termes d 'école laïque, d 'instituteur laïque venaient à tomber en défaveur devant !'.opinion, on aurait le droit de le· déclarer coupable et de ~ en demander un compte ui sévère. Imaginons, pour prendre un ·exemple bien net, que dans une commune agricole où les opinions, certes, n'ont rien de ubversif ni d 'outré, il se déclare << révolutionnaire » ou quelque chose d 'équivaleüt, puis qu'il agisse comme tel, distribue des journaux et des tracts, - tout ce la, bien entendu , hors de son écOl'.e et sans s 'adresse'!' à ses élèves ; qu e, de la sorte, il indispose w ntre lui la population, qu 'il se r e,nd,e indésirable et fas e honnir et déserter l'école publique, ne serait-on pas fondé à lui faire gri ef d 'un teJ r ésuntat et à le r endre Tesponsable d.e la situatioo scolaire qu'il a créée a Il objectera : c'est mon droit . On en peut discuter . C'est son droit aussi de s'accoutre r dl'une façon ridicule et d 'ètrn la risée de enfants et d e famines ; c'est son diroit aussi de se rendre intolérable pur son caractère, par es allures ou se manières : adm ettra-t-on qu 'en l'une et ~·aulre. circon t;ince il n 'est pas nuiibl e à son école, JJ. sa fonction , à sa corpm-ation ? Même lors.qu'on se cantonne dans l'exercice strict de son droit, on peut avoir tort. Nous somines tous familiers avec la distinc tion l:radition:rwU.e du droit légal et du, droit moral, et nous• avon s bien qu 'a•ller ju qur'à l'extrême limit e de son droit ,e st souvent une maladtesse ou une faute, el m êm e un e iniquité. Que dirait-il lui-m êm e si, par exemple, son in specteur, entrant dans sa classe à hui! h eures du matin , y r estait jusqu 'à .quatre h eures du soir et rev,en ait quelques jours après encor e pour une double séan ce de cette $Orte? L'inspeclem poonait dire à son tour : C'est mon droit. Dan s l 'hypoth èse où nous n ou somm es placés, une propagand e extrémiste,, il y · aurait bien faute de l'instituteur, quoi qu'il p11t ·pr,étendre; tout au mo:i-ns lourde, très lourde et inexcusable m a1ladr r.sse: Trri,possible de nier, du Teste, que des cas peuvent ·se i'encontrer où la faute
�-228soit moins évidente, moins ce,rtaine, où elle puisse même êLre contestée; mais nous l 'avons dit : en l'ab6ence d 'un texte légal précis, et dans toutes ces questions de plus ou de moins, de degrés et de nuances, la contestation est toujours ,possible, de bonne foi. Une autre question se pose alors : n 'est-il pas regrettable, même s'11 n 'a pas tous les torts; même s'il n'a qu'à peine tort, qu 'un instituteur se permet.Ve des actes et des façons de faire qui ne sont pas dans sa fonction et qu'i1 sait de nature à émouvoir, à irriter l 'opinion publique? N'y a-t-il pas là de sa part un Eâcheux manque de sens et de tact ? Ajoutons : quel bénéficè en relire sa propagande .? Et quel bénéfice sur-tout en retire l'école la,ï que, dont il est, 'dont la nation et la 1oi veulent qu 'il soit le serviteur avant d·être celui d 'un parti ?
6. Les familles et le~s préoccupations. - Il faudrait que ce souci des familles, des €!lèves et de la population fùt toujours présent à la pensée de ~'instituteur; ce n'est, au surplus, qu,e le sentiment du devoir professionnel sous une de ses formes. Non pour l'incliner,· est-il même besoin de le dire, à des capitulations de conscience; non pour l 'entrainer à des actions contraires à .sa croyance profonde, et .\ sa foi, mais seulement pour l'amener à composer, pour le faire consentir à q.es accommodements comme tous nous en consentons chaque jour, parce que la vie en comm un n 'est qu 'à ce prix et que nul de nous ne vit dans .l'absolu; et puis encore parce que Je moyen de bien servir l 'école publique et les idées qu'elle symboli e n 'est pas d,e commencer par la rendre impopulaire dans la personne de ses maîtres. Or, encore une fc.is, qu'a-t-on. gagné quand on 1 soi-même dressé contre ell e les familles et qu'elles la tiennent en suspicion ? N'y a-t-il pas là, chez un instituteur, comme un m.épris des devoirs de sa fonction ? Qu ·on n e s 'illusionne pas : un maître qui , sa classe terminée, se rait le courti er d'un parti politique ne peut plu~ en uite·, de retour à sa chaire et enseignant les, enfants, apparaitre assez réservé, assez sincèrement respectueux de la neutralité pour inspirer confiance aux familles. Comm ent le batailleur sectaire qui est en lui saurait-il , en effet, revenu à ses élèves, se forcer d'Mre, impartial et rnesur1? Se dédoubler aim-i et s'opl))Oser à soi-même, non U11e fois en passant et dans une circonstance fortuite. mais ch.iquc., jour et toujours, 'doit leur sembler à d 'assez juste,]) titr,:s une opération difficile et suspecte. Et s'il se trouve que le parti auquel adhère .1 'instituteur et pour lequel il travaille,
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dans 1'ombre ou au grand jour, inquiète les familles, n 'en ont-elles pas de plus puissantli motifs de prévention ou de crainte? D'autres appréhensions peuvent à bon droit les troubler : Est-iJ bien sûr que ce maître, si préoccupé de politique, n 'en oublie pas un peu - un peu trop - sa tâche de fonctionnaire et d 'éducateur, et ne soit pas di pooé à l 'alléger pour avoir plus de temps à donner à la propagande ? Et pouriant, - « il est payé pour cela l>, comme dil le vulgaire. ous redQuterions fort que son activité d ',\ côté ne lui fit perdre de vue q-u.'il èst instituteur d 'abord, éducateur d 'abord , el que c'est de sa tikhe professionnelle d 'abord qu.'il doit être le serviteur intègre; nous redO'U. tons qu'il ne déserte « Jes austères e~ grands devoirs de sa charge, devoirs silencieu;x mais féconds, recueillis mais impérieux, pour une action politique moins modeste et plus bruyante, mais plus facile aussi et quelquefois un peu théâtrale », où les mêmes qualités laborieuses e t la même discipline de soi ne sont pas nécessaire . Fai-re d e la politique, la chose n 'est pas douleuse, est beaucoup plus facile que de bien faire sa clas e... Oui, nous redoutons que chez les jeunes (et de plus âgés aussi) la. véhémence des opinions politiques et sociales ne s'allie • as toujours p à une scrupuleuse conscience dans le travail obligatoire et au souci rigoureux du devoir journalier. Bien faire sa classe d 'abord, de tout son cœ·u-r et de toute son in ~ lligence; et après cela bien préparer sa classe du lendema in, · réfléchir à son travail des jo urs suivants el l'organiser ; consacrer le temps qu'il fu.UJt, et qui n'est jamais su!ffisa.nt, à sa propre culture, cette culture indispensable que plus d'un néglige et sans laquelle pourtant son enseignement peu à peu se rabougrit et s 'anémie; donneT quelques loisirs encore aux Œuvres post-scolaires, tout cela nou,s paraît déjà une Mche très ample e t ardue, assez touffue ponr remplir !laborieusement les journoos, ass.e'l elfficace et haute pour valoir à l'instituteur, et par lui à l 'école loïque, l'estime et la sympathie des familles et des populations. Et nous ne croyons pas qu'aucun ,prosélytisme politique, quel qu 'il soit et si pures ou si désintéressées même qu.'en puissent être les intentions, soit capable d'avoir pour l'école et pour le maître les m êmes conséquences bienfaisantes. Ces conséquences heureuses ne se limitent pas au présent; et quand on se donne pour artisan de l 'avenir, le mei-lleur moyen de travai!ler à cet avenir· c'est encore et c'est d 'abord d 'amasser autour de soi', c'est-à-dire autour de l'•:llu-
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vre que 1·on sert, des sympathies et des adhésions, et de ne pas se rendre soi-mêm e ou · r,endre son œ uvre antipathique. · Nous entendons bien qu 'on nous r éplique ici ou là :· Mais dans le milieu où nous exerçons, notre action politique n'est ,pas jugée défavorabl,ement; si elle nous atLir.e cLE's inimitié&, elle nous crée en bien plus grand nombre des amitiés certaines . - Voire. Et puis est-i1 dans le rôle de l'instituteur de se créer des inimitiés, m ême peu nombreuses, par des agissem ents qui,- au dem eura.nt et pour tout homme impartial , son t discutables ? Et en e;iste-t-il tant que cela de ces miyeux où l 'on accepte q_uïl se i.asse. politicien ? Ne se J.ait-il pas quelques illusions à lui-même s ur le nombre de ses approbateUTs ? une diplopie complaisan te ne lui en grossit-elle pas le nombre, alors que oelui des opposants lui est dé.robé ? Chacun croiit fort aisém ent ce qu ïl désire, enseig ne le labulis;e. Mai , pour clairsem és qu'ils soi ent, les opposants ont bien voà au chapitre; en toute jœtiœ , on ne peilll les taxer d ',erreim loTSqu'ils soutiennent que l 'institute ur esl là pour un service génén l, non pour une œ uvre de parti . Nous irions plus loin : nous redouterions que cette oction soi-disant bi,en accueillie et populaire n 'eù l un caractère d ém agogique, sans dignité ni grande ur, et ne com.porb~t surtout de la na tterie :, l 'éga-rd du << pteuplo ». S'il ' , ne s'agit que de prêcher une cerlaine, émancipation , et la r ébellion contœ . toute auto,r ité, et la révolte contre les liens soôaux. ; s'il ne s'agit que d,e prêter à la masse toJUtes les verl us el tous l,es bon s instinct s, rien de plus facil e et peut y réussir qui veurt,; un peu1 d 'em;pha.se m ême videi y produit Loujoll!rs effet. Ma is q1111i dira à ce peuple les « v&rités sévèr es » dont il a urait besoin qu 'on le nourrît ? Qui lu,i enseignera, avec Quinet , qu'« en naissant à la vie politique et sociale, il naitra à l'inqui étude, à la douleur, aux incomm ensurabl es soucis » ? Qui aura le courage de lui dire e t d'e lui • répéter que << si ses instincts ne s'élèvent pas, la couronn e ne s'abaissera pas sur son frq1nt e t que le m onc'Le n e descendra pas pour subir patiemment sa doininati<YO >> ? Oui, qui lui dira jusqu 'à en être ent endu qu 'il doit s'élever , dans tous les sens du m ot, pour faire figure de classe dirigeante? et que s 'é~ ever , c'.est d '.abocd se disci,p,line,r , réprimer les instincts brutaux ou grossiers, se h ausser au savoir et à l 'intelli gence d,es choses de la cit é? Qui lui enseignera, avec Horace Mann , que << si la justice et la droiture ne sont pas dans .tous les esprits et dans tous
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les o::eu'l's, non seu,lern ent il nous faudra renoncer a ux institution républicaines, m a is la prospérité et le bonhe ur Il ~ seront plu ,p our nous qu e de va ins mots ii ?
7. Désaccord poSls.i.blei entre J'enseigne.m ent et les opinions du maître. - Et voici un arg um ent e ncore auquel
nous atlach erion un très grand prix. Si les opinioIJs que le m aître professe hors d e l ·école sont en désaccord avec son enseignem ent dans l 'école, auquel des deux personilages, I ïnstitutem ou, ] 'homme d ·un parti , faut-il accorder créance, et qu e valent soit ses opinions, oit son enseignement ? Quelle sincérité, quelle loyauté par conséquent. m et-il dans celles-là ou dans celui-ci, et Jequel des de ux rôl es .p r endre au, sérieux? Tant qu 'il ne s'agit que d'initi er les enf'an ,s a ux règles de la grammair,e ou du calcul , nou entendon bien que peu import_ent le opinions politiques . de l 'instituteur et qu 'ell e n 'ont ri en . à voir da n l 'affai re . Mai ce m ême maître, dan s es leçons d e moral e et d 'inslTuction civique, ou au ha ard des leçon de Jectur<i ou d 'histoir.e, en seigne la Déclaration des droit de l'homme et • es institutions r6puhlicaines. Il enseigne le l r espect de la loi , et qu 'en d ehors de la loi il n 'y a qu 'arbitraire, caprice individuel, raison du plus fort, di ssolution • sociaJ.e en un mot . Il cnseig11e que la loi est l 'expr ession de la volonté générale, et qÛ 'en définitive c'-est la n ation librement, ·régulièr em ent consultée qui eule détient le po nvoir souverain. Il enseigne le respect des opinions adverses, et que la violence n 'est pas un mo-Je• de per suasion, qu 'inn sulter ou m êm e assomm er un ad,1ersaire témoign e d 'une menta.Jité digne tout juste de l '19.ge d e pien e. Il enseig ne que la liberté n'est pas l,e droil de tout faire san s frein , et "que l'homme libéral r éclam e la liberté ,pour les autres autan t que pour lui -m ême. Il enseigne les devoirs envers la patri e; il enseigne que la na ti on est « une grande amitié ll, selon le beau mot de Mich elet ; il enseigne Je r espect du dToit..... · Mais que pen er si ho'l'S de l 'école il exprime d es opinions contraires à son propre enseignement ? Que penser s'n se déclare h ostile à la R°épJUbliqu e et partisan des régimes passés, s'il s'alffiiche partisan de la violence , parti san de la dictaluTe _.:... fût-ce celle du proJ.étariat , - partisan des coups de force, contempteur de la patrie? ... Sj ce sont bien là ses opinions sincères, si ' tell e est bien sa conviction r éfl échie et profonde, avec quel m épris secr~t ou, quel reni ement intime il doit faire· aux élèves les leçons
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qui vont contre sa croyance ! A moins, autre hypothèse plausible, qu 'il n e les fasse à la lé-g ère et ,p ar ac quit de -conscience, cc puisqu'il le faut » , et sans y attacher d 'autre importance. Mais alors quelle conception a-t-il de ses devoirs de maître ? quelle est cette conscience qui habite· en: lui et qui consent à de pareilles tromperies ? En tout état de cause, comment peut-il, ainsi qu 'il le fait, se prêter -à ! 'imposture et jouer la comédie ? Comment accepte-t-il -d e donner, en m entant, un .enseignemt'lnt qui a PQUlitant sur ses lèVTes toutes les apparences de la sincérité ? Est-r.e que, incroyant, il accepterait n éanmoins de faire apprendre· -et d 'expliquer le catéchisme ? Il lui serait aisé, pour garden· l'accord avec lui-mêm e, de résilie r sa fonction olffi cielle i:t - r ecouvrer ainsi sa liberté ; que n e e résout-il à celte de :soiution· d 'honnête homme ? Restent les ,enfants e t ies famiQles. Une contradictiol!ll a1J1SS.i flagrante ne ·peut leur échapper , qui les étonner a d 'abord,. les irrite-ra bientôt et les indig nera. Tout oe que le maîtredit en classe et les leçons qu'il donne, ce ne sont donc qu0 billevesées et mensonges, puisqu 'il les dément en suite e t Jes condamne ? Mais alors comment ose-t-il pu ler am enfants comme il l,eur · parle, et avec sérieux, s'il doit, après, leur infliger et 'infliger à lui-même, de propos délibéré, un démenti a ussi a'u dacieux ou ·- cynique ? Qu el cas · rai: -il • des obligations légales qu 'il a contractées en enl:'.:int dans l'enseignem ent ? Est -ce un enseig nement de m ensonge qu 'il s 'est engagé à donner? Ces questions-là, et bien d 'autres semblables., les · familles se les poseront; elles y füront des r éponses qui seront pour l 'insti,tuiteiuir U!Ile condamnation sans m er ci. Il sera à leurs yeux tout ce qu 'on voudra, sauf un h omme sûr et droit , sauf un homme de. devoi-r.
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8. L'instituteur et son œuvre de concorde sociale. -
La
politique militante devient vite agressive, eL lorsqu 'elle se m eut dans un milieu étroit elle a tôt fait de dégénér er en rivalités ,p er sonnelles, en mesquin es questions de boutiq1!e. N'am èner a-t-elle pas l'in.stitUJteurr à pr-erndre pa- ti contre r oer taines personnes de la commune, ceLl.es qui sont à la tête de groupes opposés au sien ? N'en viendra-t-il même pas, par la force des choses, à les prendre à paî'tie ? Nous Ie voyons m ai dans une réunion publique, ayant comme con , tra dicterur l,e père d'U!Il de ses élèves. D'une diiroussio n collirtoise et tout académique, certes, m ême si les adversaires restent sur leurs positions, il ne r ésulte souvent qu'un
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p.eru.r p.h..16 d ·astime et de confiance mutuelles ; mais des dis.eussions pûLitiques, iil.naîtra bien plutôt aigreur et hœtilité: .elles s'.envemiment si vi>te eL sans qu'on le veuàlile ! Et l 'insti.t.ut.e.w- alors ne sera plus le maître égal pour tous; il sera 1'hom.me d ·une coterie, nOIIl de tout le monde, bien que pom.tan! il reçoive et i~truise les enfants de l'OIUJS, indisti,netemen.t. Que nous le voudrions plutôt agent de conccxrde et d 'union, élevé au-dessus de tous les partis sans s 'inféoder servilement à aucun 1 « L 'instituteur, · disait Quine t, a un rôle plm universel que le prêtre, car il parle tout ensembl_ e au catholique, au protestant, au juif, et il les fait entrer dans la même communion civile. » Substituez à ces appellations religieuses des dénominations politiques, les choses seront tout aussi vraies. Dans ! 'emportement parfois aveugle des polémiques et des haines, les partis sont inattentifs â tout ce qu'ils ont de comm un - surtout les partis qui , sincèr ement, se réclament Lou de la Républiq~e - et qui forme un domaine plus vas:e qu 'il n 'y paraît. Pourquoi 1'instituteur, san s rien abandonner ni' renie,r de son litre de laïque, sans cesser d 'enseigner, suivant, l'ex.pression m ême d ' un chef d 'Etat, la République et la démocratie, n e se hausserait-il pas a u-dessus de tous les partis pour une œ uvre .de con corde et de réconciliation il Ce serait là un beau rôle d 'éducateur; c 'est un rôle lrès gra n.d et très noble qu ·avaient rêvé pour lui les fondateurs de notre enseignement national. Nous ne lui demandons. pas, r edisons-le une fois encore pour éviter toute équivoque. une so-rte d 'atQnie passive ou d 'abdication résignée en face s d 'hostilités systématique_ ; nous lui demandons de n'y pas <répondre par la haine et par des violences de langage. ous ne voulons •pas surtout qu'enseignant à ses élèves la i'raternité, la tolérance, Ie respect mutuel, il aille proférer ailleurs des paroles haineuses et brutales, des paroles d'e vio, lence et de guerre civile; nou~ ne voulons pas qu 'on l 'entende jeter l'anathèm e sur les dissidents et prononœr des excommunications. Encore une fois, ce rôle n 'est ,pas le sien .et sa f.lâclw œ.t tout l'opposé de celle-là; nul homme sensé ne peut admettre que, hors de ) 'école et soi-disant libre citoyen , il détruise l 'œuvre de paix et d'accord social qu 'éducateur il fait dans l'école. cc S'il faut tenir tête à l'adver sa ire, il ,est nécessaire égalem ent de désanner son hostilité en la r endant inelffi'cace. Vous engagerez donc les instituteur à persé.vérer dans les h abitudes de taci et de rnorl ération qui cara.ctérisent leur ense ignement oi·al. Quel qu_e ~oit l'acharnement des con-
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flits soulevés autour d 'eux, ils se garderont de Tien laisser transparaître dans leurs leçons des impressions fücheuses qui pourraient leur en être r.estées. Les controverses du d eh ors n 'ont point à se glisser d ans la classe ; les diffamations dirigées contre nos idées et nos mé,thodes n 'autorisent en aucun cas le maître à r épondre à leur m" alignité par les bruLalités d ' un enseig nem ent de combat. Que, vos instituteurs pénètrent leurs leçons d ·un oufüe Iargem en, patriotique et moral; qu 'ils s'efforcent de usciter ch ez les enfants dont la formation leur est conHée le respect de toutes les grandeurs, le culte de L us le h-éroïsm es, 1ïno tuition de toutes les noblesses ; qu 'ils &veillent en eux la faculté de comprendre, de sentir ce qui donne véritablem ent son prix à la vie et la rend digne d 'être vécue; qu 'ils leur r évèl,ent ce qua fait la spfo-ndeur d'UJ mond~ qui les ento uTe, an rien. dénigrer de ce qui fit la majesté des· dge écoulés. La neutralité, telle que nous la concevons n 'est point néga tion . Elle est l'aillTm ation , au contraire , du droit de la personne humaine au Jib1·e épanouissement dt's instinct supérieurs qu 'elle porte en elle. )) Le Ministre qu~, en r9r r , donnait ce instruction aux inspecteurs d'académie les écrivait à propos des attaques dirigées à ce m oment contre l 'école publique · el les m anuels colair.es,; il ne défini ssait que l 'attitude du maître dans .;;a cla se. Mais ! 'atti t ude du maître hors de l'école, son attitude d e citoyen ,et non plus d 'instituteur, - de cito,yen pourtant qui , pa·rce qu 'il est éducateur, doit avoir un e m entalité et un ton autres qu,e le vulgaire ....-. n 'est--elle pas tout entière aussi dans œs fortes et droitels paroles? \'e faut-il pas souha iter grnndement que, lorsqu 'ils se m êlent à la vie politique, Je& instituteurs y apportent ce h aut e,;prit d e tolérance et de liM ralism e, cet esprit de vérité et d e' raison, d<Ynt on aimerait à ne [es voiT se ~rtir dans aucun e circonstance? Ainsi serai,ent-ils, comm e citoyens et comme homm es, ce qu 'ils sont ou doiv,e nt être comme instituteurs; et cette uni té de leur enseignem ent et à e leur conduite serait le m eilleur des exem ples, serait la plus digne et la plus fru ctueuse des propagandes en faveur des idées qu 'ils r eprésentent. Il ne fa tit pas le taire : le manque de m esure et de tact d'un pe.lit nom bre de ces institurteurs (et de œ s institutrices) pofüicien s (}fit Ca·usé ou sont propres à oaruser UJil tort oonsidérab1 e à la corporation t'Out entière. Coooc oo,n t nous voulons parl,êr se sont faits avec intem pérance les défenseurs ou les parti sans de doctrines extrémistes ; leurs al -
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!mes, leurs ac,ions., leur langage ont donné lieu plu q u 11 n'eût été désirable à d ·acerbe et justes critiqu es. Ils out alffi cb é sans la rn oindre modération des opinions exal Létis ou violon t.es, qui étaient l,es bienvenues peut-être dans quelque mili eux populaires, m ais qui ne rencontraien ; aucune faveur dans les miheux éclairés, Ils n 'ont pas paru toujours, en s ·y ralliant, faire preuve de beaucoup d 'esprit critique ni témoigner de la po na'éra ti on d 'esprit qu 'il sembl e bien qu 'on doive attendre d 'un éducateur . Ils n 'ont pas paru davantage avoir su)ffi, am ment Je sen s _ des réalit fls sociales et de ! 'évolution historique ; ils ont attesté une m.éc0'11 naissance du possible et un goù t à la fo is naïl et prétentieux de l'absolu qui ,pouvaient par insta nC prêtrr au sourire. Et d 'autre part il s 'est rencontré m aintes fois aussi que ces propl)ètes de la cité fu ture oublia ient un peu trop les devoirs précis et gênant de la cité présen te, 11 t semblaient n 'avoi,r qu 'un aSS€z m édiocre souci de lenrs obligations professionneilles. Ainsi se rendaient-ils douible.mi3nt ha[ssabl.es, a.u grand préjudiœ du personnel tout entier des i,n stitUJteurs, accusés en hloc de fai re 1œuvre anti-socia le « œ:u,vr e d e m ort» , et de préparer des générations grossièTemen t m atérialistes, mûres pour « ! 'illuminism e r évoluti onnaire, ». Accusation dont ceux qui voient les ch osès de près savent le juste fondem ent, mais d ont sont responsables au premfor che-E les ,exalths violen ts qui çà et là, dans leur m ysticisme réformateur, ont perdu tootei mesure et toute règle. Ce sont eux qui ont fait naître et qui ont permis aux adver aires de l'enseignement laïque de répandre .cette légende nouvell e et absurd e, que l 'instituteuT est un homme qni fait de la politiqu e - et quelle politique' ! - m ais qui néglige sa classe et. n 'y fait ri en qui vaiHe. Or, nou s ne nous fatigueron pas de lè redire, il est indispensahle, il imiporte au su;prême pOIÎin.t grue, l'opinion publique soit avec nous; et nous ne la conqruieirrons ou la gaTderons que si nous prenons soin d 'abord de n.e pas l'effarouch er el de ne pas l'inqui éter , et j , au double titre d 'hommes et de m aîtres, nous nous imposons au r espect ,et à l'estim e de t ous.
9. L'instituteur et les fonctions administratives . -
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m ême article 25 de la loi du 3o octabre 188... , que nous 6 avons cité au chapitre précédent à propos des profcssio,ns comm erciales et indu srieJl.es, in lerdit également aux instituteurs cc les fonctions administratives ». Il 1 ulte de ce •é tex te, compl été d 'aillcur par qu elques autres tel que la loi
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municipaie du 5 avril 1884, des arrèts du Conseil d 'f.tc1I, des circulaires diverses : · 1 ° que l'instituteur ne peut être consemer municipal dians la commune où il exerce, puisque la loi du j avril 1884 dispose que « les instituteurs publics ne SO'Ilt pas éligibles dans le ressort de leurs fonctions » ; 2° mais quïl peut l'être dans une autre commune, puisque « aucune disposition de ladite loi n'interdit aux instituleurs d ·exercer le mandat de conseiller municipal dans toute commune autre que celle où ils exercent » :,<~irG11laire ministé1'ielle du 10 août 1908) ; 3° qu 'en aucun cas il ne peut rempli_ les fonctions de. r maire ou d 'adjoint. << En effet, il est incontestable que l'une et l'autre d~ ces fonctions sont essentiellement adminislratives puisqu'elles consistent uniquement dans l 'administration communale. Elles sont donc, à ce titre, interdites aux instituteurs public par la loi du 3o octobre 1886, art. 25. » 1Même circulaire. - Le Conseil <l' Etat s'est d'ailleurs prononcé dans ce sens). Par contre, un instituteur peut être choisi comme délégué sénatorial ; il ·peut, n'étant pas subventionné sur les fond du département, être élu conseiller d'arrondissem ent ou conseill er général, même dans le canton où il exerce. Il peut être é<lu membre du Parlement, mais à la con,dition d'abandonner, dans les huit jours qui suivent l'élection, ses fonctions d 'instituteur. Ajoutons que les institu:eurs et institutrices publics ne ,p euvent exercer aucun emploi rémunéré ou gratuit dans le service des cultes; qu 'ils ne peuvent pas davantage prêter leur concours à des établissements libres d'enseignement. Il est vrai que ce sont là des professions « commerciales >) autant et plus qu 'administratives. Ils peuvent, par contre, remplir les fonctions qe secrétaire de mairie, dans des conditions que nous verrons au prochain chapitre. Les incompatibilités ainsi établies • 11i:r. la loi se comp prennent aisément. Maire de sa commune, et même simplement conseill er municipal, l'instituteur aurait pour électeurs les pare:nt.s de ses éilèves. Il ne pourrait guère pilus qu'un autre élu - la crainte de l 'électeur est le, commencement de la sagesse .- se déprendre de préoccupations électorales; et ce souci de I'-électeur l'obligerait plus d'une fois sans doute à des actes qu'il n 'approuverait guèTe, par lesquels les famiJl.es elles-mêmes le sentiraient diminué. L'instituteur ne doit pas être un homme à qui ! 'on demande certains services ou qui descend à cel'taines corn-
�promissions : il doit se tenir au-dessus de ces expédients, dont il est probablement dilfficile que se garde la politique de clocher (et même l"autre). Ces expédients et ces linesses, ces manœuvres obliques ou ces échappatoires ne conviennent pas à la dignité sereine de sa !onction ni à la belle rectitude qu ·on attend de lui dans les paroles €t dans les actes. Que l'on songe encore aux sollicitations de tout genre dont il serait l'objet, comme premier magistrat municipal ; que l'on songe aux relations fréquentes qu'il aurait, comme administrateur, avec le ,p ublic et où pourraient naître bien des ocGasions de conflit ou de mécontentement. Ou l 'imagine-t-on ma.ire d'une commune voisine et imesti par la loi détm droit d'inspection dans les écoles ! Simple èOnseiller municipal, il auq1.it, dans sa propre l,Jcalité, à étudier et voler un budget sur lequel figure plus d'un crédit dont il est le bénéficiaire : secrétariat de mairie, cours d'ad<uil.:tes, allocations diverset; ; cela ne hui crée·rait-il pas une situation un peu délicate ?' Ne lui arriveraitil pas de se Lrouver en désaccord un peu aigu parfois avec ses collègues du conseil municipal, ou d'être dans le ,parti opposé au maire; et sa situation dans la commune n·~o serait-elle pas compromise ? Il lui serait dilfficile, nous le craignons, de se tenir à l'écart des rivalités politiques locales, et _ sûrement alors ni son ·prestige, ni son autorité, ni . sa tranquillité de maître n'y gagneraient ; il serait l'homme de son parti, non l'éducateur au service de tous . Et nous ne disons rien de tout ce que sa classe perdrait, du fait des occupations supplémentaiœs et des agacements multiples qui seraient son lot comme maire ou conseiller.
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Conclusion : comment travailler pour l'avenir ?
Tout bien considéré, l 'attitude ,politique de l'instituteur dans sa commune (et même au dehors de sa commune), pourrait bien exiger de lui, dans certaines localités surt01ut, b eaucoup de tact, de raison et de fermet{) tout à la fois. Se renfermer, sous prétexte de neutralité, dans un neutralisme sournois, dans une indifférence politique qui aurait tous les caractères d'une attitude anti-répiublicaine, cela ne saurait être(x). Et cela ne saurait être davantage
(1) Circulaire ministérielle du 20 aorll 1889 : « . . . Notre législation ne met pas l'instituteur, sous prétexte ae neutralité, en dehors du pays et de ses institutions. Ello ne fait pas de lui un agent politique, mais elle ne lui commande pas une affectation d'indifférence systématique, qui serait l_ plus significative des manifestations a
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chez les institutrioes, ne, manquons pas de le signaler en passant; él'oignées jusqu 'à présent par nos lois de la· vie poliLique, elles .se croient tenues quelquefois - nous. disons quelquefois, rien de plus - à moins de loyalisme r épublicain et ne m esurent pa encore tout ce que signifie leur titre de u laïques » . Mais d ·autre part, cc faire de la politique n est une altitude suspecle et pleine de périls.; cette ,p olitique risque d 'être plus fertile en mécomptes et en résultats pernicieux qu 'en satis factions et en bienfaits. Cela est vrai de l 'instituteur dans sa commune ou son petit coin de sol ; ce ne l'est pas m i;,ins de la corporation ,e ntière con idéJ'é,e dans son ensemhle el par l 'organe de ses journaux ou de, ses bulletins. on pas que la pensée nous effieure de lui contester un seul instant le droit de n 'être pas neutre et indifférente dans les C01J1flits économiques at sociaux qui agitent la société contempornine. Mais encore ne sulffit-il pas de se jeter à corp · perdu dans la bataille. et titU<}e agre "-ive de r éformateurs, de mécontents ou avec l 'aL d 'agité , pour fai re vraiment œ uvrn utile. Si convaincants ou si vivement défendus que ,puissent être le arg uments, parrois spécieux qui justifient oette intrusion darus la politique, l 'opinion n e la vO'it pas d 'un œ.il aussi favorabl e que e, beaucollipl d 'intéressés se le figurent. Po1J1r em l'instituteur est avant tout l'homme qui doit faire sa classe et la bi en faire, qu~ doit donner tous ses soins et tout son zèle à ses élèves et u ne pas s'occuper d 'autre chosen .A-t-elle si tort qu e cela ? Et le m eilleur m oyen ,pour nous, et le plus sûr, nous posons la question encore - de bien servir la démocratie, n 'est-ce pas d 'être tous de bons, d 'excellents instituteurs, de bien instruire J.es enfants, de bien façonner les . esprits ,et former les consciences ? Une telle action est à longu.e portée : ell e n 'en est que ,plus àssurée et plus durable. En fin de compte, c 'est pour la vi e publique que nous travaillons. Les enfants qui sont nos élèves trouvffi'ont d 'abord dans notre enseignement des r essources pratiques
contre la R épublique clic-m êm e. » Il n 'es t p as possible « de laisser croire a ux [onclionnaircs qu'ils peuvent affi ch er le d éda in pour nos ins titu Lions, sc r etra ncher da ns une sorte d e fa usse impartia lité professionnelle, y r evendiqu er le droi 1, d e t enir publiquem en t la b alance égale ent r e la R épublique et ses ennemis. Dé tous les ser viteurs de l'État, les édu ca teurs de la 'j eunesse ser aient les derniers à qui l'on pût r econnaître un p ar eil droit; eux-mêm es s 'étonner a ient qu 'a près les avoir char gés de donner l'instru ction civique, on les autori sât à dém entir leurs leçons par leur ex emple. »
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pour leur vie individuelle et ,p our leur vie de travailleurs; mais notre influence s'étend loin par delà : l'esprit général du pays, le niveau de l'opinion publique en dépend pour une part. Selon ce qu.e nous faisons de nos élèves et l~ vie que nous communiquons à leur esprit ; selon que nous en faisons ,des cerveaux mal dégrossis et passivement dociles, ou que nous savons les accoutumer déjà à se rendre compte, à voir clair et à voi·r ju.s te; selon que nous les dre sons à ne pas se laisser abuser par les mots, mais à chercher avec autant d'exactitude qu'il se peut ce que ,.::es mot renferment; selon que nous les habituons à enten_ re d des sons de cloche différents et à ne pas. croire comme dogmes tout ce qui est imp1imé; selon que nous savons enfin, pour a,ppeler les choses par leur nom, éveiller en eux le. sens critique, en même temps que nous travaillons à pénétrer leurs ,\\mes de quelques grands sentiments, oui, selon que nous savons ou non réussir dans tout cela, irs événements pourront prendre tel ou tel cours, et non tri autre. Ce qui arrivera pàr la suite en France, et même par répercussion hors de France, dépend ~n peu de nous, de notre valeur et de notre probité professionnelles. Oli ! n"amplifions rien et voyons les faits sans présomption : nous ne tenons pas• en main le destinées de la pla,nète r.t, quoi qu'ait dit Leibnitz, il ne sulffit pas de posséder l'ins·truction pendant un siècle pour changer le monde. Mais néanmoins qui la détient peut modifier à la longue bien des choses, en changeant par un progrès insensible les directions de la pensée et les objets mêmes de la pensée collective.
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�CHAPITRE XIII
L'instituteur secrétaire de Mairie
1. 2. 3. 4. 5. 6.
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Prescriptions légales. Pour el contre le secrétariat de mairie ; l ° Contre. Pour le secrétariat. S ecrétariat de mairie el service scolaire. Fautes à éviter . Quelques conseils.
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1. Prescript'.ons légales. - Aux termes de l'article 25 de la loi .organique du 3o octobre 1886, << les instituteurs . . ·c ommunaux powrront exercer les fo.n ctions de secrétaire de mairie, avec l'au\orisation du Conseil départemental ».. En fait, I.e Conseil départemental accorde à peu près toutes les autorisations qui lui sont demandées . Il ne les refuse que dans des cas exceptionnels, lorsque par exem pie la localité est trop populeuse pour que l 'instituteur puisse raisonnablement ajouter à son service scolaire celui du N: crétariat ; ou lorsque la situation pa• ticulière de la comr mune, en raison des dissensions locales, risque de cr éer à l 'instituteur-secrétaire toutes sortes d ·ennui et de diiffi'cultés; et surtout lorsque le montant de l 'indemnité communale . allouée au secrétaire paraît insulffi'sant. Ce n'est pas qu'il existe à ce suj et d es pri!1ôpes uniforme , ni que des règlements ,précis aient fixé les échell es de ces indemnités : c 'est au secrétaiTO qu'i• appartient d 'en débattre le taux l avec son employeur . Mais dans nombre de départements, et d 'ordinaiTe après en tente avec l'autorité préfectorale qui leur donne alor son assentiment olfficieux, les secr étaires de mairie se sont mis d 'acc0>rd sur le • ourcentage de la p r étribution à demander aux communes, savoir : une indemnité m~nima, qui est fixe et identique pour toutes les localités du département, et à laquelle s 'ajoute une indemnité va1·iable, calculée e,n raison du chiffre de la popula-
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tion. Sans donner force de loi aux barèmes ainsi étabiis, le Conseil départemental le fai t généralement siens et n'acco1xle les autorisatioos demandées qu 'auta-Dt que ces barême sont respectés. Si l'allocalion proposéle .IUJi. ;paraît.. faible, le maire en est informé par les soins de ! 'Inspecteur d 'académie ou d.u Préfet; il arrive à peu près toujours, à la suite de cette démarche, qu 'elle est relevée au taux demand6 : l 'autorisation dès lors ne manque pa~ d'être accordée . . Dans la pratique aussi, il est d 'usage qu'en atlendanl l 'agrémen t du Conseil départœnental , et sans cette autorisation par· conséquent, les instituteurs remplissent néanmoins les fonctions de secrétaire : le Conseil d~partemental ne se réunit en effet que de loin en Join, une fois par trimestre,.et, jusqu 'au jou1r de la réunion, il faut bien pourtant que le ervice du secrétariat· soit assuré dans la commune. ·Provisoirement donç, les instituteurs s'en chargent dès leur installation, san que personne y l'asse opposition à aucun titre. Toutefois beaucoup d 'entre eux ne manquent' pas ,d'informer aussitôt l 'Jnspecieur d 'académie de cette situation temporaire et de solliciter de lui une autmisation provisoi,re, q,rni n ·a rien de légaJ, il ei;L vrai, ni d'ohlig:1toire, mais qui cependant met leur responsabilité adm inistrative plus ou moins à couvert. G'est une pratique qu'il convient de recommander aux débutants. Pa'!· la même ocqision, recomm.andons-1.eUJr de ne jamais omiettre, dans la demande qu'ils produisent ainsi à leur Inspecteur comme dans celle dont ils saisissent le Conseil départemental, . les deux indications suivantes qui sont indispensables : population de la commune, montant de l 'indemnité prévue au budget• communal (avec les frais de bure.tu s'il y a lieu)
2. Pour et contre le secrétariat de mairie ; 1° Contre. La fonction de sec.n¾a·i re de mai'rie a pour J 'instituteur
plus d'un avantage, a'UI iPremier rang desquels se place natmel:lemenl la rétribUJtion correspondante, qui, dans certaines véigions ou dans oertaine..s corrununes, atteint nn chiffr.e attirant. 1 'fous songeons, en écriv,l nt ces lig ne:,, à un département où les indemnités de 1.000, de 1200 ou 1500 francs ne sont pas très rares; eJles constituent da.ns un budget d'instituteur un appoint toujours appréciable et non moins bien accueilli. Ailleurs sans doute la · man n'e tombe avec moins de libéralité, mais elle est, mê~e plus modeste, partout la bienvenue. ·
�Cependant plus d'un institut.e ur hésite à se charger de .cette fonction, la refuse même ou demande sa nomination dans une commune où il ne sera • as fait appel à lui pour p ce. travail. Quelles sont donc les raisons de cette attitude ? Il faut les connaîtTe pour savoir au juste à quoi s'en tenir. D 'abo~d le su1Pcroît de travail ; et on est bien obligé de convenir qu ïl est considérable. D'année en année, par la .complication toujours plus grande des rouages administratifs, le flot de la paperasse monte, monte, sans anêt, et il appa.rait bien que ce progrès ou œ mal soit sans remède. Plus d ' un insi'itu<le'll'r nous a confessé qu'à certains momen:s de i ·année, clairsemés par bonheur, le travail scolaire devient presque powr l,ui la be.sogne acc.es.soire, tant les écritures et les travaux de mairie sont abondants -et p:ressés. Ceux-là le déplorent, mais que faire ,en pareille oocu:rrence ? Il ne se peut guère alors que la alasse ne souffre pas, peu ou prou, de 0l surmenage à côté; on s'y résigne comme à un mal inévitable eL l 'on en prend, à son corps défendant, son parti, mais cette résignation bougonne ou pfacide n'arrange pas les choses. « A mon avis, nous disait UJil jour quelqu'un du métier, l 'emploi de secrétaire de mairie ne devrait pas être ieocerèé par lllll instituteur, et encorre moins par une institUJtrice. Dès la fin de la classe, .p endant la récréation même s'il n'y met pas bon ordre, l 'i!llSLitutem: secrétaire de mairie est .continuellement dérangé; à peine luii laissei-t-oo 1'e oomps de prendre ses repas et de sourffie1.' UŒ1 peu après la olasse. Très tard quelquefois, à sept ou huit helllres diUJ soir, il lui faUJt recevoir des visitem:s et se transformer en tenanc.ier d'une agence de -renseignemants. -VeUJt-il, sa olasse terminéè, faire U!Il peu de jardinage? On l'apjp8lle po111r une déclaration· quelconque, ou pour une réclamation, oo pour ceci ou pour cela. A-t-il en tête quelque projet de SOTtie ou de promenade? Voilà qu'au, momelllt du départ il faut dres,ser qtrelque acte de J'état-civil, chercher et donner un renseignement urgent. Si bien que le repos gagné par une. journée au milieu; de ses élèves se passe encore en écritures, dans u!ll local qui n'est pas toujours sain ni bien
aér-é.
S'il pouvait au mo~ns jouir en paix de ses vacances 1 M.ais non, il ne perut abandonner sa mairie pendant qu,aire ou oinq semaines. Il doit quitter sa. fa.mi1 e, qllllÎ. se r-epoëe B à la mer ou à la campagne, pour venir voir oo qui se passe dans sa commune; le maire, en effet, n'est pas toudou:rs
�assez instruit poUir expédier les m,emues affaires courantes, ,pouT rép,ondr,e à une note un peu ambiguë ou compliquée, et la présence du, secr.taire lui serait presque constam/lilent indispensable. , Quels ennuis auS6i oo temps d'éilec:tioos, par e.x,eim,pie, si l 'instituteur ou même l 'institUJtriœ, « ill(tme &ootrice », s'avise de donneir son op.inion sur tel parti ou iel candidat ! L 'emploi <le secrétaire de mairie est, à coup silr, rétribué ; il n 'est pas rare même qu'il le soit bioo. ,Mais lestraitements actuels des instituteurs son~ aulllisants pourqu'ils ne soient pas réduâtl.s à y ajouter UIIl aiuitre saJaire, SU!rtout quand ils sont marié6 à l 'insLitutriœ et que dewc: traitements s'additionnent. Un institu:temir chargé de famille pourtant ? Peut-être; et -encore n'est-ce pas certain, car en pareil cas les indemnités pour charges de famille viennent compléter le traitement. En revanche, UIIl instituteur quj s'occuperajt sérieusement de jardinage, d'a,pôculLll!re, d'éllevage, y gagnerait presque a, ,tant q,UJ'à tenir le u secrétariat, et sa santé très certainement n'y perdrait rien. Pour une institutrice, la fonction de secretaire de mairie est beaucoUJp L'rap absorbante; ou alors il faut qu 'e,l,l,e se résigne à négliger ménage, famiHe... »
3. Pour le secrétariat. - Et voici maintenant l 'autre, son de cloche : Si, il faut que l 'institUJteur (ou l 'institutrice) soit secrétaire de mairie. De toute évidenoe, c'est pour luii UIIl supplém ent de travai,1, mais UIIl tmvail qui lui révèle bien des choses et l'initie à bien des affaires; et c'est surtout l'occasion d'un supplément de ressourœs qui n 'est pas, tant s 'en faut, négligeable en oes temps de vie chère, même dans un ménage d'instituteurs. Cependant cette raison d'ordre 1µécwlira.ire, si conv,ai.ncante qu:'elle s-oit, n 'est pas la seule e~ n 'est même pas partout • plus importante; il lra est des raisons d'ordrn morai qui sont pllus qu'elle encoce dignes d'attention. Et d'abord, dans cette c.a:renoe de l'instituteur, à qui remettr,e le servioe du secréitariat ? Trouve'1111-t-on dans la commune une pel'SOIIlne, homme ou-fe:m:me, assez i,nstruite poor se tenir avec quelque régularité à la disposition du public ? Souvent non. Le réSU'ltat le plus · certain serait alors du mécontentement contre l'instituoour ou ~'institU!trice, qu'on accu,se,rait de mauvaise volonté ou même d'hostilité à la popn.i,lati:on, et à quii ·on ne pardonnerai_ guère ce qiw'on ne manquie.rait pas d'appeler leur t
�- 244m.anque d'obligeance et de zèle. Noos avons vu le cas, et le conseil! municipal réclamer à cor et à cri um maître ou uine maHresse qui consentît à être <~€Illier ». Que peut-il arriver encore si .l ïnstituteur se dérobe ? Que le secrétariat ,p asse aux mains d'un adversaire ardent da l'éloole laïque, d'un combatif - cela se voit - qui mettra Lur, grand empressement à l'accepter, parce <}J\16 ce lui sera une arme de plus, une arme redoutable, dans la l ,guerre qu 'i• soutient. MiUe occasions s'offriront ,à lui de peser sur les fam;Jles ou de se les. attacher, de faire pression Sllfr le conseil municiipal, de :lutter contre l 'école publiq:rue (l,e maître ,lui-même s ·y sera prêté par son refus) .et d',en d,é,tourner les sympathies : c'est un dangeir auquel il faut, par endroits, veiller de. près, de très près. Et cela même dit assez tout ce que I'i1,1stituteur poot gagner en syrrupathie et .en crédit oomm/e secrétaire de mairie, l'asœnoomti qu'il peut conquéiriir et le bien qu'il peut faire à l'école par œs seules fonctions. Non pas qu'il lui faille oompter plus q:ue de raioon sur la reconnaissance des gens qu'il aura obligés, ni qu 'il ne soit exposé à des démêlés avec tel ou -tel ; mais les rapports pl'l.l.s fréquents qu 'il a presque avec tous, et le caractère plutôt bienveillant et ,cordiaJ. de oe6 rapporls, .feront saru; peine ·q:uoe l'instituteur et l'école récolteront bien des avantages que l'obligeance et .l 'amabilité du secrétaire communal auront semés. Cet aspect de la question est d 'une haute, importance dans ,ptlus d'une localité, et beaucoup de maîtres ne s 'y _ méprennent :pas. Nous en avons ,entendu qui, hostiles au z;e. èrétai:iat pour vingt bonnes raisons, ne laissaient pas œpendailt d'en exercer et même d'en rechercher les fonctions, à cause de tolllS les avantages d 'ordre pour ainsi dire moral qu 'eux-mêmes· et l'école en retiraient. Pour ,pteu, nous disaient-ils, que l'on sache oo mettre à la ·portéie des gens et faire preuv10 de compla'i.sance, on peut acquérir beauCOU!p d'autorité dans la commune (au moins si l,e,s familles prisent dejà l'instituteur en tant que nmître) ; on connaît mieux la ·p opulation, on en est davantage connu ; on a avec elle dies rapports moins Jointains et moins effacés, comme aussi. avec le maire et le conseil municipal, et · l'école en retire l}rofü; on a l 'oocasion de donner aux familles bren des avis, d 'en reoeivoir plus d 'un renseignement utile, d 'entrer en propos avec ,les parent,s, etc. Et tout ceJa paie lar~ment le S'lllpplément de travail, déjà salarié par ailleurs, auquel on est astreint. On n'éproUNe pas non plus de d~ffic u,Ïtés sérieuses, dans la plupart des communes, à
�-:,45établir quelqœs règles pour limiter un peu les démangements. Tout d'abord on obtient sans beaucoup de .peine, fill. s'abritant derrière le règ,lemen.t et en en respectant à la lefüe les ·p rescriptions, que le secrétaire de mairie ne soit pas distrait de son travail scolaire pendant les heures de classe; chacun y mettant du sien, chacun, instituteur ~t habitants, renonçant par des concessions mutuelles à quelques commodités, on arrive sans heurts et sans chicane, tout ami~lement, à établir un modus vivendi acceptahle pour LOus ,el qui n'impose à personne llllle gêne bien sensible. Il' saute aux yeux qu'à la campa,gne ·les gens ne sont, pias maîtres de leurs instants ; ils sont aux champs à l'heure où Je secrétaire de mairie pourrait les recevoir, et quelquefois c'est très tard dans la soirée ou c'est juste à l'heure du repas de midi qu'ils disposent de quelques loisirs. lis accourent alors à la m.aÏ'rie s'ils y ont à faire. C'est bien pis encore quand la popUlla.tion est éparse, comme il arrive dans maintes régions, et que les maisons sont éparpil1ées loin !"une de l'autre sur tout le territoire ~ l,a corrunune. Il ,est de oes localités où la po,puilation dISSéminée ne vient « aUJ bourg » qiue [e dimanche, ayant à paTCOurir quatre ou cinq kilomètres par des chemins difficiles; ce jour-là, il serait Mcheux que le secrétaire de mairie fût régu:lièrement introùvahle, car chacun profite de la circonstance _ pour venir, tantôt comme particulier et tantôt comme .père de famil1e, le consulter s'il y a lieu. Ces nécessités locales, l 'in.stitute~r ne peµt les tenir pour inexistantes et s'y sousfraim. Ce serait s'exJX>ser à passer pour désagréable . et récalcitrant, pour insociable et hautain, pollll' une manière de monsieur prétentieux q;ui vit à l'écart de tous e,L autrement que tous. Ce qui, à l'opposé, ne doit pas signifier non plus que le secrétaire ùe mairie est taillable et corvéable à m1erci, sans souci de l'heure et sans souci de son repos, ni qu'il est sans r-éserve à la disposition des sofüciteiurs. .. ou des importuns. Encore une fois, il n',est pas · malaisé d'en venir sur ce chapitre à une entente cordiale qui donne satisfaction à tous et q,ui concilie tous fos intérêts. C'est même une question qu'il serait expédient et sage de regler dès le prenuet jour, lorsqiUle l 'instituteur discute avec le maire - si tant esf qu 'i,l y ait discussion - ,les conditions qui lui sont faites .. Qui e:m,pêch~ alors de réglementer le service de la mairie, de fixer les heures où, pou:r parler· le langage administratif un peu pédant ici, cc les burreaux sont ollM!rts » ? Réglcmenl.ation qui ne peut être d'ailleurs aussi rigide que dans
�les vil1 les, mais qui pourtant assume à l 'instituteur la tranquillité e t la liberté, auocqrnelles, comme tout le monde, ii a droit. Quand l'école mixte est dirigée ,par , une institutrice et que ceUe-ci remplit les functions de 5ecrétaire de mairie, il devient plus n écessaire encore d'éviter qu 'à toute heure elle soit importunée ou troublée intempestiviement dans ses besognes d 'intérieur. Mais oe n 'est pas là non plus chose impossible ; et pour ~tre un peu plus grandes qu'.4: vec un instituteur les dilfficuJtés ne sont pas insurmontables. Il ne ·ag it qœ de bonnes habitudes à p1 rendre ou à faire prendre, et Ulll peu de fermeté tenace y sulffit If'. plus souvent, à la condition qu 'eJ!le se tempère de bonne grâoe et de serviabilité. 4. Secrétariat de mairie et service scolaire. - L 'instituteur n 'est pas seulement dans sa oomm11De le secrétaire de la mairie ; il y est principialement, il est avant tout 1ïnstituteiu!r, e l c·est en cette qualité (EU'il y a été appelép~r l 'administration. D'où il suit que ses d evoirs d 'instituleur pirimtent de très loin ses obligatiorn1 advootioe.s et faoultatiV<es de secrétaire de mairie et qw'ils ne doivent jamais leur être· sacrifiés. li y a, nous le savons, des jQl\lJTs où la b esogne administrative esl pressante, où il faut établir eu ,p lusieurs expéditions des pièces dffi'ci,eUes, répondre d'urgence et même d 'extrême urgence à des notes impératives, etc. ; mais il y a une tâche, dfficielle aussi, qui est a,rutrement urgente ou impérative, c'est à savoir biien faire la classe et donner aux élèves tous les soins qui l eur sont dus. Celte tâche-là, aucl]Ile autre n 'a sur elle la priorité, aucun autre ne peut empiéter sur elle. Sans doute n'est-il pas tout à fait vain de le rappeler à certains maîtres, qui sont tentés par moments de ruser aveo elle et qui , pendant leur classe. même, vaquent auoc travaux du secrétariat de lia mairie : on ne nous le contestera pas, nous l'avons vu de nos yeux. Ils ont tort, ~ls ont grandement tort ; et parce qu'ils n e sont pas alors les serviteùrs intègres du devoir professionnel, et ,p arce qu'ils donnent à ·1eurs écoJim, qui savent fort l:iien à quoi s',en. tenir, un exemple condamnab1e. JI ·y a long lemps déjà (1875) qu'une circulaire ministé,riel.le a rappelé à leur devoir d'éducaoours les instifoteurs délinqu~nts : « ... Le Conseil supérierrr a remarqué que les oocupations du' secrétaire ne sont pas toujours réglée de manière à oondlier suffisamment les devoirs d e l 'institJJ:te,u r avec les fonctions adminis'. ratives. J1 a considér é que
�-:J47l'autorisat-ion accord ée par le Conseil départemental ne peut en aucun cas permettre aux instituteurs de s'occuper, pendant les hen:res de classe, de travaux: élrangers à l'enseignement, et je partage absolument cet avis. Je ne saurais donc vous recommand:er trop instamment de veiller à ce que, sous aucun prétexte, les instituteurs communaux aulorisés à rempfü les fonctions de secrétaire de mairie s 'acquitlent de cette Lâche sans nuire à l'accomiplissement de leurs devoirs ,professionnels. Si les maîtres enc.o~ient quelques· reproches à cet égard, vous ne devriez pas hésiter à proposer· au Conseil départemental de leur retirer l'autorisation qui leur avait été précédemment accordée.. » A d'autres reprises, le Ministre a rappelé cette priorité inviolable du service scolaire SUT le service dUJ secrétariat ; il a rappelé, par eocemple, que « l'inslituteur doit tout d 'abord assure'!' le ser:vice scolaire; un arrêté mU1I1icipal concernant le service du secrétaire de mairie ne saU:rait lia.ire obstacle aux dispositions réglementaines qll'i obligent l'instituteur à assurer la surveillanœ des élèves pendant lïnterclasse ». (Journal Officiel dUJ 21 novembté 1925), . Faut-il insister sur la faute grave. que peut commettre un inslituteur en détournant un enfant de son travail de classe, pou~· en faire son copiste ou so~ factem dans des travaux qui relovent du secrétariat de mairie seul ~ Car il se vrouve, paraît-il, des maîtres assez malavisés ,p Pur occup€r parfois de grands éilèves, pendant la c)rasse, à des copies de délibérations du C0nse-il mU!Ilici,pial oUJ de pièces du même genre. Est-ce donc pour oola que- les enfants viennent à l'école ? Ces maîtres ne voient-ils pas qu'ils s'expo~t'nt à mécontenter les familles et la municipaliré elle-même- ? Mieux encore : on nous en a cité un qui, dans une c.omnmne .dh,S;éminée, usait -d'un enfant comme d 'un vaguemestre ou d 'un a,ppariteur et lui faisait ainsi perdre bel et bien l:es heures mêmes de la classe. Est-ce là cho~e tolétnable?
5. Fautes à éviter. - Nous citions, il y a quelques pages, cette parole authentique d'un instituteur ou d',u ne institutrioe disant, d ans son réquisitoire contre le secrétariat de mairi e : « Quels ennuis aU!Ssi, e,n terrups d'étl,ections, par exeniple, si l 'instiluteur, ou même l'institutrice, « futme électrice », s'avis~ de donner son opinion sur tel p,arti ou tel r,:i ndidat ! » Nons touchons par là aux pr.écautiom,. c 'est-à-dire à la prudence et à la réserve qu,e doit s'imposer l 'im-titu.teur secrétaire et qu 'au.."-Si bien nous avons eu tant
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de fois l 'occasion de recommandeT à travers les chapitres de c.e iivre. Donner .son opinion sur ~el parti ou Slllr tel candida t? Gardo11s-JWUS en bi.en, comme d 'une grosse maladresse d 'où pourrait naître pourr 1 bavard in.stitutem ~ ou la bavarde institutrice plus d 'un sérieux · ennui. Nous nous sommes expliqué avec détail sur oes choses, tantôt en étudiant les rapports de l 'instituteur avec les · autorités locales, tantôt en es.53.yant de définir son attitude politique. Prendre position aussi ouve,r tement pour et suirtout contre l'un ou l'autre candidat, en temps d 'élections, ·en piarlic.ulier s'il s'agit d 'élections munic ipales, c'est aller Mimême de. gaieté de oœur au-devant des désagréments et d es « histoires ». Un maître avisé s'en garde bien; il sait tout le prix du silence et de la neutralité; il sait qu'il su!ffit d 'un mot maladroit pour se créer des inimitiés aiguës, qui s'obstineront peut-être à . n e lui liaisser ni trêve ni répit. ituteur doit s'ap!Pliquer à garSecH~ taire de mairie, l 'insL der son indépendance : il n 'est a,u service particulier de pe.rsonne, il est fonctionnaire · communal, rien de plus, rien de moins. .Tenù, la chose va de soi, à des égards envers le maire et l«;i conseil m.unicipaJ, iJ n 'en est ,p as pour cela le vale.t ni 1 'homm.e-lîge ; il n '€St ni leur client ni leur inférieur. Que demain les hasards électoraux promewvent à la mairie un adversaire du maire actuel, il faut que l 'insti-tuteur ait assez sauv,egardé sa liberté et sa dignité pour n 'être pas entraîné avec le vainc u d:ans sa d éroUJte. P ar contre, il serait bien impmden·t si lui~~êm.e, piarce que le maire n ·est qu'un' p aysan ou' un ouvrieT sans gTande linstrùction, s 'avisait de joute1i 1es m aires du palais et d ' usurper en fait le rôle du premie r magistrat ffilll.nici,pial. Au village autant qu 'ailleurs, plus qu 'aiUeurs m êm e, et sous d es airs bonhomme ou détach és., l(l m aire est souvent très jaloux de son .titre et très e ntich é d e ses droits ; il souf: fre impatiemment qu'on ,eintrepœnne sur ses ,p ouvoirs ou qu 'on paraisse le traiter en quantité quel.que peu nég1ig- abl.e. Plus d 'un instit.utem fut bien rnal._inspiré en l 'oue bliant ; il fut bien mal inspiré d e vouloir « m e:ner la comm une .», et il eut à s'en repentiT. Ce n 'est pas l à le rôle de 1'insl itu teu,r, m êm e secrétaire ·d e. m airie. Son autorité da ns la commune doit être faite d 'autre cho,se, s'exercer d 'autre sorte ; pour être morale ,e,t non administrative, e.lle n 'en i;,era pas maihs assurée, ni moins elfücace, ni moins bienfaisante. Chacun à sa place et ·dan s son rôle ; à cb ,1cun ses attribuitions et ~s responsahifüés.
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Nous avons dit précédfflllment, en étudiant la vie privée de l'institute'U'r, que, sans attendre de lui un désintéressement -stoïcien et sans qu'il ait à jouer au grand seigneur, on pouvait néanmoins en espérer un certain détachement et le croire mû par d'autres sentirrwnts que l'a,pipétit du gain. C'est dans sa fonction de secrétaire peut-être qu 'il en fournira ,l e mieux la preU've. Les particuliers auront besoin de son aide, recourront à lui dans bien des circonstances, lu.i. demanderont de menus servicoo. Nous ne soutiendirons pas q.œ ces servi·œ s il les doive et qu'il lui faille les rendre graci:euse~nt, avec une débonnaireté dont on abuserait vite; mais il serait triste qu'il n 'y vît qu& des iplfétextes à profits, qu'il apportât à S(l faire dédommager <ile sa peine une ,âpreté et une ténacité malheureuses. Toute peine mérite salaire, chacun le sait et tient l'a chose pour juste ; mais il est des peines dont le meilleuT salaire est justement de n 'être ni rétribuées ni salariées : on en retire des satisfactions d'un toub autre ordre et qui sur.passent en val,eur towte rémunération pécuniaire·. Plus qu 'à l 'instituteur, le secrétariat de mairie impose à l'institutrice des réserves etJ un tact dont · il n'est pas mauvais, croyons-nous, d'avertir 'Plus d'une d~utante. E.Ile est d'o:rdinaire dans sa commune- la, ]?0rsonne la plus instruite et l 'une de celles qui ~nt le ,plUIS en vue; elle a une éducation et ooe tenue plus soignées que toute autre fumme, et ses fonctions de secrétaire la mettent en relations fréq:rnentes avec le maire, avec le public, avec tout le monde. Il pourrait en résulter de la part de certains quelques assiduités d 'assez maUJVais aloi. Qu'elle reste bien à sa place, qu'elle obsef'Ve et fasse observer les distances, sans hauteur, il s'entend, ni pédanterie, mais de telle sorte que chacun, en sa ,présence, se sente tenu au respect ,et à la réserve. Cette attitude de dignité et de bon sens, elle n'aura jamais à s 'en repentir. Mais elle pourrait avoir à déplorer avec amertume les conséquenCet, d''une attitude plus familière et moins retenue. 6. - Quelques conseils. - Ses fonctions de secrétaire de mairie peuvent quelquefois, en dehors de touté considfr1tion concernant sa .t âche scolaire, placer l'instituteur dans une situation délicate où il lui faut une vigHance et une att,e,ntion toutes particulières. Ce sera le cas, par ,exemple, si le maire OUI m~me la municipalité dans son ensemble sont en défaveur auprès du corps électoral et se trouve.nt en butte dans la commune à une opposition puissante qui
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les ernportera aux premières élections. Il peut se faire alors qrue, d 'opinion avancée, la munici.palit-é no11vel1e èn veuille à l'instituteur d'avoir été au, service d 'une municipalité conservatrice; ou que, d 'opinion « réactionnaire » ,elle lui garde rigueur, au contraire, d 'avoir été le, serviteur d 'un maire et d'un COI_l,seiil mœnicipal réipUJblicains. Ces choses se voient, nous les avons vues; et de quelqll'e petit esprit qu 'elles puisse.nt témoigner, il faut s'y accommoder et les subir. Dans l 'un co:mrne dans l 'autre cas, il pourrait advenir qu ·on retir&t à l'instituteur le secrétariat, cè qm ne se peut, d 'aihlelllIB, san.s autre forme de procès et même sans .que joue l'article 65 de la loi des finances du 22 avnl 1905, dont nous parlerons à la leçon sui.vante. Mais, sans pousser les choses à c&tte mesure extrême, les rnaître,s de l'hewre pourraient lui .marquer une froidèur ou m!êrne une hostilité qui n'amaient pour lui rien d 'agr éable et lui sebre. Rairai.e,n t matière à tracas ou agacements sans nom1 son de plus pour insister sur un consei1i donné tout à 1'heUJre et qui, valable ,partout, vaut surtout dans les communes tiraillées et divisées : garder son indéipendance, n 'être l'homme-lige de personne, n 'être embrigadé servilement dans aucune coterie ni aucun parti ; et cette indépendanc.e au-dessus des partis est nécessai11e à l 'institute-ur, ,puisque son école n 'est et ne doit être d'aucun parti, qu'elle doit être institution de concorde et d'union. Sans faire l,e moins du rqonde abdication de se,s opinions poli-: tiques," le secrétaire de mairie n 'a pas non plus à en faire état, encor.e moins étalage, dans sa tâche de fonctionnaire communal; il n'a pas à se .déclarer poUT ou contre tel ou tel ; le. travail qu'il fournit n 'a rien à voir avec des manifestations politiques quelconques. Comme le dit un adage populaire - cc bien avec tout le monde, mal av!:)C personne », - l 'instituteur, même en tant crue secrétaire de mairie, doit êt.re en accord avec tous, n'être en b1,ouill e avec aucun. C'est bien dilfficile quelquefoi• , la chose n'e ·t s pas douteuse, car le monde n 'est pas composé seulement de gens conciliants et pacifiqu~s ; mais c'est aisé, par bonhem, dans la plupart des communes, pour peu que chacun y me tte du :-:ien, que le maHre sache se montrer bienveillant et serviable et qu 'il sache aussi se tenir 'à sa place. De maire à secrétaire de mairie, .Ja' situation est cell e, d 'employeur à employé, et un peu par conséquent celle de supéri,e ur à subordonné. Encore ne faudrait-i l pas exagérer cette subordination, et voir dans l,e l'\CCrétaire de mairie un banal serviteur à gages. C'est bel et bi-er un contrat
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�qui lie l'employeur à l 'employé, un contrat que ni l ' un ni l 'autre n '-est libre de modifier ou de rompre à son gré; un contrat qui leur impose à tous deux des charges et des devoirs, dont, en premieF lieu, le respect rocÎiproq,ll'e de lem liberté dans les limites mêmes de le'Wr engag.ement. Et en disant cela, nous songeons à tel ou tel rrmire-tyranneau que nous avons connu et qui, acharné contre u son » instituteur dont les opinions politiques ne lui semhlaie1.'lt pas avoir la teinte voulue , mais ne pouvant rien contre lui !parce que son service d 'institu,teur, était irréJprochaole, s ·en prenait sans r épit au secrétaire de mairie e t ne savait quelles tracasseries inventer. Le révoquer ? Il ne le pouvait pas, car sur ce point aussi l'instituteur était sans reproch e. Celui-Qi d 'ailleurs savait parfaitement, tout en ue fournissant aucun grief à 1-on ennemi, garder avec toute la pondération nécessaire le calme le plus entier et la pîus parfaite dig nité ; il ne rendait pas les coups, mais son attitude annihilait ceux de l'adversaire.. Tant et si bien qu 'un jour le conseil municipal, à l 'instigation du! ma ire et en l 'absence de l'instituteur, prit une délibération où il se décla.rait décidé .. . à ne pas délibérer u tant que 1'instituteur secrétaire de m airie serait en fonction dans la commune ». A quoi il fut répondu, par qui d e droit, que le secr étaire de mairie n 'était qu ' utn fonctionna ire communa l e t q:ui'il n ·appartena it qu'à l'autori té municipale d e s 'e.n séparer si elle le jugeait nécessaire. Les élections municipales, l'année qui suivit, mirent fin à la h1tte en renvoyant le maire à ses occupations · de simple particulier ; et le nouveau m aire, quoique bien éloigné par les opinions de l 'instituteur la'ique, le traita sincèrement en ami . Cet instituteur avait pou'r lui la plus grande des forces : aucun tort n 'était de son côté. Voir.i un cas qui se présente quelquefois ·: l 'instituteur qui prend sa r etraite se; fixe dans la commune où il exerça it et il conserve le secr ~tariat de la mairie, afin d 'augm enter d'a utant sa pension d e retraite. Il peru.t y atVoir là, enlre l 'ancî,e,n et le nouveau maître, motif à des froissem ents et à d.es tiraiJl.èments ilâcheux. Que faire alors··? Ri en , sinon accepter sans aigreur la situation ainsi établie et n 'en être ni m oins bon maître ni moins bon collèguie. li e t d'un sage de se résigner sans vaines récriminations à ce qu'on ne peut ·empêcher et de n'en pas dévier pour C (',Ja de la ligne droite . La pire attitude, en pal'eille circonstance, c'est la guerre so,urnoise, à coups d e on-dit et de phrases h ypoorites, la guene à coUips d 'éiping,le et d'allu-
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�sions malveillantes; et cetle gu~rre-là, il ne faut pas qu'un institutew· la fasse; elle décèle une ,petitesse d'esprit et de caractère dont il ne doit pas se rendre coupable. Nous n'avQ_ns pas pour rôle ici de dire aux jeunes maîtres quelles' doivent être les qualités d'un bon soc.rétaire de mairie : l'ordre, le soin, la ponctualité, etc., pas plus · ~ nous n 'avons à leur donner des indications pratiques sur les travaux qu'ils auront à exécuter et dont la liste n'est pas brève. En forgieant ils deviendront forgerons ;_ nolls voulons dire que la pratiqj e du métier, la rédaction u des actes olfficiels, etc.. , leur deviendront vite familières ei qu'ils seront promptement experts à expédieir les affaires courantes. Conseillons toutefois alllX débutants de commenoer .par étudrer d'U'll peu près la loi municiipale du 5 a-vril 1884; ellei leur apprendra bien des ch6ses qu'ils ont besoin de connaître sans pl'us tarder. Un FormUJlaire quelconque, un Guide du secrétaire de mairie les aideront ensrnte ài se tirèr d'embarras dans les circonstances ordinaires, et même dans de moins accoutumées. Il n'est pas jusqu'à nos journaux pédagogiques eux-mêmes qui ne &e mettent à publier chaque semaine ou; chaque quinzaine un Memento du secrétaire de mairie qui servira sûrement à plus d'un. Une recommandation instante encore : qu'ils apportent le plus grand soin à la tenue des registres de l'état civil. Ils doivent savoir qrue ratures et sUJrcharges ne s'y font pas à la légère, sans plus de façons et sans que cela tire à conséquence ; ils do-ivent savoir que l 'o,r thographe des noms propres doit être soiigneusement vérifiée avant que ces noms soient inscrits sur les registre6, faute de quoi on s'expose à voir des fils légitimes ne ,p as poirter, au point de vue orthographique, Ie même nom patronymique que leur père, etc. Sommes-nous. trop sévère en pensant et en écrivant que œis qualités de soin matériel, d'écriture correcte sinon -éMgahte, d'orthographe impecoaole, qui sont de premier ordre pour un bon secrétaire de mairie et qui ne son,t pas non plus insignifiantes pour un instituoour, nous semblent peu a,pp11éciées de certains jeunes maîtres ·et peu en honneur chez euoc ? Les institurtriœs méritent moins souvent ce reproche, ét l'on ne voit pas que leurs classes y perdent; on voit hien, au contraire, tout œ qu'elles y gagnent et qu'on serait heureuoc de rencontrer toujours dans les classes des jeunes instituteu~.
�CHAPITRE X IV
Les droits des instituteurs
Leur statut. Çonseil départemental. Garanties contre l'arbitraire.
l·. 2. 3. 4. -
5. 6. 7. 8. 9. -
De Guizot à nos jours. Communication du dossier. Le Conseil départemental. ~ Adminislraleurs el administrés~ Avancement et récompenses. Peines disciplinaires. Nomination el déplacement. Le déplacement d'office. } Conclusion.
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1. De Guizot à nos jours. - Dans tous les chapitres qui pvécèdent, il a été plus soll!Vent question des devoirs des instituteurS1 quie de le.urs droits, d,e le.urs obligations ,professionnelles ou de leurs charges que des avantages . ou desga:ranties qui ont été institués en leur fa~Ul' .par .la loi. Il n 'est donc pas hors de propos, pour terminer, d'examiner ces avantages et ces garanties, afin que chaoU1I1, les. connaissant bien, sache à quoi il e.st tenu et à quoi, il a l droit; quelles exigences ou quelles réclamations • égales il peuit formuler, dans quelles conditions ow dans quelle& limites. Il est assUTément nécessaire que chacun soit instmit de ses devoirs, qu'il ait eu maintes fois l'occasion d'y réfléchir, qu 'il ait fait effort pour Jes apercevoir sous lell:t'Saspects divers et dans toute leill étendue, parfois dans leurs détails les .plus précis ou les plus inwurpçonnés : on n'en est que mieurx: en .état, cette étude faite, de 1es bien comprendre et,de les bien remplir. Mais il est fort utile aussi d'être instruit de ses droits; on est moins exposé de la
�-sorte soit à les laisser méconnaître, soit à les dépasser. Or ce sont là deux attitudes également .:Câcheuse6, parce qu 'elles ont un même résultat, qui est de permettre. l'injus.tice ou de la c:réer. · Un statut légal pour les instituteurs est chose ancienue ,déjà : il date du jour où l'enseigne.ment pub.fic a reçu en France une organisation d 'Etat, a été pou'ïVU par consé.quent d 'un personnel recruté dans certaines conditions, .soumis à certaines règ1es, mis en possession de certctins .avanlages ; püli'r le dire autrement, ce statut a commencé vraiment d 'exister le jour où l'instituteur est devenu un .fonctionnaire public. Lié alors à l'Etat par un contrat véritable, il a su avec précision ce que la loi exigeait de lui, les conditions qu'elle mettait à son ,entl'ée dans les cadres et à l'exercice de -sa fonction, mais ein retour aussi a quelles obligations l'Etat était tenu envers lui et ce qu 'il lui accordait en échange de son travail. Passons sous siJe.nce les tentatives si remarquables, mais éphémères, de la Révolution; c 'est à la loi Guizot de 1833 q·u 'il faut arriver pour voir s'établit et se fixer les premières règles importantes de ce statut professionnel. Il n 'est pas sans intérêt ni même sans utilité de les rappeler aujouro 'hu.i : les retours sur le passé sont quelquefois ple ins de leçons. La loi Guizot (r) faisait de l'institutem' un fonctionnaire communal : 1° C'est sur la présentation du conseil municipal qu 'il était nommé paT le comiUéi d'arrondissement. (Ce comité .d'arrondissement comprenait : le sous-préfet, le procureur du roi, le mai.re du che~-lieru,, un juge de P'aix, un eu.ré, un ministre de chacun des autres cultes, un principal de collège O\J- un chef .d 'institution, un instituteur, trois conseillers d'arrondissement. .. ) 2° 11 ti1eoevaît de la commune, non de l'Etat, u111 traitement fixe, qui ne pouvait êtve moindre de 200 francs pour une école primaire élémentaire, et de L100 francs pour une école primaire supérieure. En sus de ce traitement Q.xe, il recevait par élève une rétribution mensuelle, dont le taux était fixé pa;r le conseil municipal, et qui était perçue dans le,s mêmes formes et selon les· mêmes règles que les contriputions publiques directes.
(1) Rappelons en passant ses di positions fondamentales : un e école primaire élémentaire (au moins) dans chaque commune ; une école primaire supérie.ure dans les chefs-lieux d e départem en t et dans les commun es de plus de 6.000 â mes; une école normale d'instituteurs pm: département.
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Elle entourait de règles fixes sa nomination et l'exercice de sa fonclion : Pour être nommé insfüuteur communal, il fallait avoir atle,int 1'1âge de 18 ans, posséder le bre.veL élémentaire, être de bonne vie e,t mœu,rs, n 'avôiT subi aU1Cune cond:amnation judiciaire. Le même comité d'arrondissement qui. nomrm.ait l~s instiluteurs procédait à leur installation et recevait leur serment (« Je jure fidélité au Roi des Français,. obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du: Royaume /J). Il pouvait, en cas de faute grave, les réprimander, les suspendre, et même les révoquer, mais toujours après les avoir entendus « en leurs moyens d e déf.ense n, comme nous disons aujouro'hui. L'instituteur révoqué pouvait d 'ailleurs se pourvoir devant le Ministre de ! 'Instruction publique,. E]].e l'a,d inettait au bénéfioe de fa r etraite : « Il sera éta-bli, dans chaque dépar:em ent, disait la loi, une · caisse· d 'épargno et de prévoyance en faveuT des instituteurs primaires communaux. Cette caisse sera formée par une retenue annuelle d ' un vingtième(1) sur le traitement fixe de chaque instituteur communal n ; elle pouvait en outre· reoevoir des dons et des legs. Enfin le breve,t élémentaire n 'était délivré qu'à la suite· d 'un examen subi devant une Commission départem entale_ On le voit déjà, on va tout à l'heure le voir d:avantag.e @core, ce dispositions d 'antan, qui étaient alors des nouveaulés, ont été depuis dépassées singulièrement. Le statut des instiLuteurs, tel qu 'il est à l'heure actuelle, prouve que le mond.e a marché depuis la monarchie de juillet et Cjle d ·autres conceptions, là comme partout, se sont fait jour .. pui,, ont pénétré dans les lois. Aussi bien , oe n'est pas dansune loi unique, c'est dans un grand nombre de textes l,égislatifs de toute ~pèce - lois, décrets, arrêtés, cÏircul'aires, arrêls du: Conseil d'Etat - qu'il :faut chercher la liste et la. nature des garanties dont la fonction d 'instituteUT est ·pré-· sentement entourée. Ces garanties se, sont élaborées pieu à peu, parfois à grand 'peine, et dans des circonstances assèz. diverses. Tantôt ce sont les pouvoirs publics eux-mêmes qui, dans leUJr sollicitude poUir l'enseignement national et pour son personnel, ont voulu donner à ce personnel la sécurité matérielle et la sécurité morale sans laquelle il ne(1) Depuis la loi sui· les retraites d'avril 1924, la r etenu e sur les traitements des fonctionnaires es l d e 6 %, au li eu de 5 % aupa-· ravant. ·
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peu:t vaqiuer à sa tâche de tollit son zèle et de toute sa foi. Tantôt, au contraire, ce sonL les campagnes et 1es revendications de ce personnel qui ont fait apparaître aux yeux du législateur l'arbitraire ou l'iniquité qui subsistaient encore dans sa condition et ont obtenw à la longue les am«91.ioratons désirables et justes. D'aucuns se sont émus ·parfois, ils se sont même scand!ali.sés de cette audace de fonctionnaires de l'Etat se retournant contre l'Etat et deinllndant à la puissance publique dont ils sont à leur manière les délégués Ullle amélioration de Leur sort ou de leur statut professionnel. Nous ne pa1tageons ni cetL-e émotion ni cette inquiétude. Pour fonctionnaires qu·'ils soient, les instituteurs sont des citoyens aussi ; et les devoics comme les droits qui en résultent pour eux à ce double Litre ne sont pas nécessairement et toujouTs contradictoires. Nous ne nions pas qw'il peut y avoir des revendications insoutenables - lo. surenchère joue là comme en politique - , malencontre11semeint présentées ou soute.nues; nous ne nions pas que le rôle de perpétuels mécontents ou d 'agités, s'il pouvait êtt-e prêté aux instituteurs; le1f aiiénerait de fermes sympathies 4 dont ils ont besoin et qutQ;O aillait bientôt dié,considé:rés ï-.. nous ne nions pas qu'il serait désastreux que la corporation enseignante parût s'insu•rger contre les pouvoirs publics et s'exposer par cette atLitude à soulever contre elle, pour des reivanches qui lui seraient funestes, et ces pouvoirs e eux-mêmes et l'opinion publique, avec • ux. Mais cela. dit sans ambages, comll')'.le une poign·ée de vérités bonnes à répéter sans cesse ,et sans fin, on nous accordera pourtant que lorsqu'ils pilaidenb pour une cause juste, même si cette caùse est la leur, les instituteurs sont au service de l'équfté; on nous concédera bien encore qu'ils sont sans doute plus instruits que quiconque des injustices dont ils peuvent avoir à souffrir et des réclamations, tout au moins des doléances, qu.'ils peuvent avec raison formuler ; et ceci enfin, qu'ils ont bien le droit de mettre en pratique la maxime : « Aide-toi, le Ciel t'aidera », et d'être les ouvriers de leur propre cause corporative. Le tout est de savoir COlll1IIlent la défendre, et de ne risquer point, même exœllente, de la compromettre par la maladresse des polérniqule6 ou par l'intemJpéranoe des dia,tribes; mais de la soutenir en premier lieu par la valeul< professionnelle et morale de la corporation dans son ensemble. Un fait est patent : pour que l'instituteur puisse se déVOUffl' à son 1œwvre de tout son o~uT et autrement qu ·en p mercenaire, il lui faut deux certitudes au moins. La , re-
�mière, c'est la sécurité matérielle, la sécurité pécuniaire du lendemain; il ne faut pas qui'il se sente guetté par la gêne, e t qoo cette inquiétucw paralysante le harcèle et l'obsède : comment pourrait-il ensuite s'en abstraire ,p our être tout entier à sa classe ? La .seconde, c'esv qu 'il éprourve, la ·même sécurité morale; c.'est qt1'il sache bien que, laborieux, conscienc ieux et droit, il n ·a pa.s à r edQuter 1'arbitraire ~t l ïnjustice, parce qu:e la loi, équitable et prévoyante, a institué en sa fave,u,r tout un systèm e de garanties sérieusoo, sous, 1e couvert desquelles il se sente protégé et puisse croire à la justice.
2. Communication du dossier. - Au ,premier rang de ces gt1rantie , nous placerons une disposition régl,eme.ntai.re ,appli cable non aux ins tituteurs seulement, mais à tous les fonetionnaires, e t dont l 'importance est grande.. Il s 'agit de l 'article 65 de la loi de finances du 22 avril 19o5, ainsi conçu : cc TO'Us les fonctionnaire civils e t militaires, tous les em,ployés et ouvfÏ.crs de toutes administrations publiqnes ont droiL à la comlllunication personnelle e t confidentie lle d e toutes les note , fe<willes sig nalétiques et tous autres doc uments composant leur dossi er , soit avant d 'être l'objet d "une mesure disciplinaire oui d 'u n d éplacem ent d 'office, soit avant d 'être rntardé dan J.e ur avancement à l 'anciPnneté. » Il suit de là qu,·un fonctionnaire ne ,p eut être frappé sans - 'il sache, a u juste pourquoi, sans qt.li'il ait ,e u connaisqlll ance des g rie[s qu·on articul e contre lui et des faits q:u 'on lu ~ imp ute. Ce n:·est pa l"assurance absolue qu'aucune me u1,e trop sévère.. ou injuste ne sera prise à son endroit, - une telle certitude sort du cadre des possibili tés hum aines - , mais c'est l 'assurance <Jll'Ïl pourra se d éfendre, discuter les accusations, fournir ses jus tifications et ses p,ieuves. Pas de cond amnation donc, pas de mesure disciplinaire UT des pièces .secr ètes, sur des d énonciations ou des ra,pports dont fo fonctionnaire inJtéressé ignorerait m ême !',existence. De quoi qu.'on l'accu se, qooi qu 'on lui reproche, il J.e sa it, puisque tout son dossier est ous ::oes yeux . -Une tell e gar antie est de premi.er ord'Pei. JI fa ut d ',ailleurs bien saisir les di spositions de. cet arlicle : 1 ° Le do i,er du fonctionna ire ne lui e t pas comnwniq u6 d!'o ffice, ma is eu1em ent s ur sa dem ande. Le Con-seil d "Etat a décidé qu ·aucun r ecours ne saurait èt1ie basé
MOHALE P ROFJ;!,SI O!'l:'Œ LLE.
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sur le fait que le dossier n 'a pas été comm uniqué au fonctionnai,re, si celui-ci, informé de la mesure qu,i allait êtreprise contre lui , n 'a pas dem andé celle communica.tic.n . où D " l 'oblig,ation, pour l 'administrntiO'll à, laquelle il appartie nt, de lui donner avis de, la mesu,re qu 'elle se propose de prendi·e contre lu,i et du; choit qui lui est dévolu de prendr,e connai,ssan ce de son dossier . 2° Cette communication a lieu sans déplacem ent ,du. dossier . Ce d ossie r n 'est donc pas envoyé à l'intéressé ; c'est à luri à se d éplacar, à veniŒ' l,e consulter dans les b ureaux m êmes d e l 'administration dont il relève e t qrni lui fait savoir .où ,et dans quelles conditions il pou:rra ledépouiller . 3° Ce~te cmnmunication e t ·;p e rsonnelle et confidentielle . Elle n e peut donc ètre faite à un tiers, ni à un sojdisant manœataire ; e lle ne comporte pas le droit de• prendre cop~e des p ièces qu i sont ainsi soumises au fonction-naire, en core m oins de les divudgu er ou; publier. 4° Le Conseil d 'Etat a décidé que la garantie accordée à tous les foncti onnaires 1 jar cet artide 65 de la loi du 22 avril r9o5 n e s 'applique· pas à ceux d 'entre eiux qui , s 'étant mis en gr ève, s'exposent de ce fait à des m oou·en r es disciplinaires. En se m ettant - g r ève, a-t-il précisé, les fonctiO'llnaives se placent e ux-mêmes, par un acte collectif, en deho rs des lois et règlements éructés d ans le but de gar antir l 'exercice des droits r ésuJtant du contra t qui les lie. M,ais en r evanc h e le CO'llsei,l d 'Etat 'est toujomrs m on tré intraitable sur le ,r espect des dispositions de oot article65 . Chaque foi s qu 'un fonctionnaire qu,eTconque, s'est pourvu devant lui contrn une décision administrative qui l 'avait frappé « san s qu 'il ait été mis à m ême de: demander h communication de son dossi- r par application des disposie tions de l 'articl e 65 d e la lo,i du 22 avril 1905 », il n 'a pas h ésité à décider que « le requérant est fondé à d em anderl'annulation » d,e c-ette m esure et il l 'a en offet annulée.
3. Le Conseil départemental. - L'article 65 de, J,a lo i de finan ceis du 22 avril r9o5, que nous venons d e c iter et de commenter , offre à tou s les fonc tio nnaire san s except ion une premi• re et sérieuse garanti e oontre l ·arhitrai- No-us è œ. allons étudier ma inten ant celles qui sont particulièrE:s au personnel des instituteur.,, e- tout d 'abord l 'instiLution t m êm e qu,i les associe plus ou moins directement à l 'administration dan s la gesliion du ·ervice, à savo- 1e Conseil ir d ép,artem ental. Il en se-ra question si fréqu emment dan s les:
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pages qui vont suivre, qu 'il -est d 'une bonne logique de ne pas aLtendre davantage porn· en parler. Le « Conseil départemental de · l '~,nseign ement primaire », comme s'exprime la lerminolog,ie officielle,, communément on le désigµe par les initiales C. D. - a été 6tabli tel qu'il - st aujowrd'hui par la loi du 3o octobre e 1886 ( 1). Il est ainsi composé : le préfet; l 'inspecteur d 'a,cadémie; quatre conseillers généraux (huit dans la Seine,), élus pour trois ans ,p ar le urrs collègues ; le directeur et la directrice des écoles normales ; deux ins,pecte1 urs primaires (quatre dans la Seine), déS'ignés par le, ministre; deux institutems e,t deux institutriœs titulaires (sept dans la Seine), élus r especti'Vement par les institu.t eurs et msliilutrices tituàaires puhlics du d épartement, et pour tro-is .ans ; en outre, mais pour Je seules affaires qui conoornent 1·ensei,gn ement privé, un instituLeur et une institutrice privés élus par leur collègues. Ce Conseil siège à la préfecture. Il se r éunit au moins une fois par trimestre, le préfet pouvant toujours l,e convoquer pom· le.s besoins du service. Ses attribwtions sont nombœ·u:ses et important,es ; horn1is le mouvem ent duper onne.J , il n ·est vraiment rien sur quoi il ne oit appelé à se prononcer ou à &mettre Ulll avis. S'agit-il die l 'organisation péd:agogiqule des écoles ? Tl veille, dit la loi , à l 'application d,es pr0:,"Tarnmes, d es méthodes et d es règlements édictés par le Con.se.il Uipérieur ,de l 'instruction pu:bliqiue; il arrête les règlements :relatifs au régime intérieur des établissements d 'instruction primairn, par exemple les règlements départem~ntauoc des -écoles publiques inspiroo du, Règlem ent . modèle que le Ministère a publié (v. cours d 'administratio n scolaire) ; il donn '? son avis sur l,es r érforme6 qu'il juge utile d 'introduire dans l 'enseignement; etc. - S'agit-il des créations d 'écoles et d 'e.rnplois? Après avis du wnseâl municipal, €t sous réserve de l'approbation du ministre, il détermine le nombre, la natUJre et 1e siège des écoles primaires d e toull degré qu 'il y a lieu d 'établir ou· de, maintenir d ans ch aque commune, airu.i qu-eJ le nombrn des maîtres qui y sont attachés. - S'agit-il, de l'avancement d es maitres ? Il dre se chaque année la liste d 'admi sibilité, des tagiaires aux fonctions de titulaire; il donne son avis suo' les ,promotions au choix, ou sur les r etards d 'avancement, ,et arTête les listes de présentation à sou.mettre au ministr e en
(1) C'est une loi d e 185!, qui a· institué les Conseils dép artementaux.
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vue de ces promotions au choix ; il donne son avis soc lesrocompenses honorifiques, et arrète également l'ordre dans lequel les candidats seront insc: its su~ la liste, à somnettre r ~ l'a.pp1·obation du 1·ecteur etc. Huit joUJrS ava,nt la séance du conseil départemental, les propositions concernant les. promotions au choix, les récompenses honoriüque , etc .. qui doivent lui èlre présentées, pe,uvelJlt ètre communiquées à oeux de ses membres qui en font, la demande, et même sans qu'ils aient à la faire; ils cc sont ainsi, dit nne circulaire ministérielle, mis à même de se prononcer sur ces questions en pleine connaissance de cause ». - S'agitil d'affaires disciplinaires? Ainsi qu'on le verra Lout à l'heure, elles ne sont jamais résolues sans que Je C. D. ait. été appelé à donner un avi motivé. - S 'agit-il des récom-· uenses décernées au titre des ,œuvres complémentaires de J tc::ile ? Le C. D. -encore arrête la liste des institUJterrnrs à proposer au ministre. - C'est lui eenfin qui n,01111me le délégués cantonauoc, qu,i autorise les instituteurs ou inst.itu-· triœs à rempl.ir les fonctions de secrétaire de maiTie, qui autorise les instituteûTs à diriger des écolers mixtes, alors. que légalement elles doivent être tenues par des in Litutrices ; etc. etc.. Il nous apparaît ainsi, il nous apparaîtra mieuoc e,n,C,OrP, dans un înstant, quiand nous aurons étudié la question des peines disci·p linaires, que rien d ïmportant ne se fait dans le département sans qœ le conseil d-épartem,ental ait été appelé àr donner son avis ou même à statuer ; et oomme on l'a vu aussi, oe conseil compte quatre représentants du personnel des ipstituteurs puiblics. Ce n ·e t donc jamais une autorité sans contrôle, inspecteur d'académie ou préfet, qui prend seule les décisions concernant le p~rsonnel · des i'llStituteurs, et, grâce au C. D. et pa,r son intelrméd• airn, i ce personnel lrni-même a pour le moins droit de regard sut· les décisions die l'autorité déipaTtementale . .En apparence, ,c'est peut.-êLJ,e là chose anodine ; mais à 1 1'épreUNle!, de teUes garantie se révèleent -pleines de force. Il nous souvient d 'une affaire - oh ! très ancienne : el le a précédé qutelque peu la naissance du, vingtième siècle ·où un sous-préfet, for~ i1Tité contre un instiluteu• qu1 ava it r i vivement regimbé lorsqu'il avait voulu en fa ire un agent électoral, ne pairlait de rien moins que d,e le dénonoei· sans ind'UJlgence aUJ préfet et · de le faire révoquer sans ptlu de façons. Mais quand il a,piprit que le con eil départemeùtal avait son mot à dire dans l 'a ffaire et qu'une révocation ne
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s'obtenait point avec tant de .facilité, il ne s'aventura pas p'1us avant. Ce n ·est pas tout. Nous dision tout à l'heure qoo, hor·m is le mouvem~mt du personnel, rien n'échappe au conseil d~partemental. C'est, d ' une certaine manière, poussei:t· 1es choses un ,p eu loin ; car, si les affaires concernant les mutations n'ont jamai à être évoquées deivant le C. D., que la loi n 'a pas investi du droit d'en connaître, elles ne demeurent pas étrangères pourtant aux institu:tewrs e t aux in ·titurtrices membres de oe con eil. Ils font partie, en effet, du « Comité con uJtat.if » qui prépare soit en Jln d'année, soit à diverses reprises pendant ! 'année, l,e long et difficile travail des changements de pote; et c·~t de quoi il va être queslio·n ci-après.
4. Administrateurs et administrés. - Etudier avec quelq UJe détail le statut des instituteurs, oo serait passer en revue, textes législatifs en mains, un nombre considérable de chapitl'eS tels que les suivants : Nomination ; conditions r equises pollil' être habile à enseigner, porn·. être nommé stagiaire, titulaire-, direcleur d'école, etc. ; Traioo1nents e.t indemnités ; Règles de l'avanoement ; Récompenses, et peines disc.1plinaires ; Ch~ngement de poste, déplacement d 'office; Congés; Garanli,e s diverses : Conseil d éparteme ntal, collabor-ation, -: buJ!etiri d 'inspection ; Etc. Toutes ces qUJestions sont d 'extrême importance ; toutes aussi sont réglées avec minutie par des lois, ou ,p ar la jurisprnd,e nce1 et non laissées au bon vouloir et ·au poUJVoir , discrétionnaire des chefs hiérarchiques : tout le monde !e sait, et nous n'avons pas à nous arrêter sur ces vérités évidentes et connues de tous. Les articles ou les texte réglementaires qu'il conviendrait de citer à œ sujet ont pour la ,p lupart leur place d'a ns Je cours d 'administration scolaire, et chacun les y trouvera. Nous nous en tiendrons ici à oe.u:x q'lli ne sont pas, pourrions-nous dire, de connais.sanoe vulgaire ou que les limites réduites du: cours d 'administration ne permettent pas d 'y introduir€-. ]\fais il nous semble nécessaire, avant de poursuiivre, d 'expliquer succinctement aux jeunes comment so.nt étu-
�<liées ou préparées les décisions administratives qui conoernent le personnel, par application d es lois ,exislarites; ils y verront que ((l'Administration i> n 'esf ;pas oe qiuei plus d 'un, mal informé, se représente. Le chef d épartemental des instituleu.rs est bioo l 'inspecteur d 'académie ; c'est lui qui prend les décisions nécessaires ou qui saisit le préfet des propo ilions oPi{)Ortunes. Mais, parmi ces décisions ou oes propositions, il ,en est bon nombrn qui, s'aJ)!Pliquant pour ainsi dire au département enlier , sont au. préalable ,exam inéc ei discutées, puis établie , en . Conooil des insu,r pecLeurs prirnair,es. C'est le cas en particu1ier por les l ,p romotions au choix, pour les récoimipe,nses honorifiques, poŒ· les mutations d 'ensemble, eto. etc. Les résolutions ainsi adopL,ées en Conseil d es inspecteurs sont faites siennes ensu~te par l 'inspectem d 'acadiémje quri seul a qualit.é pour le soumettre à l 'agrément du préfot ou du conseil départemental , suivant le cas. C',est assez dire, pe,nsonsnous, com.bi,0'Jl sont mûries et c1ébattues les prnpositions de cette sorte, et avec qUJel souci de l 'équité. Quoi qu',m puissent penser et parfois écrire certains, les inspecteurs ont autant que quiconqure, plus que quriconque, la p>réoccupation et le scrupule de la justice ; et si ceux. qiu1 sans m ei, sure et à propos de tout, r écriminent et crient ou croient à la faveur, pouvaient a isler à une soole de le'lllrs séances, ils feraient vite litière eux-mêmes de leUll's ,préventions. Car c'est bien l 'iignoranœ seule des ch oses exactes ~IÎ: fait· souv,ent accuser d'injustice l 'administration : qiwi ne voit qu 'une faoe des affaires, et encore on n e sait à trav,e,rs quels on-di t et avec quelles déforma tions, ne sarurait les juger selon la vérité. v. ous avons vu, d 'autre part ~ ci-dessus, chapitre VIH, p. 120, § 7 et Appendice), que, poru1r la prérparation du mouvement de fin d 'année, pour le travail des promotions ou des r écompenses honorifiques, etc., le personnel même des im;tituteurs et des inslitutrices e&t appelé à ooUaborer avec l'administration, puisque ses déJégués au conseH départemental sont adjo'inL au Comité des inspecteurs et y ont voix délibérative. C'est une -garantie de plus que torut ce Lravai] est fait avec un soin minutie,ux et une ,extrême oonsci,ence., que toute chance d'erreur ou d'inj'lllStice grruves en est à peu près exclure. Avoc. raison les instituteurs ont. célébrré comme une chose importante cett;e entrée d e leurs r eprésentants aUJ Comité con'Sirnltatif e,t cett;e collaboration avoc l'administration départementale. Ce.rtains même, y m ettant quelqu,e na:iveté un peu puérile ou pr,é somptueuse
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ont pensé et dit, sinon éct:it, que gPâce à leurs mandataires ce redou,table Conseil des inspecteurs où tout se réglait par fave,u r et protection, et rien CEUe par faveur et protection, ou presque, allait désormais n'avoir pour règle que la justic,e.... ous en plaisantons; ·mais nous voudrions revenir encore sur un suje,t délicat, à p1'0pos duquel, oo maints endroits, tant d'erreurs se répètent - est-ce ,par habitude, est-ce par conviction ? - qwïl impo.r te d 'y faire la lumière e t r ~ 'appeler les c hoses par le u1 nom. A en croi11e donc certains, qui dit administration et supérieurs dit du: même coup giens ennuyewx et su5ipect , tyranniques e.t antipathi~ que.s, empêcheurs de danser en rond et esclave de 1eurs manies ou de four tranquillité; gens dont ni la pensée ni le oœur n~ sont pleins d!'un très vif sentiment de l 'équiié, ni pewt-êtr.e m ême du désir sourve.rain d'être é.qiuitables.. Biied', l 'administration c'est l'ennemie, l 'ennemie sur qui tout est prétexte à r,écrim.inations et à critiquies, mème quand on est dans l'ignorance, des choses qu 'on daube et vitupère. 'é,vîHélas I rien n 'est di'fficile à démontrnr comrne. J1 dence, et rien n 'est vivace comme ces pré-jugés absurdes venus on ne sait d'où, ()Ill ne sait de qu,i ,ert alimentés on ne sait comment. Eh bien ! non, cent fois non, quoi qu'en dise encore plus d'un, l 'administration dans son ensemble n'est pas aussi méchante - t inique; et elle n 'a pas attendu e que fût instituée la collaboration - cette collaJ:iorntion, au. sun:plus, dont il •est légitime d 'attendre beaucoup poiur avoir lei sentiment de la justice et régler ses décisions d'après le droit et l'équité. Et il n ',est pas inuhle peut-êt,re de dire aUI personnel qu,e l 'esprit de corps, entenau et pratiqué d ' une certaine manière (« il est des nôtre.s, donc iî a raison envers et contm tous >J), que l'amooc-pr'Opre corporatif, parfois aveugle. autant qu 'inconscient, sont de leur côté de terribl,es ennemis de la justice. e.t qu 'ils peuvent fausser lamentablement le sentiment dUJ drc:1it eit du devoir. Non, n 'opposo,ns pas l 'U!Il à l'autre, dans notre e nseignement primaire éMmentaire, administrateurs et ,administrés : ce serait mensoillget, et ce serait déraison. Sachons bi,e n seulement que de leur co-llaJ:ioration loyale et confiante - mais il fauL qu 'elle le soit - il peut sortir pour toms plus d'un bienfait; e,t qn.v'en tout ·état de cause e.JJe est pouT le ,personnel une garantie de plus, que pour sa part sans doute il estime, à haut prix. Qu ',en fait elle ait changé beaucoup les choses, c'est une autre affaire,; mais
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par elle l"administration se fait davantage av grand jour, el c·est un résultat quii n 'e l pas de médiocrn iIIljpOII'tance.
5. Avancement et récompenses . .,..... Les textes législatifs de janvie:r 1926 qu,i ont fixé, au mo,i ns momentanément, lres traitement des instituteurs., n 'ont 1-ien changé aux dispo-sitions de lois antérieurns qui réglaient l 'avanceme.nt. Voici 1·essentiiel de ces di positions, a ·après la loi du, :ïo avril 1921 : Les insLitulieurs et institutrice6 stagiaires sont titularisés au 1°1• janvier quii suit l 'obtention du oertificat d 'aptitude pédagogique (à moins qu'à ce moment ils ne soient en congé pour seTVice militaire ou pour convenances peTsonnelles) . Les in tituteurs et institutrioes Liturlaires sont répartis en six classes(r). L 'avancement par piromation d:e classe a lieu partie à l'anc.ienneté, partie aUJ c hoix. ïoutes les promotions pre nnent effet du 1•r janvier de chaque année,. Les instituteurs ,e t institutrices (écoles primailres élémentaires ou écoles maternelles) sont ,p romus de droit à la dasse supérieurn lorsqu'ils ont accompli six ans en o•, 5° et 4° classe, sept ans en 3° et 2° classe. Torntefois ils ne peuvent être promus à l'ancienneté dans les 2° et rr• classes s'ils exeroent dians des localités à · effectif scolaite réduit dont la li ste sern établi.e par décret a,p rès avi du conseil d épartemental. ' Sous réserve de l'application des pr.escriptions de l 'article 65 de la loi de finances du1 22 avTil 190'5, l'avancement à l 'anc ienneté peut être retaTdé d'une ·année, pour les instituteurs et in titutrices, sur lai proposiition de î'inspecteur d 'acad émie, après avis du con eil dé4partemental. l L 'ajournement doit être motivé et notifié< à _ 'intéressé. Pcrnvent êtr:e promus au choix dans la proportion J e 3o % les i.nstituteurs et in titutrices quii ont accomlJ)Ji dans le.ut· cla· se un Lage minimum de quatre ans et qui ne sont pas,pTOmus à l 'ancienneté. Telle est la J.égislation actuelle, qu.i n 'a .,pa une fixité immuable ,el qu i, de fait,, a été plusieUTs foi modifiée depuis la p,remièt,e loi sur les traitement , en 1889. Il furt un. temps où le choix seul donnait accès à la première classe, emps où il ulffisait de six ans d'anci,enneté. un autre L
(1) D 'après le décret du 25 janvier 1926, ~es itements s'échetr lonnent de 7.000 fr. en 68 clas e à 12.000 fr. c 1re, par augmentations successives de 1.000 ) :r. Les stagiair forment une classe unique au traitement de 6.5.0Ô fr., qui est ausS1 celui des intérimaires.
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265pou,r être promu à cette même première classe. Les décisions législa tives de cette nature,. comme· oelles qui fix.eu~ le montant d es traitements, sont s u~ette à des revisions ; il est fac ile à chacun de se tenir au courant. Que s'il s'agit des récompenses honarifiques, là aussi les textes législatifs sont précis et formels ; ils ne laissent pa place à l'arbitraire. Consultons.-les, voici oe qu'ils disent : Le fonctionnaires de l'enseignement primaire pub lic po u1Tont recevoir des r écompense consi,stant en m entions honorables, médailles de bronze et m édailles d 'argent. Ces m édailles et mention SQln t décernées par le Recteur, le 14 j ui:llet de chaq ue année, a ux institute u:rs ,et institutrice , dans ch aque déipartem.en t d e son Académie, 3.!près avis du Co nseil départem ental. Ce Conseil an ête l 'ordre dans lequel les propo itions doivent être soumi se à l 'app robation du. Recteu:1'. ·n ,e st accordé ohaquie1année, daw chaq ue dépa rtement .: u n e m édaill e d 'aTgent pour chaque groupe de-1G> t itulaires et s tagi,a ires, et une en plus pom chaq ue 1;action excédant 1 00 ; une m édaille cLe bronz,e pou~· 1 00 titulaires et stagiaire· ; un e rnention honorable pour 5o. Nul ne peut obtenir la m ention honorable s'il ne compte au moins cinq anné_s de services comme, titu: aiT'e, ]la mée l daille de bronze ou la m édaille d 'argent s'il n 'a reyu la mention honorable ou la médaill e de bronze depu,is deux années au n 1 oins. Mais dans la pratique ces délais de cinq ou de de ux ans ~ nt largem ent dépassés et plu qu:e doublés. La m éda ille d 'argent a un privilège spécial : elle donne droit à u.n e allocati on annuelle et ,,iagère de cent francs, comme la médaille militaire chez le o ldat .
6. Peines disciplinaires. - On éprouve quelque. embarras e t mêm e quelque am ertume à p rononcer un t,el mot quand il s'agit de personnel enseignant ; car ce personnel, par définiLion, oserait-O'Il dire, semble ne devoir com p;rendre que des hommes de conscience et de devoir. Mais queHe corpora tion n 'a pas ses u br.ebis galeuses » ? Com . m ent espérer que dans un ensemble de. plus dei cent mill e maîtres et maîtresses il n 'y ait poin t de d éfaillances, point , de mauvai~ ou'Vriel's, point d 'instituteurs indignes, de travailler à l 'éducation de la jeunesse ~ Le nombre de- ces mauvais bergers n 'est pas grand, et dans tel ou, te,I dépar-
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tement il est exceptionnel que les sanctions prévues par la loi aient à jouer contre quelqu'un. Encore est-ce trop qu'elles aient, à intervenir de loin en loin; on s'y résigne mal, mais il ne faut pas demander ce qui est peut-être l'im;p:ossible. Saru; plus de commentaires, voyons donc de quelles peines administratiV'es est passible le personnel dte l 'enseignement primair,e public, et qoolles garanties le protègent contr-e l'arbitraire dans l'application &Y<entuelle dte ces mêmes peines. Nous no.us apercevrons que 1à eincore les droits de la défense sont sauiVlelgardés et qoo l'intervention du Conseil déipartiemental est propre à as urer le respect de l'équité et dUJ droit. L'article 3o de la loi Qll'ganique du 3o octobre 1886 a fixé ainsi J.es peines disciplinaires applicables au personnel de l'enseignement primair,ei public 1 ~ La réiprimande ; 2° La censure; 3° La révocation; 4° L'interdîction pou1 un Lemps dont la durée ne r pourra excéider cinq années ; 5° L'interdiction a·bsO'lUJe. La :r.épo.-imande est prononcée par l 'inspecternr d 'acadé~ mie; le Conseil d''.Etat a décid!é que, du fait même qu'elle n'est pas une ,p eine grave, mais qu'el.l e a plutôt le carac(ère d'um.e simple admonestation, elle ne donne pas lieu à la communication d'UI dossier. Les au tres peines sont plus grave . Aussi, tantôt elles ne reuvent être ,prononcées qu'après avis du C. D., tantôt même c'est le C. D. qui, faisant olffice de tribunal, les prononce. Mais, dans tous les cas, l'affaire, avant d'être wrnmise au Conseil, est inst111,i te· par l'un d:e soo membres que le p1·éfet a désigné comme ra,p porteur. « Le ra,pporteur, dit le décret du 6 décembre 1886, procède à l 'instrucLion de l 'affaii-e, appelle, s'il y a lieu, l'inc111lpé,, par une simple J.ettre énonçant les faits, et l'entend en ses rru:iyens de défense. » C'est la règle invariabl-e en droit : l 'inculpé est toujours entendu e.t ·toujO'lllrs appelé, à se d~ndr,ei. La ce.nsu<re est prononcée par l 'inspecteur d'académie, apl'ès avis motivé du C. D. H Lorsqu!il s'agit d'a;ppliqruer la peine de censure à uin membre de l 'enseignemenb public., dit le même décreit de 1886, le C. D. déclare, dans un avis motivé, s'il y a lieu de condamner ou de renvoyer l'inculpé. Expédition de cet avis est adre é à l 'insp,ecleur d'académie qui statue, définitivement. » L'inspect,eurr d ':i.-
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cadémic. n 'est pas lié par l'avis du C. D. et sa dééision peut être contraire .à l 'avis du Con eil. Dans la pratique, les décisions des ins.pecteurs d 'académie sont ])'l'esque toujours, et cela se conçoit, conformes à cet avis ; mais il y a des exceptions, des exceptions qui firent m êm e dans cer, tains cas quelque bruit, parce qu ïl s ·ag:i.ssait alors d',lf. fa ires· où les faits incriminé pouvaient sembler d ·ordre politi,qu.e autant que professionnel. << La r évocation est .prononcée par le préfet, su11· la pro· position de l'inspecteur d'académie, a,près avis motivé tlu C. D. (1) . Dans l,e cas de révocatioo, le fonctionnaire lll· cwlpé a le cjroit d e comparaître devant le Conseil et d 'obte· nir préalablem ent cornanunication des pièces du dossier. « Le fonc tionnaire r évoqué peul, dans le d élai d,e vingt jours à partir de la signification de l 'arrêté p~AfecLoral, interj etei; appel devant le Ministre. » (art. 31 de la loi du 3o octobre 1886) . « L'interdiction à temps et l 'interdiction ahs01lue sont prononcées par jugement du C. D. Le fonc tionnaire, in· culpé sera cité à comparaître en ~Tsonne. Il pourra ~e faire assister par un défonseur et prendre communication dUJ dossier. La décision du1C. D. sera mo tivée. « Le fonc tionnaire interdit a le droit, dans u111 â.élai' de vingt jours à ,parLiT de la signification du jugement, d'interjeter appel devant le CO'Ilseil , upéri euir de l 'in truction publique. >> (Art. 31 ). Enfin, « dans les cas graves et urgents, l'.inspectem d 'académie, s'il juge quo l'intérêt d 'u,ne école exj.ge cett~ mesure, a le droit de ,prrononcer la su pension provisoira d'un instituteur pendant la durée d e l 'enquête discip li· naire, à la condition de saisir de l 'affaire, le C. D. dès ~a prochaine session . Cette su,ppTession n ',entraîne pas privation du tmitement ». (A rt . 33). Ajoutons qu 'après un dél"ai de deux ou cinq ans, uivant les cas, les m embres de l 'enseigne.ment peuvent être relevés des déchéances ou des incapacités résultant des d écisions qui ont prononcé çontre eux l 'interdictioin dll droit d'enseigner . LeuT demande en œlèive-ment est $011· mise par le ministre aui Conseil supérieiuT qui staliue . . 7. Nomination et déplacement. - Selon quïl s ·agit de sta
(1 ) Là non plus, l'avis du C. D. n e lie pas le Préfet. Mais celui-cl ne peut se prononcer qu'une fois saisi de la proposition d e l'inspec· teur d'Académie.
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g iaires ou de titulaires, la situation des maîtres est différ ente. Les stag ia ires enseignent, en vertu d ' une délL tion éiga de l'inspecteur d 'académie,, délégation qu'il .pieut leiur retirer sur l 'avis mo tivé de 1'inspecteur primaire. Le,m· changem ent de résidence e t ,p rononcé également. par l 'inspecleiur d 'académie. Si ce changem ent LJ lieu d 'olffice, c 'e.st-à-dire co ntre le consentem ent de l'intéressé ,e t malgr-é son refus form el ,exprim é par écrit , il tarribe sou le coup de !''artic le 65 de la loi de 1905, que nous avons cité dans les pages cidessus, et il donne lieu à la cornmThilication du dO&Sier. Que r ésu1lle-t-il de là ? Ceci tout au1 moins, q oo les stagiair<>S ne dép,endent pas ou ne d&pendent plu,s, que- J)OOl de leur directeur. Nous disons : ne dépendent plus, parce qu,e nous avons mémoire d 'un temps où les choses n 'a llaient pas tout à fait de cette sorte. Il a rrivait en ce te,mpslà que, sur la plainte verbale de son directeur, plainte qUJ'il ignorait du reste, l 'adjoint stagia ire· était soodain changé d e résidence sans que rien lui f'lt -prévoir pareill,e aven~œ,-e et sans qu 'il en sût bien les raisons. C'était le temp,s' où te:! directeur se vantail, entre ami , de « ,remJettre en circulation >> les je unes adjoints qui n e consentaient pas à aSSUirer malgré eu;x, et aux ,prix les plus réduits, les services de son intetrnat ; c'était le temps OIÙ les petites quer ell es personnelles; pour d es question s de toilette ot.i ssembahle · billevesées, créa ient dans oe.rtaines écoles un phénomène qu,e tout le mo nde conna issait, sauf l 'adrninistration qui pourtant le créait ou ratifiait, ,et qu'on désignait d 'un nom ,pittor esqu,e : la val e des stagiaiTes. Dans ces écoleslà, en vie,rtu d 'une caus e mystéri'euse, qrn n 'était m y térieuse pour pe,r5onne que les inspecteurs, les institutrices stagiaires ne faisai• ent que passer ; ;peu y re' taient à. de.m euTe . Incompatibili té d 'bume rur et de Lem.pérament~ sans nul doute, mais dont le inférieures étaient seules à subir les conséquences.. . Ces temps appartienn ent au passé. D'abord parce que la . conception des rapports entre ch efs ,e,t sUJbordonnés, donc directeurs et adjoints, s'est modifiée dei part et d 'autre, encore qu 'à tous les deg,rés d e 'l'éch elle biéiraiT'c hique certains demeu1·ent ob&tinément r éfractaires à ces idées nO'uv.elles ; enosuibe, parce qrne la nécessité d,e communiquer leur dossier aux maîtres quie m enace un déplacement d 'office est de natme à prévenir bien de,s injus tices. Touüom s est-il que l,e:- stagiaires eux-m êm es n e sont pas à la discrétion de leurs rnpéri euTs admini,stratifs et jouissenî des garanties communes conlr·e l 'arbitraire.
�S1agit-:il mainte,n ant des titUllaires ? ùeUJr Jlomina·tion .est faite par 1'e préfet, sur la proposition de l'insp©tem· -d 'académie. Quiand, sur leur dem~nde même ou1 avec leur .agrément, ils sont appelés d 'u,ne -école à une au,t re , c 'est encore dans 1'es m êmes formes, c'est;à-dive par le prMel et sur la proposition de l'in~teur d 'académie. Il en va -de m ême aussi quand leur changement est ,prononcé a·offioe, « pour nécessités de servioe » . Toujoocs la propo.sition écri te de ! 'inspecteur d 'académie est indispensable pour que le p réfet p uisse pr endre UiJl arrêté de nomination ; il ne peut agir et décider de sa propre initiative (1). Et si l 'on VJe<ut bien son.geir qui'un Comité consultatif où entrent des instituteurs participe à l 'élaborati{)IIl. dUJ mouvem ent du personnel,. on se rendra compte, une fois de plus, que toutes oes mesUTes constituent un effort sérieux, -et so l!'ven.t eifficace, vers la justice. 8. Le déplacement d'office. - Il fa ut nous arrêter ,p ourtant à la question du déplacement « pour nécessité de serviœ », qui s'appelle encore le d éipù,aceme,nt d 'olffi'cei et qui , dans certains cas, est bel ,et bien une véritabie mesure disciplinaire, une m esurre de di grâce. Il n 'est ,p as toutiours tel, il impor t.ie. de ne pas s 'y trornJper; il peut se faire, en effet, que, sans son asse.ntiment et par conséquent d 'office, un insti turLeur so,it d éiplacé san s que ce cha ngement ait en rien le caractère d 'uoo défavernr ; par exem ple, si son µoste vient à être supprimé. Il ne s'agit dans oe ahapitr,e que du d éplaceme.nf « par m esure de disgtâtce », ,comm e s'exprim e la circu] aire a ux préfets du 6 avril 1906, -que nous allons citer : « .. .Le déplacement d 'oiffice, p,ar mestllre die disgtkfl, peut être prononcé par le préfet, sUJr la prnposi tio n de l 'inspect eur d 'acad émie, pour les motifs suivants Pour ins ulllioo;noe p rofes, ionnelle et manquements d e conduite graves de l 'institurtellll' ; PaJ1Ce que son ma intien dans une corrumunei risquerait de coo1,promettre, au regard des !familles, les intérêt's cle l 'école laiique . Toutes les fois que vous j·u,ger,ez n écessaire, u,n déplace(1) Cette question de la nomination des instituteurs par les préfets, et non par l' autorité universitaire seule, a donné lieu souvent à d es ca mpagn es de presse (nous parlons surtout d e la presse pédagogique). Nous n e la discutons p as, faute d e place et a ussi parce qu'elle n 'est guère dans notre programme; nous croyons /l d evoir toutefois la signaler en passant. /
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m ent d 'olffioe, vous aurez soin d~ prévenir par écrit l 'inté-res é de la m esurre qUJe l'on se , ropose de pre,ndve à son. p égard, en lui faisant connaître les mo tifs qui v<YUS ;para issent exiger ce changement. Cinq jom·s luii seiront laissés pour pr ése,nte,r par ,écrit 'sa justification ; swr sa deirnand~, el conformément aux: prescriptions dei l'artic le 65 d e la loi de finanoe8 de 19o5, communication luii sera donnée des pièces de on dossie,r. Cette communication ·aura. lieu par l'intermédiaire dei l 'inspecteur d 'acad,é.m i(', soit a'll ch ef-lieu du d épartement , d ams les bureaux de l'inspecL ion académique, soit dans le bureau de l'insqY('Cteur ,primaire de la circonscription , de façon à éiviter aux intéTessés des déplacements trop lointains. Tout en raippelant que la loi a prévu une comlilmnication cc personnPJle et confidentielle », vous , pre crirez que le loisir n écessaire soit laissé aux inslituteurs et in litUJtrices ,p iotJ,r prendre connaissance de leurs dossiers. Il vous sera remis parchaque intérnssé un récépissé del cette commtunication. Il est bien enlendu que vous ne tiendrez aucun compte des dénonciations qui visen L le fonctionnaire, à m oinsqu 'elles ne soient signées; dans ce ca , eUes seront jointes au dossieT de l'intéressé, pour qu'il puisse en ,p1 rendr,e con naissance. C'est eulem ent quand vous serez en possession de oes a-enseignement , et aprè6 enquête, s" l SJ sont contradic~ toires, que; d 'accord avoo l'inspecteur d 'acad émi e,, vous vous prononcer ez, dans un large esprit d 'équité et de bien veillance, avec le dou:ble souci de concilier l 'intérêt particulier de l 'inslilute'Ur e/t les intérêts gén éraux dont vous avez la charge. Si l 'ins tituiteur se L rouve lésé pat' la mesure que vous aurez prise, la faculté lui r este ouverte d 'un. recou rs, a'l1 ministre d-e l'Instructiorn publiqu1 Vous lui donnerez les e. m oyens pratiq'U·es d 'en user .. . Vous m e t1,ansmettrez ce recours le ,pJus rapidement possible en y joignant tous les documents q wi eront dia natwre à m 'éclairer sur l'affaire (1) . Vou s devez p révoir que, l 'in sliluteur, après vo~s avoir
(1) " ... J e v ous invite, cha que fois que, dans les cinq jours de la notification qui lui aura ét é faite d e votre arrêt é, vous serez saisi d 'un r ecours formulé p ar un instituteur déplacé d 'offi ce, à surseoir à toute m esure d 'ex écution jusqu'à ce que j e v ous aie fait connaître ma décision: Vous voudrez bien, le cas échéant, m 'adresser, dans le plus bref délai possible, le r ecours accompagné d e toutes les pièces d e n ature à m 'éclairer . n (Circulaire aux Préfets. 1 •r février 1912.)1
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'transmis régu1 lièremenl par écrit ses explications, croira, s 'il est membre d'unrei association amicale d:'instituiteurs <le son département, devoir charger le bureau de cette association d'intervenir au1 près de vou , pour présenter plUJS · .elfficacement sa délfense. Plusieurs de vos collègues m 'ont demandé dans ce oas la ligne de conduite à suivre. Les associations d 'institute~rs ont une e.x:istenœ légale; vous ne devez ni les ignorer, ni néglig,er le parti que vous powvez retirer de cetlel organisation. Il ne s'agit pas de .créer un rO'UJage ad.m.inistratif nouveau, de permettre entre l'au~ torité et le fonctionnai1iei l 'int.erposi~io·Ii d'un J><llll'Voir pi'bvu par la loi et qui pr-étende s'imposer. Il s'agit plus .simplement de rnndre l'aUJtorité accessible à tous ceuoc qui ont besoin de recomir à el!iei et qui le font av-ec les sentim,<mOs de déMrence quei vous êtes en drœt d'attendre; il s'agit surtout de mettre à profit une som·ce préciffiLSé d 'information, qui pourra confirmer ou rectifier votre opinion et serviT à la mani.festation de la vérité et de la justice . .c'est dans ces sentiments que vous accueillerez les délégués de l 'association, que vous vous entretiendrez avec eux et que vous parviend-reiz souvent à di siper les malentendus que des ,p oints de vue très différents peuvent faire naître entre les fonctionnaires et l 'administralion. Dans le même ordre d ' idées, j ·attacherais un grand prix à ce que toutes les fois qu 'il vous paraît que la situation d'un instituteur ou d'une institutrice r isque <le devenir dliiffi:Oil.ej dans UJnel c0011m'U!Ile, vous mettieiz ,1'inspecteur d'académie au courant doo renseignements que vous aurez recueil'lis et que vous l 'invitiez à s 'entretenir de la question avec les intéressés. Ce~te inl~rvention, qui n'aura aucun caractère ctfficicl et où les instituteurs verront seulement la ,p1mrve de l'intérêt vi.gilant qu'on leu;r porte, permettra de leur faire, s'il y a li.eu,, les observations nécessaires, de, leur donner d'urt;iles conseils, et aussi de recevoir d 'eux des éclaircisseme·n ts qui vous m ettront à même d'apprécier justement l&'l faits. Vous pO'll'rrez ainsi prévenir des conflits regr-ettables, en même temps que cette manière d 'agir fortifiera certainement la confiance du personnel à l 'égard de ses chefs.. » TouLefois, malgré ces exce,l!entes intentions et ces préca\JJtions équitables, le déplacement par mesUTe de disgt.1.ce est plutôt considéré par les institu,teurs oomme une véritable peine disciplinaire, et ils ont plus d'une fois demandé qu'il fût entouré des mêmes garanties ·ët prononcé dans l.eis mêmes conditions qu:e les autres peines dis-
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ciplinaires, e'est-à-dire après avis motivé du conseil dépar-temental.
9. Conclusion .. - Tel est, dans ses traits les plus generaux le statut actuel des instituteurs, telles sont les Tègles et les garanties dont la loi entoure l,eur choix, leur nomination, 1euT avanœment, etc. EHes constituent, on le voit, un ensemble coh érent et bien de nature à inspirer confiance aux intéressés; on ne saurait S<YU-tenir vraiment que 1"arbitrairre y règne ni le bon p,1ais:ir. Est-ce à dire pourtant que nul progrè ne soü ,possible encore, q~ nulle amélioration nouvelle ne puisse être entrevU1e dans ce domaine qi.re nous venons d 'étudier ? Bien téméraire ou bien imprudent quii oserait le prétendre. Toutes institutions humaines s,ont per'fectibles, et il n 'est ipia1> d e loi ni de règlement qUJi, après avoi·r été bien 8'daptés . aux circonstances et après. avoir -e.x:cellemment jooé, ne· dmi.ennent UIIl jour insulffisants et caducs ; ils ne rélpondent plus alors aux situations nouvelles que le temps et les circonstanoes ont peu à pelll oréoos et il le m faU;t faire place à d 'au• tres. Nous voyons ainsi chaque jour abroger telle disposition légale qui a fait son tel11Q)S, 11apporter te:lle mesrure que l'usage a r évélée inopérante ou qu,i a perdu, sa raison d 'être, édicter par contre telle disposition nouvelle qu,e d es nécessités nées d 'hier imposent . Modestes changements d 'ordinair,e, qui ne bou1leversent ni ne visent à bouleverser la législation, mais qui ne laisSelllt pas néanmo ins d 'être les bienvenus et de réaliser de très heurnuS-% r·éformes de détail. Parfois aussi cependant ce ~ont des changements plus profonds dont nous somme les témoin . 'Nous avons dit en delh,X mots comment, tP~r exemp le, depuis la loi de 1889 sur les traitements et l 'ava,n œm~nt, ces traitements et les règles de oet avancement ont éit• modi é fiés à maintes reprises; et il n 'est pas besoin de pœ'Ildre des allures de prophète pour prédïre qoo la nxité doo règleme<nts d 'aujourd'hm n'est pas éternelle. ous n'avon. rien dit, parlant à des j,aunes gens pour qu~ la retraite est u• n év-énement i lointain qu'ils n 'y songent pas oo en sou- rient, de la loi sur les retra,ites qiui, dat'ant de 1853, a été refondue totalement ; en Ï9:il1, comme il était bi€m néce saire. Nous ne disons rien , oui plŒLôt nous n'avons fait que signaler d 'un mot, au passage, les effort tentés de,puis un demi-siècle pour que la nominatioo d'es institUJtoors so it enlevée aux pr-éfets et remise au.x chefs universitaires. 'fout à fait de même il n 'est pas le. moins du. monde imposs,ilble
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�qrne s'élabore insensiblement une conception nouvelle des
rapports entre le personnel et l 'administration, et que cette conception trouve un jouT son ex.pression dans la loi. A. chaque joua· sulffi.t sa peine. Pourquoi tairions-nous, dans ce chapitre où elle vient toUJt natrnrellement s'encadrer, la qu-estion des, recom1m.andations, du « p,iston », pour recourir au mot populairn q,ue l" usage a consacré et qu;e nu!l n ïgnore ? On saib de quoi il s'agit : Lei instituteur, qui désire tel avancement oru tel poste, se fait .appuyer auprès de l 'adm.inist;ration académique ou ·préfect01·ale par quelque personnage politique à la poigne solide et à l 'ob.5Lination tenace, et gr.ke à cet appui obtient ce qu 'il désire. La justice n'y gagne ri,en sans doute, - mais elle n 'y perd pas toujoua·s non plus, car il n 'est pas rare que les << protecteurs » s 'entremettent ju,stement en faveur des candidats m.êmies de ,,l 'adminis'tration. Il senit vain de tonner con tre ces mœurs-; ce ne sont pas des b,omélies qui nous en débarrasse.ront, et c 'est 11rnmaine na le-même qu'il faudrait modifie<r·. Swppo- ' ser qu,e, les administrateurs auprè de qua. se produisent ces interventions résisteront malgré tout et qu,oiJ qru'il puisse leur en coûter, c'e. t demander tro,p d 'héto[sme; J,c-s blâmer de Join est facile, ferions-nou~ mieux à !'Emir place ? Supposer aussi que Les solliciteurs renonceront à leurs habitudes n ·est pas une moindre chimère. i\ifais les groupements professionnels pourraient peut-être agiT, demander au.x homn1es politiquei;;, 1 exemple, de s'e,n gager~à ne jap;ar mais faire pression sur l'adnùni tration en favewr de qui que ce soit : est-ce que la chose ne se prati,q;ue 1(*l.S déjà . dans pl us d ·un département il Le remède sans doute n ·t·~t pa radical; encore n 'est-il pas sans vertu. Ces groupements eux-mêmes poun:aient, de leUT côié, ~tre les ~urx servite:UTS ~ c.ette jm,Lioe qu 'av,e c ~"ai~on ils mvoquent souvent et qu ·ils se donnent pour miSiS1on de défendre. Nous voufons dire [X:tr là qu ïls ne dervraient jamais intervenir pour soutenir ,et <fuiiI'e arriver œn. des leurs, dont le principal ou le seul müile est toUJt justei d 'être un des leurs et non d 'un auttre campi, d 'être le candlia:at patronné par son propre groupe pour des rn,i sons que l 'équité impartiale n 'avoue pas toujours. Dire à 1"administration : - Nous somm- s 800, nous sommes 1 .ooo, nous sommes e le nombre, - n 'est pas tout à fait la même ohose que : Sans parti pris, sans aveuglement de cotea·ie, nous traivail- - - - - - - - Ions pour la justice; nul~ question d ·amour-pmptre, ou le
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autre, ne se mêle sournoisement à notre intervention ... Serviteurs intègres de la :vérité et du bon droit, les groupements corporatifs peuvent aider elfficacemenU l 'admimstration à être juste, à condition d 'abord qtlle leurs dirigeants soient désintéressés. Ils p·euvent soit la renseiigner avec exactitude SUJr des affaires dont certaines données échappent- plus ou moins à ses enquêtes, soit lui apporter dans certains cas leur appu:i moral en faveur m~me de l'équité menacée. En l'état actuel des choses, et a:vec le 1·éseau serré' des garanties légales et morales qui protègent le personnel, il est bien rare qu'·un institrnteuT ,puiisse être injustement fTa,pipé. Nous ne disons pas : oeùa n'est pas possible, ni cela n 'arrive jamais. Tant que la, nature humaine sera faillible, faillibles de même seront s.es j~ements, qiuJoi' qu'on fa se et de. quelques préoau tions que, l'on s'entoure pour se préserver de l 'erreur. La :vérité est pourtant qu~ 1'insfituteur qui, s'applique à sa 'tâche e t la fait bien, qui ne dœme prise à la critique ni par son atfüurle hors de l'école ni par ses agissem ents inconsidérés à l 'égard de l'UID. OUI de l 'autre, celui-là - e t il y em a des milliers en France - peut se r eposer avec quiétude dans la sécurité du devoir bien rempli : il est à l'abri des tracasseries et des disgii1ces, ,et le jour n-e> pourra pas ne pas venir où ses méirites seront reconnus et sanc.tionnés. Aussi bien, c'est peut-être folie ou chimère que die vouloir une justice absolue et hors des contingences, aUJ li~u d 'une j·UJst~ce toute relativ,e, telle {fue )a permet l 'imjplerfection soit des hommes, soit des instjtutions mêmes que ces hommes imparfaits onL fondée,s. Noble et fieir Sellltiment, certes, que· celui de la justice, et l'un des plus hauts qui puissent ,émOUJvoi'f' le oœu.r hU!IDain . Encore ne faut-il pas que, par intempérance fougueuse, il s'en aille oohouer dans les égaœments du .rêvo O'U de l 'impossihle ,et donner à ses fidè.Ies l'allure d e don Quichottes d angereux ou ridicules. Philinte ne se trompe guère, : il faut prendre tout doucement les hommes comme ils sont, aOCO'Utumer son âme à souffrÎ'r ce qu 'ils font .. . et e .bien persUJader soimême qu 'on n 'est IJ)las toujours plus parfait ·que ceux qu 'on c:ritique.. C'est chose humaine que l'emreur; quand une administration mal informée. récompense ou d'écore des mérites ou de bel1es actions q,ui n 'existèrent jam ais, quand elle se lais e duper par des appa'l'ences habiles o u c:irconvenir pa~ une stratégie ca,prtie1 use, il faut bien se dire qu'a1
�près tout ces erreurs et ces trébuchements sont dans l 'ocdre· du monde e t de tous les temps. Ce n 'est pas une raison tout de même pour se résigner à l 'erreUJ: ,.e t ne pas déclarer·· la guerre à !"injustice; ce n 'est pas une raison pour se aroiser passivement les bras en attendant les bénédictions bénévoles du diel] Progrès . . Et c'est pour cela que nous croyons, qllle les instituteur sont dans la vérité quand ils mènent campagne pour des réformes ou :pour des revendicaLions qui feront leur sort plus a urré e,t !plus digne, ou quand ils dénoncent sans ménagements (sans assez de mé-· nagements quielqoofois) tels abus de pouvoir et teilles injustices patentes qui pewvent devenir pourr tous UJD,e menace. Nous voudrions seulement que dans ces campagnes parfois un pe'U vives ils fussent toujours bien assocés d'avoir pour euiX la, vérité et le dmit,. Or on ne pe'l.lrt marcher dans cette assurnnce que si l'on connaît avec certitude le poUT et le contre, si l'on n 'a pas la vision rétrécie à un seul côté d es choses - ce qui est trnp fréquent, - si• l 'on n'abonde pas avec une complaisance exoessive daru; son propre seons. De cet écueil redoutable il s n 'ont pas toujoUJrs su se ga,r-der, et ce fat par moments e t dans certains cas un grn nd mal. Et puis, nous voudrions, au moment de mettre le point final à Loutes ces leçons par.fois un peu sévères, r edire· enca.re que les r evendicatio ns du. personnel tireront leur· forc.e princirpale d e leur justes e, à coup sûr, et de leur bon droit, mais aussi die l 'esprit même d'ans leqmiel ell es sero nt pré entées et défend\JJes. Crier et s'agi ter n 'est. pas toujours la bonne manièr e, ce n 'est pa.s le gage le plus certain d 'un succès durable et· sans retou~·s. Nous voudrio,n s, nous voudrions de toute notre 1 âme e t de tourte• nortre, foi, que la grande ror.pora tion des institute'llll's et d'e institutrices de Frafl ce sût ~'imposer à l 'opinion publique et à se a,dversaires mêmes par sa valeur incontestabl e, valeur profossionnelle autant que valeur morale, et qu 'en vue, de ce résultat., san beaucoup de bruit, mais avec un e puissance invinc ible, ell.e fit courageuserrie.nt sO'Tl iœuvre et la fît bie.n . Ce serait là sa plus grande force, rien n e prévaudrait contre ell e. To()IU5 nous S()ll]lha itons l'écol<e publique honorée, estim ée, prrotégoo ; mais elle ne le se!ra que dans la mesUTe où l 'opinion s'accordera à lui i-econnaître valeur et m éritei', à la juger hauterment digne. de confiance et d e rei<:pect . Et c'est de quoi la valeu,r seule de son personnel d écid era. Nouis l'avons dit aux pr.emi ère, lign es de ce livre,
�nous ne trouvons pas autre chose à redire pour terminer tant vaut l'instiluleur ou l'institutrice, tant vaut l'école. Cest pourquoi il nous faut par légions de bons maîtres, des maîtres . instruits et probes, des maîtres qui, richûs d ' une vie intelleclootJe opiniâtrement élargie et renouvelée, sachent la r épandre autO'llr d 'eux ; qui, riches de vie morale, sachent grandir les ·â mes et hausser les consciences.
�APPENDICE
Voici un document qui, pour n'être pas . tout récent, nous paraît digne néanmoins de la méditation des maîtres -et propre à éclairer leur action. Il a été rédigé à l'intention des écoles normales : ce sont les Instructions officielles qui, -dans les programmes de l 905 (réformés en 1920), accompagnaient et commentaient le programme de morale destiné à ces établissements. Aujourd'hui fragmenté, rattaché d'une part aux notions de sociologie appliquée à fa morale et à l'éducation (2° année), d'autre part aux notions de philosophie scientifique et morale (3° année), l'enseignement -de la morale continue toutefois, sous ces formes nouvelles, d'être donné aux élèves des écoles normales et par conséquent, hors de ces écoles, aux jeunes gens et aux jeunes filles qui se préparent à l'examen du breveJ supérieur. Ne serait-ce qu'à ce titre, les Instructions de 1905 que nous transcrivons ci-api;és auraient gardé leur valeur. Mais elles nous semblent bien plus importantes encore à un autre point de vue, c'est en tant que complément du programme actuel -de Morale professionnelle .que nous avons développé dans le présent ouvrage. Ce programme, en effet, pose par endroits -de difficiles questions que nous avons tantôt étudiées d'aussi prés qu'il nous a été possible, tantôt traitées en quelque -sorte implicitement, tantôt simplement indiquées ou amenées d'un mot au courant de nos leçons. Elles se rattachent -d'ordinaire soit au droit de l'État en matière d'enseignement, soit aux principes mêmes qui orientent l'enseignement public, soit à la neutralité scolaire, soit à l'esprit selon lequel les instituteurs ont pour devoir d'exercer dans leur classe et au dehors 1eur fonction éducatrice. Cet esprit général dont il est indispensable que soit nourri et vivifié le simple enseignement de l'école primaire, il faut d'abord que les maîtres eux-mêmes, instituteurs ou institutrices, en soient profondément pénétrés et qu'ainsi ils puissent le répandre autour d'eux, -en animer avec conviction et avec force leurs leçons quotidiennes. Il nous semble que des pages comme celles qui suivent ·sont propres à porter loin l'horizon de leur pensée. Et c'est pourquoi, écrites en un autre temps et pour un enseignement ,déterminé, mais toutes pleines de.raisons et de principes toujours valables, elles ' nous par-aissent avoir ici leur place
�nous ne trouvons pas autre cho:;;e à redire pour oormine·r tant vaut l'instituteur ou l'institutrice, tant vaut l'école. C'est pourquoi il nous faut par légions de bons maîtres, des maîtres . instruits et probes, des maitres qui, richl'..5 <l ' une vie intellectoolle opini.âtren,wnt élargie et renouvelée, sachent la répandre autO'Ur d'eux; qui, riches de vie morale, sachent grandir les ·â mes et hausser les consciences.
�APPENDICE
Voici un document qui, pour n'être pas . tout récent, nous paraît digne néanmoins de la méditation des maîtres et propre à éclairer leur action. Il a été rédigé à l'intention des écoles normales : ce sont les Instructions officielles qui, -dans les programmes de 1905 (réformés en 1920), accompagnaient et commentaient le progràmme de morale destiné à ces établissements. Aujourd'hui fragmenté, rattaché d'une part aux notions de sociologie appliquée à fa morale et à l'éducation (2e année), d'autre part aux notions de philosophie scientifique et morale (3° année), l'enseignement de la morale continue toutefois, sous ces formes nouvelles, d'être donné aux élèves des écoles normales et par conséquent, hors de ces écoles, aux jeunes gens et aux jeunes filles qui se préparent à l'examen du brevet supérieur. Ne serait-ce qu'à ce titre, les Instructions de 1905 que nous transcrivons ci-api;ès auraient gardé leur valeur. Mais elles nous semblent bien plus importantes encore à un autre point de vue, c'est en tant que complément du programme actuel -de Morale professionnelle ,que nous avons développé dans le présent ouvrage. Ce programme, en effet, pose par endroits de difficiles questions que nous avons tantôt étudiées d'aussi près qu'il nous a été possible, tantôt traitées en quelque sorte implicitement, tantôt simplement indiquées ou amenées d'un mot au courant de nos leçons. Elles se rattachent -d'ordinaire soit au droit de l'État en matière d'enseignement, soit aux principes mêmes qui orientent l'enseignement public, soit à la neutralité scolaire, soit à l'esprit selon lequel les instituteurs ont pour devoir d'exercer dans leur classe et au dehors leur fonction éducatrice. Cet esprit général dont il est indispensable que soit nourri et vivifié le simple enseignement de l'école primaire, il faut d'abord que les maîtres eux-mêmes, instituteurs ou institutrices, en soient profondément pénétrés et qu'ainsi ils puissent le répandre autour d'eux, -en animer avec conviction et avec force leurs leçons quotidiennes. Il nous semble que des pages comme celles qui suivent sont propres à porter loin l'horizon de leur pensée. Et c'est pourquoi, écrites en un autre temps et pour un enseignement déterminé, mais toutes pleines dexaisons et de principes toujours valables, elles ' no us par,aissent avoir ici leur place
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naturelle, nous dirions presque nécessaire. Elles sont difficiles, mais riches de substance ; et qui saura les comprendre et les méditer sera plus apte aussi à diriger son action d'éducateur, à s'élever jusqu'à ces idées générales sans lesquelles la vue reste courte et l'action hésitante ou superficielle. Qui saura transposer, pour l'école primaire, les doctrines et les aperçus qu'elles renferment pour les écoles normales et pour les maîtres, sera capable de mettre dans son enseignement moral une hauteur de vues et une richesse de pensées qu'on serait heureux d'y rencontrer toujours, pour le grand bien de cet enseignement moral lui-même et de l'œuvre entière de l'école. Nous souh,aiterions donc que les instituteurs fussent familiers avec la doctrine morale ·et pédagogique qui inspire ces fortes pages et leur communique un souffle large et pénétrant; et c'est à ce titre, nous le répétons, qu'elles méritent de n'être point oubliées et qu'elles nous paraissent avoir pleinement droit de cité dans un ouvrage de morale professionnelle destiné aux futurs instituteurs.
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Nu,l ne conteste que l'enseignement deJ la morale ne doive tenir la première .place à l'école normale. C'est, en eITe.t, cet enseignement qui révèle à n05 futwrs instiLwteurs l'objet final et la haute signification de, 1'1:euvre, en apparence modeste, à laquelle ils vont se dévouer. S'il est vrai qu'un homm e engagé dans queilq~ activité industrielle ou commeTc.iale n 'y peut Téussir ~u'à condition d:e connaitre plus ou moins le rniliew ocon.omiq,we dans lequnl il agit ·et les relations ou dépendances qu'il y supporte, à plus forlie raison rnn éducateirur dUJ pewple a beSO'in, pour aocomplir ave.c succès une tâche qui réclame toutes !es,énergi,e,s de son esprit et de son oœur, de conoevorir clairnment le vaste ensemble intellectuel et rpoml dans lequel son action est com1prise et l 'idéal supérieur vers lequel il d evra, non seule.ment ma.rober lui-même, mais entrainer leis autres. De là :r.ésulte pour lui J 'obligation de s'initier aux ,p roblèmes les plœ élevés de "la philosophie morale_ A l1 'école iprrimaire, l 'enseiignement de la morale est essentiellement pratique, ,concret, nourri de faits et d'exemiples ;· à l 'école norma, e, tout e,n gardant contaot avec les faits, · J il revêt un autre caractère; sarn, cesser de faire a,ppel à la sens ibilité et à ] 'imagination, il devient plus thooriquie1 et '{lllus rationnel ; ~l rend intel1ligibJe à l'élève qu.i sera bientôt un maîlrè cetl,e vie .morale qu 'il s 'efforcm·.a d',é,ve1iller ou: de fort.ifieT en autrui.
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�Mais, par cela même que cet enseignement de la morale est philosophique, qu ïl traite des premiers principes et des dernières fins de la mor-ale, qïU'i( préoond définir .avec précision l,e bien, le bonheur et leurs raTIJ)Orts, il soulève des d~fficullés considérables ,et dont an ne peut passer sous silence le plus grave : un tel enseign<é'ment, forcément dirigé et soutenu piar un programme au caractère dogmati(lue, ne r,e,staw·e-t-il pas une philosophie d 'Etat? La conséqUJence est peut-être inévilahle ; mais, si on l'entend comme il convient, il n 'est pas sûr qu'il faille s 'eJl effrayer. Partout où existe un enseignement pulblic, œt enseignement e rattache à quelques principes formulés nettement oru impliciteme.:nt contenus dans ron prog,ramme. Ce qui est certain, c'est qiue nous avons aujourd 'hui en France, avec Le consentement de tous, une doctrine d'Etat. Depuis sa fonda,tion, en effet, l'Etat :répuiblircain enseigne - ,e t paT là il fait iœuvre inconoostahlemein't dogmatique ~ un principe longtemps méoonnlll e,t très riche en conséquenoes diverses : le principe de l'égale hberlié de, tous les citoye.n.s. Et l'on peut dire. que oo dogmatisme de fait constitue aujoUJrd'hui un droit universellement acoe.p!Jé, ca,r les adversaiœs même du régime répur blicain ne saUJraient Iégitime1 la 1 ésistance qu'.ils lui opp posent qu'en adoptant, • ratiquement et théoriquement, sous un point de vue pirovisoge peut-être, mai,s aussi du,. rable qiu,e le régime, les lib6rtés qUJ'il définit coil1JI.TOOI reispectables et sacrées. C'est sans la moindrn violence contre la minorité que la Déclaration des droits de l'homme prend plaoe dans nos programmes scolaires, puisque la minorité ne pourrait rejetér la Déclaration des droits ·sans s'ôter à e,lle-même toute raison d'être et, pour ainsi dire, sans se suicider. D 'ailleur , n 'est-il pas nécessaire que dans ume société. où l'Etat laisse subsister d'autres écoJ.es que les siennes et où il est sans œsse discuté et parfois méconnu, il définisse par ses organes d'enseignement les principes de sa propre -existence et jUJStifie 1'idéal qui l'a suscité? Par cela même qu'il est le produ,it de la volonté ,expressément al!fiirmtée dJ'une majorité, l'Etat a le droit de se présenter à chaque génération nouvelle comme un acte de rai·son co!lootive, -d'ailleurs révisable et perœctible, et de dire auoc enfants 1?t · aux jeunes ge.n s : « Voici ce que je suis et ce que je '°ignifie par la volonté mtme de vos pères ou de vos anoêtres. Je S\.1JÎS une démocratie, parce qu'ils ont conçu lia justice comme le d1·oit égal pour tous, et je suis une, république,
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parce quïl ont vu dans la forme r épublicaine l'instru-ment nécessai,re à la démocratie . La pensée d 'où j,e suis sorti n 'est pas sans doute infaillible; mais, parce qu'ell e est oelle de vos pères, vous lui de.vez un examen attentif e t respectueurx. dans sa libeq-té. » Certes l'Etat ne doit point imposer les principes qu'il approuve et qui sont oeux dont il vit; il n 'a pas le droit d e châtie~·, en les privant des avantages auxquels peuvent prétendre tous les citoyens soumis aux lois, ceu.."\'. qu ïl n'a pas raliiéls à a .pie·nsée ,et qui , vis:à-vis de Lui, se corn-portent en opposants; mai , s'il ne peut r oclarnel' poru~· Ja doctrine qui le fond e qu'une adhésion volontaire, il importe qu ïl formule cette doc trine très haut et très neltemro:it. Puisqu 'il se fait professeur de m orale, son premjer devoir est de donner l 'exemple de la franchise eit de ne· pa,s di simul er , w us prétexte d e neutrali!Jé, son attâchememt nécessaire à certa ines alffirmaticms dogmatiques qui lui sont, en effet, si précieuses qu'il ne 'P'OUl'rait les abandonneq- sans mourir. L'Etat doit donc, selon une parole, mini téri,elle qui n ·a guèTe r encontré d e contradjcteur, ,en.Sielignel[" dans! ses écoles la démocratie et la r épublique. Mais là ne sauraient se borner ses préférences doctrinales et ses obligations ')J'édagogiques. Notre démocratie r épublicaine est en même· temps, et sans douie par une conséqu1ence nécessaire, une démocratie laïque ; ell e re,pousse de la .part des organi sations reli.gieu ses et ,e!J.e s'inberdit à ell e-m ême toute confusion de l 'ordre temqJor el et de l 'ordre surnaturel : de là l'ori~mtation p11rement rationaliste qui s'impose à l'enseign em ent d 'Etat. L 'idée même d 'urn ensejgnemeint laiiqu e d e la morale su'f)pose qu 'ûn considère la raison comme sulffi sant à fondeT en droit les condition s ess,e,ntielles de·· la coopération entre les h ommes : par suite, oet enseig nement n'établira les règles de la conduite, droite SUT' auioune autre autorité, quie· la raison . , Par cela m ême que la neligion n e r elève pas de la raison. ou du m oins ne relève pas d',e,ll e seuJ.e. cru1'ell-e fait dérivier ses injonctio,ns im!péra.tiv,es d 'une origine suJrnaturelle, ,elle doit r.ester en dehors de l 'en &èig neme,nt de l'Etat. qu• n 'a compét,ence ni poutr la discu1.err. ni peul!' la i contrôler. Elle ne r elève oas de, la conscience individ'U ell e où son d'o maine e~t inviolable. A ce limite~ s'arrêtent les droits de la ~cience elle-même qui' n 'atteint que de,s nhénomèn es co ntingents, sans p1'éitendre· à pénétrnr au dcll1. C'e~t pourqno i la mo rale ~n se,ignée par )''Et11t doit s'acfap-
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Ler aux princÎipes essentiels de la morale des diverses croyances confessionneJ.les et les e nvelopper sans les eXtclure. ~ Le bien est la vie la plus hau.le ou plus précisément ;a vie la plus g-énéreuse, la plUJS inte!Jigente et la plus librè, et la moralité consiste dan,:, la subordination des sens au o:c ur et dUJ o'.l:ur à la raison. On exprime aiUJtrement ia m ême vé:rité en disant que l 'bomme aocamplit sa loi et participe à l'ordre universe.l par le dév.eloppe.ment régl-é do ses fac.uHés proprement humaines, de oelle qui lm confèr ent la dignité de per sonne et font en m êm e temp.; de lui lo serviteuir le plus actif eL le p,!u,s précieux de la société dans laqu'e!lle ü vit. La conception ainsi entendue -du bien a. le mérite raire d 'avo ir été adorpilée en liefrmes à peu près icLentiques par lies grand philosophes, qlllÎ · tous nous ont proposé de r éaliser pleinem ent notre nature d 'êtres sociab,le5 eit 'raisonnables, et, en m êm e temps qu 'elle s'aulo~·i e des p lUJS g rands noms philosophiques, ei!J.e satisfa it le sens commun- qui a toujours conçu le bien sous la form e d '·uITT accroissement et non d 'une diminution de l 'êt re e t d e l'activil<é. On peut dire , au sens large du mo t, qu 'elle est scientifique, puisqu'elle tient compte, pour les ordonner, de tous les ~léments de notre nature ; et , d 'autre part, elle ne saurait être Técusée par les théologiens, pui que le plus illootres d 'entre eux ont d éfini Je bie n comrne I 'ordr,e intellig ible des choses, en ajo uotant se,u,Jernent que c'est grâoe à la vo,J onté die DieUJ que cet OTdre intelligible devierit un ordrie ohligataire. . Au point de vue rationnel eit laïqu e, il est un e autre manière de d éfinir ! 'obligation ou le de,voir : elle consU e, apr è avoir posé comme bonne telle fin suiprêm e, à m ontrer que bels modes die conduite sont nécessafres pow· y atLeindre : nos devoirs ooraient ces n écessités comprises et senties. Mais, de quelque façon qu'on expliqu~ la form e impérative que la moralité r evêJL dans notre conscience, le bie n dem eu re l 'idéie maîtresse qui goUJVerne toU1tes les . autres. C'est parce que la liberté est bonn,ei que no115 devons la r es~oter en a,u,trui et en nous; c 'est parce quie le savoir œt ,u,n bien que nous d evons faire profiteT les autres de nos Iumièœ e L no us ·éclah:e.T des leurs. En d 'aUJtres · te·r m , c'est loujaurs le'bi en qui détermine le devoir, non le devoir qu'Ï d!é'lewmine le b ren. rous venons de dléfinir la philosophie morale que 11 0 11. proposon am:: prélférences de nos maîtres. Nous d és.irons urloUJt qu 'ils entendent celte philosophie. en son sens Je
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plus large et le plus compréheœi.f, car nous la leurr r?commandons uniquement parce qu'elle est acœptoo par presque tous les esprits et que, selon l 'idfal qui convient aux principes d e l'enseigneme,nt populaire, elle r eprésente ce qu ïl y a 'de plus vo,isin d 'une, pensée universe.lle. Peut-être ne pourrait-on citer chez nos moralistes modernes une seule pensée profonde et durnble q;ui ne trouve natu11ellement sa place daIIB la conception antique d e la ve.rtu, tant il est vrai ql\l'il existe une rais()ln éternelle dont les leçons, en ce qu'elles ont d 'essentiel, ne difïè1 ient pas d ·un pays à l'autre ni d ' um sièc.l~ à l'au;tre. Si nos professe urs sont bien péné,tr~ de cett,,e foi en la raison, ils marqueront sans effort leur ense,gnement du caractère ·d e largeur qui lUIÎ. convi.e.nt e t se garder()IIl.t de danner à leurr critiq,rne, m ème des doctrines, qui leur appa,rieurs de la ratson, unr raitront comme des :p,roduâ-ts infé forme systé,matiquement négativiei. Sans doute ils signale·I•ont avec nelleté l'insullfI.Sance des doctrines trop étroites, mais i• s se plairont SUlf'toUJt à metitre en · Irumière Z'idme de l vérité qu 'cl• es contiennent, de socte que leur critique, loin L d,e détruire ou d 'amoindrir la confiance en la raison, tendra plutôt à la fortifierr-. Pou1 prendre un ·eixemple, on r sait qu'il ,e,:t d '11&1ge dans les manuels de flétrir l 'utilitarisme, sous prétexte de Je, juge!', eit qu'on y présente volontiers comme des gen& d 'une honnêteté peu sûre ceux qui adoptent les principes de cette mo rale. Nos professenns éviteront cette injustice ein. insistant sur les r apport.s si nombreux et S'Î profonds de l 'ïntérêt géné~ ral e,t de l 'intérêt priv~ et en essayant d '.é,l argir, pour lui donner toute sa vérité, la notion de l 'intérêt bien entendu. Ils mo ntreront qu'une nation tombe en décadence lorsque, sous l 'empire d'une oonceptiO'Il m esquine de l"utiJité, qui prépare comme Je sruicide de l 'u:tilité même, les citoyens n 'envisagent que leUT intérêt personnel immédiat oUJ tout au plus ce1u.i de leur famille, de J.eiur clocbier, de leuir corporation ou de leur classe e.t imposent au législateur la loi de 1ellir égoïsme, au risque, d'entrainer la rUIÎ.Jne publique qui deiviendrait finalement la leur. Il importe d'établir que, pour êtr,e bienfaisant ,e,t fécond, le sentiment de · l 'utile a toujours besoin d'être rationalisé et comme soule,•é a,u -de.ssus des aveiugfos utilités particuilièirers, qui, se ha'issent et s',ent1 étru'Î5ent, pû• lr· s'éleveir à ]a h auteur ,e-d U et se fi:x,e,r dans l'harmoni'e de l'intérêt commun. Et il importe d'ajouter qu·e l 'utilitarism e, même, élargi, ne s,e sulffilt p• s; q,lll'<en fuit, chez presqu,e touis les hommes de a
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forte aclivité économiquie, il SEl subordonne à d.es aŒecti-ons et -à des ambitions qui ne sont pas égoïstes, et qu ·en droiL il ne revêt un . caraotère 1 1éellement humain Cj'UJe s'il poUJrsUJi,t et prépare, avec une existence plus libre, des joies plus amples du o:eur et de la raison . Le m ême ra tionalisme large e t Lerme devrn pénétrer, croyooo-nous, ] 'enseignement de toutes les parties de la morale .. . Il montrera la raison à l 'œwvre, non seuilement dans les v,ertus de pru'dence, de tempérance et de oou1 rage que les anci:ens ont si jootement vantées, mais jmsq.u.e dans ces habitude,s d 'hygiène €ft d 'ordre que 1-e pirogrès ae la scienoe m édicale e t la COID!pJication croissante de la vie civilisée imposent de. plus en ,p lus aux modell'Iles. Il justifiera les sentiments bi enveillants, insistera S'llr l 'as&i,stan,.;e posi.Live ou !,es égards délica ts dont ils sont les principes, fera comprendre que sans généro ité i'l n'est aucun bonheur de prix, établira que la marche en avant d'WI1e démooratie1 exige le progrès des ·s entime,nts sympathiques comm e la condition même du progrès de la justice; mais en même oornps il mettra en garde contre les impUJlsi.ons irréfléchi,es du sentiment e t définira comme la bi.enfaisance suprême œ lle qui ·est éclairée :piar le savoir et co111 tarnment souic.i euse de ses conséqu.einoes. · La démocrati,e obéit moins, d 'ordinaiœ, à la raison qu 'à l 'instinct ou au sentiment; ses éd ucateurs la me ttront en garde contre s,es propres entraînernients, lui siginaieront les risques d'intolérance que la passion lui fait courir sans cesse, lui expliqueront la néoessité de se critiquer elle- · mêm e ou de s'entendre critiquer, lui révéforont la solida riLé q,llJÎ lie le progrès même d 'l]Ilei doctrine vraie à la liberté des doctfines contraires. E1le aime ce qui est simple et tend à se dé.faire des mécanismes sociaux: oomp1exes que la civilisation a lentement élaborés comme les garanties d élicale,s .et sûr es de la Hberté et dei la ju:sti'œ; ils hm -enseignera-nt la haute uti,l ité de ces savants appareils, l'obli- , gation die limiter toute puissance, même œl.1e1 d111 suffrage popuilaire, et l'importan ce tl'OTp souvent ignorée de l'anden principe de la division des pomo'irs. De même l 'E'tat considèrei comme un die ses premiers devoi,r s d 'éduquer, de fortifieir et d 'élever par l ',écolie le sentiment patriotique des futurs- c itoyens. Nos iru;titulte.urs n'y sauraient aipportm- trop de soins et trop de sarupules. Il est superflu de leur recommander de proscrire oo loor enseign e.vient le dénigrement systématiqoo ot la haine de l 'étrang,er, qiu~ portelllt <!Il eux le germe des guerre fu -
�tures. L'amour c1e la patrie peut se ,p asser de œs excita. lions 1na:!Jsaines. Il trQluv.e dans l'ob!iet · même de son cultedeis raisons s ulffisantes poU!l' toucher et persuad,er se,s fi dèles. D'autre part, si les peupLes, par la facilité et la multiplicibé des mo,y,ens de ·ooman.umications, par la compleocité croissante de le:l1T6 intélrêts et la solidariité économique qui en déc.ou.le, tendent tous les jours à se rapprocher et à se pén éitrer dava ntag,e, si la civilisation tend à p1 1endre so-n niveau et à effacer la diffélrence enlre les hommes cLe même culture, on ne manq'llera pas de [remD r41uer] le courant parallèlie qŒi ·e dessine dans les relations de peurple à pewple. Les nationaliités, tell,ejs. que la géogra phie les a limitées, amalgamées e L fondues piar une hi · toi11e oom.mune, devenue · des personnes ffi{)lrales, dis/(,jnctes par le :palrimoi.ne de sentiments et d 'idlées CJ)ll''elles ont élaboré, prennent par oos contacts plus fréquents une conscienoe plus nette et p~uts. jalouse de leiu1r personnalité. Pa1r un instinct natmiel de conseirvation, elles semibfont S(' replier pou.r ne pas s·aliéner d 'elJes-même.s, tout en se répandant davantage au dehor ... Ce n 'est pas ici le sentime nt de la patrie qui s'oppose à c.eluri. <l'e l'hurna,niLé. Ces deuoc sentim€1f1ts sont faits , cmir s'accorder, non pour s'exp cllllfe. L ' u:n mène à l'aurtr<Ei·; mai6 le p,ren1ier irrupose des. devoirs plU's tricts et plus rigowreux, comme se rapjp,Ortant à une huma nité p1u\5 prochaine et ,p lus fra.ternelle. Chaque J1ation a son idéal manifesté par son histoire. Le nôtre s ·,est inspiré des idées de liberté, de droit et de· justice, q:u 'elle a propagées par le monde. Pom lUii conserver son action, pour J.uri :p.ermeüre de réaJisoc J.e noble idéal qu'elle représemte, nous devons nous garder d 'affaiblir dans les ,âmes le c ul:te de la patPie, qui en est le soutien néoe.ssaire. Mais ce q;u.'i• importe smtoUJt de ne pas pe'l·doo de vue, l c'est qu'une doctrine q,ui se pnésente comme un enseignement de la rnison ·,exige de oeux qui la transmettent ,cximm e de oewx: qui la reçoivent la plus libr,e activité d 'esprit. Elle n ',exis te! que paT J.'adh:ésion S!Pontanée des in.te.llig,erices et s'anéantit dès qu'elle se fixe en formuileis acceptées sans ex.am~m . Les grandis penseul"S ollit eocpirimé en termes parfois assez différents 1 mêm es vérités éternelftes, e:t, sans -es d{)IUte, il ne les ont pleinement goûtées que sous la form e or.i,ginale dont il les ont veYêtuies. La condi'tion qiuii s'im.pos-e awx: grands hommes s'impose égaleïrrmint, qruoiique à un degré moindre, aux hommes ordinaires : oeux-ci ne pe.uNen.t, oom~ ceuoc-làl, adopte-r une oertaine COtI1œtption
�du mondie et d e la , ie sans y m èler queilque chose die personnel. Il suit de là que nous n e dema ndons nu:llemient à nos maîtres un ,enseignem ent uniforme ; nous ne d ésirons pas q:u'ils r épètent dans les mêmes temœs le même catéchisme, celui du déII).ocrate Talionaliste ; nous souhaitons au contraire que, lout en restant fidèles aux deuoc gra1tds p1'Ïncipes cLe la sup1émati,e cLe la raison, daM l'ordre intellectuel, et d~ l'égale liberté d€6 citoyens, dans l'ordre sooi!al , ils déplo ient dans l'interprétation du détail des conséq: en ces ! 'effort mental le plus personnel ,e;t le plus u origina,l. De combi en de façons différentes et également exoel:l,entes n e p euit-on enseign er et faire aimer oes g rande vertus : sincér1té, justiœ, patriotisme,, frat,ernité? Des écrits et des di co1 san s nombre ont plaidé la cause de ua·s la liberté de conscience ; et cependant il n 'e,s,t pas un pirofessem1 d ·esprit actif et d ·,âm e généreuse, auquiel ses souvenirs et ses r éflexions propres ne fournissent li moy,e,n de e rendre comm,e vivante et newv,e la ·p~us banale en aipparence des véirilé6 <le la rai'Son. Ainsi p1ratiqrrnell'mmt n umité doctrinale que m aintient, en la rédu~sant au mi,n imum, un libéralisme pédagogique rationnel, r oopecte cb,e,z if's maîtres, dans la mesure souhaitable , la diversité d<e6 c ·sprits et la variété des pœnts de v,u e. Jetons l" a,ncl'e et laissons flott er, disa~t BeI\50t aux mora~i tes; e,t c'est ce m ot, précisé dans sa signification par les reirrmrques qui précè< font, que nous répéterons, en terminant,, aux éducateurs d 'aujourd 'hui.
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��TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE
Jer. II. III. IV.
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V. VI.
VII. VIII.
IX. X. XI. XII. XIII. XIV. -
La culture professionnelle . . . . . . . . . . . La conscience professionnelle......... La neutralité scolaire . . . . . . . • . . . . . . . Autre devoir de l'État éducateur : ne rien enseigner de contraire à ses propres principes . . . . . . . . . . . . . . . . . Les livres de classe ....... : . . • . . . . . . Devoirs envers les élèves . . . . . . . . . . . • Obligations envers les .autres maîtres.. Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques .... i. ............ Rapports avec les familles........... Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'école . • . . . . . . . La vie privée de l'instituteur. ·....... L'instituteur et la vie publique . . . . . . L'instituteur secrétaire de mairie . • . . . Les droits des instituteurs. Leur statut.
7 20 33
50 62 76 101
120 142 166 19-5 217 240 253 277
APPENDICE • • • • • • • • • • • • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • . • • • • • . • • • • •
Imprimerie spéciale de l'Éco /e Unive,·se/.le
������
������COURS DE
MORALE
R édigé avec la collabomtion des P1·ofesseut·s de
Éeole Univerrselle
parr Corrrrespondanee de Patris
Placée sous le haut patronage de rttat
ARCHIVES
TR.AITÉ
DE
Morale Professionnelle
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( TOUS DROI TS R ÉSERVÉS)
IUFM ~ CEl\:tTRE DE LILLE
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58, rue de Londres - B. P. 87 59006 LILLE Cedex
Tél. 03 20 10 54 00
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59, Boulev a rd Exel man s
PARIS ( xv1•)
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AVANT-PROPOS
Cel ouvrage est le développement du programme de Morale professionnelle inscrzl au plan d' éludes de la _roi:sième année l des écoles normales. Il est donc écrit pour les jeunes gens el les jeunes filles qui préparent la série terminale de l'examen du brevel supérieur. Dans la pensée de ses éditeurs, il élail tout parliculièremenl destiné aux candidats qui, ne pouvant entendre les leçons des écoles normales, des écoles primaires supérieures el des autres établissements où est instituée la préparation régulière à cel examen, en sont réduits à travailler presque seuls; ceux-là ont besoin d'ouvrages qui soient tout à la fois un peu moins secs ou un peu moins arides que les manuels proprement dits, el qui, néanmoins, suivent pour ainsi dire pas à pas le programme offi.ciel, sans en déborder les cadres. C' esl ce que nous avons essayé de faire. Chacun des chapitres du livre correspond à l'une des divisions mêmes du programme de 1920. Le développement en est quelque/ois étendu, parce que la matière le comportait, el peul, par conséquent, constituer la substance de deux leçons. Mais il nous a paru un peu oiseux ou un peu enfantin de marquer nous-même, en pareil cas, la séparation entre les deux moitiés possibles de le[ ou le[ chapitre. Chaque candida[ la fera donc à son gré, d'.après le Lemps qui lui sera départi, d'après les moyens de travail dont il pourra disposer. L'imporlanl esl qu'il la fasse el qu'il ne se hasarde pas à galoper rapidement el tout d'une traite à travers les nombreuses pages d' w1; long chapitre; qu'il sache se limiter, au contraire, qu'il s'arrête de lui-même vers le milieu d'une leçon touffue el qu'il en reprenne avec allenlion la lecture el l'étude, quelquefois même la méditation. V n ouvrage de celle sorle ne peul guè1e se garder, quoi qu'on fasse, de ressembler à un « manuel ii de pédagogie; el nous savons tout ce que ces manuels peuvent avoir de vain el de vide, de faussement substantiel el de platement optimiste.
�-6Nous n'ignorons pas les justes, mais sévères paroles que la circulaire ministérielle de 1880 avait pour certaines conférences pédagogiques d'autrefois, - qui les méritaient bien : « Trop souvent, les questions d'éducation ont servi de thème d de vaines déclamations. Des plans chimériques, des théories ambitieuses et vides ont parfois compromis plus qu' avancé le progrès ... » Nous avons donc lâché simplement d'être vrai. Nous nous sommes efforcé de serrer de près la réalité, la réalité vraie, si nous osions dire; el tout le long de nos conseils ou de nos recommandations, comme de nos exemples ou de nos critiques, nous avons eu en vue des faits précis, authentiques, souvent actuels. Nous avons en un mol lâché de ne pas parler d vide el de ne pas enliser les esprits dans la fadeur ou dans la solennelle banalité des formules pédagogiques, qui ne communiquent ni vie ni force el qui habituent d se ,repaîlre de mols. Ce fut ld noire ambition. Mais n'a-t-elle pas été bien haute?
�CHAPITRE PREMIER
La eu lture professionnelle
La culture professionnelle. L'éducation de l'instituteur doit se prolonger toute sa vie. - Rôle de.; conférences pédagogiques. - Nécessité de lutter contre les retours de la routine et d'améliorer sans cesse la méthode et le contenu de l'enseignement.
1. 2. 3. 4. 5. 6. -
7. 8. -
L'école vaut ce que vaut le maître. Savoir beaucoup pour enseigner peu. Travailler sans cesse à s'instruire. Moyens de travail qui s'offrent· à tous. Nécessité d'une culture professionnelle. Comment travailler à son perfectionnement professionnel. Les conféren ces pédagogiques. Psychologie et pédagogie modernes.
1. L'Ecole vaut ce que vaut le maitre. En commençant, non p.our des théoriciens de l'éducation, mais pour des praticiens de chaque jour, ces simples entretiens sur les devoirs et sur les responsahilités de la fonction d 'instituteur, il n'est pas hors de propos sans doute de s'arrêter un instant à une question µréjudicielle, dont ou peut espérer peut-être que tout le reste s'éclairerait. Nous souhaiterions donc cru 'on accordât attention dès l'abord à un sujet d'ordre très modeste, et pourta,n t grave, et redoutable- bien propre à de secrètes et courageuses résolutions : , c'est à savoir tout le bien que peut faire autour dedui, pendant de longues années, un excellent instituteur. Guizot écrivait jadis, dans l'exposé des moti,fs qu'il plaçait en tête de sa fameuse loi de 1833,. qu'« un mauvais maître d'école, comme un mauvais curé, comme un mauvais
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-8maire, est un fléau pour une commune». C'est d'une vériLe si manifeste que nul n'aurait w. pensée même de vouloir Jp contester. Mais tout auss·i, bien peut-on, avec une vél'i<é non moins as urée, retourner cette formule et dire qu ·en revanche un bon im,tituteur est un bienfait pour une commµne. Bienfait d'abord, la chose va de soi, -pour ses élèves, pour toutes les générations d 'élèves qiu'il appelle à la vie de l'esprit, dont il cultive et façonne pour une part la pensée· el l 'âme, qu'il munit d·un savoir élémentaire certes, mais pratique et solide, auquel ils ne cesseront d'a,•oir recours et qui leur seTa sans fin utile. Bienfait ,pour la commune tout entière, où on exemple ne manque guère de faiTe loi, où il peut être pour tous en mille circonstances un conseiller vigilant et désintéressé, où son action, lorsqu'un séjour prolongé .au milieu d'une même population rurale la fait durable, peut élev,er le niveau général de l'in truction et même des mceurs. Dans nos mémoires à plus d 'un, vit le souveni;r, ou récent ou lointain, de l'homme qui fut notre instituteur, et dont les soins attentifs ont décidé peut-être de not-re voie et de notre destinée ; nous savons tout ce que d 'aucuns lui doivent qui, enseignés par un autre que Jui, avec une moindre sollicitude, un moindre scrupule p'I'ofessionnel, fussent demeurés des ignorants tout juste dégrossis. Heureux 1"instituteur de qui les familles sont unanimes à dire : cc C'est un bon maître, il fait bien travailler les enfant ! » Car elles sont les juges les mieux informés : elles le voient chaque jou;r à l 'œuvre, elles saisissent sur le viif et sans déguisement possibl,e la loyauté de son travail et le résultat de son effort. La valeur d'une école ne dépend que bien peu des programmes et de l'organisation des études ; elle ti,ent aux bons ouvriers qui mettent en œuvre ces programmes ; elle est faite tout entière de la val,eur de ses maitres. Elle vaut ce qu'ils valent, elle est ce qu'ils sont. Et la valeur d'une nation, la dTOiture ou la fermeté de l'esprit public, ne laissent pas de tenir pou11 une part - une part qu'on a trop .facilement exagérée parfois, mais qui n'est pas oontestable - à la valeur même des écoles où viennent s'instruire et se former par mîJli.ers et milliers les enfants du peuple. Toutes ces choses, il faut y songl}r avec conviction, dans le recueillement de sa pensée et de sa conscience ; il faut se les 11épéter à soi-même, sans orgueil ni présoin}:>ltion, sans enflure· ni pédantisme, en toute simplicité et avec foi. Il ne s'agit pas de s'exalter à vide, de se croire investi d'un sacerdoce, d'une mission, d'un apostolat : on a trop abusé
�-9d e œ s mol à effe t, leur règne est fini. Il s'agit sim plement de faire en h onnête honune et en h omme courageux Lout son office d 'instituteur ; il s'agit de co~nprendre, dans LO'Ute l ·adhésion ré.fléchie de son 1 âme, ce qu 'il y a de grave à la fois et de fi er dans cette fonction et ce devoir : inst ~ ire les enfants, forme r les ,e,s,prits. Ho·r ace Mann disait de l 'école qu 'eJle est la p lus grande découverte que l 'hum anité ait jam ais fa ite. La plus grande, on en pourrait discuter ; très grande, à coup sfir. Encore fa ut-il des h ommes qui sach ent la faire fr uctifier , qui p uissen t lui fa ire produire tout ce qu·on est en droit de lu i dem ander et d '.m attendre. 2. Savoir beaucoup pour enseigner peu. - Au prem ier rang, a u tout pr emier rang de d evo irs pro fessionnel de lïnstitutcu r, n ou p lacerion s san h ésit er celui-ci : s' in struire, et s ïnstruire encore, el s'ins tru ire touj ours. C'"H pour lui la plu impérieuse n écessit é, c'est l'u ne des plus exigeantes parmi toutes les obligation s de sa ch arge . On dira, n ous le savon s, qu 'il en sait toujours assez pour en seigner le b a, ba, et les rudiments de toutes choses, qu'il. n 'a nul b esoin d 'êt~e un savant pou r apprendre a ux en fa nts la pr atique d e q uatre opé,rations de l'arith mé,tiq ue ou les grandes dates d e l 'histoire de F ran ce. Mais il ne s'agit ,en aucune manière d'être un savant, - l 'espèce en est rare - . cn coT que, p0<ur en seign er avec une forte et e pén étrante simplicité b eaucoup de choses élém entaires, il faille un vaste savoir et une rich e culture. Rien n 'est difficile comm e de se faire simple en restant substant iel ; on ri sque à tàute min ute de n 'être ni l 'un ni l'autre, d 'échou er soit dans la puérilité in sipide, soit da n s l,e ,•erbiac;e pseudo-savant. Les insp ecteurs, c royon s-nous, en porteraie nt unanimem ent bém oignage : la plupart des faib lesses qu 'ils ont l 'occasion de constater dan s le!, écoles primaires tiennent, san qu'on pui sse un seul instant s'y m éprendre, à un e insuffisan ce da n s l 'approvisionnem ent intellectuel des maîtres. Soutenu par un e ·i nstr uction gén érale plus ample et plus pro.fonde, leur en seignem ent mordrait davantage sur les esprits, 6largirait plus h eureu sem ent les horizons, aurait une autre ver tu formatrice. Sach on s voir les ch oses telles qu 'eBes son t et dén onçon s comme un très grand m al, et très da ngereux pour nos écoles primaires, l 'in erti.e d 'esprit à laquelle d es maitres parfois s'aba ndonn ent. Comment éveill er les intelligen ces à la vie quand soim ême cin a condamné la sienne à la somnolen ce, presque
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à la mort ? <e Pour bien enseigner aux enfants ce qu'il n ·est pas permis d'ignor er, disent les Instructions officielles de I 923, il faut sa.voir Choisir et doser, suivant leur âge, les connaissances qu ïls auront à assim.i.ler. L'enseignement do it être gradué... L 'école pririUtire ne donne qu 'un nombre limité de connaissanoes. Mais ces connaissanpes sont choisies de telle sorte que non seulement elles assurent à l ·enfant tout le savoir pratique dont il a.ura besoin dans la vie, mais enooTe e lles agissent sur ses facultés, forment son esprit, le cultivent, l'étendent et constituent VTaiment une éducation ». On ne saurait mieux parler; enseigner, c 'est choi ir. Or choisir, cela suppose qu'on est pourvu de richesses intellectuelles, disons de connaissances abondant-es et nettes, parmi lesquelles on sait distinguer et retenir celles-là seules qui conviennent à l 'enfant. Mais quand manquent ces rich esses, quant on ne sait guère plus que ce, qu 'on doit -en eig ner , comment choisir, et que choisir ? L'essentiel et l'accessoire, l 'impO'r tant et 1 futile S€ ~ confondent alors dans la même indigence sp1• rituelle ; on ne pe ut distribuer qu ·un savoir étriqué e t sans vigueur, · à 1'image de celui que 1·on possède. Il suHlt, pour être fixé à ce suj et, d 'entendre les m êm es leçons "faites à des g-roupes d'élève,s semblables par des maîtres :iu savoir pauvre e t couTt, puis par des maîtres ·au savoir copieux et sûr : où les uns ne dispensent qu 'une maigre nourriture, ne trouven t à dir,e ri e,n de curieux, de viva nt et de fort, les autres m ettent sans peine l'intérêt, la ric hesse et la vie.
3. Travailler sans cesse à s'instntire. __, Et c'est pourquoi nous ne cesserons de le répéter : le premier devoir du m aître, parce que, m aître, est d 'accroître sans r eliâche son savoir et de cultiver son esprit. Il lui fa ut être un ferven t , disons plus, un passio nné de la vie, intellectuelle, un fanatique de sa propre culture. Qu 'il lise, qu 'il lise des livres de toute na ture, y com pris, s'il ve ut, le roman en vog ue ou l'a uteur à la mode : car se bornât-il à oeux-là que ce ser ait d éjà beauooup ,plus que rien. Mais qu 'il s'adonne surtout à la lecture, h élas ! trop négligée, de nos grands écrivains, ,poètes non moin qiue prosateurs, moralistes e,t philosoph es non moins que conteurs ou historiens. Nous voudriohs qu ' il pratiquât jusqu 'à les connaît'fle sur le bout dù doigt et La Fontaine, et Mo lière, et plus d 'un autre, où il trou"er ait tan t à puiser pour ses élèves. Qu 'il étudi!l, oui , qu 'il éLudie, sans répit, obstin ément · ; qu 'il repl'enne
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ses livres de naguère, ses manuels d'école normale, el d ·autres ouvrages encore ; qu'il en recommence avec application l'étude labOTieuse et lente, d'autant plus profonde et plus joyeuse qu ·elle sera moins hâtive. Qu 'il demande de temps à autre à quelques grands ouvrages documentaires de ! 'initier à des travaux ou à une science dont nos petits ouvrages p·o ur les enfants ou même nos manuels de seconde main ne lui apportent qu'une imag,e décolorée. défigu~·ée,; un vo1um,e, die la gll'andle Histoire de Lavis;;e lui révélera ce qu'est l'histoire et du même coup lui fournira des matériaux à prolfusion pour enrichir et vivifier toute une série de ses leçons. Qu'il entretienne commerce avec l'atlas, un livr-e trop peu ouvert, et plus encore avec le dictionnaire, ce livre des livres, le plus indispensable et le plus profitable de tous. Qu'il e lienne au courant de toutes choses, qu'il soit un esprit vivant, curieux, · fure- · teur ; qu'on puisse dire de lui en quelque manière ce qne Ral;ielais disait de son élè,•e : « Somme, que je voye un abysme de science ». Qu ·au besoin il devienne le fidèle mais non 1·esrlave ~ d 'une manie, d'une de ces « bonnes manies » dont Bersot célébrait l'excellence et qu'il regardait comme le don d''une fée bienveillante. « Trois fois heureux, écrivait-il, ceux qui e passionnent pour rnssembler toutes J,es variéliés d'une famille végétale et vivent dans une succession de soins qui ,! >nt paraître les années trop courte : pratiquer les ,échanges, classer les sujets, les mettre en terre, les arroser, les voir pousser puis fleurir, ies préserver du soleil, du vent et de la pluie, s'extasier sans· fin dUJ wu1P d'1'.l}i1 et s'émerveillloc ~ suq>ll'i.ses r1). » Bienfaisantes manies pour un instituteur que celle de la flore locale, ou de ] 'histoire locale, ou de la géographie locale, et plus d'une autre encore que nous avons·vu pratiquer : eUes permettent à la pensée et à la curiosité, d 'agréables découvertes, et urtoUJt elles préservent l'esprit de ] 'engourdissement et de la torpeur. C'est par là et par là seulement, c'est par cette constante application du maître à sa culture intelJ.ectuelle que l'humble enseignement de ] '·école pTimaire peut aciquérir force et substance, se faire ,p énétrant et nourri. Mais sans ce renouvellement ininteIT01TlJWJ et ce perséivérant exercice de l'esprit, le savoir le plus assuré s'clfrite et s'use en quelques années ; et cette usure, insensible et d'autant plus perfide, inaperçue mais impitoyable, n'a q1<1e trop
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BERSOT,
Un moraliste, Etudes et Pe1tsées, p. 26 (Hachette.)
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vite fait de condamner à la t érilité les plus b elles intelligences. Que les m aîtres, encore une fois, y prennent garde. Le mal contre lequel nous essayons ici de les m ettre en défiance est le plus redoul able pour e ux-mêmes et pour leur enseignement ; ét il les g uette dès leur entrée même dans la carrière.
4. Moyens de travail qui s'offrent à tous. - Et qu 'on ne se récrie pas qu 'un programme aussi ambiti,eux dépasse les forces et les po,ssibilités, qu 'on n 'y pourra jamais suffire, qu 'il serait vain de le tenter. Nous n e prétendons pas établir à titre impératif le plan d 'un cycle d 'études qui sera it parcouru en une seule a nnée, ni en quelques années. Nous traçons le dessin gén éral d 'Ulll prog ramme, d 'J.rne activité plutôt, qui se r,éopaTtit sur toute une vie d 'enseign em ent ; une vie, ne l 'oublions pas, qui par définition m êm e est vouée a u travail intellectuel. On ne comprendra it pas, en conscience, que le travail intellectuel sous sa form e la plus efücace en fût excl u, que la J.ecture et · l 'étude y fussent réduites à la portion de misère au lieu de fournir le tonique quotidi en et d 'être les gardi,enncs sévères de la valeulf de 1·enseignem ent . Aussi bien nous n 'ignoron pas le autTes objections qu'on peut nou opposer : le temps m anque, comme m anquent le bibliothèques, comme m anquent les moyens de trava il. Obj ection s sérieuses, qu ' il ne faut pas écarter san s di cussion , m ai qui n e sont pas, tant s'en faut, sa ns r éplique. Le tem ps ? Assurém ent il est m e uré ; assurém ent la bâch e journalière est souvent lourde et fatigante, elle absorbe les h em:,es comme elle absorbe les forces. Mais est-il entièr em ent vrai pourtant qu 'elle ne r éserve nul loisir jamais, et qu ' une b onne volonté sincère n e puisse tou rner ce loi ir à la culture personnelle ? Soupçonn e- t-on le profit qu 'au bout d 'une a nnée et qu 'au bout des :m n ées donnerait une sim ple demi -h eure employée avec obstination ch aque jour à la lecture sérieuse et à l 'étude ? Les livres? les instrum ent d e travail ? Mais qui n'a pas, qui n e peut pas avoir sa m odeste bibliothèque et consacrer quelques m enues r.essources à l 'entretenir ? Les livres coûtent ch er , ce n 'est qu e trop vrai ; ,et n éanmoin s nos classiqués, y compris ceux du derni er siècl e, se publie nt m aintena nt en éditions à bon m arch é, accessibles à tous lès budgets. La b iblioth èqu e pédagogique du r-anton ?U de l 'arrond'issernent offre gra tni tem ent en prèt ses volum es ;
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en est-on l'emprunteur régulier, assidu (r) ? La ville qu'on habite ou dont on est le voisin n'a-t-elle point une bibliothèque municipale, aux collections très riches peut-être ~ Telle revue scientifique dont la valeur est grande et qw n'exige pas du lecteur une spécialisation très poussée ne pourrait-elle être acquise par un abonnement en corntmun à deux ou trois, si l'on en juge le prix trop élevé pour un seul ? Les journaux scolaires eux-mêmes fournissent à qui les lit au complet pour s'instruire, au lieu-de n'y chercher que des dictées ou des rédactions pour son auditoire d 'enfants, plus d'un article de bonne vulgarisation ou plus d'une chronique instructive. Tout bien pesé, à qui veut rien n'est impossible ; mais il faut vouloir. Et là sans doute est la vérité. 5. Nécessité " 'une culture profess:.onnelle. - Ainsi donc d nous tenons pour ess&itiel!e chez I1'instituteur une c~tur~ génémale sans cesse enrichie; elle est l'assise fondamentale qui porte le 1,este, il n'est pas sans elle d'enseignement vigoureux et forme. Mais toutefois nous ménageons sa part aussi à ] '.éducation plus spécialement ,pr-0fessicmnelle, qui est le complément obligé de la premièr,e. Non pas que n-0us ayons la superstition de la pédagogie, que nous 111. croyions capable à elle seule de communiquer la vie et la sève à nos écoles. Elle ne peut tenir lieu de savoir, elle n'a de raison d'être que si elle se met chez le maitre au service de cette instruction générale étendue qui fait sa principal1 va•leur (2). Il est ban, il. e,st nécessailre de raie l sonner et de discuter sur la ~anière ~d'enseigner les é%ments de l'histoire ou de la langue française. Mais d'abord convient-il de bien connaitre cette histOli:re et d'être très versé dans cette langue :tlrançaise ; sinon la pédagogie qu'on en voudrait établir ne serait que ratiocination et verbalisme. Sav ir beaucoup et bien comprendre ce qu'on sait : telle est, elon le bon sens, la première règle pédagogique pour quiconque a mission d'enseigner. Cette réserve faite, au smplus, il n'est pas contestable que l'art d'enseigner a ses canons ainsi que les autres arts, que ces règles peuvent s'a,piprendre et que la pratique en peut
(1) Se reporter à la circulaire ministérielle du 14 mars 19041 relative aux bibliothèques pédagogiques, que l'on trouvera en appendice à la fin du présent chapitre. (2) Cf. F. PÉCâUT, L'éd~cation publique et la vie nationale, p. 53. (De l'usage et de l'abus de la pédagogie.)
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être améliorée par l ïntelligence et la réflexion. Tout bon ouvrier travaille à se perfectionner, le bon instituteur comme les autres, plus que les autres même ; car, opérant sur la matière vivante et pensante, il y trouve l'occasion d'investigations toujours nouvelles et de d·écouvertes toujours opportunes, au lieu que la matière inerte, plus simple et plus docile, est bien davantage connue et conquise.
. 6. Comment !travailler à son perfel;tionnem~nt pro.fes~
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slonnel ? - Comment se perfectionner dans son métier d'instituteur, comment amélio,re,r ses méthodes d'enseignement? -Ce sera tout d 'abord par l 'examen critique de soi-même, ede ce que l'on fait, des résultats qu'on obtient. Si nos l_ çons ne portent pas, si elles sont peu écoutées ou peu fructueuses, si les progrès sont lents, si les esprits restent lourds, si les, orthographes sont mauvaises et les écritures informes, ayons le courage de n 'en accuser ni les programmes trop chargés, ni les élèves trop frustes, ni les cerveaux trop r~belles, ni les attentions trop fugaces : le coupable, c'est nous-même. Nous ignorons l'art d'exciter l'intérêt, de soutenir les attentions, d'entr!).îner notre petit monde. Cherchons alors par où nous avons péché et comment ne point retomber dans les mêmes fautes. Cette leçon semhle n'avoir pas été comprise ? elle n'a laissé dans lt's intelligences et dans les mémoires que des données i·ncertaines ? Dono elle n'était pas au. point, elle · n'a pas mordu ; cherchons ce qui lui manquait, appliquons-nous à déceler l'erreur de méthode que nous avons commise. Cette autre fut écoutée distraitement, dans l'agitation peutêtre ou l'indifférence atone? Cherchons pourquoi l'entrain et l'intérêt en furent absents. Et même, là: où nous avons réussi, demandons-nous si nous ne pouvions faire mieux encore, si tel détail n'aurait pu être retranché parce que superflu ou fastidieux, tel autre introduit au contraire parce que révélateur ou propre à faire de la lumière ; demandons-nous si telle façon de procéder ou telle explication délaissée n'eussent pas été heureuses, si tel ,exercice écrit n'eût pas été préf.érahle à tel autre. Rien de fécond comme cet examen de conscience pédagogique ·quand on le fait avec sincérité, avec compétence aussi, et autrement que pour se décerner un facile satis.fedt. Quel progrès attendre de qui ne sait pas être à soi-même un censeur sévère et 'découvrir les imperfectîo,ns de son œuvre ? L'exemple des autres est en l'occurrence aussi une leçon
�15 salutaire. Entre collègues on s'entretient volontiers trop volontiers et trop exclusivement parfois - des choses mêmes de la profession. Ou bien, des circonstances se présentent où l'on voit en action lac.lasse d 'un voisin. Imitons Molière, qui prenait son bien où il le trouvait, et retenons pour notre profit les suggestions fécondes ou les initiatives intMessantes que nous pouvons happer au passage. Quelquefois aussi la chron°ïque - édagogique d 'un journal p scolaire, une Note du Bulletin départemental, une étude de la Revu,e pédagogiqwe nous feront entrevoir, nous ouvriront même quelque. route nouvelle ; engageons-nous-y, et partons à la découverte. « La vérité et la raison, disait Montaigne, sont communes à un chacun, et ne sont non plus à qui les a dictes premièrement qu'à qui les dict a,prez : ce n'est non plus selon Platon que selon moy. Les abeilles pillottent deçà delà les fleurs ; mais ellE\5 en font aprez le· miel, qui est tO'Ut leur ; ce n'est plus thym ni marjolaine. » (Essais , I. 25).
7. Les conférences pédagogiques. - La loi elle-même s'est préoccupée du perfectionnement professionnel des instituteurs. Elle leur en fournit un moyen sous la forme des conférences cantonales régulières, soit annuelles, 50it plus fréquentes. Un arrêté du 5 juin 1880, modifié par l'arrêté du 9 février 1925, contient en effet les dispositions suivantes :
ARTICLE PREMIER. Des conférences pédagogiques d'im.tituteurs et d'irn,titutrices publks sont organisées dans chaqn43 canton par l'autorité académique. Deux ou plusieurs cantons pourront être• réunis. La présidence appartient de droit à l'inspecteur primair~. Les mem·bres de la conférence nomment ohaque annre un vice-président et un secrétaire choisis parmi eux. ART. 2. Il ne sera traité dans ces conférences que ùe:; questions de pédagogie théorique et pratique ou d 'administration scolaire. ART. 3. Le nombre. la date et le lieu des réunions sont fixés par l 'inspeoteur d'académie, sur la proposition ùe l'inspecteur primaire. L'une d 'elJes a lieu obligatoirement. dans les deux premiers mols de l'année scolaire. ART. 4. L'ordœ du jour de r.h,,que conférP,nce est ar~té par l'inspecteur d 'académie. Il comporte. outre les questions 5ur lesquelles le ministre et les autorités académiques désirent consulter les membres de la conférence, une de celles qu'ils ont proposé d'y inscrire lol'S de la précédent~ réunion. ART. 5. La présenœ aux conférences pédagogiques est obligatoire pour tous les instituteul'S et institutrices publics.
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Des dispenses peuvent être accordées par l 'inspooteur primaire. ART. 6. Une oopie du procès-verbal ~e chaque séance est envoyée à l 'inspecteûr primaire. .Et une circulai~-e du 10 août 1880 a défini en oes termes l'objet de ces réunions : « . . . 11 est désirable que les membres d~s conférenct.5 pédagogiques étudient les suj ets scolaires à un point de vue essentiellement ·pratique. Trop souvent, -res questions d',éducation ont servi de thème à de vaines décl~mations. Des plans chimériques, des théories ambitieuses et vides ont parfois compromis plutôt qu 'avancé le progrès. Il faut que nos instituteurs se persuadent que la pédagogie est une science positive qui s 'appuie sur l'expérience ... Mettre en c-ommun le fruit de l'expérience scolaire quotidienne, se commun,iquer mutuellement les petîtes découvertes p11l.tiques que chacun a faites dans sa classe, s'éclairer par la discussion non sur de savants systèmes, mais ·; ur les réalités de l 'école primaire, c 'est bi,en là le véritable but de conférences et la raison de leur juste popularité. e . . . L'important est qu- notre personnel enseignaut échappe à cette influence de l'isolement qui paralyse peu à peu les volontés les ,p lus fermes. Jeune. ou vieux, sortis ou non d'un e école normale, nos instituteurs ont be.soin de faire effort pour ne pas se laisser gagner pa;r le découragement ou pai;: routine. Pour les y aider, pour tenir chacun d 'eux en haleine, nulle action ne peut être plus efficace q;ue celle du corps tout enti,er, qui a intérêt à ne laisser faiblir aucun de ses membres. En se ra,pprnchani dans des conférences périodiques, ils n'apprendront pas seulement à discuter en commun les questions de méthode, les points de doc.trine, les procédés et les livres, tous les détails de l'organisation scolaire ; ils y trouveront, par surcroît, l'occasion de nouer ensemble de bonnes relations de confraternité, et de multiplier leurs rapports avec leurs c.hefs hi,érarchiques, c'est-à-dire de créer entre eux librement cette communauté d'esprit et cette solidarité professionnelle qui fait la puissance et la dignité du coi:ps enseignant. » Ainsi entendues, les confél'€nces pédagogiques ont rendu et continuent de rendre d'inappréciables services; il n 'est personne qui ne puisse s'y instruire des choses de l'école et du métier, personne que cet échange d'idées -1< sur les réalités de l'école primaire » ne puisse éc.lairer ou inspirer. C'est à la condition èèpendant que les réso-
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lutions qu'on y adopte ne deviennent P?S bientôt lettre morte et vite oubliée, mais que chacun au contraire veuille avec sincüité réagir contre ses habitudes ou sès routin<:ls pour en tenter, en toute connaissance et en toute bonne f.oi, l'application persévérante.
8. Psychologie et pédagogie modernes. - A juste titre, la parole ministérielle est sévère aux « vaines déclamatioos » et à la solennelle phraséologie, toute faite des g.énéralités traditionnelles et depuis longtemps usées, q:u'on a prises ma,intes fois pour de la pédagogie doctrinale et de haut vol. Les traités d<J> pédagogie n'apprennent guère l'art d'enseigner, pas pius qu'un traité de versification ne.i peut se substituer à l 'influence secrète du ciel pour former un poète. Néanmoins, il est de féconds ouvrages sur l'éducation - nous ne disons ni traités ni manuels - , soit qu'ils aient poussé loin leurs investigations sur la psychologie de 1'enfant, soit encore qu 'ils soient propres à faire concevoir el fortifier ce haut et net dessein d 'éducation nationale dont Félix Pécaut s'inquiétait qu'il manquU trop à nos maîtres (1), soit qu,e, novateurs entreprenants, ils explorent des avenues nouvelles et s'efforçent à renou! veler les doctrines et les méthodes. Ceux-là, on ne les lit et on ne les médite jamais en vain. 0~ y prend une plus claire- conscience et de la fin à laquelle tend l'édtiœtion, et des moyens par lesquels cette fin se peut réaliser. En leur compagni<J> on quitte les sentiers trop battus et les champs désormais stériles pour s 'acheminer vers des conceptions plus modernes et des méthodes renouvelées. A la lumière d'une psychologie moins verbale, plus soucieuse de l'expéri-ence, la pédagogie se transforme, s'engage en de nouveaux courants, travaille à s'ajuster de plus près à la nature enfantine. Ces courants, il faut les connaître; ces termes nouveau-venus de pédagogie expérimentalei, de tests, de méthode Montessori, de centres d'intérêt, d'édu.cation par l'action, et bien d'autres, alors même qu 'ils ne sont que de vocables récents pour des choses anciennes, il faut sav,oir ce qu'ils signifient et à quoi ils · prétendent. La lecture et la méditation d'ouvrages sur la psychologie de l'enfant, des bulletins de sociétés diverses sur l.a pédagogie nO'Uvelle, peuvent donc être d'un excellent secours à l'instituteur pour l'initier davantage à la théorie
(1) F. PÉcAuT, L'éducation publique et la vie nationale, p. 22 ..
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ivivante et à la pratique rationnelle de son métier. Ils sont propres à faire penser, à aiguiller l'esprit et l'effort dans des diroctions jusqu'alors insoupçonnées. Au total et pour en finir avec ce sujet inépuisable, redi.s-0ns sans nous lasser qu 'il faut monter une garde vigilante autour de son savoir comme autour de son enseignement, qu'il faut les rajeunir sans cesse l'un et l'autre par l'étude et par l 'effort personnel, si l'on ne veut s'endormir hien vite d 'un sommeil de mort sur le mol orei.Jler de la routine. Montaigne disait de la coutume qu'« elle establit en nous, peu à peu, à la desrobée, le pied de son autorité ; ·mais, par ce doulx et humble commencement, l'ayant rassis et planté avec 1'aide du temps, elle nous descouvre tantôt un furieux et tyrannique visage, contre lequel nous n'avons plus la liberté tle haulser seulement les yeux. ,i (Essais, I, 24). Et quand, à notre insu et selon le mot du poète, sa force obscure nous a gagné insensiblement, c'est pour le plus grand dommage de notre fonction et de notre œuvre. Ni le contenu dès lors de notre enseignement, ni la méthode suivant laquelle nous enseignons ne peuvent plus guère s'améliorer : la substance des seuls livres d'élèves suffit à peu près au maître, qui refait pendant des ·a nnées la même route invariable à travers les matières :lu programme. Une longue expérience, chez certains, n 'arrive-t-il pas que ce soit une longue routine qui ne s'est jamais aperçue ni défiée d'eHe-même ?
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APPENDICE
Les bibliothèqtres pédagogiqu0:; (Circulaire ministérielle du 16 mars 1906). - « ... Les bibliothèques pédagogiques cantonales n'ont pas donné les résultats qu'on espérait de leur institution (1). Partout, le nombre des prêts de livres "St peu élevé, il est même nul dans beaucoup de hibliothèqurs. Deux causes ont contribué à ! 'abandon des bibliothèques pédagogiques par les instituteurs : 1° La nécessité d'aller chercher les livres au chef-lieu de canton oouvent éloigné et d 'un abord parfois difficile ; 2° La nature même des ouvrages que renferment ces bibliothèques et qui consistent. pour la plupart, en des spécimens
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(1) Cette institution date de 1837
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de livres classiques envoyés gratuitement par les éditeurs ou en ouvrages qui ont vieilli el qui n'excitent plus la curiosité des lecteurs. La première des causes si• gnalées ci-dessus n'existe .fllus aujourd'hui, la franchise postale accordée par la loi de finances du 3o rn.a:rs 1902 permettant aux iru;tit·uteurs de se procurer, sans déplacement et sans frais, les livres des bibliothèques pédagogiques . ... Au lieu d 'avoir une bibliothèque par canton, il serait préférable de n 'en avoir qu'une par arrondissement ou par circonscription d'inspection primaire. Les instituteurs et :nstilutrices réunis pour l'entretien d'une bibliothèque vers(}raient annueUement une modique cotisation qu'on emploierait à des abonnements à quelques périodiques, à l 'achat e.l à la reliure d'ouvrages nouveaux, ainsi qu'à la confection d 'un catalogue qui serait mis à la disposition des intéressés. La liste des livres à acheter pourrait être arrêtée tous les am, par les instituteurs. Leur choix ne porterait pas uniquement sur des ouvrages de pédagogie et de morale, mais aussi · sur des livres de littérature, d 'histoire. de sciences ... »
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CHAPITRE II
La conscience professionnelle
.De la régularité et de l'énergie dans l'accomplissement de la tâche quotidienne.
l. 2.
3.
4. 5. 6. 7.
La conscience professionnelle. Ponctualité el exaclllude. · Préparation de la classe. Emploi consciencieux de tous les instants de La classe. L'éducation est une amure de foi. Ne rien -négliger de L'amure scolaire. Le courage à La lâche .
1. La consc-lence professionnelle. - Remplir conscien.cieusement les devoirs de sa profession, s'acquitter avec .courage et avec loyauté des obligations et des travaux qu'elle comporte : telle est la règle morale qui s'impeise à tout homme, à tout ouvrier. Et nous entendons par ce mo,t d 'ouvrier non le seul travailleur manuel, mais, quelle que soit sa profession, l'homme qui « ouvre », c'est-à-dire qui travaille, soit du cerveau, soit de la main . Le tailleur .d'habits ou le plombier comme le préfet, l'ouvrier ag·ricole ou • Je facteur des postes comme Je directeur d'un service, tous ont un devoir pareil et qui a pour tous les mêmes ·e xigences rigides : bien fa ire ce qu'ils font, accomplir ·en toqte conscience leur devoir professionnel. Ce devoiT commun à tous, est-il besoin de s'attarder à démontrer qu'il est aussi celui .de l 'instituteur ? Lui aussi, il doit apporter à sa tâche une application sans faiblesse et un scrupuleux souci de ne pas la remplir à demi. Il doit même s'y appliquer plus scrupuleusement ·que l;>eaucoup d'autres, avec un soin. plus vigilant encore et avec une activité plus éclairée. Cela résulte de la nature
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m ême de sa fonction. Investi par l 'Etat d'une charge par.ticulièrem ent importante et qui n 'a pour obj et qt1e l 'intérêt général, il lui fa ut être un fonctionnaire sans r eproche et un serviteur d évoué du bien public ; sinon il serait .d éloyal envers la collectivité tout entiè.r,e, et le mal dont il se rendrait coupable par son insouciance ou sa paresse serait à peu près irrémédiable. . Un habit mal fait, une ,conduite d 'eau mal établie, un ch amp mal labouré, ce sont à co up sùr autan t de d ésagr ém ents à subir, auta nt .d 'avantages perdus ; mais encore peut-on tant bien que ma l y pourvofr : un habit se remplace, un labour peut se ,r efaire ; et à tout prendre il est lois ible au client m écontent de s'adresser à un fournisseur plus ponctuel ou pl.us labori eux. Ma is quand un médiocre instituteur est installé dans un e oommune, il est bien malaisé aux famil! P.s ,d 'envoyer leurs enfa nts s'instruire ailleurs, ce leur es t m êm e souve nt impossible : il leur faut le subir. C'est rn · pareil cas que le ma uvais m aitre ~s~ un fléau pour une -comm une, coonme, à l 'inverse,. un bon instituteur est un bien fait. Et lorsqu ' une éducation négligée ou insoucieuse a compromis le développem ent d 'une intelligence, quand ell e a laissé en fri che, qu'elle a faussé même un esprit ,d 'enfa nt, le mal ri que fort par malheur de demeurer sans rem ède.. Cet enfa nt, une fois te rminées se~ années d 'école primaire, ne recommencera pas son éducation ; il n 'aura plus ni le loisir ni les moyens d 'acquérir le savoir néces·saire dont son m aître avait pour devoir de le m unir. Ce sera un ig norant de plus, un esprit fruste et gauch e, au 1ieu d 'un esprit év,eillé, tout au moins dégro i . Ri en n 'est plus dilfficil e à répar er , à supposer m ême qu 'il soit r éparable, que le tor t ain i eau é aux intelligeqces; et nous savons L ous combien une na tion comme la nôtr e a besoin d 'intelligences droites et aines. Relisons ces passages de la lettre qu'en juinet 1833, au lend emain du vote de la loi qui . imposait à toute com mune ] 'obligation d 'entre tenir au m oins ffl-ie école prim aire élémentaire, le ministre Guizot adressait à chacun d es imtitutem s de France; trouverons-nous beaucou p à Y changer ? « Ne vous y frompez pas, Monsieur : bien que la carri ère de l 'instituteur prim aire soit sans éclat, ses travaux intéressent la société tout entière, et sa fonction par· ticipe de l'importance des fonctions publiques. Ce n 'est pas pour la commune seul em ent, et dans un !ntérêt p ure~ m ent local , que la loi veut qu,e tous les Français acqmèrent les connaissances indispensabl es à la vie sociale, et sans
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lesquelles l ïntelligence languit et quelquefois s'abrutit; c'est aussi pour l'Etat lui-même, et da,ns lïntérêt public; c'est parce que la liberté n'est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter, en toute cirC-Onstance, la voix de la rai·son: L'instruction primaire universelle est désorrnais une des garanties de 1'ordre et de la stabilité sociale ... « Les premiers de vos devoirs, Monsieur, sont envers. les enfants confiés à vos soins. L'instituteur est appelé par le père de famille au partage de son autoTité naturelle ; il doit 1'exercer avec la même vigilance et presque avec 1~ même tendresse. Non seulement la vie et la sanM des enfants sont remises à sa garde, mais 1"éducation de leur oœur et de leur intelligence dépend de lui presque tout entière ... Rien ne peut en vous suppléer la volonté de bien faire ... >> (r). Cette volonté de bien faire, c·est une fière, c'est une-_ haute conscience professionnelle.
2. ·Ponctualité et exactitude. -
Etre un instituteur cons- '
1 ciencieux, nous l'avons dit au chapitre précédent, c'est
premièrement se mettre ·et se maintenir en état de bien remplir sa fonctioo même d'instituteur, se mettre et se· maintenir en état de bien faire sa classe, de bien enseigner, de bien élever les enfants. C'est par conséquent être e-0nvaincu qu'il faut à cet effet travailler d'abord et tra· vailler toujours à sa culture personnelle, s'appliquer avec persévérance à élargir l'horizon de sa pensée. Ne revenons. pas, au surplus, sur les développements qui ont fait l'objet de notre première leçon; nous n'y pourrions ajouter rien. Cela dit, et supposée acquise puis surtout entretenue avec sain cette culture indispensable, il s'agit maintenant de faire son devoir d'éducateur avec une inflexible conscience. Qu 'est-ce à dire, et quelles obligations s'imposer ?
(1) De Guizot encore, dans ïExposé des motifs placé en Lêle de sa loi:« On ne saurait trop le répéter, autant vaut le maîLre, autant vaut l'école elle-même. Et quel heureux ensemble de qualités ne faut-il pas pour faire un bon maître d'école! Un bon maître d'école est un homme qui doit en savoir beaucoup plus qu'il n'en enseigne, afin de l'enseigner avec intelligence et avec goût; qui doit vivredans une humble sphère, et qui pourtant doit avoir l'âme élevée, pour conserver cette dignité de sentiments et même de manièressans laquelle il n'obtiendra jamais le respect et la confiance des familles ... Faire des maîtres qui approchent d'un pareil modèle· est une tâche difficile, et cependant il faut ;f réussir, ou nous n'avons. rien fait pour l'instruction primaire. »
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La première, très stricte, c'est la ponctualité et l'exac.titude. Règle tout extérieure encore, toute formelle, qui n'annonce pas nécessairement une classe bien préparée et une école bien tenue, donc un travail consciencieux et de bonne qualité, mais qui en est la condition pourtant, comme elle est la première coµdition aussi de l'autorité du maître auprès des familles. Qu'on_ne nous parle pas de .ces instituteurs, rares par bonheur, pour qui l 'heure de l'entrée en classe n'est qu'un à peu près complaisant avec lequel Ol) a licence d'en prendre à son aise, ou pour qui la récréation est aisément extensible et peut antici,per à .son gré sur la séance de travail qu'elle précède I « On est loin du centre, on est loin de partout, l'inspecteur ne viendra sûrement pas aujo'W·d 'hui ; et puis ce n ·est qu'une fois en passant » : et sans résistance un compose avec le .devoir, et la règle de l'emploi du temps se plie à des ac.commodements regrettables. On oublie que si l'inspecteur est Join les enfants sont là, qui ont à s'im,truire et qui n 'ont pas t.irop d'une scolarité souvent écourtée pour .s'approvisionner d 'un bagage tout juste sulffisants; et que les familles aussi sont là, qui voient, et savent, et jugent, et non sans raison estiment que l'instituteur n'a guère de .courage au travail et qu'il remplit ses journées avec une parcimonie vraiment excessive. Quand un maître a été .assez coupable pour mériter de tels jugements, c'est un .très grand mal ; un grand mal pour lui, qu.i ne peut se passer de ! '- stime et du respect des familles ; un grand e mal aussi pour l'idée qu 'il représente et qu'il doit servir, c 'est-à-dire pour l'école laïque elle-même, dont le succès définitif et général en F11ance ne tiendra - disons-le et redisons-le sans cesse - qu 'à son mérite et à la valeur de son per onnel. Donc il ne faut pas lésiner sur l'exactitude : la classe doit,commenoer à l'heure que prescrit l'emploi du temp.5, sans une seule minute, sans une seule seconde de retard. L'heure, c'est l'heure : maxime rigoureuse, intraitable, qui veut que l'on se montre intransigeant envers soi-même. Au surplus, y a-t-il là autre chose qu'une habitude, un dres.sage ? Certains sont toujours en retard, quoi qu'ils aient à faire ; d'autres sont toujours d'une ponctualité parf!it{l, même s'il leur en coûte au début un ,effort qui vite s'affaibfü et devient presqu,e une joie. Mais cette ponctualité qui est la forme élém,entaire de la probité professionnelle, elle commande autre chose que le respect n:.inutieux de l'heure. Elle s'étend à tout le tra-
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vail et à tous les jours de travail : la moll esse et la négligence· n ·y sont pas de mise, el l 'on ne doit pas éraindre de e verser plutôt dans le rigorisme. 11 n ·- sl personne. qui ue soit tenté, dans une circonstance ou dans une autre, d ·:i.1léger indûment le poids de son labe·u r ou de· se donner du r eliâche alors qu 'il devrait être à la peine. Et c'est ain:,i qu 'un instit uteur peu conscie ncieux descend parfois à des manquements qui, pour n 'être pas chacun à part très répréhensible , constituent tout de m ême autant de trahison envers les devoirs de sa charge. Sou tel oa tel prétexte insiricèrè qui ne déguise qu 'une petite Mch eté : une con férence à entendre, une indisposition qui n 'a d 'i:mportance que cell e qu 'on lui aUribue, un événem ent de .fa mille, etc., on abrège la durée régJ.em entaire d 'une éance de trava il, on va dans certain s cas jusqu 'à la supprimer. Une fois n ·e t pas cou tume, allègue+on ; c'est l 'excm:e toujou rs inv g uée en pa reil cas et toujo'llr mensongère. Mais on ne e dit pas, en r etour, que la probité dans la t1âche quotidienne ne souffre pas ces m anquem ents mêm e · légers; et l 'on ne se dit pas dava ntage que, bien vite, la négligence aisém ent consentie d evient coutume, la coutum e de ne pas rem plir de tout son c1 ::eur et de toute sa loyauté courageuse la fonction à laquelle on est com mis . Ou bien encore, quand sonne le samedi soir l 'h eure de la sortie - oela se voit surtout ch e,z les jeunes - on n 'aqu 'une préoccupation, qu 'une hâte : gagner la station la plus proche et prendre le train pour aller pàsser lè dim anche dans sa famille ou loin de sa besogne accoutumée ; on n 'en r evient que le lundi matin , juste à temps pour r ecommencer le travail ~ l 'heure de la rentrée.. Pendant ces trente-six heures, on n 'accorde pas un seul instant à la pensée m ême de ce travail ; il se fait ensuite au petit bonheur, et l 'on sait ce que cela signifie à l'ordinaire. Qu 'on nous entende bi en. Loin, très loin de nous la pensée de condamner lé loisir et la détente, qui sont indispensables à tous, et de' prétendre qu 'llill zèle intempérant doive aller jusqu'à s'interdire le r epos h ebdomadaire. La vi e sans dim anche, corrnme disait Félix Pécaut (1) , serait durement monotone et lourde, et ne perm ettrait le r enou 0 vell ement ni de l 'esprit ni des for ces. Nous d em andons seulem ent que l'on puisse toujours, d ans la ,p lus impartiale sin cérité de sa conscience, se donn er à soi-m ême et donner à qui voudra l'assurance que la tâch e r éguJ.ière
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(1) Quinze ans d'éducation , p . 33.
�-25n ·en ouffre · pas, que la cl.asse est. préparée avec tout Je sain requis et faite avec tau.te 1'activité allègre qu ïl y faut.
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Préparation de, la olasse . ..1. Prépa.r(lr .sa classe : . ~elle .est bien la besogne ess.entielle, dont tout le reste dépend .et à quoi tient ia valeur des leçoll6 et du trava~l journalier Ce n ·est pas le moment de redire pouTquoi elle doit ètre bien faite et comment elle doit être compriij,C; nous ne ferions que reprendre un chapitre du programme de première année élonL on trouvera le développement dill1S ùll !lutre volume. Mais ce que nous pouvons dire ou répéter ici avec une insistance nouvelle, c'est que cette préparation doit être sérieuse, réelle, ~fficace, et non se borner à .un simple hompe-l 'i:eil, se réduire à un simulacre de préparation. Aucun règlement, notons-le tout de suite n 'oblige l'instituteur à tenir comme autrefois un .« journal de clas e » où il mentionne jour par joUT chacun des .exercices, OI'.aux ou écrits ; pas davantage le règlement n 'impo e une préparation écrite qe la classe; et tout directeur d 'école ou to4t inspecLeur qui l'exige 9utrepasse son .droit. N'en alffirmons pas mo,ins avec .énergie que là uù manque cette préparation écrite, aucune préparation attentive et complète n 'est élaborée; c'est un point sur Ir.quel certes nous p.e redoutons pas le démenti. Pas davantage une préparation sérieuse et à tout dire sincère ne con·siste dans une simple énumération de titres de leçons ou de rapides sommaires; ces titr~s, disait quelqu'un, c'est le menu du repas qui sera servi ; mais le seul énoncé, même très a,ppétissant, des plats qui composent le festin ne sulffit pas à garnir l'estomac des convives, il y faut les mets eux-mêmes: C'est quelque chose à coup sûr que d'avoir arrêté avant la classe· J.es sujets des leçons et t_ou.t réglé pour une progression méthodique de l'enseignement dans les différents cours ; mais cette vague et brève indication ne fournit pas au maître l~ contenu de ces leçons, qui est 'bien pourtant ce qui importe. Un titre, ce ·n'est rien, ou si peu de chose! Ce qui co~pte, c'est le développement qu'il annonce, c'est la matière et la substance même de la leçon. Savoir d'un bout à l'autre· ce qu'on dira et comment on le dira, voilà qui est capital et qui ne se découvre pas sans un travail pr~alable de recherche et de réflexion Quiconque se d6robe à ce travail, affirmiât-il cent fois qu'il connaît depuis longtemps ce qu'il doit enseigner ou expliquer, n'est pas en droit de dire qu'il a le souci de sa classe et qu'il fait tous ses e,fforts pour bien instruire ~es ·élèves.
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Le même SO"i• intelligent, la même conscience atlentiv~ n doivent pr,ésider au choix des devoirs. Les cueillir à la hâte dans un journal scolaire après une lecture superficielle ou précipitée, utiliser tels quels et par soumission à. la loi du moindre effort les questionnaires des manuels. d'écoliers, ce n'est pas préparer sa classe, ce n'est pas faire honnêtement sa besogne et approprier le travail à son auditoire de manière, à le rendr.e fructueux. Un devoi.r écrit n'a de valeur que s'il est adapté exactement aux l{'çons qu 'il complète et s'il convient non moins exactement au groupe d 'enfants qui doit le traiter; comment se flatter que ceux d'un journal ou d ' un livre puissent correspondre aux leçons de tous les maîtres sur tous les points du ten·itoire, ? En tiTer parti, I,es imiter, les modifrer en les. améliorant, rien de mieux ; mais les copier servilement sans prendre même souci de Je.5 mettre au point, ce seraif paresse et ce serait malhonnêteté dans le travail.
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4. Emploi consciencieux de tous les instants de la classe ..
- Etre consciencieux, c'est encorn donner à ses élèves, à ses élèves seuls, la totalité, des instants de la classe, sans en distraire aucun dans son propre intérêtJ pour sa correspondance, pour ses affaires personnelles, ou même ... pour la lecture de son journal. IJ>as davantage il ne saurait être admis que le travail matériel de préparation se fasse· au e-0urs1 de la séance scolaire et en absorbe un certain nombre de minutes, aloi."s qu 'il est possible, d'y vaquer auparavant. C'est avant la· rentrée des élèves qu,e ~e doivent prendre ces précautions et ces soins de, tous les jours, grâce auxquels la cla~ ensuite se déroul·e sans contre-temps et sans à-coups inscrire aux tableaux noirs, cr d 'une écriture parfaite, la date et les autres indications · qui seront transcrites sur les cahiers, y porter de même les textes des devoirs, les modèles d'écriture ou de dessin s'il y a lieu ; s'assurer que les encriers ne sont pas à sec, que la craie n'est pas absente, que toutes choses enfin sont à leur place et ,prêtes à servir , disposer à' portée de· la main cartes de, géographie, gravures, objets, appareils qui seront utilisés au cours des leçons e,t qu'on ne perdra pas de temps - sans compter la bonne humeur et l'entr.ain - à chercher ou à rassembler le moment venu, etc. Infimes détails que tout cela, pourra-t-il sembler, côtés mesquins du travail de la classe, si puérils qu'insigni'fiants et dignes à ,peine qu'on les signale. Que non pas; car ces petits .soins sont les prépara.tifs obligés des choses
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importantes et de l'activité féconde. Ils sont un peu à 1'école la méthode Taylor en action, cette méthode industrielle qui cherche à obtenir le plus grand rendement possible par l'élimination des gestes inul'i'les et des mouvement improdacti~. Ils sont bien plus . encore : l 'attention prévoyante à ne pas gaspiller le moindre instant de travail, l'attention loyale à vouloir que tqutes cho~s mar,chent excellemment, pour le plus grand avantage des enfants qui sont là. Car enfin ces enfant-s, et leurs familles avec eux, ont le .droit absolu d'exiger que l'instituteur consacre à sac.las.se, .et. uniquement à sa c.las.se, les six heures quotidiennes que _ prévoient les règlements. Ces six heures leur appartiennent en entier et à eux seuls ; elles sont instituées à leur bénéfice exclusif; pas la moindre parcelle n'en doit être détournée de · sa destinaJion et dépensée en pure perte p,ar 111 faute du maître. Ce n'est pas trop de trente heures par semaine pour approvisionner les élèves,, en six ou sept ans -1e scolarité, des connaissances pratiques et des bonnes habitudes dant l'école primaire a le fivoir comme la mission de les munir pour toute la vie. :ue les maîtres y , songent souvent : chaque minute qu 'ils eraient dés::euvrée ou dont ils ne sauraient pas tirer le meilleur parti, serait un préjudice certain causé par eux au savoir_ou à ) 'éducation de leurs écoliers. Fournir un travail ponctuel, c'est bien, c'est le commencement de toutes choses. Mais il faut de plus que ce travail soit consciencieux, qu'il soit , donné to-ut entier et de tout oœur à la tâche obligatoire. L 'éducateur n'a jamais le droit de dire : « C'est assez bon » ; cet optimisme indulgent, ou plutôt cette résignation nonchalante et passive 'à la médiocrité des résultats, ne se.rait pas autre chose qu'un sabotage déguisé, le sabotage des intelligences. Il convient au con traire de n'être jamais content de soi, de vouloir toujours faire mieux e,n. cor<e et de s'appliquer courageusement à renouveler !'.es méthodes, se.s procédés, la matière et la forme de ses leçons, tout son travail enfin. Ainsi ce travail sera-t-il apte à produire tous les früits que les familles et que la collectivité peuv,ent en espérer, ont le droit d'en espérer. FQllre bien sa classe est tout oela, et n'est pas moins que cela. Mais une tâche aussi exigeante - car e1Ie l'est, elle doit l'être - demande qu'on se donne à elle'" d'un o~ur vaillant et sans regarder à sa peine. Signalerons-nous au passage, une faute rarement commise, mais de laquelle néanmoins il n'est pas inutile d'être
�averti ? Il y a dans, toute classe de bons et de médiocres élèves, des inteliigents et des déshérités, des laborieux E;t des api1thiques ; et les faibles ne le sont pas toujours par leur faute, loin de là, ni à raison de leur mauvais vouloir. Or ces faibles âussi et oes médiocres ont drt>it aux mêmes soins que les bons; leur faiblesse même serait plutôt un Litre à une sollicitude plus ingénieuse et plus patiente. L'enseignement est pour toute la classe, il n 'es,t pas pcmr les seules têtes de file. Le maître n'a pas le droit de s~ désintéresser d'un enfant sous le prétexte qu'il est inattentilf ou indolen~ et qu'on n ·en peut rien tirer. Il faut que ia classe au complet travaille et apprenne. « Le maître, disaient les Instructions de 1882, ne peut se donner à quelques-uns, il se doit à Lous; c'est par les résultats obtenus sur l 'ensemble de sa classe, el non pas sur une élite se,uJement, que on .œuvre pédagogique' doit être appréciée. Quelles que soient les inégalités d 'i,ntelligence que présentent ses élèves, il est un mimimum de connaissances et d'aptitudes que l'enseignement primaire doit communrquer, sauf des exceptions très rares, à to- s les ,élèves : ce u niveau sera très facileme·n t dépassé par quelques-uns ~ mais, le fût-il, s'il n'est pas atteint par tout le reste de la classe, le maître n 'a pas bien compris sa tJâcbe ou ne l'a· pas bien remplie. » 5. L'éducation est une !Buvre de fo:. - Au· demew·ant, cet~ tâche est une œ:uvre de foi, qui veut être accomplie avec foi. Et la foi, c'est d'abord l'amour de son lravail, voire un amour un peu exc.Ju if et passionné, comme Lous les enliments qui entraînent fortement à l'action. Nulle profession n'est plus aride et rebutante que celle d'instituteur quand on n'y met pas toute son ,âme, quand elle· n'est que le métier dé.oonchantéo auquel on demande le pain de chaque jour, quand on la rapetisse à n 'être que cela : le métier contraint qui fait vivre. Plaignons le maître qui n'aime pas sa classe, qui n'aime, pas ses élèves, qui n'aime pas son travail, pour qui ce travaill est une pénible corvée d'esclave refaite chaque jour sans joie, sans élan, sans allégresse. Oh! nous ne demandons pa l'enthousiasme quotidien, l'exaltation rituelle de l'âme et d'e l'esprit à l'heure où doit reprendre le travail accoutumé : ce serait sottise, et ce serait hypocrisie. Nous demanâons que l'on aime sa besogne, malgré les déboires et les fatigues qu'elle apporte, parce qu'elle mérite d'être aimée; qu'on s'y applique de tout son oéeur et de toutes ses forces,
�29parce qu 'à ce prix seulement elle aura vie et flamme;_ qu 'on s'éprenne de son art, un peu à la façon de l 'artiste qui se réjouit de faire du beau travail par amour seul du travail soigné et qui ne se satisfait que de la besogne pe.rachevée avec minutie .et avec amour; qu 'on ait à o:Eur de la mieux faire de semaine en semaine, d'année en année, et qu 'on s 'o• stine avec persévérance dans cette volonté de· b progrès. En entrant dans la carrière, il est sage de ne pas nourrir d 'illusions na'.ivement excessives; car on se prend. à une œuvre difficile, SOl\lvent décevante, qui réclame de · la méthode et de la constance, qui a besoin qu 'on voie un peu haut et un peu loin devant soi ; une œuvre où beaucoup dé patient effort ne donne qu 'un modeste résultat, parce que ni les intelligences ni les âmes ne se laissent docilement pétrir comme une argile inerte; où toutes sortes . d 'influen ces hoshles viennent contrecarrer l'action de · l 'école et ajouter aux dilfficultés; où les satisfactions sont moins nombreuses que les lassitudes et les découragem ents ; une œ uvre où le succès toujours est incomplet ou précaire, quoi qu 'on fasse et si excellents même que puissent être par instants les iiésultats obtenus. Mais une · œ uvre pourtant où il y a du bien à faire, beaucoup de bi en, et du bien à longue portée; une ,œuvre où l'on peut goûter des joies austères, où l'on aura le bonheur de voir s'épanouir et se développer par degrés de fraîches et confiantes intelligences d 'enfants; une ,œuvre qui déborde !Îngulièrement les limites de la maison d 'école, de la commun e et du présent même, e t qui veut qu 'on se donne à ell e sans marchander. A qui po sède cette foi fervente el clairvoyante, il apparaitra naturel et simple de m ettre dans sa tâch e toute sa conscience d 'honnête homme et d 'ouvri er labori eux ; ce sera un peu son idéal et sa raison de vivre, ce sera sa vie mêm e. QUJe si l 'on nou objectie que sans douJte nous e,n demandons trop, qu 'il est vain d 'espérer chez tous, la vocation et que la foi ne s'éveille pas sur commande, nous r épondrons : Certes, la foi de chacun dans son 1::euvre, l'amo1Jr du travail et l 'ardeur à la t\4ch e ne sont pas des articles dont il se tienne m arch é et qui puissent entrer en nous du dehors, ans l'adhésion intime d e l 'âme. On peut se m éprendre sur ses aptitudes et ses goûts, on peut choisir la profession d'instituteur pour des raisons qu'on saisit d~fficil ement soi-même, et tout simplement peut-être parce qu 'il faut bien faire choix d'une profession pour vivre. Mais quand cela serait, quand même on se serait trompé,
�-3oil est possible néanmoins d ·en venir à aimer son travail .et à s 'y donner avec sincérité : il n'y a qu 'à vouloir de ,toute sa force faire bien cette tâche qu 'on trouve sans .cha,rme et s'acharner à la vouloir faire bien, malgré vents .et marées. Peu à peu ,e,lle nous prendra, nous nous livrerons de jour en jour plus complètement à elle, jusqu'à ce qu ·elle nous ait conquis. Là comme partout le dehors formera le dedans, l 'automat·isme façonnera l'lâme. 6. Ne rien négliger de l'~uvre scolaire. - Pour tout embrasser en une seule formule, le maître consciencieux et probe fait bien et au complet toute sa tâthe, il ne se désintéresse d'aucune des questions ni d 'aucune des œ uvres qui peuvent la fortifier, qui peuvent prolonger ou affermir son .action. La fréquentation scolaire ? Il en est le plus obstiné propagandiste ; action ·sur les famhlles comme sur les enfants, insistanc.es répétées, intervention auprès des parents dès que se produit une absence, appel aux autorités locales .et aux délégués cantonaux, il met tout en œ uvr,e pour empêcher les vides ou les désertions ; sachant bien d'ailleurs que son enseignement lui-même est son plus sûr .auxiliaire et que l 'école est d'autant plus estimée, donc aimée et fréquentée, qu'il a su la rendre plus attrayante et que les progrès y sont plus apparents et plus certains. Les ,::euvres extra-scolaires ? N'en est-il pas dans les communes rurales le .seul ou presque le seul ouvrier ? Et dans les centres urba ins où il advient que des bonnes volO'Iltés agissantes s'ajoutent à la sienne, que pourraient-elles maintes fois sans l'aide elfficace et persévérante de chaque illlstituteur? N'essayons pas de passer en revue toutes les tâches et toutes les iœuvres pour lesquelles on fait appel à l'école, c'est-à-dire à l'instituteur publio; il semble quelquefois, tant la liste en e,st longue; que rien ne lui soit impossible et que son action puisse s'étendre à toüt ce qui sert Je bien du ,pays. · Ma·is est-il oiseux de rnppeler que dans cette riche et même un .p eu envahissante floraison la pièce maîtresse ne cesse pas d''être la classe du jour, la olasse régulière? D 'abord instruirre les enfants, le plus qu'on p·eut, le mieux qu'on peut, et s'appliquer à former Jeurs :â mes non moins que leurs esprits : telle est l''l:euvre essenüelle, telle est l'œ uvre féconde, telle est l 'iœuvre impérative qui a sur toutes les autres la primauté. Ce n'est pas à dire que ces autres -soient un luxe ou un superflu, maiLs elles ne sauraient en aucun cas revendiquer le premier rang. Et celle-là qui par
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son importance est la première de toutes est la plus laborieuse et la plus ingrate aussi, celle qui demande le plus. d'application et d'effort : raison de plus pour qu'on s'y. dévoue davantage. Avec un peu d'habileté, il n'est pas difficile de se faiire quelque réclame, même auprès de ses supérieurs, en se dépensant ,p our des œuvres excellentes. mais marginales, dont les résultats apparaissent assez vite· et permettent les statistiques laudatives. Mais bien faire ~a. cl~sse, mais s'appliquer d'abord et principalement à ~a classe, a une autre valeur et atteste plus de mérite. On ne· la fait jamais trop ,bien, on ne s'y applique jamais trop,. même si cette appiication silencieuse échappe aux regards. des inspecteurs et attend longtemps sa récompense. La sincérité tians le labeur méconnu et dans l'effort opiniiâtrequi se tait, n'est-ce pas une forme très haute de la cons-cience professionnelle ? 7. Le courage à la tâche. - Le résumé de tout cela, c'est que la fonction d 'instituteur ne demande ,pas seulement du savoi,r et des aptitudes, elle demande aussi une énergie· courageuse dans le labeur quotidien. Il faut du courage , au travail et un robuste vouloir à bien faire pour èontiô. nuer sans défaillance à s'instruire tout le long de sa vie· ~, et à se préserver de la routine et du mécanisme. Il en faut pour préparer chaque jour sa classe, la préparer efficacer ment, par un effort assidu d·e méditation et de recherche. Il en faut pour recommencer toujours une même tâche tou.-jours inachevée, dans des mHieux parfois décourageants:. où !"application la plus tenace ne rendJ pas. ~ semaines, des mois, des années, on doit insister sur les mêmes choses, répéter les mêmes efforts sans se laisser rebuter· ,,...par aucun échec. On croyait un progrès assuré, une notion solidement fixée dans les esprits, une habitude }?ien ancrée; et soudain l'on s'aperçoit que tout est à reprendre, que l'édifice qu'on s'imaginait résistant ·est fragile et croule. On a trop souvent à compter avec la fréquentation irrégulière, avec la légèreté des enfants, avec leur ,.\l!!i!= Qéten_çe intellectuelle, avec la lenteur des esprits, avec h disparité des intelligences dans u-ne même classe ; on a partout à compter avec les obstacles de toute nature que · rencontre l'éducation et dont elle ne triomphe pas sans· rudes peines. Et c'est p,ourquoi, si l'on veut fahe œuvr~ qui vaille, si l'on veut remplir son devoir en toute cons, cience, il y faut de la volonté et du courage. Il faut ~ 'y dépenser sans compter ni ménager trop ses forces, sans:
�avoir peur de l 'effort, sans redouter d 'cc en trop faire u ; en fait-on jamais asez ? Il faut tout ce que dit ce mot bref, un peu désuet peut-être, mais si expressif et si plein . : le zèle, le zèle laborieux et soutenu, ·1e zèle consciencieux et sincère. cc Ce qui fait la noblesse de l'éducateur, disait le Ministre dans une circulaire d'octohre 1924 s.ur les ,.:.euvres · complémentaires de l 'école, c'est qu'il se donne tout entier à ses élèves; c 'est que, sans peser en des balances trop subtiles ce qu'il leur doit et ce qu'on lui doit, il se dépense pour eux sans compter; c'est qu 'il n 'est rpas un distributeur automatique de connaissances et de recettes, mais un a,p ôtre du travail, de la vérité, de la liberlé et de la justice. » Mais cet apostolat, pour employer ce g~and mot, ne requiert pas seulement de la science ; il requiert davantage encore du labeur et de la conscience, de l'entrain et de la probité au travail ; il veut des hommes d'énergie t>t de foi, et c 'est de tout cela ensemble qu 'est faite la conscience professionnelle.
�CHAPITRE III
La neutralité scolaire
La neutralité scolaire ; sa définition. Qu'elle est un · devoir pour l'Etat éducateur et pour l'instituteur son représentant.
1. :_ Dispositions légales (1882-1886). Laïcisation dès
2. 3.
4. -
programmes, du personnel, des locaux. La neutralité de l'école ; en quoi elle consiste. Elle est un devoir pour l'Etat éducateur. Quelle est la raison d'être de L'enseignement laïque?
(E. Quinet).
5.
6. 7. -
Le devoir des maitres. Lettre de Jules Ferry aux instituteurs. (17 novembre
(1883.)
Une page de Jaurès.
1. Dispositions légales (lois de 1882 et de 1886). - Jusqu'en 1882, cc l'instruction morale et ueligieuse » figura au premier rang des matières d'enseignement obligatoires dans les écoles publiques. La loi Guizot de 1833, la première des grandes lois qui organisèrent vraiment en France un enseignement populaire, disait en son article ,p remier :
L'imslruction primaire élémentaire comprend nécessairement
! 'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les
éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.
Parmi les autorités préposées à la surveillance et à l'inspection des écoles, elle énumérait les ministres des différents cultes reconnus par l'Etat (1). Et enfin le Règle(1) Avant la loi du 9 décembre 1905 (qui a séparé les Églises de l'État), l'État français reconnaissait et subventionnait quatre ~mites : le culte catholique, le culte protestant, le culte israélite, le culte musulman (en Algérie).
. MORALE PROFESSIONNELLE.
2
�-34ment sur les brevets de, capacité inscrivait le ca téchisnie et l'histoire sainte en tête des matières sur lesquelles portaient les épreuves orales qui composaient le programme die oes exa.mens.
La loi Falloux de 1850 n'affaiblit pas oes dispositions; quand elle les modifia, ce fut plutôt pour les renforcer dans un sens anti-libéral et donner au clergé un pouvoir plus important encore sur l 'enseignein"ent. Elle disposa en particulier (art. 44) que :
Les autorités locales préposées à la surveillance et à la di. rection morale de l'enseignement primaire sont, pour chaque école, le maire, le curé, le pasteur ou le délégué du culte israélite.
Elle contenait en outre (art. 36) cette disposition que : Dans les commune-s où les différents cultes sont professés publiquement, des écolœ séparées seront é.t ablies pour les en1lainls appartenant à chacun de ce.s cultes. En vertu de cet article, renouvelé d·" ailleurs, mais en l'accentU{tnt, d'une disposition purement facultative de la loi Guizot, on vit dans une même commune s'établir et coexister une école publique catholique et une école publique protestante ,:Ou israélite). Ces dispositions légales demeurèrent en vigueur jusqu 'à la loi du 28 mars 1882 (1), qui les abrogea et fontln. comme on va le voir, un état de choses tout à fait différent. D'abord, elle laïcisa les pll'ogrammes, en effaçant de la liste des matières d'enseignement l'instruction morale et religieuse, et en y substitua.n t l ïnstruc.tion morale et civique. L'article 1°• est en effet ainsi conçu
L'enseignement primaire comprend L'instruction morale et civique ; La lecture et l'écriture ; La langue et les éléments de la littérature française La géographie, particulièrement oelle de la France;' etc ...
En second lieu, elle enleva (art. 3) aux ministre,: des 1 cultes le droit d'inspection, âe 'f>Urveillance et de < :rc:::tiün dans les écoles primaires ,publiques et privées et dans les salles d'asile, que, leur avait attribué la loi de 1b:i0 ; rlle sépara ainsi complètement, selon la formule usitée, l'école de l'église. ' En troisième lieu, et pour que ne fût portée aucune at(1) Rappelons en passant que cette loi a établi l'obligation scolaire '(de 6 à 13 ans) en même temps que la laïcité.
�-35winte aux dwits des familles, elle décida (art. 2) que : Les écoles publiques vaqueront un jour par semaine, l.!n outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donJjler, s'ils le désirent, à leurs enfants l 'instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires (c'est-à-dire en dehors de l 'école et de ses dépendances). Cet article 2 est complété ou' interprété comme suit (,'ar l 'article 5 du Règlement modèle, toujours en vigueur, de janvier 1887 : Les enfants ne pourront, sous aucun prétexte, être détournés de leurs études pendan( la durée des classes. Ils ne seront ènvoyés à l'église pour les catéchismes ou pour les exercices religieux qu'en dehors des heures de classe. L'instituteur n'est pas tenu de les y surveiller. Il n'est pas tenu davantage de les y conduire. Toutefois, pendant la semaine qui précède la première communion, l 'instituteur autorisera les élèves à quitter l 'école aux hem:es où leUJrS devoiirs religieux les a,ppe!lent à l'égli~. De son côté, l'article 3o de la loi du 9 décembre 19o5 établit que : Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 28· mars 1882, l'enseignemenb religieux ne peut être donné aux enfants de 6 à 13 ans insarits dans les écoles publiques qu'en dehors des heures de classe .
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La loi du 28 mars 1882 avait ilaï<:isé l 'enseigneme,nt Iuiimème et de cette manière établi, la neutralité de l'école. La loi organique du 3o octobre 1886, à son tour, laïcisa le pe.rsonnel de l'enseignement priµiaire .p ublic en disposant (art. 17) que : Dans les écoles .publiques de tout ordre, l 'ens.eignement est exclusivement confié à un personnel laïque.
La ubslitution d ·un personnel laïque au personnel congréganiste dut être achevée dans le délai de cinq ans pour Je .écoles' de garçons, et avant le 1•r janvier 1913 dans les éco.Jes de filles 1 1). 'tn!ln des Instructions ministérielles. d'avril r9o3 ont éclairci de la façon suivante les dispositions légales s,ur certains points qui pouvaient soit donner lieu à des dilfficultés div.erses, soit prêter· à l 'inceriitude : L'instituteur n'a ni qualité ni compétenœ pour donner, à
(1) La même loi du 30 octobre 1886 interdit aux instituteurs publics (art. 25) ,, les emplois rémunérés ou gratuits daus le service .:les cultes ». ·
�-36la place du ouré ou de son prrposé, l 'enseignement du catéchisme. n ne peut le faire répéter ni pendant les heures réglemenitaires de L 'école, qui doivent être coru;aarées intégiralement à l 'enseignement fixé par les programmes, ni dans les locaux affectés à cet enseignement. Les mêmes locaux ne peuvent servir à aucune cérémonie cultuelle. Les emblèmes religieux, de quelq'lle nature qu'ils soient (crucifix, images, stat,ues), ne doivent pas figurer dans 1,)5 locaux scolaires ... L'instituteur, usant de la liberté garantie à :tous les citoyens, libre de satisfaire, à titre privé et s 'il le juge à propos, à tous les devoirs de la religion à laquelle il appartient, ne peut participer, comme instituteur ,du fait de ses fonctions, et à la tête de ses élèves, aux manifestations extérieures du culte et notamment. aux processions, qui sont en usage dans certaines communes. En ce qui concerne les internats, les pères de famille seront toujours consultés sur la participation des enfants aux exercices du culte ; toutes facilités ~"ront données aux élèves pour se conformer sur ce point aux volontés de leurs familles sans que les études puissent en souffrir quelque détriment (Règlement du 29 décembre 1888)2. La neutralité de l'école. - 11 ressort de tous cc,; lextfs que la situation actuelle de ! 'école publique en France r~t la suivante : Elle est exclusivement séculière et 1 ï que, 8, dégagée de tout lien confessionnel, entièrement soustrnite à: la direction ou au contrôle de n'importe quelle auto.rit6 religieuse. Elle est laîque par ses programmes, elle l'est par le personnel de ses maîtres. Elle ne donne à aucun titre et en aucune manière l'enseignement religieux, elle ne renfer'me aucun emblème cultuel, elle ne fait de place à aucune pratique religieuse. Ajoutons tout de suite qu'elle n'est pas davantage anti-religieuse, - ce qui serait une forme du manquement à la neutralité, - qu'elle -est' élevée par la loi au-dessus de tout esprit de secte et de toute intolérance. • Telle est la neuiralité scolaire (1), cette neutralité que Jules Ferry eut à l'époque tant de peine à faire accepter par le Parlement, que d'aucuns aujourd'hui attaquent encore avec ,â preté, peut-être simplement parce qu'ils la connaissent mal, mais à laqueUe, dans son ensemble, l'opinion publique, d 'abord un peu émue par endroits, s 'est ·accoutumée bien vite et qu'elle tient à présent pour un droit intangible. Ne manquons pas d'observer, par respect
(1) Etymologiquement neutre signifie : ni l'un ni l'autre.
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�pour la vérité et comme un hommage de plus à cette neutralité que ses adversaires pouvaient croire sectaire et antireligieuse, que si elle est entrée par degrés et à coup, sûr dans les m:eurs, le tact, la réserve, la prudence des maitres d'alors y forent pour une large part. Répondant aux intentions et aux vŒux du ministre, ils surent faire apparaître la loi scolaire nouvelle, ainsi qu'il le leur demandait, cc non comme une loi de combat dont il faut violemment enlever le succès, mais comme une de ces grandes lois organiques qui sont destinées à vivre avec le pays, à entrer dans ses mœurs, à faire partie de son patrimoine )), et qui ne peuvent s'instituer ,p rofondément que par la modération et la sagesse dans la fermeté persévérante. L'école .primai,re peut d001e recevoi.!r les -enfants de fammes aiplpa·r tenant à toutes les conhsions religieuses, a1USSi bien que oeux. des famillles qui n'appaatiennent à aucune oonf-ession quelconque. Entre les, uns et 1leSI aJUtres, pas la moindre distinc:tion n'est faite; et rnu.l d'entre eux n'y est exposé soit à entendre UJlle pa,r ole, wit à se voir obligé à une pratique ou à un geste quri pourraient le blesser dans ses sentiments intimes de croyant ou dans son respect .p our J.es enseignements qiu'H reçoit de sa fumille. La IlJ€1\lrtrafüé devilent ainsi le irespeot infiniment scrupuleux et diéliicatJ de la conscience de tO'UiS. La situation de l'école n'est pas sans analogie sous ce rapport avec celle die ces nomlxreuses sociétés de mwtu:alilté, de spoirt, d',éitude ... qui s'interdisent sévèrement toll/te d!iscussi.œ1 politiqulel ow religieooe, qru,i ne fonL jamaiis pilaœ dans leurs statut& ni dans lieul"S assemhlées à des coosidéirations de ce g1errrre. De la sorte peuvent s'y réunir, discuter sur leurs intérêts commlllils et y fralterniser sams ani.ère-penséie des hommes que par aiUeurs séparent leUTs opinions politiques ou leurs croyances n1eiigie'l.lse,s. L'école laïquJe .est te1'le; mais c'est la Ooi qui lui a oonféré impérieusement œ caractère. Est-il besoin d'insister sur ce point que l'éèole, pas· plus qu'elle n'est religieuse, n'est anti-religieuse, malgré le reproche qui lui en a été souvent, et bien à tort, prodigué? « L'irréligion d'Etat, le fanatisme à rebours, disait Jules Ferry à ses adversaires du Sénat en 1882, nous les réprouvons autant que vous; je l'ai répété à satiét6 jusqu'à fatiguer l'une et l'autre Chambre ... » Et s'adressant aux instituteurs, dans leur Congrès pédagogique de, 1881 : cc Gardons-nous des deux fanatismes; car il y en· a deux : il y a le fanatisme religieux et le fanatisme irréligieux, et le second est aussi mauvais que le premier. Je ne sais rien
�-38de plus contraire à une véritable et libérale philosophie ; je ne vois rien de plus contraire à nos devoirs à tous vis-àvis de la foi d'autrui, qui est la chose du monde la plus sainte, même pour ceux qui ne l'ont w.s ... » Quel que soit, religieux ou ·irréligieux, le fanatisme oppresseur ou intolérant, il mérite dans tous les cas la même condamnJ.tion ; et peut-être celui qui se réclame de la liberté et de la libre-pensée est-il encore plus haïssable.
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3. Elle est un devcxir pour l'Etat· éducateur (1) . - Cette neutralité, dit le texte même de notre programme, est un devoir pour l'Etat éducateur ; il ne nou.s est pas d~fficile, ce semble, d'en comprendre à pr-ésent les raisons. La loi a décrété l'instruction .primaire obligatoire; d'où cette conséquence que l'école publique doit s'ouvrir à tous les enfants sans exception d'aucune sorte. Mais ces enfants ap~ partiennent à des familles - très différentes par leurs croyances et par leurs pro.tiques religieuses. Quel aùtre moyen d'assurer le respect de toutes les consciences, de n'en heurter aucune, de les concilier et les réconcilier même, que de laisser en dehors des programmes d'en;;;eignement tout ce qui perpêtùerait à l'intérieur de l'école les divisions éntre Français ? Institution d 'Etat, faite à l'image de l'Etat, séculière comme lui et comme lui dé·gagée de toute attache confessionnelle, l'école se tait SIH' tout ce qui peut diviser les hommes, elle exclut tout ce qui peut maintenir ou aggrav,e r leurs différends. La cohésion et l'unité de l 'Etat sera ient en péril si aux puissances de désaccord et de discorde entre les individus ne s'oppcisaient des puissances d'union capables de les contrebalancer. Les dissentiments, souvent même les haines entre, partis religieux, sont des éléments dé sécession ; l'école publique au contraire est une puissance d'union. C'est par elle, notamment (non par elle seule, mais d'abord et principalement par elle), que le groupe social propage et. enracine · dans les. esprits et dans les o'.Burs les vérités fondamentales sur lesquelles peuvent se rencontrer et se rappro· cher les citoyens qu'éloignent l'un de l'autre les dis~idences religieu·ses. Elle n'enseigne et ne répand que ce qui doit leur servir à tous indistinctement, et par là les porter à la sympathie réciproque et à la communion des es. prits : non seulement les connaissances élémentaires et les
(1) Lire dans F. PÉCAUT, L'éducation publique et la Yie nationale, les pages xr, xn et xnr de l'introduction.
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- · 39vérités scientifiques que personne ne songe à rejeter ni à discuter et qui sont nécessaires à chacun, mais les vérités non moins assurées et non moins néoessaires de la morale, sur lesquelles. mêmement tout le monde est d'a~cord. L'obéissance filiale, le devoir envers les parents, . - l'amour .du tra.vail, l'amour de la justice, le respect dû à tous J.es hommes, tous c< ces vieux préceptes que nou~ avons tous appris de nos mères et de nos pères quand nous étions enfants », disait Jules Ferry, tous ces principes incontestables et incontestés, cc la bonne, la vieille, : ·antique m.orale humaine », disait-il encore, tous ces principes, il importe à l'Etat qu'ils soient· fortement établis dans les :âmes : la .p aix sociale en dépend pour une .Jarge part. La mis~ion de l 'éco'le est justement de les· enseigner à tous les enfants, de s'appliquer à les graver au même titre dans les oœurs ; ils sont le fonds invariable de toutes les morales, en dépit des oppositions religieuses ou .méta· physiques qui séparent les h0011mes, et ils sont unive1 eUernent acceptés. L'école ne mêle ni ne juxtapose à cet enseignement de concorde et d'harmonie sociale aucun enseignement religieux, puisque ,celui-ci ,au contraire, ne serait pas accepté unanimement ; il ferait entrer dans 1~ cllaisse les dissensiOIJls quii1 doi,vient oo être bannies, qui seraient la négation même de son esprit et de sa fonction. Cette laïcisation de l'enseignement moral fut à l'époque (1881) devant le Parlement l'objet de débats ,passionnée;, dont certaines polémiques actuelles réveillent parfois encore les échos. Il serait oi,seux de !'ésumer ici les arguments que les défenseurs de la <c morale religieuse » oprposaient à Jules Fen-y, et lés arguments par lesquels celui-ci ré.futait leur thèse et obtenait enfin gain de cause. Nous rappelles rons cependant quelques paroles du min:istre ré,publicain, parne qu'elles témoignent du souci où il était d'assurér aux familles et aux enfants la pleine liberté de la consdence et combien il y voyait un devoir pour l'Etat : « Comment ! s'écriait-il, en tête d'un programme· d'enseignement obligatoire, vous placeriez un enseignement confessionnel obligatoire l Mais c'est -la négation même de la liberté de conscience! E'n vain me direz-vous qu'il ne s'agit que de quelques protestants, qui d'ailleurs peuvent trouver satisfaction dans les écoles confessionnelles, Pt d 'un très petit nombre de libres-penseurs. Me.ssielllrs, les questfons de liberté de conscience ne sont pas d€6 questions de quantité, ce sont <les questions de principe ; et, 1a liberté de conscience ne fût-elle violée que chez un seul
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�-4ocitoyen, un législateur français oo fera toujours honneur de légiférer, ne f"ût-ce que pour ce cas unique... » On est donc mal venu à prétendre que la neutralité scolaire est une violation de la liberté de conscience et une forme de la persécution rel,igieuse ; rien, nous l'avons dit, n'était plus étranger à la pensée de ses fondateurs. Mais il faut aÜer plus loin et dire : Non seulement cette neutralité de l'école ne porte atteinte chez personne aux droits de la conscienoe, mais c'est par elle seule que la liberté de conscience de tous est sauvegardée. Celle du maître d'abord, qu'on oublie quelquefois dans les controverses ou les critiques véhémentes dont la neutralité fournit le thème. Car si c'est un princ~pe essentiel de notre société moderne que tous le,s citoyens ont également acc~s aux ~onctfons publiques, il ne se peut que la fonction enseignante ne soit accessible à tous, même . à l'occasion aux incroyants. Or, quelle misère et quelle indignité s'il fallait à ceux-là, de par Ja· loi, enseigner un catéchisme que répéteraient leurs lèvres, mais que de toute la conviction de leur âme ils renieraient 1 - cc Ne prenez pas d'incrédules 1 » répliquait un sénateur à Jules Ferry qui défendait juste.ment la liberté de conscience des maîtres. Alors il _ faudrait demander compte aux candidats-instituteurs de leurs croyances religieuses et de leur culte ? . Et pourquoi ,pas à tous les candidats aux fonctiJms publiques ? Que deviendrait dans tout cela le secret de la conscience et de la oro-yance, et que devjendrait la liberté ? Celle des enfants ensuite, nous l'avons déjà: marqué, puisqu'ils n'entendent rien, ne sont jamais les témoins d'une manifestation, ne sont astreints à aucune pratique dont ils puissent se sentir trouhMs ou froissés. Ils ne sont exposés à aucune attaque, directe ou déguisée, contr.e le · culte qui est le leur, ni contre le dogme ou la doctrine que le ministre de ce culte ou leur famille elle-même leur enseigne. Ils ne reçoivent qu'un enseignement de fraternité, de tolérance, de respect envers tous leurs condisciples et envers tous leurs compatriotes sans distinction. Celle des familles enfin, puisqu'elles ont l'assurance qu'à l'école la conscience et la foi de . leurs enfants sont hors de toute atteinte, et plus encore parce que la loi leur a fourni avec lihéralité tousi les moyens de faire donner hors de l'école à ces mêmes enfants l'instruction religieuse qu'elles veulent pour eux. Cette sécularisation de l'école publique, cette cc D!)tte, claire et définitive séparation des attributions et des compé-
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tences entre l'Eglise et l'Etat sur le terrain de l'école » (J. Ferry), ce n'est qu'une des conséquences d'un grand principe posé et appliqué déjà depuis longtemps en France : la sécularisation, - la laïcisation, si l'on préfère - , de toutes les institutions civiles et de tous les services publics. La laïcis_ation de l'école n'a ,été qu'un pas de plus, très important d'ailleurs, dans cette voie. Nos miœurs et nos codes font une séparation de plus en ,plus tranchée entre le domaine de la foi et celui de la loi, entre le dœnaine de la croyance personnelle et celui de l'autoi:ité sociale ; elles n'admettent plus que la religion soit autre chose qu'une affaire privée, qu'elle soit à un titre quelconque, à un degré, quelconque, institution d'Etat. Nous avons presque peine aujourd'hui, tant nous voyons dans cette prescription de jadis une atteinte insupportable à la liberté, de conscience, nous avons presque peine à nous imaginer qu'il fut un temps où, dans les oooles normales, un règlement é,tait en vigueur (1851) ordonnant que « les jours de dimanche et de fêtes légalement reconnus, les élèves sont conduits aux offices publics par le di1'ecteur assisté des maîtres adjoints -». La neutralité nous paraît 1 pour l'école, pouT ses maîtres, pour ses é,lèves, un régime autrement tolérant et digne, autrement soucieux des droits de la conscience de tous.
oi. Quelle est la raison d'être de l'enseignement laïque ?
- Aussi bien ces vérités ne sont pas d'aujourd'hui ni d'hier ; et longtemps avant que la troisième Ré,publique et1t fondé, chez nous la neutralité de l'école, cette neutralité avait été, demandée; et justifiée par plus d'un défenseur des idées républicaines. En 1850, dans son ouvrage sur L'Enseignement du Peu;plei, et à la veille même de la loi, Falloux, Edgar Quinet écrivait un chapitre auquel il donnait ce titre : Quelle est la raison d'être de l' ensèignement laïque ?. En voici quelques fragments impartants ; le temps ne leur a rien ôté, de leur intérêt et de leur force. Ils nous aideront à mieux comprendre encore à quelles conceptions et à quels desseins ré,pond chez nous l 'institution d'un enseignement primaire sans attache confessionnelle ; ils nous aideront à mieux comprendre ce devoir · de concorde et de pacification qui est celui de l 'Etat éducateur et le nôtre. « Supposez qu'il n'y et1t d'autre enseignement moral que celui qui est distribué au nom des églises particulières ; dans ce cas, la société, actuelle ne pourrait subsister telle
�qu 'elle est. Chacun suivant rigoureusement le principe exclusif déposé dans son église, il y aurait en France d es sectes et point de nation. Le juif serait ramené au ghetto, le protestant enfermé dans ses villes de sûreté ; · Je catholique, acharné contre l'un et contre l'autre, travaillera,i t à les faire entrer dans son Eglise. Il suit de là que le principe d 'aucune des sectes qui soot reconnues ·par l'Etat n'aurait pu, en 'se développant, produire la société française telle qui',el,lre est arujoll)rd'hui, aJllia.n.oe pacifi<Jllle de toutes les croyances, de toutes les opinions, _ de toutes les, sectes dans le sein d 'une m ême nation. C'est dire que chacune de ces églises a l 'autorité d 'un système considé'rable, mais qu'aucune d'elles n'est plus le principe vital de cette sooiété. Pour qu'elle subsiste, il fa.ut que l'esprit qui l'a fuite continue de se r épandre par 1'éducation, de gélnéi-ation en génération. Là est la raison 'd 'être de l 'enseignem ent laïque sans acception d'aucun dogme particulier. Toutes les objections iront se briser contre ce fait :' Nulle église particulière n 'étant l'âme de la France, l'enseig nem ent qui doit répandre l 'âme de cette société doit être ind épendant de toute église part~ulièr_. e L 'instituteur n 'est pas seulement le répétiteur du prêtre ; il enseigne ce qu 'a ucun prêtre ne peut enseigner, l'alliance des églises d ans une même société. L'instituteur a un dogme plus universel que le prêtre, car il parle tout ensemble au catholique, au protestant, au juif, et il les fait entrer dans la même com munion civile . . .. Ce qui fait le fond de cette société, ce qui la rend po-;sible, ce qui l 'em pêch e de se décom poser, est précisément un point qui ne peut être en seigné avec la m ême autorité par aucun des cultes officiels. Cette société vit Stlr le principe de l 'amour des citoyens les uns pour les autres, indépendamment de leurs croyances. Or, dites-moi qui professera, non pas seu1em ent en paroles, ma is en action cette doctrine, qui est le pain de vie d'u mo nde moderne ? Qui enseignera a u catholique la fraternité avec le juif? Est-ce celui qui, par sa croyance mêm e, est obligé: de maudire la croyance juive ? Qui enseignera à Luther l 'am our du papiste ? Est-ce Luther ? Qui ensei• gnera au papiste l 'am our <le Luther ? Est-ce le ~pe ? Il faut pourtant que ces trois ou quatre mondes, dont la foi e, t de s'exécr,er mutuellemnt, soient réunis dans une m êm.e am itié. Qui fera ce miracle ? Qui réunira trois ennemis· acharnés irréconciliabl es ? Evidemment un .principe ~upériem. et 'plus universel. Ce r rincipe, qui n'est · eelui
�-43 d'aucune églirse, voilà la pierre de fondation de l'enseigriement laïque... · >> Que changer et . qu'ajouter à ce plaidoyer pour l'école laïque ?
5. L'e devoir deis maitres. - Cela étant, le devoir des maitres est simpfo, facile à préciser: il est dans le respect loyal et scrupuleux de la neutralité de l'école et de l'enseignement. cc Le maitre, disaiènt les Instruc.tions de 1887 et répètent celles de 1923, le maitre devra éviter comme une mauvais'e action tout ce qui, dans son langage ou dans son attitude, blesserait les croyances religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porterait le trouble dans leur esprit, tQut ce qlri tr!).hirait de sa part envers une opinion quelconque un manque de respect.ou de réserve. » C'est au premier chef une obligation légale, sur laquelle auc~ne équivoque n 'est possible : l'école ne peut être, par la volonté, de l'instituteur, autre que ne l'a faite la loi ; elle ne peut être ouverte à une propagande ou à des manifestations qui seraient contraires à la neutralité, ; elle. peut moins encore entendre des paroles. sectaires ou intolérantes alors que la loi en a fait une institution de paix civile et de fraternité, nationale. Nul ne songe ni n 'oserait songer, certes, à d bnier à l'instituteur le droit d'être à son gré catholique, protestant, israélite, libre-penseur, etc. ; pour tous les citoyens, ce droit est de tous le plus sacré. Mais dans sa classe, il n'est plus le croyant ou l'incroyant, le fidèle d'un dogme: ou d 'un culte : il est l'éducateur impartial, dont les préffu-ences personnelles ne doivent pas se donner carrière ; il ne représente que l 'Etat neutre, au-dessus de toutes les sectes et a. tous les partis ; il est tenu par conséquent à une attitude tQIU/1lei pleine de r ése~1et de précautions. Que cette attitude lu,i .soit parfois difficile, pé,nihle même, qui le nierait ? Elle est la seule _ ourtant qui soit p droite autant _ ue digne, et il doit s'y renfermer avec ferq meté,, avec probité aussi. Qu'il prenne garde : la limite est fragile , elle e,st indistincte et mobile entre ce qui es~ permis et ce qui est défendu ; il n'est pas de règle sûre et commode qui ,p ermette d'établir le départ entre l'un et l'autre, et c'est là qu 'est l'écueii!l. Une oonviytion, une !foi ardente se font ais-éimen,t rombatives, et il ne faut qu 'y céder par une pente naturelle pour glisser à un enseignement tendancieux ou à un pro· sélytisme suspect. Il suffit , dans les paroles qui touchent à certains sujets délicats, d'un peu d'inattention ou d'er-
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�-44traînement immodéré pour sortir de celle réserve dont on ne doit jamais se départir en présence des enfants. Que par un mal,encontreux excès de zèle, religie1,1x ou laïque, une maîtresse très pieuse (c'est son droit) porte ostensiblement au corsage pendant la classe un insigne de piété, qu 'un instituteur qui professe l'athéisme (c'est son droit aussi) se permette de illâcheuses intempérances de langage en parlant des r eligions ou, de leurs rites, ce sont là des fautes, des manquements à la neutralité, des manquements à une forme légale du devoir professionnel ; des fautes aussi contre le goût et la parfaite raison . Le devoir strict, c 'est d e n e rien dire, de ne rien faire qui !Puisse alarmer ou inquiéter à bon droit les c onsciences des enfants ou des familles ; c'est de ne pas se permettre un mot, une allusion, un geste qui puisse être de bonne foi interprété comme une manifestation pour ou contre une Eglise oru un culte. C'est le devoir strict, et il faut s 'y tenir strictement, parce que là est la sagesse et que de cette sagesse est fait le succès de l 'école. Il ne s'agit pas d'invoquer la. vérité et la science ___, un ignorant ou un m al-adroit sont les premiers à les invoquer en par eil cas - pour décrier ou condamner des c.royances qui. par leur nature m ême échappent à la science et qui , en fussent-elles justiciables, en récuseraient la juridiction . Cette prétention d 'apparence scientifique prête trop à' la fac ile raillerie ; gardons-nous bien d'y tomber et disons-nous que nous n 'avons - as qualité pouir argup m enter « scientifiquement » contre ou pour les croyances r eligieuses. Sans compter que l'école prima.ire n 'est pas une enceinte où puissent, entre maître et enfants, s 'instituer d es discussions ou se m esurer des doctrines qui ne sont ni dans ses pr ogrammes n'i dans ses rrioyens . Apportons à notre classe plus de hauteur de vues, de largeur d'esprit et de sincère tolérance . · Peut-être est-ce moins encore les choses m êmes que T'on dit que la ma nière dont elles sont d- tes qui peut inq:uiéter i Iles consci,enoes, tirois.ser 1 élèves et les parents ; ce ne sont ~ pas tant les affirmations ou les critiques que la brutalité ou la violence du langage d·a ns lequel elles s'expriment ; c'est m oins en certains cas l'audace de la pensée grue la forme tranchante et absolue ·dont cette pensée s'enveloppe. La r éserve qui s'impose dans le,s idées et les affirmations s'impose donc bien da,v antage encore dans les paroles. C'est là surtout qu 'il faut du tact et de la m esure, c 'est là qu'il faut évit.er d 'être offensant e t agr essif, c'est là qu'il fau_ t savoir adoucir, m odérer , nuancei: ; partout et toujours il
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�-45 faut de la ,pondération e_ du tact, saœ un mot qui soit t jamais irritant ni discourtois. C'est assez dire combien il faut surveiller son langage et en être maitre. Et ce que nous disons des choses de la religion, nous le dirons sans ambages des ·choses de la politique ; car là aussi il y a matière à intolérance ou à maladresse. Réclamons d 'abord pour l'école nationale le droit de vivre dans l'air de la vie présente, comme disait Félix Pécaut, donnons-lui pour devoir, selon la parole d 'un ancien m;nistre, d 'enseigner la démocratie et la République. Mais que ce ne soit pas aux dépens de la vérité et ài grand renfort de mots empruntés au vocabulaire des réunions - ubliques. Il ne p faudrait pas, sous couleur de préparer à la France des générations républicaines, falsifier l'histoire et ne pas rendre à chaque époque et à chaque régime la justice qui lui est due. Nous devons à nos élèves la vérité, dans toute la mesure, bien entendu, et sous la forme où elle leur est accessible (une certaine vérité n 'est pas faite pour eux) ; nous ne pouvons pas, selon notre bon plaisir et dans une intention même louable de propagande, faire le silence sur des événements gui ne serviraient pas notre dessein ét enseigner ainsi le mensonge. Et ce tact, cette réserve que nous demandions tout à l 'heure quand on risque d 'effleurer les choses de la religion, ne les demandoru; pas avec moins d'insistance quand on risque d'aborder les choses de la politique : il ne faut pe.s que nos élèves puissent entendre et rapporter dans leurs familles des paroles d éplacées, qui seraient pour leurs propres opinions une insulte ou une réprobation. La véritable victime, quand un instituteur manque à ce devoir de neutralité et déchaîne des campagnes même injustes, ce n'est pas lui seul, c'est l'école publique tout entière, c'est l'école laïque, que la faute de l 'un des siens expose à l'animadversion et au discrédit. Les amis trop zélés sont parfois de bien dangereux amis ! rous voulons préparer à la République des r épublicains, faire grandir nos élèves dans des idée~ modernes ; personne ne pourra nous en blâmer. Mais le gage le plus certain d'un succès durable dans cette éducation du civisme, ce n'est· pas l'intervention de la politique dans les ~nseignem en ts de l'école ; elle n'y a pas sa place, elle y fausserait tout-. Le vrai garant du succès est -tout autre : c'est une classe toujours bien faite, c'est une éducation intellectuelle bien conduite qui ouvre lesi esprits, qui, habitue à comprendre, à voir clair, à se rendre compta, une éducation
�-46qui fusse vivre les enfants dans le !Présent, avec leur temps. Des enfants ainsi, débrouillés ne seront. guère enclins à tourner leurs regards vers un .passé mort ; ils ne consentiront guère non plU5 à croire le progrès pour les nations soit une course immodérée vers l'abîme, par une rupture violente avec ce même passé.
que
6. Lettre de Jules Ferry aux instituteurs (17 novenlibre 1883). - En novembre 1883, au moment où venait de s''ouvrir la seconde année d 'application de la loi du 28 mars 1882, Jules Ferry, alorrs ministre de l'Instruction ,publiq'lle, adressa à tous les instituteurs de France une lettre demeurée avec raison célèbre. ·n essayait d 'y « bien fixer le
caractère et l 'objet du nouvel enseignement », celui de la morale, et en même temps il se proposait d 'indiquer aux maitres, ainsi qu'il le disait dans une autre circulaire destinée aux recteurs, « les mesures à prendre et les efforts à faire pour mettre la neutralité religieuse dans son vrai jour et à l'abri de toute atteinte. » Nous donnons ici les parties principales de cette longue lettre ; elles n'ont pas vieilli. « La loi du 28 mars 1882 se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d 'une part, elle met en dehors diu programme obiliigatoiire l 'enseignement de tout dogme, particulier ; d'auitre part, elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique. L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'église, l'instruction morale à l'école- Le législateur n'a donc ,p as entendu faire une •::euvre purement négatjve. Sans doute il a eu pour tPremier objet de séparer l'école de l'église, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l'aveu de tous. Mais il y a, autre chose dans la loi du 28 mars : elle af.firme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur' les notions du devoir et du 'd roit que lé législateur n'hésite pa,s ~ inscrire au nombre des pre-· rriières vérités. que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation. c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant d,e l 'en-. sei,g nement religieux, on n'a pas ,s ongé à ·V~us décharger de l'enseignement moral : c.'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru
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lout naturel que ! 'instituteur, ·en même temps qu ïl apprend a-ux entants à lire et à écrire, le ur enseigne au.ssi ces règles élémentaires d~ la vie morale. qui ne sont pas !flOins universellement acceptées q;ue celles du langage ou du calcul. ... Votre rôle, 'en matière d'éducation moPale, e:st très limité. Vous n 'avez à enseigner, à proprement parler, rien de nouveau, rien qui ne vous soit familier comme à tous les honnêtes gens. Et quand on vous parle de mission et d 'apostolat, vous n 'allez pas vous y mé!prendre : vous n 'êtes porint l 'apôtre d 'Ulll nouvel EYa.ngifte; le législateur n'a voulu faire de vous ni un philOSOlphe ni un théologien improvisé. Il ne vous demande 1·ien qu'on ne puisse demander à tout homme de o~.ur et de sens. Il est imposible que vous voyiez chaque jour tous ces enfants qui se pressent autour de vous, écoutant vos leçons, Olbservant âge où votre conduite, s 'inspirant de vos exemples, à l '1 l'esprit s'éveille, où le oœur, s'ouvre, où 1a mémoire s'enrichit, sans que l 'idœ vous vienne all6Sitôt de profiter de cette docilité,, de cette confianœ, pour leur transmettre, avec les connaissances scolaires proprement dites, les principes mêmes de la morale, j 'entends simplement cette bonne et antique morale q;ue nous avons reçue· de nos pères, et que nous nous honorons tous de suivre dans les relations de la vie, sans nous mettre oo peine d 'en discutm les bases philosophiques. · Vous êtes l'auxiliaire et, à certains égards, le suppléant du J)€re de famille; parlez donc à son enfant comme vous voudriez que l'on parliât au vôtre : avec force et aU1torité, toutes les foiiS qu'il s'agit d'une vérité incontestée, d 'un préœpte de la morale commune ; avec 1a plus grande réserve, dès que vous risq1rez d 'effleureP un sentiment religieux. dont vous n'êtes pas juge. Si parfois vous · étiez embarrassé pour savoir jusqu'où il vous est permis d'aller dans votre enseignemep.t moral, voici une règle .pratique à laquielle vous pOUII'rez vous tenir. Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, ,demandez-vous. s'il s.e trouve à votre connaissance un seuil honnête homm:e qulÎ puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un père de famille, je dis un .seuJ., présent à votre c.Jasse et ,•ous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son· assentinrent. à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, ab.stenezvous de le dire ; sinon, parlez haroiment : car ce que vous allez communiquer .à· l'enf111nt, c-e n'est .p as votre
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�-48propre sagesse, c ·est la sagesse du genre humain, c'est une de ces idées d ·ofdre universel que plusieurrs sièoles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l 'hurmanité. Si étroit que vous semble peui-être un cercle d'action ainsi tracé, faites-vous un devoir d 'honneur de n 'en jamais sortir, restez en deçà de cette limite plutôt que de vous exposer à là franchir ; vous ne toucherez jamais avec. trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée, qui est la conscience de l'enfant ... » Voilà de sal,utaires conseils pleins de dignité et de sagesse, avec une règle exce1lente. Sera-t-il permis d'en dire toutefois que cette règle n'enferme pas la solution définitive du problème, et qu'elle n 'est pas un critérium infaillible ; car elle implique une définition préalable de l'honnête -homme et de la bonne foi, qui, à son tooc, ne serait pas chose aisée et hors de toute discussion. De bonne foi , un honnête homme peut avoir la vue courte et l'esprit borné ; i.J peut penser à faux, être égaré par le préjugé ou l'ignorance, le parti pris ou le fanatisme : son jugement alors règlera-t-il notre parole et notre enseignement ? Mais si dans sa formule littérale la règle que proposait Jules Ferry n'échappe pas entièrement à la critique, iI ne convient pas moins d 'en retenir l'esprit et de s'en pénétrer ; ainsi pourront être évités les écarts de pensée et de langage qui ont de çà de là échappé parfois à quelques maîtres et qu,i fwent également maladroits et regrettables. Une fois de plus donc, et ce ne sera pas la dernière sans doute, recommandons surtout une grande modération dans le langage, qui doit répudier, lorsqu'il en vient à toucher quelque point délicat ou su1et aux dissentiments, toute expression d 'allure offensante ou brutale et toute affir. mation tranchante. Les intempéran~ et les violences de la parole sont souvent plus à craindre et sont plus pernicieuses que iles emportements de la pensée.
7. Une page dei Jaurès. - Si étendu que soit d~à cechapitre et si abondantes qu 'y soient les citations, nousen donnerons pourtant une encore, po'll!r tout ce qu'eHe a· de loyal, de haut et de noble. II y est fait allusion à un long débat qui eut lieu en janvier 1910 à la Chambre des: député's sur la neutralité scolaire et la mise à l'index par· l'épiscopat français d'un certain nombre de manuels scolaires ; c'est à' ce propos que Jaurès écrivit l'article dont nous transcrivons un fragment. « ... Mais le conflit même qui s'est produit, en obli-
�-49geant tous les esprits sincères à réfléchir sur les conditionsd 'une saine éducation populaire., obligera tous les éducateurs à éliminer de l 'enseignement tout ce · qui est polémique étroite et aiguë, dénigrement systmnatique de telleou tehle période, de l'histoire. L'école la,ï que doit enseigne1' fortement, ardemment- la science, la raison, la démooraL'ie, le droitt de toutes les personnes et de toutes lescroyances au respect des libres esprits. Elle le peut sans abaisser le passé, sans flatter le pr-ésent. Il y a dans plusieurs de nos manuels un optimisme un peu subalterne, une habitude de juger trop complaisamment les chose'> présentes. Certes, j'admire et j'aime notre temps : je sais quels prodigieux et nobles efforts l 'ont préparé et jr sais quelles riches semences d'avenir il contient. Mais· quand je lis que dans le passé tout était misère et oppression, que tout aujourd'hui est liberté, lumière et bonheur, je m'inquiète de ces formules outrées, et je songe au . grand effort de nos aïeux sous l'ancienne France ; je songe à l'énorme masse d 'iniquités, de misères et d'ignorances qui pèse encore sur nous et que l'effort ùe l'avenir doit soulever. De même, il serait à la fois abusif et puéril d 'obliger les instituteurs à trepéteT sùr D.ieu et l 'lâme des formules mécaniques auxquelles ils ne donneraient leur assentiment que du bout des lèvres : mais c'est leur d~voir, même au point de vue scientifique et ration!lliste, de n~ pas laisser entendre aux enfants que par la découverte de quelques lois physiques OUJ chimiques Je mystère du monde est épuisé. Le monde et la vie posent à l'homme de formidables problèmes, dont il a cherché la rnlution par l'effort tragique de toutes ses religions, de toutes ses phi· losophies. L'instituteur ne doit pas, il ne peut pas proposer aux enfu.nts des soluti'Ons toutes faites de ces problrmes. Mais il doit, dans la façon même dont 'il enseignera l'histoire et la science, les habituer à considérer avec gravité, avec une haute éllll'o tion, les questions d'ensemble . 1'e s questions totales, que plus tard, dans leur -expérience de la vie et avec leur pensée plu~ forte , ils. essaieront d~ résoudre librement. selon les inspirations de telJe ou telle doctrine, de te11e ou telJe · croyance. C'est là la vraie liberté de l'esprit (1) >r
(1) La Dép~che de Toulouse, 28 janvier 1910.
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CHAPITRE IV
Autre Devoir. de, l'État éducateur
Il ne doit rien enseigner qui soit contraire à ses propres principes juridiques et moraux. Accepter d'être instltuteur,c'est accepter cette restriction à la liberté d'opinion.
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7. -
Quels sont ces principes ? Exemples. Comment entendre la liberté d' opinion. L e maître ne peut enseigner et propager ses croyances personnelles. P eut-il objecter qu' il travaille pour l'avenir? Faut-il s'en tenir à l'admiration du présent ? L 'esprit général de l' enseignem ent. _ . L e savoir et l' esprit critique chez l'inslilutèur.
1. Quels sont ces principes ? Exemples. - C '-est ici un sujet délicat, pTesqu,e périlleux, parce qu 'il se lie de près à la politiqu,e militan te et à des questions :à'Prem ent dé.battues ; un suj-et q ui a suscité d e b ruyantes querelles, aljmentié des polémiques retentissantes -e't_ passionné-es . Nous l 'aborderoos sans bia iser, nous efforçant seulement de bi-en compr-endre ce dont il s'agit et d 'y apporter la plus entière indépendance de la pensée. Nous n'au rons pas peur des mots, ma is nous nous défendrons de céd er à leur prestig,e ; nous n 'aurons ~as peur d,es idé-es, mais nous Jl 'abdiquerons pas devant elles la liber té de la critique et du jugem ent. Nous ferons à tout le m oins tout notre possîble pour n 'avoir d'autr.es guid-es et d 'autres règles .que la raison et la vérité. : De quoi s'agit-il tout d 'abord ? L'Etat éducateur - il l 'est par l 'intermédiaire des maîtr es qu'il coinm~t au soin de bien instruire et de bièn él-ev-er les enfants - n e doit ;rien ense,igner, nous dit-on , qui soit contr~ire à ses propres
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principes juridiques et moTaux. Ces principes, il n'est pas: malaisé de les découvrir et de les analyser : la Déc1aration des dioits de 1789 les énumère tout au long ; et ceux qu'elle n'énonce pas explicitement, l'esprit géné,tal de nos codeS' et de nos institutions les révèle sans effort. Par exemple, c'est un des principes fondamentaux de not• société re moderne que ·cette laïcité des pouvoirs publics dont nous avons parlé au chapitre precédent. Il saute aux yeux q;ue si, dans les écoles où l'on enseigne au nom de l'Etat et en son lieu et place, on professait par impossible que la liberté de conscience est un cc délire » et que l'Etat n'a pas à l'asSIUll',elI', ou qu'il est wtile quie la !religion catholique SOIÎI considérée comme l'unique religion d'Etat à l'exclusion de toutes les autres (1), un tel enseignement saperait pair · la base un des principes essentiels sur lesquels. est blâtie notre société contemporaine. Celle-ci travaillerait de la: sorte à sa propre ruine. On comprend sans autre insistance que l 'instituteur qui hasarderait des leçons aus.si étranges n'aurait pas le droit de demeurer un instant de plus dans l'enseignement public ; il y aurait incompatibilité totale entre son devoir légal d'éducateur et ces mianifestations de son opiniçm personnelle comme citoyen. C'est aussi un des principes essentiels de notre droit public et de notre organisation saciaile, qUJe l'autorité souve, raine en France appartient au suffrage universel régulièrement et librement consulté,. Par cela même est mis hors la loi tout appel à la violence, toute dictature, tout coup d'Etat, tout coup de force, sous quelque nom qu'il se déguise et au profit de quelque individu ou de quelque parti qu'il s'accomplisse. LàJ est la vérité légale, et là aussi est la vo.Jonté commune. Si donc ·un instituteurr se révélait dans sa classe partisan de la guerre civile ou de la révolte, s'il s'y faisait l'apologiste de la violence et du mépris de la loi, ce désaccord entre son devoir et son attitude serait de la plus haute gravité et ne lui permettrait pas de continuer sa fonction d'instituteur national. Veut-on d'autres exemples encore ? Il existe chez nous, et ·c'es~ 'un des fdnd~ments solides de notre société, une certaine organisation _ e la famille, organisation "à la fois d juridique et morale, que consacre la Joi, que soutiennent fortement les mt::eurs et ·les traditions. S'imagine-t-on un institurteu,r oUJ UJ11e ·institutrice, quo, a ll~"U'ant. que l 'in.stfüi,
(1) Nous citons ici soit ")'Encyclique de 1832, soit le Syllabus (proposition 7'J).
�-52tion familiale est en voie d 'évolution et poussant aux dernières limites la théorie des « droits de l'enfant » ou du .droit naturel de chaque être humain à la liberté, dénierait aux parnnts leur autorité traditionnelle, prêcherait aux enfants l 'indépendance au lieu de l'obéissance farruiliale ? Qu'on ne se récrie pas trop qu'un tel exemple est à mille lieues de toute vraisemblance. Contentons-nous d'affirmer qu 'il est extrêmement rare et que, selon toutes probabilités, il n'est pas le fait d 'un père ou d'une mère de famille .ayant le sens et la conscienoe de leurs devoirs.. Soit encore lé fait de la propriété. Que le drnit dont il s'agit ne soit pas, ne puisse pas être absolu, tout le monde le concède plus ou moins ; qu'il ait changé à travers lës temps, qu'il soit appelé à se modifier encore dans l'avenir, .c ·est un point aussi qui ne saurait être sérieusement contesté. Toujours est-il que la vie civile actuelle est fondée sur la propriété, et que ce droit « inviolable et sacre » a chez nous des formes que la loi détermine et garantit. C'est bien là un des p,rincipes fondamentaux de notre société :1.ctuelle. Concevrait-on alors qu'un maître, enseignant au nom de cette société, se déclariât, en classe, l'adversaire de la propriélié privée et - à tort ou à raison, ce point n'est pas en cause, et nous n 'avons pas à discuter ic.i de doctrines sociaJes - prônât à ses élèv~, par exemple, le retour à la collectivité de tous les biens ? Ce serait, si .:,n ] 'écoutait, toute la structure sociale jetée à bas. Et combhm d e parnnts dans la commune, combien d 'enfants même supporteraient à l'-école une propagande de cet ordre et l 'étalage de théories aussi osée5, se prétendissent-elles avant-courrières de l'avenir ? Nous nous aidons d'exemples simples, simplistes même et. d'autant plus frappants. Les choses, noos le verrons par la suite, n'ont peut-être pas toujours cette simplicité crue et peuvent prêter il la Cf)l) trovcrse ; miiis on "aisit par ces exemples la signification générnle ou la portée du sommaire placé en tête de -cette leç,)::1 et dans l'examen duquel il s'agit maintenant d'entrer.
2. Comment entendre la liberté ,!l'opinion. - Il fa.ut d'abord prévenir ou dissiper une équivoque possible qui empêcherait toute clarté ; nous ne la signalons du reste que. pour avoir vu plus d'un y tomber, peut-être un peu à l'étourdie. Elle réside dans les termes : :restriction à la liberté d'opinion. Il ne s'agit en auoune manière et il ne saurait en aucune manière être question d'interdire aux
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maîtres de professer dans leur for intérieur, p.ans 1ïmpénétrable secret de leur .pensée et de leur conscience, telles opinions et telles doctrines qu'il leur se~hle bon. Cet asile mystétieux: de la vie intime est dérobé à tou~ ; nul n'y peut donc régenter à son gré les démarches de l'esprit ou la croissance des sentiments. L'empire de la loi ne saurait par conséquent s'y étendre. Il n'y a pas de règlements, qui puissent me défend!'e de penser silencieusement, à part moi, et de croire avec la conviction la plus sincère que la forme républicaine est une forme détestabîe qe gouvernement ou que la souveraineté nationale est une aberration. Mais il en va autrement lors.que la croyance qui s 'est ainsi élaborée et enracinée dans les profondeurs lointaines de la conscience s'exprime en paroles, en attitudes et en actes. Nous le disions il y a un instant : il s,erait intolérable qu'un instituteur public alliât ouvertement dans sa classe à l'encontre des principes qui sont à la base même de nos institutions sociales et de notre organisation politique. Aucun parti au pouvoir, aucun gouvernement ne tolérerait des écarts semblabl&s, et il aurait l'opinion publique avec lui. Il faut opter en pareil cas entre sa fonction et son droit à la libre parole ; le bon sens le ~eut ainsi. Pourquoi ? nous l'avons indiqué d&jà : c'est au nom de l'Etat, c'est-à-dire de la nation et pour la nation, que l 'instituteur instruit et enseigne ; au nom de l'Etat il a pour office et pour devoir de former les esprits et les consciences ; de l'Etat il tient son autorité légale en même ~mps que des programmes, un horaire, une organisation pédagogique. Par lui, maître et fonctionnaire .public, c'est donc l'Etat qui s'enseigne lui-même. Or cet Etat .p eut-il se renier, peut-il s,e faire son propre destructeur ? L'éducation que donnent en son nom les maîtres à qui par lui ce soin a été délégué ne peut battre en brèche ses principes - fondamentaux ; sinon nous aboutirions à cette absurdjté que lui-même se ferait sciemment prêcheur et fauteur de discorde nationale et de troubles civils ; il se tournerait contre lui-même et travaillerait à s 'abattre. . Un groupement, restreint ou vaste, et notamment un groupement national, ne se maintient que par une suffisante communauté: de sentiments et d'idées qui domine et fasse taire tous les dissentiments entre les particuliers ou les partis. Comment cette communauté spirituelle et morale pourrait-elle se réaliser en dehors des idées ou des principes qui servent d'assiette à la société, même et en a surent ainsi la durée ? Une sodété n'existe et ne dure
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que par son st.atut , tant que ce statut subsiste et que la majorité y est attaehée, l'enseignement chargé de répandre l ',§me de la société, comme disait Quinet, ne peut qu 'en être le serviteur ponctuel. Certes il n 'est pas de doctrine d 'Etal ; il n ·y a pas u •H! croyance officielle, un dogme otficiel, uue philosophie offi ci elle, qu 'il serait prescrit aux maîtres d ·enseign er commP, la seule vraie et la seule orthodoixe. l\'1ais i/l, y a d es prngrammes et des règlements, qioo la loi régUil~èrn a éitablis et auxquels elle communique son autorité,; il y a une neutralité obligG.toire ; il y a un certain esprit général de l'enseignement que les débats dans le Parlem~nt, que les circuhires et les instructions ministérielles dégagent et fom1ul ent avec assez de précision pour que nul n e pws.se sincère ment s'y méprendre. Par tout cela, en définitive, c'est la nation elle-m·ême qui manifeste sa volonté, qui exprim e ses aspirations et ses besoins. L'instituteur n 'en est que le serviteur fidèle et loyal.
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3. Le maitre, ne peut enseigner et propager ses croyances personneiiles. - Mais si sa conviction. intime est autre, s ïl n'adhère pas de toute sa pensée et ·d e toute sa foi à ces
principes qu'il a pour tâohe non seulemerlt de rnspecter dans son ensignement, mais encore de mettre à la portée des enfants, puisque les programmes comportent des leçons d 'instruction civique? Si, ploo enoore, iJ honnit tel ou e tel de ces princi,p es et en - st l 'adversaire déclàré, devra-t- il néanmoins l'enseigner, le faire aimer ? · Imaginons, si vous le voule~. un instituteur qui ne so it pas républicain ; c'est son droit de citoyen, et nou ne lui en ferons pas grief. La conscience de chacun est ch ose sacrée ; nul ne nous doit compte de Il!, doctrine qu ' il ,révère dans le fond de son âme et qu 'au surplus nous ne sommes jamais sûrs de connaître. Mais nous sommes en -droit d ·exiger de cet instituteur, e t de l'ieocige.r aiu nom de la loi , que sa croyance personnelle d 'homme n 'altère pas l 'enseignem ént que le maître impartial doit donner. Oh ! . nous ne dirons pas avec certains : « La République le paie, il doit la servir. >> Ce n 'est pas, il s'en faut, un e questio·rt seule de gros sous qui est e n cause i-ci ; les raisdns pécuniaire:, ne sont pas du tout souveraines en de pareils débats, et la 'conscience n'ést pas au service d'un traitement m ensuel. Voiçi qui nous semble autrement important : · Cet instituteur connaissait d 'avance ou tout au moins a très vite connu les programmes qu 'il a charge d 'enseicrn<.1 r
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et Jes règles principales qui doivent légalement diriger son activité prolessionnelle. li sait par exemple qu ïl lui est deiùandé de donner un enseignement civique, ou bien eücore qu 'il est tenUI à la neutralité ; la loi lui en tait un devoir. Ou il doit e contormer à la loi et alors, quelle que soit sa conviction profonde, son attitude extérieure est corr,ecte ·e t il pratique un loyalisnie n,écessaire ; ou il doit renoncer à sa fonction, si la loi lui semble inacceptable e; s'il se reluse à l'accepter. Mais se mettre en révolte contre -1a loi et par conséquent saboter ou déformer le travail auquel il a librement consenti à s 'astreindre, serait une faute protessionnelle très gravement répréhensible, chez lui :,urtour qui doit apprendre aux enfants le re pect scrupuleux de la loi. . On dira : une troisième solution est pos.slble, à <sarnir faire modifier la, loi. D ·accord, et agir dans ce sens est bien son droit aussi. Mais en attendant que le législateur l'ait changée, elle est, donc elle doit être obéie. Et quant à J 'actiqn qu 'il faut entreprendre et souteni,r, pour la faire réformer, ce n ·est pas, du tout dans le milieu scolaire qu 'il est licite de l'exercer : l'école n'est pas faite pour ce rôle, et les familles ne s ·y prêteraient pa plus que les l'èglernent eux-mêmes. Une propagande de cette espèce leur inspirerait vite une défiance motivée et soulèverait leur énergique protestation ; elles ei:ivoient leurs enf~nts à J école pour qu 'on les y instruise, pour qu 'on s'y app~ique à les former au bien , non pour qu'on les catéchise dans quelque sens que ce soit. Ce soin leur appartient à elles · seules, au même titre que Je soin de l'instruction religieuse. Dans le chapitre qui précède celui-ci, nous avo.Qs dit assez pour n'avoir point à y revenir que la neutralité scolaire 'étend au-delà du domaine religieux dans le domaine .poli. tique, et que sur ce terrain elle n'est ni moins obligatoire ni moins digne d ·attention et de vigilance. L ' hypothèse dans laquelle nous venons de nous placer : un in tituteur anti-républicain, est sans doute peu vrai~ semblable ; encore ne fé\ut-il pas l 'exclure comme impos. sible. En voici maintenant une autre tout opposée et dont il s'est vu des exemples : un instituteur <c extrémiste )), comme on dit vo-lontiers dans la langue politique d'aujourd'hui. 1e·s choses en seraient-elles changées pou:r cela ? Pa le moins du monde ; en présenée de quelque opinion qu ·on se trouve, la loi est toujours lil, même et t~ujours impérative, et le devoir demeure imariable. L'école .ne doit s'ouvrir à aucune propagande, à aucun prosélytisme ; elle
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n 'est pas créée pour cela, il ne faut pas se la1,ser de le.dire et de ie ,redire, et la volonté des familles y mettrait obstac.le, le cas échéant. Qu'elle soit républicaine, et par là « conforme aux principes juridiques et moraux » d'où procède toute l'institu~on sociale, nous nous en sommes expliqués dans une leçon précédente et nous sommes d'accord en cela avec l'opinion publique. Mais qu'elle prenne ouvertement parti pour telle ou telle fraction de l'opinion républicaine, la plus tiède comme la plus avancée, celle qui est momentanément au pouvoir comme celle qui est dans l'opposition, nul ne pour.ra l'admettre 1µ1 seul instant. Ce serait y introduire les dissensions entre partis, alors que la nation la ,veut, avec la loi, pacificatrice et créatrice de ·concorde ; ce serait y manquer à la neutralit~ et à l'union. La pression ainsi exercée sur les consciences d'enfants serait une véritable violation de ces consciences et un abus de pouvoir spirituel : ne sont-elles pas désarmées et toutes passives en face du maître qui leur impose sa croyance bu sa doctrine ? A ce titre, nous la proscrivons déjà énergiquement. Pas plus que je ne reconnais à un prêtre le droit d'enseigner malgré moi le catéchisme à _ mon enfant, je ne reconnais à un instituteur le droit de lui enseigner un catéchisme politique, de l'enrégimenter malgré lui et malgré moi dans tel ou tel parti. Qu 'il se borne à lui faire étudier le programme officiel, qu'il lui apprenne les connaissances positives et précises sur lesquelles porte ce programme et qui ne !)ont pas contestables, qu'il lui enseigne les vérltés morales 2 uxquelles se rallient tous les hommes : je ne lui permets pas d'aller plus loin, et en cela j'ai la loi pour moi. Je ne lui reconnais pas le droit de communiquer à mon enfant, comme étant la vérité objective, ses propres préférences politiques ou ses opinions personnelles.
4. Peut-il objecter qu'il travatlle pour l'avenir 7 - On objectera, et nous ne donnons l'objection que pour l'avoir entendue : mais si ces « avancés » sont dans le sens de l'évolution, si leurs idées sont c-elles de l'avenir, s'ils sont les vrais artisans du progrès ? Etrange fatuité, ou orgueilleuse présomption. Qui donc a don de prophétie et peut prédire l'avenir ? Qui donc peut se flatter de détenir dans sa pensée la vérité future, et œe affirm€fl' qu 'a,ultour d.e liU:i tout le monde se trompe ? La science el'le-même, malgré la certitude de ses données et la rigueur de ses mAfhodes, ne s'aventure pas dans une voie aussi téméraire ; elle ne pré-tena pas savoir de quoi demain sera fait. Serait-..:e que la
�poiitique ou la science sociale est plus assurée dans ses conjectures et plus affermie dans ses prooictions ? Assurément toutes choses changent ; nous ajouterons même que nos effo1ts n'aident pas peu à ce changement. Mais dans quels chemins elles s'engagent, ne nous flattons pas de le savoir de science certaine. Cest assez déjà d'avoir -à faire comprendre à l'enfant, autrement que par une formule toute verbale, que le présent est différent du passé, que l'avenir sans doute ne ressemblera pas au présent où nous sommes, c'est assez, disons-nous, sans vouloir se risquer plus avant et prévoir devant lui, surtout dans les institutions politi · ques et sociales, les différences probables ... et inconnues entre le présent et cet avenir. Ces anticipations aventureuses ne sont pas de celles où son esprit d'enfant puisse se hasarde_ sans dommage: Il ignore tout de la vie sociale, r de son vaste et complexe mécanisme ; qu'il attende d'avoir grandi avant d'essayer d'y voir un .p eu clair et de songer à imaginer ou même à comprendre un avenir hypothétique. Et puis enfin, pour en revenir toujours à une raison de bon sens, la fonction de l'école n'est pas celle-là. Elle apiPrend à lire et à écrire ; elle enseigne selon un programme .fixé des connaissances ·sûres, précises, incontestées ; elle meuble, la mémoire d'un savoir utile, abondant s'il se peut ; elle donne un enseignement moral et civique qui ne prête à aucune critique ni à aucune contestation, parce qu'accepté par tous ; et avec cela elle éveille le jugement, elle apprend à observer, à réfléchir et à penser. C'est déjà une belle 1Jâ1che et qui requiert tout le dévouement et toute l'activité de ses ma'ltr.es. Une tâche aussi, quand elle, est rem plie avec intelligence, qui. suffit à préparer dans l'enfant le citoyen futur, -épris d'un meilleur avenir. Cet éveil intellectuel, cette dispositiçm générale de l'esprit a une bien autre portée civique et une autre vertu qu'une propagande intempestive et discutable.
5. Faut-il s'en t€1Ilir à l'admiration du présent 7 - Est-ce à dire que l'instituteur doive professer que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Certes non ; s'en avi-
sftt-il, que l'enfant entendrait dans sa famille trop de démentis à un si audaeieux optimisme et trop de récriminations contre notre temps ; il ne pourrait faire confiance ensuite à la parole de son maître, et sa foi en l'école en serait d'autant diminuée. Mais pas plus qu'il ne se fait le pa- égyTiste qoond même des institutions actuelles et de n 1'état présent des choses, l'instituteur ne s'en fait le con-
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tempteur agressif et fougueux. A dirn vrai, il n:"amène pas à la lumière ces questions scabreuses, qui appartiennent plutôt à la politique active et qUJ'il serait vite dangereux d 'évoquer à l 'école ; il les laisse dans une pénombre discrète où rien d'aigu et de saillant ne peut apparaître pour froisser ou heurter qui que ce soit. S'il y touche, ce n 'est qu'en passant, incidemment et sans appuyer ; c'est surtout avec tant de tact et de modération, avec un tel sens de la réserve et des nuances, avec des paroles si mesurées et sages - c'est-à-dire, aUJ fond, si vraies - que nu;l, ne saurait s'en offenser ni voir là une intrusion de la politique à l 'école . Mais qui ne voit, qui ne devine combien difficile est cette attitude de mesure et de pondération, lorsqu 'on est soi-même véhémentement convaincu de l 'excellence de sa cause-et qu'on sent bouillonner en soi toute l'ardeur tumultueuse d 'un réformateur fervent ? Oui, combien est difficile a.lors, mais combien justement est plus nécessaire et 'doit être plus impitoyable cette discipline de sa.pensée et de son enseignement !
6. L'esprit général de l'enseignement. - Est-ce à dire encore qu'il faille n 'avoir que des paroles indifférentes, se résoudre à un enseignement sans vie et sans â'me et ne pas animer d 'UJll certain esprit toutes ses leçons, tout le travail scolaire, toute l'œuvre d'éducation à laquelle on e donne? Loin de là. Il n'est pas possible, ayons même la franchise de dire qu 'il serait scandaleux que l'école publique desservît la démocratie et la République, qui l 'ont créée à lewr image pour être une institution de progrès social, et qu'elle ne s'inspiPât pas dan on action et dam, son enseignement d 'une tendance sincèrement libérale. On poUIITatÏt dirre d'eHe a.loTs qu'e!Je est infidèle, jUJSqu'à les trahir, aux grands principes qui sont l'lâme de notre société moderne et qu'elle a reçu mission d'enseigner à la jeunes e française. cc Ne souffrez pas, disait Jules Ferry aux instjtuteurs en clôturant leur Congrès pédagogique de r88r, qu'on fasse jamais de vous des agents politiques ! Nous nous entendons bien, nous ne r ééditons pas la formule qui fut célèbre dans les dernières années de l'établissement si difficile, si contesté de la République, cette formule du fonctionnaire qui disait : Je ne fais pas de politique. A cette époque-là, comme on avait changé beaucoup de notions et bouleverrsé le sens des, mots, ne pas faire de politique cela voulait dire : Faire de la politique sournotÏse contre la République.
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Nous ne l'entendons pas ainsi. Je ne dirai pas, et vous ne me lais~riez pas dire, qu 'il ne doit y avoir da!\s !'·enseignement primaire, dans votre enseignement, aucun esiprit, aùcune tendance politique. A Dieu ne plaise ! ,p our deux raisons : d 'abord, n 'êtes-vous pas cha,rgés, d 'après les nouveau:i- programmes, de l'enseignement civique ? C'est une preqüère raison. Il y en a une seconde et pius haute, c'est que v~ms êtes tous les fils de 89 ... Cette politique-là, c'est une politique nationale ; et vous pouvez, et VOllS devez la faire entrer, dans les formes et par les voies voulues, dans l 'esprit des jeunes enfants ; ma.is la politique contre laquelle je tiens à vous mettre en garde, est celle que j'appelais tout à l'heure la politique militante et quotidienne, la politique de parti, de personnes, de coterie. Avec cette politique-là n 'ayez rien de commun I Elle se fait, die est nécessaire, c'est un rouage naturel, indispensable dans un pays de liberté ; mais ne vous laissez pas prendre par le bout du doigt dans cet engrenage : il vous aurait bien vite emportés et déconsidérés tout entiers. Une école pour un parti, une école pour une coterie, un instituteur de ·parti ou de coterie, vous seriez cela, quand vous êtes les instituteurs de la France et de la patrie I Vous useriez dans ces luttes quotidiennes, et d 'autant plus mesquines que l 'horizon dans lequel elles se passent est plus étroit, votre temps, vos forces, vot'fe chaleur d'âme, cette passion que • vous avez pour le oien I Non !. .. Restez là où nos lois et nos m;:eurs vous ont placés, restez avec vos petits enfants dans les régions sereines de l'école .. . » Ces régions sereines, il ne faut pour s'y maintenir que rlu tact, du bon sens et de la pondération, avec le sentiment même d 'un devoir prnfessionnel1très haut et tr.ès exigeant. Quant à t racer avec minutie, ou avec précision, la ligne de démarcation au delà de laquelle il ne faut jamais s 'aventurer , !!entreprise serait vaine. Personne ne saurait établir ·le catalogue des paroles à dire ou à taire, des idées à énoncer ou à garder pour soi. La limite nécessaire, chacun doit la trouver dans son bon sens, dans son savoir, ,dans son respect et des enfants et des familles.
7. Le savoir et l'esprit critique• chez l'instituteur. _:_ Nous -disons bien : dans son savoir ; ou, ce qui revient au même, dans la soumission à là vérité. Car c'est peut-être quelquefois un savoir plus profond et moins étri~, c'e's t en même· temps un 'fespect ou un sens plus éclairé de la vérité impartiale qui manqoo à quelques-uns de nos maîtres, lo:rs-
�-60qu'il,s ont la maladresse de vouloir introduire à ,l'école une propagande déplacée. Il est bien rare que la vérité, surtout dans les choses disputées de la polttique où se mêlent les passions et les préjugés, soit tout à fait oui ou tout à fait non, sans atténuation possible et sans adoucissements. Le pour et le contre, pour l'observateur de sang-froid et sans pa:rti pris, s'y enchevêtrent souvent au point qu'on n'y distingue pas toujours en pleine lumière le vrai et le faux, la rectitude et le sophisme. Toute doctrine enferme une ,âme de vérité : un philosophe l'a dit depuis longtemps. Entre le oui et le non absolus et brutaux s'interposent toute une longue série de nuances, de dégradations, de demi-vérités, oserait-on dire, qui sont souvent la pure et simple vérité bien plus qu'une affirmation ou une négation intransigeantes. Le oui se bute à toutes sortes de faits et d'arguments qui l'affaiblissent, le non doit composer à son tour avec toutes sortes de restrictions et de raisons qui le tempèrent ; trop catégoriques, l'un et l 'autre seraient hors des voies' droites. Nous ne sommes plus dans le domaine des sciences exactes où les solutions sont :rigoureuses, exclusives, parce que tous les éléments possibles ùes questions et des problèmes sont connus dans leur entier ; la vérité ici est autrement fuyante, souple et indécise. Avec raison on a pu reprocher à certains maîtres de simplifier démesu:rément l'histoire, de la rétrécir à des conceptions enfantines où la vérité ne se retrouve plus. << Avant 1789, rien ; depuis 1789, tout. » Rien de faux, rien d'étranger à la vérité historique comme ces raccourcis simplistes que les faits démentent à chaque pas et dont préserverait, sans aucun doute, une connnaissance plus copieuse et moins na,ï vement élémentaire de l'histoire. L'ignorant s'accommode à merveille de ces formules et de ces affirmations tranchantes ; le doute du savant, le doute prudent et méthodique, lui est une attitude impossible. Par une indin'ltion naturelle, il est logicien• jusqu'au bout, à outrar,ce. jusqu'à l'absolu. Sa logique implacable pousse à l'extrême les conséquences de ses principes ou de ses · doctrines, sans qu'il songe jamais à les confronter aux faits et. am. réalités. Il ignore la prudence dans les affirmations, la modération dans les raisonnements ; il ne s'arrête jamais à mi-chemin, il ne soupçonne pas Ùn instant qu'il puisse s'égarer dans les entraînements inconsidérés de sa dialr.ctique. La vérité pourtant n'est que dans cette attitude prudente et réservée qui sait la valeur des contingences r.t se défie de l'absolu. ·
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Mais combien est difficile une pareille attitude de l'esprit et de I.'iâme, et quelle riche et ,p rofonde culture à la fois intellectuelle et morale elle suppose chez les ·maître:. ! Par toutes les voies nous sommes ainsi ramenés à l'alffirmation cent fois évidente que nous placions au début même de notre première leçon : l'école vaudra ce que vaut le maître. Et nous vivons en des Lemps où il est d'extrême importànce que les instituteurs et pa:r eux, ~ce à eux, l'école publique, soient de premier ordre. Jaurès écrivait, quelques années avant les ~v-énements qui ont bouleversé le monde, les fi.ères et fortes paroles que voici, que rien n'est venu depuis affaiblir, qu,i plus qu'alors sont dignes d'être relues et méditées. Relisons-les, méditons-les, écoutons cette grande voix : « Rien n'est plus difficile que d'enseigner la morale et l'histoire dans une société aussi tourmentée, aussi divisée que la nôtre. Se réfugier dans un enseignement incolore et glacé, qui ne serait q_u 'une nomenclature de faits sans âme ou de menus préceptes sans idéal, serait une déplorable abdication. Il faut que l'enseignement soit vivant, moderne, toot pénétré des plus généreuses espérances de la science et de la démocratie. Mais plus il sera vivant, plus il faut qu'il soit débarrass~ de tout esprit de polémique subalterne et de dénigrement systématique. Il importe que l'esprit de l'enfant soit préparé à comprendre le sens des époques successives dans la grande évolution humaine, à reconnaitre avec sympathie la ~andeur des efforts du passé comme des espérances de l'avenir. Il n'y a pas, je le répète, de tJâche . plus dilfficile. Et les maîtres n'y pourront suffire que s'ils considèrent eux-mêmes qù'un de leurs premiers devoirs est d'élever sans cesse et d'élargir leur propre culture. Par là seulement ils seront en sympathie avec toutes les grandes idées de l'esprit _ humain, avec toutes les grandes forces de l'histoire humaine, et capables de donner un enseignement vraiment impartial quoique noblement passionné (1) ».
(1) Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieW' (6 février 1910).
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�CHAPITRE V
Les Livres de Classe
Du choix des livres de classe doit être fait.
avec quelles précautions il
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2. .3. 4. 5. 6. ------c
Prescriptions réglementaires; ouvrages donl les élèves doivent être munis. Les listes départementales. Les droits des familles • La simplicité dans les livres élémentaires. L'inlérèt. Les ouvrages de morale, de lecture, d'histoire. Esprit ancien, esprit nouveau.
1. Prascr~ptions réglementaires. - Rappelons d 'abord les _prescriptions réglementaires sur le « matériel d'étude à .l'usage individuel » dans Les écOiles, prirn:aires publiques, comme dit le décret du 29 janvier 1890. Aux termes d'un .article de ce décret, tout élève doit être muni au minimum ,des .ouvrages suivants : Dans le cours élémentaire un premier livre de lecture. Dans le, coJLrs mayen : un livre de lectures co urantes approprié au programme .du cours moyen ; une grammaire élémentaire avec exe.rcices une arithmétique élémentaire ; un _ petit atlas élémentaire de géographie un livre d'histoire de France, Dans le coùrs supérieur : un livre de lectures courantes approprié au programme ,du cours supérieur ; une grammaire française avec exercices ; une arithmétique ;
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un livre d'histoire de France ou d'histoire générale con· forme· au programme ; un atlas de géographie ; un livr,e d'instruction morale et c1v1que . Tels sont les seuls ouvrages dont l 'instituteur peut exη ger légalement - nous disons pe.ut et non doit - que cbaqtJe élève soit pourvu. En fait, la règle souffre des e;x.ceptions assez fréquentes : il est des écoles où tantôt l'un, tantôt l'autre de ces vo'l umes obligatoires n'est pas mis entre les mains des écoliers; il en est d 'autres où la liste des ouvrages possédés par chacun d'eux est plus longue au contrnire que la liste fixée par le décret. Dans le premier comme dans le second cas, les maîtres ont leurs raisons pour agir ainsi ; néanmoins on serait plutôt porté à regretter un peu une trop grande parcimonie : un bon livre ,e st si précieux ,et peut rendre tant de services! Ce nous est l'occasion en~ore de recommander une qualité tourours à sa place et toujours d'un prix particulier chez un éducateur : la prudence, le tact, le souci de l'opinion et des sentiments des familles. Il s'en trouve quelquefois parmi elles pour qui l'achat des livres de classe rnprésente une dépense sensible, un peu lourde même à leurs budgets modestes ; il faut donc la leur réduire dans toute la mesure cfo possible, sans que toutefois les études des enfants en soient compromises. On en voit d 'autres qui, par un esprit inopportun d'économie ou par UJI1e sorte de demiindifférence aux progrès de leurs enfants, sont, quoique aisées, peu ou prou rebelles à des dépenses de cet ordre. Il est des maîtres qui, de leur côté, se· laissent entraîner parfois à mettre un trop grand nombre de livres entre les mains de leurs élèves, et, poussant ainsi llâcheusement à la dépense, s'exposent à soulever quelque mécontentement chez les parents. Tous ces intérêts un peu divergent~ ou toutes ces tendances un pe,u contradictoires doivent pourtant être conciliés; et cette conciliation n'offre pas des difficultés invincibles ni même bien sérieuses à: qui ' sait s'y prendre.
2. Les listes départementales. - La loi n'accO'l'de pas aux instituteurs (r) une liberté sans bornes dans le choix des manuels dont leuT classe fait usage. Néanmoins une
· (1) Il ne s'agit ici qu e d es écolés publiques. L es directeurs d'écoles privées sont entièrement libres, dit la loi, dans le choix des méthodes, des programmes et des livres.
�-64très grande initiative leur est laissée, comme on va le Yoir _par le texte suivant du décret du 21 février 1914, qui réglemente la matière : ART. 1°'. - Dans chaque département, la liste dEllS livres rc-connus propres à être mis en usage dans les écoles primaires .élémentiaires publiques est l 'objut d'une revision annuelle. ART. 2. - A cet effet, les rnstiluteurs et les institutnc,~s titulaires de chaque canton, réunis chaque année en conf.S. rence, sous la présidence de l )nspecteur primaire, proi,'os~u t les additions et les suppressions qu'ils jugent utiles. Chaque propooilion doit être l'obj,!t d 'un rapport motivé et d"un vote de la conférence. ART. 3. - Ces propos-ilions sont trnn'.lmises à l 'inspeoteur .d'Académie. Une commission, .siégeant au chef-lieu du département, les examine el dresse, pour le déparLement, la liste de celles de ces propositions q u ·eue adopte. Celte commiS6ion est composée ainsi qu'il suit : !" inspecteur d 'Académie, président ; les inspecteurs primaires, le di-recteur, la directrice et les professeurs des écoles normales, les délégués des instituteurs et des intitutrices au conseil ..départemental, deux délégués cantonaux désignés par le conseil départemental. ART. 4. - La liste dressée par la commission siégeânt au cbef-lieu du département est wu.mise à l'approbation du rec.teur. Si le recteur refuse d'approuver l 'addilion ou la suppression .d 'un ouvrage, il en réfère au ministre qui statue, après avis de la section permanente du conseil supérieur de l 'inslruc.Lion publique (2). Pourquoi ces formalités ou, si l'on veut, ces précautions ? Que le soin de dresser la liste des ouvrages scolaires soit remis aux instituteurs, la chose va de soi : qui mieux qu'eux, gens du métier, peut par avance apercevoir les -qualités et les mérites de ces manuels OUI, à l'user, leurs .défauts et leurs insulffisances ? Ils sont donc pleinement .qualifiés pour leur ouvrir les portes des écoles ; et le suffrage des .c onférences pédagogiques, après un rapport motivé, prévient les_fantaisies individuelles et garantit contre
(2) Le conseil .supérieur de !'Instruction publique compte un peu plue de cinquante membres, dont neuf nommés par décret du Président de la République, les autres étant élus par l'enseignement supérieur, l'enseignement seeondaire, l'enseignement primaire (celui-ci y a six représentants). La section permanente comprend les neuf membres nommés par le Président de la République et -six conseillers que le Ministre désigne parmi ceux qui procèdent .de l'élection.
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des choix un peu maladroits ou un .p eu étranges, si tant est du moins .que de pareils choix soient à redouter. Mais il peut arriver néanmoins que des manuels soient partiaux ou malencontreusement tendancieux, ou que la valeUT en soit plus que médiocre, ou qu'ils ne soient pas o·un bout à l 'autre d 'un bon goût irréprochable, qu'ils d'ffensent même la vérité (en histoire par exemple), sans que ce caractère apparaisse avec netteté soit à ! 'instituteur qui les présente, soit à la conférence cantonale qui en demande l 'inscription sur la liste olfficielle. Il se peut que qoolque.s phrases disséminées çà .ert; là e t qw ont ocfiappé à une lecture quelquefois :rapide, ou bien encore qu'un _paragraphe au cours d 'un chapitre q;uclconque, soient contraires à la neutralité ou au respect délicat qui est dû à l'enfant et prennent des allures de combat ou de propagande dont les familles s'inquiéteraient. C'est pour éviter des erreuTS de cette nature, très rares du r este et 1rès exceptionnelles, que les décisions des conférences d 'instituteUJrs, puiis c elles de l~ commission œ ntra,le, sont soumises a u recteur et même au ministre dans les circonstances que nous avons indiquées. Et parce que l'école, ne l'oublions jamais, est faite pour 1es familles et pour les enfants et qu 'elle ne peut m éconnaître ou leurs volontés ou leurs besoins, le r espect des familles est poussé dans cet ordre de choses à l'extrême limite. Si des parents, en effet, jugeaient q u 'un livre mis Pntre les m ains de Jeun~ enfants ne convient pas à l'école primaire., ou qu'il m anque à la neutralité imposée par la l oi aux maîtres et à l'enseignement, ils auraient le droit de saisir le ministre et d e demander que ce livre fût interdit. dans les écoles publiques. Au reste il existe une liste d 'ouvrages interdits soit dans les écoles publiques et privées, soit dans les écoles publiques seules. Il ne nous paraît pas utile d e la donner ici, puisque ces volumes ne fi . · gurent sur aucune liste départementale et qu 'ainsi nulle, k ole publique ne court le risque de les admettre. La plupart sortent de maisons d'édition qui publient surtout des manuels à l 'usage d es établissem ents catholiques : la neutralité y est atteinte dans le sens que l'on devine. Mais des exempl es tout opposés pourraient se :rencontrer aussi et se rencontrent en fait. ' Telle est donc la première précaution à prendre dans le choix des livres de classe, afin qu'ils n 'exposent pas l'école aux protestations des familles . Ces protestations peuvent tenir d'ailleurs à des causes tout à fait contraires : soit à
MORALE PROFESSIONNELLE.
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�-66l'esprit rétrograde de l'ouvrage, soit à son allure trop ... mettons trop résolument novatrice et hardie. Dans l 'une comme dans l 'autre circonstance, il manque à, une règle essentielle et doit être à cause de ceia éliminé. Répétons-le comme une de ces vérités évidentes qu'il faut néanmoins redire sans se lasser, dùt·on en obséder les gens : ce n'est pas en mettant les populations en défiance que l 'école laïque triomphera. Nous ne la voulons .p as prête ni résignée à toutes les concessions et à toutes les capitulation ~ nous ne voulons pas non plus qu 'elle s 'expose par des atti- 1 tudes outrancières .à des attaques ou à des critiques bruyantes qui, pour outrées qu'elles soient elles-mêmes, ne manquent pas de la déconsidérer, elle, son personnef et la cause.qu'elle représente.
3. La simpEcité. - A cette précaution importante et d~ilcaœ, dollit nous dirions violootiers qru'ei1le est d'ordre moral, doit s'en ajouter plus d'une d 'ordre plus spécialement pédagogique, et parmi lesquelles tout d'abord celle qui concerne la implicité. Celle-là aussi doit être attentive et clairvoyante ; eill1e veut dur disaernement et de la réflexion, et même quelque perspicacité : car il est fréquent qu'on ne s'aperçoive qu 'après avoir ' choisi, donc trop tard ,qu'on s'est trompé. Avec la plus louable intention du monde, voulant être substantiels et riches plutôt que maigres et pauvres, nos manuels d 'école primaire ne savent pas assez contenir leuT ambition ni modérer leur bon vouloir. Ils s'enflent au delà de la mesure raisonnab.Je , oubliant qu 'ils sont destinés à des enfants; à des enfants, c'est-à:·dire à de très humbles commençants dont l'intelligence ne fait que s'éveiller et qui ont tout à apprendre, à des commençants que bien des fois le milieu familial ou local n'a pas préparés beaucoup au régime intellectuel de ]'école et qu'un livre trop savant ou trop touffu a vite dépaysés puis rebutés. Il est fréquent, malgré l'effort indiscutable de simplification qui a été fait depuis quelques années, qrue nos livtres dei dlasse soient d'U!Il det>crré· aUJ-des. sus du cours en vue duquel ils ont été composés. Les Instructions de 1923 le constataient non sans une pointe d'ironie voilée; elles regrettaient qu'on n'eùt pas su toujour.conserver aux anciens programmes, ceux de 1887, leur caractère de simplicité, et que les liwres""'é1crilts poiur les élèves eussent mis trop de complaisance « à substituer amme olWciel de volumiaux quelques pages du progr_ neuses interprétations... Si bien qu'il est rare de trouver
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aujourd'hui dans une classe un livre qui réponde à l'esprit ,et à la lettre du programme officiel : les manuels écrits pour Jes sections enlantines - d ·où ils devraient d 'ailleurs être bannis, car l 'enfant, dans ces sections, n 'a pas besoin d 'autre livn~ que du syllabaire - sont du ni. veau du cours élémentaire ; ceux que leurs auteurs destinent au cours élémentaire sulffiraient pour les ·élèves du cours moyen, et, s'ils pœsédaient les connaissances énumérées dans les livres faits pour le cours moyen, on pourrait féliciter de leur savoir les élèves du cours supérieur >J. Aussi voudrions-nous que la première qualité requise dans un manuel fût la conformité au programme, à l 'esprit et à la lettre du programme, comme il est dit dans les lignes qui viennent d 'être citées; nous entendons une c<;mformité réelle, exacte, qui ne fût · pas seulement une similitude dans les titres des leçons ou dans l'ordonnance.ment des chapitres. Nous n'avons pas certes la superstition du programme olflkiel, nous ne le tenons pas pour un dogme soustrait à la critique et devant lequel on s'incline en silence. Mais enfin il est, on a le droit de soutenir qu'il répond. à peu près dans chaque cours aux possibilités et a1Lx besoins, et par dessus le marché i.il a force die loi. A ! 'étendre en cor e l 'eneur serait grande, et nO'Us verrions vite reparaître ces volumineuses interprétations qu'on a déplorées et qui étaient, en vérité, déplorables. Enseigner c ·est choisir, dit un vieil aphorism e plein de sens. Demandons que nos livres élémentaire nou présentent un choix sévèrement limité, mais judicieux, intelligent, pratique, de connaissances qui oiênt simples, bi en à la poTtée de nos écoliers, e t dont l'ensemble form e v:raiment cc ce quïl n'est pas permis d 'ignor er ». Mais avec quelle facilité ce modeste avoir d'école primaire, ces élémentaires connaissances qu 'il n'est pas permis d'ignorer , deviennent ch ez certains auteurs, les Instructions elles-mêm es ) P constment, une nourriture pléthorique et compacte que nulle intelligence d 'enfant n'est en état d 'asS':imiler ! Qui dit simplicité ne dit pas .pourtant indigence ou pauvreté; il ne faudrait pas que la peur d'un mal nous conduisît d'ans un pire. Sans doute des manuels trop touffus n e conviennent pas à nos écoliers, parce qu'ils les dépassent et sont indigestes ; mais des ouvrages trop squelettiques ne leur conviendra ient pas davantage, à cause de leur séch eresse et de Jeux insuffisance. Il est une forme de la simplicité sur laquell e nous insisteroos davantage parce que peut-êtTe on n 'en a pas toujours une préoccupation
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suffisante : c ·est cell e du langage . Tel ouvrage que nou& pourrions citer est une constante énigme pour les enfants, parce qu ïl est écrit dans une la ngue abstraite et sèche qu 'ils n e peU\'ent entendre et qui appelle à chaque paragra,phe, à chaque phrase, des explications et des conunen- . taires sans fin. C'est là un très g rave défaut et pour lequel nous écarterions sans hésiter des ouvragC\5 qui Qlllt pour.ant par aif!eurs plus d 'une qualité séirieuse. Il faut que le Ji.vre,. comme le maître, tienne aux enfants un langage à leur wrtée. Nous n·espérons pas qu 'il puisse se faire s imple , clair et _lwnineux. comme la parO'le du b-On instituteur ; mais nous voulons au mo-in qu'il ne soit pas par son vocabulaire e t par sa lang ue un incessant casse-tête et que la lecture ,en soit intelligible et \PfOfitable. Qui dit simplicité ne dit pas non plus puéirilité, insignifiance. Parce qu 'ils veulent être écrits dans une langue enfantine, certains ouvrages n 'arrivent qu 'à contrefaire· gauchement cette forme enfantine et donnent dans une affectation de simplicité où l'on oserait presque dire qu 'il entre par mom ents comme un peu de niaiserie. Or r enfant, quoi qu'il en puisse sembler; aime une langue d 'hommes et la préfère à, une langue de bambins. Il l 'aime comme il aime dans ses jeux, dans ses manières ou dans ses allures, tout ce qui l'élève au rang d 'homme et · par là le séduit ou l'enchante en plaisant à son amourpropre. Que nos livres ne craignent donc pas de lui parlerune lang ue adulte et virile, une langue où il y ait de la fermeté, de la force, d e la précision, pourvu qu 'elles ne !e dépassent pas.
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4. L'intérêt. - Ce n 'est point · assez qu'un livre pour l 'école élémentaire soit simple et néanmoins nourri, clair et néanmoins d 'une belle tenue par le contenu et par la langue ; nous lui demandons, dans toute la mesure où peut s'y prêter la matière dont il traite, une qualité de premier ordre aussi : l'intérêt. Et là encore il y a matière à pr~autions sagaces quand on fait choix d'ouvrages pour une classe. Peu intér essants, à cause de cette exagération de puérilité dont nous parlions tout à l 'heure, !es livres de lecture qui sentent trop l 'artifice, la berquinade, l 'historiette conventionnelle et faussement naïve, inventée pour les besoins de la cause ; ou ceux qui, ne voulant présenter à l'enfant que des scènes familières, se traînent dans un fastidieux terre à terre sans un grain de jolie·
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fanlaisie souriante ou sans u11 e:ssor d imaginaLion. Peu intéressanLs les manuels ct histoire qui ne donnent qu ' une ennuyeuse et sèche suite de taits, avec su,rabondance de noms propres el de déLa1ls arides, et se flattent de· faire absorber à 1 enfant des exposés où rien ne répond à sa courte expérience des hommes et des événements, où tout se confond 1 pour lui, se brouille et s 'emhrou1lle dans un latras savant. tout hérissé de formules livresques. Peu intéressants les livres de géographie qui ne sont d'abord et longtemps que définitions - oh I oes définitions revêches et purement verbales au seuil même des petits traités de géographie élémentaire ! - puis qui aux définitions ajoutent les nomenclatures interminables, sans cartes attrayantes et claires, sans belles gravures qui disent quelque chose et qui même disent beaucoup, sans grapniques qui parlent aux yeux, sans même quelcruefois le souci des faits nouveaux et des sLatistiquoo récentes. Peu intéressants les manuels de sciences qui ne sont que le traditionnel exposé livresque, sans rien qui le rajeunisse et le vivifie, sans rien qui parle aux sens ou à l 'imagination, sans oopieuoc questionnaires qrui oœti.nhme,nt convient à l observation avisée et curieuse, sans une page qui laisse entravoir les nouveautés et les hardiesses même de la science. Peu intéressants, dans leur aridité presque obligatoire, les livres d ·arithmétique qui sont la redite ài peine modifiée « du vieux catéchisme du calcul » toujours présenté de la même manière et sous les mêmes formes, qui ne semblent pas s'apercevoir que la terre a tourné depuis un quart ou un tiers de siècle, que tant de définitions et d'abstractions doivent faire place à des connaissances plus concrètes, plus vivantes et plus usuelles, et que les données des problèmes ne peuvent plus être ce qu'elles lurent au temps lointain de la monnaie d'or et des tarifs 0u des prix sans majoration. Peu intéressants les ouvrages attardés, qui ne se sont pas r enouvelés alors que tout se :renouvelait, qui n e sont appropriés ni à des pensers nouveaux, ni à des méthodes nouvelles, ni à la vie moderne. Ou ceux encore qui marchandent par trop la ' place ?i. l'illustration tantôt artistique, tantôt évocatrice, tantôt dor:umemtaire suivant les drconsta:tices et 1J1on IJ1éd.UJite à a'insignifiantes· et minuscules gravures que l'enfant regarcle à peine, parce qu 'elles ne l'attirent pas. Ou ceux encore dont la présentation matérielle n'est pas agréable, voire 9.l]échante, qu·i ne savent pas disposer avec clarté et avec goùt . tifres et sous-titres, qui sont imprimés en caractères dont
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la lisibilité insumsante décourage de prime abord la lecture et constitue de plus un danger permanent pour l'hygiène même de la vue. 11 faut bien des qualités de toutes sortes p.o ur faire un bon livre de classe, car il doit tout ensemble plaire à l'enfant, suppiéer au besoin le maitre dans quelque mesure et, en tout cas, seconder intelligemment l'enseignement que donne celui-ci. Peut-être un type aussi parfait d'ouvrage classique n'existe-t-il point; à nous de savoir faire choix de ceux qui s ·en approchent le plus. Et les meilleurs ,,e seront, avec toutes les qualités que nous avons dites déjà, non les meilleur en soi, mais ceux qui seront le mieux adaptés à notre classe, qui pour une raison ou, pour une autre conviendront le mieux à notre auditoire scolaire. Si bien qu'au totaJ le maître qui examine des livres de classe pour faire élection de l'un d'eux devrait .se poser à ' peù près. un questionnaire tel que celui-ci : 1° Ce ,livre est-il conforme aux programmes, à leur lettre comme à le1,1r esprit ? 2° Est-il élémentaire et par le fond et par la forme ? Ditil tout l'essentiel et rien que l'essentiel ? Si les élèves le possédaient à peu près sûrement, auraientils la mémoire suJffisamment garnie et avec elle l'intelligence ouverte ? ou tourne-t-il dans un cercle d'idées un peu rétréci, un peu désuet ? La langue en est-elle à la fois ferme et simple, dépouillée des formules toutes faites ou des clichés usés (« Colbert fit rendre gorge aux traitants 1>) auxquels l'enfant ne comprend goutte et qui sont si usuels néanmoins qu'on ne · songe pas à les lui expliquer a 3° Rendra-t-il vraiment des ·services aux élèves ? Lesquels ; comment ; pourquoi ? Leur est-il indispensable ? 4° Est-il intéressant, œ sera-t-il pour les enfants, et [PIOU.Tquoi ? Et les parents eux-mêmes aumnt-il's, le oas échéant, quelque agrément ou, quelque profit à le feuilleter ? 5°· Ne contient-il· rien qui puisse porter ombrage ou déplaire aux familles, qu'il s'agisse de fautes contre la neutralité, de fautes contre le bon go-0.t, de fautes contre une correction parfaite dans les idées, les récits, les gravures ? son prix même, n'est-il pas trop .élevé ? 6° S'il renferme des notes e?('.plicatives ou des questionnaires, la rédaction en est-elle heureuse ? le choix
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en est-il intel'iigeint ? Est-ce cimpl.eanent mécanisme, routine, ou ce complément peut-il clficacement servir aux élèves ou aider le maître ? 7° Est-il assez coquet, solide, bien illustré, d'une illustrati'on qu!Î. ait Ull1 seins ? .,...... Est-ill imprimé en caractères assez gros, avec une heureuse disposition matérielle des chapitres et des paragraphes ? Etc ... Ce questionnaire n 'a rien de limitatif; il n'est présenté ici ni comme le seul ni comme le meilleur possible-. Il apporte seulement quelques indications toujours importantes et toujours utiles, et chacun pourra le compléter à volonté suivant l'occurrence et pour le plus grand bien de sa classe.
5. Les ouvrages de morale, de lecture, d'histoire. -
Parmi les livres de classe destinés aux écoles primaires, il en est quelques-uns dont le caractère tout spécial ne saurait nous échapper et doit retenir un moment l'attention : ce sont ceux d "instruction morale et civique, de lecture courante, d 'histoire. Ce qui les classe à part des autres, c'est qu'en raison de la matière même dont ils traitent et qui est éminemment propre à évoquer ou à faire naître des sentiments, ils s'o nt les plus décisifs dans la formation profonde de l'individu. On peut les impré-gner d'un certain esprit, en faire le véhicule discret de certaines façons de penser ou de sentir, de comprendre la société et la vie; on peut éveiller par eux des émotions, des sympathies, des antipathies qui par la suite peut-être ne s'effaceront pas. Ils sont ainsi capables d'une action éducatrice que ne sauraient exercer à un degré semblable les ouvrages de pur savqir; ces derniers ne s'adressant qu'à l'intelligence et à la mémoire, non au sentiment, n'ont pas· cette puissance de sugge~tion et d'émotion. Là est 1'importance toute particulière de ces manuels comme aussi l 'écueil auxquels ils sont exposés, et par conséquent la dilfficulté plus délicate d'un choix judicieux et motivé. Lorsque, comme il est arrivé naguère, des batailles se sont livrées entre les partis politiques ou religieux ?i. propos des manuels scolaires, · ce sont toujours des ouvrages de morale, de lecture, d'histoire qui furent incriminés à cause de leurs tendances ou de quelques-unes de leurs pages. De ces livres, en effet, les uns sont, pourrait-on dire, avancés, J.es autres attardés; empressons-nous d'ajouter d'âilleurs qu'aucune .nuance d'approbation ou d'improba-
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tion ne s'attache ici à l'une ou à l'autre de ces deux épithètes : elles ne sont employées que comme des vocables commodes parce . que compris de tous. De nos manuels donc, il n'est pas çiouteux que les uns gardent plutôt fidélité. aux institutions et a~x traditions, aux idées et aux sentiments dont le passé fut fait · et d'où il ti.ra, souvent sa force et sa grandeur. Il est non moins visible que les autrés me.ttent à la voile vers des temps nouveaux, souhaitent pour les hommes d 'aujourd'hui et plus encore de d!emain une éducation et une (( mentalité )) nouvelles qu ïls travaillent à former, pour le moins à préparer. Lesquels ont raison, et auxquels donner la préférence ? · · Posée sous cette forme simpJiste et absolue, la question nous semble insoluble. Demandons à connaître premièrenwnt tous les faits de la cause, à réfléchir et à discuter; nous verrons ensuite, s 'il y a lieu, comment trancher le débat. Nous ne déclarons à priori ni que tous · les livres d ·une catégorie ni que tous ceux de l'autre manière sont nécessairement bÔns ou mauvais et doivent , être tenus d 'emblée pour suspects. Qu'on nous les présente, que nous ayons les n oyens de voir par le détail ce que contient cha~ cun d'eux et quel souille l'anime. Une fois dûment éclairés, et dans tout l 'effort 'Cl.'impartialité qui nous sera possible, nous essayerons de juger selon la saine raison ; jusque-là ré&ervons notre jugement . . Mais qu'il soit entendu d'abord que, timorés ou hardis, traditionalistes ou novateurs, ces 0 uvrages de caractère si différent ne sont .p as de ceux dont, en toute justice et en toute bonne foi, la conscience des enfants et des familles ou l'opinion publique soient fondées à s 'émouvoir, encore moins à s'alarmer; sinon nous les écarterions sans instruire plus longuement leur procès. L'homme de raison dro;te et d'esprit tolérant ne s'étonne pas le moins du ·monde de trou.ver dans un mêm~ recueil !'Hymne. de Victor Hugo :
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Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ...
et les strophes de Lux qui terminent Les C/1Xitiments
Temps futU.I'lS l Vision ~ublime !...
Il applaudirait plutôt à ce rapprochement, qui répond à de très nobles et très hautes aspirations humaines. Nous ne voyons pas que la réunion de ces deux poèmes dans un livre de morceaux choisis puisse inquiGt~r qui que ce soit. Le seul sujet d'inquiétude, et le livre alors n'y serait pour rien, ce pounraient être les commentaiTes in.temipéiran!s
�d ·un maître maladroit ; mais ils se feraient aussi bien jour à propos de n'importe quel texte. 6'. Esprit ancien, esprit nouveau. - Ces remarques faites, deux observations s ïmp9sent, qui sont plus ou moins contradictoires, mais non inconciliables sans doute dans un juste milieu. La première, c'est que l'éducation ne peut s 'immobiliser, pas plus dans son esprit ou son dessein général que dans ses méthodes. Tout se transforme dans la société, tout évolue, comme nous disons volontiers aujourd 'hui; et so us peine de n 'être plus adaptée, de tourner le dos à la vie, 1'éducation eiHe-même, image ou é.manation de cette société,, doit s'accommoder au temps et se modifier par degrés . Il lui faut se mettre, suivant ce mot de Félix Pécaut que nous avons déjà cité au cours d 'une leçon antérieure, dans l 'air ,.de la vie présente. Nous ne vivons plus à l'époque d e Louis XIV ou · de Louis -Philippe; nos livres actuels ne peuvent donc plus être ceux qui e ussent conve~u à des écoliers d 'alors. N011S ne pouvons p iétiner lorsque le monde marche, car il nous aurait bien vite abandonnés. L'école a pour tJâche l 'adaptation de l'enfa nt au milieu social; nous n 'avons pas le droit d 'être des fossiles. • La seconde, c 'est que cette évolution est irrégulière, par fois problématique ou h ésitante, pleine de cahots et de soubresauts, que nous n 'en distinguons pas avec une parfaite sûreté de vision la direction et le sen ; l 'avenir nous demeure caché, quoi ·que nous fassions. Puis encore, elle ne se fait pas par la négation totale et soudaine du passé ; elle en est fille, elle en sort pâr transition insensibles, el1e tient à lui par des liens sans nombre qui ne se rompent pas au gré de nos désirs et de nos volontés, ni par la ·seul e vertu d 'une législation brusquement réformatrice. Ce seront toujours pour une bonne part les morts qui gouverneront les vivants. Educateurs, nous cherchon s la vérité, nous voulons vivre dans la vérité, nou s vO'Ulons enseigner selon la vérité. Or elle n 'est ni dans l'immobill.ité çle l'histo,i. e, n i, dans une r course éch evelée que er ait censé cmiduire v,e rs ! 'avenir le dieu Progrès. << L 'histoire, disait .Taùr~s, enseigne aux hommes la dilffi culté des grandes tiâche et la lenteur des accomplissem ents ». Il ajoutait d 'ailleurs tout aussitôt : · « Mais elle justifie ] 'invincible espoir ». La vérité et la raison sont donc, ici comme partout et plus encO're en édu cation, dans fa juste mesure et non dans les extrêm es.
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.Mais celte juste mesure, ici comme partout aussi, n'est pas enfermée en des limites que l'on puisse nettement tracer· une fois pour toutes. Sottise et bon sens, erreur et vérité, exagérahon et sagesse confinent et se succèdent comme la nuit au jour ; qui saurait dire la minute précise où cesse le jour et commence la nuit ? Qui saurait di're de même quelle· parole ou qu.eillie suggestion so,nt, dans l'enseignement d'u maître ou du livre, aux limites indécises et mouvantes de la vérité et de l'incertitude? Plus d 'une fois déjà nous avons rencontré ce problème redoutable et toujours nous avons redit la même solution : dans· ces questions de mesure, de nuance, de bon sens, on ne peut s'en remettre qu'au tact et à la raison éclairée de chacun. Ra,ison éclairée, disons-nous ; l 'est-elle quand le maître abonde complaisamment dans ses propres idées et qu'il croit servir la :vérité objective en ne donnant audienc~ qu 'à s.es préférences pro,p res ? Un vigoureux esprit critique n 'est-il pas Ja marque et la condition prem'ière d'une raison éclairée ? Que par exemple un certain patriotisme haineux et ombrageux, qui tourne à la « surexcitation éperdue du sentiment national » (1), ne doive plus trouver place dans l'enseignement de l'école primaire ; qu'on ne puisse .y passer sous silence l'existence de la Société tles Nations; qu 'on y soit teAu à la justice, c'est-à-dire à la vérité, enveTs toutes les patries et envers tous 1-és peuples; qu'il ne faille pas dénaturer l'histoire, ancienne · déjà .:>u toute récente, pour la faire servir à l'exaltation et à l'apologie constante et quand même de s_ n prop-re pays et de o sa propre race : tout homme de oœur et de sens qui ne s'hypnotise pas sur le passé y souscrira. Mais, anticipant sur des événements éncore incertains et peut-être fort éloignés de npus, faut-il parler et agir comme· on le ferait dans une Europe définitivement pacifiée ? faut-il ,par-Ier Pt · agir comme si à ja.m ais était ouverte l'ère radieuse de la réconciliation internationale? Est-ce « sans précaution et san contrôle )) (1) qu'il faut ouvrir l'école aux idées et aux aspirations nonvelles ? Et tout de même doit-on l'y tenir fermée ? Pour revenir à notre question des mamiels scolaires, que nous n'avons quittée qu'en apparence, concluons que pour les cc orienter vers l'avenir n - ce qui ne laisse pas ·d'être désirable et sans doute nécessaire - il faut de la
(1) Enqu~te sur les livres scolaires d'après guerre, p. 113. (Centre européen de la dotation Carnegie).
�prudence et de la hauteur de vues, jointes à une large et dairvoyante ouverture d 'esprit. Mais quand elle est à la fois mesurée et ferme, respectueuse de la vérité et prudente dans ses a1ffirmations, cette orientation nouvelle nous paraît digne des efforts de l'école. Il ne faut seulement que l'accueillir avec discrétion, sans esprit de parti, sans passion politique, dans le seul et juste amour de la raison et de la vérité.
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�CHAPITRE VI
Devoirs envers les Élèves
Respect de leur personnalité naissante, équité, bonté. Soins et visites aux élèves malades.
1.
2. 3.
4. 5. 6. 7. 8. 9.
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L e bon insliluleur. Se dévouer à ses élèves. Donner le bon exemple. A pplication particulière à la langue française. Le libéralisme dans l'édur;alion. Respect de la personnalité inlellecluelle des élèves. Respect de leur personnalité m orale. Bonté. Equilé. Soins el visites aux élèves malades.
1. Le bon instituteur. - Ayant à traiter d es devoirs d e l 'instituteur envers ses élèves, c'est-à-dire des plus nombreux et des plus importants devoirs de sa vie professionn eUe, nous résisterons, pour commencer, à la tentation faci le de tracer le portrait de l'instituteur idéal, mais mythique el à tout jamais inexistant, en qui se rassemblent tan t de qualité qu.'on ne sait vraiment si l 'on doit sourire ou s'émouvoir de cet idyllique et touchant tableau. Quand orn a ,parcooru l'a longue Jï-ste de oes vertus q'U,i sont requises chez le maître et des devoirs auxquels i1 doit s'astreindre sans manquer à un seul , oil ne peut se retenir de penser, avec quelque scepticisme; ou quelque amertume, que tant de perfection ne se doit guère rencontrer au monde, e~ q.u 'a.u.x vert.UJS qu'on exiige des instituoou.rs bien peu d 'hommes peut-être auraient droit d 'enseigner dans les écoles primaires. Soyoos donc raisonnables, c'est-à-dire r espectueux de la vérité vraie, et n 'en demandons pas tant.
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Lïnslituteur n'est pas un héros ni un .saint, et attendre ,communément de lui des vertus trop austères ou trop hau.te.s serait une attitude purement conventionnelle, qui ne laisserait pas de sentir un peu le pharisaïsme ou l 'hypo.crisie. Il est homme, et il participe de la condition lmmaine ; n'espérons pas, par conséquent, qu'il soit sans fai.blesses et sans défaillances, qu 'il n'ait jamais de moments d 'humeur ni d'heures maussades, qu 'il ne lui arrive jamais -d 'ètre mal en train ou mal disposé ; quel homme surB.u· main pourrait se montrer, à sa place, si exempt des imperfections de l 'homme ? Facile de lui prêter ou de lui prêcher la patience, et l'égalité d'humeur, et le calme souriant, et Jac sérénité de ,] ',âme, et l'allé,gr·esse soUJtenue au trava-i/1, et quoi encore ? Il est moins facile, pa-r malheut, de garder ces sereines attitudes quand, six heures par jour, on a charge - cela -s 'est vu et se voit enco.r e- de cinquante, soixante ou quatre-vingts enfants qtü ne sont pas toujours bien élevés, ni propres et dociles, ni hélas ! ignorants du vice, et à qui il ne faut pas se lasser de redire laborieusement sans fin les mêmes choses. Et quan..,d nous faisons au maître un devoir d'être ex,pansif et entraînant, nous oublions un peu trop qu'il doit lui-même compter avec son tempérament naturel, et que s'il est né taciturne ou froid ïl serait vain d 'exiger de lui qu'il se transformlât à ce degré. Nous n'en conclurons pas .p ourtant qu'il est condamné alors à demeurer un maître médiocre : l'expérience . • témoignerait plus d'une fois du contraire. 1-1 nous paraît donc chimérique de vouloir que l'instituteur soit un être exceptionnel, très au-dessus du commun et doué de qualités rares. Si cela est, tant mieux, réjouis· 1iiri -son' -nou& en. M:ais d'e mandons lui seuleme,n.t dl'être _ homme bien élevé - oui, commençons par là, - un homme bien élevé, droit et sî1r, avec une belle et fière ,conscience d'honnête homme et le souci profond de ses devoirs pTOfessionnels. Cela suffit pour q·u 'il soit en état de bien faire , de faire loyalement tout SOIIl devoir d'instituiteur, et -de s'imposer par son mérite et à ses élèves eux-mêmes et à la population qui l'entoure.
2. Se dévouer à ses élèves. - « Les premiers de vos devoirs, Monsieur, di-sait Guizot en 1833 dans une circulaire aux instituteurs que nous à-vons déJà citée, sont envers J.es enfants confiés r. vos soins. L'instituteur est a.ppelé par le père de famille au partage de son autorité naturelle ; i'l doit l'exercer avec la même vigilance et presque avec la_
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mème tendresse. Non seulement la vie et la santé des enfants sont remises à sa garde, mais !'éducation de leur o~ur et de leur intelligence dépend de lui presque entière ... Vous n'ignorez pas qu'en vous, confiant un enfant chaque famille vous demande de lui rendre un honnête homme, et le pays un bon ciloyen ... >> On serait fondé à faire ici quelques restrictions ; on pourrait , objecter par exemple que le ministre force un peu la note, et qu'il exagère le pouvoir de l'éducation scolaire en af-firmant que la formation moaale de l 'enfant en dépend presque entière ; quelle, part laisse-t-il donc ·à la famille dans cette œ uvre maîtresse qui commence, pourrait-o~ dire, dès le berceau ? Mais,. cette réserve faite, les paroles de Guizot' sont d 'une claire et simple vérité : il faut que l'instituteur exerce avec :a même vigilance et presque avec la même tendresse que le père de famiHe dont ilJ. tient la plaœ l'arutoritéi qu 'il a reçue de la loi ; c 'esf bien envers ses élèves que sont les premiers de ses devoirs. Disons davantage : la .p lupart des devoirs de sa fonction ; car ceux qu'il peut avoir ensuite envers les familles et même envers les autorités ne sont que le prolongement de ceux-là. C'est à ses élèves qu il doit son activité, son temps et son intelligence ; c'est pour eux qu 'il est là et qu'il travaille. Ces dev9irs, il en est un qui les devance, ou plutôt qui les résume tous, et nous l'avons étudié plus haut déjà · quand nous avons traité de la conscience professionnelle. Il tient en quelques mots très simples : bien faire son travail. Bien faire son travail, c'est-à-dire faire pénétrer dans l'intelligence et dans la m émoire des enfants un saYoir aussi étendu et aussi pratique qu'i.l se peut ; et en même temps, pour reprendre les termes mêmes des Instructions de 1923, leur donner de bonnes habitudes d'es,prit, une intelligence ouverte et éveillée, .d-es idées claires, du jugement, de la réflexion , de l'ordre et de la justesse dans la r pensée -et le langage. Et d'autre pa- t, avec non moins d'effort et de sollicitude, travailler à leur donner une conscience ferme et droite, « s'appliquer sans cesse - nous citons de nouveau Guiz:ot - à protéger, à affermir ces: principes impérissables de morale et qe raison sans lesquels 1'ordre universel est en péril, et à jeter profondément dans de jeunes o::eurs ces semences de vertu et d'honneurque l'âge et les passions n'étoufferont point ». Encore que difficiles, de tels résultats ne sont pas totalement impossibles ; ils evgent du SaVOÎT et du savoir-faire; du labeur _ de la persévérance, une robuste et tenace · voet
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Jonté de réuss;r. Mais le maître à qui manqueraient cette obstination au travail et cette volonté de succès méconnai~ trait justement le plus essentiel de ses devoirs envers ses élèves ; car tant qu ïl n'a réussi ni à les bien instruire ni à les disposer au bien, il est resté au-dessous de sa tJâ.che, il n'a pas fait tout ce q u ïl devait faire, tout ce que les enfants, les familles, la nation attendaient de lui. Ce sont -ses élèves surtout qui en souffriront et c'est envers eux surtout que l'école a failli à sa mission ; elle ne leur a pas ,donné la provision de route qu 'ils avaient droit d'en espérer, et peut-être que toute leur vie il leur en faudra subir les conséquences. Ainsi donc, trava~Her soi-même et se donn~tr de toUJt son O'.llur à son œuvre ; puis bien faire travailler les enfants, 4es bien élever et les bien diriger, de manière que les progrès soient apparents aux yeux de tous et que les écoliers e ux-même les constatent : tel est, dans sa formule générale, le devoir du maître envers ses élèves. Sans doute n'y r éussira-t-il que par un en~eignement intéressant et vivant, actif et fécond, qui pique les curiosités· ,qui entraîne au 'travail et qui par là fasse aimer l'école. Mais l 'instituteur a-t-il rempli tout son devoir qui n 'a pas su faire aimer 1 'école ?
3. Donner le bon e'Xemple. Application particulière à la langue frança:se. T ous avons dit la formule d'ensemble
des devoirs du maître envers ses élèves. Dissocions maintenant cet ensemble, entrons dans le détail quotidien de la classe et voyons comment ce devoir général trouve son application à toutes les heures du travail scolaire. Il n'est rien de tel que d'aller ainsi au vif des formules et de mettre au jour la réalité minutieuse qui, lorsqu'elles sont riches -de sens, y est ,e nclose. Brisons l'os, eût dit Rabelais, pour tmuNeT la substantifique moëhle ; à proc-éd.er autrement on se paye de mots et l'on se rassasie de verbalisme. ::\Tous disons : tous les devoir"s professionnels de l 'institute11.1 r rn·n t cm ré. uméi des devoirs envers ses éllèves. Cbmmrençon_, ,si vous le voulez bien , par oolui-ci : 1'ï'nsti,tuteulr' dbit en toutes choses donner) 'exemple. Si devoir fut jamais éviqent, c'est bien pour l'instituteur celui de ne pas· démentir par· l 'action ses conseils ou ses ordres ; agir àutrement serait avec certitude encourager lês élèves travailler mal et à mal agir. Or donner le bon exemple, chacun sait à coup sûr ce que cela signifie quand il s'agit des actions sérieuses ou graves qui ress0rtissent principalement à la conduite et à
a
�-80la moralité : probité, exactitude, bienséance, savoir-vivre, etc. Mais des soins trop souvent négligés - oui, beauco.up trop souvent, et c'est bien regrettable - font partie cependant de la tâche régulière ; et pour être modestes dans l 'ordre intellectuel ou pratique, ils n'en sont .pas moins dignes d'un haut prix et ils appellent dans un grand nombre d'écoles un effort éclairé autant 'qu'opinilâtre. Plus même qu 'un effort : toute une réforme, toute une campagne à entreprendre sans jamais lâcher pied et sans la croire jamais terminée. Que viennent apprendre à l 'école les enfants qui s'y pressent ? Avant tout certainement à parler un bon français·; avant tout à s'exprimer avec correction tout à la fois et clarté. Cet enseignement, nul n 'y contredit, est celui qui doit être mis en première place. De nos jours où ·· ft développent sans cesse les relations et les affaires entre les hommes, c'est une grande, c'est une très grande infériorité que de ne pouvoir manier aisément sa langue, d'être malhabile à se faire corn.prendre. D'où pour les instituteurs un devoir plus urgent et plus impérieux que jamais. Mais s 'ils n 'en sont pas persuadés avec foi, avec profondeur ? si leur sentiment sur ce point n ·est qu·une adhésion purement verbale et superficielle à cette vérité, sans qu'il~ en aperçoivent toute l'étendue et toutes les exigences ? On se plaint, et l'on n'a que trop raison, de la médiocrité générale des résultats dans l'étude élémentaire du frnnçais ; on en a tout au long dénombré, analysé, pesé les raisons et les causes ; est-on bien sûr de n 'avoir pas 0mis celle dont pour un peu nous ferions la principale et que nous venons d'énoncer : l'insu'ffisante ferveur de la conviction chez les maîtres ? Nous souhaiterions que leur apr,arût comme un devoir pressant et capital <'11.vers leurs élèves la nécessité de l'es accoutumer à un respect plus zéllé et comme plus affectueux de notre langue française ; et voi..:i ce qu'alor nous leur prescririons toujours et partout. Au premier rang, parler un français d'une correction parfaite et qui s'interdise avec une extrême rigueur tonte trivialité. Le langage trivial est un fâc:beux manquement aux bienséances, il témoigne de bien P<'·IL ,:Je resp<:>ct envers l 'interlocuteur. Or à ce respect -l'enfant a droit, pleinement droit ; ses oreilles ne doivent rien entendre de répréhensible ou de choquant, surtout dans la bouche de son maître. Celui-ci doit donc se c!.Heridre contre la tentation d~ céder aux idioti,smes locaux, et plus encore (nous parlons surtout pour les jeunes) sontrr. la tentatio11 de cé-
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der à ce laisser-aller et à cet amo1Jr dn moindre effort qui font préférer le langage facile et vulgaire au langa,ge cl1àtié et"de bon goût, quoique simple. Il est bien regrettable qu ·on puisse entendre de jeunes instituteurs user sans scrupule dans les classes du mot embêter que le savoirvivre proscrit de la langue des honnêtes gens, et bien plus :regrettable encore d'entendre quelqu'un d'entre eux dire par exemple_ à un petit élève : « Tu as du culot, toi ! >i Entre gens biJn élevés, et l'instituteur doit être pour ses écoliers le modèle de l'homme bien élevé, ce langage de corps de garde n'a cou:rs en aucun cas ; il faut s'en garder comme d'une mauvaise action, et c'en est une. Nous n'aimons guère non plus entendr,e demander, après la correction d 'un problème : « Qui a bon ? », car enfin l 'expression avoir bon n'a pas droit de cité dans le dictionnaire. Serait-il si long de dire : « Qui a trouvé la b-Onne réponse ? » ou : « la réponse exacte » ? Il serait déplaisant et sot que l'instituteur s'érige§.t pédantesquement en puriste eJ; ne s'avisât de parler qu'avec affectation et recherche. Il ne serait pas moins regTettable, et il serait fort nuisible à sa petite société, d'élèves, qu'il ne les habituât pas par son seul exemple à un français correct et soigné, voire choisi . N-ous voudrions aussi cette même correction et ce même soin dans la partie matérielle du langage, c'est-à-dire la prnnonciation et l'articulation. Ils ne sont pas une exception très rare, les maîti,es (surtout les jeunes) dont la voix indistincte et atone se fait mal entendre, n'émet pas avec netteté - nous ne disons pas avec force et d'un ton criard - les sons dont les mots e composent. Parmi les victimes habituelles de cette prononciation malhabile, il faut comp· ter en particulier la dernière consonne des mots quand elle est suivie d 'un e muet ; d'ordinaire on la supprime et la pauvre langue française en est lamentablement estropiée. On entend bien, par exemple, le son chai ; mais le mot demeure énigmatique, parce que la dernière consonne n'est pas .fortement articulée, et l'on ne sait si l'on a affaire à chafne, à chaire, à chaise, à chèvre ... Ou c'est expliquer où l':v se mue en s ; et c'est possible., risible où la consonne l disparaît, calibre et qu;atre où le r n'a pas .un meilleur sort ·; et toutes ces négligences dëfigurent les mots et les rendent méconnaissables. Et pourtant c'est un devoir rigoureux envers les élèves que de leur enseign~r dans sa pureté inaltérée la langue française parlée ou écrite. L'indolence dans l'articulation, la chute notamment, i'escamo-
�-82Lage plutôt, de la dernière consonne esL, qu ·on le sache bien, une marque caTac:ténsuque d e vulga,qtô; avec eHe, 11 ne p!3ut y avoir ni élégance ni distinction dans le langage. · L est un devoir encore en vers les élèves que de leur p.ir,er de manière à êLre toujou1s parfaitement entendu et iJl compris. Et powr cela _ est nécessai:re, tout part1cw1erement quand on s 'adresse aux plus petits, de s'exprimer lentement, très lentement même, presque comme si on syllabait, et avec cette netteté d'articulation dont nous venons de parler. Il faut donner aux oreilles le temps de percevoir à l 'aise tous les mots que l'on prononce, afin que les esprits ensuite aient le loisir d"en bien saisir le sens. C'est une règle tout à fait capitale que les jeunes instituteurs surtoul ont tendance à perdre de vue et dont la violation les expose à de graves mécomptes. Qu 'ils se disent, quand ils s'aperçoivent que leurs leçons n'ont pas porté et ne se· sont pas fixées dans les mémoires, qoo œla tient peuit-être tout simplement à ce qu 'ils n'ont pas su parler avec assez de lentem et de netteté, et que telle est la seule causé pour laquelle ils ne sont pas parvenus à se faire comprendre. Il ne leur a manqué que de bien informer d 'abord les oreilles pour bien informer ensuite par elles les esprits. Voilà quelques points sur lesquels il nous a paru que l'attention des maîtres, et principalement des jeunes, puisque c'est à e,ux que s'adressent ces leçons, a besoin d'être attirée avec une particulière insistance. Sur chacun de ces points il y a un devoir en\ters les élèves. Il y a premièrement ce devoir de leur donner un irréprochable exemple, que nous -signalions il n'y a qu'un moment; le devoir de leur donner en toutes circonstances l'exemple non seulement du travail, mais du travail soigné, méticuleux, fini , qui ne ' néglige aucun détail et qui ne se satisfait pas à bo9 compte ; l'exemple du travail consciencieux -et attentif, qu'on ne tient pour valable que lorsque rien n 'y est resté d'inachevé ou d'incomplet. Et si, négligeant comme il le fallait bien les autres matières du -programme, nous ne nous sommes arrêtés qu'à la seule langue française, et encore sous un point de vue tout particulier , c'est que, nous Je répétons , ce point de vue ne reti,ent pas toujours assez l 'attentipn des maîtres, gu 'ils ne voient pas là, avec force, un devoir important à remplir envers leurs écoliers.
4. Le libéralisme dans· l'éducation. - Les enfants qui c9m<p0~ent l 'effectif d'une c1lasse sont tout à la fois fort
�-83semblables et fort différents. Semblables par les traits distinctifs de la nature enfantine, qui ne peuvent pas ne pas se retrouver en chacun d"eux; différents par des tr;its individuels dans la constitution physique, dans le t!lmpérament, d,ans le caractère, da~s l 'intelligence, qui font qu'aucun d'eux n 'est pareil aux autres, n 'agit et ne r éagit de même. Tous les maîtres le savent bien, qui ont éprouvé maintes fois à quel point tel élève est plus sensible que ses condisciples, ou plus primesautier, ou plus lent, ou plus actif, ou plus secrètement vaniteux _ t qui, dans oertaines e cire-0nstances délicates, sont fort embarrassés pour régler leur attitude envers ces individualités naissantes, mais déjà formées et quelquefois même vigoureusement aœentuiées. otre pé<lagogie moderne rompt délibérément avec 1a vieille tradition autoritaire et répressive, qui imposait à tous les élèves d ·un même groupe la même discipline despotique et les mêm.es procédés de travail,. qui établissait dans la classe une sorte de conformisme obligatoire dont il n 'était permis à personne de s'écarter. Peu importait qu'on eût affaire à des écoliers très différents les uns r!es autres par les éléments du caractère et de l 'intelligence : toute la classe devait marcher de la même manière et du meme pas, sous la même direction du maître qui réglait tout, compa sait tout, selon un dressage qui ne laissait -i,as de place à l'initiative ou à la -spontanéité de ! 'enfant. Dans l 'éducation comme dans la politique, oe sont les tendances libérales qui prévalent aujourd'hui, et les mêmes formules 'y retrouvent transposées sous des appellations diverses qui recouvrent des vérités ou des principes identiques. De toutes parts des voix s'élèvent en faveur du self-government, du libre développement de l'élève, de . l'éducation spontanée, des méthodes libérales, etc., c-0mme si d 'aill.eurs ce fussent là des nouveautés - Rabe.la'Îs, Montai,gne, Rousseau et bien d 'autres témoignent du contraire - et que ri.en n'eùt jamais éité, dans œ sens, indiqué ou tenté. 11 est vrai que cette tradition s'était perdue et que la presque totalité des écoles ou I ïgnoraient ou n'étaient pas soucieuses de la mettre en pratique ; elle n'avait pas la faveur des temps. Mais les temp$ ont changé et d'autres conceptions l'emportent maintenant. Notre pédagogie libé rale professe que les enfants ne sont pas, suivant une expression usée mais juste, tous coulés dans Je mêlru} moule, que ce n'est pas du dehors exclusivement qu'il convient ni qu 'il est possible à l'éducateur de les façonner par dre.s· sage, qu'il faut enfin respècter en eux une personnalité qui
�-84.déjà s 'affirme et qui doit s 'aHlrmer de plus en p,lus si l'on veut qu'un jour chacun d 'eux soit un homme et compte pour un. Encore faut-il que ce libéra lisme garde la mesure et nïnslaHre pas le laisser-faire et l 'anarchie à la place du . m écanism e et la discipline compressive. On n 'a pas !aissé de nous citer, comme des exceptions un peu extraordinaires, il est vrai , tel jeune instituteur (l'âge mûr se défend .de ces audaces aventureuses) ou telle jeune institutrice .qui, tout imbus des soi-disant théories nouvelles, ne veulent dans leur classe · aucune c®trainte, ni aucun règlement, ni aucune discipline imposée ; ils se confient uniquement à la volonté raisonnable et à l'heureuse nature des écoliers, décorées alors du nom de libre spontanéité. Ce que devient une classe ainsi menée, il faudrait ignorer tout .des enfants et de la nature humaine pour ne pas le deviner ; ,et les protestations des familles se sont vite chargées de le ra-ppeler à qui de droit. Le mot d 'un philosophe r estera éternellement vrai, qu 'il s'agisse d 'enfants ou d 'adultes : « La nature humaine n 'est jamais plus esclave que quand e lle est trop libre. » L 'éducation collective, pour nous en tenir à celle-là, ne va pas sans un peu et quelquefois sans • beaucoup de fermeté, voire par instants et dans certains mi~ieux o u à certains !âges sans un peu de sévérité.
5. Respect de la personnalité intellectuelle des élèves.
C'est donc une doctrine aujourd 'hui fa milière à tous, et par t ous acceptée en principe et plus ou moins en fait , que 1'éducateur doit r especter là personnalité de chaque élève a u lieu de la comprimer - de 1'étouffer soit sous le dogou m atisme de 1'enseignement, soit sous la rigueur m écanique de la discipline scolaire . Mais en quoi doit consister oe respect et p ar quel agissem ents se traduira-t-il ? Comment ne pa multiplier les contraint.es qui courbent tout et tous, esprits et âm es. sou s un e règle invariable ? Comment laisser s'éveiller les énergies, les exciter m êm e à se produire ? Dans l'enseignem ent , ce sera par de.s m éthodes vivantes qui feront de l 'enfant non un simple récipient pour les îdées des autres, comm e disait Spencer , mais un chercheur actif de fl! its et d 'idées. Elles lui apprendront, autant que fa ire se. peut, à ne juger que par lui-m êm e et à se r endre bien com pte avant de se prononcer et de croire. Et tel est bi en ! 'esprit dans lequel ont été conçues et la réforme des programm es en r9:i3 et les Instructions qui ont suivi. La méthode à suiv1 dans l'enseignem ent, primi\ire, disent ces :e
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Jnstructions, c'est la « méthode intmt1ve et inductive, partant des iaits sensibles pour aller aux idées ; m éthode active, faisant un appel c onstant à l'effort de l'élève et l'associant au maître dans la recherche de la vérité ... A l 'observation, qui laisse encore l'écolier passif, nous préfé1·ons, dans .J:a mesure où elile peUJt êttre prat.iquiée à l 'oco.le pùmaire, l 'expérimentation qui lui assigne un rôle actif. Dans certaines écoles, les enfants du cours préparatoire em-mêmes pèsent des liquides et se r endent compte de la .différence des densités. Nous souhaitons que de telles pra· tiques se généralisent, que partout 1es élèves collaborent à Ja préparation des leçons, à la récolte des matériaux et des documents ; que partout ils fabriquent d e leurs mains d es obj ets de démonstration ; que partout ils travaillent effecth•ement pendant que le maître parle .. . » Cette m éthode d 'enseignement par l 'action est hien 1a plus attrayante pour l'enfant, parce qu'elle répond à ce besoin de mouvement qui est ch ez lui si accentué et qu 'il satisfait ainsi pour son profit le plus certain ·; elle est <:eméqu ent la plus efficace pour susciter l'activité intellectuelle et former son esprit en m êm e temps qu 'elle l'aiguillonne et l'enrichit. Loin de réprimer en lui le désir d 'apprendre et d 'agir, elle le stimule et le déveloPJfe , au contraire, et lui fournit des matériaux où se prendre. Elle permet à es facultés de s'épanouir, elle permet à ses aptitudes de percer· déjà, ; elle est toute différente en cela de la · m éthode dogmatique, qui le laisse passif. Celle-ci n 'est pas im p11L sante, on ne peut le nier , quand il s'agit de remplir la m émo ire ; m ais 'ell e n 'offre pas à l'enfant les moyens d ·aider à sa prcpre instruction et ne fait pas cet incessant et fructueux appel à sa spontanéité. Elle le juge en quelque sor te in capabl e de contribuer à son propre progrès, elle l 'estirn e trop inférieur pour collaborer activement à son éducation intell ectuelle. Au fond, elle implique quelque m épris, avoué ou tacite. de la nature enfantine et c'est pour relil qu 'ell e la tient en lisière. Tl y a donc bel et bien un respect . d e la personnalité inteller tuelle de l 'enfant, et il se manifeste notamment ,par cette r réoccupation d'encourag-er et de favoriser en lui le développe1nent spon tané au lieu de le refréner et de l'en~rave'r . Est -il possible de pousser plus loin ce r espect, par une conn aissance plus approfondie de chaque enfant, de sa naturP intell ectuell e. de se aptitudes, et par une adaptation d es m éthodes et des procédés à la nature individuelle -et aux aptitudes de chacun ? Oui , sans doute, dans quel-
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que _ esure ; mai cette mesure est assez restreinte, puism que l 'instituteur doit conduire à la fois tout un groupe d 'enfants et qu'il lui est demandé avant tout des r ésultats d 'ensemble. Il n 'en est pas moins vrai qu'en cela aussi il a pom d evoir de se proportionner à l'élève, de le connattre donc pour savoir comment se mettre à · sa portée, comment tirer de lui tout ce qu 'il est possible d'en obtenir. Sans oublier d 'ailleurs que l'école primaire n 'a pas à spécialiser ses élèves et abonder trop complaisamment dans le sens m ême de lem s propres aptitudes ; car elle leur doit un savoir général, un ensemble complet de connaissances élémentaires, sans lequel toute tentative de spécialisation serait prématurée et plus nuisible que féconde . Est-il tout 'li. fait inutil e de signaler aux instituteurs une Jiâch euse erreur où tombent quelques-uns, qui manquent ainsi à ce respect délicat dû à l 'enfant et du m ême coup stérilisent en lui les bonn es intenti ons ou paralysent l'effort ? Cette eri,eur , égalen:ient sotte et gravie, injurieuse autant que m alhabile, consiste à décourager d 'avance au lieu d'encourager , à déprimer au lieu de fortifier. « Allons, quelles b êti es vas-tu encore r épondre ? » disait unjour un maître à un de ses élèves, en m ême temps qu 'il lui posait unie, des que tions que la leçon comportait. Rien de tel qu 'une phrase aussi malh eureuse - malheureuse de · pensée comm e de vocabulaire - pour tenir muettes des lèvres qui peut-être auraient parl é. justem ent et pour raire gronder dans le silence· du oœur l'amertume ou l'irritation. Les iinspecteurs ont plUJS d'Uine fois relevé de se,mbl abl es erreurs et ils n 'ont pas manqué de les pourch'tsseir .saris m erci . Tri o n dit à ! 'enfant : << aturellement tu ne vas pas répondre, comm e à l'ordinaire » ; ou : « 1\Ton·. pas toi , tu n 'es pas capabl e de bien écrire un m ot » ; ailleurs : cc Je ne t 'interroge pas , tu ne dirais que des sottises » ; ou bien l'on déclare à l'inspecteur, à haute voix ét devant l'élève intér essé : « Je n 'en tirerai rien , c 'est un mauvais élè:ve, il ne sait ri en fa ire ... » Parfois il est arrivé pis encore : on s'amusâit de l'écolier malchanceux ou fautif,· on fai sait rire toute la classe à ses dépens. P.ernicieuses maladresses et lourdes fautes d 'éducation r c< L 'homme est ain si fait, écrit Pascal, qu'à force d e lui dire qu 'il est un so t, il le croit ; et à foroe de se le dire A soi-m ême, on se le fait croire. Car l'homm e fait lui ~eul nn e conversation intérieure qu'il impoTte de bi en régler >> . Pour j,eiune et novice que soit l'enfant, il y a ch ez lui un très vif sentim ent d'am our-propre et m ême qu elqu efoi ,
�une extrême susceptibilité ; s ·exposer à Je m eurtrir, le trop rabaisser à ses propres yeux, c'est lui donner la conviction préconçue que son effort sera inuti le ou infécond, c ·est glacer en lui toute énergie et toute volonté de bien faire. Comrnemt les maître coupables ne le sentent-ils pas ? et comment peuvent-ils de gai,e té de oœur alfficher un tel mépris envers l 'écolier qu 'ils enseignent ? 6. Respect. de -leur personnalité morale·. - Lâ remaTque qui précède, et qui vaut égalem ent pour le travail et pour la con.d uite, nous am ène à étudier nù intenant le respect de la personnalité morale de l 'enfant. Le uj et ici est plus subtil, la conduite à tenir envers l 'élève r éclam e plus de tact e t de perspicacité, .plus de clairvoyance et de finesse psychologique. Il faut d 'abord que I 'i.nstitu,ternr connais e sufüsamment es élèves, sache pénétrer à leUT insu dans leurs 1 âmes, sach e deviner les sentiments et 'tes tendances q ui les peuplent et que les actes extérieurs ne d écèlent pas toujours. Il faut que par delà les tim idités ou les turbulences, les silences ou les expansions, les fa ux-semblants et les r éticenoes, il voie clair dans les consciences et dans les oœurs, et qu ïl soit apte ensuite à exer cer sur chac un ! 'action la plus opportune. Ne pou,vons-nous. malgré la diversité des tem pérament et des natures d 'enfants, énoncer quelques règles générales applicables à tous et dont tou les m aîtres puicsent s'in spirer ? Oui sans dout e ; essayons-le. C.elle-ci d 'abord , que l'enfa nt, per sonne huma inè en puissance, a d roit au respect qui est dû à toute person ne lrnm aine, à toute âm e humaine. L'obéissance qu 'on lui demande ou l'autorité qu ·on exerce sur lui ne doit donr, pas être com me dégradante, e n faire un outil , urie ch ose entre les mains de l'éducateur. Il y a une tyrannie sur lt's àm es qui , sans r espect pour elles, lem impose comme de force d es croyances ou des doctrines dont le m oins qu ·on puisse dire est qu 'elles ne sont pas r.eçues de tous et que !"en fa nt les r epousserait peut-être s'il avait une raison et un e volonté d'homm e. Une. telle éducation déforme au li eu de form er , ell e asservit au lieu de libér er ; elle n 'est à propremernt parler qu 'une intolérance et une oppression ·qui se déguisent. Que le m aître ne se permette donc iamais d 'entreprendre sur la conscienoe et l'®me de l'enfa nt par un enseignement tendancieux, par une éducation de secte ou de parti. L 'oser ait-il si d evant lui , a u lieu d 'un ,écoli er intell ectuellem ent d ésarm é et prêt à tout accepter
�-88de qui l ïnstruit, il avatt un qomme qui sût r éfléchir, c_ir tiquer, réfuter ? Cette faiblesse et cette crédulité de l 'enfant impose justem ent à l 'éducateur, nous nous en somm es expliqués dans une leçon précédente, le devoir d e ne pas en abuser pour fauswr l 'intelligence, encore m oins ra conscience et la moralité de ce petit être docile. Respecter sa personnalité, c'est cela plus que tout; et ce devoir est très haut et très exigeant. Il veut que le m aît:re soit d 'un e sévère probité d 'esprit et que son horizon intellectuel 5oit ample et riche. Une seconde règle, que nous avons indiquée plus haut et sur laquelle il n 'est pas besoin de revenir longuem ent, c'est qu 'il ne faut jam ais décourager, jamais humilier. Nous ne voulons pas dire qu 'il ne faille en aucun cas, et selon l 'expression populaire, « faire honte à l 'enfant » d 'une défailla nce ou d 'une action blâmable; mais il y a bien plutôt, dans une telle sanction sagement dosée, un stimulant à mieux faire et un préservatif contre les rechutes qu 'un e humiliation qui froissè et dispose au mal. Car, nous supplions qu 'on y prenne garde, on peut par des reproches excessifs ou trop cinglants porter ! ',enfant au m al plutôt que le ramener au bien . Avons-nous besoin d 'ajouter après cela que l 'instituteur doit s'interdire tout m ot insultant, t'o ut propos grossier- ou mal éant pour ses élèves? L 'injure n 'est pas un procédé d 'éducation et l'enfant, redisons-le, est une personne humaine . à respecter . Une âm e d 'en fant a comme la nôtre des tendances, des sentim ents, des m anières de sentir et de s'émouvoir qui sont quelquefois très différ entes des nôtres, qu'à cause· m êm e: de cela nous sommes exposés à ne pas c0Ti1prendre et que nous pouvons m eurtrir sans y prendre garde. Il est tels chagrins d 'en fants, des chagrins · sincèr es, profonds, dont la cause nous semble si futil e que nous somm es portés ,à en rir.e et à raill er . Défion s-nous : nos r ailleries et nos remontrances pourraient bien n 'être que des blessures. douloureuses et aviver au lieu d 'apaiser. Il en est de m ême· pour des joies, pour des préférences, pour des ambitions que leur puérilité ne doit pas nous faire accueillir avec· ironie, qu'il faut . au co·n traire prendre au sérieux e t resT'<'C ter. quitte d 'aill eurs à les combattre s 'il convient par des attarrues m oin s directes. Ri en d 'important et de précieux comme ce respect de la sensibilité <le 1'enfant. et ri en dans l 'éducation qui exige plus d 'attention et de finesse : il s'agit en effet de ce qu'il v a dr plus personnel et d e plu profond dans l 'être, et il n'est p,as donn é à ch acu n
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· d'y toucher d'une main sûre. Ce respect ne signifie pas
qu it faille laisser librement grandir i.es tendances ou les sentinients qui s·opposent à 1 institution des bonnes habitudes et d'une conscience droite ; 11 faut, cela va de soi, les combattre, comme il faut d'autre part aider à éclore ou aliermir ceux qui peuvent être les auxiliaires et les soutiens de la moralité. Mais on n'en arrive pas là par une discipline trop dure ou trop tatillonne, qui ne laisse nulle place à l'expansion et à la confiance, qui porte l'enfant à se recroqueviller sur lui-même, à s 'enfermer: ,en lui-même. Ce caporalisme qui prétend dompter les volontés rebelles ne fait que les comprimer ou les briser; dans l'un comme dans 1·autrl.l cas le résultat est également funeste. Que dire aussi de ces maîtres malhabiles ou irr.éfléchis qui, ignorants d'une âme d'enfant, se font courroucés et revêches pour le pauvre élève timide qui n'est déjà que trol? craintif, ou ne tarissent pas de paroles aigres et rebutantes pour l'enfant émotif, à l'iâmei de sensitive, dont ils n'ont pas su a;percevoi.r 1a sensibilité intime et si facileme,nt émue. C'est encore respecter la personnalité de l'enfant que de le traiter parfois• en homme, de faire appel à sa raison et à sa volonté pour aider précisément en lui l'éclosion de l'homme futur. Il faut souvent certes, quand on a. toute une classe à 'm ener, surtout une classe nombreuse et dans certains milieux encore grossiers ou incultes, il faut souvent alors presccire avec autorité, ordonner sans faiblesse, exiger une obéissance sans atermoiement. Mais combien souvent aussi il est possible, il est aisé et agréable de fairè comprendre à l'écolier pourquoi on exige de lui obéissance et discipline, pourquoi on lui donne de tels ordres, pourquoi le règlement intérieur de l'école contient telles dispositions. De même que, dans l'éducation intellectueHe, on recourt aux méthodes actives pour l'aider à mettre au jour ses aptitudes ou les ressources de son esprit et former à la fois toutes les facultés qui sont en puissance dans cet esprit, de même, dans l'éducation morale, il y a en quelque sorte une méthode active qui suggère et susc,ite plus qu'elle ne formule explicitement, qui dispose à l'action bienfaisante ou honnête par la pratique même de cette action. Le libéralisme intellectuel du cc faire agir » a son pendant, et non moins avisé, dans le libéralisme de la discipline ; dès que l'enfant arrive à ce que le catéchisme appelle l'âge de raison, on peut et on doit l'accoutumer par degrés, avec précautions et avec prudence, à 1'ini-tiative morale et à la responsabilité de ..soi. cc Lorsgu~
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l'enfant, disent les Instructions de 1923, arriv,e- au coms moyen, ... non seulement on continuera à pratiquer une discipline libérale, c'est-à-dire une discipline qui ne lais.;;t> aucun de ses décrets sans justification devant l'esprit des enfa.n ts ,mais, au moins à certains moments et dans certains domaines de l'act.ivité scolaire, on fora place au self-governmfmt ... Sans que l'autorité du maître perde un seul de ses droits, on multipliera les circonstances où l 'enfant aura l 'occasion de prendre une décision soit par lui-même, soit de concert avec des camarades ... n . En omrne, respecter la personnalité de l'enfant, c'est avoir déjà pour lui les égards qu'on a pour les grandes personnes, c'est ne pas le traiter en quantité négligeable, en être inférieur ou ennµyeux, de qui on ne peut attendre rien die bon et doot Qa coerd'tm serule peUit triompher; mais tout au contraire s'intéresser à lui et à sa vie, s'ingénier à 1e comprendre, le savoir capable de bons entiments et de bonnes actions, partant lui marquer confian ce et lui accorder crédit. C'est n 'avoir pas pour lui les parole_ blessantes ou malsonnantes qui abaissent et qui révoltent, les attitudes dédaign euses ou maussades qui indisposent et qui dépriment . C'est, ·tout à l'opposé, s'appliquer avec sollicitude à exalter ses forces intellectuelles et morales, à lui faire rendre tout ce qu'il peut raisonnablement produire et donner, avec allégresse et bonne humeur. C'est ne pas égaliser ou niveler les intelligences, les aptitudes, les caractères sous la rigueur hiératique d'une cc discipline mécanique de l'esprit >> (J. Ferry) ou' d'un dur sys· tème disciplinaire qui, l'un et l 'autre, nefoulent tout,e spontanéité et arrêtent tout élan. Le respect d'une personnalité est tout juste le contraire de ce nivellement in flexible ou aveugle qui ne voit pas ou qui ne veut pas voir c;e qu.'i, y a d 'individuel, die pall'ticul ie.r en chacun, ce 1 l qui fait déjà sa marque propre et qu'il serait déplorable . et vain d'extirper· ou de comprimer à tout prix et malgrP
tout.
7. Bonté. - Ne pas tenir l'élève pour quantité négligeable ou, pour importun, disons-n<YUs, mais s 'intéresser à. lui et à sa vie ; cela s'appelle en un mot : aimer l'enfant et le traiter avec bonté. L'aimer pour ce qu'il y a en lui de faiblesse, de candeur et de crédulité; l'aimer parce qu'il est l'avenir ; l'aimer pour la joie qu'éprouve un ma1tre d'esprit haut et pll'obe à voir par sesi soins s'ouvrir une jeune intelligence et s'affermir une pensée; l'aimer
�-91pour tout ce que les poètes - ces grands enfants quelquefois - ont chanté. en lui. Ils ont par moments, on le sait bien, embelli le tableau de couleurs trop enchanteresses jusqu'à le rendre un peu méconnaissable; mais à la magie de_ mots et au mirage de l'imagination ils ont mêlé s tant de vérités ! Qui donc a dit de l'instituteur qu 'il lui faudrait aimer l'enfant en philosophe et en poète, afin de le mieux comprendre et de le mieux diriger ? Amour sans mièvrerie . d'ailleurs et sans attitudes conventionnelles ; un peu attendri parfois ou ému, toujours clairvoyant et fenne, et d 'où procède une bonté également clairvoyante et sûre, qui ne se dépense pas en geste de parade et en paroles étudiées, qui est sans mollesse et sans fadèur, mais qui vient de l'affectueux et sincère intérêt que l'instituteur ou l'institutrice porte à son petit monde d 'enfants. Rappelons encore le mot de Guizot que .nous avons cité au début de cette leçon : « L'instituteur est appelé par le père de famille au partage de son autorité naturelle ; il doit l'exercer avec la même vigilance et presque avec la même tendresse ». Sa tendresse de père n'empêche pas le chef de famille de gronder et de tancer, de W' fâcher même quand il le faut et de punir ; mais parce qu'alors l'enfant sait que son père a raison, ni son affection pour lui ni son respect n'en sont diminués . Souhaitons que l'école ait toujours quelque chose de l'allure familiale et que, même réprimandé quand il le mérite, même conduit d'une main un peu énergique avec cette c< sévère douceur » que voulait Montaigne, l'enfant se sente toujours ·secrètement sootenu par l'intérêt et par la sollicitude que lui po·r te caon instituteur. Qu'attendre d 'un maître qui, n'aimant pas les enfants, prêt à ne voir en eux que ces petits êtres insupportables .dont La Bruyère faisait un pCYrtrait si peu engageant (1), ne peut pas davantage aimer sa profession, aimer son · travain ? Ou il s'en désintéiresse et i/1 les néglige, ou il les -rudoie, et souvent 1'un et l'autre ensemble. Quelle prise peut-il alors avoir sur eux et quelle action formatrice ? Mais l'instituteur qui , sans rien reùâ.cher d'une iiermeté toujours nécessaire, traite ses écoliers un peu en père de famille, mais plus fréquemment encore· l'institutrice qui, selon le naturel sentiment de la femme, est un peu la maman de sa petite troupe dorile et espiègle, qui n'en a connu, qui n'en a. vu de semblables à l'iœuvre, et qui ne
(1) Chapitre De l'homme.
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sait quel bien ils font autour d 'eux? Leur sollicitude ne r se répand pas en paroles maniérées ou convenues ; elle se traduit en actes discrets, qui ne cherchent point à s'étaler ni même à paraître : il leur sulffit qu 'ils soient, et qiu'ils soient utiles. Que de soins précautionneux et vraiment charitables dicte ainsi la bonté ingéni·euse ! Ce sont d 'abord toutes ces attentions d'ordre matériel qui rendent plus agréable le séjour de la classe et préviennent nombre de _ petits tdésagréments et de petites souffrances. Supposonsnous par exemple l 'hiver ; la salle de classe est-elle dès1'entrée chauffée ? e t-elle maintenue à une température sulffisante ? Que de classes, hélas I où soit l'étourderie, soit la négligence du maître laisse 'à contretemps tomber et même s 'éteindre le fou ? Ou bien n'y a-t-il pas juste sous le vasistas ouvert un pauvre petit qui reçoit sur la tête et sur les épaul es toute la colonne d 'air glacé ? Cet autPe n'est-il pas incommodément assis sur une table qui n'est pas à sa taille et ne s'en trouve-t-il pas fort gêné pour son travail, ~ Cet autre encore n 'est-il pas mal à l'aise et comm e r elégué dans ce coin obscur ou ià cette plaoe' d 'où · il voit mal le tableau et où il fait· un / peu figure de réprouvé ? Voici un retardataire qui arrive en assez piteux état sous la pluie ou la neige ; n'y a-t-il pas inhumanité à le laisser debout près de la porte jusqu 'à la fin de la leçon en cours ? Ic.t dans un e classe de filles, c'est l'heure de la sorti_ ; tout-es ces fillettes défilent en rangs, àl la mi-· e litaire, en des allures m algracieu ses, les mains au dos et marquant le p,as ; ne pourrait-on pas leur épargner ce petit ridicule ? . Nous interrompons cette liste, qu 'on pourrait faire interminable ; ch acun en trouvera la suite dans sa s<,Ilidtude ou sa prévenance pour ses élèves ou pour ses propres enfants. Puis ce sont des sou cis et d es atlie'ntions d 'un autre ordre, et plus délicats ou plus généreux encor e. Tel enfant timoré ou taciturne n'a-t-il pas quelque dureté d'oreille, ou quelque défaut de pronon ciation , ou quelque disgr,âce physique dont il souffre en secret et pour laquelle il craint toujours d'être objet de risée ? Ne faut-il pas que le maîtr-e ait pour oe-lui-là quelques égards plus discrètem ent affectueux, qu'il sache le protéger et l'encourager sans en avoir l'air jamais ? Ou voici un pauvre enfant dont la famil1e est mi séreuse ; il lui est dilffi<'ile de travailler à la maison. car la p.Jace y m anque ; ses parents peut-être le négligent, il entend plus de mauvaises paroles qu'il ne -reçoit de marques de tendresse. Ne serait-ce pas cruauté
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d 'exiger de lui autant que des autres ? ne serait-ce pas· crua uté plus douloureuse e t plus impardonnable encore que de l 'humilier , de lui faire sentir sa condition inférieure, d 'ajouter cette misère nouvelle -à toutes celles qu 'il lui faut déjà subir ? Et cela prouve en passant combien il importe au maître de connaître le milieu familial, pour mieux r égler sa conduite envers chacun, pour ne pas s'exposer à des erreurs de m éthode ou d 'action qui seraient infinim ent regr ettabl-es. Ne m ettrons-nous pas aussi la bonne humeur parmi lesform es les plus a ttach antes de la bonté ? N'en est pas doué qui veut, semble-t-il ; eUe tient à plus d 'une cause dont nous ne somm es pas toujours les m aîtres, à commencer· par un h eureux don de la nature. Mais il est des moyens pourtant de la faire naître ou de l'entretenir; il y a-toute une hygiène physique et mentale à laquelle il faut s'astreindre si l'on veut garder l'a llégre se et la sér énité. Sansdoute il serait vain ,et m ensonger de vouloir que l 'instituteur, que l 'insti tutrice aient toujours et malgré tout dansleur classe le sourire aux lè.vres : ti;op de motifs de m écontentem ent, ·de découragem ent m êm e s'y offrent à eux. Mais qu 'ils ne les exagèrent pas, qu 'ils ne soient pas attentifs seulem ent aux raisons de gronder et de si> plaindre. On peut vouloir. on a le droit d e vouloir que ce ne soient jam ais des êtres bourrus ou grognons, à la parole brusque et rude, ne sachant parler aux enfants que d'un ton dur et antipathique, qui les déconcerte et les r ebute dès l'abord. Il faut, PQUr mettœ l 'enfant en confia1Dce et iJie dfr,pooor au travail, faire de la classe autre chose qu'un mm.eu d éplaisant et glacial, << où le maHre est tout- noir et où l 'on n 'ose pas rire 1> .
8. Equité. - Venon s-en maintenant à un devoir généraT par lequel il semble que nous eussions dtî commen cer , mais qui n 'en sera que plus clair et plus aisé à com prfmdre après tout ce qui précède. Ce devoir, c'est l'équité ; il faut que fo maitre soit l'arbitre ou le chef im partial et juste. Or les enfants ont un sens très averti et très si'.lr de la. justice; ils savent déceler avec une finesse impitoyable toute m arque de faveur et de partialité, et ils n e la pardonn ent Pas à l'institutéur. Qu 'il soit distant, qu'il soit sévèr e, qu 'il soit un peu sec m êm e, .ils s 'en accommodent et au besoin le comprennent ; mais qu'il soit injuste, qu'il ait ses préfér és, qu'il -écoute son humeur changeante ou fantasqu e, ils ne peuvent l 'admettre, et ils·
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ont raison. La classe doit èt, e l ·asiie de la justice, l'équité doit y être la règle souveraine. L ïnstituteur ou l ïnstitutrice qui ne sont pas les inflexibles gardiens de cette règle p,erdent vite leur autorité morale : l 'estime cLe leurs élèves cesse de s 'atta·cher à eux et ne leur revient pas. L'équité dans la classe, c'est d 'abord l 'égalité de tous devant une même loi invariable, qu 'il s'agisse de la discipline proprement dite, ou du travail exigé de chacun, ou des notes attribuées à chacun pour ce travail même. « A chacun le sien ; à chacun selon son mérite, à chacun sèlon ses œ uvres » . La justice ne consent pas que le maître cède à des préférences ou à des antipathies, que la classe ait soit ses privilégiés, soit ses outlaw. Certains jeune6 maitres, plus encore peut-être de jeunes maîtresses, tombent quelquefois dans ce malencontreux travers. Tel enfant, à cause de son minois agréable, de son air éveillé, de sa vivacité d'esprit, ou tout simplement (et c'est plus grave encore) , de la situa ti on sociale de ~a fam ille, devient le préféré, le gâté pour qui on est tout indulgence et tout aménité; tel autre, que ne favorise pas le même extérieur avenant ou la même situation d é famille, se voit dédaigné, semble peu intéressant, r écolte i tout propos les paroles sèches, les mauvais points et les mauvaises notes. Ce sont ,l à des fautes déplorables et dont les en fants sont profondément blessés. Parfois même on voit dans une classe des enfants dont le maître ne s'occupe pa , qu'il la isse traîner abandonn~s à eux-mêmes, p<trce qu'ils n 'ont ni les dispoe sitions h eur- uses ni l 'arde ur au travail scofaire qu 'il voudrait rencontrer chez eux. Un tel ostracisme est hors de toute justice, et smtout il n'est pas le fait d'une scrupuleuse conscience professionnelle : les élèves m édiocr es et · m êm e les mauvais ont droit aux mêmes soins que les bons, et la queue d e la classe doit, tout comme la tête et plus qu 'elle encore ,être interrogée, stimul ée et surveill ée .. Prendre son parti de l'ignorance d'un élève ou de sa mé,.. diocrité en le déclarant in corrigible --< c'est vite dit - et n e pas s'occuper de lui sous prétexte qu 'on n 'en tirera rien - l'a-t-on essayé par tous les moyens? - c'est abdiquer ou c.'est fouler aux pieds tous les devoirs qu'on a justement envers lui, et doint le principal est de le faire activement participer aux leçons et à tout le travail de la classe. L'équité, c 'est encore l'uniformité régulière de la discipline, qui ne procède pas par à-coups et l ar boutades, qui n 'est pas capricante et variable selon l'humeur mobil e du
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maître ou de la maîtresse. Il ne faudrait pas que, au jugement des enfants ou des familles, ce maître (ou cette maîtresse) passàt pour t( lunatique » et qu ·on ne pùt compter sw· lui, parce qu 'aujourd 'hui il absout ce qu'il défendait hier et que demain il tiendra pour gravement punissable une incartade qu 'il juge vénielle aujourd 'hui. C'est par d ·a ussi liâch euses ou ridicules sautes d 'humeur que J 'instituteur ruine dans sa classe la discipline et en vient à n 'être plus pris au sérieux ni par les écolie.r s ni par la population même. Nous n 'allons pas, encore une fois, jusqu 'à lui vouloir toujours la sér énité d 'un sage antique ou toujours le sourire de l'optimisme satisfait : il est ho mme, et il a plus d ·une occasion d 'avoir au oœur m écontentement <>u humeur noire. Mais cela nous m et bien loin des bizarreries et des inconstances de caractère par lesquelles il se r endrait plus ridicule encore qu 'il ne serait déconcertant . Et néanmoins équité ne saurait être égalité stricte et totale, inconditionnelle. pour ainsi dire . On n 'a pas aff:üre dans une classe à des enfants en so i, à des êtres tout pareils et interchangeabl es, placés dans des conditions identiques ; ne pas tenir compte des circonstan ces particulières à ch acun , ne pas e plier . aux contingences, c'est cela souvent qui serait l 'injus tice en dépit d 'une égalité appar ente. Peut-on demander à tous les élèves, quels que soient leur état de santé et ·Jeurs aptitudes intellectuelles, le m êm e travail, le m êm e effort , la m êm e exactitude, les mêm es soins OO'I1parels ? Ou l'équité ne oonsiste-t-edle pas plutôt à dem ander à chacun selon ses moyens, ses possibilités et ses forces? Et ces moyens ne sont-ils ~ s à l'ordinaire dépendants du milieu familial ? D'où l,a n écessité, que nous avons signalée d_éjà, d e bien connaître et cha que enfant en particuli er et l 'exist ence qui lui est faite dans sa fam ille. Mais cette connaissance n 'est pas toujours possible ; elle est , dans certains cas tout au moins, fort difcile. On ne peut pour y parvenir questionner indiscrètement l'enfant et s 'insinuer dans le secret des familles ; un tel manque de tact n 'aurait pas d 'excuses. L 'on voit . ainsi combien il est malaisé d'être juste, quel effort d'attention et de vofonté y est n écessaire. Sans cet effort on s'expose non seul em ent à louer ou à r écompen~ r à faux, ce qui n 'est que d'une gravité Telative, m ais aussi à réprimander et punir à faux, ce qui est a1:1trem Pnt déplorable aut éviter par tous les moyens. Même dans ce et qu 'il ~ milieu limité et calme qu 'est une c1asse, il n 'est pas tou-
�-96jours aisé de découvrir les vrais mérites et les vraies aptitude& de chacun, et de le traiter selon son mérite, ainsi que le veut l 'équité. Du moins iaut-il s'y appliquer; et la première condition pour y réussir, c'esl qÙe l 'instituteur s'intéresse à ses élèves, les suive avec attention et sollici· tude, et par conséquent voie en eux autre chose que des trouble-fête ou des trouble-repos dont il n'a que le souci de se délivrer en grande hlâtte.
9. Soins et visites aux élèves malades. - Il nous reste à étudier maintenant une dernière catégorie im1 p'Orlante
de devoirs du maitre envers ses écoliers : ceux qui c;oncernent leur personnalité physique, leur corps, leur santé. On n 'oserait pas soutenir qu'ils ne soient jamais un peu perdus de vue : trop uniquement préoccupés des études et de l'éducation intellectuelle, les instituteurs et les institutrices oublient par instants que l'enfant est un corps autant qu'un esprit, et que, s'il importe d 'exercer cet esprit, il n'importe pas moins de donner au corps et à la santé les soins nécessaires. La première condition du succès dans la vie, remarqnmi;t Heirbiert Spencer, c'est d 'être un bon anima1 ; et longtemps avant lui MQIJ11 taigne avait écrit ces phrases que tout l,e monde r&pète sans leur aœorder tout le prix que pourtant elles méritent : « Ce n 'est pas une âme, ce n'est pas un corp , cru 'on dresse; c'esL un homme : hl n'en fa'lllt pas fair,e à deux. Et comme dit Platon, il n e faut pas les dresser l'un sans l 'autre, . mais les conduire également, comme une coupl<: de chevaux attelez à mesme timon ». Voyons donc ce que, en dehors des exercices d 'éducation physique inscrits au iprogramme, !~instituteur peut raisonna.blemenC pour la santé de ses é1èves. Il peut et il doit d 'abord pren dre toutes ces simples précautions hygiéniques que chacun prend pour :,oi-même et surtcmt ipouir ses propres enilants, et dont nous ne nous attarderons pas à donner le détail. Elles concernent soit ] 'aération de la salle de classe - est-il bien sûr qua le nécessaire en cela soit toujours fait, toujours et partout ? soit le chau ffage et même l'éclairage, soit le contrôle des soins die propreté, etc. Il n 'est pas excessif d'a'ffirmer qu'en général la plupart des salles de classe sont l 'hivêr à ur, e température insu!ffisante : de ce côté un progrès est souhaitable autant que possible. Et, sans tomber dàns l'exa gération, on peut ·souhaiter que maîtres et maîtresses songent toujours à avoir pour leurs élèves quelques-uns
�des soins d'une maman prévenante et attentive; il faut qu 'ils sachent se rendre compte des conditions matérielles et hygién~qute,c, dans ,IiesqueiHes à l'école 1·eniant est placé, et qu 'ils fassent de leur mieux pour les améliorer ou pour .en adouciJ:1 les inconvénients llâcheux. Combien de fois ils en auront par exemple l'occasion les joms de mauvais temps! Ils n'ont pas . le droit ces jours-là de se désintéresser de l'hygiène et de la santé de leurs élèves. Nous croyons qu'il n 'est pas inutile non plus de donner une mention spéciale à la nécessité de surveiller avec la plus grande vigilance les attitudes des écoliers. DMectueuses, elles peuvent entraîner des déformations qui seraient ensuite dilfficilemoot curables ; elles peuvent aussi, sans aller jusqu'à ces graves conséquences, . être une gêne constante pour 1-a respiration et préparer plus ou moins le terrain à la tuberculose. Il arrivera qu'au cours d'une séance scolaire un ,élève se sente indisposé et qu'il ait besoin de soins. Que faire alors ? Tout simplement - et surtout sans jouer au médecin, sans vouloir faire ou contrefaire le docteur - s'efforcer de YOir ce qu'est cette indisposition et à quoi elle est due; cela fait, donner au petit malade les soins appropriés : un peu die grand air, un peu de repos, un léger pansement s'il ·agit d'une coupure ou d 'une brûlure, etc. Nous dison bien : sans jouer au médecin. Encore faut-il que l'instituteur soit instruit des notions élémentaires de l'hygiène et des menus soins à donner e.n cas d'indisposition légère ou d'acciâerrt bénin. Même il serait excellent que l'école fût pourvue d'une petite pharmacie Tenfermant qu'elques produits indispensables : coton hydrophile, teinture d 'iode, acide picrique, etc. Au besoin le maître confiera l 'enfant indisposé à quelqu'un de ses camarades en qui il peut avoir une enti'è re confiance, s'il s'agit par exemple de conduire le petit malade au grand air dans la cour ; mais à 1a cond.ition que lui , maître, soit bien assuré que le néces1-aire sera fait. En pareil cas, c'est à soi-même surtou't que l 'on doit. s'en remettre. Il ne serait pas moins opportun quelquefois d,e faire J)Tévenir la famille à la sortie de la classe ou même d'aller la prévenir en accompagnant chez lui le petit malade. Parfois l'indisposition pourra être l'annonce d'une maladie plus grave que des syrnptôm,es révéleront, une maladie contagieuse par exemple, rougeole, scarlatine, etc. Fn pareil cas le plus sage est d,e rendre le malade à sa famille dans le plus bref délai: Tant que dure la classe, la chose
MORALE PROFESSIONNELLE.
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est dilfficile : l ïnstituteur ne peut quitter l'école, e ~ d ·autre part il ne ;peut confiœ die ma!ladie à un arutre enfant, à cause du danger de contagion possible ou des dangers d'accidents le long du chemin. La classe fini e, soit que lui-même accompagne le. patient, soh qu 'il s'en remette de ce soin à un autre enf.ant, il donnera aux familles intéres- · sées les renseignements nécessaires et avec toute la d iscrétion nécessaire aussi. C'est dire que ces renseignem ents seront donnés par écrit et sous enveloppe cachetée. Quant à ce malad e dont un rien peut-être aggraverait l'état , on ne manquera pas de le protéger sur son parcours contre le froid ou contre toute autre circonstance qui lui serait nuisible. Envers un enfant malade il existe un devoir de sympathie, à tout le moins de simple convenance, qui est de lui faire visite d e temps à autre et de s 'intéresser à lui . Ce devoir est dfl à la fois à l 'enfant et à la famill e, et il n 'y faut manquer pour aucune raison . Ce n 'est pas assez de faire prendre des nouvelles du petit malade par un cam arade ou par un voisin ; s'en tenir à cela ne serait pas un témoignage sulffisant d 'intér êt , accuserait une indifféroooe coupable à la santé de l'enfant. Ne serait-ce au surplus que pour se conduire en homme bien élevé et de bonne éducation , il faut faire davantage et a ller voir chez lui l 'écolier absent. Sans faire ces visites trop fréquentes, car pour des r aisons diverses la famiJ.le pourrait en être importunée, il est indi spensable aussi que le maître ne les espace pas outre m esure et qu 'e·ll es n'apparaissent pas comme un devoir ennuyeux dont il s'acquitte sans conviction et comme malgré lui. Aussi bien ell es peuvent lui fournir l'occasion de donn er discrètement et avec tact de salutaires conseils d'hygiène, dont l'ignorance des par ents a le plus grand besoin par fois. A l 'occasion égalem ent, il fer a 1-a guerre aux pr éjugés qui on t, h élas ! trop cours encore quand il s'agit de la propreté et des wins que réclam ent les m alad es et les blessés. Tous ces devoirs imposent, on le sait bien , des dém arches et des attenti ons ; mais ce sont des devoirs qui perme ttront au m aitre de r endre des services peut-être d 'un grand w ix, et que la sympathi e envers un enfant qui souffre n e manquera pas de lui rendr!3 f.acHes et d'inspirer. Plus m ême : il serait bon qu e les cama rades de l'enfant , ou plutôt l'un d 'eux au nom de toute la classe, al1.ât 1.ui au ssi faire régulièrem ent vi site au petit- m alade et s'inform er de sa guéTison. Comm ent, à quels jours, selon quelles for mes, ce sont là des points de q étail qu 'un instituteur
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a vite régl és a1 ses élèves quand l'harmonie règne comme vec. elle doit dans la classe. Etant bien entendu d 'ailleurs que si l 'on a afliaitne à une maJadie oon.taigieuse, les ahoses .ne peuvent aller aussi simplement ; il pourrait y avoir imprudence grave à mettre alors un enfant bien portant en contact avec un élève souffrant. Ici comme toujours, les solution heureuses sont celles qu'on dem ande au bon sens, à la raison, au tact , quand le cœur les anime ou les soutient. Nous ne terminerons pas ce chapitre sans dire au m oins un mot du surmenage et sans signaler les pernicieux effets qu 'il peut avoir sur la santé de l'écolier. Ge n 'est pas que nous soyons tenté de croire que le mal sévit dans la m ajorité des écoles . Nous en sommes loin ; ma is il est néanm ôins exact queo certains maîtres abusent qui d es devoirs à la maison, qui des leçons à étudi er dans la famille. Ils le,: m ultiplient sans m esure, et l 'on voit ainsi des écoliers, de::: écolièr es à qui ne sont laissés ni r ePQs ni détente, n.i jeudi ni ·dimanch e, qui , toute la soirée ch aque jour et tou t le j ur chaque dim anche ou chaque jeudi, peinent sans joie sur leurs cahiers ou sur leurs ·livres pour des devoirs ou des leçons dont la liste' est inépuisable. Fâch eux excè!'. et dont les conséquences pour la santé ou la croissance des enfants et des ado.Jescents peuvent être graves. Rappelons ces m aHres, bi en intentionnés, m ais trop zélés ou irréfléchis, à la m esure et au bon sens. L'enfant a besoin de jeu , d 'exer cice physiqu e, de grand air; il a besoin de laisser son systèm e nerveux et mental se reprendre et se reform er ; ne fai sons donc pas violence à' la nature et lai sons, comme disait Rousseau , mûrir l'enfance dans l 'e nfa nt. Payons pas hâ te d 'en faire trop tôt un cérébra,l , à l ',àge où il est nécessaire qu 'il soit surtout un bon animal et où sa vie doit être végétative a utant et plus encore qu'int.ell ectuelle. Cela aussi, c'est un devoir ,enver s sa santé, et c'e,5t un devoir assez importan t pour qu'en l 'occurrence un zèle intempestif n 'entraîne pas le maître à le n égliger.
Le bon m aître, disait un jour Lavisse, est celui en qui le m agister n 'a pas étouffé l'homm e. Peut-être est-il vrai en effet qu e ch ez l 'instituteur le m étier transforme inexo. rablem ent l'homme en « m agister », et que )es élèves qu'il a autour de lui ne sont plus vus par lui d 'un regard d 'homme, d 'un regard humain, a ffectueux ou ému, m ais !'enl em ent d 'un r egard sec et froid de pédagogue. Et cela fai t qu 'il les voit autres qu 'ils ne sont, qu 'il n 'aperçoit plus en eux tous l_es traits ni tous les besoins de la nature
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humaine et de la nature enfantine. Si bien qu'il peut demeurer plus ou moins étranger dans sa classe aux préoccupations, aux soins, aux attentions amicales que, comme homme et surtout <:omme père, il ne lui viendrait Jamais à , 'esprit de négliger ou d'oublier dans la famille. Si l bien aussi que justement des pères ou des mères de famille s'étonnent quelquefois, non sans raison, semble-t-il, du peu de sollicitude qu'à l 'école on paraît avoir pour leurs enfants et maugréent contre le peu d 'intérêt que le maître a l'air de porter à lP-ur santé et à leur bonheur. Il faut que les instituteurs - et même les institutrices, que pourtant leur instinct de femmes et dei mères préserve ordi.1'Baiiremenrt de oos négligenoes, - soient en gairde contre cette défor:mation professionnelle. A la longue, elle étoufhomme, c'est-à-dire la bonté humaine, l'afferait en eux l'_ fection qui est toujours due aux petits enfants et qu 'un papa ou une maman leur donnent si libéralement de tout leur o:eur. Guizot le disait bien, l'instituteur doit exeirœr son autorité avec la même vigilance que le père de famillf.' et presqu,e. avec la même tendresse. Mais pour que cette tendresse demeure en lui toujours profonde ert agissante, encore faut-il que le métier ne lui dessèche pas l'iâ:me et que ses élèves ne lui apparaissent jamais comme des indif.Mrents ou des étrangers. Et qui niera que le iplus sùr moyen de les aimer et de s'intéresser à eux soit de se donner sans réserve à sa tâche, de se oréer ainsi une classe laborieuse, alerte, vivante où le maître sent chaque jour que son effort n'est pas ·perdu ?
�CHAPITRE VII
Obligations envers les autres Maîtres
Devoirs réciproques des Directeurs
1. 2, 3. 4. 5. -
L'union pour le bien de l'école. Les rapports entre collègues. Directeurs et adjoints. Leurs devoirs réciproques. Le conseil des maîtres.
1. L'union pour le· bien de l'école. - Entre collègues, des devoirs s'imposent. Un mot banal les résume, banal mais expressif, celui de « bonne confraternité >>., auquel d'ailleurs l'usage substitue de plus en plus le vocable prodigué aujourd'hui de « solidarité ». Ces devoirs particu liers, ce ne sont pas seulement ceux de tout ·homme enveTs lout autre homme; c'est-à-dire ces devoirs généraux de justice et de respect qui rendent possible et douce la vie en société et que chacun de nous est tenu de pratiquer envers tous ses semblables ; ce sont des obli gations nouvelles nées du fait que l 'on travaiUe à la même '.X:!uvre d 'intérêt social et qu 'on doit y travailler du même o:eur, avec la seule préoccupation de la mener à bien. Soit une école à plusieurs classes, où enseignent des maîtres qui ont chacun leur tempérament, leur volonté, leur tour d 'esprit, leur méthode propre, et où chacun, comme il est natuTel, est soucieux avant tout de lui-même et de ses élèves et des résultats à obtenir dans sa classe. Un tel souci est pleinement louable, il est la condition première du travail fructueux ,et du succès. Mais il n e saurait être exclusif ; il ne saurait faire oublier qu'au delà de l 'intérêt spécial d 'une classe, il y a l 'intérêt de l' éwle tout
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entière, c ·est-à-dire de tous les écoliers eux-mêmes. Or c'est à eux qu 'en définitive il taut toujours revenir; c'est le soin de leurs études et de leur éducation qui doit tout inspirer et régenter. D 'année en année i,ls passent d 'une dfasse dans ooe rautre, et iJ n 'est ,pas rn. -e, dans tes grandes r écoles, qu ·au cours de leur scolarité ils soient ainsi les élèves de six ou sept maîtres successifs. D'où l'importance d 'une organisation, d 'une <:0ordination et d'une harmonie de tous les efforts en vue du maximum de résultats, afin que, de classe en clhse, l'élèv<e ne soit pas dérouté ou condamné au piétinement, que ni heurts ni contradictions ne vienrnmt ébranler ou défaire en lui ce qui a été fait auparavant. Si donc il advient, et il adviendra sans auc un doute, que chacun des maîtres de l'école ait à renoncer peu ou prou à l'entière autonomie de sa classe, qu'il lui faille se plier plus ou moins aux nécessités de cette orga( • ,.. nisation d ·ensemble dont les écoliers bénéficieront, ce lui > ~~ un devoir d ·y consentir sans anière-pensée, sans at11 t~~dre t'nème qu'on le lui demande. Se cantonner dans un i.. iriiéduotible quant-à-soi, prétendre n 'abdiquer rien de sa personnalité parce que charbonnier est maître chez lui, et par là même alourdir ou compromettre à quelque degré la tâche des autres maîtres, ce serait manquer envers eux à ce devoir de bonne confraternité qui est l 'a b c de la vie professionnelle ; ce serait faillir ensuite au devoir professionnel lui-même, puisque c'est l'intérêt des €!lèves qui en est la règle invaTiable et souveraine. Si maintenant, au, lieu de maîtres tr~vaillant dans la même école, nous considérons des maîtres exerçant dans les écoles de la même localité, par exemple un instituteur et une instJitutrice enseignant dans chacune des deux écoles d 'une m ême commune, nous n .' avons rien à changer aux simples préceptes qui viennent d'être indiqués ein quelques lignes. A défaut d'autre sentim ent, le souci de l'école leur commanderait l'entente et l'harmonie, c 'est-à!-diTe La bonne confraternité. Car de leurs inimitiés ou de leur mésentente il ne se pourrait pas que l'une ou l'autre, elt peutêtre l1'une et l 'autre de J.eiuirs éooles ne souffrlt pas à la longue et même bien vite ; soit que trop de disparité s'accusât aux yeux mêmes des familles, soit que l'un des deux maîtreR vouhît attirer trop égoïstement à lui seul et à sa . classe les libéralités du conseil municipal, soit que leur dissentiment ébranl'ât '··1e crédit de l'école laïque et fô.t ainsi nuisible à la cause qu'ils représentent, qu'ils servent 'et qui les dépasse singulièrement.
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Et les mêmes remarques seraient vraies encore appli<J'llées aux maîtres de communes voisin%, de tout un canton, · de tout un coin de, pays. A n'examiner donc que l'intérêt supérieur de l 'institution même dont ils sont les serviteurs, il est es entiel que les instituteurs et les institutrices vivent ein bons collègues et ne donnent jamais ni au..x écoliers ni aux populations le spectacle de désaocords, de bisbilJes et de querelles. Cet intérêt général ne laisse pas d 'être pJeinement conforme aussi à lerur intérêt pa,r ticulier. Ils perdTaient bientôt dans ces brouirles ou ces jalousies une part de l 'estime qui s'attache à leur peil'Sonne même et à leur fonction, et avec cette estime une part du respect qu 'on leur accorde. « Cela fait mauvais effet », disait un JJ€re de famille en déplorant le peu d 'entente qui ri¾:,onait entre l'instituteur et l 'institutrice de son village ; et ce « mauvais effet » voulait dire que les habitants voyaient J.11 un mauvais exem_ple donné par ceux qui justement ont pour office. de prêcher l'entente et l 'union, et qu'ils ne pouvaient pas ne pas leur en retirer quelque chose de leur sympathie et de leur confiance. JI est nécessaire que le corps tout entier des instituteurs d e France soit honoré et respecté, qu'il donne l 'impression d 'une grande force morale, d 'une de ces forces vives qmi sont salutaires r.,our une nation. Non pas qu'il doive prendre figure d 'un groupement professionnel prrêt à faim obstacle aux lois et à mettre au-dessus de l'intérêt national ses intérêts corporatifs ; non pas que l'esprit de COTJ)S doive l 'avieugler et lui faire accepter envers et contre tous des solidarités que ni l'équité ni la raison ne ratifieraient : il serait alorrs un élément de ,peirt,rurbation ,et de trouibHe, e.t l 'opinion publique ne tarderait pas à se dresser contre lui. Mn,is qu'il soit une grande force sociale, un puissan,t agent d 'ordre et de progrès, rien de plu s désirable et de p~us fécond. Or, une des conditions de cette autorité et d e ce prestige qu 'il est légitime d 'ambitionner pour lui et qui font pour une large part sa valeur comme son crédit auprès des pouvoirs public~, c'e t qu'il apparaisse comme un'Î et cohérent, qu'on ne le sente pas tiraillé, divisé contre lui-m ême, tourmenté par des quereJles de personnes ou de clans ,et plus attentif à ses rivalités intestines qu 'aux grands inté>rêts et à la grande Mcbe que la nation lui a remise. Et par là les di cordes aiguës, toujours regrettables autant que mal fondées parfois, entre partis adverses au sein de la grande famille enseignante, et les polémique~ acrimonif\uses qui s'ensuivent, oui, tous ces oublis dei:;
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devoirs qu'imposerait cc une bonne confra.teirnité » et que cer.tains, d ·un o::eur léger, foulent aux pieds dans l 'ardeur des polémiques et des questions de personnes ou de chapelles, acquièrent une portée bien plus étendue qu'on ne pourrait le croire à première vue. Elles fatiguent et elles indisposent l 'opinion, elles aliènent à toute la corporation des sympathies et des appuis, elles ont cette incidence désastreuse que, pour finir, c'est l 'école laïque elle-même qui est atteinte par delà son personnel, jusque dans son princ ipe même et sa r aison d'être. 2. Les rapporu. entre collègues. - Quittons à présent ces hauteurs et ces vastes horizons pour en venir à des sujets plus bornés et à des réalités plus familières ; et demandonsnous : Qu 'est-ce qu 'un bon collègue ? Quelles qualité& voudrion!-nous rencontrer chez un collègue- par OQlllSéqu.ent chez nous-même - pour que ce qualificatif apparût mérité ? Ou, pour prendre la question par un autre biais, de quels défaUJts est exemp et queils agis emients ïnterd'it un bon collègue ? Nous remarqufüon d 'abord que nul défaut humain n 'est plus naturel ni plus commun que l 'envie ; elle est une des formes normales, ose,raiL-on dire, de cet égoïsme irréductible et profond qui habite au cœur des hommes. Mais cette cc fureur qui ne peut souffrir le bien des autres », comme la définit un orateur sacré, nous parte envers eux à l 'irritation et au dépit, elJ.e nous rend ombrageux et jaloux, inquiet et méchant. Qu'à côté de nous un collègue nous semble mieux que nous réussir et conduire sa classe, que simplement même nous redoutions en lui un rival OUI un émule, que pour des raisons quelconques il enregistre des succès professionnels, et même d'autres, qui le signal,e nt autant ou pbUis que noms à l'att,eintion d:es elllfants, ·aes familles, de nos chefs communs, et c'en est assez pour nous . inspirer quelquefois de l'aigreur et du ressentiment. L'esprit de dénigrement et de médisance, les attitudes sournoisement hostiles ou franchement agressives jailliront de lA comme d 'une source qui ne peut tarir. Et Dieu sait quelle prodigiern;;e fertilité dans le mal la haine et la jalousie rommuniquent à l'imagination l Il n'est pas çl'invraisemblable méchanoeté ni de perfide détour, sous des appairenc:es indif~éTentes ou correctes, dont ne soit capable aloirs l 'esprit d évoyé ; et il n'est sophisme de justification qu 'il n'invente pour s'en faire accroire à lui-même et se donner raison. Est-ce à dire que ce démon de l'envie s'attaquè à toutes
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les • mes, qu'il soit partout puissant et partout sème la à zizanie ? Loin de là ; beaucoup de o.::eurs et d'intelligences sont rebelles à ses inspirations, parce qu'ils sont rebelles aux petitesses et aux sentiments mesquins 011 méchants. Il n'est pour s'en convaincre que de regarder ks faits : c2 'n 'est pas le désaccord et l'hostilité, c'est l'harmonie et l 'union qui sont de règle dans le p~rsonnel. Et s'il y a drs exceptions, qu'à la vérité, ne fussent-elles que quelques: . unes, on ne peut s'empêcbeT de trouver toujours trop nombreuses, c'est bien à cette malheureuse et triste envie qu'il faut la plupart du temps en faire remonter la cause ; c'est elle la grande coupable. Elle est l 'ennemie dont il faut se, garder, comme de la plus venimeuse con eihlère qui puisse s'in,sinuer dans les replis des âmes. D'autres fois, ce sont des raisons d 'intérêt, de pauvre et misérable intérêt matériel, qui cr éent entre les maîtres la dissension ou l 'animosité. Pour quelques fruits ou quelques légum es d 'un jardin, pour quelque insignifiante portion d'un créd_l -municipal , pour un maig re avimtage pécui niaire, « pour une misérable ptièce de oent sous », comme dit le vul gaire, on a de exigenoes ou des avidités qu'tlarpagon lui-même ne, renierait pas, on fait d 'un rien une af· affaire interminable que l'on outient avec une apiniiâtreté acariâtre, on suscite des m écontentements et des inimitiés aussi tenaces que la cause en fut petite. A chacun son dû , la cho e n 'est pas contestable ; est-oe une raison pour exiger son dû avec tant d'1âpreté et tant de discomtoise intransigeance ? Puis il y a ceux que le langage populaire, trivial mais énergique, appelle les mauvais coucheurs, ceuoc qui' par nature sont hargneux et grincheux, et ne peuvent vivr.e en paix avec personne, tant leur caractère épineux en fait d es êtres antisociables. Où qu'ils aillent et quoi qu 'on dise et fasse, ils se croient toujours lésés ou molestés, mais ils ont , ,eux, u:ne prapien ian. fort d~plaisante à mtin ester les autres. Ils se froissent d'un rien, mais leur ombrageuse ~sceptibilié n'a pour les autres nul ménagement. Peut.être ne sont-ils après tout que les pitoyables victimes de cet amour-propre exaspér é qui ne veut s'accommoder de rieJl'l ni consentir à aucune concession , parce qu'il s'en estimerait trop diminué. Foin de ces gens qui , invoquant à '· tout propos leur dignité, voient partout des manquements \ aux égards qui leur sont du et en sont flâcheusement atrabilaires ! Dirons-nous encore un e cause, qu·on souhaiterait plus
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rare, de ces inimitiés . entre collègues ou de ces froissements qui finissent par en faire des frères ennemis ? C'est bel et bien la complaisance, avec laquelle certains prêtent l 'oreiJ.le aux racontars et aux commérages, s'.en font euxmêmes les échos amusés ou avides et les colportent avec une satisfaction d 'où est absente toute intention de charité. Qui .!',e mporte, en pareil cas, de la petitesse d 'esprit ou de la petitesse de o-.:eur i1 On hésite à se prononcer, mais on regrette que des gens de bonn·e compagnie et qui doivent se tenir au-dessus de certaines médiocrités de caractère ou d ïntelligence se laissent aller à ce rapetissement mental. .. N'y. a-t-il pas mieux à faire dans la vie que de s'arrêter à ces mesquineries méchantes et de s'en repaître, ? Notre tâcha d 'éduca:le,uxs ne d~ait-e.J:le pas nous éJle-ver bien plus haut ? Cela dit, nous demanderons encore : Que faire pour agir toujours en bon collègue ? Quels écarts éviter ? De quels agissements e garder ? Ces questions paraissent comple,xes et fort embarrassantes ; on y peut donner pourtant des réponses à peu près sûres et toujours valables, quoiqu'elles n'aient rien de spécifiquement pédagogique : ce sont les traditionnelles formules de la morale des honnêtes gens. Celle-ci d'abord : ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qiue l 'on vous fît à vous-même. Que de fautes nous éviterions si nous respections toujours cette règle avec une absolue sincérité ! Elle est vraiment la règle, d'or de la moral-e, le guide assuré des consciences. Quand un maître manque à la droiture ou à la bonne confraternité envers un collègue ; quand un directeur· d 'école travaille en secret contre l 'écofo publique voisine pour avantager la sienne ; quand l'instituteur secrétaire de mairie profite de son crédit au conseil municipal pour en obtenir des libéra· lités ou des sympathies qu'il n 'a que rarement l e souci de d ériver un peu vers l'école de sa collègue l'institutrice ; quand un débutant va clabaudant sans discrétion et sans me.sur-e que son prédécesseur dans un poste lui a lai~é une école en piteux état et tout à faire ou à rMonPer : qm,nd un (( bon collègue )) garde jalousement pour lui u.n avis officieux ou officiel, un renseignement, une information qui seraient pourtant les bienvenus pour d'autres aussi, ou quand il rechigne à s'imposer un léger dérangement pour les aider à sortir d'un mauvais pas .. . ou i. que diraient tous ceux-là si, les rôles étant irenv,e,rsés, on se cond'Ulisait envers eux aussi peu chadtablement. aussi peu loyalement même, qu 'ils ~e conduisent envers les autres ? cc Mettez-
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vous en la place du prochain, dit un Père de 1·Eglise, et le mettez en là vôtre, et ainsi vous jugerez bien. » Dans nos rapports avec tout un chacun, opérons souvent cette mé· ooanpsycho.se idéal,e; mais opé'rons-la bien .davantage encore dan nos rapports avec nos collègues ; et ainsi nous jugerons bien et serons en mesure de bien ag,ir. Serait-il bien difficile aussi de se demander en toute bonne foi si l'on ne se conduit pas, en paroles ou en actes, de manière à nuire à un collègue ou à son école, si l'on n~ s 'expose pas à lui rendre la tâche plus dif'ficile ou plus ingrate ~ La bonne confraternité, comme la fraternité tout court, a pour devise : cc Aidez-vous les uns les ·autres >i. L',œuvre dont on a la charge est déjà suffisamment lourde par elle-même sans que la jalousie, ou la méchanceté, ou la susceptibilité d ·un coUègue viennent y ajouter des difficultés nouveJles ou des déboires nouveaux. Que cle bien feraient certain s'ils appliquaient à des pensées, charitables ou simplement conciliantes le temps et l'activité qu 'ils emploient à médite,r sur les moyens de contrarier et d'ennuyer autrui , ou à ruminer leurs mesquins froissements d':imourprOipfe ! Si la règle de la bonne confraternité est bien ':elle que nous disons : - Entre collègue , enlTe arti ans de la même ,~vre, se soutenir et s'entr'aider, ne jamais se dénigrer ni se nuire, - à plus forte rai on est-elle impérieuse dans les communes ,et dans a régions aù ·l es popu;Ia,tion sont de,es, meurées réfractaires encare à l 'enseignernent la'ique et où leur hostilité rend d'autant p~us pénibJ.e la bâche des maîtres. En ces régions, c'est surtout anx écoles de filles que l'on s'en prend, c'est elles qui sont Je, plus combattues et c'est d'elles urtout que l'on travaUle à détourner les enfants. II serait inconcevable qu 'alor les instituteurs et les institutrices laïques ne missent pas en commun tout ce qu'ils ont d'influence et d 'action, à la fois pour le bien général de J',œuvre à laquelle ils travaillent et pour le bien particulier de ceux dont la situation est la plus difficile. AvaJlt les questîons d'e personnes, avant les bisbilles individuelles, doit passer ici la question de principe, : aider ses collègues et n'ajouter rien jamais aux misères et aux soucis que leur vaut déjà, leur fonction. Bie·n coupable donc serait l'instituteur qui, dans les communes hostiles, desservirait ouvertement ou en cachette, sa collègue de l'école des filles, ajouterait des obstacles à tous ceux qu'e.Jle doit vaincre. La récipTOque serait d'ailleurs tout aussi vraie. Et nous y insistons, parce qu'il est fâcheux, plu que cel{l, il est dou-
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Joureux d'avoir à constatiar gJUe de çà de là ces élémerutaires vêrit:és sont perdues de V'Uie et que, pou:r de méprisa.hies froissements d'amour-propre ou pour de ·s ottes -et ridicules histoires de on-<lit et de ragots, il règne entre collègues qui devraient s'aider et se défe.ndre des différends qui leur sont nuisibles à eux-mêmes et qui achèwmt de comipron tettre le succès de leurs écoles.
3. Directeurs et adjoints. _, Nous nous attarderons un
peu: sur ce chapitre : il intéresse naturellement plus que
tout aUJtre les jeunes maîtres, ceux qui vont débuter bientôt, et il e.st toujours d'actualité. Directeurs et adjoints, pour d 'aucuns, cela resserniblle fort à patr()[ls et ouvriers; i! l emble que de part et d'autre existen,t les mêmes opposition , 1es mêmes antagonismes, et quie la bolfine harmonie et la pa.:ix ne soient pas possibles entre eux. Il est de fait que dans plus d 'une écale ç 'a été a1U!refois, _ c'est même encore aujourd'hui la guerre, sourde ou manife~te. Mais c'est un fait aussi que ces écoles-là ne sont pas le nombre, tant 1:-'en faut, et que très sûrement leur nombre déijà bien petit va se réduisant de plus en plus. Au fond , c'est un des aspects de cetbei crise de l'autorité que l'on retrouve partout dans la société, sous les formes les plus innombrables. Tout en a favorisé l'éclos ion. Liberté, autonomie, indépen,danoe, tels sont les mo;ts et les idées qui aujourd'hui courent le monde, qu 'on respire dès l 'enfance et à quoi dans la jeunesse tout nou convi e à nous rafüer. Puis l 'autoTité a couvert tant d'abus et commis tant d'injusti ce, qu'elle en a perdu un peu du respect qnü s'attachait à son nom ; et il serait vain de prétendre que l 'autorité des directeurs d 'écoles ne fut jamais tyrannique, abusive et parfois, disons le mot, insupportable : nous en avorn:. dans la m émoire d'incroyables et authieintiques exemp les. Cependant le temps et les m~s ·ont changé, cette autorité s'est bien adoucie, eiltei s'est imprégnée profondément de l'air des temp . nouveaux. Malgré cela, pour plus d'un jeune instituteiur encore le dir,ecteur reste le patron, le maître, c'est-à-dire l'ennemi. Il l'est par définition , l il l'est piar n:a,turn, i[ l'est à prioTi , il r'8'9t quJO~ q:u'il fusse et auoi qu•'il veuill e. Plus e ncor e : il advient que, tout pleins d'eux-mêmes autant que d 'une scien ce toube, fraîche, tels de res jeun es, en face de leur directeur au savoir ,e.t aux diplômes déjà vieillis, n e sont - as loin de le tenir pour inapte p à les dirig-er. La jeunesse immodeste a parfois de ces audaces et de ces présomptions, et croit pot1r le moin s qu'ell e va r ebiâtir le monde .. .
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Rebâtir Je monde,! Il n'est pas rare en ef:f.et que les jeunes p rofessent les idées d'avant-garde - c'est de leur lâge et croient déte.nir le secret des formules de l'avenir. Il n'est pas rare, à l'opposé, que les directeurs, revenus peut.ê tre de ces emballemen~ juvéniles, n'aient pas la même foi dans les constructeurs de cit6 future et, moiru; soucioo:x de la société lointaine, aient davantage la préoccup.1tion présente de leur école et de leurs ,élèves. Et c'est poUll'quoi ils tiennent à ce que leurs jeunes cqllaborateurs 6 ·apphqwent à la tâche, y mettent toute leur intelligence et toute leur activité. Cette, tlâche, c'est hi.e n le devoir -essentiel, c'est le devoir quotidien, c'est le devoir siîr, préci's et limité, et J.e jeun es qui seraient tentés de le négliger trahiraient, on peut le craindre, plus de paresse et plus d'insouciance du vrai devoir que de, vertu; Téformatrice et de dévou,ement social. Pour l 'instituteur, la première forme du. dévouement au bien public, c'est la conscience profess ionnell e et l'effort laborieux à meubler et à façooner les r-ervearux. Ce n 'est pas« pour le patron » que les adjoints travaillerut,. et ce n'est pas le patron qui Tecueillera les fruits de leur application. Ils travaillent pour leurs .élèves, et e sont leuTs élèves qui r écoltemnt ce qu'en ']J!I'Obes ou en mauvais O'llvrieTS eux, maîtres, auront semé. On n'a pas laissé de nous insinuer quelquefois qu~ ceux des adjoints qiui, le plu véhémentemen,t, tiennent le patron pour ·l 'ennem i, sont peut-être ceux aussi qiui tiennent suTtoiut le travail pour l'ennemi .. . Que vaut la bootade, ? Nous la issons aux intére sés le soin de faire le ur exam en de conscience et de r épondre. De froids humoristes vont même plms loin enwre : ils affirment que les adjoints qui dénoncent avec le plus die fougue le despotism e des directeurs et sont les . ubordonnés les plus... insubordonnés. deviennent par la >'uite les directeuTs le plus agaçants et l,es plus intraitables. Le. extrêmes se toochent, on le sait de r esre, & l'on a vu plus d 'un révolutionnaire à tous crins devenir avec l',§.'ge et les circonstances le plus conservateur et Je plus rassis des bomgeois. Que si, changeant d'écoles, nous examinons un peu ce q1ü se passe entre directrices et adjointes, nous entendrons peut-être des récriminations d 'un autre ordre, parce que nous sommes da,ns un camp où les petites questions d 'amom·-prop,re et de préséance se m êlent volŒ1tiers à toutes choses, et où l'autorrité se fait, dit-on , plus pointilleuoo et ,pilus tatiilon.ne. La direcflrice, dlédlarnemt cLe çà: de là quelques adjointies, prétend tout r égenter dan les
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plus petits détails ; et non sellllem.ent notre service scolaire, mais même notre vie. Elle nous traite ie!IJ. petites pensionnaires que l 'on conduit par la main sans jamais leur M.cher les lisières. Il semblerait par instants qu'elle nous en veut mêmie de notre jeunesse et qu'elle 'la jalouse ; elle ne nous pardonne pru, notre âge. Jusqu'à notre coiffure et la coupe - nos robes, et .la couleur de nos bas et la forme de de n.os souliers, il n',e t rien qu'elle ne s'aTroge le droit de vouloir régir à son gré ; et pour peu qu'elle ne nous trouve pas un air suffisamment pédagogique, ce sont sous-entendus et doléances ou critiques qui ne cessent pas. C'est à croire, prétendent d'autres, qu'elle nous en veut de n'ètre pas dupes des petit artifices et des petits mensonges gros quelquefois - paT lesquels elle s 'a,ppliqrue à se reindre favorable. une administration qui n'y voit rien et ne soupçonne là ni wueaies ni stratagèmes, aloTS qu'il en est à chaque pa . Ailleurs, raconte-t-on, la directrice n 'a qu'une ambition, qu'un rêve : être ap,pelée « Madame » ; et qui s'aviserait de la nommer « Madame la. Directrice 11 et plus, encore « Mademoiseille », connaîtrait son courroux. Elle croirait son autorité à jamais compromise i on pre~ nait avec elle de telles licences eit ne s'en consolerait pas. Et chacune donc de lui donner du « Madame 11 à bouche (fllle veux-t).1, sans que « Madame J>, satisfaite, aperçoive tout ce qu'il y a de moquerie un peu irrespectueuse et de railleries voilées au fond des âmes. A quoi des voix répondent, du côté des dirnctrices : Oui, m,a,is c'est que peut-être nous avons à diriger teHe éberluéequ,i, s i •on la laissait failre, devancerait la mode plœ qu 'eHene la suivnait e4 ne se rendrait .p as compte qu'elle extravague. C'est que, si les jeunes maîtresses ont une fois r:crdu ie sens et le respect de l'autorité, e1les cèdent trop docilement à leuir -fantaisie et que cela peut mener loin. C 'e t que les familles prêtent une particulière attention aux façons de faire et aux allures de l 'institutrice laï(Jill,e, et que· l 'écol.e concunrente aurait tôt fait de mettre à profit la moindre de leurs défaillanœs ou le plus innocent de leurs égarements. Nous n'a.von!'- en vue que le bien de l'école ... Aussi bien, tous ces conflits et fous ces heurts entre directeur et adjoints, entre directrices et adjointe~, ne sont que des rocceptions ; dans la, pluPQrt des écoles règnent la confianoe et r'hiarmonie. Mais ;pourr excepti(JITlS qu'eUes &Oient, i,l faut les signaler au passagre,, : e d~iplore,rl et en cher.cher ,]es remèdes : c'est ce q,ue nous allons maintenant essayer.
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-i. Leurs devoirs réciproques. - Le premier de ces remèdes, c'iest que chacun y mette du sien; c'est-à-dire qu.'on se fasse avec bonne humeur et avec bonne griice des con.cessions réiciproqu-es, que chacun ne s 'obstine pas dan.s son attitude ou dans son point d,e vue, sans vouloir, en démordre. Directeurs et directrices ont l 'autorité et doivent en user ; mais qu ïls sachent la contenir dans des limites raisonnables, qu'ils ne jouient pas au souverain absolu et se persoodent qu 'ils ne peuvent pas aivoir toujours raison, qu ïl,s ne sont ni l'équité, ni la sagesse, ni la science pédagogique incarnées. Qu'ils ne se persuaden,t pas avec moins <le certitude que 1·autorité brutale se rend haiissable, qu'elle n 'est pas supportée sans impatiooce et sans désir de re· vanche, et qu 'à se faire tyrannique ou trop dure elle sape jusqu,·à son propre principe : rien ne l'a ruinée comme ses excès mêmes et ses prétentions. Qu'enfin leur autorité ne tende pas à devenir trop envahissante et trop minutieuse ou tràcassière ; qu'elle ne cherche pas à trop gouvern,,r, surtout dans les domaines qu'elle devrait d'elle-même s'interdire paroe qu 'elle y empiète trop visiblement Slllf' la liberté individuelle et le droit des consciences. Et que les :adijoints de le1J1r côté se nendent bien coonJplte - e.st-ce diificile ? - qu'un organisme quelconque, en l'espèce une école à plusieurs classes, ne fonctionne régulièreipent que si 1·ens,embl e est réghS et si cette r égularité est maintenue par l'homme justement quii ie111 a la responsabilité et qu'ont instruit les leçons de l 'expérience. Lorsque le di,recteur tient. la main à ce que ses collaborateurs soioot ponctuels et appl iqués. qu'ils fa6Sent leuir office en toute conscience et en toute loyauté, cette exig,e'[lce est-elle donc contraire aux lois, contraire à la raison, contraire au devoir ; et ces mêmes adjoints, s'ils étaient directeur,s, s'en tiendraientïls pour dispeinsés a Qui consentirait à croire que sans ce · contrôle et cette direction les débutants vaqueraient tous et toujours à leur besogne avec une exactitude exemplaire et avec le sentiment profond de leurs obligations profession·n ell es ? Une> direction vigilante et bienveillante à la rois, n 'est-ce pas pour les jeunes une heureuse chance plutôt -qu 'une sujétion ; ne peut-elle J.eur épargner plus d 'un faux -pas ou plus d'un tâtonnement malencontreux ? i\ous demanderons ensuite que de pa1t e t d'autre on, se ·conduise toujours en hommes bien élevés, en hommes ·courtois et ·corrects, respectueux liis uns des autres, et ·qu 'on ne fasse :jamais fi des convenances et des égards
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qu 'on se doit entre gens de bon ton. Les temps ne sont plus, sans aucun dout,e, où certain directeur d 'école, qui · passai.t pour un homme à :goigne, s 'autorisa,it de son titre de directeur pom: entrer sans fra.pper dans les chamhres de ses adjoints et, le cigare à la bouche, y transformer sans plus de façon le plancher en crachoir ; et rares aussi, s ï i en existe encoTe, sont les directe,urs hautains et :rigides à qui la cordial.ité dans les paroltis et l'affabilité. dans les manières ne sont pas de mise dans leU!I's ra,p ports avec leurs subordonnés. Nous voudrions tout pareillement croire passé le temps où cer tains adjoints partaient en vacances sans avoir la politesse m êm e de salue r avant le départ leur directerur, O'UI auraient cru déroger en JUJi faisant t~1ür avis, le cas éch èant, de l'empêchement majeur où ils étaient de venir tel matin à leur classe. Un cc C'est -asse~ bon, qu ïl se débrouille l » leur paraissait une justification suffisante de leur beau: sans-gêne. Non, ne prenons pas pour un luxe, dans nos r elations m utuelles, les règles du savoü-vivre et de la civilité puérile et h onnête . Attachons-nous y au contraire, p0ur tout ce qu'elles mettent d'agrément dans les relations, pour tO'llt ce qu 'elles y apportent de rectitude e.t de fac.ilité; ce n 'est par un ton rébarbatif e t un air hérissé que l 'on entre en confiance poulf colla borer à unô ,œuvre de foi . Mais par courtoisie, et correction , nous entendons aussi loyaut~ ; nous r éprouvons avec énergie tout cr qui est hypocrisie et m enées tortueuses, tout ce qui est cautèle et finasserie. D 'honpête homme à honnête homm e. qu'on soit directeur ou qu'on soit adjoint, la roub.Ja-rdis!:. et l'astuce né président pas aux ra.p ports quotidiens €t n 'ont accès ni dans les ,âm es ni dans les actions. Demandon e'!'i core qUre les directeurs dirig,e,nt , comme l 'indique leur titre et comme le requiert leur fonctio•1, et qu'ih- tiennent à h onneur, dans toute lia mesure où il.:: peuvent s'y employer , la formation professionnell.P. des jeunf.s . maîtrés. Cer tains s'en désintéressent trqp1, oo dit-on; d'au Lie5, les autoritaires, si l'espèce n'en a pas disparu . trouvrn t tout simpl':l Q'imposer com1"'c des do{lm •·s sacro,:ain ts leurs proc.édé$ eL lieurs façons de faire. M ii 5 nous en savons aussi qui , sans se lasser , mettent à cette tJâche un tact, une sollicitude ret un sa,voir-fa.ire sur lesquels leurs adjoints eux-m êm es ne tarissent pas d 'éloges et dont ils se félicitent comm e d'un gFand bienfait. Non seulement ceux-là donnent sans faiblir, en tant qu'instituteurs, l'exemple d 'une belle conscience professionnel'le ; mais ils déploient le m êm e zèle, un zèle discret et de bon aloi, à
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consei,ller leurs collaborateurs débutants, à les former à la pratique intelligenle de leur fonclion. Tant de jeunes, mème sortant de écoles normales, ont un besoin si instant de directions et d 'exemples ! Ils n 'ont plus rien à apprendre ... que leur m élier lui-même. Leur devoir, à e ux apprentis, c 'est donc la déférence aux conseils et au.x suggestions de leur di:recteur ; c 'est plus que cela : l'empressement à provoquer œ conseils, à y recourir avec sincérité et modestie. Nous ne leur disons pas de s'en faire les plagiaires passifs ou les démarqueurs serviles ; mais qu'au moins il s s'appliquent à les comprendre et qu ïls essayent de les faire passer dans la pratique. S'ils ont- un peu d'initiative ou de vie pe;rsonnelle, ils sauront vite se les approprier et, des pièces empruntées d 'autrui, eût dit Montaigne, faire un ouvrage qui sera tout leur. Plus délicate est la situation des directeurs quand - ls ont i sous leurs m dres, comme le cas est fréquent aujourd'hui, des adjoints iâgés dont toute la carrière s'écoule comme adjoints dans une école urbaine. Chacun peut alors invoque;r son expérience et l 'ancienneté de ses services pour prétendre agir à sa guise sans avoir besoin des conseils de personne. Mais cela prouverait tout simplement que, soit d 'un côté, soit de l'autre, quelqu'un m anque· d e doigté ryu de tact, ou bien encOII'e que le directeur n 'a pas su imposer son autorité tout au m oins morale, ou que l'adjoint man que à son tour de quelqu,es-unes d es qua lités que l 'on voudrait trouver ch ez un collabornteur n 'ayant souci que de l 'œuvre commune. Est-il nécessa• ire d 'ajouter , tan t ce devoir est élém entaire , qu'il faut que le directeur soit juste, traite chacun .::.elon son mérite, r ende à chacun selon ses ŒUNres ? Tout ce que dans le ch a:pitre pr écédt nt nous avons dit du devoir e d 'équité, alors qu 'il s'agissait de l 'instituteur devant ses élèves, nous pourrion15 le redir e ici sans y rien changer . Rie-n , sinon q;u e la justioe s 'éte,nd ici plus loin qu 'alors : il y, a une m anière d 'exploiter - c'est bien le mot - le travail des adjo ints qui ressffiJlble fort à une spoliatï.on. pour n e pas em.p loyer un term e pl us ·énergique. Nou n e parlon s -pas, bien ,entendu,, si tant est qu 'oo ,en r en contre encore, de ces abus d e pouvoir en vertu desquels un di recteur d 'internat, par ex.emple, forçait la m ain à un de ses adjoints pour lui faire accepter , moyennant une r,é,mu nération insulffi.sante et i;arfois d,éri, aire, un service de surveil1ance dans son internat . Si oe ch oz,es furent , le souY enir eu! en reste, nous l 'espérons b ien . Ma is n 'arrive-t-il
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plus, jamais ,p lus, que des directeurs, que des directrices s ·emploient subtilement à induire en erreur 1'administration, à tout arranger pour se donner le beau rôle et s'attribuer à l 'occasion les mévites d'une initiative qu 'ils n'eurent pas ou d'un travail bénévole dont ils se déchargèrent sur autrui ? Malhonnêtes et tristes choses que oette piperie et cette menterie, dont on voudrait avoir la certitude qu'elles s001t désormais SMLS exemples I Des gens s'étonnent, de bons esprits s'inquiètent et non à tort dru. discrédH où tombe le principe d'autorité : serait-ce donc qu'ils ignorent les abus et les erreurs qui se commirent en son nom' ~ Faut-il dire encore qu'un directeur doit s'interd~re absolument, en présence des élèves, toute ob-servation qu,i sera-it de nature à diminuer si ·peu qu:e ce ftlt l'autorité de ses c:ollaborateuTs, à diminuer par suite l'estime et la confiance, qoo les élèves leu,r accordent?. La règle d'aill,l eurs est simple : si tranchés que soient les différends entre les maîtres, si vives même leurs querelles, il faut que, jamais, au grand jarnais, les ,élèves n'en soient les témoins, ne puissent même les soupçonner. Est,ce hypocrisie ? Non pas ; car de ces désaccords ou de ces inimitiés d'homme à homme, l ,.éduca!JeuT, lui , n 'a pas à coILilaitre; en l.al'lt qu ',&ducateur. tout entier à ses élèvès, il les ignore ; il ne laiss~ voir de lui-même q.ue ce qui peut être à ses écoliers un bon exemple et un entraînement au bien. Et nfin, faut-il une fois de plus, inlassablement, répéter aux jeunes qu'avant tout et par dessus tout c'est à leur classe qu 'ils doivent se donner, que c·est envei,s leurs & 1èves que sont leurs premiers, leurrs pTincipaux d6Voirs, et qu'ils ne sont quittes ni envers leur conscience ni en~ ·ers la société s'ils ne.les ont pas dans toute leur pléniü1de laborieusement rerruptis ? Ce devoiir envers les élèves commande à tous l,es autœs, prime tous les /l/U!tres, ou pour mieux dirn les concentre tous. Tous les devoirs ou toutes les •'.lluvre e.t toutes les activités d''à côté, y compris au besoin la politique et ses ,alentours. doivent s'·effaoor devant ce devoir souvera-in : bien faire sa classe, s'appJ:iquer df' toute sa ferveur et de toute sa probité à son travail scola i,re. C'est pour l'instituteur l'alpha et l'oméga de toute la morale professionnelle. 5.. Ve conseil des maîtres. - Le rôle respectif du directeu·r et des adjoints a été fort bien mrarqué paT une longue c irculaire min'istérielle du 15 janvier 19o8, qui en même
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temIJ6 a donné une existence olfficielle et obligatœre à Uil16 institution déJà existante par e:ndrû'its : le Conseil des maîtres. Sans autres commentaires, qui seiraient in.u:ti,ies, nous reproduisons à peu près ,en son entier cette circulaire très importante. cc L'école est une, quel que, oit le nombre de ses maîtres, et tout enseignement est une collaboration : coll'aboration des maîtres entre eux en vue de la formation intellectuelle et morale de l 'enfant ; colliaboration des maîtres et des familles. Il n'est pas de conception plus fausse, plus étrangèr.e à nos princiJpes d'égalité et de bonne confraternité, que œlle.: qui maintiendrait le dirocœurr et ses adjoints dans un isolement mutuel, le premier concentrant en sa person.ne toute la vie administrative et pédagogique de l'école, les seconds 'féduits à ume obéissance énroite et bornant Jeurr activité à enseigner suivailit des méthode et de principes acceptés sans discussion et sans foi et imposés d 'autO'fité. L'unité ainsi obtenue, frapperait par avan ce l 'enseignement de stérilité,; pK)IUr être féconde, l 'h armonie dœt être faite de l'accord de toutes les bonnes volonté s'employant à l 'œuvre commune. Tous attendons cette unité et cette harmonie de l 'oraanisation hien c-OTDprii-e du Conseil des maîtres. cc Il va sans dfi-re qui'iJ ne pe,uJt être question de diminuer et d 'a ffaiblir l'autorité du directeur. Un de, mes prédéce,:seurs, dans sa cirou1 laire du: 13 janvier 1895 , traçait en ces termes la Mche qui lui incorrnbe : cc Le directeur d'une cc école ayant sous ses O'I·dres plUJsieurs in,stituteu/fS :td« joints, les ums déjà titu1 lafrres, les, a:utres stagiaires, a la « r esponsabilité de la bonne oraanisation pédagogique de cc l 'enseigneme.nt. Il a , e devoir, et par cons:équent le droit, J cc de guider l'es maîtres, surtout ceux qui débUJtent, de « ooordonner leurs efforts. vers le but commun. A l'école cc primaire, p lu:s qu 'ailleurs peut-êtr.e,, i1 importe de m é« nag.er avec un solin jaiJoux le temps des élèves,. d e leur « épargner le tâtonnement des méthodes, d:e prévenir ou cc de. combler le lacunes TéS'U, tant dl\lJ manque de concorl « dance entre les diverses dass.es qu'ils ont à franchir. n Ce langage n'a rien perdu de son autorité, ; H répond à! des n"éicessités to:u.t aussi impéri euses aujû'Ulfd'hu~ qu.'j.J y a treize ans. .T'ajoute;rai que le directeur, choisi parmi les maîtTes les plus éprouvés pouir se, se,rvices, son expérience et sa valeur personnelle, représente dan l'.école Uill -élément de fixité, de permanence et de tradition. Il demeure, tandi!: qu 'aut<YUT de lui l'es adjoi,n ts, surto'Ut dans les écoles si
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populeuses des grandes villes et de le'l.llr banlieuie, changent et passent. De cet élément mo!bile - t trop souvent renouvelé e il e.st impossible de faire d épendre l 'éducation de l ',enfant, qui veut être observé dans ses penchants e,t ses aptitudes, s uivi dans son progrès, instruit avec la contil.).uité de méthodes qui seule peut soutem.iir l 'eff.ort de son e~rit et augm enter l'efficacité de cet effort. « Uqe autre tlâche délicate dévo-lue a.u directeur est de parachever la préparation de ses adjoints. Il y faut û:hfiniment de. tact, de m esure et, pour tout dire, de bonté. Il lui faiut ménager des susceptibilités légitimes, par!fois om brageuses, e t désa- mer les défiances que fait naître chez r quelques-uns l 'aprparence d 'une suj étion. Iil do<it surtout se ga rder , par ê::l. es critiques incons idérées et présentées sans am énité, d e paralyser un zèle qui peut être tourné à l'avantage d e l',éoo],e et de décourager des initiatives qui, bien dirigées, peuvent porter d 'heureux fruit . « De leur côté, les adjoints doivent se repz,ésenter que la plupart <l '€ntre eux n 'abordent leurn cLilffic iles fon ction . qu'avec le sommaire et insulffisant aipprent.issage qu'ils doivent à l 'école normale, avec un savoir surtout théorique, qui demande une longue mi,s e au point de pr atique pour s'accommoder au niveau d 'intelligences ,encore neuves et obscuirns ; que beaucoup d 'autres entrant de plain-pied , munis du, seul brevet, dans les fonctions d 'enseignement, ont tout à apprendre d 'une profession qu 'ils ignor ent. Ils doivent don c rechercher les conseils de maître pl'lli5 igés, se féliciter de pouvoir profitell' de J ',e xpériencie d 'aîTl!és qui ont passé avant eux par les m êm es chemins et leur en aplanissent les dilllkultés et ne pas voir, dans d es ob ervations amicales et prudentes, je n e sais quelle entfleipri se contre le'I.IJI' indépendance• et lem libre arbiitrn. « L 'idéal, dans ] 'intérêt de l 'école, sera- de pouvoir it r éunir ct combiner les ava ntages d e l'expéri,e nce des un s et l 'initiative des autres. Il peut être facilement réalisé, pour peUJ que chacun s 'y prête de bonne volonté, par le Conseil des maîtres. « Qu1e<llies sont Ies quiesLi()[lSJ qui se:ront soumises à ce Conseil ? Il est d~/ffioile, ipoull' ne pas dire impossible, de les énumérer toutes limitativem ent ; il faut compter avec l 'imprévu et distinguer enttiei elle&. Tout d 'abO'I'd , il convi-ent d 'en excepter ceUes ql\.1i sont de nature purem ent adn'llinis(rative et qu'i apparti ennent en propre à' la direction . telles les r elations entre l'école ét les autoirités locales, mu-
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nicipal,es et académiques, les raipports aviec les familles, celles .qui touchent à r entretién des hàtiments, à l'hyg iène scolaire, à l 'ordre généra l de l'établissement. « Au oonlraire, rentrent d.a;ru; les attributions du Conseil Lou tes 1 questions q·u,j €1S embrassent la vie pédagogique de J'école et dont le champ est assez vaste pour occuper l'activité et l 'ingéniosité du personnel. C'est par la discussion qu'elles soulèvent que se perfectionnera l 'édiucatioo profossioomelle d es maîtres . Je range daillS cet ordre l'élaboration du règletrnent intérieur de l ',é,cole en conformité avec les règlements générauoc airrêtés par 1e Conseil dépa1rtemental, la r épartition des élèves dans les classes suivant leœr ,§.ge -et leuil' degré de préparation, le passage des enfants de l'écol<e ma ternelle a u de la c.lasse enfantine à l'école prim aire en dehors dies &poques rég1ementairns . J 'y joins aussi la réipartition des· maîtres dans les c1asses ; il me paraît équitaUe c 'i1s soi ent coillSultés sur leurs convenances ru et swr les aptitudes qu'ils m anifostent. « Malis sur oes questions, die nature piartiouJièr ement d-é1icate, la d élibération du Conseil ne deviendrait d éfinitive qu 'après la di&:i ion d e l 'inspecteU!l' p[·imafre. Il ne faut pa s oubJi.er q1 nOUJS avons à nous préoccuper avant tol\.!Jt des ue intérêts de l 'enfant, qui prim ent tous les autres. « Il va de soi que ce sont surtout les questions d 'ordre purem ent pédagogique quiÏ anim eront ces réUiDions et I.eur donneront leU[· intér êt : em:ploi dUJ tem'l)I:>, application et ada·p tation des programmes, choix des livres d'après la liste d épa'Ttem enta'le, étude d<JS m éthodes et des procédés d 'enseignem ent, entretien et recrutem ent d e, la bibliothèque, etc. Ces discusSliO'Tls fournirnnt à nos maîtres l 'occasion de faire preuve de rech erch es et d 'initiative personnelles, de produi,r e d es idée nourvelles, de tenter , s'il y a HeUJ, des expériences fruc tueuses. En es u sciterront l'rorrnlation parmi les m aîtres, secouNo,n t la torpeur ré ignée de ceux qui _·àttardent à la besogne m achin al,e et préserveront ] 'enseignem ent de dé,gén ére'T en roUJtin€. Ces débats, quelque vivacit é qu1 cb'a.cun y appO'Tte à sout enir ses opirn.ions , e . conserveront toujoUTs J,e, caractère de dÏ!sCm,siom amicales ; on y discute,r a pour s' instruire, pour échanger ses vues, pou:r s 'éclairer mutll/ell,e,rn ent. Il ne saU1ra it être qu·estion d e lem donn err lé\ sanct1 ioo d ' un vote. NCYUs ne. d evons pas tra,n sforrne,r ce, réunions pacifiquies en autant d 'a emblées dé,Jibérantes ; on risquerait d 'v fa ire pénétrer du m êm e · courp l 'esprit de brigœ, de coalit,ion et d 'intl7igure et d 'ou-
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vrir la voie à des divisions qu.i conduiraient à une rnntabl,e anarchie scolaire. Cest au contra.ire vers l ' union et la concorde qiue nous prétend_ ns mar-eher. o « Je verrais avec plaisir œs Conseils s ·occupe·r à exer-· ce:r sur 1es élèves u:ne 11éedle action discipl.inaür,e, Je r elève· dans une circulaire d 'un lns. ectem d 'aq._démie oe passage, . p dont j 'adopte 1es idées et les Lermes ; << A des époq,oos dé<< te.rnunée.s, à la fin dé chaque trimestre, par exemple, << après échange de vues sur la situat~on morale d.e l"école, u 1e Cons,eil ferait comparaître les très· bons élèves pour les. << féliciter, les très mauvais pou:r les répvimande.r et les << ramenetr dans la bonne voi,e. En cas de. faute grave corn« mise pa,r un élève, il serait immédiatement convoqué par << le directeur, et, i l 'assemblée se prononçait pour 1·ex« clœion te- nJpOraire OU! définitive, c'est sm son avis (exI << primé, cette fois à la majorité des voix) que l 'autorité su<< périeure statuerait. Ainsi, en dehors des menus incidents « de la vie jouirrutlière ireglés par chaque ~nstitUJteuT ou par« le dirocteUT avec l 'adjoint intéressé, les élèves auraient « toujours pour juges tous les maîtres. << C'est aussi. dans ces Conseils de disciipline que seraient << arrêtés les prix d'excellence dans les écol-es où ces prix << existent encore, ainsi <l'i.lie 'les bénéficiaires. des récom<< penses extraordinaires qui font l'objet de donatio115 par« ticu:lières ». << Pom conserv, :r à l 'institUJtion l'attrait que nous VO'Ue drions luii donner et pourr soutenir l'intérêt des séances, H faut d 'abocd leur fournir u,n aliment; il faut ensuite qu'elles ne reviennent pas trop fréquemment. Les plus importantes doivent ouvrir l 'année scola·i-re et la f.erme1· ; dans l 'intervaJle, eliJes po,ll!rront avoir lieu par trimestre. Des séanoes extraordinai;res pounont se tenir, en cas de besoin, sur l'initiative du directeur. « Il sera teruu1 u!Il com:pte rend·u suiccinct d63 défübérations par un s,ecr,étaire. Toute contestation d'où ])01.Jrrait résulter un trouble dans la vie scolaire sera soumise à l'arbitrage de l'inspecteur primaire, qui. luii-même , pourra coosu.lter l 'inspecte,m d'académie. << J 'ai ~onfianœ qu:e l'1institu.tion du Conseil die, maîtres, si elle est pratiquée avec cet esprit de sincérité, de bonn e foi et de loyauté proressionnelle.s qui anime- l 'imrn>f'nse majorité de natrèp'ett'SOnnel d 'insti,tuteurs, produira d 'e±cel'lents résultats . .El1e fera sortir nos maitres de l 'isolel me.nt ,pédagoglique où bea: icoup d'entre euiX se plaisrnt,_
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c onfinés dans le travail de leur classe, sans relations suffisantes avec leurs coHègues .En rapprochant les hommes, ,on rapprochera les O'.llurrs; en se connaissant de plus près et mieux, maîtres et directeun, apprendront à s'apprécier, à s 'estimer davantage, et 1.es questions mêmes qu'ils seront .appelés à dis,cuter, en élevant lelllrS esprits et en leur ouYrant des horizons plus larges, leur donneroot UJle cons-eience plus préleise de la grande œuvre d'éducation nationale dont ils sont les modestes et dévoués ouvriers. n
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�CHAPITRE VIII
Rapports avec les Autorités
préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques (municipalités, inspecteurs).
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Autorités préposées à la surveillance des écoles publiques. Droits el devo irs des municipalités . Insliluleur et municipalité. V isites du maire el du délégué cantonal. L ' inspecteur primaire. L ' inspecteur d' académie. _ La collaboration du personnel avec l' adminislralion.
1. Autorités préposées à la surveillance, des écoles publiques. - Aux termes de l 'artÎICle 9 de la loii organique du
3o octobre 1886, l 'inspe,ction des établissements d 'ins~rucLion primaire publics ou privés est exerc ée : par les in pecteurs généraux de !'Instruction publique ; pair les reoteurs et les inspeoteurs d 'académie ; par Ies inspecteurs de l 'enseignem ent primaire; par le mair.e et les dél(\, és cantonaux (1) ; oU1 dan s les écoles maternelles, concurrnlllJl11oot avec les au ·lorités préoitées, par les inspectrices générales et· },es, in,-peclrices départementales des ,écoles m aternelles ; aui point de vue m édical, par les m édecins-inspiec1teurs, comm'llJlau~ 0 1.1 d épartementaux.
(1) L es délégu és can t ona ux sont d es p er sonnes, hommes ou femmes, que le Conseil d ép artem ent al d e l'en seignem ent primaire désign e da ns ch aque canton pour v isiter et surveiller les écoles publiques et privées d e ce canton. L e Conseil d épartem enta l dé t er- mine aussi les écoles p arti culi èr em ent soumises à la surveilla n ce d e chacun d 'eux.
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Ajoutons à cette liste les préfets et sou.s-priéf-.ets, qui ont entrée dans les .écoles publiques de leurs départiements et de leurs arrondissements re :pectifs. Ces diverses autorités ne sont pas investies des mêmes pouvoirs, on le conçoit, et ont reçu des att11iibutions différentes. Les médecins· c.ommuinaux ou départementau.x: ne peuvent faire parter leur inspection « que sur la santé des enfants, la salubrité des locaux et l 'oœerva.tion d,es règles de l'hygiène scolaire n. L'inspection du maire porte, cc dans les écoles publiqUJes, sur l 'état des looauoc et du matéiri,~, sur l'e chauffage et l 'éclairage, sur l'hygiène. Elle ne peut jamais pol'ter Slllr l'enseignement n. - « L'inspection des délégués cantonaux porte slllr l'état des locaux, 16 chauffage et l'éclairage, le mobilier scolaire et 1-e matériel d'enseignement, sur l'hygiène, su,r la fréquentation sco- ,. laire, sur l'assiduité et la tenue des élèves. Le dé:l,é gué cantooal n 'a pas à liormuler d'appréciation sur les méthodes, ni sur les l'ésullats de l 'en&eignement, ni sur l 'organisation pédagogique de l'école : le exercices de la classe pell!Vent contin,ue,r en sa présence· ; les d,evoirs des élèves peuvent lui être présentés. » QuanL au."{ fonctionnaires purement universitaires qui sont à des degrés divers les supérieurs hiéiro1'Ch~ques des instituteurs, leur inspection et lew contrôle s'exercent sur tout ce qu,i a trait à l'.école, de quelque ordre q,ue ce soit, comme à l 'em;eignement que donne le maître et à toute son ·œ uvre éducative.
2. Droits et devoirs des municipalités. - La loi met notamment à la charge des communes : Les fr,a is d'acquisition, de construction et d'appropriation des locaux scolaires, ou les frais de location de l 'immeuble, s'il y a lieu ; L'enrt.reti,en des bâtiments scolaiTes et d,e, leurs dépendances; L'acquisition, l'entreti'en et le renoiuvellement du mobi- lier scolaire et du matériel d'enseignement; les frais d~ chauffage et d'éclairage des clas&es ; les frais de balayage et de nettoyage des classes et des locaux à l'usage des écoles primaires ·é lémentaiTes dans lec: commun'es ou sections de communes dont la populatioo agglomérée est de 500 habitants au moins (dans les autres communes, le balayage doit être assuré par les ,élève.5 en tâge de pouvoir oo être chargés) ; La rémunération des gens de ,service dans les écoles mat,ernelles et, s'il y a lieu,, dans les autres écoles ;
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L~ registres et imprimés à l'usage des écoles; Le logeme-nt des maîtres ou les indemnités représentatives. Ce sont là des dé.penses obligatoires pour les communes. Elles peuvent s'en imposer aussi, de facu'1tatives, par e:x:em:ple des crédits pour suppléments de traitements 3.ux institutewrs, pour organisation de cours d 'adultes, pour fournitures scolaires aux élèves, pour distribution de prioc, etc., etc. On voit ainsi combiem, en un sens, las éooLes primaires publiques sont dépendant~ des c.omm.unes et de quels avantages elles peuvent leur être redevabl,oo. IL est bien entendu d 'airlleurs, et des décisiooo juridiques l'ont p;-écisé au besoin, que ni le maire ni le Conseil municipal ne sont les supérieurs hiérarohiques des instit11teU1rs et ne sauraient, en oons.équence, leur adresser un, blâme. Mais i'l saute aux yeux qu 'il est de la plus haute impo1r:tance, pour l 'école puibliquie d'une oommune et pour son personnel, que des rapports cordiaux et sympathiques s'établissent entre l'école et la mU'Il.Îci:palité. 3. Instituteur et municipalité. - Mais qUJi dit rapports dit action bilatéirale ; •e bon vouloir d'un seul ne sulffilt pas l toujours à créer dans les relations mUJtualles la cordialùté et ,l a confiance. Il se peut qUJe pouT de5 raisons personnelles, ou le plus sourvent pour des rai.sons de parti, le maire et la muin.icilpa.Jité soient peui favorables ou même nettement opposés à l'école publique et à ses maitres, et qu'ils la combattent au lieu de la favoriser. Cependant oette hostilité n 'entraine pas toujouTS de leur part le refus des dépenses nécessaires d'entretien : on mit plus d'un maire « réactioonai-re » acoorder aux écoles ipooliq;ues tous les crédits dont eHe,.<; peuvent avoir besoin et mettre même son point d'honneur à ne pas lésiner, tandi,s qTU'on vo,i t en revanche des municipalités répub,licaines ou « avancé.es » se désmtéresser plus q,u e de 'raison des ,écoles publiques et leur mesurer av,ec une excessive parcirrronie les crédits indispensables. Ma,is là n'est point notre suj,et : il s'agit de savoir quels doiv-ent être les raiprports de l'instituteur avec les aurtarités locales et quehle conduite iJl doit tenir envers elles. Or, quelles que so.ient l'attitud-e ()lllJ les ol)Ïnions des municipalités, il est des 'règles gé.néirales qu.i doivent être partout observées et desqu~llès un maîtTe ne s'écarterait pas sans dommage. TI tombe sous le sens d'abord que selon qu'il s'agrt d'une école de grande ville ou d'une école d~ village la
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�situation esL bien d1flére.nte. A ia campagne, oiù l'on se connait, où l'on voisine, où l"on a tous 1es jolllrs des occasions de se i-encontrer et de rrayer, où les habitudes et les m:..eur sont plus simples, où, sauif exception., :le · maire n ·est pas un (( bourgeois )) ni un .personnage, imJPIOl'lant eL n ·est que peu absorbé par les atraires munici;piales, il en va autiiement que dans les grands centres, où les senices de la mairie sont vasLes et complexes, QÙ le maire doit faire lace à de multiples charges et à de low·des responsabiJités, où ili vit, pour ainsi dire, dans une atmosphère purement o.iûcielfe et où la .po,r te de son cabinet ne s'ouvre pas à toute heure ni à tout venant. ,Là, l~- choses se passent en toute simplicité et sans tant de laçons; ici, il f.au:t plus de cérémonial, des formes plus protocolaire.s, sans que d 'ailleurs, pas plus dans le premier ca,s que dans le second, l 'institurteur ait à se départir jamais de la ,plll6 impeccable correction. Cette correction, elle se marquera et par ses actes et par ses pa:roles. Des actes ? Tout d'abord une visite, la première de toutes, à l'arrrivée dans la commune pour: y prendre ses fonctions; elle est d'autant plTuS obJigatoire que c'est le maire qui o.füciellement, « instaflle » l 'institu1eur. Ensuite la visite traditionnelle du nouvel an, .c omme le veuilent les usage.s (et il n'y faut pas manquer); pUIÎ.s, soit corrune i~stituteur même, soit corrune secrétaire de mairie, toutes les déma;rohes ou toutes les visite5 que peuvent nécessiter les affaires du service ou les intérêts de l'école. Il importe du r'e&te de ne les point·muiltiiplier à l"excès, de ne pas se transformer en continuel solliciteur ou èn quémandeur importun. Enoore faut-il ne pas s 'en dispenser sous des prétextes plus ou moins rece"vables, et n.e, pas imiter cet institùtem qui, dans une, école de campagne, prétendait n'a.voir avec le maire que des rapports écTits et lui faisait tenir une note · QIUJ un rapport ohaq:ue fois qu'il avait une requête à lui prés:enteT ou une affaire à l,ui soumettre. Des procédés aussi étranges, et qui ne sont pa,s loin d'être fort discourtois et fort peu corrects, ne peu;vent que détourner d'un maître la sympathie en même temps que l'estime et créer t-OUtes sortes d'incidents et de conflits, ce que la langue administrative, quand elle .se fait prosaïque, appelle « des histoires >> . Et ces histoires, i-1 est des maîtres vraiment qui ont le don de les faire naître comme à plaisir. Il en est qui, paTtout où ils exercent, sont en froid avec le maire, aY1ec le oonseil municipal, avec tout 'l e inonde. Pas une localité
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où ils ne passent sans s'y faire promptement une réputation de brouillons et sans se brouiller en effet avec chacun et avec tous. Ils sont insociables, et oo en .est réduit à se les rejeter de commune en commune comme un fléau dont on a hâte de se délivrer à tout jamais. Est-il donc si d.i!fficile de n 'être ni rébarbatif ni incivil, ni sottement drapé dans sa dignité ou dans on ne sait qrœl singulier et irascible amour-propre qui faiV cp1 'on necondœcend pas à vivre et agir comme tout le monde ? Oui, vivre et agir comme tout le mondei, comme un « tout le monde J> bien élevé,· de bonne tenue et de sens d'roit, c 'est sans doute pour l'institutellil', et pour bien d'autres, la véritable sagesse. Cette s,agesse et ce bon sens hû feront donc éviter les agissements et les allure,o qui pourraient heurter les suscepitibilités du maire ou des autorités locales, qui pourraient maladroitement les indi poseir et même les tourner contre lui. Il saura se tenir à sa p~ce et rester à son rang, sans s'aviser de jouer au petit potentat soit dans les occasions qoo lui oo offrenit ses. fonctions de secrétaire de mairie. soit parce que son instruction l'e classe hors de pair dans la commune. H est fréquient que, même som; des dehors indifférents et détachés, les mai1res de campagne cachent une vanité un peu chatouilleuse de leur titre de mairé - la nature humaine le veut ainsi - et ne soient pas disposés à totlérer ou à pardonner les empiètements. C'est dire que la prudence. à défa:u,t de tout autre sëntiment, commande à l 'iDISltituteur la déférence ; entendons une déférence sans servilité, où l'on se pal'le .et où l'on traite d'honnête bomllTle à honnête homme, et non de maitre à valet ou de ched' à subordonné. Et c'est pourquoi encore il veillera sur ses paroles autant que sur ses. actes, plus encore même que sur' ses actes, car elles sont plus vite travesties et se rat.trapent dilfficilement une fqis lancées. Ce seront des paroles d'homme toujours correct, attentif à ne pas blesser, attentif à ne pas manquer aUJX convenances, attentif, le cas échéant, à ne pas inviter ou à ne pas se prêter à un e familiarité vulgaire et facile dont son indépendance et sa dignité auraient également à .sCYUiffrir. Nous venons d'invoquer là prudence; insistons-y, comme sur une qualité maitresse, et voyons-la sous d'autres aspects. Ou plutôt nommons-la de son vrai nom : la réserve., la discr.@tion. Nous l'avons dit déj~ : if convient de modérer ses sollicitations oru, ses demandes, même quand eJJes ne visent que l'intérêt de, l'école et des
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élèves, et de savoir les mesurer aux ressources du budget locaJ. Il serait fücheux que l'instituteur passât pour un monsieUT qu,i n'est jamais satisfait ni content, qui, ne s.ait que geindre et réclamer, et qui n'a nulle préoccupation des finances de la commune. Mais il est un autre genre de réservPi qui a bien plus d'importance encore et qui oot autrement prudente, parce qu'elle aussi est une ferme garantie d'indépendance et de dignité. Même un minuscule village _souvent est divisé par des questions non moinsminuscules de politique de clocher ; le maire y a ses partisans, il y a de même ses adversaires acharnés, sans CO'II1pter toutes les autres riva.l ités de ,personnes et toutes les compétitions di.verses, quelquefois très aiguës, qui peuvent s'y· agiter au grand jour ou dans l'ombre. L'attitude à garder par l'instituteur doit être toute de ré-serve· et de neutralité : n'être au service de personne, n'être contre personne; n'épouser aucune querelle, n'entrer dans aucun clan, se tenir au-dessus de la mêlée. De quelque côté que souffie le vent ou penche la ba-lap.oo, il' échappera à la critique et ne pourra être entraîné dans la débâcle d'un homme ou d'un parti. Cette même c,irconspection sage iet prudente, il l'apportera dans tous ses actes et dans ses propos. Il ne se répandra pas dès son arrivée dans une commune en confidences et en démonstrations, H ne se livrer.a pas trop vite, il saura garder le secret sur lui-même. Si la parole est d'argent, le si'lence est d'or; et plus d'un s'est repenti d'avoir été trop naïvement erx.pansif ou confiant, de s'être mis en imprudent OUJ en étourdi dans la dépendance d'un maire ou d'un personnage quelconque à qui, par son manque de retenue. il avait ainsi donné prise sur lui. Mais surtout il aura pour arme et pour déilense sa parfaite conduite, sa bonne tenue, la dignité de sa vie ; par des qu,a.lités de cette sorte on parvient à peu près toujours à s'imposer, on désarme à la longue l·es préventions et les haines. Nous en avons connu, de ces communes revêches où le maire menait belliqueusrment la campagne contre l'école laïque, et où pourtant i'l a fini par donner son estime à ce,s maîtres qu'il combatt.nit et aui échappaient à tout reproche. Parmi lr.s popnfations et les municipalités hostiles, de tels maîtrPs peuvent seuls assurer, avec les années, le lent et pro.Q"re~if succès de l'école laique. Ils savent g-arder en toutes circonstances le calme et la dig-nité, J1ésister ,a ux provocations. et par ce calm e et cette droiture forcer le respect de leurs adversaires, f.aire
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.taire les préjugés eL triomipber peu à peu de 1·1iosL111té .qu 'ils a va1ent d abord rencontree. Leur valeur et ·d ttomrnes et de ma'.ilres accouwane insens1blemenL leurs adversa. res 1 à considérer avec moins d 'antipatilie, puis avec quel.que respect, bientôt avec une secrète estime, celte idée laïque contre laquelle se dressaient d'abord \eur mé1piris ou ieurs préventions. Il s 'en 1aut d'aiJleurs que lïnstituieur n'ait que des devoirs en vers les autorités locales. 11 a des droits aussi, et ces droit , sans commettre l'impardonnable faute de les _pousser à leurs dernières limites, il doit les maintenir Lea-mern:e.nL, avec calme, sans raideur et 5ans a:rroga.nce, .en y mettant toutes les formes et en ne manquant jamais .d ïnformer son inspecteur des dilficu,Jtés ou des conflits qui pourraient surgir. Il a droit à un .logement convenable ; il a droit à n 'être pas dérangé de son travail pendant les heures de classe ; il a la garde des locaux scolaires et ne doit pas permettre ~ ce sont les termes mêmes .d11 règlement - qu'on· les liasse servir à aucun 11Sage .étranger à leur destination., sans une autorioo.tion spéciale du PDéfet, etc. Si conciliant qu 'iJ soit et qu'il veuille .ètre, il se peut qu'il ait à résister aux :prétentions du maire ou du conseil municipal qui seraient tentés d 'outrepasser leurs droits et de C<YI1trevenir aux règlements ; et il ne .doit pas hésiter à le faire. A lui de voir au besoin quelles concessions insigniHantes ou opp-0rtUJI1es il peut être expédient de consentir, et qui ne tirent pas à oonséquence. Mais qu 'il se tienne sur ses gardes : quand cm a commencé de céder avec trop de complaisance, iJ vient un marnent où il est difficile de se reprendre et où l 'on s'expose, si on veut faire machine en arrière, à déchaîner les mécontentements. L'essentiel, en pareille occurrence, est de ne mettre jamais les torts de son côté, d'agir toujours avec beaucouip de correction et d'esprit conciliant, d 'être ré,. servé dans ses paroles comme on l'est dans ses actes. Répétons-le une fois encore. car nous ne le diroos et les jeunes maîtres ne se Je diront jamais trop·: l,es paroles imprudentes ou maladroites, outrées ou cassantes, sont plus pernicieuses souvent que les aotions elles-même ; elles -sont éminemment propres à susciter ou aggraver les conilits, à ,exaspérer au-de1à do toute limite les mahreilkmces et les haines. « ... Les maires, les municipalités, rappelait Jules Ferry aux instituteurs dans leur Congrès pécLagogiqu,e de 1881, -n 'ont pas de droits SU!l' vous, à vrai dire; i~s n'ont pi.s le
�-1nd roit de direction, de correction ; m ais ils ont un droit de surveillance sur vos écoles. Ce droit, il faut le reconnaîLre, l'accepter de bonne gnâce, et c'est ici, comme dans toutes lei, choses humaines, que le tact, la mesure, l'esprit de r-.onciliation, trouvent leUT ;place et fac ilitent toutes les solurtions ; c'es t ici qu 'il faut ,employer cette recette .,i commode, et que je vous propose de formuler ainsi, : la déférence et l'esprit de conciliation dans les petites ch oses afin d,e r ester maître dans les grandes. » 4. Visites du maire et du délégué cantonal. - Il arrivera qu 'en vertu des pouvoirs que la loi lui confère, le m aire visitera les écoles de sa commune ; c'est son droit ; c'est son devoir m êm e d 'aller se r endre compte par ses ,piropres yeux de l 'état des locaux et du matériel. Ce sera l'occasion pour l 'instituteur de lui signaler - avec tact et discrétion - les insuffisances les plus fâoheu5es et d 'attirer· sa « bienveillante attention », selon la formule consacrée, Sur les amélliorations ou les acquisitions désirabl es. U faut donc souhaiter que, loin de paraître importunes, ces rares visi.tes soient au contraire les bienvenues, et il conviendrait plutôt de les provoquer que de les d éclarer inutiles Ol] désagréables. Rappelons (m ais en est-il besoin ?) qu "elles -peuvent avoir li eu pendant les heures de classe ; di ons plus : il est prétérabl e qu 'elles aient lieu penda nt les heures de classe et que le maire voie l 'école en activité ; il n 'en sera que -plus aisé de lui faire, constater les progrès qui dé:pendent de lui et qu 'on peut attendre, qu'on· espère de son intervention. Il se pourra d 'autre part qu 'ignorant soit de la lettre soit de l 'esprit des r èglem ents. ou que, tout n aturellem ent porté à tenir ces règlem ents pour une simple indication plutôt que pom une cih ligation impér ative et stricte, le ma ire veuille s'informer du travail d·es é:lèves, de l'en l seig niement, die t a tenue dres cahiers, etc . Faudra-t-il, invoquant la loi et so r etranchant d errièire ses dis. ositions, p se h érisser là ,contre et lui déclar er ou. lui laisser entendre, m êm e sous les form es les plus diplom atiques,, qu 'il excède sef. pouvoirs et se h asarde sur des sujets qui échappent à F-a com pétence ? Non. cent foi s no- : d 'abord parce· n qu 'une observation de cette sorte re '-emblerait fort à! une déclaration de guerr.e et serait dépoorvue de toute courtoi,sie , voire de t011 te bienséance ; en suite paT'Ce qrne cette intrusion passagèr e sur un domaine interdit est probablement sans importance aucune, qu'aussi bien elle peut
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tenir à w1 souci très loooble et n'être qu'une forme de Ii'inûérêt porté à l 'école et aux enfants ; enfin parce que, dans une classe bien tenue et qui travaille, le maitre doit n'hésiter jamais à laisser faire des constatations dont il tirera plutôt un motif légitime de fierté. Et ce sen. le cas par exemple si, comme on est fondé à le oroire, les cahiers des éJèves ront tenus avec ce goût et œtte propreté qu'on a aœoutumé de renconLrer dans les bonnes écoles. Un bon maître ne craint pas d'ouvrir sa classe aux regards des profanes, il sait n 'avoir qu 'à y gagner en considération. Et il ne tient pas pour devoir le manque d 'égards ou le manque de savoir-vivre ou l'humeur ombrageuse à l'encontre d 'un maire, celui-ci fût-il par hasard malintentionné, qui joue un moment les inspecteurs au petit pied. Les mêmes observations et les mêmes conseils s'appliqueraient à la visite du délégué cantonal, lorsqu·e d e temps à autre l 'école soumise à sa « surveillance » - un m ot qu'il ne faut pas ici prendre en mauvaise part - aura la joie de la recevoir. Car la visite du délégué cantonal doit être un événement heureux. On le sait, lui, ami d& l'école ; il n 'est pas, très rare que ce soit un ancien instituteur, un ancien univer itaire, à qui le respect de son passé rend sans doute plus chère enc.ore l'école et les écoliers. Lui aussi peut-être, bien qu'ayant lu les iru;tructions qu'à plusieurs repiises les ministres de l 'Jn truction publique ont publi,ées à l 'intention des délégués cantonaux, voudra s'enquérir de la classe et de l'enseignement ; qu'en roûtet-il de satisfaire oette curiosité aprè torut légitime et à coup sûr bienveillante ? Si même il veut bavarder avec les enfants et les interrorrer. pourquo~ ne pas le lui permettre de bonne g!'âce, e,t surtout pourquoi 'aviser de l'en empêcher ? Cela ne se ,c omprendrai,t que si son désir dépassait les bornes, devenait une manière· d'exigence hiérarchique ; oette extrémité n'est guère à craindre. Mais en revanch e, il est fréquent que le délégué cantonal fasse à l ',école quelques libéralités : toutefoi il ne faut pas les soUiciter , ou du moins qu•'avec unie eoctrAme '!'éserve et une discr étion délicate. Il est fréquent aussi qu'il puisse, sans jouer à la mouche du coche, s'entremettre auprès . d es aiutorités locales pour le bien de l'école et des 1~uvres scolaires, ou qu'il puisse intervenir auprès des familles, de quelques-unes tout au moins, pour une plus exacte régularité dans la fréquentation. Si menus ou si intermittents qu'ils soient, tous ces modestes gains sont apprécia-
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h ies et ne doivent pas être dédaignés ; ils sont les petits rui~seaux dont l'afflux r épété fait les grandes rivières. Terminons par un conseil à l 'usage des maîtres : il est .de bon ton d 'informer l 'inspecteur primaire de la visite du maire ou du délégué ,cantonrul (comme de toute autre a utorité, quelle qu 'elle soit) ; il e t utile en m êll'!,e temps de lui faire de cette visite un rapport sommaire et surtout .trè exact, afin que ,s a r eligion soit éclairée et qu 'il puisse, -S 'il y a lieu, accorder son action à celle de ces visiteurs extra-hiérarchiques.
5. L'•nspecteur primaire. - Il est pour les instituteurs i n on pas le chef suprême, m a is le ch ef direct, celui qu'on voit Je plus souvent, avec quiJ 'on a le p lus de rappor ts ; cel ui qui préside les sous-commissions chargées de faire subir a ux stagia ires les épr euves pratiques et oral-es du certificat d 'aptitude pédagogique ; celui qui prœide les conférences can tonales et les exam ens du certificat d 'étu · des ; celui qui dans sa circonscription impl'ime à l 'ensem ble d es écoles et à l 'œ uvre scolaire une impulsion ou une directi011 déterminées ; celui do nt les rapports et les notes constituent la pa rtie essentielle du dossier de chaque maître et décid,ent . de· son avenir. Il n 'est pas parfait ; qui l 'est au m onde ? Il a quelquefois ses manies. il a se marottes, il a son dad a ; qui n 'a les si,en s ? Il en est de haut ains qui regardent leurs subordonnés, au m oins ceux du second rang, avec quelque commisération, ~ saüf quand la classe de ce subordonné m arche bien, ce qui se voit, Dieu m erci, souventes fois ; il en est de glacials, ou. d e secs, ou de renfrognés ; il en est qui s 'absorbent dans des broutilles ou des vétill es sans portée, affublées pour la cir constance du nom d e m éthode rationnell,e ou de quelque autre vocable pédagogique à l'allure imposante ; il en est, comme dans tout groupem ent, d 'impénétrabl es et d',expansifs, de fermes et d'ondoyants, de. roublards et de candides, de tatillons et de pattmres. Mais il n'emJpêch,e que dans l'ensemhle ils sont les plus solides et les plus sincèr es amis d;es instituteUTS, letllrs. dêfons,eua's les plus éner giques et les plus affectueux. Nous disons donc en toute sincéritJé aux jeunes maî· tres : Non, ne redoutez pas votre inspecteur, n e vous en fuites pas un épouvantail. Il se pourra qu'e le jour de sa . visite il se répande en . observations nombreuses et qu'il prenne à: partie bien -des choses que vous aur,ez faites
MO RALE P R OFESSIONNELLE.
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cela prouvieo:a Lou t sim!PLem.en t que vous n ·êtes pas dans la bonne route et qu 'il veut vous y remettr-e. Il ne vous critiquera jamais pour le seul agrément de vous critiquer ; ce ne sera que pour votre utilité propi;e et Je profit de vos élèves. Mais so,yez bien assurés aussi qu 'il sera attentif à vos qualit.és autant qu'à vos imperfections, quï,l aura plaisfr ài les enregistrer et à les encourager. Ecoutez donc avec déférence et avec confiance ses conseils et ses remarques ; ellorcez-vous de les suivre, et qu 'à une prochaine inspection il constate v.isiblement 1'effort qu 'en toute conscience vous a urez fourni. Si vous ne saisissez pas bien ce qu'il vous demande, ne craignez pas de pro·v oquer de nouvelles explications avec des détails plus précis ou des exemples plus circonstancié : il se fora une joie et un honneur de vous guider ; c ·e t son rôle, et il tient, croyezle, à le bien remplir. Ce n 'est .pas tout : il vous lais-sera O'll vous fera parvenir un BuJ,fotin d'inspection, qui sera la copie exacte du rapport qu'il adrésse sur votre corn pLe à l'inspecteur d 'Académie ; il y consignera les constataLions qu ïl aura faites dans votre classe, ainsi que les ob· servatioins qu 'il aura formulées. Ce Bulletin , vous le recevrez par la voie hiérarchique, en l 'espèce par l'intermédiaire de votre direc teur. Par la même voie aussi (eU.e est strictement obligatoire du haut en bas de l'échelle administrative), vous le lui retoornerez : 1 ° après l'avoir signé ; 2° après en avoir pris une copie intégrale. Il est ixnportant, dit la circulaire :ministérielle du 12 juin 189L1 reLative à l'emploi du Bulletin d'inspection, <c que l 'Inspecteur primaire laisse de sa visite une trace écrite. qui sera la m ême dans ses mains et dan les mains de l'instituteur. De quelque façon qu 'il soit rédigé, transmis et conservé, le Bulletin d 'inspection ne peut et ne doit être que l'exacte reproduction. des notes prises par l'Ins-ptecteur primaire au cours de sa visite et transmises à l 'inspection académique. Il importe que l 'institute'ur prenne copie et accuse réception à son chef direct des observations qui lui ont été faites, des conseils qu'il a reçus, des engagements qu'il a pris. Chacun de c.es bulletins allant se placer dans le dossier de l'instituteur, chaque fonctionnaire se trouvera avoir par devers lui· le double de son dossier ; il y trouvera les avertissements et le encouragements qu'il a mérités ; il y trouvera aussi, le cas échéant, l'explication des mesures qui seront prises à soo égard en raipport avec les appréciations dont il aura
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été l'o,b jet, et notamment la raison de son avancement au · choix plus ou moins rnpide... » . Avoir confiance dans son inspecteur, voir en lui un conseiller bien plus qu'un surveillant, un guide non moins qu ·un juge : les jeunes maîtres, et avec eux plus d 'un ancien mème, ont besoin qu'on le leur répète et.qu'on lss en convainque. Quand une difficulté surgit, pour peu surtout qu ·elle so,i t grave ou menace de le devenir, quand des cas épineux se présentent ou que naissent des incidents quelconques, la sagesse voudl'ait que l.'on mît tout de suite l ïnspecteur au courant et qu 'on rncourût à ses conseils et à se olfices . ; pourquoi tous ne le font-ils pas ? Il faudrait aussi l'informer avec pop.otimlit,é, de tout œ qui dans la commune intéresse l'école, touche à l'école, afin qu'il sùt tout ce qu'en d éfinitive il a droit de savoir et qu 'à l 'occaion il aigît ,en con équeJ1ce. Mieux il sera reiru.eign~, plus on action pou rra être efficace et plus ses avis auront d'autorité. 1 e n égligeons pas de donner aux débutants les .petites indications pratique que, dans leur inexpérience de la vie et de usages administratifs, il est si souvent nécessaire de leur Tedire, eussent-elles l'air de vérités selon f. de la Palice. Donc, lors d'une nomination, et à moins que la difficulté des communications n'y mette empêchement., ne pas trop différer de faire à l'inspecteur une visite officielle ; ce doit être pour la première ou la deuxième . tout au plus la t1·oisième semaine d'octobre, si même on n·a pu s'en acquitter avant la rentrée. Le jour où l 'inspectem vient dans la classe qu'on . dirige, ne pas le fuir a,p euré, mais se conduire bel et bien ·e nvers lui comme on &e conduit chez soi envers un visiteur connu qui se présente : aller à lui, le saluer, l'aider à se débarrasser de son chapeau et de son pardessus, lui apporter une chaise ou l 'installer au bureau, etc. Qu'on ne trouve ni puérils ni f'.upeTflus ces menus conseils qui relèvent plutôt du· savoir-vivre que de la pédagogie ; tant de jeunes maîtres, dans leur émotion ou leur gaucherie, y manquent sottement et se font mal juger ! Puis, sans lui donner à, chaque pas du « Monsieur ! 'Inspecteur >> et lui en rabattre · 1es orei'lles, ne pas ou'.blier tout de même qu'il est Monsieur . ! 'Inspecteur et non Monsieur Durand ou• Monsieur Dupont, et qu'on ne s'adresse pas à lui sous soo nom patronymique. Et c'est ·e ncore un point sur lequel nous avons vu et entendu plus d'un jeune commettre des impairs bien
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regrettables et faire concevoir de lui, dès 1·abord, une opinion désavantageuse. Voici qui est pour les jeunes encore, pour quelques-wisdu moins, pour ceux qui, nourrissant des idées qu'ils croient hardies ou fortes, tiennent en suspicion l'autorité quelle qu 'elle soit et voient dans tout supérieur, par définition, un ennemi. Pour ceux~là, l 'inspecteur n'est pasun homme juste, ne cherche pas à l 'être, ne met pas tout son effort à l 'être ; il est partial, il se range toujours du côté de l'autorité ; il a ses préférences e,t ses préventions, il cède à des considération ou à des influences que 1"équité parfois désavo'Ue .. . Hélas I oui, l 'inspecteur est homme, ~mme vous, comme moi, et comme chacun·; sujet par conséquent aux erreurs humaines et aux imperfections humaines. Et il est vrai que pa,r ci par là il s'en rencontre un à qui la majorité de son personnel refuse à bon droit peut-être estime et sympataie. Mais de ,prétendre que, parce que chefs, les inspecteurs sont suspects ou haïssables, c'est à prOIJllfement parler une monstruosité ; c 'est une de ,ces idées absurdes ou mal4onnêtes qu''on s'aiflligede voir professer, fût- ce par de jeunes maitres écervelés ou inexpérimentés ; d'autant plus absurde ou malhonnête que la plupart des inspecteurs sortent, comme on dit, du rang et ont mis jadis la main à la pâte. Il n'est pas certain, du reste, que ces contempteurs quand même del 'autorité soient toujours les meilleurs d es instituteurs ou des institutrices, ceux qui font le mieux et le plus consciencieusement leur devoir d''éducateurs. Mais il y a ceux pour qui l'inspecteur est gênant parce qu 'il c ontrôle le travail, qu'il exige du travail. qu'il prêche l'ac tivité et l'effort, la bonne tenue et la raison. Puis il y a ceux qui se croient toujours victimes de dénis de justice, qui ne s'estiment jamais assez payés de leur peine, et à qui porte secrètement ombrage toute récompense ou toute promotion qui va non à eux mais à autrui ... Il faut que tombent des préventions aussi injustifiées, et qu·e le personnel des instituteurs'· ne voie pas dans c;es inspecteurs des ennemis ou d'inquiétants censeurs. Tout au contraire, nous voudrions que la visite de l'inspecteur ftît un peu pour l'école une joi'e et une fête ; un honneur aussi. Il est, et dans certains départements il est en grand nombre, de petites écoles de campagne un peu isolées, un peu perdues, où cette visite est un événement presque sensationnel' ; la commune elle-même ou le hameau en est ce jour-là tout en rumeur. Celles de ces communes où
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l'inspecteur n'apparaît que rarement, comm.e à regret et en hâte, font un peu figure de délaissées ; il semble qu ·on les tienne à !"écart et qu·on les juge indignes d 'intérêt et de soin . Les maîtres qui y exercent peuvent, de leur côté, s'estimer eux aussi abandonnés, indignes de l'attention et de }a sollicitude de leurs chefs. A ce seul titre, la vi,site de l 'inspec,teur leur apporte de l'encouragement et du Téconfort, elle attesle qu'ils ne sont pas oubliés. , C'est pour cela qu 'elle doit leur ètre, comme à toute la é classe, un plaisir et une fierté, 'non une cor-Y- e désagréable. A moins que l 'insliluteUT, que l ïnstilutrice ne soient que des maîtres médiocres ... Mais si l'école est bonne, quelle joie pour tous, quelle joie et quelle satisfaction surtout pour l 'inspectem ! Ne versons pas dans l'idylle, et n 'allons pas pleurer de tendresse, comme le loup/ de la fable ; mais qu 'on sache bien, encore une fois, que dans une école où travaillent de tout leur oœur élèves et maître les inspections un peu fréquentes ne sont pas autre chose qu·'une marque de confiance et de sympathie ; -en y entrant, l 'inspecteur vient un peu dire bonjour à des amis petits et grands au milieu desquels il se plaît.
6. L'inspecteur d'Académie. - Avec ses autres supérieurs hiérarchiques, l 'instituteur a beaucoup moins de rapports qu 'avec son inspecteur primaire. Le recteur notamment et les inspecteurs généraux lui sont à peu près inconnus ; ce n'est qu 'en des circonstances exceptionnelles qu'il• a l 'occasion de correspondre avec eux ou de les recevoir dans son école. Il n'en est pa,s tout à fait de même pour l'inspecteur d'académie. Il n'·e st pas rare que celui-ci visite tl.es écoles primaires dans son département, surtout lorsqu'il peut lui être utile d 'avoir des renseignements de première main sur un maître ou sur une œuvre. C'est le cas, par exemple, lorsque lui sont présentées des prO(plQsition.s en vu:e de promotions, de r,écompenses honorifique , d'un avancement important. C'est le cas enéore lorsqu'il veut se renseigner par lui-même sur telle ou telle oœuvre scolaire ou sur l'état général, la méthode et le niveau d'un enseignement déterminé. IL se pourra aussi que l'inspecteur d'académie assiste à des conférences pédagogiques ; il peut tout ensemble y apporter aux instituteurs des directiol'ls sûres et y recueillir pour lui-même quantité d'indications utiles. Il est enfin pour tout le départem~mt le véritable chef du service ; sur nombre de points il a le pouvoir de déci-
�134 sioll, tandis que l inspecteur primaire ne fait qu:'.émettre des avis ou 1orn1uler ues propositions. La liste de ses attribulio11s est par conséquent très longue ; c 'est pomquoi d 'ailleurs il nous paraît un peu fastidieux de la donner ici, pas plus que nous n'avons ·énuméré les attributions des rnspecteurs primaires. Un mot la r,é sume : tout ce qui se rapporte aux écoles et à ! 'enseignement relève de son autorité. Dans pl us d ·une circonstance il sera nécessaire que lïnstituteur en réfère à lui, le mette au courant de ses ailaires 9u d e. es désirs. Ce sei-a par exemple lorsque, soJliciLant un poste pour des raisons particulièrnment sérieuses et qui l~i paraissent dignes d 'une at~ention plus bienveillante, il tiendra à plaider en personne sa cause. Ce sera lorsque des dil'ficultés g;raves·, de quelque nature qu 'elles soient, se présenteront pour lui, qu 'il en craindra 1'es suites ou qu'il ne saura trop comment en triompher. Ce sera !or qu'il lui semblera prudent de ne pas prendre une initiative ou de ne pas s 'engager dans une affaire 5ans l 'avis préalable. ou les conseils de ses chefs, etc. Il faut à ce propos éviter un double écueil : soit déranger et importuner I "inspecteur pour des affaires sans importance dan · lesquelles son intervention n 'est aucunement nécessaire, soit tomber dans l 'excès inverse et ne pas s'adres-er à lui alor qu 'on ·a urait tout à y gagner. Lorsqu 'un instituteur ne sait à quel parti se résoudre, le mieux est qu'il cons ulte, s 'il est adj oint, son directeur, sinon son inspecteur primaire. Il est da règle qu 'avant de se tendre au· cabinet de l'inspecteur d 'académie p our l'entretenir de sa situation ou d e ses désirs, on lui fasse parvenir par voie hiérarchique un e demande d 'audienc e ; de la sorte on est toujours c;ùr d"ètre r eçu par lui . Cette demande lui expose d 'ailleurs en quelques mots l'objet de l'audience qu'on sollicite . Il est de r ègle aussi que les affaires qu 'on se propose de lui soumettre aient été au préalable exposées ou soumises à l 'inspecteœr ,primailre. n y a toujours une . incorTOOti~ et iJl y souvent une faute à vouloir passer par dessus la tête de son chef immédiat ; ni cette incorrection ni cette faute ne doivent être commises. Il n'est pas exceptionnel que les instituteurs voient dans leur inspecteur d'académie un homme d'une grande culture, pourvu des titres universitaires les plus élevés, mais peu au courant de, l'enseignement élémentaire et de ses méthodes, et partant exposé à ne savoir descendre ni au niveau des enfants ni au niveau de l'enseignement. pri-
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maire en général. Nous croyons que cette op1mon, assez communément r épancl,ue,, est souvent très mal fondée . Certes on ne s'avance pas trop en affirmant qu'il est par. fois des inspecteurs d 'académie que rien, pas même peutêtre leurs goùts personnels, n 'a préparés à s 'intéresser à l 'enseignemen t primaire e,t à sympathiser avec lui, et qui, durant toute leur carrière administrative, lui demeurent profondément étrangers. Mais ils ne sont pas le nombre, tant s'en faut. Quant aux autres, 1'éi,endue même et la souplesse de leur savoir leur facilitent grandement au c-ontraire l 'adaptation, et les préservent de ces ... mettons de ces erreurs singulières qu 'il est arrivé à de moins avertis de commettre dans les écoles primaires en interrogeant les élèves ou en s·avisan t de guider les maîtres. Un homme très instruit , pour peu qu 'il devine ou qu'il connaisse les intelligences enfantines, se m et sans effort au niveau des écoliers et arrive à leur parler simplem"'n t ; cette simplicité lui est mème beaucoup plus facile qu 'à un maitre de savoir incertain et pauvre, qui confond indigence et simplicité. Avec une facilité toute pareille, un tel homme a vite fait connaissance avec cette chose un peu nouvelle pour lui qu 'est l'enseignem ent primaire, et vite aus i le comprend, s'y ada,pte, deivient capable, de l'e, di·r ige,r dans son département : il s'en est vu et il s'en voit maints exemples. On peut même soutenir sans paradoxe que le fait d 'être étranger à l'enseignement élémentaire et à ses méthodes - si tant est qu 'il en ait de propres - donne à un supérieur une vision plus claire ou plus sûre de ce qui s'y fait et <les progrès à tenter. Son jugem ent n'est pas altéré en effet ou rapetis é, par le m étier. par la routine du m étier, par les préjugés du métier ; il juge en homme, selon le bon sens et la raison, non en magister ou en professionnel à: 1'esprit purement professionnel. Aussi hien cette J'emarque est vraie dans toutes les administrations et dans tous les services ; ce ne sont pas toujours les h ommes du m étier qui aperçoivent le mieux les réformes à entreprendre, les r emaniements à opérer; ce sont les hommes d 'à côté, les profanes, qui voient les choses justem ent de leurs yeux impartiaux et droits de profanej, et dont aucune habitude, aucune servitude ni aucun pli professionnels n 'ont déformé ou r étréci la vision . Combien de fois n'a-t-on pas répété, et non sans raison, qu 'une administration est presque toujours impuissante à se réformer elle-même ? Il faut que l'impulsion vienne du dehors, de là où la pensée n'est pas assujettie aux fonne.s
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el aux forlllules LradiLionnelles ni serve des errements accoutumés. On peut le dire de l'enseignement, on peut le dire de l 'armée, on peut le dire de la marine, on peut le dire de Loutes les institutions. Il ne faut donc pas q;u'une si l 'on sorte d 'orgueil et de pédantisme wrporatif veut, de su!flisanœ proressionnelle incline les instituteurs à croire que seuls ils sont et peuvent être instruits des choses pratiques du métier , que seuls et parce qu'ils vivent au milieu des enfants ils connaissent l 'enfant et savent ce qui lui convient, que seuls ils ont compétence pour décideT des modifications qu'il est utile d'apporter dans les programmes ou les méthodes ou l'organisation des écoles. Et nous le disons sans déguisement aux jeunes, et mème à d'autres, parce que bien des fois nous avons entendu exprimer par des maîtres cette confiance un peu naïve et même un peu bornée, contre laquelle il n'est pas vain de les mettre en garde pour l 'avenir et même déjà pour le présent.
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7. La collaboration du personnel avec l'admdnistration.
- L'occasion s 'est présentée à nous bien des fois, au cours des pages ou des chapitres qui précèdent, de répéter une vérité qui éclate de toutes parts à tous les yeux, à saâche· de son abvoir que l 'autorité se transforme, et se rel1 solut isme, que les ordres et les directions ne descendent plus d'en haut comme, d 'un Sinaï, mais que dans nombre de services, au contraire, les praticiens et les gens du métier sont appelés à émettre des viseux, à donner des avis, à participer plus ou moins à la gestion des affaires et à l'élaboration des réformes. Cette pratique nouvelle s'est instaurée p lus fortement à mesure que se sont créés les groupements professionnels, et que ces groupements ont pu faire entendre soit les revendications, soit les vœux du personnel intéressé et parler au nom même de l'équité ou de l'intérêt du service. Dans l'enseignement primaire les débuts de cette « collabocation », suivant le terme officiel aujourd'hui à la mode et d'ailleurs très juste, remontent assez loin déjà. Dès 19o6, une circulaire sur les déplacements d'office invitait les préfets à ne pas négliger d 'entendre le bureau des associations amicales d'instituteurs s'il demandait à présenter la défense d'un collègue· menacé. « Il ne s'agit pas, disait le ministre, de . créer un rouage administratif nouveau, de permettre entre l'autorité et le fonctionnaire l'interposition d'un pouvoir non prévu par la loi et qui prétende s'imposer. Il s'agit plus
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simplement de rendre l'autorité accessible à tous ceux qui onL besoin de recourir à elle et qui le font avec les sentiments de déférence que vous êtes en droit d'attendre , il s'agit swtout de mettre à profit une source précieuse d ïnlormation qui pourra confirmer ou recLifler votre opinion e t servir à la manifestation de la vérité et de la justice. C'est dans ces sentiments que vous accueillerez les d élégués de l'association, que vous vous entreLiendrez avec eux e t que vous parvi_ ndrez souvent à dissiper les malene Lendus que des points de vue très différents peuvent faire naîLre enLre les foncLionnaires et l'administration. n En janvier 19o8, une a utre circulaire permeLtait aux préfeLs et aux inspecteurs d 'académ ie, au moment des mutaLions, 'de « s'adre ser, s'ils le jugent à propos, aux représenLants élus des groupements auLorisés d 'instituLeurs, les inLerroger à titre privé, les éclairer sur leurs intentions et compléter au __près d ·eux les informations donL ils ont besoin pour bien connaître les convenances et le dé irs de ch acun . Le minisLre a lui-mème recommandé fréquemn1ent à ces fonctionnaires de r ech ercher les occa ions de se rapprocher de leur per onnel, de ne jamais perdTe le conLact avec lui ... Leur· autorité n'a rien à perdre à ces rapprochements ; ils y gagnenL de dissiper parfoi les défiances imm éritées et de conquérir une confiance san laque.Ile Ieur action re ·lle:raût le plus sowve.nt inefficace. n Quelques années plus tard, en octobre 19 II, une circulaire invitait les inspecteurs d'acadénüe à utiliser le concours du Bureau des Associations d 'in tiLut eurs avant d'arrêter la liste des propositions pour le mouvement du per•sonnel. « Vou ne sauriez, en effet, vous entourer de trop de précauLions ·e t vous munir de trop de ren eignernents. Il en est qu.i peuvent échapper aux sources officielles et que vou. trouvereZ' plus sûrement aup,rès des intéressés. Vous rec ueiJl.erez donc leurs observation et en apprécieTez la valeur. Vous leur signalerez même les mutations paT nécessité de service ou d 'office que commande le bon ordre de l'école et vous leur en indiquerez les raisons... Mais il est évident que - ette consultation ne doit avoir c qu'un caractère officieux. >> Enfin , au début d e l'annoo scolaire 1924-1925, plusieurs circulaires ministérielles ont de nouveau posé le principe de la collaboration e ntre l'administration et « les délégués du personnel, conseillers départementaux 'et représentants des associations» (syndicats d 'in titutem s ou as-
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sociations amicales). Celle collaboratiop entre de plus en plus dans les usages, en attendant qu 'une r églem entation précise intervienne pour en établir la forme et les modalité . C'est particulièrem ent lorsque sont établies les listes de propositions en vue des promotions ou des r ocompen, es lw noTifiques ou lorsque sont préparés les mouvem en ts du per onnel, que les r eprésentants des instituteurs so nt consulté par l 'inspecteur ·d 'académie et appel és à , collaborer à 1'établissem ent dJe ces li-stes ou de ces proj ets de mouvement . Comm e le disait la circulaire que tout à l 'h eure nous citions, il e t des renseignements pourtant im portant èc qui peuvent échapper aux sources olffi"cielles >> nous en connaissons plus d ·un exemple à peine croyabl e - et q ue ces r eprésen tants apporteront ; san préjudice de cet autre avantage inappréciable que les actes adrnini tratifs ainsi arrêtés ne pourront pas appar aîti,e commre des déci ions arbitraiires, et qu'obten ant ainsi l 'adhésion de tout Je per sonnel lui-même, il n 'en au ront que plus d 'autorité et de force . Mais, pour por ter ses fruits, oette collaboration doit être pratiquée dans un sincère e. prit de confiance r éciproque et de loyauté; sin on ell e jouerait à faux et n 'engendrera it entre les chefs e t les ubordonnés que suspicion et conflits aigus. Cette confiance et cette loyauté naîtront aisém ent sans doute si les un s comm e les autres, avec une mêm e sincérité, ne se proposent que l'a jus Liœ et qu e l'intérêt général et non la satisfaction de commodi· tés, de vanités ou d 'intérêts particuliers. Il faudra, pour être féconde et durabl e, que leur collaboration et leur entente ne s'inspire que du d ésir égal , un d ésir un peu haut, de ne travailler qu 'au bi en du service et au seul bien du service, indépendamm ent de toutes questioos de personnes et des camaraderies m êm e les plus louabl es .
.APPE NDICE
I. A la date du 20 juin 1925, a p aru la circulaire ministérielle suiva nte adr essée aux Inspecteurs d'Académie et vi sant l a CO LLA B O R AT IO N :
« .. . Le Go uvernement est d' accord po ur admettre et favoriser _vos contacts avec les groupements corporatifs dont vous avez pris co utume de recueillir les suggestions. J e n'ai point de règle à vo us fournir sur « l' art de conférer »,
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comme disait Montaigne, « pourvu qu'on n'y procède point d'une trongne trop impérieusement magistrale ». Je compte sur vous. pour assurer en toutes circonstances l'application de cette réserve. D'autre part, les Inspecteurs d'Académie, dans la plupart des départements, prennent avis, pour la préparation des mouvements, des conseillers départementaux élus par les instituteurs. Celte procédure doit être généralisée et systématisée sous les seules conditions que voici : 1° La responsabilité des nominations appartient à l' Inspecteur d'Académi'e, sinon au regard de la loi en vigueur, du moins à l'égard du Ministre r esponsable, qui est le Ministre de l' instruction publique. L ' inspecteur d'Académie doit donc conserver la décision réelle puisqu'il a la responsabili té réelle, même sous l'actuel régime qui laisse subsister l'autorité du Préfet {l ). 2° Quelle que soit la forme en laquelle elle se produit, la consultation des délégués du personnel doit respecter la dignité des chefs adminis tratifs el la liberté des fonctionnaires consultés. Le vole qui serait émis par la réunion des inspecteurs primaires et des conseillers élus n e saurait don c, en aucun cas, être considéré comme annihilant o,u remplaçant la décision personnelle de l' inspecteur d'Académie (2). La responsabilité ne pouvant être ni anonyme, ni co llective, il importe que l'inspecteur d'Académie soit en mesure de défendre une décision dont il sera tenu pour l'auteur, encore qu'il ait été, à bon droit, influencé par les avis ou les votes du Comité consultatif. Il n e semble pas qu'il y ait li eu, quant à présent et sauf modification législative, de reco urir a ux bons offices du recteur d'Académie. Cependant, je n e verrais auéun incon vénient, pour répondre à cie hautes préoccupations qui se
(1) D 'après la loi du 30 octobre 1886, les instituteurs titul air es sont nommés par le Préfet, sur la proposition de l'inspecteur d'Académie. (2) Dans la circulaire du 15 janvier 1908, dont un passage a été cité tout à l'h eur e, le Ministre fait ressortir que « les représentants élus des group ements. autorisés d 'rnstituteurs n 'ont pas qu alité pour comparer et apprécier la valeur p édagogique des collègu es qui sont leurs égaux; il serait d 'une incorrection et p arfois d'un e indiscr étion intolér a ble de leur communiquer des notes et des dossiers qui appartiennent aux administrateurs et n e doivent être ouverts qu'aux intér essés, da n s les formes fix ées par la loi (v. plus loin , chapitre.XIV). » - Tout en r ecomma11dant donc ces consultations officieuses des r eprésent ants du personnel, le Ministre ajo ute · : « Ma is il serait contraire à mes intentions de trans former cette consultation tout officieuse e t privée en un droit pour les administrés de substituer four initiative en m ati èr e de proposition et de nomination à celle que les lois et décrets ont n ett ement déterminée e t de cr éer ainsi, dans notre organisation scolaire, un rouage nouveau qui la fausserait, en ses principes essentiels ».
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sont manifestées, d'admettre que, sur la demande exceptionnelle des maitres d'un département et en raison d' une situation particulièrement délicate, le recteur soit appelé à présider le Comité consurtatif départemental. II conviendra de m'en référer pour éviter qu'il soit fait abus de cette procédure exceptionnelle. 3° Le souci d'une exact e justice a suggéré, parfois, l' emploi de formules mathématiques appliq_uées aux avancements du personnel. Je conçois fort bien qu'on puisse établir en com mun des règles statutaires à observer pour l'établissem ent des tableaux de promotion, et dè la sorte recueillir les coutumes professionnelles particulières à ch aque ressort académique, ainsi qu'ont ét é recueillies, dans chaque grande ville de chaque région, les coutumes ouvrières. Mais le barème est un système trop rigide pour permettre de doser à leur just e valeur humaine toutes les considérations délicates qui doivent s'imposer au chef départemental quand il s'agit d'affecter un instituteur à un poste déterminé. Je vous invite donc, dans chaque -cas particulier, à choisir entre les candidats celui que désignent tout particulièrement son mérite professionnel et ses aptitudes toutes personnelles, en écartant résolument un système d'appréciation quantitative contraire à l'expéri ence de tous les pays civilisés, même des plus occupés d' égalitarisme ( 1). >>
II. A la dale du 2 1 no vembre 1925, a paru sur le m ême sujet la circulaire aux Inspecl eurs d'Académie dont voici le texte :
Leslcirculaires antérieures sur la collaboration de l'Administration et du personnel « ont été appliq1.J,.ées sans diffic ultés dans la' plupart des départements. Je suis h eureux de féliciter ici ad ministrateurs et représentants du personnel: iJs·ont montré dans ce loyal essai de coll abor a tion confi ante le plus ha ut so uci des intérêts supérieurs de l'école; ils ont
Soit dix ins tit uteurs à qui est attribuée par leurs inspec teurs, comme expr.i.ma1 leur valeur d'ensemble, la même note gé nérale lt 16 su r 20, co mpte tenu de leur ancienneté, de leurs diplômes, d e leurs méri tes professionnels, etc. Cela signifie-t-il qu e, notés quantitativement de m ême, ils soient égalem ent a ptes à occuper n'importe quel poste ? Sont-ils pour ainsi di:c inter chan geables, et aptes à réussirlégalem ent partout ? Ou plutôt ne peut-il pas se r encontrer c hez l'un des qual ités plus spéciales de tact, de finesse, de bonhomie, d e ferme té, etc., qui le r endront bien plus propre qu' un autre à réussir dans tel ou tel poste donné ? Est-cc que toutes les considérations particulièr es de famille, d'antécédents, de r elations, de santé, etc., toutes ces considérations délicates dont p arle le Ministre; est-ce que toutes les qualités profondes du cœur, du car ac tère, de l'intelligence, es t-ce que la conscience professionnelle et la foi peuvent s'exprimer m athématique ment par des nombres et se comparer e nsuite comme des quantités arithmétiques ?
Il' ('l)
�·su heureusement concilier le respect nécessaire de l'autorité responsable et la considération légitime des intérêts du personnel. Cette pratique · unira chaque année davantage les maîtres et les administrateurs dans le sentiment de leur ·solidarité profonde poµr le plus grand bien de notre école primaire. . « Ainsi que le prescrivait la circulaire du 20 juin 1925, les commissions consultatives des mutations ont été constituées sous la présidence de l'inspecteur d'Académie par la réunion des Inspecteurs de l'enseignement primaire et des Conseillers départementaux représentants élus du personnel ( 1 ). « La question a été posée de savoir si les délégués des groupements corporatifs pouvaient, en outre, y être appelés. Elle doit être résolue négativement. Seuls doivent faire partie -des Commissions consultatives les représentants du personnel régulièrement élus au Conseil départemental par tous leurs collègues. « Le gouvernement entend laisser les fonctionnaires se g1'ouper librement au gré de leurs convenances, sous la protection et dans le resped des lois de la République, sans intervenir jamais dans la vie propre de ces groupements. Pour le choix des représentants du personnel au Conseil départemental, il appartient aux diverses organisations existantes, soit de s'entendre pour proposer une liste corn• mtine, soit de laisser à la libre décision de la majorité le choix entre les listes présentées par eux. Respectueux des libertés d'association, et soucieux de laisser une entière autonomie aux groupements, le Gouvernement ne saurait ni accorder une reconnaissance officielle à tel ou tel groupement plutôt qu'à tel autre, ni donner accès dan13 une commission officielle à tel ou tel délégué qui aurait sans doute pour lui la -désignation de ses collègues, mais qui n'aurait pas été choisi par la majorité dans une élection régulière à laquelle tous les fonctionnaires auraient été appelés à prendre part. « Il reste néanmoins que vous pouvez recevoir en dehors de la commission tous les délégués régulièrement accrédités -qui désireraient vous soumettre les vœux et les suggestions de leurs groupements. Le cas échéant, vous pourriez en saisir ·la Commission consultative des mutations, pour avoir l'avis des représentants élus par. le personnel. Les relations avec les représentants de tous les groupements ne peuvent que vous .donner plus de lumière sur les questions qui préoc·Cupent vos collaborateurs, plus de facilité pour trouver une solution équitable et plus d'autorité pour la faire accepter par tous. »
(1) Sur le Conseil départemental, voir plus loin le chapitre xrv.
�CHAPITRE IX
Rapports avec les familles
Importance de ces rapports. Connaître le milieu. Connaître les familles. 4. Entrer en rapports avec elles. 5. Défauts à éviter. 6. Bienveillance nécessaire. 7. Ce que seronl ces rapports. Enll'eliens réunions, etc. 8. - La queslion des cadeaux. 9 . - Agités et hommes de bon sens.
I. 2. 3.
visites,
1. Importance de ces rapports. - L 'attitude des familles et de la PQPUfation envers l 'instituteur ou l'institullrice est pollŒ' euoc cho&e extrêmement importante, si importanlie même que nous n 'hé.5iterions guère à la placer au premier rang ; une grande partie de il,oor bonheur ,en est fait. Autant sorut enviables les ;posles tranquilles où la paix n ·est jamais troublée et où ,le maitre se sent entouré d',estime e.t de œspe,ct, autant son~ terre ingrate oeux au contraire où il '1u.i fa,UJt vivre cfuns l 'agitation et dans l 'hostiliLé, même simplement au milieu de l 'indifférence. Or ce n'est pas de lui toujours, ce n 'est pas de Jui seul qu,e, dépendent la paix OUI la guerre, les bons rapports avec tous ou les relations d~fficiles. Parce qui'instituteur laïque, il peut être. en butteà des haines qiue soulève l'intolérance ou le fanatisme, c'est-à-dire souvent l'ignoranœ ·; il peut avoir affaire à une· population attardée ou grossière, qui le jalt1 oosera et s'éca rtera de lui ,p lutôt que de l'aippirécier et die le soutenir ; ou il petiit apparaitre un peu comme un « bourgeois » dont letravail facile et le traitem:ent élevé, à ce qiu'on croit, éiloignent de lui la symipathie véritable : des gens n'ont-i l-s pas feint naguère une indignation courroucée à la pensée de ce·
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quïl,s appelaiienL les allltomobiles des instituteurs ? Mais, exclus tous ces facteUJrS Î.IIl(pO'rtants de conCOTde ou d'o• posip -tion, il reste que l 'instituteUJr 1JuJi-même. est powr une large -part l'artisan de son propre .succès ou de son échec auprès .des famiUes.. Son auLomobi!Le même,, quand par ha.sard ,elle exis.te, lUJi e t aisément pardonnée s ïl est syffijpathique à .la popllllation et surtout si les parents s 'ac.cordent t.ous à le proclamer bon ma1~re. On peut dire en vérité que rlans ja moyenne des cas, là où l '001 n 'a pas affaire à des populations .systématiquement ho.sti,Les à l '-écOlle, ou bien encore là où quelque potentat de village ne ,p rétend pas jouer au despote ,e t ne brouille pas tout, la situation morale de 1ïnstitUJteur dans la commune est presque toUJt entièl'e son 1'.ll'll1VTe. Il obtient • a confiance des famill es s'itl la l mérüe ; elle lui est refusée .si on ne reconnaît pas en lui le bon maître ,et l ·homme estimablie. Le maître et l'hommle : il faut qu'à ce double titre l'instituteur ait ies suffrages, c '.est-à-dire H•'estime ,et les sympathies de tous. Assez nettement distincts l 'um. de l 'autre, ces deux a.,peclts die sa personne se confondent pourtant de tel'le manière qu ïl n ·est pas toujours possible de les disso.cier. :\Tous l'essaye,rons toutefois, réservant pour un chrupitre prochain ce qui concerne proprement fho,rn,me; nolliS a llons dans oeluii-ci étudier surtout l 'institurt.euni, Je maître, dans ses raipports avec les fami.l,les.
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2. Connaî!re le milieu. -
Nou marquerons d'abord que
fa situation est fort différente selon les milreux. Nous le
constations, dans l~ chaipiitre précédent, à propos des autorités locate ; mais oe que nous en disiO'Ils a,lors est vroi pour touite la ,population elle-même . A la campagne on se connaît, on a lli'occasion de se rencontrer à tout moment, ,d'entrer sans ,façons e,n propos, de se, rendre même, entre maîtres ,et familles, de petits services -réciproques,. Les relations en ont un caractèr e simple et bon enfant, où les for~édu,i l!e5 au: minimlllm; et l 'instimes céTémonieuises ont 1 tuteur sourvemt èncore est cc quelqu'un ». A ,J,a. ville les choses sont auitres et l'on ne fraye pas avec la même simplicité; les rapports ,entre, pa1-ents ,et maîtres son.t moins fréqoonls; i1s ont quelque chose de ' plus officiel, de plus compassé; il n'est pas ra11e non ,p lus qu'ils soient moins cordiaurx O'll moins affables. E)t selon encore qiue le milieu est a.grioole ou industriel, oumer 0/UJ bourgeois, selon que 1a .population est concentrée ou éparse, etc., les circonstances spnt différentes a,U1SSi, et il ne se Jle'llt que Be maître
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n'en tienne pas le plus grand compte pouir régleir son attitude et sa conduite. Et cela mème notIB révèle non pas un de ses premiers devoirs, mais un de ses premiers soins, une de Sle6 premières hab~letés, si l 'on veut : connaître ce miliew où il OJpère; et, en attendant, se 1JelniiI· sur ,l'eocpectati.ve et la réserve, cequi ne veut pas dire cependant sur la d&fiance et le qui-vi".e, 111 faut connaîtr.e le milieu pour savoir cornmiem.t agir à n'égard des uns et des aUltres, avec qru.i se créer quelques relations et jusqu'à quiet point, chez qui même, car cela peut n'être pas indifférent da- certains cas, s'approvisionns ner e.n denrées diverses. Le connaître sur!Jolllt, puisque c'est du seul point de vue scolaire que nous sommes actuellement préoccupés, pour savoir s'il est favorable ou hostile à l'école, ou si elle lui d~rn1euire i111différente, SIÎ. les famines ti,e nnent à l 'instruction - iJ est vTai que ceLa dépend pour beauoowp de la valeur du maître et si l'on peut compter sur eHes pouir une certaine :r.égularité dans la foéquientation. Le connaître enfin I*)UT y adapter son enseignement et son action. Premièrement son enseignement, qu~ doit, disent '],es In·trUJCIJions, « s'adapteT aux conditions <l:e la vi,e locaJ.e ». Et cela ne veut pas dire se:rul.ement qu;'on parlera beaucoup de· la vigne aux élèves de l'Aude e.t fort peu à ceux du Calvados ; de semblables vérités sont de pures tautologies. L 'adlaptalion dont iil' s'agit va beaucowp plus loin, a une, autre portée : pour que l'enseignement soit intuiti-f ,e t pratique, qu'il parte des faits sensibles pour aller àux idées, il faut résolument s'attachier à œs faits sensibles, c'est-à-dire aux choses et aux phénomènes qu'offre le môlieu. Encore· est-il nécessaire d'abord de connaître ces choses et ces phénomènes, et la connaissance ne s'en acquiert point si l'on s 'enferme dans sa olasse et si l'on se contente de regarder de loin par les fenêtres. Il faut donc aller au.x choses ; ce qui revient à dire bel et bien qu'il fa,Ult aller aux gens et connaître leur vie. Leurs travaux, leurs ressources, 1~ genre d'existenœ, 9eUTs besoins, le possibilité d';iméliaration, i~ fu.Ult que ,I 'institurteur soit i-nfO!l"Illé de tout· cela s'i'1 veut vraiment faire. œ uvre intelligente et pratique dans sa classe, Œuvre utile au dehors. Et il n'en sera instruit, ,encore une fois,, qu'à la condition de ne pas se confiner comme font certains entre, les quiatre murs de son éco'l,e, mais au contraire de. vivre un peui la vie de toi1s. Nous connaissons d&.; institu1Jeurs qui , dans ulll milieu, rural, se sont faits les meiUeura coUaborateUTs du . prqfesseur-·
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d épartementaJ d 'a,gricUiltu,re, l 'oot aidé à introduire de mei.1lemes se-mern:.es ou de merneurs modes d·e cultme, à fonder ici des mutu:alités et là des coopératives. Ils en ont acCrt.ll d 'autant leur bienfaisance et le urr a utorité dans la commune. L'elllSSent-ils pu faire, s ïls éta ient restés spectateurs distants ou indifférents de la vie paysanne et qu'ils se fussent donné pom règle de viVTe., pourr ainsi dire, en marge des travaux ou des intérêts d e la population ? Mais si c'est une vérité banale que l'enseignement doil s'-asSOU1plir aux con<llitions de la vie locale, la même règle est vala.ble quand il s'agit du magislère moral que I ïnstituteur est appelé à exercer dans l ',éco1e et hOT de l 'école. Son eJ'forL d 'éducation ne sera efficace, ne polhl"ra l'être que s 'il agit non dans l'abstrait,. non sur de enfants en soi, mais u,r les enfants qui sont là devant lui et ools même qu'ils sonl là, ayant tels dléfauts ou t.elles qualilés et non tels aulres, ,pliés par l 'ambiance à de certaine habitudes, à de certaines mœurs, à de certaines manière de parler, de sentir e t de penser. Contre ces habitudes oo ces m J'lurs il est parfois n écessaire de r éagir, de réagir même avec énergie ,et obstination. Encore faut-j,J, p,ocm· Oll"i,enter cet!e aietion et la meswrer, con.naî>t1,e, l'étiage moral du milieu el n e pas s'engager à la légère. Il fauL ,encore être sùr que 1 1::familles ne .pre.ndro,nt pas ombrage des efforts ou des intentions du maître, qu'elles les approuYeTont au contraire eL au besoin y aideront. S'il en veua il à hem·ter la population qui ! 'entoure, à témoigner ouvertement mépris ou ironi e pouT les Jiaçons de faire el les u. ages auxq;uels el le est accoutum&, bien vile des rési tances invincibles e dre~~er aient sur son ch emin el des animosité se lèveraient qu~ ne lui piélrdonnera ient pa . L"adhésion des fumillas ne lui sera donc acquise que ïl ne se pose pa en rélfornnte~ir prétentieux ou en novateur inq1 étant ; il lui faudr.=t de laui sagesse et de la prudence, de la di, rétion el. du doigté. Mais toUJt oela aussi uppose qu'il n ·agit pas a u l1as1 rd . qu'H sait ce qu'il fait et pourquoi, que par rn,nséqnenL if connaît le milieu. dans lequel son ,action s'exerce, qu 'il te· connait avec ses traditions, avec ses usages, avec son parl,er même. Il est donc bien i,nforrné, des habitudes qu 'il doit combattre et soit de l'aide soil des Tésistances qu'il lrouvera dans cette lulte. Il y a, poUJrrait-on dire, u,ne mentalité locale dont il est nécessaire d 'êlre. bi,en averti i l'on wut prétendre en pareil cas le .succès. Qu'on nous entende bi en surrtouit. Nous ne disons pas :· L'instituteur a pour fon ction principafo de lu.tl er dans sa:
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,commune contTe les habitudes ou les prati(}ues qui sont .condamnables et dont la disparition marquerait à coup sûr un progrès. Non, son rôle n 'est pas celui-là, et Cel n'est pas pas pouT des campagnes et une combativité de cette sorte qu ·on l 'appeJle à son poste; iiJ. se rendrait vite ins UJpiportable à la population, qu'il aurait l'air de, provoquer. Mais ni son enseignement ni son action morale, ne peuvent ~/abstrai,r e des faits locaux et se mouvoir hO'l'S de ces faiit:6; il's .doivent, Lou,t à l 'inverse, s ·en inspirer; ils doivent donc, .à 1·occasion et avec tact, s'en prendre à oolles die ces habitudes ou de ces Lradition que la raison dé6avoue et qu'à la longue une ac.tion persévérante pouna, selon qu'il lie faudra, soit ébranler soit améliorer. Sou'Vent c'est. contre des habitudes de gros ièreté, de - n.alpropreU, de sans-gène -qu ïl y aura à gœrroyer; si modeste que soit le gain ·obtenu .pm- de longs efforts, ce gain n 'est pas dédaignable. En ma.tière d'éducation et de perfectionnement, la moindre con.quête e t digne d'estime. ~- Connaître les familles. - Oe n'est point ass.ez de connaître en bloc le milieu; la connaissance particulière de chaque fu.mi:rle a plU.6 d 'importance encore. Les raisons en· sont nombreuses et sautent aux yieux. C'est d 'abord que la ; ,conduite à tenir envers chaque enfant, la sévérité ou l '_n,dulgence à lUJi témoigner, l 'action particrulière à exercer sur lui ne laissent .pas de s.e l,ier étroiLement à la situation de la famiH,e et aurx: exemples qu',elle donne à l 'enfant. Nous l 'avons dit au chapitre que nou avon plus haut consacré aux devoirs de l 'institut,e,u,r envers ses élèves : l 'attitude à observer envers l'écolier que sa famille néglige ou rndoie (car ae<l:a. arrive, hélas !) ne peut êLre la m ême qu:'envers oelui qui doucement y est protégé et choyé ; el le maître ne saUJTait avoir les mêmes exigences, touchant par exernrple les devoirs ,é crits à la maison, pour l'enfant qui trouve au retour un foyer lranquiUe ou confortable et pour -celui â qui le logis de familJe n 'offre q'l1'à g rand'peine un coin de table au milieu du brmit. Fl1iest indisperu;able quE' 1'in tituteur soit au courant de ces choses et que prudemment, délicaL ement, en homme de o :x:J-U~ il en t.mne ·. -comJpte chaq'l.l~ fois qu1 oonvient. 'il Par la famiifüi encorn, et par elJe seul,ei Je plus sou'Vent, îl pourra être renseigné S certaines part.iculaTités 1,ellatives UT à l'écolier et sans la connai sancie desquelles son action s'exercerait à fau.x. Tel enfant est ma ladif, a besoin de soins spé-ciaux ou de ménagements, doit être pfos affec-
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tueusement surveil'l.é, dans telle ()Il] telle ciroonstance ; tet autre doit éviter le.s jewx eL les exercices vialents ; tel autre a besoin au contraire qu'on ~ ·excite, presque qu 'on lf: contraigne au, jeu et au Temuem,ent; tel autre, encoœ a une petite 11me de sensitive, s 'émeut ou se trouble d 'un rien~ tel autre, passe pour insensible, quii a la .p udeur de ses émotions et nei se hvr,e pas facilement, etc. L'instituteim· qui reste ignooam.t de œs faits s'expose à des €1J.'l1elllfS ou à des maladresses d'éducation qui seraient vraiment bien regrettables. De la famil'le encore lwi viendront d'utiles, de précieux avis sur les d}Spo,s itions et les défauts ou les qoolités de l'éoo1ier; si bien que l'action de l 'école pouna s'accorder à ceNe des parents, comm~ aussi eUe sera appuyée par la leur. L 'enfant n 'est .pas toujoUTs à l'école ce qu'i'1 est au milieu, de siens; il ne s 'y Jiv1ie pa avec la même sincérité, il n'y est pas autant lUIÎ-m ême ; Î'l y vit d'une vie moins ponLanée et moins vraie, plus étudiée et plus factice. C ·e~t po'Wr cela que les rnns-eignements venu de la famille peuvent être d ' un si grand pTix parfois ; ils peuveint empêcher l'instituteur de s'égarer, de po,rteT son effOTt et ses oin& ailleurs que là où il loo fauL por ter avec le plus d 'intelligence et d 'attention. Il est juste de rema rqu,e,r pourtant que ces renseignements so,nt quelquefois suûe ts à caution ; le parents voient iLeur enfants d ' nn œ il trop attendri ou trop. admirateur, ou, à l'oppo_é, trop· é.vère dans quelques cas, pour q;ue leu!rs appréciations soi,ent toujou,rs dignes cl 'un crédit sans réserve. Mais néanmo in , et bien que plus ou moins partiales, elles ne manquoot pas d 'une certaine vérité et sont toujours bonn e à connaître . li y a profit paur l 'in stituteuŒ' à ne les ignorer poi nt, car il sait mieux aloi" à. qooi s'en tenir et comment procéder . JlL faut connaître les fu.mmes, enfin , du mo ins ou surlJOl]t à la cam pagne, ,pom oette grave· ra ison qu 'elles peuvent et qu'eUes doivent être les meiUeme.s collaboratricesde l 'é,oole, mais qu'e1les ·l,e seront d 'auitant plu que ,les rapports en q'Uelque sorte personnels se seront établis entre elles et Vinstituteur. S'ils sont l es uns auoc autres des inconnus, s 'ils dieme'W'em.t .lJes UlIIB piOUJI' les a,UJtres d,es entités, les parents n 'auront pas 4e m ême penchant à s'intéres~er à l'école, inclineront moins à vouloir quie loors enfants la fréquentent avec réi:,aularité et y bravaillent avec application. L'instituteur obtient bien . lus des famiJtles qu'il conp naît un peu personnellement q.ue de celles qui luù dem eurent comme perdues dans une masse indistincte. Il y a.
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plius. Dans les pe,t ite.s et dans les moyoones comml1lles, son aurtorité tient pow· une bonne part à ce qui'id n 'est pas un m onsieur invisible, distant, inconnu. ÈUe est faite a u contraire d e son ascendant personnel; ·eue est fai,t e de tout ce .qu ·on sent en lui de droiture, de raison, de consoience, l orsql.l!'on a l 'occasion de lier conversation avec lui O'll de le fréquenter , ne fût-ce qu 'un moment. Ces occasions, il ne .doit pas l,es multiplier avec osten tation, ni par une détestable tendance au bavardage e t au com.mémge ; rrmis il doit les recher cher plutôt que de les fuiir ou de s'y dérobeir.
4. Entrer en rapports avec elles. - Il y a' donc nécessité .exi!)tresse poull' ]'instituteur, - ~~ pour i}J 'inst!itutrice, ne l'omettons pas - d 'entre.r en r aipports avec les ilam:illes et ,de les connaître au trem ent qu1 travers, !,es enfu.nts : leur 'à indispensable collaboration est à ce prix et par là seuleme,nt s ïnsLitueront des li ens de sym pathie entre elles et l'école . Aussi fa ut-il san hé6iter aller à e1lles et diélibér ém ent faim l,es preirnièr,es avances : on en a du reste, àla campagne, .tant d 'occasions facil es ! Pourtant les famitlles n 'ont pas toujours une très bonne pr esse dan le monde de l'enseignemen t. On le y rend responsables de bien des maux, à charge de revanche d 'a ill eurs, car e'lles-mêm e , à ce qu'on chuchote, n e se font pas faute de récriminer contre les instituteUJrn et de les viUu.pérer : « c'e.sit la faute au maître d '&cole » si l 'enfa nt n 'est pas J.e , irem i.e.r de sa division , p s ïl écho ue à r exam en du certificat d 'études, s'il n'esV pas tou~ou,r docile ,et déférent, etc. Les par ents, a.ffirment nombr-e d 'in stituteurs, écoulent en oracle les propo de l'enfa nt, et pour eux comme pour lui ~otre ennemi c'est notre m aître. Que ] '.écolier vienne à se plaindre d 'avoor été' m almené ou traité injuslJement, e t sans se reinseign er d avantage, san enteindre au moin l 'auit.re son de cloche, la l'a• mille pirendJ parti pou:r le pla ignant ; à coup sûr, « c 'est la faute au m aître d 'école, ». Que le m aître se mo ntre exigeant sur l 'e.xactitude, ou la propre.té, ou le soin dans la confec.tion d.es devoirs, CYUJ l ',é'tUJde des 'leçons, et le cc pauvre pe tit >> ainsi persécuté trou1Ve à la maisO'Jl des dé!fonsoors aisément convaincus de· l 'excelle,nce de sa cause,. B'ref, -comme a dit un humoriste, on ne dem ande plu au!iourd 'hui au maître s'il est con !Jent de ses élèves, on d ema ndé aux enfants s'ils sont contents de le ur mattre. Et cette fai bl es~e des paren ts est cause de miHe m aux ; eNe alourdit d urem ent la t,âche des éducateurs. N'est-ce pa,s m ême qu el-
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quelois dans les famiiles d'instiLuteurs que 1·enfant est le plus soutenu contre les collègues de son père ou de sa mère ? Car nous ne somme& plus au temps de 1·autorité incontestée, où 1'instituteirnr était bien le maître dans wn ,é-OoJe, où personne, hormis l 'inspecLeur de loin en loin, ne cootrôlait ses actes et ne discutait ses agissements ni son •:euVl'e. Il n 'est plus qui'à ,peill'e\ un sQuveraiin colli5titutionne1, et il do.il des comptes aux parents : il tient lellir place, il lui font CO"nfiance, ils prétendent donc avoir s ur lui droit de regard. Et pour peu que des forces occultes agissemt contre l 'école, publique ,et ses nwîtres, lesdits parents, affirme-t-on, sont faci1ement des adveTsaires plutôt que des a.mis, des voisin· malveillants plutôt que yrnpathiques... Nous ne nions rien de tout œ la. Il y a des parents désaguéab'les et grincheux, il y a ,des fami'liles peu accommodantes, i·l y a d es populations hostiles; et l 'instituteur n 'est plus comme jadis monarque presque absolu dans son doma ine scolair~. Des yeux l 'épient, des oreilles l 'écoutent, des ;plaignants ou des m écontents sont toujom's prêts à se lever contre lui, et des « Ligues de pères de famiHe », sous couleur de veiller au strict re pect de la n eutralité, lie surveillent sans indulgence. Il est bie,n vrai enco re que la venue du « règne de l 'enfantJ » n 'a pa · facilité les cho {s : faibles ch ez elles, les farnille.s exigent pour leur descendance, des égards et des m énagement auxquel on n ·aurait pas au.trefois songé ... Mais tout de m ême le ma• est-il si grand qu·on nous l le dit ? Nous serions tenté de c1'0ire que dans ces accu.sation r éci.prnques on est attentif surtourt à des exceptions - assez nombreuse , soit, et surtout frappantes - et qu 'on n e voit. pas le cas le plus ordinaiTe, à savoir la J:b nne r.nte,nte entre 1·ocolie et les famille . ri n 'est pas vrai que lrs familles hargneu e-s soient la règle, il n 'est pas vrai _que la Jp,lU1part d ·entre, elles n 'ai'ent qiu,'un m édiocre souci de étu-de. et d,e l'intérêt d e le ur enfants, i1I n 'est pas vrai que la m ajorité des institut:e,uil'S soient en butte, de la part des populations antipathiques, à on ne sait quel ostraci m e san;;, raison. C'est le cO"ntraire qui es~ vrai; les fuits l'attestent, et chac un n 'a qu'à riegarder autour de soi ou à -consu,l ter les soUNenirs encore récents de son e nfance. Lo in, très l:oin de nous l'affirmation que tout est pour le. mieux dan;;. le meill eur des mondes et qu 'il ne s,e :produit jarnnis de grinoornents ni de fri.cli.ons ; confesson qu'il ne s'en produit que tJ10p. Mais nous n ·en savons pas moins avec -une certitude irréfutable, parce que telle est la leçon cons-
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tante de l 'expérienœ, que. nombre d 'instituterurs, que la grande majorité des ins titUJ'Lella:'S n 'ont jamais avec le~ fa nülles de difficultés sé;rieuses, ni m ême de difficultés d ·aucune sorte. Nou savons que dans nombre de communeci, da ns fa grande majorité des communes, la .p,opuùation fait volontiers confiance à l 'instituteur et ne lui ma rchande · pas sa :ympathie. Et n ·est-ce point demeurer fidèle à la vérité que d "aTfirmer en core què cetle sympa thie ou cette confiance redoublerait si certains maîtres ne la décourageaient pas e-o,mme à plaisir ;par leur insuffisance professionnelle ou par lellil' attitude et J.eur allure trop peiu con ciliantes? Proclamons-le hautemen t., comme une vêrité qui éclate à tou s les :yeux : il eist bien rare que l'es bons institu,te,un; n'aient pas dans leur commune le r espect et 1·a ffection qu 'ils m éritent. Nous disons donc : des li.ens doivent se nouer entre l 'école, c 'est-à-dire J'insti,tiuteuui et la famiHe; ffl, dans la pluparrt des cas, il n ':y aura pas d 'obstacles séri.eUJX à surmonter pour instaurer ces reil.:ation.s cardiales et confiantes. ous ajoutons : oette en tente cordia le et loyale se oréera d ',eil.le-même, s,i l 'instituteiur le veUJt et s,'il y L.ravaiHe sans autre pensée que de bien agir. Car il sait bien qu'il ne peut pas tenir pour non avenu s les se,ntin1ents ou le désirs des familles. C ·est elles qu 'il ser t en m êm e temps qu 'il se dé![)ense pour l 'éducation des enfants; c·ef't par eUes que l 'écofo est en contact avec la ociété, avec les " besoin:,, les moruvement d 'opinion , les a pirations de la SO'Ciété €!Je-même. Une école, dit une cirarnlaire ministériel'le de 19u,. « si l'on ne fait pas, de parti prri• , abs tracs tion des réalités, ne coR titue pas un domaine iso.Jé qui ~e suffise absolumen t à lUJi-rn êm e et qui puisse rester absolum ent f.el'II\é aux influrences extérieures. EUe confine de toutes paTts à la vie sociale; elle ne peut m éconnaître ni ies famiJJ.ès, ni les besoin s particuliers die la ré<gion, ni les co ur ants d 'opinions et d 'intér êts qiu1 l'enveloppent, et la pénètrent >l .
5. Défauts à éviter. - Deux défa uts extrêm es, en l 'Pspèce, sont à éviter , plus ou moins füch eux ou, nuisibles selon les milieux, m ais plus ou moins déplaoés partout. C'est d 'une part l 'excessive famili,arité, la familiarité 1m peu vulgaire oui bon asse, qu,i fait que les gen du viila~e en vienn ent in ensiblement a traiter ] 'instituteur en simpl e et quelconque << bon garçon », pa'l'ce que lui-m êm e n·a pporte ni dans ses manière , ni dans ~on langage, ni dans
�ses refations avec Lous, la correc:ion et la retenue dont II ne devrait se départir jamais. Qu:'un peu de rondeur ne soit pa de nature à m esseoir, que dans certaines ciTCQID.stances et dans oe1tains milieux il so,it parfois expédient ou licite de céder peu ou prorn à une ambiance dont le moins qu 'on puisse dire est qu'elle n 'est ni gommée ni guindée, nous ne pousseron ,p as le puritani me jusqu 'à refuser d'en convenir. Mais ce n ·est qu'une exception, ce ne doit pas è:re 1a règle. Même là où les usages du: mOIIlde sont le plus ignorés, même là où le code d e la civNité puérile et honnête n ·est pratiqué qu·à peu près, m ême là où l 'on ne se choqu e g uère d 'un peu et même de beaucoup de laisser-aller, le populations n·ont1 qu'u111e médiocre estime pour l'instituteurr qui ne ait pa garder son rang et se, tenir à sa place . Trop de débo!Ilnai reté dans les rapp01rts avec autrui n 'aboutit qrn'à lui attirer de la déconsidération, sinon quelque m épris. On est peu porté à 1a· dé férence envers un homme , qpi, chargé d 'un office d 'éducation , se commet ou se com;prom i;t trop volontiers avec qui il r~ncontre ; il devient objet. dei risée plutôt qu 'il ne conquiert sympathie et rnspect. Si donc, par tempérament, l 'instituteur est naturrel'lement enclin à cette familiarité facile et sans retenue qui , m~me de bon aloi, n e laisse pas d 'être pew séante; ou si, tout âiffléremment, cett e familiarité, est ch ez lUJi. un calcu1, une politique dont il se flatte qu 'eNe créera autour de lui la gmpathie ou la confiance, dan s l 'un comme dans l 'autre c~s il se leurre. il s'expose à s'aliéner des sympathies ÙtiÎes e,t que fonde l'estime. Même les gens frustes ou r ell1'c hés sentenL qu'à cause de sa fonction et de son ll'ÔJ.e l 'ïtnstituteur doit être autrement qu'eux; et non seulement ils le sentent, mais ils le veulei11t et ne le 1Ja.Îse!nlt pas. Ils veulent que l'homme qui reçoit de ·la société missi.on d'élever 1eu:rs enfants, de l,es éle'Ver par son eooem;ple n.o n mo~ns que par ~on enseignement, soit d'alh1rns plus réservées et plus di tinguées qu 'ils ne ~ont eu.x-mêrnes, et qiu'il sache. pa,r ce qu'il est autre et mi eux él,evé,, imiposer le respect. JI leur dé,plaît que 1le m aître n 'ait à leurs yeux que l'asMct d'un individui quelconque, pre-s,qu,e, d 'un camarad1 inon m êm e d 'un copain, devant qui· on ne. e sent pas tenu à la r éserve ,et à la m esure. puisque ,l ui -m ême, .franchissant toutes les distances, se fait sans nulle distinction fam:ilier avec vulgarité. ' L'excès oppo é ne vaut pas mieux qiu1e œ 1'ui-là. li s'agi:t ici de l 'instituteu;r (ou de lïns titutrice) dont on dit quïl ta it le fier (ou la grande darne), q·ui vit trop chez lu,i, ù
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l 'écart de la population, qui r este distant ou ia:i.bordable . et se.nilile regarder avec un peu de, condescendanœ dédaigneuse les habitan ts de la localité où hl exerœ. Que parfois oette attitude s 'explique ou se justifie, par endroits, nous en conviendrons sans hésiter; mais un pŒ rjois n 'est pas un souvent, encore moins un toujou::rs , et une n écessitétout à fait exceptionnelle ou rar e ne saurait devenir sans de graves inconvénients la règle commune. Et la r ègl e commune, la règle de la sa- esse tout à la fois et de l 'intérèt, g c 'est que l 'instituteur soit un être sociahle, e·t qu 'il aif.le aux famill e , de bon o~m e t san barguigner , pour les m ieux a m ener à ] 'école. Peut-être - nous dison bien : peut-ètre - le défaut que nou comba tloms ici est-il p1 lus fréquent chez les institutrices que chez • e.s institute urs. A l plus d 'une le séjour à la campagne , embl e une manière de disgnke OUJ d'humiliation; elle s'y déplaisent, ell ~s , n 'y trouvent rien ni personne qui corresponde à leurs goùls et à leur éducation , tout lem ;paraît grossier , san délicatesse et sans a ttrait. Aussi n e frayent-eJ.le aveo per o nnÏ3, et délibérém ent évitent d 'entrer en r elations avec qui que· ce soit ; << elles vivent ch ez eUl es », selon la formule . Aussi bien il est naturel et il sied qu'une femme bien élevée s'cu,suj ettisse à une r éserve oo à une prudence tootes part iculières, et qu'e!le garde d es m énagiements 1 p1us striols; bien m aladroit,e ou bien mal inspirée l'insti tutrice qui l'ou blierait I Comme bien maladrorit serait, d e SOIIl côté, ! 'instituteur qui croirait déroger en se m êlant un peu à la popu lation eit en ne se condamnant pas à l'ignornr. Le m al, là comme partout, n 'est que dans l"excès, paTCe que cet excès un peu prétentieux est fort propre à éoarter die, l'instituteur, et par conséquent -de son écOlle et dei son œ.uVTe, des appuis et des sympathies auxquelles l 'u,n et l'autre trouvera ient grand profit. Est-ce donc 'abai-sseff, est-ce se vu1lgariserque d 'entrer en relati001s coUJrtoises et bienveilla,n tes avec les famill es et. de ne les traiter point avec indiffér ence ou hauteur? Le maître ou la maîtresse sont-ils d 'une autre · argi-le que ces pèr es ou ces m ères dont ils instruisent Je;: erifa-nts? Ni cet excès, ni l 'autre : t elle est la vérité et teiHe est la conduite à garde,r . A tout prendre cependant, un peu de réserve est encore préférable à une famili arité outrancière : elle commande davantage le r espect , elle préserve l'in!-tituteur de compromissions et de complaisances où il o urait bien plus à perdre qu'i\ gagner. La rése• ve dans laqu ell :> il' r se ti ent alors est, par son attitude m ême,, imposée aux-
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.autre dans leurs Fapports av,ec lui ; il n ·en est que moins &posé à êtr.e ,e nglobé dans des riva,litéf. de wrsonnes ou de clans, il sait mieux rester équitable envers · tous et garde;r envers tous U1ne indépendance toute faite de dignité(1). Mais cette r éserve, 11edisons-le, n 'est pas le moins du monde exdusive de bienveillance e t de sociabilité. ille n~ signifie. pas que l 'institutoor demeurera à tous un étran.ger, presqu'u.n inconnu, ou même que!lqui'u.n de méprisant ou d 'hostile . Elle signifie simpl.ement que cette sociabilité et que le désir sincèr e de provoquer et d 'e ntretenir de cordia'1es relation avec les familles ne franchiront pa certaines limites, et ne Lourneront pas à un <( bon garçonnisme >> intempérant, créateur de dilfficultés et de déboires. 6. Bienveillance nécessaire. - A dessein nous insistons sur la bimweillanee, ,e,t la coUTtoisie ; elles sont ch ez 1ïnstituteur, dans ses rapport s avec les fümilles, qua• lités maitresses (2). C'est à lui qu 'il a,ppartient de faire· les J)'I'emiers rpa pas, de se montrer eÀ. nsif et accUJeiollant, dans tau,te la m esure où il peut l'être salls manquer à la prudence ou à la réserve que nous avons dites. C'est lui qui doit le premier, en actes plus enoore qu'en paroles, témoigner du désir de lier commerce avec la popUJlation, sans attendre qru'elle vienne à lu.i . ElleJ le sùspecterait si, lorsqu'il arrive dans une commune, e,ll,e le jugeait renférmé et comme renfrogné, mal disposé à sympathiser avec ell.e. Se sentirait-il m ême e,n pays peu ami, serait-il averti qu 'il est dans une commune peu favorable à ! 'récole ;pirnblique, qu 'il agirait en maladroit en coUJpable s'il répondait dUJ tac au tac par l'aigre1J1r ou la dureté. Une attitude hostil,e ou arrogante ne se justifierait pas par la défiance ou l'hostilité des familles ; loin d e les désarmer, elle les confirm.erait dans
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(1) L ettre de Guizot aux instituteurs (juillet 1833): « Les rapports d e l'instituteur avec les parents n e peuvent m anquer d'être fréquents. La bienveillance y doit présider : s'il ne possédait Ta bienv eillance des famill es, son autorité sur les enfants serait compromise, et le fruit de ses leço ns ser a it perdu pour eux. Il n e saurait donc porter trop d e soin et de pruden ce dans cette sorte de r elations. Une intimité légèrem ent contractée pourra it exposer son indépendance, et quelqu efoi s m ême l'engager da ns ces dissen ions locales qui désolent souvent les p etites communes. En se prêtant avec compla isan ce aux demandes r aisonnables des parents, il se gardera bien de sacrifier à leurs capricieuses exigences ses principes d'éducation et la disciplin e de son école. Une éçole doit être l'asile de l'égalité, c'est-à-dire de la justice. » (2) N'en séparons pas la patience : il faut savoir écouter, et savoir donner son t emps.
�154 leurs motifs, vrais ou fau:x, de tenir en -suspicion l 'école et le maître. Cette lo,n ganimité et cette ,peTsévérance que nousprèchons peuvent ètre, nous n 'en disconvenons pas, Jes vertus ou des attitudes dilfficiles, courageuses même, dans certaines conjonctUJres ou dans certains milieuoc. Nous souhaiterions que œ fût alors aux in tituteuJrs, et davantage encore aux institutrices à qui ces milieux sont plus particulièrement ingrats, une raison nouveHe de les pratiquer sans faiblir. Nous le ur demanderions même de n<:i pas condamner tr0ip vile ce qui leuif paraît mauvais ou ridicul e, mais de chercher d 'abord à le comprendre et de ne p11s s'ériger en juges infail1ible . Que penser - car l,a chose n 'est pas inexistante, - que penser des maî:tres qu.i, dans un milieu, ami, parmi une po. pulation qui aime l 'école publique et ·l a soutient, ne savent pas être. conciliants quand il, le faudrnit et faire preuve d 'une obligeance ou d 'une affabilité pourtant nécessair0s et toutes simples? Voici deuoc faits qui ne sont qiu 'une cxœpticm, nous nous empressons de le dire, mais une exception véritablement d ésolante Eft qu'on dé!plore ; nous !es relatons en quelques lignes, pour mieux enseigner aux jeunes les faurtes à ne pas commettre. Un enfant se blesse au genou et, quoiqu'il ne lui faille pas. garder le liL, il ne peut le matin e rendre à pietl. :\ fécole. Mais vers huit heures et demie ou neuf heuTes, .son père est libre, et il pourrait l'amener en voiture. SeU1leme nt l'entrée en classe a 1lieu à huit hffilll"es. La rn.èrei v,a trouJVer cc le rriaîlre », le met au courrant, lui demande de consentir que son fils aTrive avec une demi-heure ou troi quarts d'heure de retard. Qœlle sollicitation était ;pilus naturn! le et mieux fondées? Or savez-vous quelle l'~nse lU!i fut faite ? « Jmpo~sibl e; la règle est la même pour tOIUS ; 1 j'accordais à un seul une pareille dérogation, Lout le monde l'imiterait et per onne ne viendrait à l'heure. » . Que vous semble de ce rigorisme rébarbatif et de oe simplisme dans les solutions absolu·es ? Nous imaginons bien qu'après une réip!Onse aussi peu accommodante et aussi peu humaine, cet institureur intransigeant fait de fort belles leçons sm la complaisance, sur la se,rviabiiit_é, sur l'entr'ai<l:e, et qu'il les iNustre d'exemples pratiq;ueis. Où le respect des principes va-t-il se nicher ? Et si la famille, un peu indignée (on le serait à moins) , est allée ensuit..e, frapper à l'école d'en face, J'.école adverse, où UIIl tout autre 11ccuei.J l'attendait; à q,ui en imputer !la fa.ut.ei? Est-ce par <l'€J pareils procédés que l'école la1que se fera aimer ? Car
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l'école, il n e fau,t -pas se lasser d·y revenir, cela signifie [e.
maître; 'parents et enfants n 'ont cure de l 'institution elle-
m êrne , seuls 1eur iiniportent. les hommes qui sont à son -service. Et i~ avait cent fois raison, le ·Ministre qui écrivait en 1887, dans une circulaire ,portant la date du 25 mars : cc Le véritable r essort de l 'école, ce n 'est pas le règLemen t on ne le voit que trop ici., - le programme, le livTe, re n ·est m ême pas l 'inspection ou la survei'ilance administrative, c'est urn homm e, c'est l 'instituteur ». Venons-en à l 'autre affaire. Il s 'agit d ·un pauvre enfan t qui dans sa fa mille, dans sa demi-fa mille plutôt, car la mèr e est remariée, l'rouve plus de , rudesse que de bon té, de privations quie de tendresses. Il n 'apporte à l 'éoo,le que leçons. m al sues, devoirs ma'! faits ; et comm ant pourrait-il en èt re a utrem ent puisque nul à la maison n e s'occupe de lui, que nu~ ne fait ri,en pour lui re nd<re possible sa biche d ·écolier ? Ma is l 'instituteur n e sait pas cela, ne le oupçonne pas, ne s 'ingénie pas à connaître la vérité; punir lui su!ffit . Une voisine c haritable, qui aime cet en.font parce qu ·,ene le sait màfüeureu4 et qui le ptrotè.ge de on. mî,eux, sïnte.r,_pooo; elle s 'en vient expliquer au maître ce quii ~e passe. Mais c·est à peine s'il la reçoit et s'il consent à l 'entendre. cc Il n 'entre pas dans ces considération -là; un n 'en finirait pas si l'on voul ait écouter toutes les r éolama,dre, e t foin des imlportion s; on n 'a pas de temps à pe1 tun ! » Nous aimons à croire que, pour garder l'accor d avec lui-m êm e, ce maître non plus n e présente jamais de réclamations à qui que ce soit ... Mais d l:' quels arguments ,et de quels exem ples noorrit-il ses leçons sur la bonté, et mêm e tout simcpLem ent sur la justice ? Encore une fois nous nous excusons de citerr, comme disait quelqu•'un , des cc exem ples à ne pas suivre » et qui ne sont quie d 'attristantes ,exceptions. Mais il est sal'Utaire que les débutan ts soient informés des lourdes fa utes qu ' un instituteur peut commettre lorsque la bonté n'habite pas s·on âme et que, selon la fOTm'Ule de Lavisse qu,e, norus avons déjà citée, le magister a en lui étouffé l'homme. 7. Ce que seront ces rapports. Entretiens ; visites ; réunions. - Nous avons exposé tout au long, dans des chapitres précédents (II et VI) , que le devoir essentiel pou'r Fins- . tituteurr est de bien faim sa olasse, die s'acquitter en toute conscience de ses obligations proprement scolaires. Ce que L demandent ayant toute autre chose et l'E.tat et les enui fants et davantage encOTe les familles, c'est quei sa classe
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soit bien tenoo et march e bien, que les progi·ès des écoliers. y soÏent visibles à tous les yeux . NuJ'le con idéiration ne prime celle-là auprès des familles; le maître a leurs sympathies et lieU'r estime si eUes le savent laborieux, si e lles. constatent que sous sa direction les enfants travaillent et s 'instruisent. Eût-il alors la r é.PfUtation d 'être un peu· ,sévèr e:, qu'elles ne lu.i en sauraient pas maU'vais, gré et sans doote s 'en féliciteraient. Son autorité auprès d 'elles et son. ascendant se. m esuœ nt en premier lieu à sa valeur de maître. ·/ « D'une ~açon générale, disait lie Ministre. aux irusipecteur & d 'académie dans une circulaire du 1 °r avrill r9u , un instituteur passionnément dévoué à ses devoirs-, atte:n.tilf ai\.lJ développement du progrès individu;el de ses élèves, devient aisém,ent, dans sa co,m mune, un con seiller ,i.11to1 isé· et écouté des parents ; l 'institutrice peut de son côté, pa r une sollicitude di,sorète et avisée vis-à-vis des enfat11.s qu 'elle ::i sous sa garde, acquérir très , 1 ite su r les mères de famill e une ,p r écieuse autorité. Nul le meilleiure façon de dis ~per les prévention et les préjukés qui séparent parfois les maîtres et les familles que de faire naître ,e ntre eux des liens de confiance mutuelle et de sympathique ootime. Les instituteurs propageront ain i au delà de. la cla e les vertu et le prestige de leur ,enseignem ent ». Et le Ministre recommandait aux instituteurs « de n e point s'isoler d an le strict accompJissem ent de leurs obligations profes ionnelles, d'e garder av,ec les familles un contact inëiispensable ». C'était .p arler d 'o.r. Si les maîtres savent les y entraîner, les famil1es eront pour la plupart ~es collaboratrices les plus e\fficaces de l'école - quand il s'agira de la h-éque.ntation, par exemple, - et l'ac tion ex'elrcée sur elles se traduira, en fin de com pte, pa,r une action bi.enfaisante e t du:rabJ.e sur les enfants. Les instituteuTS n 'ont pas à craindre· que leu;r efforts se d6pensent à perte,, s'ils y m ettent la patience et la persévérance qui sont n écessail'es toujours dans les ch oses de l'éducation. Ces relations régulièr es et assidues entre école et famille , entre maître et paren ls, elles s-e pe.UNent .établir ,et organise,r d e bien d.e·s manièr es, et plus aisément enoore à la campagne que dans les milieux ur bains. Au ha,sard d 'une promenade ou d'une sortie, on a maintes fois l'occasion de · se rencontrer et d'échanger quelques p ropos, qui ne roulent ;pas nécessairement sUII" le temps de la journée ou les µ;révisions atmosphériques dUi lendemain . L'insti!Juteur {'St presque toujours secrétaire de mairie, et oette- fonction
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le met en rapports fréquents avec les habitants d e la comm une, donc avec les parents de ses écoliers ; i; ne ;pourra J pas ne pas an-iver que <ans ces en!, etiens fortuits _ ; i r rien ne soit dit de oes écoliers eux-mêmes, d& leur santé, de leur tenue, de leur travail ou de leurs progrè . Pa.pas et m!lmans recevront là d 'utiles renseignem ent ; le maître à son tour saura mi-eux ensuite ce que pensent ou désirent les familles, iJ en tiTera parti. Cela encore ,l ui procurera une occasion propice de redresser avec tact quelque jugeirrnent faux, d e mieux faire com:prendre ce qu'il veiut, ce qu 'il tente, ce qu'il espère. Sa parole sera d 'autant plus écoutée· qu'il :prendra plus grand oin de mettre les famille au CQIUrant et qu'il s'expliquera sincèrement devant ,elles . Viendront ensuite des visites mêmes à oes furnihles. Peutêtre se f.eront-eHes à l 'occasion de quelque fait imprévu ; le plus ordinairement clles seront motivées par UIIle absence de l'enfant, ou par une m aladie qui l'élloigne de l'école, ou par une maladie qui fra:ppe quelqu'un de son entoUil'age. Ni 1'une. ni l 'aulTe de ces circonstances, et · 1 d-eux prees mières surtout, ne doivent laisser le maître indiïfé.rP!Ilt. Il fa ut qu'il se re,nseigne, qu'il sache au juste pourquoi l'enfant a manqué ou pourquoi il manque à intervalles tro p rapproch és. Il faut qu'il s'intéresse à un élève malade, qu 'if s'enquière d e sa santé, et par conséqirnent qu 'il se rende auprès de lui : charger quelqu 'un d 'aller aux nouvelles ne suffit pas, une démarche personnelle, «:>t de temps en tem,r,s renouvelée s'il y a lieu, est nécessaire. Nous l'avons dit · dans U1n autre chapitre (VI) : il · serait maladToit de multiplier ces visites au point de l,es rend'r e importunes ou gênantes, mais il ne faut s ',en dispenser sous aucun prétexte. Et pourquoi l'instituteuir, ou sa fomme, ne donnerait-il pas une marque d'intérêt et de sympathie à une fami.JJe que l'infortmne àtteint., en y ve,n ant s'inform er de la santé d '1in malade, en apportant du réconfort à de pauvres gens affligés ? Une visite encore est <lie rig,œulf cp.mnd, :rnr extraordiooire, un ·elfi.fant a commis une escapade gnve, ou que, pour quelquie raison que> ce soit, les parents 0nt besoir. d'être avertis de certains incidents de la vie scolaire. Il est à la campagne on À la ville plus d'un a éf-ole - o~ souhaiterait qu 'il y en eût bien davantage - où, chaque année après les grandes vacances et même plusieulfS fois chaque année, l'instituteur, Finstitutrice convient les parents à u:ne petite réunion sans apparat, les entTetiennent de ce qui se fait dans loor école. de ce qui s'y est fait l'imnée ;précédente, de ce qui s'y fern dans l'annoo qui corn 1
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mence, des résultats auxquels ils s 'appliqueront, des obstacles qu'ils rencontreront .et que l'aide des parents euxmêmes peUJt les aider à surmc:mteT·. Ils y disent ce ·que devrait être celte aide, comment elle s '-eocercera, comment l:J famille peut soutenir l 'école, ajouteT son œ uvre à la sienne, .et notamment la seconder dans son effort po'Uil' la bonne fréquentation. I1s ne craignent pas de pirovoque,r les re.ma,rquies e,t les obj<eclions, profitant des unes, examinant et approuvant ou réfutant les autres, et toujours courtoi_, loyaux et sincères. Car la simplicité et la bonne foi sont les nécessaires conditions du succès pour oe séances ::-ar.s fasle aucun e t sans rigoureux protocole,, d 'où ,peut sortir le plus grand bien. On ne manquera pa,s d 'objecter que tous les pères ou toutes les m ères ne s'y r endront pa . A .c,O'Up sûr ; mais qu'est-il besoin de tQ!utes les j)il'ésences ? Sous prétexte que nous ne pouvons obtenir tout, nous ré _ignerons-nouis à ne tent,e,r et à n 'obtenir ri en ? En politique , cette théorie du Tout ou rien n 'est déjà q,ue trop ma'1faisante ; ne transportons pa ses méfaits en éducation, -et surtout ne l'invoquons pas comm e une excuse déguisée à . notre ineTtie . Le moyen que nQ/us mentionnons ·pour ines téresser la famille à 1'action de l'école, pour L raiPiprocher et nQ/Uer des liens 001tre l 'une et l 'autre, a été en plus d 'un endroit - urbain ou rural - expérimenté avec d 'heureux r ésultats . On vcmJdrait le voir partout appliqué, essayé tout .au moins. Il est vrai que là encore la valeur , ersonne'IJe p du maitl•e ou, de la maîtres.se serait d-écisive; et c'~st pourqtOOi l'on VQ/OOrait qlll'il n'y eüt pa;rt,oUJt que de DOllS, que d'excellents instituteurs. C'est la conclusion à laquelle -on est toujouJrs ramené. Dans la c irc ulaire que nous invoquion tout à l'heure, J.e Ministre demandait m ême que là où l'éc()l,e laîque est in~ justement attaquée, les parents fu ssent par l 'instii utenr mieuoc écla irés sur ,elle et sur son ca:rac.tère. « Vous aurez soin, écrivait-il aux iru;ipecteurs d'académi,e, de recommander aux mia1tres de ne point s'isoler d:ans le strict accomplissement de leurs obligations professiiœme,lles, de garder avec les fami;lles un contact indis,pensable, de, soulign eT à tous les yeux, par une attitude d:e sincéirité cordiale, 1a d'éhryauté des polémiques dont ils sont pa,rfois victimes. -Qu'i·l s n 'h ésitent pas à mander l,es parents des élèves r écalcitrants (1), qu•'ils s'adressent à leur bon sens. Qu'Hs les
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(1) Cctt<' cirr.uln.irc du 1er avril 1911 visait la campagne dirigée -alors contre l'école publiqu e e t en pa rticuli r co ntre certains
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fass.ent juges de leurs propres critiques et œ.scu.tent avec eux Jes passages des livres incriminés, qu 'ils en appellent à leur imparti.alité. Aussi bien l'expérience qu,e je, conseille· a-t-elle été rentée ; eHe a prouvé son ~cacité décisive chaque fois qu'elle s'est trouvée en présence d 'objections formulées de bonne foi. >> C'est qu'en effet il n 'est pas rare que les parents s ',en rappor tent à des on-dit qu ïls n 'ont ni vérifiés ni contrô,lés, qUJ'il.s n 'on t pas même songé à contrôler ; lem· attitude agriessive ou im.pleme,nt défianle. ne tient qu 'à leur ignorance de la vérilé. Les mettre en éiat de connaître ·cette vé rité, c 'est le moyen 1e plus assurré de m odifier le'Urs dispositions, ou, à towt le mO'ins, d e les incliner à plus d 'impartialité et de, justice. Ailleurs encore, UJile ou deux fois l 'an, et même, da.ns les petiroes communes que l 'on s 'i1111ïtginerait dé$1héritées, maisq ui ont le bonheur de possédetr un bon institu teUir ou une bonne institUJtrice, de pe tites fê tes scolaires s 'institu ent ,. auxquelles les familles sont heureuses d 'assisûer. Et, b ien qu'il se défende de vouiloi.r mettre une note trop, grave ou ennuyeuse dan ce séances récr éai ives, 1'instituteùir néa nmoins s 'autorise de la présence des papas e t des m ama ns pour parler un peu de l'écolle, de ce qu'on y fait, de ce que peuvent les familles à le ur toliil' pour rendre sa tâch e pl usfructueuse encore. Comme tous les appels à l 'effort et à la bonne volonté, son appel reste ·pour une part stérile . Mais tout de m ême, une paroelle de ses paroles et de se,s adjurations tombe sur une bonne terre et finit par porter des fruits ; et c'est toujours autant de gagné. « Toutes 11,m vres· donnent acc:roissemenL », aurait dit Bossuet. Par le carnet d e con es,pondance aussi, l 'école et les familles sont en relations profilabil e.s. Ch aque sema ine, ou chaque quinzaine, ou chaque m o•s, soit le résumé des i notes de ! 'écolier , soit une, appréciatioµ sm sa conauite , son assiduité, son travail, ses progrès sont remis aux parents, qui doivent r.etouTn er le livret après y avoir consigné· leUJrS observations et apposé leur sig nature. Bs sont instruits par c onséquent de la valeur soolaire de Jeurr enfant et ils peuvent, ainsi que le maître e,t après lu~ , l'encoUirager p ou le tancer . Beau:coup . eut-être penchent vers une inœul genoe exagérée, mais il n'en est guèTe néanmoins que les·
manuels scola ires (nou s en avons d it un m ot, a u cha pitre nr, 'e n citant une p age d e J a urè~) . L es élèves r écalcitra nts dont parle Jp Minis tre sont ceux qui ; à l'instiga tion d 'adver saires d e l'école laïque, se refusaien t à faire u sage de certains m anuels inscrits pourtan t sur les lis tes départem entales, m ais mis_ à l'index p ar l'épiscopat,-
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mauvaises notes réitérées ne flortifien t pas dans leuirs exigen.ces envers le petit coupabk D'autres fois, c'est le ca hier de devoirs mensuels ou Je cahier de devoirs journaliers qm, périodiquem ent, sont envoyés dans les famiU es, avec quelques lignes ou qu elques mots d 'aprpr éciatian . Exce1lenle façon encore de les tenir au courant du travail des enfants, d,e leurs absences s'il s'en ,est produit', des r ésultat de leur .application. Tou le ces formes de reilations et de co,llaborat ion entre maître et parents sont au plus haut point recommandable , €t il fa ut les ma int,enir. Le uns et les aut res n e se connaîtron t et ne se soutiendront jam ais trop. L'école, de la sorte, ne s'isütlera pas, ne vivra pas à l'écart <le la vie m ême. u Que nos iilSltituteur s, dit la circ ulai re m inistérielle du 25 m ars 1887, n 'oublient pa que notTe enseignement primaire public ne doit pas tendre à 'isoler , à s'enfermer , à se d éfendre contre l 'incessante intervention de la ocié té, contre les critiques, les observations, le contrôie du deh ors ... Plus la famille s'intéresse à l 'école, plus l'école est sûre de prospérer . L 'idéal, en œ lte m atièr e, ne serait-il , tas que l'école fût, pour a insi dire, ouverte perp pétuellem ent aux r egards de la famille, et la famille sans cesse invitée à aider le m aitT dans sa tâch e par un cone ·cours effectif et journalier ? » Faut-il dire que dans ces relations le maître doit s 'asservir à l"éq:uité, distrihuier le bliârne ou la louange à qui le m érit,e, et n 'avoir pour personne de préférences injustes ? Mais est-il superflu de dire aussi qu 'il ne lui est pas moins nécessaire de m énager les susceptibilités des par ents, de ne pas s 'exposer àl le,; humilier ni à les hJ.esser dans leur t endresse ou dans leurs préventions de pèr es et de rnè11es ? Il leur dépilait for t d'entendre dire ou de lire que Ieur fils est un m aU/Vais élève; ils nie sont qure trO'J) portés alors à :rendre l'école elle-m ême, en l'espèce le ma,itre, rnspo, n sable de cette insulffisance . Et c 'est ;pourquoi la r édaction -des notes d'un carnet de oorrespondanoe ou l'eocpresffi'on vierbaJe d'une appréciation SUir tel ou te,} é1è~ ne dbit pas se faire sans quelques précautions, n~ fût-ce quie des préCMJJtions oratoires. ToUJt.e v&ri, é n'est pas bonne à dire, tout t au moiins à dire avec trop de biiUJtalité et de rude.500. Alœste maitre d'école auraiiit viite dressé contre ,JflJii, toute la , oipup lation de son vi,1lage.
8. La question des cadeaux. - D'autres points encore méri,tJent examen dans cette étude des rapports des nmîtTes avec les familles, et nexus voudrions nous y aITêter UJI1 ins-
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tant pouT mettre le.5 jeum.es instiitu:teiurs en garde contre des praü ques tâcheu5e5 qilli n 'ont pas tout à fuà,t disparu, si rares q;u'elles se soient faites et si condamnables qu 'O!Il. aiJtr ~ droit ·e de les estimer. Nous vou:lon.s paTler en partioulieir ·de la qiuesti.on des cadeaux. Dans telle localité ou dans telle école nonobstant l 'article 18 du Règlement colaire quo s 'exprime ainsi : cc Il est interdit aux instituteurs et institutrices publics de recevoir des élèves ou de leurs paren ts i.l U· c une espèce de cadeaux », - hl e, t d 'usage qiu 'oo oertaines s circonstances, üe plus souvent du reste pr&vues e t habituell es, les élèves offrent à leuT m aître ou à le ur maîtresse d es cadeaux vari,és et d'importaoce diverse : cLe.s fleurs, un bibelot, un livre, un obj et d 'ameublememt, etc. C 'e t 1'u-age ... On ne nous dit pa , au r este, qua nd et comment . s'est créé cet usage. On D QIU.S dit moin encoTe si cc Monsieur » ou si cc Madame >> n 'a pas mis toute sa fineS&eJ, quj. est grande, - et son ingéniosité, - q ui est féconde , à établir cet usage ou à instanreT cettr-e, tradition . Et donc, quand vient la fête de Madame, ou quand vie nt le nouvel an, ou quand vient Piâques, ou quand sont terminés les exam ens de fin d'année, ou dan telle autre circo,nstance encoœ , cc l 'usage veu;t » qu 'on songe à la cotisation accoutumée et à · 1a petite surprise a faire cc spontanéme.nt » à Madam e ... qui y com pte bien et qui, si besoin ~ t , met tout en œ uvre adroitement pour q'lll'on y songe. Nous disons <c Mi dame· » paToe qu 'on no;us alffinne qu e il', a écoles de filles, et spécialem ent les internat de j,e1 unes fill es, t ombent dans ce trave.rs, - n 'est-ce que cela ? - plus que le écoles d-e garçon ; ma is nou joindrnns le m ol Monsiem au mot Madam e autant qu 'il era r equis. Pu,i , e n 'e,:t pa tout : il y a aussi parfois la mère (ou le pière) de ·Madam e, et ,J.a s:.r.ur de Madame, et la tante d e Madame, qu ïl convient de ne pas tenir pour in existantes, et qui ont au"si l,eur fête, et qui aiment au si les fle uirs oui les petits , o uvenirs ... Bref, tout cela est plu trist,e que comique; rt t ou.t cela suTtout est bien flâcheux. touit oe,Ja n 'est ni en vers les famille ni envers soi-m êm e un e marque de r espect et de dignité. · Que dans quelque circonstances tout à fa.it excepitio-11 nrll es. très rares par con séquent, un insti,tute.uir, OUJ un ch ef d 'in sti tution , ou un ch ef: de service, ne puisse, pas rPfuser un cadeau sans froisser ou sans peiner prnfondément ceux qui le lui Tem ettent en toute. confiance et en toute amitié, sans leur faire même un e véritable injrnre, nous ne pouvon s qu 'en tomber d'accord. Mais de là ·à instituer habiMOR ILE P ROF ESSIONNELLE.
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�lement dans une école des pratiques à peu près régulières, de là encore à proc-éder pa:r ma:m:euVTes obliques, à insinue,r• négligemmenll à qùi saura, l 'entendre, qu,e tel cad eau serait bien agréable au maltr.e O'U à la maîtresse, il y a 1111 abîme. Cet abîme n 'est que rarnment franchi ; encore estc,e trop qu 'il le soit quellgjUieJois, auoc yethl( mêmes et à la ba• be de l'ad'ministJration qiui,nie s'en doute pias. r Peut-être faut-il jugeT avec moins de rigueur les petites amabilités dont on est encore coutumie-r à la campagne et auxquelles on n ·attache ipas d'autre importance. Tantôl l 'un, tantôt l 'autre apporte à 1'institiuteurr (ou à sa femme.) qui un panier d e frui ts ou UJJe corbeille de l~gumes, q ui m ême une livre de OO'l!'lTe ou quelques œ ufs frais. Ce ne sont, au dem eurant, que façons bon enfa nt de lui té,m0ign eir en queùle sympathi e on . le tient et d 'être agréable à . un homme qui est agréable à toos ; une . façon aussi de le remercier soit de quelque wt,it service qu 'il a r endu a,vec ohligeance, soit de quelque peine qu 'il a prise JP!OUT autrui. Que flaire alors ? Refuser, ae serait blesser et contrister . Entr e amis, entre bons voisins, cies amabilités sont choses normales, ,ces échanges de petits services et de petite~ complaisances sont monnaie courante : le mi eux est donc de se conduire en ami ou ,en bon voisin et d 'accepter , .e ncore q ue le règlement soit· Jà. Ce qui• seTait bl:âmable et da ngereux, · c'est que le m aître mîL quelque astuce à susciter la coutum e, des petis cadeaux, ou; qu 'il y vît une sorte de filon !p!l'écieux à: exploiter. Elle· ne serait pas fière . cetl r. attitud~ de quém andeur ou de par asite déguisé ! Nous dirons d:es invitations à peu près ce que nous disons des cadeaux : elles ne doivent êtrn qu ' une exceptiol1', une axception tout à fait motivée, qu,i ne puis e porl,er ombrage à ip,eTSonne ni soulever d e critiques dans la corn-. m une. Il est plus oui m oins habitue·! encore, dans quelque r égions, qu'ài l'occasion d 'ooei TéJjouissance de famille ou d 'une fête chôm ée, on invite l'instituteurr à prendre pari au festin . Doit-il accepter , doit-i.Jl r efuser ? Refuser, c·'i~"t aller ·à l 'encontre d 'un vieil usagf), que son ancie nneté m êm e rend tabou ; c'est se do nneT des airs de personnage r évolutionnaire ou de pédant. Néanmoins nous n'hésitons pas à dire : il faut abolir cet usage, il n,e fau.t pas que. le matlTe consente à devenir à un jour donné le commensa l' des familles ou de quelques famiales. Il y a là une question de correction d'aboTd, de dignité ensuite, sur laquelle ïl nous semble qu 'on ne doit pas se montrer accommodant. Le tout est de savoir répondre non avec courtoisie et bien -
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~ei llanc.e . Nous ne donnerons pas cependant dans rnn rigorisme doctrinaire, et nous nous garderons de prétendre qu 'une règle aussi rigide n 'admet point de temipéraments, qu 'il ne faut jamais composer avec les circonstances : l'instituteur n e peut passer poill un être insociable ou pour un ours mai léché, qu:i oo ipeut ou ne veut fréquenter perl sonne ni li,eT' commerce avec personne. Comme lo UJt le m onde, comme tout homme sociable et bien élevé, il faut bien qu'à l 'occasion il ache aœepte1· une invitation chez l'un ou chez l'autre, ch ez le maira, chez le délégué cantonal, ... et voilà les principes par teyre et la barrière ouverte ; à qui s·œrrêlera-t-Î'l ? A lui d ',en juger ; à lui de peser avec discernem ent l,e .pom· e t le contre, d'avoir du tact et de 1·entrecrent , de la raison et de la réserve. Qu 'il veille bien à garder toujours leë distances e.t à ne pas Laisser oompromettre son autorité morale, cela sans raideur .et sans m~e. Et. crue dans sa classe les faveurs injustes pourr les enfants <les amphitryons n 'aient jamais accès; que l'équité reste sa règile inflexibl.e. iv!ais justement est-elle toujours aisée à respecter qua nd on est ,pieu ou proUJ enchaîné par la ·1-econ.J1aissanoe de l 'estomac ?
·g. Agités et hommes de bon sens. - N n 'est donc pas toujours faci le de maintenir la balance égale entre toutes les fam illes et de n'en vexer ni mécontenter aucune, pas plus d 'aillem que de ne paraître ni de n 'être inféodé à aucune. Il est 1réqo:ent pourtant qiue les instituteurs et les in tit.utrice y Téussissent sans grande ,p~ine, tant iJs mettent en général d 'a lltention à ne se point livr-er trop htàtivement ou à ne e point commettre: avec le prem,i er venu , tant ils mettent de corr ection ,et de lact dans leUJrs :rappo,r ts avec la ;population . Quelque,s,..u:n y échouent', parce qu 'ils sont incapablei:. de se tenir à! leur ))Il.ace et de n,e pas se mêler de ce qui ne les rngarde pa6, ou parce qu'ils ont twp enclins au bavardage inconsidoéré, oui parce qu 'ils ne: f'avent pa,s en toube occurrenœ g<'l,rder la réserve digne qUJÎ convient . D 'autres y échouent , de leu:r côté, pa.rce que ce, sont des agités ou des brouil lo n , qu'Ï n 'exce~le nt qu'à jeter ipartout J.e trouble e~ la zizanie. Où qu'on les appe,lle1, nlt-ce." au milieu des populations les plus paisibles, ils trou-vent moy,en d e se brouiller avec ill'un ou avec l'autre, sinon avec tous, et d,e se faire partout une siLuation impossible. Ils sont grincheux, S1Usceiptihles, peUJ agréables, peu conciliants, intransigeants avec dUJreté ; ils ne sont faits que pour vivre aUI désert , r ecroqu,evillés da ns leur égoïsme ou leur
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humeur hargneuse. Trente ou quarante ans durant, l 'administration les traîne comme un boule t, obligée à chaque mouvement du personnel die J.eoc trOUNer un poste nouveau où l'on veuille bien les tol.ére,r quelques semestres ou quelques années... D'autres y échouent encore parce qu 11s n 'ont pas le bon sens de se Lenir en dehors et au-dessus des querelles locales, qu 'ils entrent ouvertement ,en lice pour ou contre celui-ci ou oe.luii-là, se faisant de cette sorte d ïrrécon ciJiables adv,ersai-res. Rien d 'aigre et d 'implacable, en effot, oommei ces rivalités el ces inimitiés de cloc her; l ' instituteur qui a l'a mailadresse ou la :.oit.tise de s'y laisser P1 nglober expiera un jour ou l'autre lia faute d 'avOIÎ.r été l 'homme d 'une secte ou d 'un clan, alors qu,ïl était là pou r faire œuvre ulile à tou.s, en dehors de ~oute chapelle. e dirons-nous rie n d'un surj et un peu délicat, mai qu îl faut tout de m ême aborde.r sans louvoyer.? lil- s'agit de la femme de J 'instituterur. C'est e!Je parfois (JlllÎ ne sait pas ;.;:,e tenir à sa place, qui se mêle de t<ml dans la comm.u·ne, fr.équiente à tort et à travers loo bavardeis et les comrn.ères, excelle à brouiiller gens et choses, attire à son mari toutes sortes d 'histoires. Elle devrait savoir pouriant q;u '.elJ.le n 'e-;t pas au village une femme comme }es autres, q'Ul'elle est , tenue e-Lle.-m~mle. à uine paTtie, au moins de cette réserve qui s'impose à son mari. ous ne voulons pas la onilner en rectluse dans son ménage; nous lui de mia.ndon simplemen t d'être attentive à ses faits ,e t g~tes, saTIS ,excepter ses paroles, afin cLe n e pas exciter contre ell'le et contre l ' institu.t eur un mécontentement dont tous deux poUirraient avo ir beaucoup à: souffrir. Noue; avons connu bien de institu,LeUJrs et bÎ{'ll des in t, t.llltrices qwi, d:epuis longtemps en exer cice dan la même communa, y avaient vécui toute une exi:o.tence de travail et de probité, et, loin d 'y com1piter un seul ennemi , y avaient poUir amis r econnaissants la population tout ,entière. Ils ne s',étai.ent pas, dès l1'abord, ils ne s'étaient jamais posés en• esprits forts ou en rérormateu:rs éch$'elés, dont les allures, dont les manières, dont. ]es idées ou les attaches politique effarouchent et rebutent, sèment la défiance ou l 'émoi. [l s ne couraient pas en grande, hâte à la gare le mtericredi soi r ou le samedi soir, dès la classe finie, comme s'il lem· tardait de fuir avec J.eur labern· le village et ses habitants, l{JIOUT n 'y repa-raître que vingt-quat:11e1 oo trente-six h eures après. Ils se ·savaient des droits, et ils ne les abdiquaient point ni ne se sentaient di!,posés ~ les laisser prescrire ;· mais ils apportaiMt à les d'éfond.re, le moment venu, .au-
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tant de dj scrétion que de fermeté et ne prenaient p,d; bruyamment à témoin l"Qpânion, puiblique : ils m ettaient le,u r point d 'honne,uir, au oontraire, à ne l 'agiter jama is et à ne pas requérir on intervention dans les affaires proiessionne:lles . Ils avaient une ambition : bien faire 1-eruT Lâiohe, condui"Pe chaque année des élèves au: certificat d 'études, vivr e en paix avec tous et se r.e.ndre sympathiques à tous ; leoc clas, e, était leur principal souci. Etre conci.liant ne leuiT paraissait ,point 001e faible se, passer pour « boo esprit » ne Jeur ébait point une. injure; ils voulaient qrue, adm inistration ou famille , tout le monde pùt comp ter ;.,ur Toire .en ,euoc. Ils étaient pouir tous les bons coneux et C seilleTs, da ns la bouche de qui on n 'entend que des paroles de sag~e et de raisŒI, e t ciue l 'idée m ême de se faire agents de di scorde ou: de désunion n 'aurait jamais effleurés .. . Tous les inspeotiewrs en ont conil'u, d,e te;Js, ,en oonnaissent de tel , car la race n 'en est pas éteinte et rnste vivace au oonlraire. Et ces m.aîtres-là, nous pouwons nous incliner affec.tueusem enl devant eux : ce sont eux qui ont fait aimer l'école laïque, ce sont eux quâ, sans bruü nÎ! agitatio1J1, mais à fo11Ce d,e labeur et d,e coosoience, servent lie mieux la cause que nous aimons.
�CHAPITRE X
Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'école
l'école. 2. 3. -
Nécessité de compléter el de prolon ger l'actio n de · Situation actuelle de l'amure posl-sco laire. Rôle des instituteurs el des institutrices. 4. -...:. Les co urs d' adultes. 5. A utres amvres « conférences, lectures, coopératives scolaires, etc. 6. - D eux circulaires ministérielles : l O juillet 1895, 11 novembre 1896.
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1. Nécessité de compléter et de prolonger l'actfon de l'éc ole. - Pourquoii des œUNres « complémem.taiTes » d'e l'école ? Serait-c.e. que l'école primair.e publicroo, telle q ue la loi l'a faite chez nous, ne se suffit pa à ellè-mêm.e rt qu'el:le a besoin d 'être complétée? B.épond-·elle mal aux besoins généraux .et a·ux n écessités sociales qui furnnt, qui sont, ·qui seront · longtemps encŒ'8 la raison tprofonde de son in stitution ? La loi a décrété - nous citon les termes mêmes de• l 'art icle 4 de la loi du 28 mars 1882 - qu:e « l 'ins truction primaire ,est obligatoire pourr les enfants des deurx: se!X.-es 1 §.gés de s.ix a- s r évolus à t.reize ans révolus » ; ,et en m ême n temps ,e,lil,e a p()IUrvu, ou cru pourvoir à tü'US les, moyens d 'asSUT·et' le. r espect de oette disposition fondamentale. Nous disons : cru :POU Tvoir, paroe que la loi, pour d es raisons qu,'il serait intéressant mais oiseux de rec,h ercheir ici, s'est montrée ,en partie inopérante .et n'est qu'imparfai-tement appli1quée. Non ;pas que nüllls voulion , pour les besoins de la cause, pO'U.SSeT les choses trop au noir et prétendre que la fréqu,entation scolaire ou qu-e l'instroction obligatoire est un mythe. Ava,n cer une semblablle affirmation serait pé-
�cher contre la vérité , qu:i, pour triste qu•'elle soit encore,, n 'est pas si affligeante. Car la vé:r ité, c ·est qure. la très grande majorité des ,enfants fréquent.ent l'école, qu'ils la fréquientent avec une r égularité tout ar moins suffisain te, et u qu,'ils y acquièrent rnn,e bonne instruction primaire, : regardons d 'un peu près arutooc de nous et nous en serons vite convaincus, si nous ne le sommes pas déjà. Mais il est exact aussi que bon nombre d 'eni'anls, soit à la campagne, soit à 1a ville, ,e,t pour des mo tifs qu'il n 'est pas dans le cadre de cetle l eçon non plus d·étudier, n 'o,nt qiu 'une scolarité incomp lète ou écourrtoo e t qur'ils demeurent des d emiil1ettrés, sinon m ême Œ:)S illettrés comp lets, des « allililphabétiqu,es » (igno:rant l 'alphabet), comm e dit un vocable consacré. Les startistiqu,es r,égime,ntaires en font foi : il est des r égiments où J.'examen des conscrits (1) décèle une proportion dJ'ïlliettrés véri tablemoot déconcertan te, et sur. tout dowlo u-reuse. Plaçons-nou, dans l'hypothèse, la ploo favQl.l'ab le, et voyons oe q:u'il advient des écoliers qu'Ï , à doUJZe ou treize ans, quittent l'école après avoir obtenu le oertificat d 'études. Ce qu'on .en peUJt dire de pl'Us élorgierux, c ',est qu1 ls savent, 'i1 elon l 'ambition même des programmes, « ce qu 'il n 'est pas permis d 'ignorer » . C'est qiuielque, chosei assm·éme.n.t, c 'est m ême beaucoup , e,L il leur serait peuJt-être di.fficile, à le uT ,â ge, d 'en savoir dlavanta.ge. Mais cette mod est e provision inteUootu1lJe qUJ'ills ont am assée ll!Tle foi s [)IO>ill toutes, e combien ne la reno11veill eirtmt pas, combien la laisseront s'épujse1 ou dépérir l Les années d 'étu,de sont finies pour r em: ; voic i v,enir les années d 'apprenlüssagei, cel1e.s m;êrne où, déjà o uvri.er s ou petits employés, il _e,ron t jetés dans la vie r éelle, i différente souven t de l 'existence et du m ilieu scolaire. J.usqu,e ~ ,l 'école et la llamiUe orut travaiHé, cha·à ,l cune poUir sa part, à leur formation ; mais à partir de ce moment leur rôle s'affaihlit, celui d e l 'école cesse m êm e tout à fait : r ad'ole,soent luli. échappe, à l 'heoce où il! serait le plUL5 en m esuire, de profiter die son ,e1nseignemJent et cle son action, et où , hélas ! sa règle et ses leçons lUJi .Sietr'a ient le plus nécessaires. De ça de là, soit curiosité, roit passetemps, qu! elqu 'un de ces ado.lesœn ts rouvrira par infer va!Jes ses livres de classe oru· emiplruntera un· volumie à la
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(1) Article 1er de la loi du 29 juillet 1910 : « Chaqu e ann ée, les conscrits non pourvus d e diplômes ou certificats d 'instruction primaire ou seconda. re doivent, dès leur arrivée au corps, au jour i fixé par l'autorité militaire, subir un exam en destiné à cons ta ter leur degré d 'instruction. »
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bibliothèque scolaire, et, se rendant compte qu'il sait bien peu de cho e, trop peu de chose, essayer a d 'êllr<e à luim êm e son propre instituteUJt. Mais combien d!'a,UJJ;1ies ont à tout jamais déserté l "étude e,t les livres, comme èhoses " n, nuyeuses ou s uper.flues, bonnes pour des ,e nfants ou po11r ceux dont c'est le m étier que d 'étudier! Ma intenant qu'ils se croient hommes el quïls n ·aspirent qUJ'à fa~tie les homm es, tant d 'autr es am.bitions et d 'autreis désirs, tant . d 'autres travawx, tan t d 'autres distractions pl us encoœ, auront désormais lem'S préférences, que par b00ll10011p l'école en era aisém ent ou.biliée. C'est là justronent qu'est le gr and mal : en m êm e temps que l 'école, ils ouiblieront peu à peu bien deG ch oses qu 'ils y a vaient apprises. Pas to utes assurém ent,, pas au tan t même que se complaisent à le d ire certains; car la mém oire tient pour tourjorn·s en garde, rt d 'un e, prise olide, u n e qua ntité co.nsidéyable d es notions q,ui ont été étudiées et répétées peindlant six oUJ sept an[l.ées consécutives . Il n 'empêche cependant que le diéchet era considérablei qua nd le jeune homme arriviera à ,l',i'ge adulte Il n 'empêeh e . urtoUJt quie bien des notions q ui eu ent été inaccessibles à l'enfant, mais q,ue l 'adJol,escen t poUJITait san s peine. sérieuse s'assimiler , lui m anqueront, malgré l 'utilité pratique ou fo rm atri,ce qu 'elles présentent. On ne peut guère,, par cxemp'le, entrnprendre avec u,n peu de sûreté l'éducation civique ou socia,l e d,e l'enfant; on le pourrrait dava ntag,e quand il atteint l',1ge de l 'adoJ.escencc, mai à ce m oment· sa êrola rité e, L fini e et cette form atîon ,i importante lui e. t refuis$e. Et com bien d 'autres r enseig nrmtents util,es lui restent de m êm:e interdits, paroe qu'il a cessé complètem ent d 'êt,r,e écoli er ! Ion seulement des enseigneme.nts générau.,x qui, mis au point et a&.,OI\Jlflili . eu sent avoc succès acoru et F ortifi é ~on savoir élém entaire : un peu d 'hi stoire cont.emporaine:, un peu, de géo,,o-raiphi P économiqiu1 un peu de calcul usuel, un peu d 'orthographe e, et die rédactio n , etc., rnJa,is des en eign.em ent.s de caractère pllll:S n ettement IJ)fatique et profes ionnel , variables suivant les mili euoc, eJt qn.iii l'eu ssent a idé à mieux r éussir dans son m.§1.ier , à mioox le com:p:rendrei, ài s'y intéresser dav:antage . Cet lâge où l'enfant dit adieu à l 'éoole est celui où il serait ],e plus e,n état d'a,ppre, dre ,et <l'e commenCler des études n suhstanti.e1 es; e,t o'est malheureusement l 'iâge où , la plu H pa,rt du Uemrps, il renonce d'u.ne manière définitive à toute étude, pour son propre , réjudioe et poo·r lei ]Yr'é;iudice de p tous. Nous venons ·a e ,p arleir des m eilleurs élèves de l'école pri -
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maire , de ceux qUJ'elle a conduits au certificat â 'études. .Mais ,les autre , en maints endroits les plus nombreux, dont la scolaTité ce se avant d 'avoir atteint ce but, e t qui n e dépassent pa 1 niveau: d 'u.n cou,rs moyen abai é ? 11 €1 en est n1èm e, nous en connaissons ou en avons tous connu, q;u!i ne vont pas au delà du cours élémentaire. Que d evienn ent ceux-là par la suite ? Que devient lem· maigre. savoir, let qw'oo. suhsistlef- tJ..il ,quand ii.ls (PUviennent à I'1 âg,e d 'homme ? Dans quelle nuit s'éteint lew vie int l'l!)ctuelle ? Ce préjudice que nous signalons et que nous déip1lorons s 'étend à la formation morale. Si mo deste qu'on jugie su,r ce L errain l ',œuvre de l'école, si contrariée que soit on influence par toutes celles qu'à SQ!Il .e,sciJelnit ou, à son insu l'enfant recherche ou subit, il n 'en r este pas m oins vra i qu.e ! 'école exercei sur ses élèves, grands e t petit , une action bienfaisante, que nul ne songe à nier et qui est en ,effet indéniabile. N''en exagérons point l 'e[ficacité ni la profondeur, mais ne la déprécions pas non plus et dédaig no·n s-la. mo ins encor e : elle est ré.elle ,et ne lais1'e pas d 'être durabl e. Pui s brusquem ent une .coupure e produit : l 'enfant se sépare de l'éc-Oile, l'écol e abandonne l 'cnGève, eL l ïnfluence heureuse qu1'eille exerrçai t sur lui cess.e d éso1111ais d 'agir. D'aut r.es la rem,plaœ nt ; qui ne sont r a toujours excellentes ni to,uoours louahle.s, OIIl Le S0JÎlt de resle, et dont l'attrait pervers ou sournois peu.t légitimer par m om ents le plu graves inquiétudes. D:e l'école au régiment, s'étend une période dangere,use pour l 'adofoscen t.. Sa raison , mal affermie encore, on expérience insuffisante, sa volonté il)certaine le défendent mal , à cet 1 âge critique, conlre toutes orles de u:ggeslions et d 'ent.raînem e,n ts . Et si nul secours ne lui vient du dehors, s'il ne trouve nu·ne par r dans la société! un ferme soUJtj en , q:u.'adviendrn -t-il de lui ? Question redoutable, à laquelle la cbronique jucliciai,rie ne fournit que trop souvent une douloureuse ré-· pome ;· les délinqua nts qiu<i comparaissent deva-nt les tribunauoc correctionne,ls n'ont pas tpujouirS attieint 1'1 1,ge d 'homme, c,e sont trop fi,équemment des jeunes gens de dix-sept ou dix-huit ans , quelquefois m oins encorre. Serai,e ntils toujours ce qu 'ils sont s'ils avaient été dirigés et soutenu , s'ils avai ent e.u autour d 'ewx: des guides ave1 s tt 'ti pll'U.dents ? La famill e peut-êtr,e ,l eur a fait défaut ; ou e.lle a manqiuéî à ses devoir~ ; our bien - ncore elle a été impuise sante à ,p ré.venir ,le mal. Ce 1 "Ôle capital de la fami.]] e,·<!ans la tutelle moral e de l'adollesoence non m.oins que de l'enfan ce, q,wi n'en voit, qui n'e,n comprend toute l 'éte,n due et
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la portée, ? La famille, quand elle est fidèle à sa m1ss10n, c'est la grande instillU.ticm de saiJut soôal. Mais si eùle ~ dérobe à ses devoirs, qui pouirra la 5U!ppléer au moins en partie dans cette lamentable carence? Et à sup,poser même qu'elle comprenne son devoir, veuille l'accomplir et s'en acqu,itle de son mieux, ipeuit-elle se faire l'éducatrice -et l'instituLTice de l 'adolesœnt plus qu'elle ne le fut pour l'ènfant lui-même? Ne peut-on su;ppœer plutôt que des institutions, que dres groupements de bonnes volontés Pe présenteront à eil!le pour agir à ses côtés comme auoci1fuires, l pour prendre en c.harg,e avec elle ceb office d 'éducation et de sauvegarde dont eHe ne pe,ut seule assurne:r le poids? Il semble bien què nous en ayons dit assez jusqu 'à présent pour fa.ire comprendre en quoi et ,pourquoi l 'école priniaire a be oin d 'être complétée, et de qrnelle importance sociale peuvent être ces i::euvres complémentaires de l'-école. Que~Les ,e lles , sont, quell.eis eilles doivent être, c 'est la quiestion à laquelle tout à l'heure nous essayernns de répondre; nous ne voulions d 'abord qu'en marqueir la nécessité, ,oo esquisser en linéaments rapides i e 1 l rôle général. li aipparaît donc infiniment souhaita,ble que, par delà l'école, tout un réseau d'iryfluence.s préservatrices puiisse envelopper le jeune homme ,eit c001tinuer .pl us ou moin l 'œu,vre saluta ire commencée ij)élr 1'école. Ecole prolongée, lendemain de l'éeoile ... : peu im,portent les noms qu'on lui donn&ait ou qu'on lui a donnés, fussent-i.J,s même dépourvus de toute étiquette soolaire. Ces œuvres complémentaires de l'école trouveraient partou:b du· bien à faire ou à créer, elles trou;vernient partout une action éducatrice à entreprendire sur la masse des adolesçents et des jeunrs gens. Aussi bien ces ,::euvnes existent depuis longt·eml))s déjà; et pour s'êlre, semhle-t-il , plus ou moins assorurpie, lem action n 'a pas coosé, de se faire . entir néanmoins Pt n'attend que 11"heuœ d'un vivant réveil.
2. Situation actuelle de l'œuvre post-scolairei. Ce n ·est pas dl'aujourd 'hui ni d 'hier, en effet, qrue la. nécessité en :i sl.llrgi à tous J,es yeuoc ; e·t sans vouloir faire dans ces page5 l'historique même très raccourci des Œuvres post-scolaire., · nous raipipeHerons pourtant que la Convention déjà avait
(1) " L es ins tituteurs, avait-elle décrété, seront char gés de faire aux citoyens de tout â'g'e, de l'un e t l'a'utre sexr, des lectures et d es instructions une fois par semaine. 11
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résolu de les instituer dans chaque commune (1), que Guizot avait donné aux cours d 'adultes une impulsion puissante, que vingt ou tr.entie ans après lui Duruy avait travaillé à urne i:::eUNre semibdaMe, q'lle dep• u.is lors les coursd 'adultes n 'ont jamairs cessé de fonctionner en France sous doo forlllles diverses, et que, dans les huit ou dix dernières années du dix-neuvième siècle, soU6 l 'influe,n ce en particulier de la Ligue de l'Enseignement, un grand mouvement se· produisit en faveur des œ uvres coni,plérnentaires de l'école_ . Cours d 'ad'l11tes, conférences populaires, ass-ociations amie cal• s d 'anciens elèves (les petite A, comme on disait), mutualités scnlaires (res petites Cavé,), patronages, etc., etc., se créèrent alocs de tous côtés en quelqll1€s années; ce fut comme une grande pcm,ssée d 'enthousiasme en' faveur du lendemain de l'école et un riche épanoUiisseiment d'rnuVTes multiples. Puis cet enthousiasme eut J.e ort de beaucoup d'a.utr,es en France; le mouveim,e,nt se ralentit par degrés e t Ja flamme des jou:rs de foi sembJa s'éteindre. Mais jamais ce généreux mou:vement ne s'arrêta tout à fait, jamais l'Etat ni l'initiative privée ne cessèrent- d 'y .contribuer, jamais le personnel des in tituteurs ne lui retira ni ne lui marchanda s001 ap,p1ui. L'écoJe 'primaire n 'a pas cesssé d'avoir un lendemain. ]\fais c.ei lendemain, tel qru,e nous le voyow o us nos yeux, n 'est qu'une in titution insuffisante et précaire. ~i tooo les adoJ.escents qu'iJ s'agi,rait d'atteindre n'y sont englobés - on en est 1-0!in - , ni toutes les Œ1 u,v1,es nécessaires n',erxistent et ne fonctio,nnent., ni toutes les ressources financières et autres qu'il y faudrait ne lui sont acquises_ Ce qui s.e fait n 'est que la moindre part de toUJt ce qu'il faudrait faire, et qui est immense. Un in spect~ur général de l'instruction publique, M. Maurice Ro,ge,r, chargé justement des œ·u,vres complémentaires de l 'école, l,e disait à la fin de l'année 1924 dans son raipip0,1t au minisitre : « Comment ne pas épToUJVer une v.éritable t, istess,e, une, vér ritable inquiétude, en vo, ant se prollonge.T un régime qui y laisse sans instJruction, au delà de treize ans, quand c,e n 'est pas plus tôt, des adolescents par centaines de milliers ?... Que représente le chiffre de ces auditeurs [il s'agit jes 300.000 audit.ems des coUJ1·s post-scoJ.aires de toute nature] dans, l 'ensernble de la ipopul-ation ? Ce qJU,'apprennent ces privilégiés, en tœnte ou quaralllte heiu<res, embrasse-t-il le programme indi :pensable, même réduit à ses limites les pluis étiroites ? Et que fait-on pour instruire non plu les
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adolescenLs, mais les adulbes, pou,r les éclairer sur le sens de la vie nationale, pouir Jes rendre capables de se diriger dans les wnflits de l 'heure aotueLLe? ... »(1). C'est tout le problème de la ,p ost-école qui est ainsi posé en qu:elq;ue.s lignes. Ce problème ,e st coonipl€1Xe, il est gra,•e, ~I est pénible à nos pensées et à nos <::onscience . ~is nulle illusion n 'est .p ermise : il ne pourra se résoudre que par l'éneTgiq,ue eL en mêrne temips coûteuse intervention de l 'Etat. Il ne ,p ourra se ,résoudre que si l'enseignement postscolaire reçoit une organisation, officielle aussi complète, . aussi netLement airrêLée quie l 'enseignem'E'nt primaire luimème et qui COll1l,p orteraiL en premier lieU1 l 'oiblligation. rous n 'en sorrunes ,pias là ; à teUe enseigne que, l'obligat.ion légale, ponr les seuls enfants de six à treize ans, n'est encore, après un demi-siècle, ni e ntièrement dans les mi~urs, ni entièr emrent dan les fait : on ne J.e sait crue tro p. L'obligation post-scola irn, i elle est un jour d écrétée, donc ccm naître un sort pareil ? A si bien la devrait-elile _ queslion eist µré.mat urée ou S'Uperfl oo; ell e ne e pose pas en core, ne se. pœera pas de sitôt, redourton -le. Et pourtant, à n 'en ,p as douter,, d es jours viendront où eHe dev.ra · être abordée e t résolue. Un temps n e pourra pa ne pas naître où ! 'éducation des adolescents apparaîtra comme un devoir impérie ux pour la collectivité, et où celte organisation officielle et totale que n ou souhaitons pour ,elle sera la réalité to11rt,e, p<rochaine. En pleine guerre (1917), un projet d'en<-emble avait été élaboré et mis sur pied ,par J.e ministre de 1'instruotion piu.bliquJe: (2). Des néœs5it'é.s imti:ona~es p lus urgentes le firent abandonner avant touille discussion préliminaire, et en différèrent pour de nombreuses années la réaili a tion. fais l ' idée dememe e,t nous n'avons pas oessé d 'entendTe tour à Lour soit les rapporteurs du budget de l"instructi.on puhliqUJe, soit les mi.lllÎ.stre.s e uoc-mlêmle6 proclamer ,en m ainte circonstan ce, tantôt dans quelque congrès, tantôt à l'a tribune dru Parlement, que 'l'obHgation et l'OII'g,anisatio n de J',ense.ignem.ent post-scola:i:re .étaient uin de6 articles du proigramme r épublicain et un devoir démocratique à ne pas ,pierdre de vue. Mais en attendant ces jo ur qu'on a trop d e raisons de craindne - ncore éloign é , e t parce que l'Etat ne fait ou ne e
(1 ) J ournal Offi.ciel , 6 oc tobr e 1925, p. 672. (2) Il prévoya it en particuli<'r une rédu ction dPS h eur<'s d<' la classe du jour, a fln qu<' l es instituteu rs eussen t du L<'mps à co nsacrer aux a dole Cc n ts, apprcn ti s. c Le.
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peut faire ri,e n del trge et de décisif - qU{·.1qu,es œntaines de milla franos se J·l ement figment à son budget pou'.· les cours cl'adulte\5, - faut-il laisser y. :,:, irement. a!ier les choses sans tenter quoi que, ce soit, fa.llft-il s'enfermer dans l 'indifférence et l'inertie? En dehors de l 'action de l'Etat, mais en tout cas sous sa tutelle et avec son appui tacite ou avec son éncourage,ment toujours, l 'ini1 tiative privée agit sur mille points du ten-itoire, sou:vent avec persévérance et avec suce.ès. Nombreuoc sont les conseils municipaux qui subventionnent les cours d 'aduù.te,s et les 1:ruvres post-s.co1.aires ; nombreuses ,sont les soc.iétoés et ligues die tou'te sorte qui suscitent, soutiennent et organisent ces mêmes 1 :euvreè, sous des formes très vari~ et parfois avec une solli·.CÏtu<le ingénieuse. Tantôt elles fondent des paitronages, tantôt elles encomagent et enrichissent des bibliothèques, tantôt elles fournissent a uàJC. soirées populairns des confér-enciers bén&voles, tantôt ,et fréquemment elles créent des cour d 'ensei,gnernent professionnel, etc. ; de mille manière5 enfin elles agissent et 15'efforcent de rayonner. Mais J.es plus nombreux et très oertainement aussi les plll!S sûrs ouvriers de c.ette tâche extra-scolaire, ce sont encore Jes instituLeurs eux-même. Ce ont ernx. surtout, instituteurs e,t institutrice , qui dirigent des cours de perfectionnement, qui président à la naissance de amicales d 'anciens élèves, qui organisent des conférence>s e t des éances récréatives, qui assurent le fonctionnement et la prospérité des bibliothèques, qiu,j ipropagent la mutualité scolaire ; et quoi encore ? Ils sont ainsi plusieurs dizaines de mille qui, moyen- · nant de modiques aHocations communales, qu,and ce n 'est pas mème à titœ gracieux, mette}1t au service du « lendemain de l'école » un peu de leurs forces et de leur activité, un peu de leurs aprtitu:des et dP leur bon vouJoir siI11Cère. Sans leU1· concours, que .pou:rrai.t-on dans les milieux ru~ raux, et dans la plupart des centres u:rbains? Même dans les grandes villes, où il semble pourtant qu,e l'on puisse avec facilité, parmi Jes membres des « Aides maternielil.es » ou des « Amis d.e l 'école >> ou des « Foyers universitair,es » ou des « Associations philotoohniques » ou aes sociétés similaires, recruter des bonnes vo1ontés agissantes et oom.pétentes pour les œuvres complémentaires de l'ooole, même là, fo conc:ours des instituteurs et des institurtriceis ne laisse pas d'être comme ailleiuJrs indispensab1e. Et c'est aux instituteurs encore qoo l'on s'adresse presque toUJjours, dans plu d'une ville de garnison, - sinon: à qui s'adresseT? - quand i1 s'agit â'institu:er des cours dur soir pour
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l,es soldats illettrés ou demi-illettrés : et Dieiu sait ou les statistiques révèlent, combien, hélas l le nombre en e t grand paT endroits, et quelle ingrate et duœ bffiC>gne c'est souvent qu,e d 'apprendTe à lire à des analipihabétiques de vingt ans.
3. Rôle des instituteurs et des institutrices. ~ Eh l quoi, répüquera-t-on, encore 1'00 inst,itute:urs e,t les institutrice , toujours eux! C'est à croire, comme a dit quelqu'un , que ipQIU1' eux les jours ont 48 bewres et il ne le.UJr est besoin ni de détente ni de repos; c'est à croire qiu 'ils peuvent prêter main-forte à tout, suffire à tout, ,et qu 'il n 'est pas de tâche sociale dont iJs soient dispensés de se faire les artisans. Tant ,et si bien q;ue la classe du jour finirait presque par leur devenir besogne acce oire et econdaire. Et quels dédommagements leur offre-t-on en retour ? par qui et comment seront rémunérées ces besognes surérogatoires qiu,'on iest unanime à vouloir leur coofier ? Ou se flatte-t-on, alors que partout autour d'eux é'est la course éperdue à l'argent et aux bénéfices et c 'est la vie chère,, qu'ils donneront gratuitement leur temps et lem labeur ? Premièremoot vivre, ensuite pédagogiser. Ils sont hOIJllmes. eux aussi. Convenons· que de telles oh!jection sont très forte et que ceux qUJÎ parlent ainsi allèguent de solides ,e t justes raisons; que leur répoodre, en v,érité, q,UJand ils arguent de l'impossibilité oµ il sont de se disp,ersei· sur tant de Mches proclamées toutes urgentes ,et pressantes, quand ils arguent qure la bonne volonM et les forces - et le temps - ont des limites, et que peut-être on a tendance à paraître parfois les estimer taiHables et corv.éabLes à mel'Ci, sans songe.r assez que toute pieine mérite salaire ? Oui, ces -raisons sont sérieuses, elles sont vraies, e.t -tout de même elles ne parviennent pas à nO'll& convaincre. Ecartons d'abord un premi,er et redoutable malentendu. On répète de divers côtés que Les générations présentes d 'instituteurs ne sont plus telles que jadis, qu 'oo les voit bien plus ~igeantes leu•'S droits et plus attentives à leu r dù, f moins ouvertes ou moins doci,les aux suggestions et auoc ap·pels d'en hauit, et qu'elJ.es ont perdu la foi , qui donne à , 1 ,s -croyants l'allure de dupes OUI d'attardés : les temps sont durs aux chevaliers de 1'idéal, ,en u,n siècle où il semhle que l'argent soit le dieu suprême. Et oe dieu , les maîtres die l'enfance lui rendent, eux aussi , à leur manière et ~elon 1eur pouvoir, le culte dont il n'est personne qui ne soit au-
sur
�-175jourd 'hui le fervent. Il n 'est donc adjuxation ni admonitiqn qui tienne : ils veulent tirer de. leurs peines un pro/it matérieli, e,t c'est pourquoi D'on ne peut plus comme autrefois compter sur eux pour les tâches désintéressées ; donna.nt donnant, telfo .est· leur mJ8.xime nouvelle, qui est l 'uverselle maxime. Nous confessons· n 'en être pas si persuadé ni si convaincu que cela. Il est de tout temps, et surtout aux époques un peu inqJUiètes ou difficiles, qu'on crie à l'abomination de la désolation, et que les anciens soient pleins d 'éloges et de r,egrèts pour « autrefois », cet autrefois où, formant la génération montante, ils étaient avides d 'action, pleins de longs espoirs et de vastes pensées, et confiants dans l 'a-renir comme on l'est à vingt ans . Les choses, les idées, les hommes, et les instituteurs mêmes, sont à présent autres que jadis ; mais qu,i dit autres ne dit pas immanquablement inférieurs. Il se peut, comme on le .p rétend, que beaucoup d 'instituteurs, parmi l.es' jeunes au moins, aient apparemment rompu en visière à bien des idées traditionnelles, et qu'ils aient, comme tout le monde, d 'auitres ambitions et d'au-trf6 rêves. Mais c 'est peut-être faute de pénéLrer assez dan leurs raisons que nous sommes mJ8.lhabiles à les comprendre, et twp vite poTtés à l,es juger avec un peu d'acrimonie; cc les hostiles ont surtout des différents ,, . Certes oui, notre époque est celle de la lutte pour la vie et , pour la riches e ou le luc1,e. ; certes 6ui, il semble, bien que 'plus d 'un jeune maître serait asse- disposé à n 'en prendre z q,u '- son aise avec les exigenoes gênantes du devoir profesà s ionnel ; qil]'il se préoccupe d 'abord, en présence d 'une Mche non obligatoire, de savoir combien elle lui rapp01tera ; qu 'on le dirait plus enclin à redouter l'e,ffoct et le trnva.il qu'à ne pa,s m énager sa peine et à se dépenser avec zèle ; que le mot de devoir n 'a plus dans son âme les mêmes échos p'l'Ofond et souverains.et cru 'i.l ne se répète plus assez viriJeme,nt ce mot à lui-mêm~; que si bien haut, voire à l 'occcasion brnyamment, il se .targue d'être ardent démocrate et croisé du progrès, il oublie cette toute siffi!Ple, mais laborieuse et sévère vérité, q,ue le meiJ.leur moyen ;POOC lui de servir avec certitude et avec fruit la démocratie et le prngrès, c'est de bien instruire les enfants, de garnir ahondamnent leur ,es.prit et d'éveiller lenl!l" i1 nteHigience, afin qu'elle ne demeure fermée à aucune. vérité . Ou~. à considérer les agissements de plus d'un maitre, nous avons parfois d e ces craintes et nous n 'en vollllons pas ic i faire mys~re. Ma is il nous semble bien aussi qu'en définitive il y ait là
�plus d 'apparences que de réal.ité; que nous sommes, dans de6 appréciat,ions ainsi sévères, plus arrêtés par des exceptions insolites, tapageuses ou choquiantes qu'attentifs à 'la pratique générale ; et que, pai,ce qu 'ic.i ou là un institu~eur ~ ou un petit groupe d 'instituteurs au:ront r ei'usé, avec m ême une, ostentation d 'assez mauvais goût, de travailler à une œ uvre post-scolaire, nous n 'avons peut-être pas le droit d 'en conclure sans pl,us ample informé que les hautes quafüés de conscience, d,e prnbité et de travail par lesquelles le corps des instituteurs avait canquis la confiance des pouvoirs publics et l 'opinion pubhque sont chez lui en décTOissance. L 'esprit général, la m.entalité gén érale, ~i l 'on .pouvait ,em ployer ce terme, s'est modifiée de faço n sensihle; · chacun aujorurd 'hui est plu ,âpre au gain. agi t davantage en homme d 'affaire , suppu te en LO'llltes choses l'e profit : voudrait-on, se.r ait-il possible que le personntil des maîtres échaw;ât si complètement à Ja réia.:Uté ambiante qu 'il vécût èncore sur les seules idées du passé, et qu il m• fùt pas pénétré ploo ou . moins de l'air, m ême un pe u lour d, des tem ps nouveaux ? En dépit donc des on-dit téméraires et de certaines cam ]Jlll.gnes outranf ièr es et mala droites, nous continuon s de croire autant que jamais qu 'on peut s',en remettre aux instituteurs du soin d 'être, pom Ul,),e très large part, les· bons O'UIV'.riers de l'éducation post-scolaire. S'ils sont VTaiment les • serviteur fid èles et convaincus qu 'ils prétendent être de la démocratie et de la classe ouvrière, ils savent bien , sans · qu'on ait à le leur dire oo. r épéter , que cette c.las.se ne peut s 'éleve,r que si elle commence par s 'im,truire, par se hausser à la vie de la, .pensée. Or qui lui prêt era l 'aide nécessaire, qui la conduira d'un pas assuré dailS' cet effort d 'ascension , 5inon eux ? A qui pourr a-t-on recoiurir, sinon aux ma1tres m êmes de 1'enfance,, qui se,mblent à Lou:-, et nmi à tort, na turellemm t désign~ pourr cet o,ffioe ? Qu 'on les encourage, qu'on les r étribue comme, il convient, qu ·on l P11r facilite la t- che e,t que la loi s'y emptl<Yie, rien cl e à mieux et ce n 'est que justice stricte. Mais en attendant l?s e jours espérés où l 'Etat pourra faire pour l 'éco1e prolono,S ce qu'il fait poor l'école tol\.lrt court, il faut bi,e,n compt,er ;:ur les instituteurs pourr organiser e<t: pour faire viv1,e. av13c l 'E1ppni des autorités et des ~ ci-étés loca1e.s, e t dans les meilleures ou ~s rooins mauvaises conditions qui soient. tout ce qu'en too te bonne foi il est possible de faire. Selon ie communes, selon l'état d,e dispersion ou de groupe,me.nt des habitations, selon le milieux, selon T r égions. les es
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choses seront différ,entes : un ooms d 'adu:ltes (d 'adolesœnts plutôt), bien fréquenté dans t.elle communie, ser:i peut-ètre très difficile à établir ailleurs pour des raisons de toute sorte; des réunions périodiques d 'anciennes élèves par l,em in ti.tutrie,e réussiront ici bien mieux que là ; unE' bibliothèque ou une coopérative scolaires auraioot peutètre grand .succès dans une localité et moins dans une autre; etc.. A chacun d 'étudier le milieu, de voir ce qu ïl peut faire ou tente,r, en toute sincérité et en toute conscience. Car de se dire d 'avanc.e, et sans doute c.omme excuse : « A quo,i bo:o,? » ou : cc Il n·y a rien à faire ;1, c'est se libérer à trop bon compte d 'un devoir moins accomm odant. Croit-on, au surplus, qu'une telle action ne. soit pas propre à rallier à l 'école des sympathi es? e t non seulement · à l'école, mais d 'abord à la personne même, de ] 'instituteur ? Il n ·a rien à pe;rdrn e,t il a tout à gagner à se montrer labot"Ï e,ux, à passer pour un homm e qui .ne r ecule pas devant le travail utile aux autres; et i, miellL.x en core, il e t 1·éputé homm e plutôt. désintére é, quci n e cède pas à la tenta tion commune de tirer argent de tout e t de ne ri.en faire sans profit personnel certain. I)e< sera-ce pas chose h eureu e et bi enfaisante ? Dans un e circulai~·e du i3 octobre 1924 au:x: Inspecteurs d 'académie., et, relative aux •:euvres coll1lplém.enlaires de l 'école, le. Mini t11e faisait appel tout à la fois et faisait confiance au per onnel des institu.le4rs; et voiici ce qu 'iJ éc nvait aux , chefo dépa rtemen taux du service : << .. . Je, vous prie d ïnvit,er ,M .M. les inspeoL eurs prima ire · à consacrer , dans chaque conliérence (pédagogique), quelqu es instants à la question des ,œuvre complémentaires d,e l 'école .
« En attendant que la loi, coordonnant les initiatives particulières, organi,se un réseau d 'in titutions. qui complè te et pro longe ! 'ac tion d e ! 'école, il es! n écessaire que nos insliturteurs et nos im:titu• Lrices fa !'.ent tous leurs effort pour qu~ leurs élèves n e soient pa entièrem ent livrés à eux-mêmes en dehors de he11.n-es de cla e, powr que leurs anciens élèves ne soioot pas enlièirememt livrés à ellxmèmes durani la période qui sépare l'école. du r égim ent. , Il y va du succès défin itif de. leur action éducatrice ; leur· influenc~ n e tarderait pas 'à être neu,t,raJisée si, le jeudi et le dimand1e, pendant les congés et les vacances, leur _ propres élèves étaient confiés à d 'aur tres ou i l'éd'U éàtion de· leurs' anciens élèves était, de treize à vingt ans, repri e piar d'autres. JI importe donc que lelJl' concours soit acquis à
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camp qui n 'est pai le nôtre toujoU!I'S, font pour I,e triompl_,..es de « la bonne cause », pa.1· Leurs iœuvres de « pel'S0vé-· rance » ou dans leurs patr001.ages, est-œ qœ nous ne pouvons pas, est-ce qoo nous ne de-vons pas le faiTe aussi bi,ein. . · qu'euoc, et po1lX une bonne et belle cause, nous aiussi ? 4. ues cours d'adultes. - Très nombreuses et très diverses, nous l 'avons indiqué déjà, sont les œ uvres qm se juxtaposent et s 'allient à l'école pC>ll4' en fortifier l'action ou pour la prolonger. Les UTues sont plutôt des a·uxiliaires· de la classe du jour , telle , par exemple, les caisses des· écoles, les cantine,s scolaires, les coopératives scolaires. Les auLre sont plus pJ'O,prement au semoe du lendemain de l'école ou mème, à vrai dire, constituent à elles seules. ce « lendemain » :· couirs d 'adultes, conférences pop,ulai,r , a sociations d 'ancien élèv- s, etc. Les autres sont e des auxiliaires Lout ensemble de l 'école .d u jour et de 111 post-école : telles sornt les bihliothèques. Nous passerons en r evu:e quelques-unes de ces i:e.uvres, mais sans entrer à propos de chacune d'elles dans des dévelappements que Je manque de place notIB interdit, et surtout sans nous flatter ni même sans avoir dessein d'en omettre aucune. n en e t, dUJ œste, pour lesquelles il nous sulfllra de renvoyer purement et simplement au couTs d'administration scolaire ; sur les caisses des écoles ou sur les bibliothèqnesscolaires, on t:l'ouvera, là toot 1'e.s,entiel de ce qu 'il faut savoir. A tout seigneur, tout honneur : nous commencerons donc pa,r le cours d 'adultes, qllli sont l'institution la plus· ancienne et sont resté l 'une d,es plus en faveur, une de celles qui ont eu et peuvj:)nt avoir encore les r-ésultats les pl'UJs assurés. Leur - xiste.n ce e t prévue par la loi orgae nique, du, 3o octobre, 1886 qui s 'exprime ainsi en son 1rticle 8 : « Il peut être créé des classes pour adultes et apprfflltis ayant satisfai.t aux obligations de la loi du 28 mars 1882 (c'est-à-dire ayant dépassé, l'lâ,ge de la scolarité obligatoire). Il ne peut être J·eçu dans oes classes d'élèves des deux sexes. n Et le d!écret organiq,u e du 18 jan vier 1887 comp,lète ainsi lies dispositions ré,glem,enta ires rela tives aux cours d 'ad'Ulltes et dl'aprprentis : « ART . 98. Les cour d 'adultes et d'a,pprentis sont créés par le Préfet, à la d emande, du Cop-seil municipal -e l: sur l'avis de l 'Inspeèteur d'académie. ART. 99. Dans les clas es d 'adultes · oui d'apprenti;;, l 'en,:eignt>m ent ])€Ut porter sur le~ matières de l'instruc-
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.Lion éléme ntaire et swpérieure, telles qu ',elles sont fixées par les lois eit règlem ents, ou comp r,e ndre des cours théoriques et pr atiques spécialement aJ)Jpropriés aux besoins de la région. ART. 100. - Ne peU'vent être a dmis à suivre les clàsses d'adultes que les enfants àgés d 'au mo ins tœize ans. ART. 101 - Les classes d 'adultes ou d 'ap prentis sont sou m ises aJx mêm es inspections quie les écoles primaires. ART. 102 . Les cours d 'adultes ,p euvent comprendre d-es classes des!Jinées aux iUeiLtrés,. des oours spéciaux pour les jeunes gens qui désirent compléter l<eur ins truction, d,es conf&ence.s et des lectures communes à tous. Il pourra être établi d eux ou plusieurs sections distinctes, suivant l 'iàge ,et le d egré d ïnstrœ tion des élève . ART. 103. - Aucun instit u,t,eur p ublic ne peut être contraint de diriger ces oours d 'adultes. Les cours et conférences Jl:<mvent être confiés à toute personne qui en liera la demande, sur la proposition du maire, approu vée par le Préfet , après avis de l'inspecteur d'académ~e. Le programmie de oes cours et confélre,noes sera soumis à 1'in sp€clieur d 'académie en mêm e temps que la d ema ,ùde.. ART . 10Li . La subventio,n de 1'EtaL ne peut être acco rd ée aux oours d 'adulLes ou d 'apprentis que si la commun e se charge des dépenses de chauffage et d '·éclairage. Cette subv~ntion, allou ée sur la propo,sjti< . du Préfet, n e dépas;m sera pas la m oitié des fra is qu'entraînent ces cours. Des subventions de l 'Etat, ainsi que des concession s de Jivres et d e matétriel d 'enseignemen,t po ur:ront être 'l,1l ouée,s aux associations d 'enseig nem en t créées en vue d 'organi er des oours d 'adultes o'lll d 'apprentis. ART. 105. - Lorsque la commune prend à sa charge les f.rais des cours, les ooncütions de r émunératio n sont fixées d e gré à g.ré entre la comm une. et le directeur du cours d 'adultes, >> Ajoutons, pour m émoire, que l 'a,Frêté du 2 7 février 191 8 dispose qu '« il sm-a · déoeim é chaque année des prix et des récompenses a.uix ins Liitu teurs ,et instit utrices publics qui au r.o nt participé a:vec l'e plus de !lMe e;t de succès à l'inst ruction des adolescen ts' et des adultes, ainsi qu'aux i::euvTes CoonJplém entaires de l'école. Ces iI),Tix et r écom penses consistenJ; en : Palm es d 'olffic,i:er d e ]'Instruction publique; Palm es d'olffici-er d 'académie ; Prix de 1 oo francs ;
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Prix de 5o francs ; Prix de 25 francs; Lettres de félicita.Lions. li convienL de dire ,encore que la loi du 2 août 191 8 sur l 'organisation de r enseignement pto.fe ionnel public J.e ! 'agriculture règle q,ue. « l 'enseignement posL-scola ire agri.cole peut êtr,e donné dans les ,écoles pllibliques ou dans les locaux mis par les communes et les particulier.s à la dispo ition de l 'Etat >> . Il est donné, par les instituteur s ayant obtenu le bre,viel agtr-icole (déŒivr-0 par le Ministère de J:"agricultu1 re), aux joUJ11Jes g,ens ,âgés de treille ans, pendant qualre an a u rno in , à raison de cent cinquan te h eures :1u mo ins ch aque année, r épartie entre les différe nts mois, selon ],es besoins d e chaque r égion , par les soins d 'une .cornmi ion départeme ntale d 'agricuilture. Les in tituteurs quii donnent cet enseignem en!J rnçoi,v,ent une i'ndemnité : e lle est arrêtée de côncert par les fonctioonaiœs char gés d e l ïn pection comme représentants dru 1inistère de 1'agriculture. La m ême loi _pn \,voit un « enseignement agricole m éna' ger post-scolaire » donné dans de conditions analogu':.'.', aux jeunes filles ,~gées de ,p lu de do uze ans, par des in t1tut1.rices pourvures du breveil agricole m énager (délivré égô lernent aprè exam en par J;e, Ministère de J'agriculture). Cet ,enseig nem ent post- colaire de 1'agriculture est t}n core un e nouveauté .pieu oonnue et peu: pratiquée,. On n_e t rouve que peu de m aîtres pourvus du diplôm e, corre,spon·dant , elt le nombre des coœrs ouverts dans toorte la France ·n 'att,eignait qu 'à peine sept cents en 192L1. D 'autre part, la loi du 25 juillet 1919 prévoit l 'organisa·tion de cour ,prorfes ionnels ou. de perfectionnem ent agréés par J.e ous-secrétariat dJ'Etau de l 'enseignem ent 1 .e,clmique, -et destin és a u;x « apprenti , O'U VTi€rs et ,emp loyés du com·merce ,e,t de ll' indrnstriei » . Mai , pair leur caTactèr e tech 1J1iq,ue, ils sortent du cadre d e notre leçon ·et nous · ne fai 'Sons que les m entionne.r au- passage à titre documentaire. En déip.it de leur nom , les cour d 'adultes n 'ont guère o u n ·ont point d 'adulte pour auditeurs, mais seulem ent ·d es adolescent e t des jeunes gens. Et encor.a la d épo,pula1ion graduell e des camlpagnes fait-ell e que. par un m ou·,,em ent par allèle,. le5 cours d 'adlllltes dans les miHeux ru r aux voient leur clientèle diminuer . Par m alheur au ssi, re ux-là m êm es à la ville plus encor e qu 'à la ca~ pagne, ~ qui le rours du soir e.ra it le plu,:. nécessaire, les semi. îll ettrés, sont en général 1 moins emprei,sés à le suivre, €>S
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soit que la défici,ence intel1ee,tuelle leur soit légè're, soit qu 'un fauoc et ,p ourtant compréhensible am.om·-p,Topre les éfoigne de 1".école où ils .p ourraient plus 011 moins la . corriger. Mais malgré oes défections,. il n'est aucune local ité où les seirvioes que peuvent rend:re loo cou,rs d 'adultes soient négligœbles; et c'est de la part des maîtres faire i:el.Wre utile que de mettre leur effort à les instituer et à les faire vivre. Ils rencontreront plus d 'une r ésistance ou d 'un obstacle, en· dehocs de l'indifférence même des intéressés : les j6U!Iles gens, après la journée 'de travail , 5e trouvent fatigués et pe.u en huiheUT de redevenir écoliers ;. le mauvais temps les retient, surtout i l 'écolie est éloignée, comme il arrive dans les communes aurx. habitations éparpiHées ; le familles craignent que cette absen{:e d e l'adoliescent ne l1U,i soit prélext,e. à des amusements su,,. pects ou à des stations dans les cabarets, ,etc. S'il s'agit de· jeunes fille,s que réunit leur institwtrice, les objections se font plus nombreuses encore; a1Ussi plus d'une in, tiLutJriœ plaœ J.e jeudi œ11 m ême le dimanche, dans 1·a,prèsmidi, les r~unions de jeunes filles qiu'elJe a établies. D'autres motifs d'in u.cœs peuvent tenfr au cours lui- . même : il calquie trop la classe du jour, il n 'apporte rien de nouveau ni de captivant, il ne vise pas assez l'acquisition de connaissances pratiques, agricolas ic i, profossionn.elles ailleurs, m énagère."' chez les. joones filles. Autant d'obstacles contre l,esqiuels il faut veiller à ne pas trébur ch er, autant de caU1Ses d 'écheo q;uiîl' faut prévoir pour les prévenir. C',est dire combie:n la valeur ~onnell e ,lu maître, là encoTe, là comme, pa1rtout. e t u.n éJéirnent de réu ite, et combien l 'asoendant moral qu 'il aura ~u prendre sur les enfants et sur les. famiJJ.es s.era pour lui un fa.;leur du uccès. Quelquies causeTies !:'Ur l'actualité. où il" ne faudrait pas verser dans la politique (au sen& étroit ou péjoratif du. mot), serai~ t sans doute en tout endroit :m l,es bilenvenues ; et J:»,en in~ré sara,i,t le mlaîtire s'i,l w nsu1l tait ses auditeurs suT le urs goûts, looTs désirs, leurs bP~oins, qu'il en raiso:nnl~t aveo eux et qu 'il en tînt compte, _ autant qui'i-1 conviendrait dans l 'organi~atio'll et dan~ le· programme doo séances de travail. Nous parlions tout à l''heillrn d e l 'enseignement ai:rricole· dans ]e5 milieux ruraux. D'aucun s en conçoivent J'e!-poir que, bien compris et bien donné, i.l powrrait contribuer peu ou prou à retenir les jeunes gens à la terre el· r:ilentir, sinon arrêter. la désertion ininterrorm1Pu~ die~ r am pagn es. Peut-être, quoique peut-êlre au ~i il . n 'y ait là
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,qu ·un fallacieux ·espoir. Mais si l'enseignement agricole, .scolaire et post-scolaire,, a œ t heureux r éslllltat, ne, fût-ce .que dans une très modeste proportion, disons-nous nien ,qu'il ne l 'atteindxa pas, comme le souJignait M. Maurice R oger dans le Rap1 porll que nous citions il y a quelques .pages, en oélébrant avec dies effusions de lyrisme le bonh e,ur cham;pêtre et J.es bienfaits moconnus de la vie rus.tique : ce lyrisme démodé fait sourire, ma is ne touche ui .n 'ébranle personne,. Ce sera d 'unei manièœ a,ut rement pratique et prosaïque, autrement intelligente aussi, en montrant· comme nt le travaiJ dUJ oultivateur peut être rendu plus fruc tueux, plus intéressant e t moins lourd par la pratique des rneiHeures m étl1odes de ouJture, .par l'emploi des machines, paT l'utilisation de l'électricité, - oette électri.cit é à quii l'on demandera m ême d:e permettre, .l'installation du cinéma e t d 'apporter par T. S. F . soit des concerts lointains, soit d es nouvelles du mo nde entier . - La .poésie 'buw liq uie a fait son temps ; les pay ans vivent dei r éalités ·tangibles e t ne; ve.ulent iplus passer pour attard és. 5. Autres œuvres : conférence.is, lectures, coopératives .scolaires, etc. - Les cours d 'adultes - nous le ur conservons le nom accoutumé - sont la plus r égulière 01u la IJ)lus mélhodiq-ue., m ai non la seule d es œ uvres d 'ensei·gn ement qui se donnent pour objet de continuier et de .pa rfa ire, comme dit le Manist.re, ! 'éducation donnée à 'l'école. C'est .um.. peu au mêm e but, mais paT ooe autre 'Voie et en sachant pe•ut-êtr,e· mieux allier le plaisant au ·sévèr,e ·e t l 'a.gr ément au profit, que tendent les << confér ences populaires » qui sont partout, semble-t-il , fort goiîtées. Elles le sont urtout qua nd la lanterne m agique ou 'lei cinéma (1) les illustl"ent. Parfois l 'instituteur, à la carn ·pagne, trouve pour les donner des auxiliaires am,îcaux : ·délégué cantonal, m1édecin , ju:ge de paix ou q:u,elque autre, -qui consente-nt volontiers à se priver d 'un p€'U de loisirs ;pour vUJl:garise·r des notio n util€1.5 ou aider à une œ uvre excellente. L 'écu-eil' à é,vit,eT, et suir lequel jadis on buta fr~q;uemment, c'est q,ue œs oonférenoes ne soient trop savante., , arideis et sèch~ , peu faites po ur l'a·s sistance à qui ·on tes destine. C'est un écueil dont l'institute ur lui-même,
(1) L~ Musée P édagogiqu'l, t,1 , ru e Gay~Lussae, à P aris (V•), m et gra tuitement des vu es et des films à la disposit ion des confér en ciers qui le désirent, lesquels films e t vu es circulent en franchise. ·En demander d 'abord le catalogu e.
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quand il se Jlera confé1 rencie.r, devra se _garder avec vigilance. Une cc conférenoe » ne va pas, d 'autre ,p art, sans une préparation séri,e use, sans une œrtaine doc umentation même; elle exige, si peu oratoire qu'an la sUJppose,, une certaine aisanœ de parole, UJile certaine facilité dans le maniement c1e la voix, qm oo sont pas données à toos. Par bonheur, soit les sociétés d 'enseignement, soit lesjournaux 1 :Jléda.gogiq;ues eux-mêmf6 viennent e n aide au personnel, en mettant à di position ou en publiant des textes ou des entretiens dont la mise a u point n e demande ensUJite qu 'un travail réduit. Les Jecl:ures d11 soir sont également vouées au succès quand on sait s ·y prendr.e. Mais savoir s'y prendre, c'est d 'abord, condition essentielle, savoir bien lire; ce ta lent ne se ren,contrn p'a s si commUJllément qu'on l.e ·croirait, mè'me chez ceux qui ont mi ion d ·enseign er à lire (et o',e st pourqruioi nous d,éjp~ocon qu ïl n 'y ait pas, dans l~s écoles normales, des cours de diction et clJOO C0\1I'S de lcrture à haute voix; on y explique et commente beaucoup, et même trop ; mais y lit-on ? y a,prprend -on à lire ?) . Mais enfin, même un lecoour ... m1e.ttons cc ordinaire » peut ètre très écouté et très goûtt) q:uand il sa it choisir des teoc:es a uxqu els son auditoire puisse prendre sans effort intérêt ou pJoaisir : d'alertes Oll1 émouvants· récits; des scèn es comiques OUI mieurx: av,ec quelques couipures, dies corn.é'cLies tout e n~ières; des TOimans captivan ts, ce qui ne veut pas dire d'un goût douteux ou niaisement méladramatiqut>5 : des relations r écentes, av-ec cartes à l'appui, de voyage ou d 'exploration ; des aTticle sur ] 'actua lité scie'Iltifique. géographique, politique, à condition que la cc politique »· en s-oit excluei ; des poési,es à gr,a,nde a11lm1e, niarrativies plutôt que descriptives ou p1bilosophiq·ues, où passe, un souffie· gén éreux e t puissant, etc. On n 'a vraiment q,ue l 'embarras du choix, car la mine est inépuisable. Noo no u~ souvienons d)'une lecture de, Tœrtcr.,in de Tarascon qui orcup., plusieurs séan ces et qui eut un succès indicible . Et le· même public fut, à des éances suivant.es, ému e t. ~éduit :par Les pcruvres gens, Le crarpmul, Le petit roi de Galiçe (avec les r etran che m ents n écessaires) de la Légende c/Ps siècles. H s·a,gis ait d'un maître, il est vrai, qui , aim11rft 111 poésiie, savait la faire aimer à ses élèves, savait d e même b faire sentir à son pub·lic du· soir. Heure,u x don pour lïn;:titutem ou 1'institutrice que celui de lecteur et de di seuT !. Le!" petites fêtes scolaires, bien ·quie parfois dilffi! il·e s 0 1r . c même ép ineu~s à orrganiseT, car i.J y faut ,p arer a,uiX m eur-
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trissures possibles des amours-propres, sont à leur l,Qur d; · exce.Uentes cllos.es q·uand e11es n ·ont pas s.imJplement pour but - un but qui, du r~ste, n 'est pas toujours condamna,ble - l'a.pparat et la r éclame : elies peu'Y-ent être alors, dans les petites et m,oy-en.nes loaahtés, Ulil 1iein bienfaisant entre l'école, les auto;rités, la population. Si, notamment, l 'instüuteur ou l'institutrice a.p ~lle11t lems anciens élèves à y 1 articiper comme, acteuTs ou exécu lants, p si des chanL ou cies chi:eurs qui en vaillent la peine trous vent une .place dans le prog ramme,, si mème, 1aute d ·artistes, un phonographe y fait eptend11e, de simples m,ùs belles choses, si enfants eL jeunes gens y acquièren t quelque ai ance à joue~, avec agrément des scènes pla,i santes e t de bon, goùt, il n 'est pas douteux que ces p6tites so.Jennités cr éent de l• sympathie au,tour tle l'école· et la rendent a . plus attirante pour un auditoire post-scolaire. Xous ne rappellerons pa,s ici, µu,isq:u 'elles figurent au progranune d 'administration scolaire, les dispositions princ~pales de l 'arrêté du 15 décembm 1915 réorganisant les bibliothèque des écoles prnbliqiues. Cet arrêtié, s ï l est app liqué partout avec intelligence et avec ·persévérance, peut a.voir les suites les plus he.ureooes. Il n 'est ,p as exagéré d'attendre beaucoup de la lecture. dans l 'édu.cation populaire . Nou,s ne répéterons pas avec un poète tro.p optimiste que t-Oul? homme qui sait lire est un hamrrne sauvé, mais nous dirons que tout homme. qui Ji u est sauvé die la torpeur inteHectuelle, et de l 'incurie d ',esprit ; et ce n'est pas un m édiocre résultat. Tout ce que font les instituteurs et J,es ~nsLitutrices piour la prospéir~té dJes bib:liothèqu.es, tout ce qu ïh font 1 ar l'eixen1iple, • par la propagand'e pour leur p et ait irer des lecteurs ,petits et grands, est un gain précieux et f'ornw, à l'école un salutaire lend,emain. Qu 'ils ne craig nent dO'll c pas d'intér esser à cette œ uvre les am is de 1'écolie, !,es - onsei,Is municipa·uoc, les coopémtive scoc lai1,es; qu'au: be oin , et parlout où la chose se pouna (où ne se peu,t-eill e point ?) , ils ins tituent J.e « sou des bibliothèques n ohaque emprunteur versant cinq centimes par .p rêt, - qu 'ils r ecourent m ême à une quête dans -ia commune : il n 'ont là, quoi qu'ait pu nou~ en· dire un jour un m attre aux susceptibilités par trop chatouilJeuses. aucun suj et d 'htumirriation. Ce n ',e,st pas ;p:ou.r eux-mêmes alor: qu.,ils sollicitent, ce n ·est pas ,pour -leur avantage per-. ' sonn el , ce fl 'est ni pour J.eur commodité ni pour leur profit. : mais, complètement désintéressés, et cela même, fait 1 l eur honneu'r 1 lelJJ!' forcie, ils trav,a'ÏU~nt po111r 1'éoofo, eit
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c 'est-à-dire pou4· !"avantage de tous, pour une ,p arcefle du. bien public : y a-t-il là suj et d 'humiliation, 01U: de légitime fierté ? ous avons vu, dans de minuscules cou1mùmes perdues qui'on aurait pu croire encore arriérées et. ~ t indifféirentes à , n,e bihlioL u hèJque '{il'éoole, nous avons vu de semblables quêtes, bien préparées et bien amorcées, produire des sommes vraiment inattendues, qu, 1 ont permis l 'ach at d 'un premier fonds important de volumes. Encore faut-il,· on n'y saurait prêter u.ne atl>enti0n. assez éclairée, que ces volumes soient judicieuooment choisis et non propres à décevoir, c'est-à-dire à lasser bienl,Jt et à rebuter Jes 1-ecteurs. QUJ'ils soient avant tout, de gd ce, intéressants, à quelque titi-e que ce soit ; m ais qu'ils soient' tels, et qu'on se ,p laise à les lire, et qu 'on veuil1e les lire, - ce qui ne signifie pas que ce seront de seuls ouvrages. amusants ou récréatifs auxquels un esprit un :peu actif ou curieux ne puisse s'alimenter. Et qu 'il5 ne soi-ent pas trüp vieillis non plu.s et surannés : aux bibliothèques scola ires. aussi il faut d'u r enouvellement et du rajeunissem ent ; il faut que le 1-ecte,ur qui les fréquente ne s 'y sente ni dépaysé ni r ejeté dans le :passé, qu'il y retrouve, ,piarfoi 3 u contraire des pensées, des sentiments, des aspiration~ de· son temps. Peut-être quelque g;roupem ent d 'ami s de l'école pa rviendra-t-il à fondeT un .patronage, où il attiœ ra et r ecevra le dimanche les élèves et les anciens <élève.s de l 'école publique, ,pour or-ganiser à leur intention des jeux, d es ports, des lectures, des excursions, essayant ainsi d 'obtenir. :-aIon le vœu du ministre, que les élèves de nos écoles cc ne soi ent pas entièrem ent livrés à eux-m êmes en dehors des h eures d:e classe, que les anciens élèves ne .soient pas ,entièr em ent livrés à euoc-m êm es 1 ou recue illis par d 'autres) durant la périod e qui sépare l 'école du r égiment ». Dans quelle m esure et sous quelle forme instituteur et in, tilutrices ,p ouri·ont-ils et d-eVTont-ils participeir au fonctio nn em ent de oes patronages ? La qu€6tion est embarrassante, ,et nous ne nous lm.sardeimns pia,s à la r ésooidre par une· règle générale. D 'une part, on l es voit m al se désintéressant d 'une insti tution locale qui 5e propose dei consolider ou de faciliter leur tâch e et qui n 'a en vue, que, le, bien de leurs élèves et de leurs anciens élèves; d 'autl'e ,piart, on ne· peut leur demander ,pourtant de se priver de leur'- di manches pour être encore, ces jours-l'à , les gardiens et les maîtres de leur jeune public . Creer un patronage pour en la isser la charg,e ensuite à- x instituteurs·, n 'est peut-être u
�pas, chez des c< amis » d,e l'école publique, une marque de sympathie au d'intérêt telle qu 'on la souhaiterait. Le tait d 'a·i lleurs doit êLre très rare. Plutôt rares au surplus sont les palronaiges ·scolaires, et on ne peut que Le regrette.11 ; mais il faut convenir que le fonctionnement en est d~fficile, parce qu, 'il requiert d,e,s bonnes. volontés qui sont plutôt l'exoeption que la règle. . Les associations d 'anciens élèves sont plus nombreuses; il en existe un rPèu ,p artout. Rien ne servirait de s'exagérer l,ea services cru'elles rendent ; tout de même elles organisent qui des séanoe6 r écréatives, qui des soirées cinématograiphiques, qui même, dans plus d 'U1I1e ville, de.s cours de perfectionnement; ou bien encore e n.es cultivent les sports, elles pratiquent le chant choral; cru elles s'érigent en sociétés d'amis des arbTes, ou elles étendent leur protection et leurs libéralités à la cantine scolaire. Et elles prêtent à l'écoJ..e un appui au moins moral. D'institution .plus récente, les coopératives scolaires (dont un i'hspecteur primaire, M. Profit, a été le convaincant. initiateur et propagateur), soot en passe de se répandre et de marcher au uccès . Voici sommairement en quoii elles consistent. Avec le consentement exprès de leurs ,parents,, les enfants de l'école se groupent en une petite a soc.iatio,n, q 1ui a bel eb bien ses statuts, e t s 'engagent à verser chaque mois une cotisation 1}1,inime, donc acoess ibl e à tou I soit deux, trois ou quatrn sous au maximuxn. C'e~t peu, mais les petits ruisseaux font, comme. on sait, ],es grandes rivières ,et les décimes ainsi accumul és donnent au. bout d e peu de mois des sommes qui ne sont pas négligeables. D'autres ressourrces s'ajoutent à ceHes-l à : les petits coopérateurs eux-mêm es s'éprennent d 'un beau zèle pour leur ·~uVTe et tiennent à la faire prospérer. Il re- . crutent, parmi leurs parents, L eurs amis, les notabil,itJé.s de la commune, d~s membres honocaires à qui , pour ne pas les effaroucher ni e les aliéner, ils ne demandent q;u,'une coti sation peu élevée. Tls font plus encorn· : ils recueillent , par exeim.ple, des plantes médicinales et les vendent ~u b énéfice de J.eurr coopérative; ils cultivent une partie du jardin de l'école, qui leur est la·issée à ce effet, et en vendent de mêm e les produits ; ilt. n 'hésitent pas devant une coll'ecte le jour d'une fête scolaire, ils savent enfin s'ingénieT de, plus dl'une ma nière pour accroître leurs rece~te$. Ils y ajoute.nt, le cas échéant, des dons en . naturE>, d 'une espèce oui d'une autre. Toutes ces ressources sorit e<miployées au profit de, l'école. On aohètè du matocier
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soientifique, du, matérie l géographique , des produits indispensables, des gravures, etc. Il arrive même, et non sans. raison, qu 'on se procure d'abord une armoire pour y abriter et ranger cet outillage pratique . E IJ· ce sont les enfants eux-mêmes, sous la direction de l'instituteur ou de l 'institutrice, m ais non SOU6' sa dictée ni sur son ordre, qui tiennent la comptabilité, qui rédigent et expédient la correspondance, qui font les achats, qui classent les objets. Bref la coopérative est cc leur » ,~uvre, · leur bien, leur chose; le:ur orgueil aussi ; i1 n 'est pas r ar e qui'ils apportent à l'e nrichir ,e,t à la gérer une ardeur e t un soin d e néophytes. N'est-ce pas là un appr entissage antic ipé d,e certains aspects de la vie sociale ? N~us ne pou e rons pas plus avant ce tte énuméra tion et cette étude abrégée d e tout.es les œ uvres extra ou périscolaiœs que la sollicitude inventive des uns et d e a utres a peu à peu créées et qu,i , selon les circonstan ces et selon les mi:I,ieru:x,, sont bi,eri faite.<; pOiUll' fortifier ou: pou!l'su ~vrel'action de l 'école . Elles ne se fondent pas d 'elles-mêmes, elles n e fonctionnent pas toutes seul es; il faut, pour les faire naîtrn et pour les mainbenir en vie, quelqu,es initiatives convaincues qui · viennent tantôt d'amis sincÙe. de l'école e.t de partisans de l 'éducation ipo t-soolair,e, tantot et le plus souvent d es instituteurs et d es institutrices. Les uns comme les autres n 'obtiennent aucun r ésultat sans peine ni sans fatigué·, san s le sahifice d e loisi11S agréablese t opportuns, sans le renonoem ent à quelgues aises et à quelque tranquiUité. Mais quoi ! il n 'est pas de bien qui se conquière ou f>e r éalise sans peine ; et qui veub se rendre utile doit s'oublier un peu parfois e t n e ,pas songer surtout à lui-mêm e. La question est seulem ent de savoir si 1·,rn veut se rendre utile.
6. Deux circulaires mmdstérielles : 10 juillet 1895, 11 noNous avons rappelé, en commençant la ~Pconde parti e du, présent chapitre, l'effort qui fut fait de toutes parts, dans les d ernières a nnée du dix-neuviè m e siècle, en faveur du lendemain d e l 'école, qruielles initi::i, tives l 'appuyè1·ent, quels élans de, bonne volonté, et d e fo i il suscita . A oelte époq.uie parurent, P'Our soutenir e t g ui der cet élan; deux longues c.irculaires ministériell es d o nt il nons semble opportun d e donner ici des, extraits impottants : les choses n'ont pas tell-ement changé, que ces circulaires ne soient toujours d'à propos ; ce qui était vraialors l'est· 'de même aujourd'·h ui, pour dies raisons qui·
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n ·ont ,p as varié. La premii.ère die ces circulaires, en date au 10 juillet 1895, étai-t un appel adr,essé aux délégations. cantonales, caiisses des écoles et commissions scQllaires ; la seconde, venue un peu plus Lard, le l l novembre 1896, était adressée aux recteurs et se rapportait à << l 'enseignement dans les cours et conférences d 'adultes ». « ... Notre idéal, disait Ja première en ·faisant appel aux amis de l 'école, n 'est pas d 'avoir de belLes écoles dirigées par des maîLTes très instruits, s'acquittant hQlnorablement de leur !lâche professionnelle et indifférents à tout le reste. Nous soul1aitons, nou espéi.ons beauéoup plus. L'école républicaine n 'est pas un étahlissem ent isolé, vivant de -.,a vie ,propre et se confinant dans l'apprentissage consciencieux de la lecture et de l'écriture, de l 'orlhogra,p he et du calcul. C'est la première, j 'en.tends à la fois la plu humble et la plus importante des institutions sociales, celle qui prépare pour nous succé<ler de jeunes générations animées de l'esprit patriotique et républicain. C'est une sorte d 'ateli-er national où se forge la France de· demain... ' « Dès lors, rien de ce qui se fait à l'école n ·est indifférent au pays. Et c'est ce qui vous donne le d!roit avec l,e, devoir de vous ·. y intéresser très directement... Malgré les prescriptions formelles de la .loi, il y a encore prè de la moilié des cœnmunes en France quii ne possèdent pas de caisse des écoles. Ne devez-vous pas saisir l'occasion pour constituer cet auxiliaire .p récieux de l'école? L 'argent manque.? Mettez-y seulement votre cotisation et celle, si minime qu'elle soit., dei, vos voisins et de vos amis, celle· du maire, cell e de deux ou trois conseillers municipaux, le produit d 'une quête faite à la mairie à l'occasion d'un mariage, et en voilà ass-ez pour commencer ; vous demanderez au• ministère une petite subv.enLion à titre d 'encouragem ent, et elle ne vous sera pas refusée. Ainsi, peu à peu, grossira cette modeste réserve,, humble, mais uti.le bureau de bienfaisance sco,l aire. ,, .. .J 'insiste sur la Caisse des écoles, parce que c'est l'aide par excellence ,p our la fréquentation colaire. Mais il existe d 'autres instritutions auxiliaires et complémentaires de l 'école, dont la prosp~rité 'dépendra de vous, quo l'institutffilr ne peut presque jamais CToor à lui tout seul, qu'il créeTa toujours avec votre appui. Il ne suffit pas, en effet, que l'écoJe soit fréquentée le plus longtemps et le plus régulièrement possible·, il faut qu'elle s'entoure de toutes les annexes qui peuvent en rendre l'action plus ;li-
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mable et, par la m ème, plus ,efficace. Et c,e sont autant ,d",::.euvres modestes dont vous .p ouvez être l,es initiateurs : vous serez s uivis dès que vous aurez fait le premier pas. << Vous pouviez ainsi fond~r une oib• liothèqiu,e, scolaire (1) , dont les livres emipo·r tés dans la famille feront prendre au moins aux enfants et .p,eut-êtrn, par contrecoup, à beaucoup d e pare,nts, 1·habitude, et l,e, goût de la lecture. · « Vous ·pouvez fonder un petit m wsée scolaire, où se trouveront bientôt r éunis des spoc.imens des mat.iè1,es premières, des produits industri~Js et a,gricoles de la régi001 et .de la leçon die choses qui ajoutm·ont à l'ense,ignemeinit du livre le vivant exemple . « Vous pouvez fonder ... quelqu'une de ces sociétés si fogénieusem e'nt. conçues depuis quelques a nnées sous le nom de, miitoolité scolaire,, qui montrent Lout ensemble à .l'enfant l,a .p uissance de l 'épargne et oelle de l'association, ,qui lui a,ppr,ennent à la fois la prévoyance pour soi, qui est une forme de l"intérêt hien entend u , et la .prrévoyance pour autrui, qui est une. forme, d e la fraternité.. . A la campagne, vous pouvez cr éer ces petites sociétés d,' élèfves· et • • puis d'anciens élèves pour la protection des animaux utiles, pour empêcher la destruction d es oiseaux, ce fléaUJ de ·qut'llques contrées, pour d 'autres intér êts agricoles [com me font, .par exem ple, le sociétés d ·amis d,es arb re,., ] . A la ·ville, oo seron t des sociétés de gym.na. tique, de tir , de jeux physiques, des sociét és de ch ant et de mu'9ique in trume,n. ·tal e,, des associations amical,es d 'anciens élève d e presque 'l-0utes les grandes écoles urbaines. « Vous pouv,ez presqu e partout organiser de comités -de â1ime.s palronesse:s ,pour l 'école maternelle, d ·autl'es . a ·pour établir de ouvroirs, des r éunions de coulure, d 'autres pour offri r le jeudi et le dim anche aux élèves et aux anci,ennes élèves une occasion de se 1iéunir autour de quel,ques ,p ersonne.s qui se feront une joie d 'égayer leur aprè,,. midi par des jeux, des l,ectures, des promenades, des di--verti ssem ents de bon aloi. · « Vous pouvez prendre, part à ·ce grand mo uvement qui
(1) L es bibliothèau es scolaires' on t é té r éoT'!rnnisécs d epuis lors, par l'arrêt é du 15 déce mbre 1915 (v. Cours d 'adminis tra tion scolair e) ; nous en p a rlons d 'ailleurs da ns les pages qui pr écèden t . Qua n t au mu.~ée scolaire, d ont au cune école n e doit être dépourvue, 1'institutcur et les élèv es eux-mêm es en ~ont aussi nour une bonne p art les créa t eurs et les pourvoyeurs ; m a is toute aid e extra-scolaire ,est toujours la bienvenu e.
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s·accentue en faveur des patronages laïques, destinés à. offrir auoc élèves, d'abord pendant le temps de la scolarité, plus !Jard au moment de l 'a.p,prentissage, la syrrupathie et. la - rotection de personnes, amies qui sauront les guider, p les encourager dans les d€1buts de la vie et leur faire connaitre, parfois dans des m.ome,nts critiques, la douceur· d'une bonne parole. et la force d'un bon conseil. « ... De toutes parts, en France, on demande que 1ïns-lJrUJCtion ne s 'arrête pas à fa période scolaiiie obiliigatoi,r e,. qu' un grand effort soit tenté pour donner un lendemain. à l'école, que., de douze à dix-huit ans, l 'apprenti et le jeune ouvrieir n e soient pas absolument destitués de tout. secoUTs intellectuel et moral, mais reçoivent quelque part, sous des formes appropriées, encore un peu d 'enseigur-· ment, encore un peu d 'éducation. De l'école au régiment s'étend l 'â·gtel critique à franchir', celui où l 'adolescent n 'est plus soutenu par l 'école, n 'est pas encore armé pour la vi,e et sei trouve "5i souvent ex.posé aux tentatiom, 'de la rue et du caharet . .. Quel q;ue soit l'effort des pouvoirs publics, il faub bien se dire que, dans ce domaine surtout, rien de grandi ne peut se faire sans le concours ardent et libre, san lrnitiative génié:reuse d"un e foule d e volont.;1.i tie . Ce n ·,est pa un règlement ministériel, c ·est un éliln n:a,t ional qrni peut crée, d 'Thil bou,t de la France à 1'autrer on oeloo forme nouve.lle de l'éd1Ucati- répuiblioaine. « Vous ne, vous élonnerez donc ,p,as, Messî,eurs, que je m ·adre·s e à vo,1151 comme, à mes premiers collabornteurs. No us ne somme6 pas en mesure de décréter d'office b. con titution d"un vaste enseignement populaire des adultes; de créer de toutes pièces un nouveau cadre· d 'institu-t:i ons scolaires proprement dites; d 'ouvrir au budget tout un nouveau · chapitre; mai s chacun de vous peut., sur place, r éaliser un'e partie de cet immense programme. « Il suffit que vous y pen iez pour trouver une i::euvre à· faire, et à 'faire sans délai. Qu'il s'agisse de réunir les· jeune gens pour leur faire un cours suivi ur les mdt: ères q;u'ils sentent maintenant le besOlin d'étudi,e.r oo die simpl~: conférences instructives et r écréatives ; qu'il s'agisse de convier les famill es à des séance d'enseignement agri-· cole, scientifique ou industriel, à des J.ectures que vivifiero,n t des projections lumiineus86, à <les $Oiré<>s fraternelles où l'on s'efforcera de les intéresser à tout ce. qui .est' intéressant pour !"homme et pour le citoyen, ,,ous êtes err situation de dé.terminer un mouvement d'opinion, d''en-t!rainer après vous. maîtres et élèves, public et conféren -
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.cie.rs. L'inspecteur de la circonscription , les instituteurs .de la oommune et du canton seront les premiers à r épondre à votre appel. Etudie~, avec ,eux, la meil.Jeure manièr•3 d'organiser dans la commune, dans la section, dans le quia.Ttier, cet enooignemient œsenti€1llement variable et fragmentaire qui n,e vaut qJUe par l'exacte apprOlpJTi.aJtioo aux besoins des auditeurs, lesquels Ille sont ,p lus dies écoiliers. Choisissez, d'accord avec eux, ce qillli vous pa1Taîtra le miieuoc oonvenir à votre p1Ubllic. Surt-Out, n'ayez pas le ·souci d'opérer t-Ous et partoUJt pareilleme,nt : d/'ooe commune à l 'arutre, d'UIIl8 année à l'autre, les procédés peuvent vari e1T. Le cowrs d 'adUJltess, ici très élréimenta.iil:e, &era .ailleurs presque savant, presque technique . Il ne sera pas le même dan uoo commune agricole, dans une petite ville commerçante, dans un grand centr,e, industriel : ni lœ hieumes, ni les objets, ni les condlitions de 1'ense,i,gnem.ent nre saura,iffll.t se ressembler. « Ce qui importe, c'est que, partout où il y a une éco le, on sache que cette école n ·e.st .p as seulement faile pour les petits écoliers, qu'eUe 1,este ouverte à leu: s frères r .aînés ... »
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Et Ja sewnd!e circUJlaire, celle de novemhre 1896 aux recteurs, disait
cc ... L'•~uvre scolaire de la Ré.publique, si énerg iquement poursuivie depuis vingt an , grâce au concours du PaPlrement, erait gravement compromise i, à douze ou treize ans, au sortir de 1'école élémen ta ire, à l ',âge où l 'r~prit et le caractère se forment r éeJ.l.emenl et se précisent, la plupart· des enfants, obligés de fa ire 1·apprenti · age ,d''une ,p rofession , parfois même i olés d e Jeurs familles, se trouvaient en q'Uelque sorte intell ectuell ement el moralement abandonnés. Le nombre de ceux qui peuvent fréquenter l 'école primaire, su_périeure o,u le cours c.omplémentaire, est fatalement r estreint. Le cour d 'adultes, ou. ,oomme on l 'a dit justem ent, l'école prolongée apparaît - <lonc oomme le, compJ.ém ent indi pe,n.sahle de l 'école élémentaire, et les efforts de tous ce:ux qu·i s 'intéressent nu d évelopipiement de notre, enseign ement et. à l 'avenir de notr,e pays doivent tendre à l '·<Yrganiser d'lllile façon normale... .T 'ai été profondément touché d e voir avec quPI géné11eu:x empressement les fonctionnaires de ! ',enseigne.ment primaire ont r épondu à l'appel qui leur éta it adressé. Il importe que ce, mouveménl, s'accentue ·enco-re, que lc's
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cours d 'adulLes, les conférences populaire ·, les patronages scolaires se multiplient sur tous les points du pays ... cc L'en.seignement des adultes peut affecter des formes _ diverses, cours, conférences, lectures. Quant à la durée des cours, aux jours, aux heures où ils auront lieu,, il convient de laisser aux instiLuteurs et aux institutrices qui voudront bien s'en c.ha:rgei· la plus grande latitude. cc Le cou.rrs, sans exdlua:e les illettrés, d9it avant tout s'adresser à oeux qui veulenrt oompléte<r et fortifier les con. naissances élémentaires déjà acquises. Agir autrement serait sacrifier les int,é.rriêts du plus grand nombre à ceux d 'une rni'norîté qui va sans cesse décroossant. cc Les ma tières d 'enseignement peuvent être générales ou péciales. C'est ainsi qu'il serait Oipipor~un de r eprendre dans les cours d 'adultes l 'enseignemenrt moral el civique e n lui donnant un carnctèr,e plus précis et je dirai plus viril. A m esure que ! ',enflant se rnpproche de l ',âge où il d eviendra un homme et un citoyen, il est plus facile de lui faire comprendre l'importance des devoirs qui s'imlP(o, eront à lui , la gravité des droits qu 'il a].lra à exercer, de l 'initier au fonctionnement de nos instiltutions, de lui inspirer l'amoi.ll'- réfléchi du bien, de la grandeur nationale, de principes sur lesquel et fondée la République. cc De même, da ns les cours d 'histoü-e, il conviendraît d 'insister surtout, mais de .la façon la plus simple et la mieux à la portée des auditeurs, ~mr l 'histoirn contem porain e, sur to.µ,b ce qui touche directem ent à la formation et aux conditions d 'existence des sociétés modernes; en géographie, sur la géogra;pihie économique, agricole, 111dustrieJle, oolon.i.,ale de n,otre pays. Rren ne serait plus utile, par exem ple, que d 'attirer l'attention de je unes ge ns UT les débouché que nos colonies réservent à l 'activité eL à l 'initiative nationales. cc Parmi les matières générales, l 'hygièn,e,. m é1 •ite également de trOUJV·eir plaœ ; ma,i s i:l .im,porteJ que de maitre se contente de notions très simples, apiprnpriées au genre de vie. des populations de la régioù ... cc En ce qui rngarde les matières spéciales, on ne pe11t évid emment que 1'ec.ommander aux maitres de ,s'inspirer des besoins de chaque r égion ,et m ême de chaque localité. L'enseio-noo, ent doit avoir un caractèr e pratique, et profes ionne.J... n On s'en rendra comlJ)lte àl la -lecturei de ces pages, les pensées, les préoccupations, les conseils que le Ministre formulait en r895 ou 1896 ont le m ême caractère qu'alors
)!OR ILE P ROFE>'~JONNELLE.
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d'actualité et de vérité. L'1:euvre de bonne volonté à laquelle il conviait le personnel universitaire, les autorités publiques et les amis de l 'école est toujours aus,si pœssante et toujours aussi vaste,, eHe ne réclame pas moins qu'alors des concours nombreux et agis.sants. Il n 'est pas défendu d 'espérer, répétons-le en terminant, que des jours V!iendront où cette œuvrr1e d'intérêt national sera moinsabandonnée à l 'initiative privé~ et où l'Etat, la prenant résolument en charge, lui donnera une organisation bien définie. Mais à ce moment-là comme aujo'Urd'hui, c'est encore au personnel des instituteurs et des institutrices que les textes législatifs feront surtout appel, c'est à eux · que sera commis le soin d'être les maîtres de l'adolescence et de la jeunesse comme ils sont déjà ceux de !'.enfance. Qui pourrait les suppléer ou les suipiplanter dans· cette tâche d'intérêt puhlic ?
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[Ce chapitre était à l'impression {février 1926) lorsqu'.a été déposé sur l e bureau de la Chambre, par le Ministre même de l'instruction Publique, M. Daladier, un projet de loi instituant l'enseignem ent postscolaire obligatoire. Nous n 'avons pas à analyser ici ce projet, à étudier les dispositions qui règleraient le fonctionnement de la post-école, ses ressources, son programme, etc. Il nous suffira de dire qu'en tête de l'exposé des motifs, le Ministre inscrit cette parole de Condorcet: "La second e instruciion est d'autant plus n écessaire que celle de l'enfance a été r esserrée dans d es bornes plus étroites. · C'est là même un e des causes principales d e l'ignorance où les classes pauvres de la société sont aujourd'hui plongées ; elles manquent encore des moyens d 'acqu érir quelque instruction première et de la conserver. » Et, songeant aux 700.000 enfants « qui s'incorporent avant ou peu après la treizième année à l 'armée du travail », le Ministre écrit : "A tous ceu;x-Jà que qnfériorité intellectuelle ou la dureté des conditions économiques réduisent à la scolarité minima, nous donnons la post-école a utant comme ·un adoucissement iL la rigueur du sort que pour satisfaire au plus haut intérêt n a tional et humain. » - Quand ce projet viendra-t-il en discussion d evant le Parlem ent ? la r éalisation en est-elle encore lointaine ? La suite des évén ements nous l'apprendra ; mais l'idée est en l'air, le bon grain sans doute est semé].
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�CHAPITRE XI
La vie privée de l'instituteur
Éducateur, il doit prêcher d'exemple : obligations qui en résultent en ce qui concerne sa tenue, son langage, sa conduite. Pourquoi les opérations commerciales sont interdites aux instituteurs.
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2. 3. 4. 5. 6. -
L'éducateur vaut ce que vaut l'homme. L'instituteur doit travailler à sa cullure morale. La fenue du maître. Son langage. Sa conduite. L'instituteur el les opérations commerciales.
1. Lféducateur vaut ce que vaut l'homme. - « Toute vie .est une prnfession de foi et exerce une, propagande inévitable et silencieuse .. . Chaque homme rayonne sans cesse comme un corps lumineux ; il est un fanal qui attiiie sur les récifs, s'il ne guide pas au port. Chaque homme Pst prêtre, mais involontairement ; sa conduite, prédication muette, le rérvèle perpéLuellem,ent aux autres ... Le mauvais .exemple est un empoisonnement spir~tuel. >> A tout homme, à toUJte existence, on peUJt appliquer ces pa;roles d'Amiel; il n'est personne dont l 'exemple, bon ou mauvais, ne soit pour d'autres une suggestion el un entraînement à l'action bonne ou mauvaise et, en même temps, une justification et une excuse. Mais combien ce qui est vrai de chacun l 'est plus encore de quiconque a autorité suT autrui, de quiconque surtoùt est préposé au soin de conduire et de redresser autrui t On l 'a -dit, et tel est bien le sentiment commun : un instituteur, un prêtre, un magistrat, :parce qu'ils jugent et corrigent les actions humaines, paTae qu'ils maintiennent ou ramènent les
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hommes dans le droit chemin, ne peuvent ètre tels que les autres hommes. Il leur faut une dignilé de caraclèf.3 el de vie sans laquelle Ieur fonction apparaîtrait comme un 1Jeu profan~ ou dégradée, sans laquelle ils resteraient toujours, quoi qu'ils fissent, inférieurs à cette fonction rnê'me et peu qualifiés pour la remlPfü·. Bien des fois, au cours des chapitres qui précèdent. l"occasion s'est offerte à nous de dire longuement ce que doivent êLre, comane maîtres, l 'instituteur ou 1·in:;L itutnce,. de quels devoirs on peut leur dema nder d 'ètn. la ,ivante imag;e, de quelles qualités sévères et fortes, humaines et cordiales, ils doivent, à raison même de leur charge, offoir Je modèle presque infaillible à '. ..:urs élève-.; et à la population. PreSqJUe infaillibles, disons-1,ous; C.C'H' tuut d e même, si exigeant qru.·on ait ou qu'on :;'arroge le droit de les vouloir, on ne peut prétendre qu 'ils soient des sain1s ou des héros au-dessus de la commune nature el cru e leu r intraitable et austère- vertu compense le reM.chement générnl des m~urs. Qu'ils soielllt de braves gens, qu 'il s soient d 'honnêtes gens, qu'ils soient d es travailleurs cou:;cicncieux et qui fassent avec intelligence leur métier, rela doit suffire, nous avons eu l 'occasion 1 de nous en expliq1:er déjà (Chap. VI). Mais cette réserve formul ée, il 11 en est pas moins évident que dans leur classe et hors -:Je leur classe, en tant qu'éducatems et dans leur rôle J 'éducateul'S, ils ont pour premier deivoir de donner l 'exew ple de la conocioooo professionneille e,t die s'appliquer loy,alernoot à leur tlk,he. Ce n' est point assez : cette L1che - st d 'une e telle nature qru.e chez eux l 'homme ne ·e sépare fJa. <lu fonctionnaire et n 'en peut pia être éparé. Ce ne sont pas dffi.lOC personnes distinotes, étrangères l'UJI1e à l 'autre, isolées l 'une de l'autre et qui s'ignorent mutuellement sans réagiP l'une sur l'aul,re. Le, fonctionnaire, àu contraire, dans une fonction d,e oette sorte, vaut tout justem ent ce que vaut !"homme. Certes, on peut à la rigueur· concevoir qu'un citoyen quelconque, à la seule condition d'avoiT fait avec succès les éludes néoes aires et sans que sa personnalité ·ntime ou a valeur morale aient à transparaître ni à intervenir, on peut concevoir, <lisons-nou, , que cet homme soit néanmoin s en état d 'in truire les au-· tres, de leur enseign~r la l~cture ou la grammaire , le ca lcul ou la géographie. Il s'agit là d'une lâche purement' intellectuelle et ol:vjective, qui n,e demande que de la scienoe et de la m éthode, non des qualités moral e ; au point que le m{)JÎns recommandable des hommes, à con-
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dition de posséder du savoir, de 1·aptitude et quelqiue pénétration d 'esprit, pourrait y réussir tout comme un autre et, toiuJt comme un aiuœre, bien mU!ll.i.r de connaissanoes et d 'activité l ïntelligence de .ses auditeurs. Mais tout différent est l'office de l'instiit.uteur, parce q1J 'il n 'est pas commis au soin seul d 'instruire et qu'il est en même temps un édwcateur. Ni l "Etat qui l 'investit d e cet office, ni les familles lorsqu'elles lui confient lems enfants, ne voient simplement en lui rhomme qui a mission d 'enseigner les rudiments de t,outes choses et dont le rôle est é,puisé dè lorn qu 'il a bien garni le mémoires et débrouillé les esprits. L 'Œuvre qui est sienne, et que JP,s famüles comme l'Etat attendent de lui, défu.O'r de de beaucoup cet étroit programme. C'est une œ.uvre de formation morale et sociale, une œuvre d 'éducation de la volonté et de la conscieince, où le but n 'est pas seulement d'instruire et d e communiquer du savoir, m ais d 'éveillei.r et de, dîriger des sentiments, de provoqu·e·r d es émotions saines, de m ettre en œ uvre la volonté droite, de faire _ naîtr.e, de bonn<>s habitudes, d e pré<pia.rer en un mot dans cliaque enfant 1'éclosion d 'un honnête homme·. cc Il ne s 'agit plus là, disait Jules Fe,rry dans la Lettre aux institutenirs (novembre 1883) que nous avons citée au chapi tre s ur la neutralité scolaire, il ne s'agi t plus là d 'une série de vérités à démontrer, mais d ' une longue· suite d 'influences mora les à exercer sur de jeunes êtres à force d e patience, de fermeté, dei douceur, <l 'élévation dans le caractère e t de puissance persuasive. On a compté sur vous ,p our le ur apprendre à bien vivre par la m anière m êm e donit vous ivez avec eux et devant eux ... » Une tell e .e,ntreprise n 'est pas de celles où su fil.sent le, savoir, m ême étendu , et le qualités intellecLuelles, m êm e, rare~ ; il y faut autre chose, qui e~t un homme, c'est-à-dire de solides et profondes ·qua.Jilés morale . Cette action h eur-euse à exer ce,r sur les enfants ne résulte guèr e, de l'enseign em ent lui-m êm e, f-ût-il l'en eignement moral. Elle tient à d e qualités d'homme , el1e tient à une insen ible et constante influence qui enveloppe ]',âm e d e l'enfant ,et la ipénètre, e,t qui est faite d'abO'rd d' un grand et constant • xemple. L 'éducation sans l'exem e ple ne peut rien , ell e esl d 'avance condamnée à la stérilité . Nous le savons bi-en tous ; et, tous nous le savons d epuis l'enfance, caT détià nos souvenirs et nos - xpériences d 'en e fant en portent le témoignage assur é : les conseils et les exhortations, sans l'ex,emiple vivant et proJ:ie, qrui les fonde et, en attestant la vérité:, leur donne de la force , ne sont
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que paroles futiles, n ·eoccilent que le ridicule ou le mépris. l) 'autorité el de puissanœ persuasive, elles ne peuvent en avoir aucune ; elles détourneraient plutôt du bien, en soulevant l 'indignation ou le rire contre qui le prèche. Or la cont.radiction entre les paroles eit les actes, entn~ les enseignements et les mœurs, n 'échappe pas plus à l'œil malicieux et sans pitié des enfants qu 'à oelui des grandes pe,rsonnes. Et alors _elle a cette conséquence plus redoutable encore, de faire apparaître comme une plaisanterie ou. comme une duperie les actes e t 1€'6 sentimen,Ls qui out bien été prônés, mais dont se ga1tle celui-là même qui les prône. Comment y croire, comment y attacher du prix, y voir autre chose que des prétextes à homélies obligatoires et sans portée, CJ!Uand le rmi.jtJre qm les lou,e ou CJJlllÏ. les exige chez autrui les lient pour si peu dignes d'amour et de foi q;ue sa conduite ne s'en ins1piire, point ? C'est la pire semence de scepticisme, de· laisser-aller et de frivolité morale. Quelle forc1:1 convaincante, par e~emple, et quelle action persuasive peut avoir un maître qui célèbre le Uravail et l'activité utile alors quïl s'est fait une r éputation méritée d 'inwuciant et de .paresseux, ou qui exalte la dignité ùe la vie e,t la souveraineté de la raison alors que [pllus d 'une fois, cuvant son vin, il s'est donné en spectacle le dimanche, et même d'aut.re jours (ca·r il en est de· tels, très rares, mais non imaginaires, hélas !) ? Ou comment veutil qu 'on l,e craie et qu'on le suive, comment veut-il qu'on le prenne au sérieux, q;uand, sans soin ni goût dans sa mise e,t ses manières, il vante la bonne tenue et bl:1.'me le laisser-aller ? Les · punitions même qu 'il distribnera sous prétexte de manquement aux devoir qu'i l enseigne, elles ne pourront avoir aucune action r éformatrice ; mais bien plutôt elles seront jugées imméritées, puisque l 'oo estime to'u" bas qu 'il devrait comm encer :par s'infliger .à luimême les sanctions qu'il r éserv,e• aux autres. Comment espère-t-il plier et entraîner les ,enfants à l'effort mO'ral, si lui-même, incapable de cet effort, n'en offre. IJ)laS le scrupuleux exempl,e? Il est vrai qu'on serait en droit de se demander alors si vraiment il croit à1 ce qu'il ,e'Ilseigne, et s'il aµpiorte une conviction bien sincère à son œuvre d'éducateur. Que si mêm1 on va jusqu.,à supposer que ces contradice tions échapperont plus ou moins à l',enfant, on est Qlblig6 pourtant de convenir que le manque d'un exemple salutaire et fortifiant lui sera funeste. Il est dange<reux pour lui de n'avoir pas sous les yeu~ l'exemple du travail, de la
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bonne tenue, de l 'atLaohement au devoir; inconsciemment il imite qui le guide, et si le modèle à imiter n,e se , rencontre pas dans le maître, c 'est autant de perdu pour les bonnes habitudes et les heureuses dispositions. Nons l 'avons dit naguère (chap. VI) en étudiant les devoirs de l 'ins~ituteur enve-rs ses élèves : il en est un qui les précède ou qui les résume tous, et qui est de donner un exemple irréprochable, parce que c 'est sur lui, maître, que, même à leur insu et même malgré eux, les enfants se règlent. Ce n'est pas tout encore. Les familles et la population ont les yeux ouverts sm l'école, elles la voient et la jugenL; que peuvent-elles pense,r d'un instituteur dont la vie dément et d éshonorn un peu la fonction qu'il exerce, d'un instituteur qui, chargé de l 'éducation des autres, ne donne pas l 'exemple loyal e L courageux qui affirmarait la vérité de ce qu 'il enseigne ? Ne peuvent-elles redouter qu'il pervertisse et démoralise au lieu de redresser et de former ; et quelle autorité morale peut être la sienne dans un milieu où il n'a pas su conquérir le respect?
2. L'instituteur doit travailler à sa culture morale. -
On nous dira : les qualités secrètes et !pll'Ofondes de ] 'homme n 'ont qu'une importance réduiLte paur l'e:xercice de sa fonction ; nul ne peut les a,percevoir ni les soupçonner, rien ne les révèle, et quel que soit ce tréfonds inaooessible, de son âme, il ne modifie guère sa valeur de maître ni sa science d 'éducateur; l 'essentiel ,est qrue; dans tout ce qu'il laisse paraître de lui, il n'y ait qu'à louer "t ri-en à reprendre. Celte doctrine· aimable et surtout accommodante nous semb>le le contre-pied même de ·1a vérité. Assurément c'est chose de .piremière impoa·tance que nulle parole ou que nul acte extérieur ne vienne prêter à suspicion et que les dehors soient ponctuellement ceux d'un honnête homme. l\f.ais il est bien invraisemblable, et l 'expérie·n ce quotidienne en fait foi , que ces dehors soie:nt sans tache et sans reproche si le dedan qu 'il recouvrent n'a pas la même netteté ou la d!éliœte&se m01r'alie. Ils 1~ recouvrent, et iJ. ne se .pe'l1t pas qiu'i,l s ne ]te trahissent, quoi q;u•'on fasse; car ce dédoublement de la personnaliré, chez un homme que la nature même de- son travail invite et · entraîne à toute minute à se mettre tout entier dans ses paroles et dans ses actions, ne doit pas s'effectuer si aisément. On a beau chasser le naturel, il revient au galop par des détours inattendus. Qui a l'iâme sèche et le tempéram·ent autoritaire pourra bien s'appliquer à se faire
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courfois e t bienveillant : il sufüra de quelques imperceptibles inflexions de voix pour r évéler la nature qui se dbrobait et qui ne pourra pius désormais donner le change. Qui mettait tous ses soins à se donner l'air consciencieux e,t travailleur• sera vite estimé, à sa valeur véritable, que mille riens et mille menus faits dénonceront avec certitude à de r egards pers.pùcaces; qui n'a pas l'âme droile et bonne et feint la bonté ou la prévenance, n 'en pourra pas soutenir de longs mois le personnage. Et no us parlons bien ici des e nfants, des élèves : ils ne se laissent pas longteml)IS abuser. S'il arrive, en effet, que l 'admini tralion, elle, soit dupe d 'àprparences et de supercheries qu 'on sait habilem ent lui déguiser - certains y ,excellent - et qui l 'égarent du tout au tout, les élèves sont autrement instruit des réalités, c'e t-à-dire de la vérité, parce qu 'ils voient les choses sous d'autr,es. angles, avec plus de suite et par d es yeux plus assidus; ils connaissent l'envers des apparences et il n 'est roueries ou artifices qu'ils n 'aient bientôt, sans qu 'on le soupçonne, percés à jour. Ne croyons donc pas, ne cro,y ons en aucune manière que chez un instituteur l'être; puisse être tout différent ùu paraître et que puis.sent co-exister en lui deux hommes : l 'homme extérieur et apparent, celui qui fait la classe el qui enseigne les élève , l 'homme intime et vrai, qui sera ce qu'il voudra parce qu 'il se eroira bien à l 'abri dans la retraite du for intél'ieUT. Le dedans el le dehor sont unis par une sol ida rité, sing ulièrem ent plu étroite. S'imaginer qu'un instituteur pourra impunément pratiquer ,en cach ette l 'intempé.rance, ou se montrer en famille despôtique, exigeant et quinteux, ou fuir ,en son privé l 'étude ('t le travail inVell ectuol ; qu 'il pourra lai ser dépérir en lui la vie intérreure, jusqu'à n'être plus qu 'une • me inerte ~t â rabougrie, ans ,élan et ans chal eur; qu 'il pouna, seul avec lui-mêm e, ruminer des pensée,s mesquines ou ma uvai.ses, s'abandonner à toutes le ugge.stions de l 'indolence, de l'amour-propre ou d,e l'intérêt, etc., sans que rien de tout cela passe d 'un mouvement ininterrompu et sûr dans son enseignement, dans son exemple, dans sa cond'uil:e ·vi sible, ce sernit méconnaître toutes les lois de b psychologie humaine ou, plus simplement , !',expérience m ême de' ·t011s les jours. Cette osmose mentale où morale s'accomplit à noire insu , sans que nous ayoos le pouvoir de la prév,e,nir ni de l 'emipêchm-, et les résultats n 'en. échappent pas_aux yeux qui sont fixés sur nous. Tout à' fait de m êmie d'ailleurs, ce qu 'il y a de bon , de noble et de· fi er
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dans le caractère ou dans l'~me s 'incorpore par un phénom ène idenliq ua à 1·enseignement et à l 'action de tous les jours, ,pow1 iui comffiJUniq:oor vie et flamme , cœiviction et puissan ce. La conclusi on , c·est que l'éducateur doit, avant d ·ent1-e.p11:endre l "éducation des aulres, travailler à la sienne propr e et se faire l'artisan dei sa culture mornle non moins qu e d e sa cu1ture intell,ectuèlle ou professionnelle . Nous n 'ign oro• s rpas qu 'on est assez mal venu à dire ces choses. ; n on co urt le risque alor s de pa ser pour ph arisien , ou pour pédant censeur d e m~urs, sinon pour' rhéteur à gage . EL pouitan t telle e L la imple, la droite, l 'intang ible vérité : les qualités e t les ver tus, les faço ns de penser et d ·agir que l 'instituteur voudrait développer ch ez ses élève , il faul d "abord qu 'il ait travaillé à les installer dans son ,âm e et à les cultiver en lui-m ême. Nous ne lui dem andons rien du stoficien , encore moins du p mitain ou de l'ascète ; n ous nous bornons à lui dem ander d 'être au dedans ce qu'il veut paraître aUJ dehors; de, travailler , sans r aideur et sans affeotation , à banni r de son :âme lou t ce qui déprim e et rapeli sse, les s.en tim ents m esquins et bas, les entraîneme,nts au la issér-aller , à l 'improbité, à la malfaisance ; et de s 'accoo·t umer , au contraire, par la .pensée, par le sentimen t et par l'action , à cc vivre sur le sommets », où l 'air est tonique el vivifiant. En seigner et façonner l 'enfance, ce n 'est pas une pièce où 1'001 vienne faire parade de beaux sentiments et jo uer en acteur ·un 1 b eau r ôle, quitte à le d époser la classe fini e qua nd, loin d e L ous, on est rentré dan s le sec.rel de la vie privée. C'est une chose érieuse et grave, qu'il faut e m ettre d 'abord en état de rem ipŒir dignement, pour être capable en suite de pr êch er , san se m entir à' so i-m ême, la foi au devoir et la pratique du bien. « Ce n 'est pas assez, dit un de maîtres de Port-Royal. d ei donner aux en fants de bonne inst.ructions ; m ais il faut au si tâch er de leur dooner de, bons exemples. Rien n 'a lant de force sur les esprits, et particulièrem ent sur ceux des enfants, qui p rennent bien plus garde à ce qu 'ils voient faire• à leurs maitres qu 'à ce que ceux-ci peuvent leu,r dire, et qui ne peuvent concevo"ir que du m épris po ur le bi,en qu 'il · leur proposent, quand leurs actions ne sont pas conformes à leurs paro·l-es . Et, en effet, peut-on écouter un b'o mm e qui ne s 'écoute 'P'a s lui-m êrrœ ? Et a-t-~n lieu d e croire qu 'il soli.t convaincu des V €>rités q:u 'il Mche de persuader aux autres, quand il ne se m et pas en pe ine de les pratiquer ?
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u Il faut donc qu'un précepteur soit à ses enfants -oomme une glace pure, et comme, un beau mirnir, où ils puissent voir leurs taches et leurs imperfections; ou bien comme une règle qui redresse, par sa rectitude,, tout ce qui y est en eux d'inégal et de défectueux.. Il faut, d'is-je, qJU 'il leur parle bien plus par ses actions que par ses paroles et qu 'il leur montre, plutôt en agissant qu 'en ,p arlant, par quelle voie ils doivent marcher. S'il fait luimême tout oo qu 'il a desse..in d',e njoindre à ceux qui sont sous sa conduite, non seulement il corrigera leurs défaut5, mais aussi il se ga rantira de ce jus le reproche que l 'apôtre fait à ceux qui n 'en usent pas ainsi : <t Que ne vous instruisez-vous vous-mêmes, dit-il, vous qu.i vous mêlez d 'instruire les autres ? » « Or, rien ne sert tant à un maître, pour donner bon exemple, que d,e, garder une grande uniformité dans toutes ses actions : « Prescrivez-vous donc une bonne manière de vivre et proposez-vous une règle que vous voulez suivre, dit Sénèqu,e ; compassez-y toutes vos actions, car l'inégalité dans la co!Ilduite est un e marque d'un es,prit inconstant et qui n'a pas une assiette ferme (1). »
3. La tenue du maître. La tenue du maîlrn, c ·P.st beaucoup de choses à la fois ; c'est presque tout son extérieur. C'.est premièrement la mise cl la toilette ; ce sont ensuite lies allure , les manières, les attitudes, les gesles mêmes et la démarche, un peU,, sinon la plus grande part~ de t(){Ult ce que J'é,giente le oode dJui savoir-vivre. La qualité principale de cet ensemble, c'est la correction ; le ,premier défaut à repousser, c'est la vulgarité, le sansgêne, si l'on \"eu'L Si à la correction quelque distinction et quelque élégance s'ajoutent - le fait n ',est pas très rare - les choses n 'en vont que mieux e ncore et l'on n e peul, en toute raison, demander rien de plus. · La inise d''abord. Nous sera- t-il permis, parlant comme
(1) CousTEL, R ègles de l'éducation des enfants. - L e précepteur, -dit-il encor e, étant te le modèle sur lequ el les enfants se do~ven t former, il fa ut que toutes ses actions soreo t si bien r églées, ses paroles si plein es d e ci.;eonspcc tion et de prudence, et toute sa conduite si sage et si uniforme, qu e les copies puissent se r essentir de la b eauté et de la perfection de l'origina l, et qu'il se fasse en eux une h eureuse tra nsfusion de ses bonnes mœurs et d e sa ver tu ... Il faut qu'il veille beaucoup sur lui-mêm e, parce qu o les en fa nts ont des yeux de lynx pour observer jusqu 'aux moindres actions, paroles"et gestes de leur maître, pour en faire le suj et de leurs entretiens e(souven(d e leurs ra illeri es, si elles n e sont pas bien réglées ».
�-203à 1·ordinaire sans déguisement, d 'exprimer quelque regret
qu 'elle ne soit pas LolJ!Îours plus saignée? 11 n 'en coû Lerait rien, pas un sou ; et c'est une remarque qui n 'est pas vaine en un temps où l'on sait le prix des vêtem ents eit des étoffes. Il n 'en coûterait que d es coups de brosse m oins parcimonieux, une a ttention plus méticul.eiuse à éJviler ou à pourcbass.er les moindres taches 1oui, les, moindres); il n'en coû terait, en particulier chez les institutrioos, qu 'un peu .. . nous n 'oson s pas dire de docilité intelligente à la mode, mais en quelque manièr e moin d 'hostilité à composer avec elle et moins de complaisance pour 1·archaïsme vestimentaire. Il ne faut pas s 'asservir béatement à la mode, c'est entendu et tel est le langage du bon sens; il faut m oins en core en accentuer les h ardi- sses ou les fan e taisies. Mais taut aussi' bi-en ne d s>it-on pas pourtant, en cela comme en toutes choses, se· r efuser à être de son Vemps ou à peu près. Il y a un art ou, si l 'on ipa·éfère, un e façon de se chausser , de se vêtir, de se coiffer q ui n 'exclut pas le sérieux et la dignité, et qui néanmoins fait q u 'on n ·est pas d 'un autre 1 âge : or, dans ce domaine du costume et de la toilette, on se signale tout autant. par un misonéi m e apeuré que par un modernisme outrancier . « Donn ez l'exemiple de la propreté e t de la simplicité n, écrivait un jour dans l'un m ême d e nos ;journaux scolaires, une personne étrangèr e à l'en seignem ent et, de ce fait, mieux placée peuL-être pour nous parler avec indépendance et franchise, « donnez l 'exemple· de la pro:p1reté et de la simplicité. Il y a des éducateurs qui, n e soign ent pas sulffisarnment leur tenue : tel vient en clas..c:.e avec un visage m al rasé, les ong les noirs, des vêtem ent tachés ; telle autre, fatiguée, peut-êt• e tTiste, s'habillera d 'un cor sage m algrar cieux, d 'une jupe posée de g uingoi . Quell e fo~·ce auron t vos con eils si vous avez le courage de .réaliser sur vousmêm e l 'ordre et la netteté que vous r éclam ez des enfa nts ! n (2). Et ces enfants eux-m ême , les petits surtout, n e sont-ils. ipas h eureux que leur m aîtres.se ~·habiHe non de ces couleurs somhTes qu 'on ren contre trop souvent dan s les écoles - Je maître y est tout noir et 1'on n 'ose pas y rire , - mais de coule,u rs. un peu claires et gaies.. qui sont de la joie, pour leurs yeux ? Qu 'instil.u teurs, qu 'ir.stitutrices ne craigne,lt pas d 'être un peu s.oigneux: dans leur mi,s,ei, sans déborder , la ch œe
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(2) R evue de l'Enseignement primaire et primaire supérieur, 8 m ar s 1925.
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·s ·entend, les limit,es où le ur budget les e,nfermc ; car, encore rum.e fois, la coqitllmterie simplre, m-es'Ull'ée et d'e bon goût, qui est déjà cle l 'élégan ce, u 'est pas si r ii~pe ndieuse que d 'a ucuns se plaisent à le dire. Une éwffe se) aiite n 'est pas à plus haut prix q11 'une, é,tod'fe quelconqur. ; un costum€> de bonne co upe n 'est pas une ruine, quant à la propreté e t au soin des vêtem ents ou des chaussures et à leur entretien minutieux, ils c·o nstituent une 0conomie, non une dépense somptua ire . Peut-être ceux qui exercen t à la campagne, surtout dans des communes retirées, so nt-i ls tout naturellement tentés d e s 'habilleir comme on s'habille au viùlage, sans y mettre tant de faç,ons, et dans Ira crainte m êm e de passer pour fats ou vaniteux. En quoi ils n 'ont pas tort : on voit mal les modes nouvelles apparaHr,e tout à coup dans un villag isolé et y h eU'rter toutes les idées r eçues ; il y aurait dans cette audace intempérante m a tière à sédition ! Mais il ne s 'agit pas de œs extravag:mœs i.nJvraisem blables. Il s'agit, qiuoique habitant la campagne, quoique tenu à plus de simplicité et de ré,erve que dans les villes, il s'agit de ne pas descendre au laisser-aller , au sans-gêne, à trop de banalité et m êm e à la négligence d ans la mise. La « bonne petite in titutrice, de campagne», qu 'on no us vante avec raison poor es prétentions m odestes - t on dédain du luxe tapageur, n 'en est pas mo ins e bonne institutrice e l ne perd ri en de ses qualités sérieu5e pour s'habill er agréablem ent et avec un goût délicat . li y a un exemple à donner ; donnons-le. Et donnon s-le en oi.lette, que la tenue sont des élén ous disant bi en q-ue la L m ent non négligeable d 'ascendant et d 'autorité : voyez dans les m agasin , voyez dans les gares, voyez ipiartout la différ ence des égard's ou des attentio ns elon les dehors et la tenu e des per onn e à qui le ma rchand ou l'em ployé ont affaire. c·,est un peu le code complet des bi en séances ou des cc usages dU' rnonqe », toot au m oins celui dei la civilité puérile et honnête que nous aurions à pa ser en re vue, si nou vouli()IJ)s entrer dans des détails abondants à propos de la tenue de l 'instituteur ou de ! 'in stitutrice. Mieux vaut s',en I;'em ettre au bon goût et au soin :précautionneux de chacun , à la condition que chacun possède ou acquière ce goût et s'impose ce soin . Bornons-nous à signaler aux jeunes quelques traver où il arrive qu 'ils tom bent , où tombent ·d 'ailleur d 'autres, plus ,/l.gés qu 'eux et qu 'il ne faut pas cependant grand ,effort pour éviter. Donc, pas de bizarreri es ou de singularités, ni de négligen ç_es non plus,
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de toilette e t d,e misei. Pas d e vêtements fripés ou froissés, déchirés moins encore, auxquels manquie çài et là Ulil bouton, où une épingle de sûreté supplée quelquefois de longue diat:e 'Ulil cordonnet déoousui q;uiand el,Le, ne ·m asq;uie pas un accroc non réparé (veillez sévèrement à cela, mesdemoiselles les stagiaires.. . et mêm e, titulaires). Une propr eté p t oujours exemplaire, ralffinée m êm e, et nous 1 arlons non seulement des habits e t des chaussures, ma is du corps, d u ,,isage, de la chevelure, des mains, des ongles ... Pas de mains en foncées durant la classe ou par les rues au plus p,rofond: des poch eS1. De la politesse envers les élèves, m êm e petits, avec qui il ne faut :pas êtr-0 ména~r d ·un merci affectueux et distinct quand on leur prend des maius 'ln ob~et ou quand' ifa ont soit rendu, lllil. mmUJ .service, soit fa it montre de quelque obligeance. Pas de coups de règle bruyants sur les tables pour scander la lecture collective - h élas ! - ou donner un signal, ma i au contraire le plu de sil,ence et de discrétion qu e 1·on pouTra ; le silence, c 'est de l 'élégance; le tapage, c 'est de la grossièrelié. Pas d e distributio n de cahiers par un lancem ent à la volée, où lesdits cahiers voltigent :par-dessus les tables e t s'en vont à travers l 'espaoe vers leur destinataire, au petit bonheur ; est-ce ainsi qJUJ'entre gens bien élievés on .se passe les oh~ j et ? Pas d 'attitudes m algr acieuses ou négligée , où le maître s ·assied à la diable suT le, coin d'une table, comm e .pourrait le faim un orateur populaire sur le coin d 'une tabl e d'auberge, etc. Ce sont toutes ces choses, oe sont tous ces détail s qui font qu ' un m aître se tient bien ou se :tient m al, donrie ou non un bon ,exemple, s'impose ou n on pa r son extérieur et sa tenue. Ce n ',e st que façade, oui ; mais c'est justem ent là ce qui se r évèle tout d 'abord et ne œs~e jamais d 'être visihle; c 'est justeme,n t su r quoi l 'on n ous juge tout de suite, sur quoi l'on continue de nous juger pour u~e grande part. Dcxnc, soignons la façade et que no dehor donnent de nous une idée favorable. Est-il besoin d e dire que, hors de la classe, ce même soin ·de la façade s 'impose de la m ême manière, e t plutôt davantage ? Dans ses ra:rniorts avec les a:utorités, avec les fom:nles, avec la population , il serait désolant que le maître passât pour Ù.rn excent'rique, ou pour un rustaud, ou pour un individu vulgaire, qui ne sait rien des usages <l'u m onde ni des règles de la bonne éducation . Au village surtout; il est, n ée€ saire qu 'on voiei en lui un homm e bi~n élevé et qui sait se tenir, qui sait · tenir son r ang . On J.e veut autrem ent que le commun , mieux que le commun , parce qu'il
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est l 'instituteur et qu 'une autorité morale s'attache à sou: vitre et à sa fonction. On est mécontent, on est choqué que63. tenue et ses manières n'aient pas un cachet de distinction et de supériorié. On n'a plus alo:rs pour lui la même-déférence ni le même· respect, puisque rien d 'extérieur et d'apparent ne met une différence immédiate entre lui et tous les autres. Nous n e songeons pas à dire par là qu'il le faille guindé, gourmé ou prétentieux, c'est-à-dire insupportable. Nous Je voulons, correct et soigné, digne â. 'être pris en exemple ; rien de pl'us, rien de moins.
4. Son langage. - C'est un point auquel déjà nous nous sommes arrêtés un long moment (chapitre VI) lorsque, examinant les devoirs du maître envers ses élèves, nousavons insisté d 'une façon toute part.ic.ulière sur le soin qu 'il doit donner à son langage et à sa dictioo. Les qualités pour ainsi dire intellectuelles quie l 'on a droit d'elti-· ger dans le langage du maHrn, nous les avons dites alors, ainsi que les qualités matérielles de b-Onne articulation et de diction élégante et nette. Nous avons dit entre autres choses, et nous le répétons aujourd'hui , qu,e la qualité maîtresse du parler c'est la co,necticm, la correctïon dans la simplicité, mais une correction attentive, impeccable ; et c'est e,n même temps le b-On goût, la haine du langage négligé et lourdement vul,gaire qui dispense d,e; l 'effort vers le bien-dire et glisse tœ.i,t droit à la trivialité. Mais c'est hors de l'école aussi bien que dans l'école que l'instituteur doit « veiller beaucoup sur lui-même n, comme dit Coustel, et donner l 'exemple du bon langage ; oh l sans la moindre pédanterie ni. le moindre maniérisme, mais simplement parce que répandre, et populariwr la bonne, claire et b elle langue française est, même en France, un excellent moyen de « civiliser n, d'é1ever Je niveau intellectuel e t de rendre à tous le plus pratique des services: Telle est la raison pour laquelle nous voudrions qœ, d.a.n.s les 'I'ég,ions où des dia1elctes locauoc ou provinciaux sont d'usage c<mJrant, l'instituteur et l'institutrice se fissent dès le premier jour, dans leurs relations avec les gens du vi1lag,é, une règle inflexiblie de ne jamais parler patois, ·mais de toujours s'exprimer.....;)n un français irf'érprochable. Beaucoup le font, tous d evraient le faire. Les gens s'y habituient très vite, nous -disait l.' un d 'eux, ils, finissent même par en savoir gré au maître; et l'autorité, de celui-ci n'y perd rien, bfon au contraire. Ce que les instituteurs n e font pas toujours, d'au1res fonctionnaires, mieux avisés,
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le font. Nous en connaiS'SOns qrui, e:x:perts à parler ndiome local, qui est le leur, ne l'utilisent jamais pourtant, conversent en français et veulent qu 'on leur parle ou, leur répond,e en français; ils n 'en recueillent que ploo de considération et ils rendent par œ moyen service à tous, en les .contraignant peu ou prou au maniement familier de la langue nationale. Nous voudrions enco1 que Jœ instituteUJrs eussent tous re .en aversion la trivialité dans le langage, et que jamais aucune oreille ne pût les 1 irendre en faute. La tendance est p _ grande et la pente est glissante, dans oerplins milieux. rus.tiques ou encore grossiers, à céder à l 'ambiance et à parler un peu comme tout le monde, c'est-à-dire mal el grossièrement. D 'autant plus grande qu'elle correspond à cette loi du moindre effort qui nous est plus ou; moins chère à tous : il ne faut ni réaction contre soi-même, ni discernemenv, ni attention qlllelquefois laborieuse pour parler un langage quelconque, banal et rel:âohé. Mais il ne faut pas s'abandonner à cette tendance; il fuut bel et bien la maîtriser, et .p ar respect pour soi, et par respect même pour des interlocuteurs qui y cèdent., soit, mais auxquels on -doit tout de même un autre eoc,eIIlfP'le. Disons plus : précisément parce que, le milieu est inculte ou fruste, il est indispensable qu,e l'instituteur soit l'homme de bonne éducation dont la pamle se refuse toujours aux expressions malséantes et :malsonnantes, et dont l 'eocemple même, en enseiJgne d'autres. Et c'est quelques jeunes princi1 alement p que nous mettons en garde contre! le laisser-aller que nous dénonçons ic.i. Ils ont bien d'autres soucis, n'est-œ pas, que celui de la convenance du langage ou que cette obsession du bon ton à garder·? Et ipruis, quand, avec quelques amis, on fait « sa partie, » au café ou qrui'on s'ébat sur un terrain de sports, l'endroit prete-t-il, au purisme et in.ême au choix tloujours fütéraire dles expressioosi i?/ Alors on s'oublie, on ne ,p ense pas à surveifüir sa languiei ; et telle est bien l'excuse, en effet, qu'on invoqim : « Je n'y avais pas ,p ensé... , je n 'ai pas faiv attention ». Pauvres excuses, ou: piètres arguties, dont ceux-là, mêmes qui y recourent savent le juste prix. Elles n'absolvent pas une forme regrettabl10 du man~ment au devoir, devoir de maître, devoir aussi d 'homme bien élevé qu,i doit l'exemple à tOIUs. Nous parlons de la moralité du langage ; n 'y a-t-H rien de plus à en dire ? Ne voudrrait-on pas que l'instituteur, homme de raison, que l'instituitrioe,, femme de goût, n'eussent jamais s,ur les lèvres rpropos méchants, médi-
�-208sanls ou violents ? Ne voudrait-on pas que non seulement leur langage, mais la pensée même qu ïl interprète . Oll1 le sentiment qu 'il traduit, ne fosse,n t jamais malveillants, discourtois ou haineux ? Ce ne sont que de bonnes paroles, wroles de raison et de sagesse, pa,i'oles de bon sens et de bon conseil, parol,e s d'e concorde et de respect, qu ïl de. vraient faire enténdre; et cela aussi serait d'un exœ llent exemple et l,e ur vaudrait l'estime publique. Ifiâtons-nons d'ajouter q;u,ei notr~ soUJhait est r,é alisé dans de,; milliers de communes; et ni l'école ni le maître n 'y pewl.ent. Le6 bavardages et commérages, dans la bouche des instituteurs et des institutrices, sont déplaisant s ou sots et toUJjourn déplacé&; aurOIIls-nous plus d 'induligence pour ces propos inconsidérés, pour ce& confidences intempestives dont ils remplissent le& compartiments de dïemin de fe~· les jours où se tient une ,réunion pédagogique d 'une espèoe OUJ d'UJD.e autre et où i:ls voyagent en groUlflles ? La füohell!Sle, la déplorab.Je manie que de ne pouvoir se déprendre une minute des chosoo de métiier et d'en parler, n<m& allions ·dire d'en caqueter, sans relenue et sans améni_té souvent, devant toutes les oreilles plus ou moins sympathiques et discrètes qui ·ont là ! Y a-L-il donc impossibilité majeun,e, à ne pas parler pédagogie dans les cafiés, les gares ou les trains, à ne :pias y évoquer en public - et combien dauber 1 les élèves, les règlem ents, les compositions d'examen, l'inspecteu,r, les marolte administrati,·es et tout le reste ? Comme si le beau temps e t la pluie, la santé des uns et des autres, les joUJrnau:x: du joor et ... le malheur d es temps ne pouvaient fournir aux conversations et mêmeaux facéties :plaisantes ,dies gens d'esprit un aliment "u1 1frsant ! Qu'est-il besoin de se rabattre sur les affaires ou les . histoires - ou les racontars - d'e la profession, et d 'en fatiguer ou d 'en faire sourire sans charité les voisins ? Oui,. le sot, le malencontreux travers ! Ce n 'est pas crime ,. assurément, ni faute impardonnable ; mais c'est une faute de goüt et souvent de bon s~ns. Et quand il advient que, parmi œs voisins inaperçus ou tenus pour qUJa.ntité négligeable, se trouve à point nommé, ip.ar un caprice du hasard, l'inspecteur primaire lui-même ou l'inspecteµr d 'ac1:1:d ém ,i,e nouveaUJ-venu quii s'entend accommodeir de toutes. pièces pa~• des babillards (ou: b.abiHardies) qui le connaissent à peine - cette histoire n'est lpja.S un conte - et qiui tout à coup, se mêl,e, à Jta conversatioo · pour décliner ses nomi et, qu.allité, de qiue_l' côté sont les rieurrs et de quel côté le,s parleurs interloqués ? Ou bien encore - aut·re his-
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toire authentique - c ·e t une jeune tagiaire qui , en ple in, march é et d 'une voix à laqu elle on souhaiterait plus de gr,âce et de fin esse, raconte à son ancienne institutrice qu 'elle a « ;passé son pédago » (sic) et que la voilà dé-..<-0r-· m ais bien tranquille. Ah ! que parfois le sil ence ,est d-·or, et qu,e. le bavardage. inéfléchi ou vulgaire peut inspirer une 6âch euse idée de nou- à qui nous entoure et nous entend ! Aussi bien , la langrne n 'est-elle pas la meille ure et la pire des cho es ? D 'une voix sans grâce et sans fin es e, venons-nous de dire. Eh bien ! nous, souihaiterion que le souci du bon ex,emple à donner s 'étendit à la voix elle-même, à la voix qui m érite bi en qu 'on la juge comme Esope jugeait b. langue. Chacun sur ce point a été rplus ou moins favorn.blem en t douié par dame Nature ; encore est-il possible de rectifier ou dl'am éliorer, ~ans de certaines proportions. ce d'on de na ture, ·et ch acun peut s'y emipJo,yer. Il est déplaisant· d 'en tend,rie, en classe, interpeller d 'une voix ma lagr éable ou rude le petit élève à qui le maître n e s'adresseainsi d 'ailleurs, on ne le supposerait pas, que pour l'interr og,er et non le g ronder. Il est déplaisant, hors de la classe, d 'avoir à constater quie l 'institutew n 'a qu•'une voix inculte et brute, qui, matériellement sonne mial aux oreilles. Cela n'arrive f!U ère, par bonheur ; c'est encore, trop que· cela se. r encontre de loin en loin. Il v a dans ce défaut une marquie d,'infériorité dont on aimera it à savoir noo ma îtres exempts.
5. L'a conduite. - Voilà un sujret qUli 1 p,rêterait à, des développemient.s interminables. Nous nou s restreindrons, ponr cette rai'Sôn entre bien d 'autres que le personnel des instituteuTs, dans ! 'ensemble, connaît bien là-dessus son devoir, qu'il ne faut d;'aillems qu 'un ,p eu de bon sens pour comprendre e t se pr escrire. n y a des écarts, il y a des fautes commises ; peut-on espérer une perfection si générale et si grande qu'il en, soit a1Utrement.? Mais .ce nous est un motif de plus rp.o ur insister auprès des a ébutants <;ur quelq:ues points spéciaux ~b leur s ignaler . de quelles défailla nces il faut se préserver avec le plus de soin. T otre plus vif ouhait, c'est d 'aboTd qu 'il y ait una nim ité ch ez les familles pour procl amer que l'instituteuir ou l'insl·itutrice c se conduit bien » et qu 'on n 'a sur ce point , aucun reproch e. à lui fa ire. Se .bien condlt.Iire, œ la dit en trois mots beaucourp de chose que nous entendons tons ~ans de plus amples explication : une sobriété pia·rfaite,
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pas le moindre dérèglement dans les mœurs, une propreté de vie morale, si l'on ose dire, qui défie le SOUJPÇOn même, tout ce qui enfin permet à la population de pe11&er el de dire que l 'instituteu:r: est u un homme très estimable » ou « un digne homme ». Et oette rectitude dans la conduite, il la faut jusque dans les petites actions de tou les jours et dans les détails mêmes de la vie : rien d'incorrect, rien de doutelllX, rien d'inconvenant ne doit être reproché ou imputé à l'instituteur. Il importe que 1es jeunes, débutantes comme débutants, en soient bien persuadés, en soient profondément pe1 uadés _ qUJ'ils ne s'exposent pas, el par des légèretés qu'ils se figurent innocentes ou qu'ils croient inaperçues, â être acOUJSés dJe se cond/uiire mal et de donner un exemple pernicieux. Qu'ils ne frayent pas avec n'impoTte qui; il y a des compagnies suspectes ;,u malsaines dans lesquelles U1I1 instiuteur et une institutrice ne doivent pas se commettre et quri ne peuvent que les rléconsidérer. Qu'ils surveillent de même leurs divertissements et leurs plarisirs; parce qu'instituteurs, il ne leur est pas loisible de n'y apporter aucun choix et de prendre ce plaisir où ils le rencontrent. Certes, nous n'avons aucunement dessein de mettre en interdi~ le dancing ou le cinéma, par exemple, s'ils y trouvent agrément; mais qu'ils sachent choisir, et qu'ils aient le bon goût de hien choisi·P; qu'on ne les voie pas n'importe où, en com.pagnie de n'importe qui, pour n'importe quelles distractions; et que nul écart de tenue, de manières ou de langage ne les désigne à l'attention ou à la critique. Nos jeunes étourdis ne se disent pas toujours assez ces ohoses et ne savent pas toujours, par malheur, s'imposer les réserves ou: les interdictions nécessaires; c'est pourquoi nous leur ra~lons qu'il en est, et de sévères. Qmi.nd', sur les quais d'une petite gare et sans la discrétion qu·e Ie hon sens seul commanderait. un jeune instituteur et sa comèlgue stagiaire . alffichent un fl.irt dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'à ce moment et en ce lieŒ ll est fort déplacé, et qu 'i1s donnent ainsi matière àJ des commentaires f-ort'·désobTigeants et pour eux et pour les instituteurs en général, croit-on qu'·ils agissent en personnes sérieuses qu,i savent se tenir ,e t se coind'ui·re, cruri ont le reS!piect d'eux-mêmes et de. leür profession ? Est-ce un tel exemplie qu'on attena 'd'eux, oŒ s'ils ont ,p erdu !'~prit pdurr s'OUJb1i~ d~ la sorie? Hcmune €i.Stimahle, l'i.nstiturteur passera du même coup pour honnête homme, et telle est bien ipour lui notre ambition. Tout c.e qui va à l'encontl'e de la droiture et de la
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probité un peu rigides : les faux-fuiyants, les allure.s louches, les indélicatesses, !"appétit déréglé de l'argent, il 'Hl *1ut pas qu 'on puisse lui reprncher rien de 1piareil. Il faut · qu·on puisse compter sur lui. Il faut qu 'il soit l'hommejuste el droit, dont la forme conscience est à l'abTi de la critique et du soupçon même. Il faut qu'enfants et familles aient pour lui cette estime et ce respect qwi ne se IP6Uvent ,refuser à la supériorité morale. « C.e. sera dans l 'hisloire un honneur particulier pour notre oorps enseignant, écrivait Jules Ferry dans sa Lettre aux instifuteurs, d'avoir mérit6 d 'inspirer aux Chambres françaises cette opinion qu 'il y a dans chaque instituteur, dans chaguc institutrice, un auxiliaire du progrès moral et social, une personne dont ! 'influence ne peut manquer, en quelque sorte, 4 'élever autour· d 'elle le niveau général des rru:euTS. » Mais cette influence, ce ne sont pas les préceptes ou les exhortations qui la créent : c 'est l'action même, c.'e t la conduite et c'est la vie; c'est la vie laborieuse et probe, droite et drigne, que chacun peut donc imiter, où chacun trouve un exemple sain et fortifianl. Ious parlions tout à l'heure dancing et div.ertissements; une question toute vo,i sine mérite examen : L 'instituteur peut-il i!réquenter le café ? ne dist'inc.tion s'impose, semble-t-il. Qu'à la ville, le dimanche par exemple., les instituteurs aillent comme tant d'autres· faire au café leur partie de bTidge, de billard ou d'échecs, no1Us, n'y voyons certes ,rien à louer, mais rien à bMmer non plu et nul n'y pounait trouver rien à redire. ou supposons, comme il convient, qu'ils ne hantent que des cafés respectables où , même dans la plaisanterie, leUTs allures et leurs paroles restent mesuré.es et correctes. Mais on sernit fondé à s'étonner et à s'inquié'.er si cette r écréatioo hebdomadaire se transformait en récréation quotidienne· ~t pour d 'interminables heU'res : il semble bien que la place de l'instituteur ne soit pas là, même si, mal,g;ro les alffi'rmations tant répétées que. la tlâche est absorbante et accaparante, d''aussi abondants loisirs lui demeurent qu'il ne sait comment occuper. JI nous semble même. préférable que l 'inslituteur n 'aille :jamais ou presque jamais au café ; l 'atmosphère qu'on y r.espire - nous tpi8rlons au: propre et au figuré -n'est pas tellement tonique l En tout cas, nous serions très alffirmatif quand il s'agit du village : non, ce.nt fois non, V'instituteuir ne doit jama,îs aller à l'auher~e, sauf exception rarissime et tout à fait insolite. Ce n'est pas d'un bon exemple, chez lui surtout qui, ayant à donDi8r un e.nsei-
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gnement anti-alcoolique, lui infligerait par là un éLrange démenti. Il ne peut quie s 'y trouve,.r entraîné à une familiarité frelatée ou de mauvais goùt, qui ne manq1Ue pas de lui être nuisible ; le cabaret ·p ermet ou appelle presque nécessairement un laisser-aller dont l 'insLituteur doit s,e ga-rd er avec s&vérité. 1 ous ne le, voyons pas du tout s'asseyant avec tout le monde et comme tout le monde sur une banquette d 'estaminet, parmi les fum é.es de tabac et les odeurs de bière ou de vin, pou1· acc.epter ou püflll' offrir « une tournée ». Il faudrait, au contraire, que tout le monde si1t bien que jama is, au grand jamais, il ne va au café e t que c'est oublier un peu le œsp~t dont il doiL être e ntouré que de le solliciter d 'y entrer. Tout cela, on le devine bien, sans qu 'il cessât l,e moin s du monde d'être un homm e .obligeant et bvn , et parfaitement sociable, qui sait refuser avec amabilité, mais avec formeté, une invitation de ce genre. Il y a ainsi des habitudes et des usages dont chacun -saura qu 'il ne les suit :pas, pa,rce qu'ils ne conviennent, p~s à sa fonction et qu 'il doit un tout autre exemple. Nous ne voudrions même pas qu 'il passât pour « grand fumeur l>. Non point crue nous lu.i interdisiops l 'usage du tabac ; qûi n e fume pas aujourd'hui ? Mais il est fâcheux qu'il soit réputé fum eur incorrigible, lui qui cherche à conriger le.s mauvaises habitudes et enseigne les bonnes. S'il ne sait -pas s'affranchir d 'un tel esclavage, si la seconde nature est ,devenue chez lui aussi tyrannique, comment 1 pourra-t-il :aider les autres à se 1ibérer dè tyrannies semblables ?
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6. L'instituteur et les opératfons commerciales. - Au demeurant, toutes les règl es et tous les conseils que nous répétons a.u cours de ce chapilre n 'ont qu'un but : prévenir <les défaillances ou des manquements dont l'in tituteur aurait à souffrir tout à la fois comme homme et comme maître et dont son œ uvre éducatrice serait à son tour diminuée. Un mot vient comme de lui-même à l 'esprit, qu 'on h ésite pourtant à • crire tant il a fini par s'affaiblir é ·à l'usage, mais qui dit bien ce qu'il s'agit d'exprimer : l 'instituteur doit se garder de toute action et de toute parnle qui porterait atteinte à sa dignité. Et cette dignité, oe n'est à aucun degré fü.tuité ou orgueil ; c'est le simiple. mais sltric t rnspect de soi et d e sa fonction , c'est le sentiment sincère des devoirs que cette fonction impose eJ; qu'il n'est· pas permis de transgresser sans en être le se.rviteur înfidèl,e et coU1pablei. Et sauvegardant sa dignité, il saq,1 egarde du même coup son indépend.anoe ; parce qu'il
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échappe a u· r eproche et paTCie qu ïl se garde de compromissions enlisantes, il n 'est le serviteur de p er sonne ,et personne n ·a .prise sur lui. Dignité et indlépenda nce : c 'est aussi par souci de 1·une ,et de l'autre que la loi interdit u a,ux instituteurs et institutrices publics de tout ordre lés professions commerciales et industriell e » (art. 25 de la Loi organique du 3o octobre 1886) . u Il n e pourraien t », dit une circulaire de 1897, rappelant e:x:prre sém ent cette interdiction - qui ·s"étend d 'aiUeurs à bien d 'autres fonctionna ires - « que perdre une partie de leur a utorité dans cette confusion ùe leurs fon ctio ns avec les affaires commerciales; ils s'expo·seraient à être accusés de subordonner leurs devoirs professionnels à des préoccupations personnelles, et à être ·suspectés d 'employer l 'autm ité qui leur est déMguée à favoriser des intér êts pa1ticuliers ,et à créer au commerce une concurrence facile » . On se représente mal un institute.ur qui soi,t en m'ême tem'J)s, en dleihors des hooirss de olas.se, m:archand d e grains ou agent d'assUTances, épicier ·ou représentant de comlmerce. On delvine bien qU1'alors la classe serait pour lui une besogne marginale, la besogne ·d 'appoint, et qu:e lia préocoupation de son cornmeroe ou de -son industrie, le souci des affai.res et des b énéfices ne lui laisS€fl'aient ni le temps, ni la tranquillité d'esprit, ni le désir m êm e de s'occuper activem ent de son travail scolaire : j} am ai,t à m ener à bonne fin bien d 'autres M.ch es, d'ans lesquelles son intérêt serait plus directem ent engagé. Or, n ous n e oroyons pas nous tromper en professant que la fonction d'éducateur exige un certain détachement. Il ne n ous semble pas qu 'on puisse l 'exercer ,en toute conscience -et avec foi sans qu:elque désintéressem ent du gain et du pirofit . Non pas, entendons-le bien , que ndus ne r éclamion pas pour les institu te,u rs le droit de s'inquiéter d e leurs traitem ents et de vouloi.r une existence ma têsrielle assurée et digne. Mais cela diL, on les imagine mal absorb és par les affaires ,et peuplant leur :âme ou leur esprit de sou cis d 'affaires, · de maniement d 'affaires : un homme ainsi absorbé ou tourmenté sei-ait ma lhahile ensuite et m al venu à donner certaines leçons. Secondem ent, on ne peut g uère supposeT qu ' un tel m aî tre, m ême à la dérobée, m ême par manœ uVTes insinuantes ou insidieuses, n e s·autocise pas de son titre et de son asc.endant poUJr r ecruter la clientèle,, et que dans cc ,dessein il ne fasse ,pas pression sur les enfant ou sur les p arents. · Ni que l'homme d 'affaire ou le commerçant, en
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lui, puisse se séparer de l'éducateur au point qu.ïl observera· dans sa, classe l'impartiale justice et n 'ama nulles préfélrences pour les enfants de ses clients les 'Pllu préci'eu:ic:. Ou bien, pour « étendre ses affaires », comme on dit, ou pour les restaurer si elles périclitent, devra-t-i'l se faire, solliciteur, raccoler la clientèle comme, d 'autres, pour gagner leur vie, courent Je cachet ? A quelles démarches serait-il alors réduit ou contraint qu• ne se concilient pas avec sa i dignité de maître et sa sérénité d'éducateur ? AusS'.i bien, nous nous en voudrions d 'insister et de rlémonbrer l'évidence. Il ·tomoo sous le sens qu 'on ne peut être à la fois instituteur, au service de la collectivité, e.t commerçant et indùstriel, pour son propre compte, sans qu'une des deux professions pâtisse des exigences de l'autre; et c'est probablement toujours celle d'instituteur qui passerait au second [·ang. Le mal alors serait grave : elle n'est pas de ces professions qu'on puisse exercer n'im• .orte comment el par à peu près, en simple mercenaire, p sans y mettre toute son activité et son :âme. C'.est bien ce qu'a voulu le législateur quand il a érocté la di position que l 'on sait (1). Un mot encore, au su(iet des coopérauives. C'est un point sur lequel se sont produits quelques conflits, un point aussi SUir lequel la jurisprudence hésite et qui a donné- lieu à dies décisions QIU à des instructions ministél'.ielles un peu contradictoires. Fréquf!mment le mouvement coo,pératif a trouvé dans les instituteurs des partisans convaincus ; plus d'un, s'e..<,t employé à la fondation d'une cooipérative, en a même accepté la gérance bénévole. Pour Tester dans la vérité, ne négligeons pas de dire qu'il y eut là, pilus d 'une fois, matière à l 'animosité de commerçants. Mais est-il légal qu 'un instituteur administre ou gère, même gratuitement, un e coopérative? Comment, en l 'espèce, interpréter la loi ? L'administration centrale a langtemps répondu non et, en pareil cas, mis le ma11:Jre en demeure d)'opoor entre sa fonction enseignante et sa fonction commerciale. Mais il semble bien qu'il n'en soit plus de même, car, au cours de l'année 1925, le Ministre, revenant sur une interdiction antérieure, a admis que les maîtres appOII'tent Leur concours aUiX coopératives, à une doohle con\
(1) La loi ne défend pas aux instituteurs de donner des leçons particulières, de se liVTer moyennant rétribution à de menues opérations d'arpentage, de vendre des fournitures scola ires à leurs élèves, etc.
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dition : r ils ne recevront pas de rétribution ; 2° la coopérative qu 'ils gèrent ou administrent n 'aura pas d 'autres clients que ses adhérents, ou, si elle est ouverte au public, elle consacrera à: des œ uvtres sociales les bénéfices qu'elle réalise.
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On nous dit qu ïl se rencontr.e parfois de jeunes maîtres
qu;i, prenant à leurs yeux mêmes figure de novateuTS ou d 'esprits forts, semblent vouloir laisser à de pilus timorés
qu 'eux tous ces scrupules professionnels et tous ces soucis du bien-faire que nous venons d'étudier à travers ce chapitre et qui leur paraissent le legs périmé d 'un autre lâge. Tant d 'entraves à l'expansion naturelle de four cc libeiri, », la nécessité d e se soume ttre à des renoncements ou à des r éserves qui requièTent un effort contre soi, leur paraissent d\intoLérables ~ênes qiue surpporte ;imrpatiemment un homme de progrès, aux idées ha•rdies·... Les temps ne sont guère, sans doute,· à l 'effort moral, à la discipline· peTsonnelle, à la contrainte sùr soi-même, ; e t sous couleur de liberté et de dro its, on e t enclin plutôt à ne pas se limiter, à ne pas s'asservir à tant d 'obligations restTictives qui devienne nt vite un encombrant fardeau. Prenon -en notre parti paurtant, et cc ceignons nC>s reins », comme disaient les sages antiques, pour l 'effort nécessaire. Car de ,:e meLtre en créance qu 'on peut être instituteur sans une ' fière tenu e morale et sans de belles qualités de cooscience, c'est s'abl)ser comme à plaisir ; à moins qu 'on n'a·pipelle -êtTe instituteur le fait de se tenir ix he ures par jour au milieu d 'enfant qu 'on n'aime guère, poiur une t1'che qu 'on aime .peu, qu'on ne compr.end pas, .qu'on fait sans joie et sans conviction, et dans laquelle on ne voit rien de 'Plus qu'un fa tidieux gagne-pain pareil à tout autre. Ce n'est tout de même pa · cela qu.'avaient voulu , qu'avaient rêvé les fondateun, de !',enseignement laiique, et ce n'e.10t pas cela quie la diémocvatie al.te'Il,d de nous . Ne nQIUS y méprenons pas : si nous ne savions pas, nous, les instituteurs, êLr-e ce q.uïl faut que nous SOl)'Ons et que l'opinion publique dema nde que nous soyons, elle se r etirnrait dP. nous sans merci et nous tomberions dans un discrédit dont aucune m esure lé,gislative, dont aucune tutelle officielle n 'aurait le pouvoir de nous relever. Ne prétendons pas à être d es hommes de qualit.é éminente, ne prétendons pas à être de prétentieux professeurs d e vertu ; mais sachons bi.en , de toute la claire vision de nos esprits et de toute la convic tion fervente de nos 11\mes, acbons nous dire e t
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nous redire que nous avons à faire avant tout notre devoir d 'instituteurr et d 'honnête homme, que hors de là Lout est dérèglement de l ·esprit, égarement irrémissible dans l ·action . L 'opinion publique n ·a rien rabattu de ses exigences légitimes envers nous et n 'est pas près d 'y consentir; les familles qui nous envoient leurs enfants e~ nous font confiance veulent, et veulent de plus en plus, que ces enfa nts reçoivent à l'école Lous les soins qui leur sont du~, et que les maitres soient qualifiés par 1,euir valeur professionnelle et par leur vale ur morale pour bien remplir la fonction qu'ils ont sollicitée de l'Etat. Et nous-mêmes, en tant que particuliers el pères de famille, nous avons des exigences toutes pareilles pour les maîtres, à quelque degré d ·enseign ement qu'il appartiennent, à qui nous confions nos proprns enfants. C'est dirn q,ue, dans les joors à venir autant que ,par le passé et ·p lus même encore que dans J.e passé, le corps des instituteurs trouvera auprès de l'opinion, souveraine maitresse· et souverain juge, le crédit seul dont il sera par eHe jugé digne et qu 'il ·aura m érité par la valeur personnelle de chacun de ses membres, entendons paT ces mots tout à Ir fois leUrr valeur de m.aîtr.eJS e t l€1UJI' valeur a d 'hommes, insépa.rahlement.
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�CHAPITRE XII
L'instituteur et la vie publique
Peut-il y avoir désaccord entre l'enseignement qu'il donne à l'école et les opinions qu'il exprime hors de l'école ? Pourquoi les fonctions administratives sont interdites aux instituteurs.
L 'éducateul', l ' homme, le citoyen. L ' insliluteul' doit faire de la politique. L'insliluteul' el la politique active. 4. E x i genees plus strictes qu' on a pouf' lui. 5. - La politique el l' inlé!'êl de l 'école. 6. - L es familles et leu!'s pl'éoccupalions. 7. D ésacco!'d possible ent!'e l' enseignem ent el les opin i ons du ma îll'e. 8 . - L ' instituteu/' el son amvl'e de conco!'de sociale. 9. L ' insliluleu!' el les fon ctions administ!'alives. 10 . - Conclusion : comment tra vaille!' pou!' ' l ' avenil'?
l.
2. 3.
1. D'éducateur, l'holmne, le citoyen. - Nos leçons, jusqu' à présent, ont eu pœsq,u e touj01Urs pour oh-jet la vie p roÜ~". ionnelle de l'instituteur ; elles n 'ont par conséquent vu en lui que le maîh·e, l'éducateur . Nous venons toutefois, r .au ch apitre p,récédent, d 'étudier 1plus particulièrnment l"homm e et sa vie privée ; nous allons à présent le consi_<lérer sous un point de vue un peu nouveau, c 'est à savoir en tant que citoye,n et membre du corps , olitique. Nous p noterons tout de suite, d 'ailJ.eurs, et ce ne sera pai; la première foi s, qu 'entre ~es aspects divers de sa personnalité il n 'y a pas, rl n e peiut pas y avoir dans la r&lité les sélparations n ettes que, pour la comm-0dité de l'étuae, nous somm<>. obligés d 'y établir. Tant et si bien_qu 'en des chapitres p récéd ents, ur la neutralité scolaire, par exemple,, ()ITh sur
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les devoirs de l'EtaL éducateur, il nous a fallu côtoyer déjà et même amorcer par endroits les développements où nous allons nous engager aujourd 'hui. C'est que l '&lucateur est solidaire de l'homme; ou, plus ,exactement, il en est inséparable : l'éducatell!l' vaut ce que vaut l'homme. La valeur inLellectuelle et la val,e ur morale de celui-ci déterminent pour la plus grande part la valeur profession- · neHe du maitre, sans pouvoir en être isolées. Pelllt-être serons-nous tout à l 'heuire amené de la même manière à constater, si nous ne le pressentons déjà, que le citoyen Pt l'éducatem ne, sont pas non plus des entités indépendantes, soustraites l'une à l'autre et suscepilibles, dans la pratique, de s 'ignorer mutuellement. Electeur et citoyen au même titre que toot autre, l'instituteur, comme toot autre, a ses préférences et ses opinions personneUes, prend sa part de la vie publique, lit les journaux, discute à l'occasion les événements politiques du jour, appartient à tel ou Lel parti, s'inscrit à telle ligu·e ou à tel groupement, fâit en un mot acte de citoyen dans les mêmes conditions et sorus les mêmes garanties que n 'importe lequel de ses compatriotes. Et cela est nécessai1re ; il serait inconcevable que, chargé de préparer les jeunes générations à la vie civique, il se tînt 'lui-même oo, fût tenu à l'écart de la vie politique du pay:1. 2. ll'instituteur doit faire de la politique. - N'hésitons pias devant la vérité et disons-la sans détours : l'instiluteur doit faire de la politique. Et quand nous disons l'instituteur, nous entendons par là également l'institutrice. Il est pénible d 'avoir à constater parfois chez des femmes instruites, qui ont à donner un enseignement civique, qui ont tout au moins à imprégner d'un cert~in es.prit leur enseignement tout entier, il est pénible d 'avoir à constater chez elles l'ignorance à peu près totale des événements politiques actuels. C'est toute une province du savoir et rl.e la pensée qui leur est déroM.e, c',est , un aspec.t pourtant vaste de la vie co,llective où leur regard ne s·arrête pas. Et cependant les grands intérêts nationaux sol).t les leurs· aussi , tout comme aux hommes; ils sont les intérêts de tous sans distinction. Comment songer à ces choses sans évoquer une -parole profonde d 'Edgar Quinet : « Eleve, r des hommes, c'est beaucoup, sans doute; ce n 'est rien, si vous n'élevez des femmes. Les hommes feront des lois, les femmes seules feront les m~urs ... Elles portent sur leu:r giron non pas seulement les enfants, mais les œuples. >~
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(La République.) Demandons aux institutrices non cerles-
de se faire << politiciennes » et de se jeter dans la mêlée un :peu trouble des partis - elles ont mieux à faire à la fois comme éducatrices et comme mères, - mais de ne pas :rester étrangères à la vie politique de leur pays et tout au moins de la connaitre autant que le premier venu de leurs concitoyens, même électeur. Donc, disons-nous, l'instituteur doit faire de la politique ; ,et en revendiquanL pour les institutrices le même devoir, nous laissons entendre assez ce que signifient pour nous ces mots : faire de la politique. C'est, pour commencer, ne pas vivre en marge de son époque, mais avoir quelque claire notion des grands intérêts publics du moment ; c'est connaitre par conséquent les questions - il en c~t de redoutables, presque d'insolubles - qui se débattent au Parlement, dans la presse, dans l 'opinion piublique e,t constituent une des plus ,puissantes formes d'activité de la vie nationale. ous ne disons pas : c'est avoir toute prête, en poche ou dans l'es·pTit, la solution de ces qu·e tions; les homme de gouvernement eux-mêmes ou les techniciens sont .p arfois fort hésitants devant les problèmes à résoudre, et, si oompétent que se juge à priori n'import.e quel Franç,ais dans les choses de la politique, force nous est de convenir qu'on ne résout. pas ces problèmes avec l'aisance simpliste et la logique abstraite qui sont le triomphé des ignorants. Mais ces questions même ardues 0u insolubles, il faut en avoir une connaissance su,ffisante pour être en état de les comprendre en bloc, d'en apercevoir l'étendue et les difücultés, de les examiner avec quelque impartialité et non d;1 regard seul, plus ou moins rétréci ou faussé, soit d 'un partisan, soit d 'un adversaire également fanatiques. Enes ne sont pas d''aiHeur spécifiquement politiques, étiroil·em ent politiques, si l'on veut, c'est-à-dire d'ordre gouvernemental. Elles touchent à tont , .elles embrassent toutes les formes de la :vie publique· du pays; el qu ïl s'agisse de justice sociale, d 'hygiène socialf., de mouvement social, pour nous servir de vocables aujourd'hui fam ili,e rs; qu'il s'agis e de démographie, de lois fiscales, de mis-e en valeur des colonies, de rapports avec les autres Etats du .globe, etc., c'est toujours de la pülitiqu(\ puisque aussi bien il s'agit toujours d'intérêt,s généraux à la solution desquels chacun et tous, solidairement,, sont intéressés. Tout cela, qui est « ·la chose publique 'l>, il faut qu:e chacun s'appliq:ulel à le oonnaîtJ1e, à y voir clair : c'est -un devoir ,élémentaire pour le, citoyen d'une démocratie.
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La chose1 iPublique est perdue, observait Monte~quieu, quand chacun dit en en parlant : Que m'importe ? E_lle n 'est plus alors que la chose de quelques horrunes ou même d 'un seul homme, et l'histoire enseigne oe qu'elle devient une .fois remise à leur pouvoir discrétionnaire. Elle irnl)O(lte à tous, qu'ils le veuillent d 'ailleurs ou non et quoi qu'ils en puissent penser. Et ,plus les citoyens sont a,ttentifs à la comprendre e~ se mettent en état de créer, selon la sagesse et le droit, de larges courants d"opinion, mieux la chose publique est conduite par les hommes qui sont au gouvernail. L'instituteur est un de ces citoyens; il est parmi ceux grue leur savoir et leur habitudes d 'esprit autorisent à juger avec quelque lucidité les événements, les hommes, les doctrines; à ce premier Litre, fa irt de la politique est un clevoi1r pour lui comme pour Lous. n y a µ].'US. Non seiuJement il ne doit pas s'abstraire de son temps, mais il doit r é'pandre dans tout son en eignement un esprit, qui en fait prop,r,ement la vertu éducative. Es,prit non de secte ou dJ'église, de ·p arti ou de groupe, qui rapetisse et qui déforme, mai esprit largement humain et libéral, qui étend le regardJ et élève la pensée. Or comment imprégner d'un tel esprit l 'enseignem ent élémentaire lui-même, sans que des idées sous-jacentes el par conséquent inexp1rimées l'ins,pirent et l 'alimentent r Quelles seront ces idées, comment pourront-elles mettre l'enfant dans l 'air de la viei ,présente et le préparer à son temps, si ce n'est pas la vie contemporaine elle-m ême qui les fournit et qui les renouvelle ? Si, comme nous l 'avons fait tant de fois au cours de tous les chapitres de ce livre, tantôt l,e confessant et tantôt le déguisant, si l'on nous peirrnettait, di sons-nous, d 'érnquer encore un souvenir, ce serait pour rappeler un petit fa it déjà bien loi·ntain , q;ui eut pour Lhéàtre un école de g rands jeunes gens ,en passe de devenir instituteurs. Ce jour- là, plusieurs fonctionnaires de marque la visitaient, entre autres le Préfet du départem ent et un Inspecte ur généruT dont le nom r este cher à l 'école puibliqiue française. Et. parlant en homme de gouverneme nt , en sage et prudent administrateur, le Préfet donnait à l'auditoire ces conseils avisés : « Surtout, ne faites pas d,e politique; ne vou;- mêlez pas aux querelles locales, tenez-vous:. dans votre commune , à l'écart des brouilles et des disputes des partis. Votre rôle d'instituteur a de quoi suffire à votre activité ; ne la lui marchandez pas, pour alleT vous aventurer ' ans d
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la politique militanle, compromettre votTe situation. et risquer milile ennuis... Ne faite pas de ·p olitique; ne soyez. qu'à votre classe ... » Et l'homme de noble esprit et de haute conscience qui était là, reprienant à son Lour la question et la déplaçant, disait : « N001, ne faites pas de cette pollitique étroite ,et agressive, pleine d 'embûches aussi qui se met au: serrvice d 'un 'P'arti, moins que cela, d 'une fraction de parti, et crée autour d 'elle de l'hostilité ou de la haine dont votre école pâtirait, autant que vous; ou de cette politique p lus mesquine encore qui se met au seniir,e d'un homme, dont vous eriez ainsi à votre grand dam le vassal e t pre que le valet. Vous n'avez à épouser les querelles de personne,, et su,rlout dans votre p1ropre communt3' où vous ête l'instituteur de tous, au service de tous. N'a!lez pas déserter les austères et grands devoirs de vot.rn charge, devoir silencieux mais féconds, recueillis mais impérieux, '.JYOUr une action politique de caractère moins modeste et plus bruyante, mais plus facüe, parce qu'elle n ·exige pas les mêmes qualités solides de conscience el de· raison , ·et qui, plus théfürale, e résout peut-ètre plus en agitation qu 'en action sérieu e, efficace et réfléchie ... Non, ne faites pas une politique ainsi entendue. Mais je vous dirai pourtant : Si, faites de la politique. Instituteurs r épublicains, vous n 'avez pas le d1roit de vous dé intéresser de la Répu.hlique et des combats qu'il lui faut livrer encore pour devenir une réalité incontestée, une réalité dont chacun comprenne le sens et la pwfonde vérité morale. Instituteurs français, vous n 'avez pas le droit de vous désinté~esser · de la vie nat,ionale et d!'ignorer les événements qui ·. au hasard des jours la traversent. Vous avez dans vos écoles à faire œ uvre d 'éducateurs, une i::euvre civique, une 1.:eu 11re libérale, au même titre que vous dispensez le savoir. Tout ce qiue la liberté implique de de:voirrs et d',effo.rts, de, discipline personnelle ,et de discipline sociale, vou devez le savoir pour l 'enseigner. Toote la valeur morale de la libert€, toutes les conditious de so,n étahlissement et de sa riurée, toute la dignité q• 'elle confère à la vie co,ll eclive, u vous devez le savoir et vous l'être dit à vou -mêmes pour le répéter à vos élève et le faire pénétrer dans leurs esprits. Un grand Américaiill (Horace Mann) le disait il y a quelque cin(fUlante ans à ses conc.itoye:ns : cc U peut être aisé de fonder une république ; il ne l'est pas de faire des républicains, et malheur à la République qui ne s'a,ppuieque sur les votes de l'ignorance, de l 'égoïsme et de la pas-
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s ion I n ... Tout c~la, c 'est de la politiCJ!u-e ; et c 'est celle -là . qu'il faut failfe, et celle-là vous devez la faire si vous ne voulez pas être infidèles à votre r ôle .. . n 3. L'instituteur et la politique active. - Mais ici surgit une question épineus-e, autour de laquelle on bataille àpremenL, en adversaires irréductibles. L'instituteur, disent 1es uns, est un citoyen conime les a utres, et non un citoyen diminué. Car une di scrimination préalable s'impose, sans laquielle on fausse tout : il faut bien distinguer ielil. lui <lem: individoo ,effectivement distincts, le foillctiQIIlilaire et l'homm e ; ils ne sont ni assuj ettis aux mêm es règles ni astreints aux m êmes devoirs. Que, dans sa classe, en vertu m ême des lois qui ont fixé le statut de l 'éco1 e et organisé l'enseignem ent primaire, il respecte la neutralit~ et qu 'il n e soit pas l 'hamme d'un parti ni d1'un clan, la chose va ,de soi. Il lui faut êt're très évère envers lui-mêm e quand il s 'agit du r espect de cette n eutralité légale·; quell es que soient ses O'fl(Ïnions politiques et ses croyances per sonnelles, il ne ser ait pas tolérable qu 'il y m anquât ; la loi 1restreint rigidem ent sa liberté de parole et d 'action., et il n e la violer ait pas impunément. Mais ces contraintes et ces restrictions dont le fonctionnaire est l 'esclave, il cesse, rede--venu homme, d'y être sorumis. Si, à l'intérieur de l'école et dans sa fonction magistlfale, sa liber té est enchainée par les lois scolaires, il ,en va tout autrement au deh oo-s de l 'école : il n 'est plus fon ctionnaire alors, m ais simple particuli er , simple cito,yen , comme tout un chacun. Tout ,:;e : qu'alor s il dit et fait, il n,'-en doit compte à personne. ·Comme tout ci.toyen , il a le droit d 'exprimer pubJiquiement ses idées, de -les défendre,, de les prOIJ_)ager, quitte, comm e tout citoy- n ·aussi et selon le droit commun , à répondre e des abus qu 'il comm ettrait et dans les cas que la lo,i a pr évus. Lorsque, piar e-xemiPl-e,, en raison d e so,n altitude politique b9r s d-e l'école et pour cette raison seule, un Îll'itituteur est déplacé d'office, rr- çoit un e lettre de blâ me ou. e aux fin s de censure ou de r évocation , est traduit devant le Conseil départemental , une injustice est commi e ,enver s lui : car , dans sa classe et y exer çant sa fonction enseignante, le fon ctionnaire n'a pas enfoeint la n eutralit é et de ce fait est irréprochable. Ce n'est plus le fon ctionnaire, . c'est l 'homme indépendant, c'est le citoyen libre. qui a telle o~ telle attitude politique, qrui se mêle à la poî~ique militante, qui fait acte de po-litique ar.tiv,e ; mais ce cit0yrn -n 'est pas passible des sanc.tions administratives snus le
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coup desquelles le fonctionnaire seul peul tomber. En pa_rnille occurrence, il doit donc être mis hors de cause t:t pa,r tant échapper à ces sanctions. Telle est la thèse. Elle ne porte pas,, disons-le encore, sur la neutralité de l 'école et de l 'enseignement ; il n 'est pas question de récuser cette, neutralité et d 'ouvrir l 'école à une proipagande d 'une espèce ou d ·une autre. S'il est des maît1 qui, bien· mal inspirés, contreviennent à la neures tralité ,,oulue par la loi, ils savent quel devoir de '.':Onscience et quelle obligation légale ils enfreignent et à quoi ils s'exposent. C'est l'attitude de l 'instituteur hors d e !"école, hors de la présence des enfants, en tant que citoyen par conséquent, qui est en cause ici. Par exemple, un ins- . litutoo,r a-t-il le droit, dans une réunion publique, de prendre la pardle en faveur de n 'importe quel parti, de n 'importe quelle doc trine ? A-t-il le droit de se transfQlrm er P,.11 orateur ·p plitique et de combattre tel d éputé ou tel ministre, tel projet de loi ou telle mesure gouvernementale ? A dire le wai , lorsque des conflits se sont p roduits, c'est presque toujours de théories ou d 'idées « avancées » que 'les maîtres ou maîtresses incriminés s'étaient faits les protagonistes; ce sont des opinions « extrémistes », « r évolutionnaires » qu'ils avaient exprimées et soutenues. Mais les choses n 'eussent pas été différentes et la même question se fût posée si, dans des circonstances du m ême Qll'dre, l 'instiluteur se fût fait l 'avocat d 'une doctrine (( ultraroyaliste », comme on disait sous la Restauration.
4. Exigences plus strictes qu'on a pour l'instituteur.
C'-est un redootable suj et que nO'Us frôlons ; il n 'a que trop peut-être agité l 'opinion et la presse (y compris en premier lieu 1a presse corporative) et fourni matière à de& controverses imipétueuses. Sans jugement préconçu , sans prendre d 'avance parti ni pour les uns ni pour les autre&, nous essayerons d 'y voir clair en toule indépendance dP pensée et en tout esprit de justice. Savoir d 'abœ-d si les instituteurs ont l,e droit de faiire « ùe la politique » est une question qui ne nous arrêtera plus, après ce que nous en avons dit tout à l 'heure . Tout dépend, il e t vrai, du sens qu 'on donne à cette formul e ambiguë et , dans la bouche de certains, én ergiquement péjorative. Mais nous: nous en sommes expliqués, nous avons dit et nous redisons qu'au point de vue où nous nous sommes placés, faire de la ·p olitique est pour les maîtres non seulement un drnit, mais un devoir; d'où il suit
�-224.que pren..dre part aux ma nifestations de la vie publique ,:;o;t un droil qui leur appartient en principe comme à tout citoyen. ous n e voyons pias, par exempJe, à c:iuel titre o n prétendrait leur interdire d 'assister à une réiu,nion électoi·alei, de prendre part à un banquet .p olitique, etc. Mais il se w uit qu'un banqruet de ootle sorte soiit, au vu et au su de tous, une manifestatiO'Il clirig,ée contre le régime ; et l'on serait fondé à trouve;r ét4·ange alors que l 'instituteur, eu s tant que fonctionnair-e public, en tant que dépo: itaire par .conséquent d ' une parceUe de la p/Uissance publique, prenne part à une m anifestation dirigée contre celte puissance même et destinée à la combattre. C'e t une question, du r este, qui concerne L ous les fonctionnaires, non les insîituteurs seuls; elle est , en r ésum é, la suivante : Un fo nctionnaire a-t-il le droit cLe combattr·e au. gr and jour, par des actes pa tents, le gouvernem ent de qui il tient sa [onction ? Poser la question a Lorujours été la résoudre; il n 'est e aucun régime qui ait jamais - u la m oindre hésita tion à la r ésorudre, avec plus OU, moins de ,rig ueur toutefois .. Et s.i, comm e on le dil, de extrémistes se rencontrent qui la résolvent par l 'affirmative, on p eut douter que, détenteurs à leur tour du pouvoir, ils per sévèrent dans cette affiirm ation. L 'expérience des « r évolulion ~aires » passés et r écents, sinon actueils, réipoind de reste. Au surplus, cette qùestion n 'est ·p as celle que nous voulons ·examiner ici. EH e relève ou. du Parl em ent ou du pouvoir exécutif, et ce n 'est pas en juris le que nous étudio ns notre suti et ; nous ne disons, ni inter prétons, ni discuton s la loi, nou s nous plaçons au eul point de vue pédagogique et n 'avons ,en vue que le bien de l 'école ou du maître. Or , à ce propos, une différence esL noto• re : l 'opinion pui b lique ne s '• eut guère ou ne s'émeut qu 'à demi de, la ém participation de certains fon ctionnair-es aux ma nifes tatio ns politiques, m êm e quand ell es ont un caractère agressif ou exllrême; ma is ell e est, en par eil cas, b eaucoup moins indulgente aux instituteurs. Pom:quoi donc? C'est qu e, da ns bien des cas, 1'exercice m ême de la fon ction est toot à fait indépiendant des opinions poililiques du fonctionn aire et n e peut s'en ressentir en rien. Un em ployé des po tes, par exemple, ne fait pas payer plus ch er aux uns qu 'aux autres l 'affranchissem ent des lettres ou des paquets, ni ne m ajore ft,es taxes postales div81rses, au gr é de ses préiférences politiques ; et des remarques a nalogu es s'apipliqueraient au travail d 'un fonctionnaire des ponts et chaussées O'U d r.s ·douanes. Mais e,n est-il vraim ent de même ch ez l 'ins titn-
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Leur ? L'homme de parti, le militant, peut-il se séparer si complètement de l 'éducateur que celui-ci n 'en subisse j:.imàis la secrète influence ? Sans manquer brutalement à la neutralité, sen enseignement ne seira-t-iil pas tendancieux, n'exercera-t-il pas dans le sens de ses propres docL inès une seCTète pression sur les e pri ts ·e t sur les cous'r ciences? C'est là ce qu 'on reaoute, et qui ex.pliqu_ cette e sévérité plus g rande contre 1ïnstituteu• « politicien » que r contre tout autre fonctionnaire (1). Après des outrances d 'attitudes ou de langage, il n 'apparaît plus aussi qualll1é pour sa tJâche éducatrice, qui exige au contraire du cailnlè, de la pondération, de la maîtrise de soi ; il semble qu'o,n ne puisse plus attend• de ltiii la sagesse mesurée, la sere reine raison ·et le libéralisme toléran t dont on veut qu 'il soit 1'exemple. Celte sévérité, iil n 'est pas rare ·que des adversaires de l 'enseignement laïque la poussent au delà des limites légitimes, lorsqu 'ils en viennent à ü1ire à 1'institut eur des prncès de tendance, à lui reprocher non ses actes extérieurs et son attitude, qui sont corrects, mais sa pensée même et son opini011 intime, qui doivent être pourtant un secref inviolable. Que vous importe ma conviction profonde ~i rien dans mes actions, dans mes gestes, dans mes démarches, n 'offre matière à reproch es précis, si vous ne pouvez en rion les incriminer? Le droit de l 'Etat s'étend-il donc sur ne fond même de mon être, sur le sanctuaire de ma pen ée et de ma consc.ience ? Cela nous mènerait à la plus oppresshe des inqiuisitions. N'est-ce pas en plein Parlement qu'un sGnat'eur r épliquait à Jules Ferry, au temps des batailles pour la laîcit.é : cc Ne p,renez pas d'instituteurs incroyants ! » Nous-même, nous avons entendu un jour, dans une Cornmi:,sion ou un Conseil dont no1,1s no préciserons pas davantage la nature; cette .parole venue d'un élu du suffrage universel : cc Tout instituteur sociaHste cfovrait être révoqué. » De telles pratiques, qu 'elles visent les incroyants ou le,s socialistes. les déistes ou ~es réactionnaires, pourraient mener loin : ] 'ère des proscriptions serait vite orouv,erte. Ce sont là' des mœurs d'intolérance et de dictature - dictàturè d'un homme, d'un part'i, d'une
(1) Il faudrait sans doute examiner à part le cas où l'instituteur, désireux d 'u ne. carri ère. politique et ambitionnant un mandat électoral, fa it longtemps à l'avance 11cte d e candidat et prépare le t erra in. Même d ans ce cas d' a illeurs, plus d 'u ne parmi les remarques qui suivent lui est applicable.
MORALE PROFESSIONNELLE.
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�-226classe, peu nous chaut, - non les m œu.rs de la liberté. Ma is hélas ! sont-elles bien insLaurées chez nous, .J m ~·urs is de la liberté ? 5. La politique. et l'intérêt de· l'école. - Ecartés les -sophismes ou les solutions irrecevables, la question dem eure entière : l 'institute'UII' peut-il, sa cillasse finie, entrer dans la polil,ique militante, s'y faire le propagandiste d 'un parti , le zélateur d'une doctrine? Légalem ent, O'Ui ; la loi n 'a posé auc une interdiction de ce genre. Elle n 'est formelle que ur un point : le re pec t de la neutralité de l 'école ; elHe se tait sur l'action de l 'institu1 eur en tant que citoyen hoTs de sa classr. Mais· il r este, rl 'une part, l'autorité administrative qui peut estimer que l 'ins: ituteur ou l'institutrice, pa1 ses pa rol es et ~es actes publics, a commi une : faute (r) et s'e t exposé de ce fait à une peiné disciplinair-e (voir chapitre XIV) ; il reste l 'opinion publique, à la: juridiction de qui rien n'échappe ou ne peut prétendre éch apper. Seulem ent, alo'l's, la :Joi étant mue tte, tout drvient affa ire d 'ap précialion, de nuan ces, de d·osage ; et par conséquent les avis peuvent différer radicalement, chacun jugeant suivant ses tendances propres. Sauf dans les cas extrêm es, les ~s limites, comme disent Ies matbémati iens, il y a toujours, en toute bonne foi , mati ère à discussion et à interprétations diver genl es. Mais nous ne
(1 ) C irwlaire cltt 25 juillet 1925 au.-i; ins pecteurs d'Académie
« concernant les fa its r épréhensibles commis en clchors des fon c-
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tions et qui p euvent en gager l~s r esponsabilités des maîtres de l'enseignem ent » : - « U n certain n ombre de m aî tres, usant d 'une liberté civique que nul Gouvernem ent r épublicain n e leur contest er a, se m êlent à 1 ou tes les viol en ces de la propagand e communisbc. J c v ous r apocllc la doc trine cons tan te de mon dépa rtem ent en m a ti ère disciplina ire. E n dépit des efîorts t entés pour ra ire a dme ttre qu e .l'ins tituteur, sa classe ra ite, n e doit a ucun compte à l'Adminis tra tion , il a é té décidé, il a é té jugé qu e les incorrec tion1,. grav es de v ie ou de la n gage commises par d es ronctionn a ires de l'enseign em ent publi c ~ont in comp a tibl es avec les d evoirs d e leurS' fonctions et donnent lieu à des sanc.tions disciplinaires ... Il n o vi e ndra à l'es prit d e p ersonne d 'admettre que la grossièr eté d es a ttit ud es ou d es propos, la pra tique publique du m enso nge, le débraillé cyniqu e des écrits ou des a ltitudes puissent s'accorder avec la haute mission d e l' ins tituteur prima ire. « Il y a des choses qu'un ins titu t eur, qui cs.t fonctionna ire, n e p eut fa ire, » déclar ait le 7 juillet d erni er M. IIuysm a n , dé puté-socialis te e t Ministre des Sciences et Arts, d evant la Cha mbre b elge. f c .fa is mi enn e ce tte o pinion. J e vous confirme donc qu 'il convi en t, en deh or s de la s tri ct e surveillan ce d es leçons ou di ctées, de m e signa ler les m anqu em ents gr a ves à la di g nité profossoralc d es m aîtres ... »
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voulons iGi qu'examiner si, même quand il n 'enco urt aucune peine administrative, l 'instituteur qui se mêle à la politique active ne risque pas souvent de se fourvoyer et de faire ,::eiuVI'e mauvaise. Une première remarque, nous semhle-t-il, doit ètre nettement formulée avant qu 'on aille ·p1us loin ; celle-ci : l'instituteur n 'est pas responsable seulement de lui-même et du t'ravail de ses 6lèves, ill l 'est aussi de son écoJ.e. No us voulons dire que si, par sa faute, ! 'école qui est sienne venait à déchoir dans l 'estirne publique; si, par sa faµte, ces termes d 'école laïque, d 'instituteur laïque venaient à tomber en défaveur devant !'.opinion, on aurait le droit de le· déclarer coupable et de ~ en demander un compte ui sévère. Imaginons, pour prendre un ·exemple bien net, que dans une commune agricole où les opinions, certes, n'ont rien de ubversif ni d 'outré, il se déclare << révolutionnaire » ou quelque chose d 'équivaleüt, puis qu'il agisse comme tel, distribue des journaux et des tracts, - tout ce la, bien entendu , hors de son écOl'.e et sans s 'adresse'!' à ses élèves ; qu e, de la sorte, il indispose w ntre lui la population, qu 'il se r e,nd,e indésirable et fas e honnir et déserter l'école publique, ne serait-on pas fondé à lui faire gri ef d 'un teJ r ésuntat et à le r endre Tesponsable d.e la situatioo scolaire qu'il a créée a Il objectera : c'est mon droit . On en peut discuter . C'est son droit aussi de s'accoutre r dl'une façon ridicule et d 'ètrn la risée de enfants et d e famines ; c'est son diroit aussi de se rendre intolérable pur son caractère, par es allures ou se manières : adm ettra-t-on qu 'en l'une et ~·aulre. circon t;ince il n 'est pas nuiibl e à son école, JJ. sa fonction , à sa corpm-ation ? Même lors.qu'on se cantonne dans l'exercice strict de son droit, on peut avoir tort. Nous somines tous familiers avec la distinc tion l:radition:rwU.e du droit légal et du, droit moral, et nous• avon s bien qu 'a•ller ju qur'à l'extrême limit e de son droit ,e st souvent une maladtesse ou une faute, el m êm e un e iniquité. Que dirait-il lui-m êm e si, par exemple, son in specteur, entrant dans sa classe à hui! h eures du matin , y r estait jusqu 'à .quatre h eures du soir et rev,en ait quelques jours après encor e pour une double séan ce de cette $Orte? L'inspeclem poonait dire à son tour : C'est mon droit. Dan s l 'hypoth èse où nous n ou somm es placés, une propagand e extrémiste,, il y · aurait bien faute de l'instituteur, quoi qu'il p11t ·pr,étendre; tout au mo:i-ns lourde, très lourde et inexcusable m a1ladr r.sse: Trri,possible de nier, du Teste, que des cas peuvent ·se i'encontrer où la faute
�-228soit moins évidente, moins ce,rtaine, où elle puisse même êLre contestée; mais nous l 'avons dit : en l'ab6ence d 'un texte légal précis, et dans toutes ces questions de plus ou de moins, de degrés et de nuances, la contestation est toujours ,possible, de bonne foi. Une autre question se pose alors : n 'est-il pas regrettable, même s'11 n 'a pas tous les torts; même s'il n'a qu'à peine tort, qu 'un instituteur se permet.Ve des actes et des façons de faire qui ne sont pas dans sa fonction et qu'i1 sait de nature à émouvoir, à irriter l 'opinion publique? N'y a-t-il pas là de sa part un Eâcheux manque de sens et de tact ? Ajoutons : quel bénéficè en relire sa propagande .? Et quel bénéfice sur-tout en retire l'école la,ï que, dont il est, 'dont la nation et la 1oi veulent qu 'il soit le serviteur avant d·être celui d 'un parti ?
6. Les familles et le~s préoccupations. - Il faudrait que ce souci des familles, des €!lèves et de la population fùt toujours présent à la pensée de ~'instituteur; ce n'est, au surplus, qu,e le sentiment du devoir professionnel sous une de ses formes. Non pour l'incliner,· est-il même besoin de le dire, à des capitulations de conscience; non pour l 'entrainer à des actions contraires à .sa croyance profonde, et .\ sa foi, mais seulement pour l'amener à composer, pour le faire consentir à q.es accommodements comme tous nous en consentons chaque jour, parce que la vie en comm un n 'est qu 'à ce prix et que nul de nous ne vit dans .l'absolu; et puis encore parce que Je moyen de bien servir l 'école publique et les idées qu'elle symboli e n 'est pas d,e commencer par la rendre impopulaire dans la personne de ses maîtres. Or, encore une fc.is, qu'a-t-on. gagné quand on 1 soi-même dressé contre ell e les familles et qu'elles la tiennent en suspicion ? N'y a-t-il pas là, chez un instituteur, comme un m.épris des devoirs de sa fonction ? Qu ·on n e s 'illusionne pas : un maître qui , sa classe terminée, se rait le courti er d'un parti politique ne peut plu~ en uite·, de retour à sa chaire et enseignant les, enfants, apparaitre assez réservé, assez sincèrement respectueux de la neutralité pour inspirer confiance aux familles. Comm ent le batailleur sectaire qui est en lui saurait-il , en effet, revenu à ses élèves, se forcer d'Mre, impartial et rnesur1? Se dédoubler aim-i et s'opl))Oser à soi-même, non U11e fois en passant et dans une circonstance fortuite. mais ch.iquc., jour et toujours, 'doit leur sembler à d 'assez juste,]) titr,:s une opération difficile et suspecte. Et s'il se trouve que le parti auquel adhère .1 'instituteur et pour lequel il travaille,
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dans 1'ombre ou au grand jour, inquiète les familles, n 'en ont-elles pas de plus puissantli motifs de prévention ou de crainte? D'autres appréhensions peuvent à bon droit les troubler : Est-iJ bien sûr que ce maître, si préoccupé de politique, n 'en oublie pas un peu - un peu trop - sa tâche de fonctionnaire et d 'éducateur, et ne soit pas di pooé à l 'alléger pour avoir plus de temps à donner à la propagande ? Et pouriant, - « il est payé pour cela l>, comme dil le vulgaire. ous redQuterions fort que son activité d ',\ côté ne lui fit perdre de vue q-u.'il èst instituteur d 'abord, éducateur d 'abord , el que c'est de sa tikhe professionnelle d 'abord qu.'il doit être le serviteur intègre; nous redO'U. tons qu'il ne déserte « Jes austères e~ grands devoirs de sa charge, devoirs silencieu;x mais féconds, recueillis mais impérieux, pour une action politique moins modeste et plus bruyante, mais plus facile aussi et quelquefois un peu théâtrale », où les mêmes qualités laborieuses e t la même discipline de soi ne sont pas nécessaire . Fai-re d e la politique, la chose n 'est pas douleuse, est beaucoup plus facile que de bien faire sa clas e... Oui, nous redoutons que chez les jeunes (et de plus âgés aussi) la. véhémence des opinions politiques et sociales ne s'allie • as toujours p à une scrupuleuse conscience dans le travail obligatoire et au souci rigoureux du devoir journalier. Bien faire sa classe d 'abord, de tout son cœ·u-r et de toute son in ~ lligence; et après cela bien préparer sa classe du lendema in, · réfléchir à son travail des jo urs suivants el l'organiser ; consacrer le temps qu'il fu.UJt, et qui n'est jamais su!ffisa.nt, à sa propre culture, cette culture indispensable que plus d'un néglige et sans laquelle pourtant son enseignement peu à peu se rabougrit et s 'anémie; donneT quelques loisirs encore aux Œuvres post-scolaires, tout cela nou,s paraît déjà une Mche très ample e t ardue, assez touffue ponr remplir !laborieusement les journoos, ass.e'l elfficace et haute pour valoir à l'instituteur, et par lui à l 'école loïque, l'estime et la sympathie des familles et des populations. Et nous ne croyons pas qu'aucun ,prosélytisme politique, quel qu 'il soit et si pures ou si désintéressées même qu.'en puissent être les intentions, soit capable d'avoir pour l'école et pour le maître les m êmes conséquences bienfaisantes. Ces conséquences heureuses ne se limitent pas au présent; et quand on se donne pour artisan de l 'avenir, le mei-lleur moyen de travai!ler à cet avenir· c'est encore et c'est d 'abord d 'amasser autour de soi', c'est-à-dire autour de l'•:llu-
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vre que 1·on sert, des sympathies et des adhésions, et de ne pas se rendre soi-mêm e ou · r,endre son œ uvre antipathique. · Nous entendons bien qu 'on nous r éplique ici ou là :· Mais dans le milieu où nous exerçons, notre action politique n'est ,pas jugée défavorabl,ement; si elle nous atLir.e cLE's inimitié&, elle nous crée en bien plus grand nombre des amitiés certaines . - Voire. Et puis est-i1 dans le rôle de l'instituteur de se créer des inimitiés, m ême peu nombreuses, par des agissem ents qui,- au dem eura.nt et pour tout homme impartial , son t discutables ? Et en e;iste-t-il tant que cela de ces miyeux où l 'on accepte q_uïl se i.asse. politicien ? Ne se J.ait-il pas quelques illusions à lui-même s ur le nombre de ses approbateUTs ? une diplopie complaisan te ne lui en grossit-elle pas le nombre, alors que oelui des opposants lui est dé.robé ? Chacun croiit fort aisém ent ce qu ïl désire, enseig ne le labulis;e. Mai , pour clairsem és qu'ils soi ent, les opposants ont bien voà au chapitre; en toute jœtiœ , on ne peilll les taxer d ',erreim loTSqu'ils soutiennent que l 'institute ur esl là pour un service génén l, non pour une œ uvre de parti . Nous irions plus loin : nous redouterions que cette oction soi-disant bi,en accueillie et populaire n 'eù l un caractère d ém agogique, sans dignité ni grande ur, et ne com.porb~t surtout de la na tterie :, l 'éga-rd du << pteuplo ». S'il ' , ne s'agit que de prêcher une cerlaine, émancipation , et la r ébellion contœ . toute auto,r ité, et la révolte contre les liens soôaux. ; s'il ne s'agit que d,e prêter à la masse toJUtes les verl us el tous l,es bon s instinct s, rien de plus facil e et peut y réussir qui veurt,; un peu1 d 'em;pha.se m ême videi y produit Loujoll!rs effet. Ma is q1111i dira à ce peuple les « v&rités sévèr es » dont il a urait besoin qu 'on le nourrît ? Qui lu,i enseignera, avec Quinet , qu'« en naissant à la vie politique et sociale, il naitra à l'inqui étude, à la douleur, aux incomm ensurabl es soucis » ? Qui aura le courage de lui dire e t d'e lui • répéter que << si ses instincts ne s'élèvent pas, la couronn e ne s'abaissera pas sur son frq1nt e t que le m onc'Le n e descendra pas pour subir patiemment sa doininati<YO >> ? Oui, qui lui dira jusqu 'à en être ent endu qu 'il doit s'élever , dans tous les sens du m ot, pour faire figure de classe dirigeante? et que s 'é~ ever , c'.est d '.abocd se disci,p,line,r , réprimer les instincts brutaux ou grossiers, se h ausser au savoir et à l 'intelli gence d,es choses de la cit é? Qui lui enseignera, avec Horace Mann , que << si la justice et la droiture ne sont pas dans .tous les esprits et dans tous
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les o::eu'l's, non seu,lern ent il nous faudra renoncer a ux institution républicaines, m a is la prospérité et le bonhe ur Il ~ seront plu ,p our nous qu e de va ins mots ii ?
7. Désaccord poSls.i.blei entre J'enseigne.m ent et les opinions du maître. - Et voici un arg um ent e ncore auquel
nous atlach erion un très grand prix. Si les opinioIJs que le m aître professe hors d e l ·école sont en désaccord avec son enseignem ent dans l 'école, auquel des deux personilages, I ïnstitutem ou, ] 'homme d ·un parti , faut-il accorder créance, et qu e valent soit ses opinions, oit son enseignement ? Quelle sincérité, quelle loyauté par conséquent. m et-il dans celles-là ou dans celui-ci, et Jequel des de ux rôl es .p r endre au, sérieux? Tant qu 'il ne s'agit que d'initi er les enf'an ,s a ux règles de la grammair,e ou du calcul , nou entendon bien que peu import_ent le opinions politiques . de l 'instituteur et qu 'ell e n 'ont ri en . à voir da n l 'affai re . Mai ce m ême maître, dan s es leçons d e moral e et d 'inslTuction civique, ou au ha ard des leçon de Jectur<i ou d 'histoir.e, en seigne la Déclaration des droit de l'homme et • es institutions r6puhlicaines. Il enseigne le l r espect de la loi , et qu 'en d ehors de la loi il n 'y a qu 'arbitraire, caprice individuel, raison du plus fort, di ssolution • sociaJ.e en un mot . Il cnseig11e que la loi est l 'expr ession de la volonté générale, et qÛ 'en définitive c'-est la n ation librement, ·régulièr em ent consultée qui eule détient le po nvoir souverain. Il enseigne le respect des opinions adverses, et que la violence n 'est pas un mo-Je• de per suasion, qu 'inn sulter ou m êm e assomm er un ad,1ersaire témoign e d 'une menta.Jité digne tout juste de l '19.ge d e pien e. Il enseig ne que la liberté n'est pas l,e droil de tout faire san s frein , et "que l'homme libéral r éclam e la liberté ,pour les autres autan t que pour lui -m ême. Il enseigne les devoirs envers la patri e; il enseigne que la na ti on est « une grande amitié ll, selon le beau mot de Mich elet ; il enseigne Je r espect du dToit..... · Mais que pen er si ho'l'S de l 'école il exprime d es opinions contraires à son propre enseignement ? Que penser s'n se déclare h ostile à la R°épJUbliqu e et partisan des régimes passés, s'il s'alffiiche partisan de la violence , parti san de la dictaluTe _.:... fût-ce celle du proJ.étariat , - partisan des coups de force, contempteur de la patrie? ... Sj ce sont bien là ses opinions sincères, si ' tell e est bien sa conviction r éfl échie et profonde, avec quel m épris secr~t ou, quel reni ement intime il doit faire· aux élèves les leçons
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qui vont contre sa croyance ! A moins, autre hypothèse plausible, qu 'il n e les fasse à la lé-g ère et ,p ar ac quit de -conscience, cc puisqu'il le faut » , et sans y attacher d 'autre importance. Mais alors quelle conception a-t-il de ses devoirs de maître ? quelle est cette conscience qui habite· en: lui et qui consent à de pareilles tromperies ? En tout état de cause, comment peut-il, ainsi qu 'il le fait, se prêter -à ! 'imposture et jouer la comédie ? Comment accepte-t-il -d e donner, en m entant, un .enseignemt'lnt qui a PQUlitant sur ses lèVTes toutes les apparences de la sincérité ? Est-r.e que, incroyant, il accepterait n éanmoins de faire apprendre· -et d 'expliquer le catéchisme ? Il lui serait aisé, pour garden· l'accord avec lui-mêm e, de résilie r sa fonction olffi cielle i:t - r ecouvrer ainsi sa liberté ; que n e e résout-il à celte de :soiution· d 'honnête homme ? Restent les ,enfants e t ies famiQles. Une contradictiol!ll a1J1SS.i flagrante ne ·peut leur échapper , qui les étonner a d 'abord,. les irrite-ra bientôt et les indig nera. Tout oe que le maîtredit en classe et les leçons qu'il donne, ce ne sont donc qu0 billevesées et mensonges, puisqu 'il les dément en suite e t Jes condamne ? Mais alors comment ose-t-il pu ler am enfants comme il l,eur · parle, et avec sérieux, s'il doit, après, leur infliger et 'infliger à lui-même, de propos délibéré, un démenti a ussi a'u dacieux ou ·- cynique ? Qu el cas · rai: -il • des obligations légales qu 'il a contractées en enl:'.:int dans l'enseignem ent ? Est -ce un enseig nement de m ensonge qu 'il s 'est engagé à donner? Ces questions-là, et bien d 'autres semblables., les · familles se les poseront; elles y füront des r éponses qui seront pour l 'insti,tuiteiuir U!Ile condamnation sans m er ci. Il sera à leurs yeux tout ce qu 'on voudra, sauf un h omme sûr et droit , sauf un homme de. devoi-r.
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8. L'instituteur et son œuvre de concorde sociale. -
La
politique militante devient vite agressive, eL lorsqu 'elle se m eut dans un milieu étroit elle a tôt fait de dégénér er en rivalités ,p er sonnelles, en mesquin es questions de boutiq1!e. N'am èner a-t-elle pas l'in.stitUJteurr à pr-erndre pa- ti contre r oer taines personnes de la commune, ceLl.es qui sont à la tête de groupes opposés au sien ? N'en viendra-t-il même pas, par la force des choses, à les prendre à paî'tie ? Nous Ie voyons m ai dans une réunion publique, ayant comme con , tra dicterur l,e père d'U!Il de ses élèves. D'une diiroussio n collirtoise et tout académique, certes, m ême si les adversaires restent sur leurs positions, il ne r ésulte souvent qu'un
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p.eru.r p.h..16 d ·astime et de confiance mutuelles ; mais des dis.eussions pûLitiques, iil.naîtra bien plutôt aigreur et hœtilité: .elles s'.envemiment si vi>te eL sans qu'on le veuàlile ! Et l 'insti.t.ut.e.w- alors ne sera plus le maître égal pour tous; il sera 1'hom.me d ·une coterie, nOIIl de tout le monde, bien que pom.tan! il reçoive et i~truise les enfants de l'OIUJS, indisti,netemen.t. Que nous le voudrions plutôt agent de conccxrde et d 'union, élevé au-dessus de tous les partis sans s 'inféoder servilement à aucun 1 « L 'instituteur, · disait Quine t, a un rôle plm universel que le prêtre, car il parle tout ensembl_ e au catholique, au protestant, au juif, et il les fait entrer dans la même communion civile. » Substituez à ces appellations religieuses des dénominations politiques, les choses seront tout aussi vraies. Dans ! 'emportement parfois aveugle des polémiques et des haines, les partis sont inattentifs â tout ce qu'ils ont de comm un - surtout les partis qui , sincèr ement, se réclament Lou de la Républiq~e - et qui forme un domaine plus vas:e qu 'il n 'y paraît. Pourquoi 1'instituteur, san s rien abandonner ni' renie,r de son litre de laïque, sans cesser d 'enseigner, suivant, l'ex.pression m ême d ' un chef d 'Etat, la République et la démocratie, n e se hausserait-il pas a u-dessus de tous les partis pour une œ uvre .de con corde et de réconciliation il Ce serait là un beau rôle d 'éducateur; c 'est un rôle lrès gra n.d et très noble qu ·avaient rêvé pour lui les fondateurs de notre enseignement national. Nous ne lui demandons. pas, r edisons-le une fois encore pour éviter toute équivoque. une so-rte d 'atQnie passive ou d 'abdication résignée en face s d 'hostilités systématique_ ; nous lui demandons de n'y pas <répondre par la haine et par des violences de langage. ous ne voulons •pas surtout qu'enseignant à ses élèves la i'raternité, la tolérance, Ie respect mutuel, il aille proférer ailleurs des paroles haineuses et brutales, des paroles d'e vio, lence et de guerre civile; nou~ ne voulons pas qu 'on l 'entende jeter l'anathèm e sur les dissidents et prononœr des excommunications. Encore une fois, ce rôle n 'est ,pas le sien .et sa f.lâclw œ.t tout l'opposé de celle-là; nul homme sensé ne peut admettre que, hors de ) 'école et soi-disant libre citoyen , il détruise l 'œuvre de paix et d'accord social qu 'éducateur il fait dans l'école. cc S'il faut tenir tête à l'adver sa ire, il ,est nécessaire égalem ent de désanner son hostilité en la r endant inelffi'cace. Vous engagerez donc les instituteur à persé.vérer dans les h abitudes de taci et de rnorl ération qui cara.ctérisent leur ense ignement oi·al. Quel qu_e ~oit l'acharnement des con-
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flits soulevés autour d 'eux, ils se garderont de Tien laisser transparaître dans leurs leçons des impressions fücheuses qui pourraient leur en être r.estées. Les controverses du d eh ors n 'ont point à se glisser d ans la classe ; les diffamations dirigées contre nos idées et nos mé,thodes n 'autorisent en aucun cas le maître à r épondre à leur m" alignité par les bruLalités d ' un enseig nem ent de combat. Que, vos instituteurs pénètrent leurs leçons d ·un oufüe Iargem en, patriotique et moral; qu 'ils s'efforcent de usciter ch ez les enfants dont la formation leur est conHée le respect de toutes les grandeurs, le culte de L us le h-éroïsm es, 1ïno tuition de toutes les noblesses ; qu 'ils &veillent en eux la faculté de comprendre, de sentir ce qui donne véritablem ent son prix à la vie et la rend digne d 'être vécue; qu 'ils leur r évèl,ent ce qua fait la spfo-ndeur d'UJ mond~ qui les ento uTe, an rien. dénigrer de ce qui fit la majesté des· dge écoulés. La neutralité, telle que nous la concevons n 'est point néga tion . Elle est l'aillTm ation , au contraire , du droit de la personne humaine au Jib1·e épanouissement dt's instinct supérieurs qu 'elle porte en elle. )) Le Ministre qu~, en r9r r , donnait ce instruction aux inspecteurs d'académie les écrivait à propos des attaques dirigées à ce m oment contre l 'école publique · el les m anuels colair.es,; il ne défini ssait que l 'attitude du maître dans .;;a cla se. Mais ! 'atti t ude du maître hors de l'école, son attitude d e citoyen ,et non plus d 'instituteur, - de cito,yen pourtant qui , pa·rce qu 'il est éducateur, doit avoir un e m entalité et un ton autres qu,e le vulgaire ....-. n 'est--elle pas tout entière aussi dans œs fortes et droitels paroles? \'e faut-il pas souha iter grnndement que, lorsqu 'ils se m êlent à la vie politique, Je& instituteurs y apportent ce h aut e,;prit d e tolérance et de liM ralism e, cet esprit de vérité et d e' raison, d<Ynt on aimerait à ne [es voiT se ~rtir dans aucun e circonstance? Ainsi serai,ent-ils, comm e citoyens et comme homm es, ce qu 'ils sont ou doiv,e nt être comme instituteurs; et cette uni té de leur enseignem ent et à e leur conduite serait le m eilleur des exem ples, serait la plus digne et la plus fru ctueuse des propagandes en faveur des idées qu 'ils r eprésentent. Il ne fa tit pas le taire : le manque de m esure et de tact d'un pe.lit nom bre de ces institurteurs (et de œ s institutrices) pofüicien s (}fit Ca·usé ou sont propres à oaruser UJil tort oonsidérab1 e à la corporation t'Out entière. Coooc oo,n t nous voulons parl,êr se sont faits avec intem pérance les défenseurs ou les parti sans de doctrines extrémistes ; leurs al -
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!mes, leurs ac,ions., leur langage ont donné lieu plu q u 11 n'eût été désirable à d ·acerbe et justes critiqu es. Ils out alffi cb é sans la rn oindre modération des opinions exal Létis ou violon t.es, qui étaient l,es bienvenues peut-être dans quelque mili eux populaires, m ais qui ne rencontraien ; aucune faveur dans les miheux éclairés, Ils n 'ont pas paru toujours, en s ·y ralliant, faire preuve de beaucoup d 'esprit critique ni témoigner de la po na'éra ti on d 'esprit qu 'il sembl e bien qu 'on doive attendre d 'un éducateur . Ils n 'ont pas paru davantage avoir su)ffi, am ment Je sen s _ des réalit fls sociales et de ! 'évolution historique ; ils ont attesté une m.éc0'11 naissance du possible et un goù t à la fo is naïl et prétentieux de l'absolu qui ,pouvaient par insta nC prêtrr au sourire. Et d 'autre part il s 'est rencontré m aintes fois aussi que ces propl)ètes de la cité fu ture oublia ient un peu trop les devoirs précis et gênant de la cité présen te, 11 t semblaient n 'avoi,r qu 'un aSS€z m édiocre souci de lenrs obligations professionneilles. Ainsi se rendaient-ils douible.mi3nt ha[ssabl.es, a.u grand préjudiœ du personnel tout entier des i,n stitUJteurs, accusés en hloc de fai re 1œuvre anti-socia le « œ:u,vr e d e m ort» , et de préparer des générations grossièTemen t m atérialistes, mûres pour « ! 'illuminism e r évoluti onnaire, ». Accusation dont ceux qui voient les ch osès de près savent le juste fondem ent, mais d ont sont responsables au premfor che-E les ,exalths violen ts qui çà et là, dans leur m ysticisme réformateur, ont perdu tootei mesure et toute règle. Ce sont eux qui ont fait naître et qui ont permis aux adver aires de l'enseignement laïque de répandre .cette légende nouvell e et absurd e, que l 'instituteuT est un homme qni fait de la politiqu e - et quelle politique' ! - m ais qui néglige sa classe et. n 'y fait ri en qui vaiHe. Or, nou s ne nous fatigueron pas de lè redire, il est indispensahle, il imiporte au su;prême pOIÎin.t grue, l'opinion publique soit avec nous; et nous ne la conqruieirrons ou la gaTderons que si nous prenons soin d 'abord de n.e pas l'effarouch er el de ne pas l'inqui éter , et j , au double titre d 'hommes et de m aîtres, nous nous imposons au r espect ,et à l'estim e de t ous.
9. L'instituteur et les fonctions administratives . -
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m ême article 25 de la loi du 3o octabre 188... , que nous 6 avons cité au chapitre précédent à propos des profcssio,ns comm erciales et indu srieJl.es, in lerdit également aux instituteurs cc les fonctions administratives ». Il 1 ulte de ce •é tex te, compl été d 'aillcur par qu elques autres tel que la loi
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municipaie du 5 avril 1884, des arrèts du Conseil d 'f.tc1I, des circulaires diverses : · 1 ° que l'instituteur ne peut être consemer municipal dians la commune où il exerce, puisque la loi du j avril 1884 dispose que « les instituteurs publics ne SO'Ilt pas éligibles dans le ressort de leurs fonctions » ; 2° mais quïl peut l'être dans une autre commune, puisque « aucune disposition de ladite loi n'interdit aux instituleurs d ·exercer le mandat de conseiller municipal dans toute commune autre que celle où ils exercent » :,<~irG11laire ministé1'ielle du 10 août 1908) ; 3° qu 'en aucun cas il ne peut rempli_ les fonctions de. r maire ou d 'adjoint. << En effet, il est incontestable que l'une et l'autre d~ ces fonctions sont essentiellement adminislratives puisqu'elles consistent uniquement dans l 'administration communale. Elles sont donc, à ce titre, interdites aux instituteurs public par la loi du 3o octobre 1886, art. 25. » 1Même circulaire. - Le Conseil <l' Etat s'est d'ailleurs prononcé dans ce sens). Par contre, un instituteur peut être choisi comme délégué sénatorial ; il ·peut, n'étant pas subventionné sur les fond du département, être élu conseiller d'arrondissem ent ou conseill er général, même dans le canton où il exerce. Il peut être é<lu membre du Parlement, mais à la con,dition d'abandonner, dans les huit jours qui suivent l'élection, ses fonctions d 'instituteur. Ajoutons que les institu:eurs et institutrices publics ne ,p euvent exercer aucun emploi rémunéré ou gratuit dans le service des cultes; qu 'ils ne peuvent pas davantage prêter leur concours à des établissements libres d'enseignement. Il est vrai que ce sont là des professions « commerciales >) autant et plus qu 'administratives. Ils peuvent, par contre, remplir les fonctions qe secrétaire de mairie, dans des conditions que nous verrons au prochain chapitre. Les incompatibilités ainsi établies • 11i:r. la loi se comp prennent aisément. Maire de sa commune, et même simplement conseill er municipal, l'instituteur aurait pour électeurs les pare:nt.s de ses éilèves. Il ne pourrait guère pilus qu'un autre élu - la crainte de l 'électeur est le, commencement de la sagesse .- se déprendre de préoccupations électorales; et ce souci de I'-électeur l'obligerait plus d'une fois sans doute à des actes qu'il n 'approuverait guèTe, par lesquels les famiJl.es elles-mêmes le sentiraient diminué. L'instituteur ne doit pas être un homme à qui ! 'on demande certains services ou qui descend à cel'taines corn-
�promissions : il doit se tenir au-dessus de ces expédients, dont il est probablement dilfficile que se garde la politique de clocher (et même l"autre). Ces expédients et ces linesses, ces manœuvres obliques ou ces échappatoires ne conviennent pas à la dignité sereine de sa !onction ni à la belle rectitude qu ·on attend de lui dans les paroles €t dans les actes. Que l'on songe encore aux sollicitations de tout genre dont il serait l'objet, comme premier magistrat municipal ; que l'on songe aux relations fréquentes qu'il aurait, comme administrateur, avec le ,p ublic et où pourraient naître bien des ocGasions de conflit ou de mécontentement. Ou l 'imagine-t-on ma.ire d'une commune voisine et imesti par la loi détm droit d'inspection dans les écoles ! Simple èOnseiller municipal, il auq1.it, dans sa propre l,Jcalité, à étudier et voler un budget sur lequel figure plus d'un crédit dont il est le bénéficiaire : secrétariat de mairie, cours d'ad<uil.:tes, allocations diverset; ; cela ne hui crée·rait-il pas une situation un peu délicate ?' Ne lui arriveraitil pas de se Lrouver en désaccord un peu aigu parfois avec ses collègues du conseil municipal, ou d'être dans le ,parti opposé au maire; et sa situation dans la commune n·~o serait-elle pas compromise ? Il lui serait dilfficile, nous le craignons, de se tenir à l'écart des rivalités politiques locales, et _ sûrement alors ni son ·prestige, ni son autorité, ni . sa tranquillité de maître n'y gagneraient ; il serait l'homme de son parti, non l'éducateur au service de tous . Et nous ne disons rien de tout ce que sa classe perdrait, du fait des occupations supplémentaiœs et des agacements multiples qui seraient son lot comme maire ou conseiller.
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Conclusion : comment travailler pour l'avenir ?
Tout bien considéré, l 'attitude ,politique de l'instituteur dans sa commune (et même au dehors de sa commune), pourrait bien exiger de lui, dans certaines localités surt01ut, b eaucoup de tact, de raison et de fermet{) tout à la fois. Se renfermer, sous prétexte de neutralité, dans un neutralisme sournois, dans une indifférence politique qui aurait tous les caractères d'une attitude anti-répiublicaine, cela ne saurait être(x). Et cela ne saurait être davantage
(1) Circulaire ministérielle du 20 aorll 1889 : « . . . Notre législation ne met pas l'instituteur, sous prétexte ae neutralité, en dehors du pays et de ses institutions. Ello ne fait pas de lui un agent politique, mais elle ne lui commande pas une affectation d'indifférence systématique, qui serait l_ plus significative des manifestations a
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chez les institutrioes, ne, manquons pas de le signaler en passant; él'oignées jusqu 'à présent par nos lois de la· vie poliLique, elles .se croient tenues quelquefois - nous. disons quelquefois, rien de plus - à moins de loyalisme r épublicain et ne m esurent pa encore tout ce que signifie leur titre de u laïques » . Mais d ·autre part, cc faire de la politique n est une altitude suspecle et pleine de périls.; cette ,p olitique risque d 'être plus fertile en mécomptes et en résultats pernicieux qu 'en satis factions et en bienfaits. Cela est vrai de l 'instituteur dans sa commune ou son petit coin de sol ; ce ne l'est pas m i;,ins de la corporation ,e ntière con idéJ'é,e dans son ensemhle el par l 'organe de ses journaux ou de, ses bulletins. on pas que la pensée nous effieure de lui contester un seul instant le droit de n 'être pas neutre et indifférente dans les C01J1flits économiques at sociaux qui agitent la société contempornine. Mais encore ne sulffit-il pas de se jeter à corp · perdu dans la bataille. et titU<}e agre "-ive de r éformateurs, de mécontents ou avec l 'aL d 'agité , pour fai re vraiment œ uvrn utile. Si convaincants ou si vivement défendus que ,puissent être le arg uments, parrois spécieux qui justifient oette intrusion darus la politique, l 'opinion n e la vO'it pas d 'un œ.il aussi favorabl e que e, beaucollipl d 'intéressés se le figurent. Po1J1r em l'instituteur est avant tout l'homme qui doit faire sa classe et la bi en faire, qu~ doit donner tous ses soins et tout son zèle à ses élèves et u ne pas s'occuper d 'autre chosen .A-t-elle si tort qu e cela ? Et le m eilleur m oyen ,pour nous, et le plus sûr, nous posons la question encore - de bien servir la démocratie, n 'est-ce pas d 'être tous de bons, d 'excellents instituteurs, de bien instruire J.es enfants, de bien façonner les . esprits ,et former les consciences ? Une telle action est à longu.e portée : ell e n 'en est que ,plus àssurée et plus durable. En fin de compte, c 'est pour la vi e publique que nous travaillons. Les enfants qui sont nos élèves trouvffi'ont d 'abord dans notre enseignement des r essources pratiques
contre la R épublique clic-m êm e. » Il n 'es t p as possible « de laisser croire a ux [onclionnaircs qu'ils peuvent affi ch er le d éda in pour nos ins titu Lions, sc r etra ncher da ns une sorte d e fa usse impartia lité professionnelle, y r evendiqu er le droi 1, d e t enir publiquem en t la b alance égale ent r e la R épublique et ses ennemis. Dé tous les ser viteurs de l'État, les édu ca teurs de la 'j eunesse ser aient les derniers à qui l'on pût r econnaître un p ar eil droit; eux-mêm es s 'étonner a ient qu 'a près les avoir char gés de donner l'instru ction civique, on les autori sât à dém entir leurs leçons par leur ex emple. »
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pour leur vie individuelle et ,p our leur vie de travailleurs; mais notre influence s'étend loin par delà : l'esprit général du pays, le niveau de l'opinion publique en dépend pour une part. Selon ce qu.e nous faisons de nos élèves et l~ vie que nous communiquons à leur esprit ; selon que nous en faisons ,des cerveaux mal dégrossis et passivement dociles, ou que nous savons les accoutumer déjà à se rendre compte, à voir clair et à voi·r ju.s te; selon que nous les dre sons à ne pas se laisser abuser par les mots, mais à chercher avec autant d'exactitude qu'il se peut ce que ,.::es mot renferment; selon que nous les habituons à enten_ re d des sons de cloche différents et à ne pas. croire comme dogmes tout ce qui est imp1imé; selon que nous savons enfin, pour a,ppeler les choses par leur nom, éveiller en eux le. sens critique, en même temps que nous travaillons à pénétrer leurs ,\\mes de quelques grands sentiments, oui, selon que nous savons ou non réussir dans tout cela, irs événements pourront prendre tel ou tel cours, et non tri autre. Ce qui arrivera pàr la suite en France, et même par répercussion hors de France, dépend ~n peu de nous, de notre valeur et de notre probité professionnelles. Oli ! n"amplifions rien et voyons les faits sans présomption : nous ne tenons pas• en main le destinées de la pla,nète r.t, quoi qu'ait dit Leibnitz, il ne sulffit pas de posséder l'ins·truction pendant un siècle pour changer le monde. Mais néanmoins qui la détient peut modifier à la longue bien des choses, en changeant par un progrès insensible les directions de la pensée et les objets mêmes de la pensée collective.
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�CHAPITRE XIII
L'instituteur secrétaire de Mairie
1. 2. 3. 4. 5. 6.
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Prescriptions légales. Pour el contre le secrétariat de mairie ; l ° Contre. Pour le secrétariat. S ecrétariat de mairie el service scolaire. Fautes à éviter . Quelques conseils.
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1. Prescript'.ons légales. - Aux termes de l'article 25 de la loi .organique du 3o octobre 1886, << les instituteurs . . ·c ommunaux powrront exercer les fo.n ctions de secrétaire de mairie, avec l'au\orisation du Conseil départemental ».. En fait, I.e Conseil départemental accorde à peu près toutes les autorisations qui lui sont demandées . Il ne les refuse que dans des cas exceptionnels, lorsque par exem pie la localité est trop populeuse pour que l 'instituteur puisse raisonnablement ajouter à son service scolaire celui du N: crétariat ; ou lorsque la situation pa• ticulière de la comr mune, en raison des dissensions locales, risque de cr éer à l 'instituteur-secrétaire toutes sortes d ·ennui et de diiffi'cultés; et surtout lorsque le montant de l 'indemnité communale . allouée au secrétaire paraît insulffi'sant. Ce n'est pas qu'il existe à ce suj et d es pri!1ôpes uniforme , ni que des règlements ,précis aient fixé les échell es de ces indemnités : c 'est au secrétaiTO qu'i• appartient d 'en débattre le taux l avec son employeur . Mais dans nombre de départements, et d 'ordinaiTe après en tente avec l'autorité préfectorale qui leur donne alor son assentiment olfficieux, les secr étaires de mairie se sont mis d 'acc0>rd sur le • ourcentage de la p r étribution à demander aux communes, savoir : une indemnité m~nima, qui est fixe et identique pour toutes les localités du département, et à laquelle s 'ajoute une indemnité va1·iable, calculée e,n raison du chiffre de la popula-
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tion. Sans donner force de loi aux barèmes ainsi étabiis, le Conseil départemental le fai t généralement siens et n'acco1xle les autorisatioos demandées qu 'auta-Dt que ces barême sont respectés. Si l'allocalion proposéle .IUJi. ;paraît.. faible, le maire en est informé par les soins de ! 'Inspecteur d 'académie ou d.u Préfet; il arrive à peu près toujours, à la suite de cette démarche, qu 'elle est relevée au taux demand6 : l 'autorisation dès lors ne manque pa~ d'être accordée . . Dans la pratique aussi, il est d 'usage qu'en atlendanl l 'agrémen t du Conseil départœnental , et sans cette autorisation par· conséquent, les instituteurs remplissent néanmoins les fonctions de secrétaire : le Conseil d~partemental ne se réunit en effet que de loin en Join, une fois par trimestre,.et, jusqu 'au jou1r de la réunion, il faut bien pourtant que le ervice du secrétariat· soit assuré dans la commune. ·Provisoirement donç, les instituteurs s'en chargent dès leur installation, san que personne y l'asse opposition à aucun titre. Toutefois beaucoup d 'entre eux ne manquent' pas ,d'informer aussitôt l 'Jnspecieur d 'académie de cette situation temporaire et de solliciter de lui une autmisation provisoi,re, q,rni n ·a rien de légaJ, il ei;L vrai, ni d'ohlig:1toire, mais qui cependant met leur responsabilité adm inistrative plus ou moins à couvert. G'est une pratique qu'il convient de recommander aux débutants. Pa'!· la même ocqision, recomm.andons-1.eUJr de ne jamais omiettre, dans la demande qu'ils produisent ainsi à leur Inspecteur comme dans celle dont ils saisissent le Conseil départemental, . les deux indications suivantes qui sont indispensables : population de la commune, montant de l 'indemnité prévue au budget• communal (avec les frais de bure.tu s'il y a lieu)
2. Pour et contre le secrétariat de mairie ; 1° Contre. La fonction de sec.n¾a·i re de mai'rie a pour J 'instituteur
plus d'un avantage, a'UI iPremier rang desquels se place natmel:lemenl la rétribUJtion correspondante, qui, dans certaines véigions ou dans oertaine..s corrununes, atteint nn chiffr.e attirant. 1 'fous songeons, en écriv,l nt ces lig ne:,, à un département où les indemnités de 1.000, de 1200 ou 1500 francs ne sont pas très rares; eJles constituent da.ns un budget d'instituteur un appoint toujours appréciable et non moins bien accueilli. Ailleurs sans doute la · man n'e tombe avec moins de libéralité, mais elle est, mê~e plus modeste, partout la bienvenue. ·
�Cependant plus d'un institut.e ur hésite à se charger de .cette fonction, la refuse même ou demande sa nomination dans une commune où il ne sera • as fait appel à lui pour p ce. travail. Quelles sont donc les raisons de cette attitude ? Il faut les connaîtTe pour savoir au juste à quoi s'en tenir. D 'abo~d le su1Pcroît de travail ; et on est bien obligé de convenir qu ïl est considérable. D'année en année, par la .complication toujours plus grande des rouages administratifs, le flot de la paperasse monte, monte, sans anêt, et il appa.rait bien que ce progrès ou œ mal soit sans remède. Plus d ' un insi'itu<le'll'r nous a confessé qu'à certains momen:s de i ·année, clairsemés par bonheur, le travail scolaire devient presque powr l,ui la be.sogne acc.es.soire, tant les écritures et les travaux de mairie sont abondants -et p:ressés. Ceux-là le déplorent, mais que faire ,en pareille oocu:rrence ? Il ne se peut guère alors que la alasse ne souffre pas, peu ou prou, de 0l surmenage à côté; on s'y résigne comme à un mal inévitable eL l 'on en prend, à son corps défendant, son parti, mais cette résignation bougonne ou pfacide n'arrange pas les choses. « A mon avis, nous disait UJil jour quelqu'un du métier, l 'emploi de secrétaire de mairie ne devrait pas être ieocerèé par lllll instituteur, et encorre moins par une institUJtrice. Dès la fin de la classe, .p endant la récréation même s'il n'y met pas bon ordre, l 'i!llSLitutem: secrétaire de mairie est .continuellement dérangé; à peine luii laissei-t-oo 1'e oomps de prendre ses repas et de sourffie1.' UŒ1 peu après la olasse. Très tard quelquefois, à sept ou huit helllres diUJ soir, il lui faUJt recevoir des visitem:s et se transformer en tenanc.ier d'une agence de -renseignemants. -VeUJt-il, sa olasse terminéè, faire U!Il peu de jardinage? On l'apjp8lle po111r une déclaration· quelconque, ou pour une réclamation, oo pour ceci ou pour cela. A-t-il en tête quelque projet de SOTtie ou de promenade? Voilà qu'au, momelllt du départ il faut dres,ser qtrelque acte de J'état-civil, chercher et donner un renseignement urgent. Si bien que le repos gagné par une. journée au milieu; de ses élèves se passe encore en écritures, dans u!ll local qui n'est pas toujours sain ni bien
aér-é.
S'il pouvait au mo~ns jouir en paix de ses vacances 1 M.ais non, il ne perut abandonner sa mairie pendant qu,aire ou oinq semaines. Il doit quitter sa. fa.mi1 e, qllllÎ. se r-epoëe B à la mer ou à la campagne, pour venir voir oo qui se passe dans sa commune; le maire, en effet, n'est pas toudou:rs
�assez instruit poUir expédier les m,emues affaires courantes, ,pouT rép,ondr,e à une note un peu ambiguë ou compliquée, et la présence du, secr.taire lui serait presque constam/lilent indispensable. , Quels ennuis auS6i oo temps d'éilec:tioos, par e.x,eim,pie, si l 'instituteur ou même l 'institUJtriœ, « ill(tme &ootrice », s'avise de donneir son op.inion sur tel parti ou iel candidat ! L 'emploi <le secrétaire de mairie est, à coup silr, rétribué ; il n 'est pas rare même qu'il le soit bioo. ,Mais lestraitements actuels des instituteurs son~ aulllisants pourqu'ils ne soient pas réduâtl.s à y ajouter UIIl aiuitre saJaire, SU!rtout quand ils sont marié6 à l 'insLitutriœ et que dewc: traitements s'additionnent. Un institu:temir chargé de famille pourtant ? Peut-être; et -encore n'est-ce pas certain, car en pareil cas les indemnités pour charges de famille viennent compléter le traitement. En revanche, UIIl instituteur quj s'occuperajt sérieusement de jardinage, d'a,pôculLll!re, d'éllevage, y gagnerait presque a, ,tant q,UJ'à tenir le u secrétariat, et sa santé très certainement n'y perdrait rien. Pour une institutrice, la fonction de secretaire de mairie est beaucoUJp L'rap absorbante; ou alors il faut qu 'e,l,l,e se résigne à négliger ménage, famiHe... »
3. Pour le secrétariat. - Et voici maintenant l 'autre, son de cloche : Si, il faut que l 'institUJteur (ou l 'institutrice) soit secrétaire de mairie. De toute évidenoe, c'est pour luii UIIl supplém ent de travai,1, mais UIIl tmvail qui lui révèle bien des choses et l'initie à bien des affaires; et c'est surtout l'occasion d'un supplément de ressourœs qui n 'est pas, tant s 'en faut, négligeable en oes temps de vie chère, même dans un ménage d'instituteurs. Cependant cette raison d'ordre 1µécwlira.ire, si conv,ai.ncante qu:'elle s-oit, n 'est pas la seule e~ n 'est même pas partout • plus importante; il lra est des raisons d'ordrn morai qui sont pllus qu'elle encoce dignes d'attention. Et d'abord, dans cette c.a:renoe de l'instituteur, à qui remettr,e le servioe du secréitariat ? Trouve'1111-t-on dans la commune une pel'SOIIlne, homme ou-fe:m:me, assez i,nstruite poor se tenir avec quelque régularité à la disposition du public ? Souvent non. Le réSU'ltat le plus · certain serait alors du mécontentement contre l'instituoour ou ~'institU!trice, qu'on accu,se,rait de mauvaise volonté ou même d'hostilité à la popn.i,lati:on, et à quii ·on ne pardonnerai_ guère ce qiw'on ne manquie.rait pas d'appeler leur t
�- 244m.anque d'obligeance et de zèle. Noos avons vu le cas, et le conseil! municipal réclamer à cor et à cri um maître ou uine maHresse qui consentît à être <~€Illier ». Que peut-il arriver encore si .l ïnstituteur se dérobe ? Que le secrétariat ,p asse aux mains d'un adversaire ardent da l'éloole laïque, d'un combatif - cela se voit - qui mettra Lur, grand empressement à l'accepter, parce <}J\16 ce lui sera une arme de plus, une arme redoutable, dans la l ,guerre qu 'i• soutient. MiUe occasions s'offriront ,à lui de peser sur les fam;Jles ou de se les. attacher, de faire pression Sllfr le conseil municiipal, de :lutter contre l 'école publiq:rue (l,e maître ,lui-même s ·y sera prêté par son refus) .et d',en d,é,tourner les sympathies : c'est un dangeir auquel il faut, par endroits, veiller de. près, de très près. Et cela même dit assez tout ce que I'i1,1stituteur poot gagner en syrrupathie et .en crédit oomm/e secrétaire de mairie, l'asœnoomti qu'il peut conquéiriir et le bien qu'il peut faire à l'école par œs seules fonctions. Non pas qu'il lui faille oompter plus q:ue de raioon sur la reconnaissance des gens qu'il aura obligés, ni qu 'il ne soit exposé à des démêlés avec tel ou -tel ; mais les rapports pl'l.l.s fréquents qu 'il a presque avec tous, et le caractère plutôt bienveillant et ,cordiaJ. de oe6 rapporls, .feront saru; peine ·q:uoe l'instituteur et l'école récolteront bien des avantages que l'obligeance et .l 'amabilité du secrétaire communal auront semés. Cet aspect de la question est d 'une haute, importance dans ,ptlus d'une localité, et beaucoup de maîtres ne s 'y _ méprennent :pas. Nous en avons ,entendu qui, hostiles au z;e. èrétai:iat pour vingt bonnes raisons, ne laissaient pas œpendailt d'en exercer et même d'en rechercher les fonctions, à cause de tolllS les avantages d 'ordre pour ainsi dire moral qu 'eux-mêmes· et l'école en retiraient. Pour ,pteu, nous disaient-ils, que l'on sache oo mettre à la ·portéie des gens et faire preuv10 de compla'i.sance, on peut acquérir beauCOU!p d'autorité dans la commune (au moins si l,e,s familles prisent dejà l'instituteur en tant que nmître) ; on connaît mieux la ·p opulation, on en est davantage connu ; on a avec elle dies rapports moins Jointains et moins effacés, comme aussi. avec le maire et le conseil municipal, et · l'école en retire l}rofü; on a l 'oocasion de donner aux familles bren des avis, d 'en reoeivoir plus d 'un renseignement utile, d 'entrer en propos avec ,les parent,s, etc. Et tout ceJa paie lar~ment le S'lllpplément de travail, déjà salarié par ailleurs, auquel on est astreint. On n'éproUNe pas non plus de d~ffic u,Ïtés sérieuses, dans la plupart des communes, à
�-:,45établir quelqœs règles pour limiter un peu les démangements. Tout d'abord on obtient sans beaucoup de .peine, fill. s'abritant derrière le règ,lemen.t et en en respectant à la lefüe les ·p rescriptions, que le secrétaire de mairie ne soit pas distrait de son travail scolaire pendant les heures de classe; chacun y mettant du sien, chacun, instituteur ~t habitants, renonçant par des concessions mutuelles à quelques commodités, on arrive sans heurts et sans chicane, tout ami~lement, à établir un modus vivendi acceptahle pour LOus ,el qui n'impose à personne llllle gêne bien sensible. Il' saute aux yeux qu'à la campa,gne ·les gens ne sont, pias maîtres de leurs instants ; ils sont aux champs à l'heure où Je secrétaire de mairie pourrait les recevoir, et quelquefois c'est très tard dans la soirée ou c'est juste à l'heure du repas de midi qu'ils disposent de quelques loisirs. lis accourent alors à la m.aÏ'rie s'ils y ont à faire. C'est bien pis encore quand la popUlla.tion est éparse, comme il arrive dans maintes régions, et que les maisons sont éparpil1ées loin !"une de l'autre sur tout le territoire ~ l,a corrunune. Il ,est de oes localités où la po,puilation dISSéminée ne vient « aUJ bourg » qiue [e dimanche, ayant à paTCOurir quatre ou cinq kilomètres par des chemins difficiles; ce jour-là, il serait Mcheux que le secrétaire de mairie fût régu:lièrement introùvahle, car chacun profite de la circonstance _ pour venir, tantôt comme particulier et tantôt comme .père de famil1e, le consulter s'il y a lieu. Ces nécessités locales, l 'in.stitute~r ne peµt les tenir pour inexistantes et s'y sousfraim. Ce serait s'exJX>ser à passer pour désagréable . et récalcitrant, pour insociable et hautain, pollll' une manière de monsieur prétentieux q;ui vit à l'écart de tous e,L autrement que tous. Ce qui, à l'opposé, ne doit pas signifier non plus que le secrétaire ùe mairie est taillable et corvéable à m1erci, sans souci de l'heure et sans souci de son repos, ni qu'il est sans r-éserve à la disposition des sofüciteiurs. .. ou des importuns. Encore une fois, il n',est pas · malaisé d'en venir sur ce chapitre à une entente cordiale qui donne satisfaction à tous et q,ui concilie tous fos intérêts. C'est même une question qu'il serait expédient et sage de regler dès le prenuet jour, lorsqiUle l 'instituteur discute avec le maire - si tant esf qu 'i,l y ait discussion - ,les conditions qui lui sont faites .. Qui e:m,pêch~ alors de réglementer le service de la mairie, de fixer les heures où, pou:r parler· le langage administratif un peu pédant ici, cc les burreaux sont ollM!rts » ? Réglcmenl.ation qui ne peut être d'ailleurs aussi rigide que dans
�les vil1 les, mais qui pourtant assume à l 'instituteur la tranquillité e t la liberté, auocqrnelles, comme tout le monde, ii a droit. Quand l'école mixte est dirigée ,par , une institutrice et que ceUe-ci remplit les functions de 5ecrétaire de mairie, il devient plus n écessaire encore d'éviter qu 'à toute heure elle soit importunée ou troublée intempestiviement dans ses besognes d 'intérieur. Mais oe n 'est pas là non plus chose impossible ; et pour ~tre un peu plus grandes qu'.4: vec un instituteur les dilfficuJtés ne sont pas insurmontables. Il ne ·ag it qœ de bonnes habitudes à p1 rendre ou à faire prendre, et Ulll peu de fermeté tenace y sulffit If'. plus souvent, à la condition qu 'eJ!le se tempère de bonne grâoe et de serviabilité. 4. Secrétariat de mairie et service scolaire. - L 'instituteur n 'est pas seulement dans sa oomm11De le secrétaire de la mairie ; il y est principialement, il est avant tout 1ïnstituteiu!r, e l c·est en cette qualité (EU'il y a été appelép~r l 'administration. D'où il suit que ses d evoirs d 'instituleur pirimtent de très loin ses obligatiorn1 advootioe.s et faoultatiV<es de secrétaire de mairie et qw'ils ne doivent jamais leur être· sacrifiés. li y a, nous le savons, des jQl\lJTs où la b esogne administrative esl pressante, où il faut établir eu ,p lusieurs expéditions des pièces dffi'ci,eUes, répondre d'urgence et même d 'extrême urgence à des notes impératives, etc. ; mais il y a une tâche, dfficielle aussi, qui est a,rutrement urgente ou impérative, c'est à savoir biien faire la classe et donner aux élèves tous les soins qui l eur sont dus. Celte tâche-là, aucl]Ile autre n 'a sur elle la priorité, aucun autre ne peut empiéter sur elle. Sans doute n'est-il pas tout à fait vain de le rappeler à certains maîtres, qui sont tentés par moments de ruser aveo elle et qui , pendant leur classe. même, vaquent auoc travaux du secrétariat de lia mairie : on ne nous le contestera pas, nous l'avons vu de nos yeux. Ils ont tort, ~ls ont grandement tort ; et parce qu'ils n e sont pas alors les serviteùrs intègres du devoir professionnel, et ,p arce qu'ils donnent à ·1eurs écoJim, qui savent fort l:iien à quoi s',en. tenir, un exemple condamnab1e. JI ·y a long lemps déjà (1875) qu'une circulaire ministé,riel.le a rappelé à leur devoir d'éducaoours les instifoteurs délinqu~nts : « ... Le Conseil supérierrr a remarqué que les oocupations du' secrétaire ne sont pas toujours réglée de manière à oondlier suffisamment les devoirs d e l 'institJJ:te,u r avec les fonctions adminis'. ratives. J1 a considér é que
�-:J47l'autorisat-ion accord ée par le Conseil départemental ne peut en aucun cas permettre aux instituteurs de s'occuper, pendant les hen:res de classe, de travaux: élrangers à l'enseignement, et je partage absolument cet avis. Je ne saurais donc vous recommand:er trop instamment de veiller à ce que, sous aucun prétexte, les instituteurs communaux aulorisés à rempfü les fonctions de secrétaire de mairie s 'acquitlent de cette Lâche sans nuire à l'accomiplissement de leurs devoirs ,professionnels. Si les maîtres enc.o~ient quelques· reproches à cet égard, vous ne devriez pas hésiter à proposer· au Conseil départemental de leur retirer l'autorisation qui leur avait été précédemment accordée.. » A d'autres reprises, le Ministre a rappelé cette priorité inviolable du service scolaire SUT le service dUJ secrétariat ; il a rappelé, par eocemple, que « l'inslituteur doit tout d 'abord assure'!' le ser:vice scolaire; un arrêté mU1I1icipal concernant le service du secrétaire de mairie ne saU:rait lia.ire obstacle aux dispositions réglementaines qll'i obligent l'instituteur à assurer la surveillanœ des élèves pendant lïnterclasse ». (Journal Officiel dUJ 21 novembté 1925), . Faut-il insister sur la faute grave. que peut commettre un inslituteur en détournant un enfant de son travail de classe, pou~· en faire son copiste ou so~ factem dans des travaux qui relovent du secrétariat de mairie seul ~ Car il se vrouve, paraît-il, des maîtres assez malavisés ,p Pur occup€r parfois de grands éilèves, pendant la c)rasse, à des copies de délibérations du C0nse-il mU!Ilici,pial oUJ de pièces du même genre. Est-ce donc pour oola que- les enfants viennent à l'école ? Ces maîtres ne voient-ils pas qu'ils s'expo~t'nt à mécontenter les familles et la municipaliré elle-même- ? Mieux encore : on nous en a cité un qui, dans une c.omnmne .dh,S;éminée, usait -d'un enfant comme d 'un vaguemestre ou d 'un a,ppariteur et lui faisait ainsi perdre bel et bien l:es heures mêmes de la classe. Est-ce là cho~e tolétnable?
5. Fautes à éviter. - Nous citions, il y a quelques pages, cette parole authentique d'un instituteur ou d',u ne institutrioe disant, d ans son réquisitoire contre le secrétariat de mairi e : « Quels ennuis aU!Ssi, e,n terrups d'étl,ections, par exeniple, si l 'instiluteur, ou même l'institutrice, « futme électrice », s'avis~ de donner son opinion sur tel p,arti ou tel r,:i ndidat ! » Nons touchons par là aux pr.écautiom,. c 'est-à-dire à la prudence et à la réserve qu,e doit s'imposer l 'im-titu.teur secrétaire et qu 'au.."-Si bien nous avons eu tant
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de fois l 'occasion de recommandeT à travers les chapitres de c.e iivre. Donner .son opinion sur ~el parti ou Slllr tel candida t? Gardo11s-JWUS en bi.en, comme d 'une grosse maladresse d 'où pourrait naître pourr 1 bavard in.stitutem ~ ou la bavarde institutrice plus d 'un sérieux · ennui. Nous nous sommes expliqué avec détail sur oes choses, tantôt en étudiant les rapports de l 'instituteur avec les · autorités locales, tantôt en es.53.yant de définir son attitude politique. Prendre position aussi ouve,r tement pour et suirtout contre l'un ou l'autre candidat, en temps d 'élections, ·en piarlic.ulier s'il s'agit d 'élections munic ipales, c'est aller Mimême de. gaieté de oœur au-devant des désagréments et d es « histoires ». Un maître avisé s'en garde bien; il sait tout le prix du silence et de la neutralité; il sait qu'il su!ffit d 'un mot maladroit pour se créer des inimitiés aiguës, qui s'obstineront peut-être à . n e lui liaisser ni trêve ni répit. ituteur doit s'ap!Pliquer à garSecH~ taire de mairie, l 'insL der son indépendance : il n 'est a,u service particulier de pe.rsonne, il est fonctionnaire · communal, rien de plus, rien de moins. .Tenù, la chose va de soi, à des égards envers le maire et l«;i conseil m.unicipaJ, iJ n 'en est ,p as pour cela le vale.t ni 1 'homm.e-lîge ; il n '€St ni leur client ni leur inférieur. Que demain les hasards électoraux promewvent à la mairie un adversaire du maire actuel, il faut que l 'insti-tuteur ait assez sauv,egardé sa liberté et sa dignité pour n 'être pas entraîné avec le vainc u d:ans sa d éroUJte. P ar contre, il serait bien impmden·t si lui~~êm.e, piarce que le maire n ·est qu'un' p aysan ou' un ouvrieT sans gTande linstrùction, s 'avisait de joute1i 1es m aires du palais et d ' usurper en fait le rôle du premie r magistrat ffilll.nici,pial. Au village autant qu 'ailleurs, plus qu 'aiUeurs m êm e, et sous d es airs bonhomme ou détach és., l(l m aire est souvent très jaloux de son .titre et très e ntich é d e ses droits ; il souf: fre impatiemment qu'on ,eintrepœnne sur ses ,p ouvoirs ou qu 'on paraisse le traiter en quantité quel.que peu nég1ig- abl.e. Plus d 'un instit.utem fut bien rnal._inspiré en l 'oue bliant ; il fut bien mal inspiré d e vouloir « m e:ner la comm une .», et il eut à s'en repentiT. Ce n 'est pas l à le rôle de 1'insl itu teu,r, m êm e secrétaire ·d e. m airie. Son autorité da ns la commune doit être faite d 'autre cho,se, s'exercer d 'autre sorte ; pour être morale ,e,t non administrative, e.lle n 'en i;,era pas maihs assurée, ni moins elfücace, ni moins bienfaisante. Chacun à sa place et ·dan s son rôle ; à cb ,1cun ses attribuitions et ~s responsahifüés.
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Nous avons dit précédfflllment, en étudiant la vie privée de l'institute'U'r, que, sans attendre de lui un désintéressement -stoïcien et sans qu'il ait à jouer au grand seigneur, on pouvait néanmoins en espérer un certain détachement et le croire mû par d'autres sentirrwnts que l'a,pipétit du gain. C'est dans sa fonction de secrétaire peut-être qu 'il en fournira ,l e mieux la preU've. Les particuliers auront besoin de son aide, recourront à lui dans bien des circonstances, lu.i. demanderont de menus servicoo. Nous ne soutiendirons pas q.œ ces servi·œ s il les doive et qu'il lui faille les rendre graci:euse~nt, avec une débonnaireté dont on abuserait vite; mais il serait triste qu'il n 'y vît qu& des iplfétextes à profits, qu'il apportât à S(l faire dédommager <ile sa peine une ,âpreté et une ténacité malheureuses. Toute peine mérite salaire, chacun le sait et tient l'a chose pour juste ; mais il est des peines dont le meilleuT salaire est justement de n 'être ni rétribuées ni salariées : on en retire des satisfactions d'un toub autre ordre et qui sur.passent en val,eur towte rémunération pécuniaire·. Plus qu 'à l 'instituteur, le secrétariat de mairie impose à l'institutrice des réserves etJ un tact dont · il n'est pas mauvais, croyons-nous, d'avertir 'Plus d'une d~utante. E.Ile est d'o:rdinaire dans sa commune- la, ]?0rsonne la plus instruite et l 'une de celles qui ~nt le ,plUIS en vue; elle a une éducation et ooe tenue plus soignées que toute autre fumme, et ses fonctions de secrétaire la mettent en relations fréq:rnentes avec le maire, avec le public, avec tout le monde. Il pourrait en résulter de la part de certains quelques assiduités d 'assez maUJVais aloi. Qu'elle reste bien à sa place, qu'elle obsef'Ve et fasse observer les distances, sans hauteur, il s'entend, ni pédanterie, mais de telle sorte que chacun, en sa ,présence, se sente tenu au respect ,et à la réserve. Cette attitude de dignité et de bon sens, elle n'aura jamais à s 'en repentir. Mais elle pourrait avoir à déplorer avec amertume les conséquenCet, d''une attitude plus familière et moins retenue. 6. - Quelques conseils. - Ses fonctions de secrétaire de mairie peuvent quelquefois, en dehors de touté considfr1tion concernant sa .t âche scolaire, placer l'instituteur dans une situation délicate où il lui faut une vigHance et une att,e,ntion toutes particulières. Ce sera le cas, par ,exemple, si le maire OUI m~me la municipalité dans son ensemble sont en défaveur auprès du corps électoral et se trouve.nt en butte dans la commune à une opposition puissante qui
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les ernportera aux premières élections. Il peut se faire alors qrue, d 'opinion avancée, la munici.palit-é no11vel1e èn veuille à l'instituteur d'avoir été au, service d 'une municipalité conservatrice; ou que, d 'opinion « réactionnaire » ,elle lui garde rigueur, au contraire, d 'avoir été le, serviteur d 'un maire et d'un COI_l,seiil mœnicipal réipUJblicains. Ces choses se voient, nous les avons vues; et de quelqll'e petit esprit qu 'elles puisse.nt témoigner, il faut s'y accommoder et les subir. Dans l 'un co:mrne dans l 'autre cas, il pourrait advenir qu ·on retir&t à l'instituteur le secrétariat, cè qm ne se peut, d 'aihlelllIB, san.s autre forme de procès et même sans .que joue l'article 65 de la loi des finances du 22 avnl 1905, dont nous parlerons à la leçon sui.vante. Mais, sans pousser les choses à c&tte mesure extrême, les rnaître,s de l'hewre pourraient lui .marquer une froidèur ou m!êrne une hostilité qui n'amaient pour lui rien d 'agr éable et lui sebre. Rairai.e,n t matière à tracas ou agacements sans nom1 son de plus pour insister sur un consei1i donné tout à 1'heUJre et qui, valable ,partout, vaut surtout dans les communes tiraillées et divisées : garder son indéipendance, n 'être l'homme-lige de personne, n 'être embrigadé servilement dans aucune coterie ni aucun parti ; et cette indépendanc.e au-dessus des partis est nécessai11e à l 'institute-ur, ,puisque son école n 'est et ne doit être d'aucun parti, qu'elle doit être institution de concorde et d'union. Sans faire l,e moins du rqonde abdication de se,s opinions poli-: tiques," le secrétaire de mairie n 'a pas non plus à en faire état, encor.e moins étalage, dans sa tâche de fonctionnaire communal; il n'a pas à se .déclarer poUT ou contre tel ou tel ; le. travail qu'il fournit n 'a rien à voir avec des manifestations politiques quelconques. Comme le dit un adage populaire - cc bien avec tout le monde, mal av!:)C personne », - l 'instituteur, même en tant crue secrétaire de mairie, doit êt.re en accord avec tous, n'être en b1,ouill e avec aucun. C'est bien dilfficile quelquefoi• , la chose n'e ·t s pas douteuse, car le monde n 'est pas composé seulement de gens conciliants et pacifiqu~s ; mais c'est aisé, par bonhem, dans la plupart des communes, pour peu que chacun y me tte du :-:ien, que le maHre sache se montrer bienveillant et serviable et qu 'il sache aussi se tenir 'à sa place. De maire à secrétaire de mairie, .Ja' situation est cell e, d 'employeur à employé, et un peu par conséquent celle de supéri,e ur à subordonné. Encore ne faudrait-i l pas exagérer cette subordination, et voir dans l,e l'\CCrétaire de mairie un banal serviteur à gages. C'est bel et bi-er un contrat
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�qui lie l'employeur à l 'employé, un contrat que ni l ' un ni l 'autre n '-est libre de modifier ou de rompre à son gré; un contrat qui leur impose à tous deux des charges et des devoirs, dont, en premieF lieu, le respect rocÎiproq,ll'e de lem liberté dans les limites mêmes de le'Wr engag.ement. Et en disant cela, nous songeons à tel ou tel rrmire-tyranneau que nous avons connu et qui, acharné contre u son » instituteur dont les opinions politiques ne lui semhlaie1.'lt pas avoir la teinte voulue , mais ne pouvant rien contre lui !parce que son service d 'institu,teur, était irréJprochaole, s ·en prenait sans r épit au secrétaire de mairie e t ne savait quelles tracasseries inventer. Le révoquer ? Il ne le pouvait pas, car sur ce point aussi l'instituteur était sans reproch e. Celui-Qi d 'ailleurs savait parfaitement, tout en ue fournissant aucun grief à 1-on ennemi, garder avec toute la pondération nécessaire le calme le plus entier et la pîus parfaite dig nité ; il ne rendait pas les coups, mais son attitude annihilait ceux de l'adversaire.. Tant et si bien qu 'un jour le conseil municipal, à l 'instigation du! ma ire et en l 'absence de l'instituteur, prit une délibération où il se décla.rait décidé .. . à ne pas délibérer u tant que 1'instituteur secrétaire de m airie serait en fonction dans la commune ». A quoi il fut répondu, par qui d e droit, que le secr étaire de mairie n 'était qu ' utn fonctionna ire communa l e t q:ui'il n ·appartena it qu'à l'autori té municipale d e s 'e.n séparer si elle le jugeait nécessaire. Les élections municipales, l'année qui suivit, mirent fin à la h1tte en renvoyant le maire à ses occupations · de simple particulier ; et le nouveau m aire, quoique bien éloigné par les opinions de l 'instituteur la'ique, le traita sincèrement en ami . Cet instituteur avait pou'r lui la plus grande des forces : aucun tort n 'était de son côté. Voir.i un cas qui se présente quelquefois ·: l 'instituteur qui prend sa r etraite se; fixe dans la commune où il exerça it et il conserve le secr ~tariat de la mairie, afin d 'augm enter d'a utant sa pension d e retraite. Il peru.t y atVoir là, enlre l 'ancî,e,n et le nouveau maître, motif à des froissem ents et à d.es tiraiJl.èments ilâcheux. Que faire alors··? Ri en , sinon accepter sans aigreur la situation ainsi établie et n 'en être ni m oins bon maître ni moins bon collèguie. li e t d'un sage de se résigner sans vaines récriminations à ce qu'on ne peut ·empêcher et de n'en pas dévier pour C (',Ja de la ligne droite . La pire attitude, en pal'eille circonstance, c'est la guerre so,urnoise, à coups d e on-dit et de phrases h ypoorites, la guene à coUips d 'éiping,le et d'allu-
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�sions malveillantes; et cetle gu~rre-là, il ne faut pas qu'un institutew· la fasse; elle décèle une ,petitesse d'esprit et de caractère dont il ne doit pas se rendre coupable. Nous n'avQ_ns pas pour rôle ici de dire aux jeunes maîtres quelles' doivent être les qualités d'un bon soc.rétaire de mairie : l'ordre, le soin, la ponctualité, etc., pas plus · ~ nous n 'avons à leur donner des indications pratiques sur les travaux qu'ils auront à exécuter et dont la liste n'est pas brève. En forgieant ils deviendront forgerons ;_ nolls voulons dire que la pratiqj e du métier, la rédaction u des actes olfficiels, etc.. , leur deviendront vite familières ei qu'ils seront promptement experts à expédieir les affaires courantes. Conseillons toutefois alllX débutants de commenoer .par étudrer d'U'll peu près la loi municiipale du 5 a-vril 1884; ellei leur apprendra bien des ch6ses qu'ils ont besoin de connaître sans pl'us tarder. Un FormUJlaire quelconque, un Guide du secrétaire de mairie les aideront ensrnte ài se tirèr d'embarras dans les circonstances ordinaires, et même dans de moins accoutumées. Il n'est pas jusqu'à nos journaux pédagogiques eux-mêmes qui ne &e mettent à publier chaque semaine ou; chaque quinzaine un Memento du secrétaire de mairie qui servira sûrement à plus d'un. Une recommandation instante encore : qu'ils apportent le plus grand soin à la tenue des registres de l'état civil. Ils doivent savoir qrue ratures et sUJrcharges ne s'y font pas à la légère, sans plus de façons et sans que cela tire à conséquence ; ils do-ivent savoir que l 'o,r thographe des noms propres doit être soiigneusement vérifiée avant que ces noms soient inscrits sur les registre6, faute de quoi on s'expose à voir des fils légitimes ne ,p as poirter, au point de vue orthographique, Ie même nom patronymique que leur père, etc. Sommes-nous. trop sévère en pensant et en écrivant que œis qualités de soin matériel, d'écriture correcte sinon -éMgahte, d'orthographe impecoaole, qui sont de premier ordre pour un bon secrétaire de mairie et qui ne son,t pas non plus insignifiantes pour un instituoour, nous semblent peu a,pp11éciées de certains jeunes maîtres ·et peu en honneur chez euoc ? Les institurtriœs méritent moins souvent ce reproche, ét l'on ne voit pas que leurs classes y perdent; on voit hien, au contraire, tout œ qu'elles y gagnent et qu'on serait heureuoc de rencontrer toujours dans les classes des jeunes instituteu~.
�CHAPITRE X IV
Les droits des instituteurs
Leur statut. Çonseil départemental. Garanties contre l'arbitraire.
l·. 2. 3. 4. -
5. 6. 7. 8. 9. -
De Guizot à nos jours. Communication du dossier. Le Conseil départemental. ~ Adminislraleurs el administrés~ Avancement et récompenses. Peines disciplinaires. Nomination el déplacement. Le déplacement d'office. } Conclusion.
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1. De Guizot à nos jours. - Dans tous les chapitres qui pvécèdent, il a été plus soll!Vent question des devoirs des instituteurS1 quie de le.urs droits, d,e le.urs obligations ,professionnelles ou de leurs charges que des avantages . ou desga:ranties qui ont été institués en leur fa~Ul' .par .la loi. Il n 'est donc pas hors de propos, pour terminer, d'examiner ces avantages et ces garanties, afin que chaoU1I1, les. connaissant bien, sache à quoi il e.st tenu et à quoi, il a l droit; quelles exigences ou quelles réclamations • égales il peuit formuler, dans quelles conditions ow dans quelle& limites. Il est assUTément nécessaire que chacun soit instmit de ses devoirs, qu'il ait eu maintes fois l'occasion d'y réfléchir, qu 'il ait fait effort pour Jes apercevoir sous lell:t'Saspects divers et dans toute leill étendue, parfois dans leurs détails les .plus précis ou les plus inwurpçonnés : on n'en est que mieurx: en .état, cette étude faite, de 1es bien comprendre et,de les bien remplir. Mais il est fort utile aussi d'être instruit de ses droits; on est moins exposé de la
�-sorte soit à les laisser méconnaître, soit à les dépasser. Or ce sont là deux attitudes également .:Câcheuse6, parce qu 'elles ont un même résultat, qui est de permettre. l'injus.tice ou de la c:réer. · Un statut légal pour les instituteurs est chose ancienue ,déjà : il date du jour où l'enseigne.ment pub.fic a reçu en France une organisation d 'Etat, a été pou'ïVU par consé.quent d 'un personnel recruté dans certaines conditions, .soumis à certaines règ1es, mis en possession de certctins .avanlages ; püli'r le dire autrement, ce statut a commencé vraiment d 'exister le jour où l'instituteur est devenu un .fonctionnaire public. Lié alors à l'Etat par un contrat véritable, il a su avec précision ce que la loi exigeait de lui, les conditions qu'elle mettait à son ,entl'ée dans les cadres et à l'exercice de -sa fonction, mais ein retour aussi a quelles obligations l'Etat était tenu envers lui et ce qu 'il lui accordait en échange de son travail. Passons sous siJe.nce les tentatives si remarquables, mais éphémères, de la Révolution; c 'est à la loi Guizot de 1833 q·u 'il faut arriver pour voir s'établit et se fixer les premières règles importantes de ce statut professionnel. Il n 'est pas sans intérêt ni même sans utilité de les rappeler aujouro 'hu.i : les retours sur le passé sont quelquefois ple ins de leçons. La loi Guizot (r) faisait de l'institutem' un fonctionnaire communal : 1° C'est sur la présentation du conseil municipal qu 'il était nommé paT le comiUéi d'arrondissement. (Ce comité .d'arrondissement comprenait : le sous-préfet, le procureur du roi, le mai.re du che~-lieru,, un juge de P'aix, un eu.ré, un ministre de chacun des autres cultes, un principal de collège O\J- un chef .d 'institution, un instituteur, trois conseillers d'arrondissement. .. ) 2° 11 ti1eoevaît de la commune, non de l'Etat, u111 traitement fixe, qui ne pouvait êtve moindre de 200 francs pour une école primaire élémentaire, et de L100 francs pour une école primaire supérieure. En sus de ce traitement Q.xe, il recevait par élève une rétribution mensuelle, dont le taux était fixé pa;r le conseil municipal, et qui était perçue dans le,s mêmes formes et selon les· mêmes règles que les contriputions publiques directes.
(1) Rappelons en passant ses di positions fondamentales : un e école primaire élémentaire (au moins) dans chaque commune ; une école primaire supérie.ure dans les chefs-lieux d e départem en t et dans les commun es de plus de 6.000 â mes; une école normale d'instituteurs pm: département.
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Elle entourait de règles fixes sa nomination et l'exercice de sa fonclion : Pour être nommé insfüuteur communal, il fallait avoir atle,int 1'1âge de 18 ans, posséder le bre.veL élémentaire, être de bonne vie e,t mœu,rs, n 'avôiT subi aU1Cune cond:amnation judiciaire. Le même comité d'arrondissement qui. nomrm.ait l~s instiluteurs procédait à leur installation et recevait leur serment (« Je jure fidélité au Roi des Français,. obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du: Royaume /J). Il pouvait, en cas de faute grave, les réprimander, les suspendre, et même les révoquer, mais toujours après les avoir entendus « en leurs moyens d e déf.ense n, comme nous disons aujouro'hui. L'instituteur révoqué pouvait d 'ailleurs se pourvoir devant le Ministre de ! 'Instruction publique,. E]].e l'a,d inettait au bénéfioe de fa r etraite : « Il sera éta-bli, dans chaque dépar:em ent, disait la loi, une · caisse· d 'épargno et de prévoyance en faveuT des instituteurs primaires communaux. Cette caisse sera formée par une retenue annuelle d ' un vingtième(1) sur le traitement fixe de chaque instituteur communal n ; elle pouvait en outre· reoevoir des dons et des legs. Enfin le breve,t élémentaire n 'était délivré qu'à la suite· d 'un examen subi devant une Commission départem entale_ On le voit déjà, on va tout à l'heure le voir d:avantag.e @core, ce dispositions d 'antan, qui étaient alors des nouveaulés, ont été depuis dépassées singulièrement. Le statut des instiLuteurs, tel qu 'il est à l'heure actuelle, prouve que le mond.e a marché depuis la monarchie de juillet et Cjle d ·autres conceptions, là comme partout, se sont fait jour .. pui,, ont pénétré dans les lois. Aussi bien , oe n'est pas dansune loi unique, c'est dans un grand nombre de textes l,égislatifs de toute ~pèce - lois, décrets, arrêtés, cÏircul'aires, arrêls du: Conseil d'Etat - qu'il :faut chercher la liste et la. nature des garanties dont la fonction d 'instituteUT est ·pré-· sentement entourée. Ces garanties se, sont élaborées pieu à peu, parfois à grand 'peine, et dans des circonstances assèz. diverses. Tantôt ce sont les pouvoirs publics eux-mêmes qui, dans leUJr sollicitude poUir l'enseignement national et pour son personnel, ont voulu donner à ce personnel la sécurité matérielle et la sécurité morale sans laquelle il ne(1) Depuis la loi sui· les retraites d'avril 1924, la r etenu e sur les traitements des fonctionnaires es l d e 6 %, au li eu de 5 % aupa-· ravant. ·
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peu:t vaqiuer à sa tâche de tollit son zèle et de toute sa foi. Tantôt, au contraire, ce sonL les campagnes et 1es revendications de ce personnel qui ont fait apparaître aux yeux du législateur l'arbitraire ou l'iniquité qui subsistaient encore dans sa condition et ont obtenw à la longue les am«91.ioratons désirables et justes. D'aucuns se sont émus ·parfois, ils se sont même scand!ali.sés de cette audace de fonctionnaires de l'Etat se retournant contre l'Etat et deinllndant à la puissance publique dont ils sont à leur manière les délégués Ullle amélioration de Leur sort ou de leur statut professionnel. Nous ne pa1tageons ni cetL-e émotion ni cette inquiétude. Pour fonctionnaires qu·'ils soient, les instituteurs sont des citoyens aussi ; et les devoics comme les droits qui en résultent pour eux à ce double Litre ne sont pas nécessairement et toujouTs contradictoires. Nous ne nions pas qw'il peut y avoir des revendications insoutenables - lo. surenchère joue là comme en politique - , malencontre11semeint présentées ou soute.nues; nous ne nions pas que le rôle de perpétuels mécontents ou d 'agités, s'il pouvait êtt-e prêté aux instituteurs; le1f aiiénerait de fermes sympathies 4 dont ils ont besoin et qutQ;O aillait bientôt dié,considé:rés ï-.. nous ne nions pas qu'il serait désastreux que la corporation enseignante parût s'insu•rger contre les pouvoirs publics et s'exposer par cette atLitude à soulever contre elle, pour des reivanches qui lui seraient funestes, et ces pouvoirs e eux-mêmes et l'opinion publique, avec • ux. Mais cela. dit sans ambages, comll')'.le une poign·ée de vérités bonnes à répéter sans cesse ,et sans fin, on nous accordera pourtant que lorsqu'ils pilaidenb pour une cause juste, même si cette caùse est la leur, les instituteurs sont au service de l'équfté; on nous concédera bien encore qu'ils sont sans doute plus instruits que quiconque des injustices dont ils peuvent avoir à souffrir et des réclamations, tout au moins des doléances, qu.'ils peuvent avec raison formuler ; et ceci enfin, qu'ils ont bien le droit de mettre en pratique la maxime : « Aide-toi, le Ciel t'aidera », et d'être les ouvriers de leur propre cause corporative. Le tout est de savoir COlll1IIlent la défendre, et de ne risquer point, même exœllente, de la compromettre par la maladresse des polérniqule6 ou par l'intemJpéranoe des dia,tribes; mais de la soutenir en premier lieu par la valeul< professionnelle et morale de la corporation dans son ensemble. Un fait est patent : pour que l'instituteur puisse se déVOUffl' à son 1œwvre de tout son o~uT et autrement qu ·en p mercenaire, il lui faut deux certitudes au moins. La , re-
�mière, c'est la sécurité matérielle, la sécurité pécuniaire du lendemain; il ne faut pas qui'il se sente guetté par la gêne, e t qoo cette inquiétucw paralysante le harcèle et l'obsède : comment pourrait-il ensuite s'en abstraire ,p our être tout entier à sa classe ? La .seconde, c'esv qu 'il éprourve, la ·même sécurité morale; c.'est qt1'il sache bien que, laborieux, conscienc ieux et droit, il n ·a pa.s à r edQuter 1'arbitraire ~t l ïnjustice, parce qu:e la loi, équitable et prévoyante, a institué en sa fave,u,r tout un systèm e de garanties sérieusoo, sous, 1e couvert desquelles il se sente protégé et puisse croire à la justice.
2. Communication du dossier. - Au ,premier rang de ces gt1rantie , nous placerons une disposition régl,eme.ntai.re ,appli cable non aux ins tituteurs seulement, mais à tous les fonetionnaires, e t dont l 'importance est grande.. Il s 'agit de l 'article 65 de la loi de finances du 22 avril 19o5, ainsi conçu : cc TO'Us les fonctionnaire civils e t militaires, tous les em,ployés et ouvfÏ.crs de toutes administrations publiqnes ont droiL à la comlllunication personnelle e t confidentie lle d e toutes les note , fe<willes sig nalétiques et tous autres doc uments composant leur dossi er , soit avant d 'être l'objet d "une mesure disciplinaire oui d 'u n d éplacem ent d 'office, soit avant d 'être rntardé dan J.e ur avancement à l 'anciPnneté. » Il suit de là qu,·un fonctionnaire ne ,p eut être frappé sans - 'il sache, a u juste pourquoi, sans qt.li'il ait ,e u connaisqlll ance des g rie[s qu·on articul e contre lui et des faits q:u 'on lu ~ imp ute. Ce n:·est pa l"assurance absolue qu'aucune me u1,e trop sévère.. ou injuste ne sera prise à son endroit, - une telle certitude sort du cadre des possibili tés hum aines - , mais c'est l 'assurance <Jll'Ïl pourra se d éfendre, discuter les accusations, fournir ses jus tifications et ses p,ieuves. Pas de cond amnation donc, pas de mesure disciplinaire UT des pièces .secr ètes, sur des d énonciations ou des ra,pports dont fo fonctionnaire inJtéressé ignorerait m ême !',existence. De quoi qu.'on l'accu se, qooi qu 'on lui reproche, il J.e sa it, puisque tout son dossier est ous ::oes yeux . -Une tell e gar antie est de premi.er ord'Pei. JI fa ut d ',ailleurs bien saisir les di spositions de. cet arlicle : 1 ° Le do i,er du fonctionna ire ne lui e t pas comnwniq u6 d!'o ffice, ma is eu1em ent s ur sa dem ande. Le Con-seil d "Etat a décidé qu ·aucun r ecours ne saurait èt1ie basé
MOHALE P ROFJ;!,SI O!'l:'Œ LLE.
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sur le fait que le dossier n 'a pas été comm uniqué au fonctionnai,re, si celui-ci, informé de la mesure qu,i allait êtreprise contre lui , n 'a pas dem andé celle communica.tic.n . où D " l 'oblig,ation, pour l 'administrntiO'll à, laquelle il appartie nt, de lui donner avis de, la mesu,re qu 'elle se propose de prendi·e contre lu,i et du; choit qui lui est dévolu de prendr,e connai,ssan ce de son dossier . 2° Cette communication a lieu sans déplacem ent ,du. dossier . Ce d ossie r n 'est donc pas envoyé à l'intéressé ; c'est à luri à se d éplacar, à veniŒ' l,e consulter dans les b ureaux m êmes d e l 'administration dont il relève e t qrni lui fait savoir .où ,et dans quelles conditions il pou:rra ledépouiller . 3° Ce~te cmnmunication e t ·;p e rsonnelle et confidentielle . Elle n e peut donc ètre faite à un tiers, ni à un sojdisant manœataire ; e lle ne comporte pas le droit de• prendre cop~e des p ièces qu i sont ainsi soumises au fonction-naire, en core m oins de les divudgu er ou; publier. 4° Le Conseil d 'Etat a décidé que la garantie accordée à tous les foncti onnaires 1 jar cet artide 65 de la loi du 22 avril r9o5 n e s 'applique· pas à ceux d 'entre eiux qui , s 'étant mis en gr ève, s'exposent de ce fait à des m oou·en r es disciplinaires. En se m ettant - g r ève, a-t-il précisé, les fonctiO'llnaives se placent e ux-mêmes, par un acte collectif, en deho rs des lois et règlements éructés d ans le but de gar antir l 'exercice des droits r ésuJtant du contra t qui les lie. M,ais en r evanc h e le CO'llsei,l d 'Etat 'est toujomrs m on tré intraitable sur le ,r espect des dispositions de oot article65 . Chaque foi s qu 'un fonctionnaire qu,eTconque, s'est pourvu devant lui contrn une décision administrative qui l 'avait frappé « san s qu 'il ait été mis à m ême de: demander h communication de son dossi- r par application des disposie tions de l 'articl e 65 d e la lo,i du 22 avril 1905 », il n 'a pas h ésité à décider que « le requérant est fondé à d em anderl'annulation » d,e c-ette m esure et il l 'a en offet annulée.
3. Le Conseil départemental. - L'article 65 de, J,a lo i de finan ceis du 22 avril r9o5, que nous venons d e c iter et de commenter , offre à tou s les fonc tio nnaire san s except ion une premi• re et sérieuse garanti e oontre l ·arhitrai- No-us è œ. allons étudier ma inten ant celles qui sont particulièrE:s au personnel des instituteur.,, e- tout d 'abord l 'instiLution t m êm e qu,i les associe plus ou moins directement à l 'administration dan s la gesliion du ·ervice, à savo- 1e Conseil ir d ép,artem ental. Il en se-ra question si fréqu emment dan s les:
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pages qui vont suivre, qu 'il -est d 'une bonne logique de ne pas aLtendre davantage porn· en parler. Le « Conseil départemental de · l '~,nseign ement primaire », comme s'exprime la lerminolog,ie officielle,, communément on le désigµe par les initiales C. D. - a été 6tabli tel qu'il - st aujowrd'hui par la loi du 3o octobre e 1886 ( 1). Il est ainsi composé : le préfet; l 'inspecteur d 'a,cadémie; quatre conseillers généraux (huit dans la Seine,), élus pour trois ans ,p ar le urrs collègues ; le directeur et la directrice des écoles normales ; deux ins,pecte1 urs primaires (quatre dans la Seine), déS'ignés par le, ministre; deux institutems e,t deux institutriœs titulaires (sept dans la Seine), élus r especti'Vement par les institu.t eurs et msliilutrices tituàaires puhlics du d épartement, et pour tro-is .ans ; en outre, mais pour Je seules affaires qui conoornent 1·ensei,gn ement privé, un instituLeur et une institutrice privés élus par leur collègues. Ce Conseil siège à la préfecture. Il se r éunit au moins une fois par trimestre, le préfet pouvant toujours l,e convoquer pom· le.s besoins du service. Ses attribwtions sont nombœ·u:ses et important,es ; horn1is le mouvem ent duper onne.J , il n ·est vraiment rien sur quoi il ne oit appelé à se prononcer ou à &mettre Ulll avis. S'agit-il die l 'organisation péd:agogiqule des écoles ? Tl veille, dit la loi , à l 'application d,es pr0:,"Tarnmes, d es méthodes et d es règlements édictés par le Con.se.il Uipérieur ,de l 'instruction pu:bliqiue; il arrête les règlements :relatifs au régime intérieur des établissements d 'instruction primairn, par exemple les règlements départem~ntauoc des -écoles publiques inspiroo du, Règlem ent . modèle que le Ministère a publié (v. cours d 'administratio n scolaire) ; il donn '? son avis sur l,es r érforme6 qu'il juge utile d 'introduire dans l 'enseignement; etc. - S'agit-il des créations d 'écoles et d 'e.rnplois? Après avis du wnseâl municipal, €t sous réserve de l'approbation du ministre, il détermine le nombre, la natUJre et 1e siège des écoles primaires d e toull degré qu 'il y a lieu d 'établir ou· de, maintenir d ans ch aque commune, airu.i qu-eJ le nombrn des maîtres qui y sont attachés. - S'agit-il, de l'avancement d es maitres ? Il dre se chaque année la liste d 'admi sibilité, des tagiaires aux fonctions de titulaire; il donne son avis suo' les ,promotions au choix, ou sur les r etards d 'avancement, ,et arTête les listes de présentation à sou.mettre au ministr e en
(1) C'est une loi d e 185!, qui a· institué les Conseils dép artementaux.
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vue de ces promotions au choix ; il donne son avis soc lesrocompenses honorifiques, et arrète également l'ordre dans lequel les candidats seront insc: its su~ la liste, à somnettre r ~ l'a.pp1·obation du 1·ecteur etc. Huit joUJrS ava,nt la séance du conseil départemental, les propositions concernant les. promotions au choix, les récompenses honoriüque , etc .. qui doivent lui èlre présentées, pe,uvelJlt ètre communiquées à oeux de ses membres qui en font, la demande, et même sans qu'ils aient à la faire; ils cc sont ainsi, dit nne circulaire ministérielle, mis à même de se prononcer sur ces questions en pleine connaissance de cause ». - S'agitil d'affaires disciplinaires? Ainsi qu'on le verra Lout à l'heure, elles ne sont jamais résolues sans que Je C. D. ait. été appelé à donner un avi motivé. - S 'agit-il des récom-· uenses décernées au titre des ,œuvres complémentaires de J tc::ile ? Le C. D. -encore arrête la liste des institUJterrnrs à proposer au ministre. - C'est lui eenfin qui n,01111me le délégués cantonauoc, qu,i autorise les instituteurs ou inst.itu-· triœs à rempl.ir les fonctions de secrétaire de maiTie, qui autorise les instituteûTs à diriger des écolers mixtes, alors. que légalement elles doivent être tenues par des in Litutrices ; etc. etc.. Il nous apparaît ainsi, il nous apparaîtra mieuoc e,n,C,OrP, dans un înstant, quiand nous aurons étudié la question des peines disci·p linaires, que rien d ïmportant ne se fait dans le département sans qœ le conseil d-épartem,ental ait été appelé àr donner son avis ou même à statuer ; et oomme on l'a vu aussi, oe conseil compte quatre représentants du personnel des ipstituteurs puiblics. Ce n ·e t donc jamais une autorité sans contrôle, inspecteur d'académie ou préfet, qui prend seule les décisions concernant le p~rsonnel · des i'llStituteurs, et, grâce au C. D. et pa,r son intelrméd• airn, i ce personnel lrni-même a pour le moins droit de regard sut· les décisions die l'autorité déipaTtementale . .En apparence, ,c'est peut.-êLJ,e là chose anodine ; mais à 1 1'épreUNle!, de teUes garantie se révèleent -pleines de force. Il nous souvient d 'une affaire - oh ! très ancienne : el le a précédé qutelque peu la naissance du, vingtième siècle ·où un sous-préfet, for~ i1Tité contre un instiluteu• qu1 ava it r i vivement regimbé lorsqu'il avait voulu en fa ire un agent électoral, ne pairlait de rien moins que d,e le dénonoei· sans ind'UJlgence aUJ préfet et · de le faire révoquer sans ptlu de façons. Mais quand il a,piprit que le con eil départemeùtal avait son mot à dire dans l 'a ffaire et qu'une révocation ne
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s'obtenait point avec tant de .facilité, il ne s'aventura pas p'1us avant. Ce n ·est pas tout. Nous dision tout à l'heure qoo, hor·m is le mouvem~mt du personnel, rien n'échappe au conseil d~partemental. C'est, d ' une certaine manière, poussei:t· 1es choses un ,p eu loin ; car, si les affaires concernant les mutations n'ont jamai à être évoquées deivant le C. D., que la loi n 'a pas investi du droit d'en connaître, elles ne demeurent pas étrangères pourtant aux institu:tewrs e t aux in ·titurtrices membres de oe con eil. Ils font partie, en effet, du « Comité con uJtat.if » qui prépare soit en Jln d'année, soit à diverses reprises pendant ! 'année, l,e long et difficile travail des changements de pote; et c·~t de quoi il va être queslio·n ci-après.
4. Administrateurs et administrés. - Etudier avec quelq UJe détail le statut des instituteurs, oo serait passer en revue, textes législatifs en mains, un nombre considérable de chapitl'eS tels que les suivants : Nomination ; conditions r equises pollil' être habile à enseigner, porn·. être nommé stagiaire, titulaire-, direcleur d'école, etc. ; Traioo1nents e.t indemnités ; Règles de l'avanoement ; Récompenses, et peines disc.1plinaires ; Ch~ngement de poste, déplacement d 'office; Congés; Garanli,e s diverses : Conseil d éparteme ntal, collabor-ation, -: buJ!etiri d 'inspection ; Etc. Toutes ces qUJestions sont d 'extrême importance ; toutes aussi sont réglées avec minutie par des lois, ou ,p ar la jurisprnd,e nce1 et non laissées au bon vouloir et ·au poUJVoir , discrétionnaire des chefs hiérarchiques : tout le monde !e sait, et nous n'avons pas à nous arrêter sur ces vérités évidentes et connues de tous. Les articles ou les texte réglementaires qu'il conviendrait de citer à œ sujet ont pour la ,p lupart leur place d'a ns Je cours d 'administration scolaire, et chacun les y trouvera. Nous nous en tiendrons ici à oe.u:x q'lli ne sont pas, pourrions-nous dire, de connais.sanoe vulgaire ou que les limites réduites du: cours d 'administration ne permettent pas d 'y introduir€-. ]\fais il nous semble nécessaire, avant de poursuiivre, d 'expliquer succinctement aux jeunes comment so.nt étu-
�<liées ou préparées les décisions administratives qui conoernent le personnel, par application d es lois ,exislarites; ils y verront que ((l'Administration i> n 'esf ;pas oe qiuei plus d 'un, mal informé, se représente. Le chef d épartemental des instituleu.rs est bioo l 'inspecteur d 'académie ; c'est lui qui prend les décisions nécessaires ou qui saisit le préfet des propo ilions oPi{)Ortunes. Mais, parmi ces décisions ou oes propositions, il ,en est bon nombrn qui, s'aJ)!Pliquant pour ainsi dire au département enlier , sont au. préalable ,exam inéc ei discutées, puis établie , en . Conooil des insu,r pecLeurs prirnair,es. C'est le cas en particu1ier por les l ,p romotions au choix, pour les récoimipe,nses honorifiques, poŒ· les mutations d 'ensemble, eto. etc. Les résolutions ainsi adopL,ées en Conseil d es inspecteurs sont faites siennes ensu~te par l 'inspectem d 'acadiémje quri seul a qualit.é pour le soumettre à l 'agrément du préfot ou du conseil départemental , suivant le cas. C',est assez dire, pe,nsonsnous, com.bi,0'Jl sont mûries et c1ébattues les prnpositions de cette sorte, et avec qUJel souci de l 'équité. Quoi qu',m puissent penser et parfois écrire certains, les inspecteurs ont autant que quiconqure, plus que quriconque, la p>réoccupation et le scrupule de la justice ; et si ceux. qiu1 sans m ei, sure et à propos de tout, r écriminent et crient ou croient à la faveur, pouvaient a isler à une soole de le'lllrs séances, ils feraient vite litière eux-mêmes de leUll's ,préventions. Car c'est bien l 'iignoranœ seule des ch oses exactes ~IÎ: fait· souv,ent accuser d'injustice l 'administration : qiwi ne voit qu 'une faoe des affaires, et encore on n e sait à trav,e,rs quels on-di t et avec quelles déforma tions, ne sarurait les juger selon la vérité. v. ous avons vu, d 'autre part ~ ci-dessus, chapitre VIH, p. 120, § 7 et Appendice), que, poru1r la prérparation du mouvement de fin d 'année, pour le travail des promotions ou des r écompenses honorifiques, etc., le personnel même des im;tituteurs et des inslitutrices e&t appelé à ooUaborer avec l'administration, puisque ses déJégués au conseH départemental sont adjo'inL au Comité des inspecteurs et y ont voix délibérative. C'est une -garantie de plus que torut ce Lravai] est fait avec un soin minutie,ux et une ,extrême oonsci,ence., que toute chance d'erreur ou d'inj'lllStice grruves en est à peu près exclure. Avoc. raison les instituteurs ont. célébrré comme une chose importante cett;e entrée d e leurs r eprésentants aUJ Comité con'Sirnltatif e,t cett;e collaboration avoc l'administration départementale. Ce.rtains même, y m ettant quelqu,e na:iveté un peu puérile ou pr,é somptueuse
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ont pensé et dit, sinon éct:it, que gPâce à leurs mandataires ce redou,table Conseil des inspecteurs où tout se réglait par fave,u r et protection, et rien CEUe par faveur et protection, ou presque, allait désormais n'avoir pour règle que la justic,e.... ous en plaisantons; ·mais nous voudrions revenir encore sur un suje,t délicat, à p1'0pos duquel, oo maints endroits, tant d'erreurs se répètent - est-ce ,par habitude, est-ce par conviction ? - qwïl impo.r te d 'y faire la lumière e t r ~ 'appeler les c hoses par le u1 nom. A en croi11e donc certains, qui dit administration et supérieurs dit du: même coup giens ennuyewx et su5ipect , tyranniques e.t antipathi~ que.s, empêcheurs de danser en rond et esclave de 1eurs manies ou de four tranquillité; gens dont ni la pensée ni le oœur n~ sont pleins d!'un très vif sentiment de l 'équiié, ni pewt-êtr.e m ême du désir sourve.rain d'être é.qiuitables.. Biied', l 'administration c'est l'ennemie, l 'ennemie sur qui tout est prétexte à r,écrim.inations et à critiquies, mème quand on est dans l'ignorance, des choses qu 'on daube et vitupère. 'é,vîHélas I rien n 'est di'fficile à démontrnr comrne. J1 dence, et rien n 'est vivace comme ces pré-jugés absurdes venus on ne sait d'où, ()Ill ne sait de qu,i ,ert alimentés on ne sait comment. Eh bien ! non, cent fois non, quoi qu'en dise encore plus d'un, l 'administration dans son ensemble n'est pas aussi méchante - t inique; et elle n 'a pas attendu e que fût instituée la collaboration - cette collaJ:iorntion, au. sun:plus, dont il •est légitime d 'attendre beaucoup poiur avoir lei sentiment de la justice et régler ses décisions d'après le droit et l'équité. Et il n ',est pas inuhle peut-êt,re de dire aUI personnel qu,e l 'esprit de corps, entenau et pratiqué d ' une certaine manière (« il est des nôtre.s, donc iî a raison envers et contm tous >J), que l'amooc-pr'Opre corporatif, parfois aveugle. autant qu 'inconscient, sont de leur côté de terribl,es ennemis de la justice. e.t qu 'ils peuvent fausser lamentablement le sentiment dUJ drc:1it eit du devoir. Non, n 'opposo,ns pas l 'U!Il à l'autre, dans notre e nseignement primaire éMmentaire, administrateurs et ,administrés : ce serait mensoillget, et ce serait déraison. Sachons bi,e n seulement que de leur co-llaJ:ioration loyale et confiante - mais il fauL qu 'elle le soit - il peut sortir pour toms plus d'un bienfait; e,t qn.v'en tout ·état de cause e.JJe est pouT le ,personnel une garantie de plus, que pour sa part sans doute il estime, à haut prix. Qu ',en fait elle ait changé beaucoup les choses, c'est une autre affaire,; mais
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par elle l"administration se fait davantage av grand jour, el c·est un résultat quii n 'e l pas de médiocrn iIIljpOII'tance.
5. Avancement et récompenses . .,..... Les textes législatifs de janvie:r 1926 qu,i ont fixé, au mo,i ns momentanément, lres traitement des instituteurs., n 'ont 1-ien changé aux dispo-sitions de lois antérieurns qui réglaient l 'avanceme.nt. Voici 1·essentiiel de ces di positions, a ·après la loi du, :ïo avril 1921 : Les insLitulieurs et institutrice6 stagiaires sont titularisés au 1°1• janvier quii suit l 'obtention du oertificat d 'aptitude pédagogique (à moins qu'à ce moment ils ne soient en congé pour seTVice militaire ou pour convenances peTsonnelles) . Les in tituteurs et institutrioes Liturlaires sont répartis en six classes(r). L 'avancement par piromation d:e classe a lieu partie à l'anc.ienneté, partie aUJ c hoix. ïoutes les promotions pre nnent effet du 1•r janvier de chaque année,. Les instituteurs ,e t institutrices (écoles primailres élémentaires ou écoles maternelles) sont ,p romus de droit à la dasse supérieurn lorsqu'ils ont accompli six ans en o•, 5° et 4° classe, sept ans en 3° et 2° classe. Torntefois ils ne peuvent être promus à l'ancienneté dans les 2° et rr• classes s'ils exeroent dians des localités à · effectif scolaite réduit dont la li ste sern établi.e par décret a,p rès avi du conseil d épartemental. ' Sous réserve de l'application des pr.escriptions de l 'article 65 de la loi de finances du1 22 avTil 190'5, l'avancement à l 'anc ienneté peut être retaTdé d'une ·année, pour les instituteurs et in titutrices, sur lai proposiition de î'inspecteur d 'acad émie, après avis du con eil dé4partemental. l L 'ajournement doit être motivé et notifié< à _ 'intéressé. Pcrnvent êtr:e promus au choix dans la proportion J e 3o % les i.nstituteurs et in titutrices quii ont accomlJ)Ji dans le.ut· cla· se un Lage minimum de quatre ans et qui ne sont pas,pTOmus à l 'ancienneté. Telle est la J.égislation actuelle, qu.i n 'a .,pa une fixité immuable ,el qu i, de fait,, a été plusieUTs foi modifiée depuis la p,remièt,e loi sur les traitement , en 1889. Il furt un. temps où le choix seul donnait accès à la première classe, emps où il ulffisait de six ans d'anci,enneté. un autre L
(1) D 'après le décret du 25 janvier 1926, ~es itements s'échetr lonnent de 7.000 fr. en 68 clas e à 12.000 fr. c 1re, par augmentations successives de 1.000 ) :r. Les stagiair forment une classe unique au traitement de 6.5.0Ô fr., qui est ausS1 celui des intérimaires.
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265pou,r être promu à cette même première classe. Les décisions législa tives de cette nature,. comme· oelles qui fix.eu~ le montant d es traitements, sont s u~ette à des revisions ; il est fac ile à chacun de se tenir au courant. Que s'il s'agit des récompenses honarifiques, là aussi les textes législatifs sont précis et formels ; ils ne laissent pa place à l'arbitraire. Consultons.-les, voici oe qu'ils disent : Le fonctionnaires de l'enseignement primaire pub lic po u1Tont recevoir des r écompense consi,stant en m entions honorables, médailles de bronze et m édailles d 'argent. Ces m édailles et mention SQln t décernées par le Recteur, le 14 j ui:llet de chaq ue année, a ux institute u:rs ,et institutrice , dans ch aque déipartem.en t d e son Académie, 3.!près avis du Co nseil départem ental. Ce Conseil an ête l 'ordre dans lequel les propo itions doivent être soumi se à l 'app robation du. Recteu:1'. ·n ,e st accordé ohaquie1année, daw chaq ue dépa rtement .: u n e m édaill e d 'aTgent pour chaque groupe de-1G> t itulaires et s tagi,a ires, et une en plus pom chaq ue 1;action excédant 1 00 ; une m édaille cLe bronz,e pou~· 1 00 titulaires et stagiaire· ; un e rnention honorable pour 5o. Nul ne peut obtenir la m ention honorable s'il ne compte au moins cinq anné_s de services comme, titu: aiT'e, ]la mée l daille de bronze ou la m édaille d 'argent s'il n 'a reyu la mention honorable ou la médaill e de bronze depu,is deux années au n 1 oins. Mais dans la pratique ces délais de cinq ou de de ux ans ~ nt largem ent dépassés et plu qu:e doublés. La m éda ille d 'argent a un privilège spécial : elle donne droit à u.n e allocati on annuelle et ,,iagère de cent francs, comme la médaille militaire chez le o ldat .
6. Peines disciplinaires. - On éprouve quelque. embarras e t mêm e quelque am ertume à p rononcer un t,el mot quand il s'agit de personnel enseignant ; car ce personnel, par définiLion, oserait-O'Il dire, semble ne devoir com p;rendre que des hommes de conscience et de devoir. Mais queHe corpora tion n 'a pas ses u br.ebis galeuses » ? Com . m ent espérer que dans un ensemble de. plus dei cent mill e maîtres et maîtresses il n 'y ait poin t de d éfaillances, point , de mauvai~ ou'Vriel's, point d 'instituteurs indignes, de travailler à l 'éducation de la jeunesse ~ Le nombre de- ces mauvais bergers n 'est pas grand, et dans tel ou, te,I dépar-
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tement il est exceptionnel que les sanctions prévues par la loi aient à jouer contre quelqu'un. Encore est-ce trop qu'elles aient, à intervenir de loin en loin; on s'y résigne mal, mais il ne faut pas demander ce qui est peut-être l'im;p:ossible. Saru; plus de commentaires, voyons donc de quelles peines administratiV'es est passible le personnel dte l 'enseignement primair,e public, et qoolles garanties le protègent contr-e l'arbitraire dans l'application &Y<entuelle dte ces mêmes peines. Nous no.us apercevrons que 1à eincore les droits de la défense sont sauiVlelgardés et qoo l'intervention du Conseil déipartiemental est propre à as urer le respect de l'équité et dUJ droit. L'article 3o de la loi Qll'ganique du 3o octobre 1886 a fixé ainsi J.es peines disciplinaires applicables au personnel de l'enseignement primair,ei public 1 ~ La réiprimande ; 2° La censure; 3° La révocation; 4° L'interdîction pou1 un Lemps dont la durée ne r pourra excéider cinq années ; 5° L'interdiction a·bsO'lUJe. La :r.épo.-imande est prononcée par l 'inspecternr d 'acadé~ mie; le Conseil d''.Etat a décid!é que, du fait même qu'elle n'est pas une ,p eine grave, mais qu'el.l e a plutôt le carac(ère d'um.e simple admonestation, elle ne donne pas lieu à la communication d'UI dossier. Les au tres peines sont plus grave . Aussi, tantôt elles ne reuvent être ,prononcées qu'après avis du C. D., tantôt même c'est le C. D. qui, faisant olffice de tribunal, les prononce. Mais, dans tous les cas, l'affaire, avant d'être wrnmise au Conseil, est inst111,i te· par l'un d:e soo membres que le p1·éfet a désigné comme ra,p porteur. « Le ra,pporteur, dit le décret du 6 décembre 1886, procède à l 'instrucLion de l 'affaii-e, appelle, s'il y a lieu, l'inc111lpé,, par une simple J.ettre énonçant les faits, et l'entend en ses rru:iyens de défense. » C'est la règle invariabl-e en droit : l 'inculpé est toujours entendu e.t ·toujO'lllrs appelé, à se d~ndr,ei. La ce.nsu<re est prononcée par l 'inspecteur d'académie, apl'ès avis motivé du C. D. H Lorsqu!il s'agit d'a;ppliqruer la peine de censure à uin membre de l 'enseignemenb public., dit le même décreit de 1886, le C. D. déclare, dans un avis motivé, s'il y a lieu de condamner ou de renvoyer l'inculpé. Expédition de cet avis est adre é à l 'insp,ecleur d'académie qui statue, définitivement. » L'inspect,eurr d ':i.-
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cadémic. n 'est pas lié par l'avis du C. D. et sa dééision peut être contraire .à l 'avis du Con eil. Dans la pratique, les décisions des ins.pecteurs d 'académie sont ])'l'esque toujours, et cela se conçoit, conformes à cet avis ; mais il y a des exceptions, des exceptions qui firent m êm e dans cer, tains cas quelque bruit, parce qu ïl s ·ag:i.ssait alors d',lf. fa ires· où les faits incriminé pouvaient sembler d ·ordre politi,qu.e autant que professionnel. << La r évocation est .prononcée par le préfet, su11· la pro· position de l'inspecteur d'académie, a,près avis motivé tlu C. D. (1) . Dans l,e cas de révocatioo, le fonctionnaire lll· cwlpé a le cjroit d e comparaître devant le Conseil et d 'obte· nir préalablem ent cornanunication des pièces du dossier. « Le fonc tionnaire r évoqué peul, dans le d élai d,e vingt jours à partir de la signification de l 'arrêté p~AfecLoral, interj etei; appel devant le Ministre. » (art. 31 de la loi du 3o octobre 1886) . « L'interdiction à temps et l 'interdiction ahs01lue sont prononcées par jugement du C. D. Le fonc tionnaire, in· culpé sera cité à comparaître en ~Tsonne. Il pourra ~e faire assister par un défonseur et prendre communication dUJ dossier. La décision du1C. D. sera mo tivée. « Le fonc tionnaire interdit a le droit, dans u111 â.élai' de vingt jours à ,parLiT de la signification du jugement, d'interjeter appel devant le CO'Ilseil , upéri euir de l 'in truction publique. >> (Art. 31 ). Enfin, « dans les cas graves et urgents, l'.inspectem d 'académie, s'il juge quo l'intérêt d 'u,ne école exj.ge cett~ mesure, a le droit de ,prrononcer la su pension provisoira d'un instituteur pendant la durée d e l 'enquête discip li· naire, à la condition de saisir de l 'affaire, le C. D. dès ~a prochaine session . Cette su,ppTession n ',entraîne pas privation du tmitement ». (A rt . 33). Ajoutons qu 'après un dél"ai de deux ou cinq ans, uivant les cas, les m embres de l 'enseigne.ment peuvent être relevés des déchéances ou des incapacités résultant des d écisions qui ont prononcé çontre eux l 'interdictioin dll droit d'enseigner . LeuT demande en œlèive-ment est $011· mise par le ministre aui Conseil supérieiuT qui staliue . . 7. Nomination et déplacement. - Selon quïl s ·agit de sta
(1 ) Là non plus, l'avis du C. D. n e lie pas le Préfet. Mais celui-cl ne peut se prononcer qu'une fois saisi de la proposition d e l'inspec· teur d'Académie.
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g iaires ou de titulaires, la situation des maîtres est différ ente. Les stag ia ires enseignent, en vertu d ' une délL tion éiga de l'inspecteur d 'académie,, délégation qu'il .pieut leiur retirer sur l 'avis mo tivé de 1'inspecteur primaire. Le,m· changem ent de résidence e t ,p rononcé également. par l 'inspecleiur d 'académie. Si ce changem ent LJ lieu d 'olffice, c 'e.st-à-dire co ntre le consentem ent de l'intéressé ,e t malgr-é son refus form el ,exprim é par écrit , il tarribe sou le coup de !''artic le 65 de la loi de 1905, que nous avons cité dans les pages cidessus, et il donne lieu à la cornmThilication du dO&Sier. Que r ésu1lle-t-il de là ? Ceci tout au1 moins, q oo les stagiair<>S ne dép,endent pas ou ne d&pendent plu,s, que- J)OOl de leur directeur. Nous disons : ne dépendent plus, parce qu,e nous avons mémoire d 'un temps où les choses n 'a llaient pas tout à fait de cette sorte. Il a rrivait en ce te,mpslà que, sur la plainte verbale de son directeur, plainte qUJ'il ignorait du reste, l 'adjoint stagia ire· était soodain changé d e résidence sans que rien lui f'lt -prévoir pareill,e aven~œ,-e et sans qu 'il en sût bien les raisons. C'était le temp,s' où te:! directeur se vantail, entre ami , de « ,remJettre en circulation >> les je unes adjoints qui n e consentaient pas à aSSUirer malgré eu;x, et aux ,prix les plus réduits, les services de son intetrnat ; c'était le temps OIÙ les petites quer ell es personnelles; pour d es question s de toilette ot.i ssembahle · billevesées, créa ient dans oe.rtaines écoles un phénomène qu,e tout le mo nde conna issait, sauf l 'adrninistration qui pourtant le créait ou ratifiait, ,et qu'on désignait d 'un nom ,pittor esqu,e : la val e des stagiaiTes. Dans ces écoleslà, en vie,rtu d 'une caus e mystéri'euse, qrn n 'était m y térieuse pour pe,r5onne que les inspecteurs, les institutrices stagiaires ne faisai• ent que passer ; ;peu y re' taient à. de.m euTe . Incompatibili té d 'bume rur et de Lem.pérament~ sans nul doute, mais dont le inférieures étaient seules à subir les conséquences.. . Ces temps appartienn ent au passé. D'abord parce que la . conception des rapports entre ch efs ,e,t sUJbordonnés, donc directeurs et adjoints, s'est modifiée dei part et d 'autre, encore qu 'à tous les deg,rés d e 'l'éch elle biéiraiT'c hique certains demeu1·ent ob&tinément r éfractaires à ces idées nO'uv.elles ; enosuibe, parce qrne la nécessité d,e communiquer leur dossier aux maîtres quie m enace un déplacement d 'office est de natme à prévenir bien de,s injus tices. Touüom s est-il que l,e:- stagiaires eux-m êm es n e sont pas à la discrétion de leurs rnpéri euTs admini,stratifs et jouissenî des garanties communes conlr·e l 'arbitraire.
�S1agit-:il mainte,n ant des titUllaires ? ùeUJr Jlomina·tion .est faite par 1'e préfet, sur la proposition de l'insp©tem· -d 'académie. Quiand, sur leur dem~nde même ou1 avec leur .agrément, ils sont appelés d 'u,ne -école à une au,t re , c 'est encore dans 1'es m êmes formes, c'est;à-dive par le prMel et sur la proposition de l'in~teur d 'académie. Il en va -de m ême aussi quand leur changement est ,prononcé a·offioe, « pour nécessités de servioe » . Toujoocs la propo.sition écri te de ! 'inspecteur d 'académie est indispensable pour que le p réfet p uisse pr endre UiJl arrêté de nomination ; il ne peut agir et décider de sa propre initiative (1). Et si l 'on VJe<ut bien son.geir qui'un Comité consultatif où entrent des instituteurs participe à l 'élaborati{)IIl. dUJ mouvem ent du personnel,. on se rendra compte, une fois de plus, que toutes oes mesUTes constituent un effort sérieux, -et so l!'ven.t eifficace, vers la justice. 8. Le déplacement d'office. - Il fa ut nous arrêter ,p ourtant à la question du déplacement « pour nécessité de serviœ », qui s'appelle encore le d éipù,aceme,nt d 'olffi'cei et qui , dans certains cas, est bel ,et bien une véritabie mesure disciplinaire, une m esurre de di grâce. Il n 'est ,p as toutiours tel, il impor t.ie. de ne pas s 'y trornJper; il peut se faire, en effet, que, sans son asse.ntiment et par conséquent d 'office, un insti turLeur so,it d éiplacé san s que ce cha ngement ait en rien le caractère d 'uoo défavernr ; par exem ple, si son µoste vient à être supprimé. Il ne s'agit dans oe ahapitr,e que du d éplaceme.nf « par m esure de disgtâtce », ,comm e s'exprim e la circu] aire a ux préfets du 6 avril 1906, -que nous allons citer : « .. .Le déplacement d 'oiffice, p,ar mestllre die disgtkfl, peut être prononcé par le préfet, sUJr la prnposi tio n de l 'inspect eur d 'acad émie, pour les motifs suivants Pour ins ulllioo;noe p rofes, ionnelle et manquements d e conduite graves de l 'institurtellll' ; PaJ1Ce que son ma intien dans une corrumunei risquerait de coo1,promettre, au regard des !familles, les intérêt's cle l 'école laiique . Toutes les fois que vous j·u,ger,ez n écessaire, u,n déplace(1) Cette question de la nomination des instituteurs par les préfets, et non par l' autorité universitaire seule, a donné lieu souvent à d es ca mpagn es de presse (nous parlons surtout d e la presse pédagogique). Nous n e la discutons p as, faute d e place et a ussi parce qu'elle n 'est guère dans notre programme; nous croyons /l d evoir toutefois la signaler en passant. /
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m ent d 'olffioe, vous aurez soin d~ prévenir par écrit l 'inté-res é de la m esurre qUJe l'on se , ropose de pre,ndve à son. p égard, en lui faisant connaître les mo tifs qui v<YUS ;para issent exiger ce changement. Cinq jom·s luii seiront laissés pour pr ése,nte,r par ,écrit 'sa justification ; swr sa deirnand~, el conformément aux: prescriptions dei l'artic le 65 d e la loi de finanoe8 de 19o5, communication luii sera donnée des pièces de on dossie,r. Cette communication ·aura. lieu par l'intermédiaire dei l 'inspecteur d 'acad,é.m i(', soit a'll ch ef-lieu du d épartement , d ams les bureaux de l'inspecL ion académique, soit dans le bureau de l'insqY('Cteur ,primaire de la circonscription , de façon à éiviter aux intéTessés des déplacements trop lointains. Tout en raippelant que la loi a prévu une comlilmnication cc personnPJle et confidentielle », vous , pre crirez que le loisir n écessaire soit laissé aux inslituteurs et in litUJtrices ,p iotJ,r prendre connaissance de leurs dossiers. Il vous sera remis parchaque intérnssé un récépissé del cette commtunication. Il est bien enlendu que vous ne tiendrez aucun compte des dénonciations qui visen L le fonctionnaire, à m oinsqu 'elles ne soient signées; dans ce ca , eUes seront jointes au dossieT de l'intéressé, pour qu'il puisse en ,p1 rendr,e con naissance. C'est eulem ent quand vous serez en possession de oes a-enseignement , et aprè6 enquête, s" l SJ sont contradic~ toires, que; d 'accord avoo l'inspecteur d 'acad émi e,, vous vous prononcer ez, dans un large esprit d 'équité et de bien veillance, avec le dou:ble souci de concilier l 'intérêt particulier de l 'inslilute'Ur e/t les intérêts gén éraux dont vous avez la charge. Si l 'ins tituiteur se L rouve lésé pat' la mesure que vous aurez prise, la faculté lui r este ouverte d 'un. recou rs, a'l1 ministre d-e l'Instructiorn publiqu1 Vous lui donnerez les e. m oyens pratiq'U·es d 'en user .. . Vous m e t1,ansmettrez ce recours le ,pJus rapidement possible en y joignant tous les documents q wi eront dia natwre à m 'éclairer sur l'affaire (1) . Vou s devez p révoir que, l 'in sliluteur, après vo~s avoir
(1) " ... J e v ous invite, cha que fois que, dans les cinq jours de la notification qui lui aura ét é faite d e votre arrêt é, vous serez saisi d 'un r ecours formulé p ar un instituteur déplacé d 'offi ce, à surseoir à toute m esure d 'ex écution jusqu'à ce que j e v ous aie fait connaître ma décision: Vous voudrez bien, le cas échéant, m 'adresser, dans le plus bref délai possible, le r ecours accompagné d e toutes les pièces d e n ature à m 'éclairer . n (Circulaire aux Préfets. 1 •r février 1912.)1
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'transmis régu1 lièremenl par écrit ses explications, croira, s 'il est membre d'unrei association amicale d:'instituiteurs <le son département, devoir charger le bureau de cette association d'intervenir au1 près de vou , pour présenter plUJS · .elfficacement sa délfense. Plusieurs de vos collègues m 'ont demandé dans ce oas la ligne de conduite à suivre. Les associations d 'institute~rs ont une e.x:istenœ légale; vous ne devez ni les ignorer, ni néglig,er le parti que vous powvez retirer de cetlel organisation. Il ne s'agit pas de .créer un rO'UJage ad.m.inistratif nouveau, de permettre entre l'au~ torité et le fonctionnai1iei l 'int.erposi~io·Ii d'un J><llll'Voir pi'bvu par la loi et qui pr-étende s'imposer. Il s'agit plus .simplement de rnndre l'aUJtorité accessible à tous ceuoc qui ont besoin de recomir à el!iei et qui le font av-ec les sentim,<mOs de déMrence quei vous êtes en drœt d'attendre; il s'agit surtout de mettre à profit une som·ce préciffiLSé d 'information, qui pourra confirmer ou rectifier votre opinion et serviT à la mani.festation de la vérité et de la justice . .c'est dans ces sentiments que vous accueillerez les délégués de l 'association, que vous vous entretiendrez avec eux et que vous parviend-reiz souvent à di siper les malentendus que des ,p oints de vue très différents peuvent faire naître entre les fonctionnaires et l 'administralion. Dans le même ordre d ' idées, j ·attacherais un grand prix à ce que toutes les fois qu 'il vous paraît que la situation d'un instituteur ou d'une institutrice r isque <le devenir dliiffi:Oil.ej dans UJnel c0011m'U!Ile, vous mettieiz ,1'inspecteur d'académie au courant doo renseignements que vous aurez recueil'lis et que vous l 'invitiez à s 'entretenir de la question avec les intéressés. Ce~te inl~rvention, qui n'aura aucun caractère ctfficicl et où les instituteurs verront seulement la ,p1mrve de l'intérêt vi.gilant qu'on leu;r porte, permettra de leur faire, s'il y a li.eu,, les observations nécessaires, de, leur donner d'urt;iles conseils, et aussi de recevoir d 'eux des éclaircisseme·n ts qui vous m ettront à même d'apprécier justement l&'l faits. Vous pO'll'rrez ainsi prévenir des conflits regr-ettables, en même temps que cette manière d 'agir fortifiera certainement la confiance du personnel à l 'égard de ses chefs.. » TouLefois, malgré ces exce,l!entes intentions et ces préca\JJtions équitables, le déplacement par mesUTe de disgt.1.ce est plutôt considéré par les institu,teurs oomme une véritable peine disciplinaire, et ils ont plus d'une fois demandé qu'il fût entouré des mêmes garanties ·ët prononcé dans l.eis mêmes conditions qu:e les autres peines dis-
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ciplinaires, e'est-à-dire après avis motivé du conseil dépar-temental.
9. Conclusion .. - Tel est, dans ses traits les plus generaux le statut actuel des instituteurs, telles sont les Tègles et les garanties dont la loi entoure l,eur choix, leur nomination, 1euT avanœment, etc. EHes constituent, on le voit, un ensemble coh érent et bien de nature à inspirer confiance aux intéressés; on ne saurait S<YU-tenir vraiment que 1"arbitrairre y règne ni le bon p,1ais:ir. Est-ce à dire pourtant que nul progrè ne soü ,possible encore, q~ nulle amélioration nouvelle ne puisse être entrevU1e dans ce domaine qi.re nous venons d 'étudier ? Bien téméraire ou bien imprudent quii oserait le prétendre. Toutes institutions humaines s,ont per'fectibles, et il n 'est ipia1> d e loi ni de règlement qUJi, après avoi·r été bien 8'daptés . aux circonstances et après. avoir -e.x:cellemment jooé, ne· dmi.ennent UIIl jour insulffisants et caducs ; ils ne rélpondent plus alors aux situations nouvelles que le temps et les circonstanoes ont peu à pelll oréoos et il le m faU;t faire place à d 'au• tres. Nous voyons ainsi chaque jour abroger telle disposition légale qui a fait son tel11Q)S, 11apporter te:lle mesrure que l'usage a r évélée inopérante ou qu,i a perdu, sa raison d 'être, édicter par contre telle disposition nouvelle qu,e d es nécessités nées d 'hier imposent . Modestes changements d 'ordinair,e, qui ne bou1leversent ni ne visent à bouleverser la législation, mais qui ne laisSelllt pas néanmo ins d 'être les bienvenus et de réaliser de très heurnuS-% r·éformes de détail. Parfois aussi cependant ce ~ont des changements plus profonds dont nous somme les témoin . 'Nous avons dit en delh,X mots comment, tP~r exemp le, depuis la loi de 1889 sur les traitements et l 'ava,n œm~nt, ces traitements et les règles de oet avancement ont éit• modi é fiés à maintes reprises; et il n 'est pas besoin de pœ'Ildre des allures de prophète pour prédïre qoo la nxité doo règleme<nts d 'aujourd'hm n'est pas éternelle. ous n'avon. rien dit, parlant à des j,aunes gens pour qu~ la retraite est u• n év-énement i lointain qu'ils n 'y songent pas oo en sou- rient, de la loi sur les retra,ites qiui, dat'ant de 1853, a été refondue totalement ; en Ï9:il1, comme il était bi€m néce saire. Nous ne disons rien , oui plŒLôt nous n'avons fait que signaler d 'un mot, au passage, les effort tentés de,puis un demi-siècle pour que la nominatioo d'es institUJtoors so it enlevée aux pr-éfets et remise au.x chefs universitaires. 'fout à fait de même il n 'est pas le. moins du. monde imposs,ilble
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�qrne s'élabore insensiblement une conception nouvelle des
rapports entre le personnel et l 'administration, et que cette conception trouve un jouT son ex.pression dans la loi. A. chaque joua· sulffi.t sa peine. Pourquoi tairions-nous, dans ce chapitre où elle vient toUJt natrnrellement s'encadrer, la qu-estion des, recom1m.andations, du « p,iston », pour recourir au mot populairn q,ue l" usage a consacré et qu;e nu!l n ïgnore ? On saib de quoi il s'agit : Lei instituteur, qui désire tel avancement oru tel poste, se fait .appuyer auprès de l 'adm.inist;ration académique ou ·préfect01·ale par quelque personnage politique à la poigne solide et à l 'ob.5Lination tenace, et gr.ke à cet appui obtient ce qu 'il désire. La justice n'y gagne ri,en sans doute, - mais elle n 'y perd pas toujoua·s non plus, car il n 'est pas rare que les << protecteurs » s 'entremettent ju,stement en faveur des candidats m.êmies de ,,l 'adminis'tration. Il senit vain de tonner con tre ces mœurs-; ce ne sont pas des b,omélies qui nous en débarrasse.ront, et c 'est 11rnmaine na le-même qu'il faudrait modifie<r·. Swppo- ' ser qu,e, les administrateurs auprè de qua. se produisent ces interventions résisteront malgré tout et qu,oiJ qru'il puisse leur en coûter, c'e. t demander tro,p d 'héto[sme; J,c-s blâmer de Join est facile, ferions-nou~ mieux à !'Emir place ? Supposer aussi que Les solliciteurs renonceront à leurs habitudes n ·est pas une moindre chimère. i\ifais les groupements professionnels pourraient peut-être agiT, demander au.x homn1es politiquei;;, 1 exemple, de s'e,n gager~à ne jap;ar mais faire pression sur l'adnùni tration en favewr de qui que ce soit : est-ce que la chose ne se prati,q;ue 1(*l.S déjà . dans pl us d ·un département il Le remède sans doute n ·t·~t pa radical; encore n 'est-il pas sans vertu. Ces groupements eux-mêmes poun:aient, de leUT côié, ~tre les ~urx servite:UTS ~ c.ette jm,Lioe qu 'av,e c ~"ai~on ils mvoquent souvent et qu ·ils se donnent pour miSiS1on de défendre. Nous voufons dire [X:tr là qu ïls ne dervraient jamais intervenir pour soutenir ,et <fuiiI'e arriver œn. des leurs, dont le principal ou le seul müile est toUJt justei d 'être un des leurs et non d 'un auttre campi, d 'être le candlia:at patronné par son propre groupe pour des rn,i sons que l 'équité impartiale n 'avoue pas toujours. Dire à 1"administration : - Nous somm- s 800, nous sommes 1 .ooo, nous sommes e le nombre, - n 'est pas tout à fait la même ohose que : Sans parti pris, sans aveuglement de cotea·ie, nous traivail- - - - - - - - Ions pour la justice; nul~ question d ·amour-pmptre, ou le
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autre, ne se mêle sournoisement à notre intervention ... Serviteurs intègres de la :vérité et du bon droit, les groupements corporatifs peuvent aider elfficacemenU l 'admimstration à être juste, à condition d 'abord qtlle leurs dirigeants soient désintéressés. Ils p·euvent soit la renseiigner avec exactitude SUJr des affaires dont certaines données échappent- plus ou moins à ses enquêtes, soit lui apporter dans certains cas leur appu:i moral en faveur m~me de l'équité menacée. En l'état actuel des choses, et a:vec le 1·éseau serré' des garanties légales et morales qui protègent le personnel, il est bien rare qu'·un institrnteuT ,puiisse être injustement fTa,pipé. Nous ne disons pas : oeùa n'est pas possible, ni cela n 'arrive jamais. Tant que la, nature humaine sera faillible, faillibles de même seront s.es j~ements, qiuJoi' qu'on fa se et de. quelques préoau tions que, l'on s'entoure pour se préserver de l 'erreur. La :vérité est pourtant qu~ 1'insfituteur qui, s'applique à sa 'tâche e t la fait bien, qui ne dœme prise à la critique ni par son atfüurle hors de l'école ni par ses agissem ents inconsidérés à l 'égard de l'UID. OUI de l 'autre, celui-là - e t il y em a des milliers en France - peut se r eposer avec quiétude dans la sécurité du devoir bien rempli : il est à l'abri des tracasseries et des disgii1ces, ,et le jour n-e> pourra pas ne pas venir où ses méirites seront reconnus et sanc.tionnés. Aussi bien, c'est peut-être folie ou chimère que die vouloir une justice absolue et hors des contingences, aUJ li~u d 'une j·UJst~ce toute relativ,e, telle {fue )a permet l 'imjplerfection soit des hommes, soit des instjtutions mêmes que ces hommes imparfaits onL fondée,s. Noble et fieir Sellltiment, certes, que· celui de la justice, et l'un des plus hauts qui puissent ,émOUJvoi'f' le oœu.r hU!IDain . Encore ne faut-il pas que, par intempérance fougueuse, il s'en aille oohouer dans les égaœments du .rêvo O'U de l 'impossihle ,et donner à ses fidè.Ies l'allure d e don Quichottes d angereux ou ridicules. Philinte ne se trompe guère, : il faut prendre tout doucement les hommes comme ils sont, aOCO'Utumer son âme à souffrÎ'r ce qu 'ils font .. . et e .bien persUJader soimême qu 'on n 'est IJ)las toujours plus parfait ·que ceux qu 'on c:ritique.. C'est chose humaine que l'emreur; quand une administration mal informée. récompense ou d'écore des mérites ou de bel1es actions q,ui n 'existèrent jam ais, quand elle se lais e duper par des appa'l'ences habiles o u c:irconvenir pa~ une stratégie ca,prtie1 use, il faut bien se dire qu'a1
�près tout ces erreurs et ces trébuchements sont dans l 'ocdre· du monde e t de tous les temps. Ce n 'est pas une raison tout de même pour se résigner à l 'erreUJ: ,.e t ne pas déclarer·· la guerre à !"injustice; ce n 'est pas une raison pour se aroiser passivement les bras en attendant les bénédictions bénévoles du diel] Progrès . . Et c'est pour cela que nous croyons, qllle les instituteur sont dans la vérité quand ils mènent campagne pour des réformes ou :pour des revendicaLions qui feront leur sort plus a urré e,t !plus digne, ou quand ils dénoncent sans ménagements (sans assez de mé-· nagements quielqoofois) tels abus de pouvoir et teilles injustices patentes qui pewvent devenir pourr tous UJD,e menace. Nous voudrions seulement que dans ces campagnes parfois un pe'U vives ils fussent toujours bien assocés d'avoir pour euiX la, vérité et le dmit,. Or on ne pe'l.lrt marcher dans cette assurnnce que si l'on connaît avec certitude le poUT et le contre, si l'on n 'a pas la vision rétrécie à un seul côté d es choses - ce qui est trnp fréquent, - si• l 'on n'abonde pas avec une complaisance exoessive daru; son propre seons. De cet écueil redoutable il s n 'ont pas toujoUJrs su se ga,r-der, et ce fat par moments e t dans certains cas un grn nd mal. Et puis, nous voudrions, au moment de mettre le point final à Loutes ces leçons par.fois un peu sévères, r edire· enca.re que les r evendicatio ns du. personnel tireront leur· forc.e princirpale d e leur justes e, à coup sûr, et de leur bon droit, mais aussi die l 'esprit même d'ans leqmiel ell es sero nt pré entées et défend\JJes. Crier et s'agi ter n 'est. pas toujours la bonne manièr e, ce n 'est pa.s le gage le plus certain d 'un succès durable et· sans retou~·s. Nous voudrio,n s, nous voudrions de toute notre 1 âme e t de tourte• nortre, foi, que la grande ror.pora tion des institute'llll's et d'e institutrices de Frafl ce sût ~'imposer à l 'opinion publique et à se a,dversaires mêmes par sa valeur incontestabl e, valeur profossionnelle autant que valeur morale, et qu 'en vue, de ce résultat., san beaucoup de bruit, mais avec un e puissance invinc ible, ell.e fit courageuserrie.nt sO'Tl iœuvre et la fît bie.n . Ce serait là sa plus grande force, rien n e prévaudrait contre ell e. To()IU5 nous S()ll]lha itons l'écol<e publique honorée, estim ée, prrotégoo ; mais elle ne le se!ra que dans la mesUTe où l 'opinion s'accordera à lui i-econnaître valeur et m éritei', à la juger hauterment digne. de confiance et d e rei<:pect . Et c'est de quoi la valeu,r seule de son personnel d écid era. Nouis l'avons dit aux pr.emi ère, lign es de ce livre,
�nous ne trouvons pas autre chose à redire pour terminer tant vaut l'instiluleur ou l'institutrice, tant vaut l'école. Cest pourquoi il nous faut par légions de bons maîtres, des maîtres . instruits et probes, des maîtres qui, richûs d ' une vie intelleclootJe opiniâtrement élargie et renouvelée, sachent la r épandre autO'llr d 'eux ; qui, riches de vie morale, sachent grandir les ·â mes et hausser les consciences.
�APPENDICE
Voici un document qui, pour n'être pas . tout récent, nous paraît digne néanmoins de la méditation des maîtres -et propre à éclairer leur action. Il a été rédigé à l'intention des écoles normales : ce sont les Instructions officielles qui, -dans les programmes de l 905 (réformés en 1920), accompagnaient et commentaient le programme de morale destiné à ces établissements. Aujourd'hui fragmenté, rattaché d'une part aux notions de sociologie appliquée à fa morale et à l'éducation (2° année), d'autre part aux notions de philosophie scientifique et morale (3° année), l'enseignement -de la morale continue toutefois, sous ces formes nouvelles, d'être donné aux élèves des écoles normales et par conséquent, hors de ces écoles, aux jeunes gens et aux jeunes filles qui se préparent à l'examen du breveJ supérieur. Ne serait-ce qu'à ce titre, les Instructions de 1905 que nous transcrivons ci-api;és auraient gardé leur valeur. Mais elles nous semblent bien plus importantes encore à un autre point de vue, c'est en tant que complément du programme actuel -de Morale professionnelle .que nous avons développé dans le présent ouvrage. Ce programme, en effet, pose par endroits -de difficiles questions que nous avons tantôt étudiées d'aussi prés qu'il nous a été possible, tantôt traitées en quelque -sorte implicitement, tantôt simplement indiquées ou amenées d'un mot au courant de nos leçons. Elles se rattachent -d'ordinaire soit au droit de l'État en matière d'enseignement, soit aux principes mêmes qui orientent l'enseignement public, soit à la neutralité scolaire, soit à l'esprit selon lequel les instituteurs ont pour devoir d'exercer dans leur classe et au dehors 1eur fonction éducatrice. Cet esprit général dont il est indispensable que soit nourri et vivifié le simple enseignement de l'école primaire, il faut d'abord que les maîtres eux-mêmes, instituteurs ou institutrices, en soient profondément pénétrés et qu'ainsi ils puissent le répandre autour d'eux, -en animer avec conviction et avec force leurs leçons quotidiennes. Il nous semble que des pages comme celles qui suivent ·sont propres à porter loin l'horizon de leur pensée. Et c'est pourquoi, écrites en un autre temps et pour un enseignement ,déterminé, mais toutes pleines de.raisons et de principes toujours valables, elles ' nous par-aissent avoir ici leur place
�nous ne trouvons pas autre cho:;;e à redire pour oormine·r tant vaut l'instituteur ou l'institutrice, tant vaut l'école. C'est pourquoi il nous faut par légions de bons maîtres, des maîtres . instruits et probes, des maitres qui, richl'..5 <l ' une vie intellectoolle opini.âtren,wnt élargie et renouvelée, sachent la répandre autO'Ur d'eux; qui, riches de vie morale, sachent grandir les ·â mes et hausser les consciences.
�APPENDICE
Voici un document qui, pour n'être pas . tout récent, nous paraît digne néanmoins de la méditation des maîtres et propre à éclairer leur action. Il a été rédigé à l'intention des écoles normales : ce sont les Instructions officielles qui, -dans les programmes de 1905 (réformés en 1920), accompagnaient et commentaient le progràmme de morale destiné à ces établissements. Aujourd'hui fragmenté, rattaché d'une part aux notions de sociologie appliquée à fa morale et à l'éducation (2e année), d'autre part aux notions de philosophie scientifique et morale (3° année), l'enseignement de la morale continue toutefois, sous ces formes nouvelles, d'être donné aux élèves des écoles normales et par conséquent, hors de ces écoles, aux jeunes gens et aux jeunes filles qui se préparent à l'examen du brevet supérieur. Ne serait-ce qu'à ce titre, les Instructions de 1905 que nous transcrivons ci-api;ès auraient gardé leur valeur. Mais elles nous semblent bien plus importantes encore à un autre point de vue, c'est en tant que complément du programme actuel -de Morale professionnelle ,que nous avons développé dans le présent ouvrage. Ce programme, en effet, pose par endroits de difficiles questions que nous avons tantôt étudiées d'aussi près qu'il nous a été possible, tantôt traitées en quelque sorte implicitement, tantôt simplement indiquées ou amenées d'un mot au courant de nos leçons. Elles se rattachent -d'ordinaire soit au droit de l'État en matière d'enseignement, soit aux principes mêmes qui orientent l'enseignement public, soit à la neutralité scolaire, soit à l'esprit selon lequel les instituteurs ont pour devoir d'exercer dans leur classe et au dehors leur fonction éducatrice. Cet esprit général dont il est indispensable que soit nourri et vivifié le simple enseignement de l'école primaire, il faut d'abord que les maîtres eux-mêmes, instituteurs ou institutrices, en soient profondément pénétrés et qu'ainsi ils puissent le répandre autour d'eux, -en animer avec conviction et avec force leurs leçons quotidiennes. Il nous semble que des pages comme celles qui suivent sont propres à porter loin l'horizon de leur pensée. Et c'est pourquoi, écrites en un autre temps et pour un enseignement déterminé, mais toutes pleines dexaisons et de principes toujours valables, elles ' no us par,aissent avoir ici leur place
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naturelle, nous dirions presque nécessaire. Elles sont difficiles, mais riches de substance ; et qui saura les comprendre et les méditer sera plus apte aussi à diriger son action d'éducateur, à s'élever jusqu'à ces idées générales sans lesquelles la vue reste courte et l'action hésitante ou superficielle. Qui saura transposer, pour l'école primaire, les doctrines et les aperçus qu'elles renferment pour les écoles normales et pour les maîtres, sera capable de mettre dans son enseignement moral une hauteur de vues et une richesse de pensées qu'on serait heureux d'y rencontrer toujours, pour le grand bien de cet enseignement moral lui-même et de l'œuvre entière de l'école. Nous souh,aiterions donc que les instituteurs fussent familiers avec la doctrine morale ·et pédagogique qui inspire ces fortes pages et leur communique un souffle large et pénétrant; et c'est à ce titre, nous le répétons, qu'elles méritent de n'être point oubliées et qu'elles nous paraissent avoir pleinement droit de cité dans un ouvrage de morale professionnelle destiné aux futurs instituteurs.
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Nu,l ne conteste que l'enseignement deJ la morale ne doive tenir la première .place à l'école normale. C'est, en eITe.t, cet enseignement qui révèle à n05 futwrs instiLwteurs l'objet final et la haute signification de, 1'1:euvre, en apparence modeste, à laquelle ils vont se dévouer. S'il est vrai qu'un homm e engagé dans queilq~ activité industrielle ou commeTc.iale n 'y peut Téussir ~u'à condition d:e connaitre plus ou moins le rniliew ocon.omiq,we dans lequnl il agit ·et les relations ou dépendances qu'il y supporte, à plus forlie raison rnn éducateirur dUJ pewple a beSO'in, pour aocomplir ave.c succès une tâche qui réclame toutes !es,énergi,e,s de son esprit et de son oœur, de conoevorir clairnment le vaste ensemble intellectuel et rpoml dans lequel son action est com1prise et l 'idéal supérieur vers lequel il d evra, non seule.ment ma.rober lui-même, mais entrainer leis autres. De là :r.ésulte pour lui J 'obligation de s'initier aux ,p roblèmes les plœ élevés de "la philosophie morale_ A l1 'école iprrimaire, l 'enseiignement de la morale est essentiellement pratique, ,concret, nourri de faits et d'exemiples ;· à l 'école norma, e, tout e,n gardant contaot avec les faits, · J il revêt un autre caractère; sarn, cesser de faire a,ppel à la sens ibilité et à ] 'imagination, il devient plus thooriquie1 et '{lllus rationnel ; ~l rend intel1ligibJe à l'élève qu.i sera bientôt un maîlrè cetl,e vie .morale qu 'il s 'efforcm·.a d',é,ve1iller ou: de fort.ifieT en autrui.
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�Mais, par cela même que cet enseignement de la morale est philosophique, qu ïl traite des premiers principes et des dernières fins de la mor-ale, qïU'i( préoond définir .avec précision l,e bien, le bonheur et leurs raTIJ)Orts, il soulève des d~fficullés considérables ,et dont an ne peut passer sous silence le plus grave : un tel enseign<é'ment, forcément dirigé et soutenu piar un programme au caractère dogmati(lue, ne r,e,staw·e-t-il pas une philosophie d 'Etat? La conséqUJence est peut-être inévilahle ; mais, si on l'entend comme il convient, il n 'est pas sûr qu'il faille s 'eJl effrayer. Partout où existe un enseignement pulblic, œt enseignement e rattache à quelques principes formulés nettement oru impliciteme.:nt contenus dans ron prog,ramme. Ce qui est certain, c'est qiue nous avons aujourd 'hui en France, avec Le consentement de tous, une doctrine d'Etat. Depuis sa fonda,tion, en effet, l'Etat :répuiblircain enseigne - ,e t paT là il fait iœuvre inconoostahlemein't dogmatique ~ un principe longtemps méoonnlll e,t très riche en conséquenoes diverses : le principe de l'égale hberlié de, tous les citoye.n.s. Et l'on peut dire. que oo dogmatisme de fait constitue aujoUJrd'hui un droit universellement acoe.p!Jé, ca,r les adversaiœs même du régime répur blicain ne saUJraient Iégitime1 la 1 ésistance qu'.ils lui opp posent qu'en adoptant, • ratiquement et théoriquement, sous un point de vue pirovisoge peut-être, mai,s aussi du,. rable qiu,e le régime, les lib6rtés qUJ'il définit coil1JI.TOOI reispectables et sacrées. C'est sans la moindrn violence contre la minorité que la Déclaration des droits de l'homme prend plaoe dans nos programmes scolaires, puisque la minorité ne pourrait rejetér la Déclaration des droits ·sans s'ôter à e,lle-même toute raison d'être et, pour ainsi dire, sans se suicider. D 'ailleur , n 'est-il pas nécessaire que dans ume société. où l'Etat laisse subsister d'autres écoJ.es que les siennes et où il est sans œsse discuté et parfois méconnu, il définisse par ses organes d'enseignement les principes de sa propre -existence et jUJStifie 1'idéal qui l'a suscité? Par cela même qu'il est le produ,it de la volonté ,expressément al!fiirmtée dJ'une majorité, l'Etat a le droit de se présenter à chaque génération nouvelle comme un acte de rai·son co!lootive, -d'ailleurs révisable et perœctible, et de dire auoc enfants 1?t · aux jeunes ge.n s : « Voici ce que je suis et ce que je '°ignifie par la volonté mtme de vos pères ou de vos anoêtres. Je S\.1JÎS une démocratie, parce qu'ils ont conçu lia justice comme le d1·oit égal pour tous, et je suis une, république,
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parce quïl ont vu dans la forme r épublicaine l'instru-ment nécessai,re à la démocratie . La pensée d 'où j,e suis sorti n 'est pas sans doute infaillible; mais, parce qu'ell e est oelle de vos pères, vous lui de.vez un examen attentif e t respectueurx. dans sa libeq-té. » Certes l'Etat ne doit point imposer les principes qu'il approuve et qui sont oeux dont il vit; il n 'a pas le droit d e châtie~·, en les privant des avantages auxquels peuvent prétendre tous les citoyens soumis aux lois, ceu.."\'. qu ïl n'a pas raliiéls à a .pie·nsée ,et qui , vis:à-vis de Lui, se corn-portent en opposants; mai , s'il ne peut r oclarnel' poru~· Ja doctrine qui le fond e qu'une adhésion volontaire, il importe qu ïl formule cette doc trine très haut et très neltemro:it. Puisqu 'il se fait professeur de m orale, son premjer devoir est de donner l 'exemple de la franchise eit de ne· pa,s di simul er , w us prétexte d e neutrali!Jé, son attâchememt nécessaire à certa ines alffirmaticms dogmatiques qui lui sont, en effet, si précieuses qu'il ne 'P'OUl'rait les abandonneq- sans mourir. L'Etat doit donc, selon une parole, mini téri,elle qui n ·a guèTe r encontré d e contradjcteur, ,en.Sielignel[" dans! ses écoles la démocratie et la r épublique. Mais là ne sauraient se borner ses préférences doctrinales et ses obligations ')J'édagogiques. Notre démocratie r épublicaine est en même· temps, et sans douie par une conséqu1ence nécessaire, une démocratie laïque ; ell e re,pousse de la .part des organi sations reli.gieu ses et ,e!J.e s'inberdit à ell e-m ême toute confusion de l 'ordre temqJor el et de l 'ordre surnaturel : de là l'ori~mtation p11rement rationaliste qui s'impose à l'enseign em ent d 'Etat. L 'idée même d 'urn ensejgnemeint laiiqu e d e la morale su'f)pose qu 'ûn considère la raison comme sulffi sant à fondeT en droit les condition s ess,e,ntielles de·· la coopération entre les h ommes : par suite, oet enseig nement n'établira les règles de la conduite, droite SUT' auioune autre autorité, quie· la raison . , Par cela m ême que la neligion n e r elève pas de la raison. ou du m oins ne relève pas d',e,ll e seuJ.e. cru1'ell-e fait dérivier ses injonctio,ns im!péra.tiv,es d 'une origine suJrnaturelle, ,elle doit r.ester en dehors de l 'en &èig neme,nt de l'Etat. qu• n 'a compét,ence ni poutr la discu1.err. ni peul!' la i contrôler. Elle ne r elève oas de, la conscience individ'U ell e où son d'o maine e~t inviolable. A ce limite~ s'arrêtent les droits de la ~cience elle-même qui' n 'atteint que de,s nhénomèn es co ntingents, sans p1'éitendre· à pénétrnr au dcll1. C'e~t pourqno i la mo rale ~n se,ignée par )''Et11t doit s'acfap-
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Ler aux princÎipes essentiels de la morale des diverses croyances confessionneJ.les et les e nvelopper sans les eXtclure. ~ Le bien est la vie la plus hau.le ou plus précisément ;a vie la plus g-énéreuse, la plUJS inte!Jigente et la plus librè, et la moralité consiste dan,:, la subordination des sens au o:c ur et dUJ o'.l:ur à la raison. On exprime aiUJtrement ia m ême vé:rité en disant que l 'bomme aocamplit sa loi et participe à l'ordre universe.l par le dév.eloppe.ment régl-é do ses fac.uHés proprement humaines, de oelle qui lm confèr ent la dignité de per sonne et font en m êm e temp.; de lui lo serviteuir le plus actif eL le p,!u,s précieux de la société dans laqu'e!lle ü vit. La conception ainsi entendue -du bien a. le mérite raire d 'avo ir été adorpilée en liefrmes à peu près icLentiques par lies grand philosophes, qlllÎ · tous nous ont proposé de r éaliser pleinem ent notre nature d 'êtres sociab,le5 eit 'raisonnables, et, en m êm e temps qu 'elle s'aulo~·i e des p lUJS g rands noms philosophiques, ei!J.e satisfa it le sens commun- qui a toujours conçu le bien sous la form e d '·uITT accroissement et non d 'une diminution de l 'êt re e t d e l'activil<é. On peut dire , au sens large du mo t, qu 'elle est scientifique, puisqu'elle tient compte, pour les ordonner, de tous les ~léments de notre nature ; et , d 'autre part, elle ne saurait être Técusée par les théologiens, pui que le plus illootres d 'entre eux ont d éfini Je bie n comrne I 'ordr,e intellig ible des choses, en ajo uotant se,u,Jernent que c'est grâoe à la vo,J onté die DieUJ que cet OTdre intelligible devierit un ordrie ohligataire. . Au point de vue rationnel eit laïqu e, il est un e autre manière de d éfinir ! 'obligation ou le de,voir : elle consU e, apr è avoir posé comme bonne telle fin suiprêm e, à m ontrer que bels modes die conduite sont nécessafres pow· y atLeindre : nos devoirs ooraient ces n écessités comprises et senties. Mais, de quelque façon qu'on expliqu~ la form e impérative que la moralité r evêJL dans notre conscience, le bie n dem eu re l 'idéie maîtresse qui goUJVerne toU1tes les . autres. C'est parce que la liberté est bonn,ei que no115 devons la r es~oter en a,u,trui et en nous; c 'est parce quie le savoir œt ,u,n bien que nous d evons faire profiteT les autres de nos Iumièœ e L no us ·éclah:e.T des leurs. En d 'aUJtres · te·r m , c'est loujaurs le'bi en qui détermine le devoir, non le devoir qu'Ï d!é'lewmine le b ren. rous venons de dléfinir la philosophie morale que 11 0 11. proposon am:: prélférences de nos maîtres. Nous d és.irons urloUJt qu 'ils entendent celte philosophie. en son sens Je
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plus large et le plus compréheœi.f, car nous la leurr r?commandons uniquement parce qu'elle est acœptoo par presque tous les esprits et que, selon l 'idfal qui convient aux principes d e l'enseigneme,nt populaire, elle r eprésente ce qu ïl y a 'de plus vo,isin d 'une, pensée universe.lle. Peut-être ne pourrait-on citer chez nos moralistes modernes une seule pensée profonde et durnble q;ui ne trouve natu11ellement sa place daIIB la conception antique d e la ve.rtu, tant il est vrai ql\l'il existe une rais()ln éternelle dont les leçons, en ce qu'elles ont d 'essentiel, ne difïè1 ient pas d ·un pays à l'autre ni d ' um sièc.l~ à l'au;tre. Si nos professe urs sont bien péné,tr~ de cett,,e foi en la raison, ils marqueront sans effort leur ense,gnement du caractère ·d e largeur qui lUIÎ. convi.e.nt e t se garder()IIl.t de danner à leurr critiq,rne, m ème des doctrines, qui leur appa,rieurs de la ratson, unr raitront comme des :p,roduâ-ts infé forme systé,matiquement négativiei. Sans doute ils signale·I•ont avec nelleté l'insullfI.Sance des doctrines trop étroites, mais i• s se plairont SUlf'toUJt à metitre en · Irumière Z'idme de l vérité qu 'cl• es contiennent, de socte que leur critique, loin L d,e détruire ou d 'amoindrir la confiance en la raison, tendra plutôt à la fortifierr-. Pou1 prendre un ·eixemple, on r sait qu'il ,e,:t d '11&1ge dans les manuels de flétrir l 'utilitarisme, sous prétexte de Je, juge!', eit qu'on y présente volontiers comme des gen& d 'une honnêteté peu sûre ceux qui adoptent les principes de cette mo rale. Nos professenns éviteront cette injustice ein. insistant sur les r apport.s si nombreux et S'Î profonds de l 'ïntérêt géné~ ral e,t de l 'intérêt priv~ et en essayant d '.é,l argir, pour lui donner toute sa vérité, la notion de l 'intérêt bien entendu. Ils mo ntreront qu'une nation tombe en décadence lorsque, sous l 'empire d'une oonceptiO'Il m esquine de l"utiJité, qui prépare comme Je sruicide de l 'u:tilité même, les citoyens n 'envisagent que leUT intérêt personnel immédiat oUJ tout au plus ce1u.i de leur famille, de J.eiur clocbier, de leuir corporation ou de leur classe e.t imposent au législateur la loi de 1ellir égoïsme, au risque, d'entrainer la rUIÎ.Jne publique qui deiviendrait finalement la leur. Il importe d'établir que, pour êtr,e bienfaisant ,e,t fécond, le sentiment de · l 'utile a toujours besoin d'être rationalisé et comme soule,•é a,u -de.ssus des aveiugfos utilités particuilièirers, qui, se ha'issent et s',ent1 étru'Î5ent, pû• lr· s'éleveir à ]a h auteur ,e-d U et se fi:x,e,r dans l'harmoni'e de l'intérêt commun. Et il importe d'ajouter qu·e l 'utilitarism e, même, élargi, ne s,e sulffilt p• s; q,lll'<en fuit, chez presqu,e touis les hommes de a
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forte aclivité économiquie, il SEl subordonne à d.es aŒecti-ons et -à des ambitions qui ne sont pas égoïstes, et qu ·en droiL il ne revêt un . caraotère 1 1éellement humain Cj'UJe s'il poUJrsUJi,t et prépare, avec une existence plus libre, des joies plus amples du o:eur et de la raison . Le m ême ra tionalisme large e t Lerme devrn pénétrer, croyooo-nous, ] 'enseignement de toutes les parties de la morale .. . Il montrera la raison à l 'œwvre, non seuilement dans les v,ertus de pru'dence, de tempérance et de oou1 rage que les anci:ens ont si jootement vantées, mais jmsq.u.e dans ces habitude,s d 'hygiène €ft d 'ordre que 1-e pirogrès ae la scienoe m édicale e t la COID!pJication croissante de la vie civilisée imposent de. plus en ,p lus aux modell'Iles. Il justifiera les sentiments bi enveillants, insistera S'llr l 'as&i,stan,.;e posi.Live ou !,es égards délica ts dont ils sont les principes, fera comprendre que sans généro ité i'l n'est aucun bonheur de prix, établira que la marche en avant d'WI1e démooratie1 exige le progrès des ·s entime,nts sympathiques comm e la condition même du progrès de la justice; mais en même oornps il mettra en garde contre les impUJlsi.ons irréfléchi,es du sentiment e t définira comme la bi.enfaisance suprême œ lle qui ·est éclairée :piar le savoir et co111 tarnment souic.i euse de ses conséqu.einoes. · La démocrati,e obéit moins, d 'ordinaiœ, à la raison qu 'à l 'instinct ou au sentiment; ses éd ucateurs la me ttront en garde contre s,es propres entraînernients, lui siginaieront les risques d'intolérance que la passion lui fait courir sans cesse, lui expliqueront la néoessité de se critiquer elle- · mêm e ou de s'entendre critiquer, lui révéforont la solida riLé q,llJÎ lie le progrès même d 'l]Ilei doctrine vraie à la liberté des doctfines contraires. E1le aime ce qui est simple et tend à se dé.faire des mécanismes sociaux: oomp1exes que la civilisation a lentement élaborés comme les garanties d élicale,s .et sûr es de la Hberté et dei la ju:sti'œ; ils hm -enseignera-nt la haute uti,l ité de ces savants appareils, l'obli- , gation die limiter toute puissance, même œl.1e1 d111 suffrage popuilaire, et l'importan ce tl'OTp souvent ignorée de l'anden principe de la division des pomo'irs. De même l 'E'tat considèrei comme un die ses premiers devoi,r s d 'éduquer, de fortifieir et d 'élever par l ',écolie le sentiment patriotique des futurs- c itoyens. Nos iru;titulte.urs n'y sauraient aipportm- trop de soins et trop de sarupules. Il est superflu de leur recommander de proscrire oo loor enseign e.vient le dénigrement systématiqoo ot la haine de l 'étrang,er, qiu~ portelllt <!Il eux le germe des guerre fu -
�tures. L'amour c1e la patrie peut se ,p asser de œs excita. lions 1na:!Jsaines. Il trQluv.e dans l'ob!iet · même de son cultedeis raisons s ulffisantes poU!l' toucher et persuad,er se,s fi dèles. D'autre part, si les peupLes, par la facilité et la multiplicibé des mo,y,ens de ·ooman.umications, par la compleocité croissante de le:l1T6 intélrêts et la solidariité économique qui en déc.ou.le, tendent tous les jours à se rapprocher et à se pén éitrer dava ntag,e, si la civilisation tend à p1 1endre so-n niveau et à effacer la diffélrence enlre les hommes cLe même culture, on ne manq'llera pas de [remD r41uer] le courant parallèlie qŒi ·e dessine dans les relations de peurple à pewple. Les nationaliités, tell,ejs. que la géogra phie les a limitées, amalgamées e L fondues piar une hi · toi11e oom.mune, devenue · des personnes ffi{)lrales, dis/(,jnctes par le :palrimoi.ne de sentiments et d 'idlées CJ)ll''elles ont élaboré, prennent par oos contacts plus fréquents une conscienoe plus nette et p~uts. jalouse de leiu1r personnalité. Pa1r un instinct natmiel de conseirvation, elles semibfont S(' replier pou.r ne pas s·aliéner d 'elJes-même.s, tout en se répandant davantage au dehor ... Ce n 'est pas ici le sentime nt de la patrie qui s'oppose à c.eluri. <l'e l'hurna,niLé. Ces deuoc sentim€1f1ts sont faits , cmir s'accorder, non pour s'exp cllllfe. L ' u:n mène à l'aurtr<Ei·; mai6 le p,ren1ier irrupose des. devoirs plU's tricts et plus rigowreux, comme se rapjp,Ortant à une huma nité p1u\5 prochaine et ,p lus fra.ternelle. Chaque J1ation a son idéal manifesté par son histoire. Le nôtre s ·,est inspiré des idées de liberté, de droit et de· justice, q:u 'elle a propagées par le monde. Pom lUii conserver son action, pour J.uri :p.ermeüre de réaJisoc J.e noble idéal qu'elle représemte, nous devons nous garder d 'affaiblir dans les ,âmes le c ul:te de la patPie, qui en est le soutien néoe.ssaire. Mais ce q;u.'i• importe smtoUJt de ne pas pe'l·doo de vue, l c'est qu'une doctrine q,ui se pnésente comme un enseignement de la rnison ·,exige de oeux qui la transmettent ,cximm e de oewx: qui la reçoivent la plus libr,e activité d 'esprit. Elle n ',exis te! que paT J.'adh:ésion S!Pontanée des in.te.llig,erices et s'anéantit dès qu'elle se fixe en formuileis acceptées sans ex.am~m . Les grandis penseul"S ollit eocpirimé en termes parfois assez différents 1 mêm es vérités éternelftes, e:t, sans -es d{)IUte, il ne les ont pleinement goûtées que sous la form e or.i,ginale dont il les ont veYêtuies. La condi'tion qiuii s'im.pos-e awx: grands hommes s'impose égaleïrrmint, qruoiique à un degré moindre, aux hommes ordinaires : oeux-ci ne pe.uNen.t, oom~ ceuoc-làl, adopte-r une oertaine COtI1œtption
�du mondie et d e la , ie sans y m èler queilque chose die personnel. Il suit de là que nous n e dema ndons nu:llemient à nos maîtres un ,enseignem ent uniforme ; nous ne d ésirons pas q:u'ils r épètent dans les mêmes temœs le même catéchisme, celui du déII).ocrate Talionaliste ; nous souhaitons au contraire que, lout en restant fidèles aux deuoc gra1tds p1'Ïncipes cLe la sup1émati,e cLe la raison, daM l'ordre intellectuel, et d~ l'égale liberté d€6 citoyens, dans l'ordre sooi!al , ils déplo ient dans l'interprétation du détail des conséq: en ces ! 'effort mental le plus personnel ,e;t le plus u origina,l. De combi en de façons différentes et également exoel:l,entes n e p euit-on enseign er et faire aimer oes g rande vertus : sincér1té, justiœ, patriotisme,, frat,ernité? Des écrits et des di co1 san s nombre ont plaidé la cause de ua·s la liberté de conscience ; et cependant il n 'e,s,t pas un pirofessem1 d ·esprit actif et d ·,âm e généreuse, auquiel ses souvenirs et ses r éflexions propres ne fournissent li moy,e,n de e rendre comm,e vivante et newv,e la ·p~us banale en aipparence des véirilé6 <le la rai'Son. Ainsi p1ratiqrrnell'mmt n umité doctrinale que m aintient, en la rédu~sant au mi,n imum, un libéralisme pédagogique rationnel, r oopecte cb,e,z if's maîtres, dans la mesure souhaitable , la diversité d<e6 c ·sprits et la variété des pœnts de v,u e. Jetons l" a,ncl'e et laissons flott er, disa~t BeI\50t aux mora~i tes; e,t c'est ce m ot, précisé dans sa signification par les reirrmrques qui précè< font, que nous répéterons, en terminant,, aux éducateurs d 'aujourd 'hui.
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��TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE
Jer. II. III. IV.
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V. VI.
VII. VIII.
IX. X. XI. XII. XIII. XIV. -
La culture professionnelle . . . . . . . . . . . La conscience professionnelle......... La neutralité scolaire . . . . . . . • . . . . . . . Autre devoir de l'État éducateur : ne rien enseigner de contraire à ses propres principes . . . . . . . . . . . . . . . . . Les livres de classe ....... : . . • . . . . . . Devoirs envers les élèves . . . . . . . . . . . • Obligations envers les .autres maîtres.. Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques .... i. ............ Rapports avec les familles........... Rôle de l'instituteur dans les œuvres complémentaires de l'école . • . . . . . . . La vie privée de l'instituteur. ·....... L'instituteur et la vie publique . . . . . . L'instituteur secrétaire de mairie . • . . . Les droits des instituteurs. Leur statut.
7 20 33
50 62 76 101
120 142 166 19-5 217 240 253 277
APPENDICE • • • • • • • • • • • • • • • • • • . • • • • • • • • • • • • • . • • • • • . • • • • •
Imprimerie spéciale de l'Éco /e Unive,·se/.le
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1|TABLE DES MATIÈRES|293
2|CHAPITRE Ier. - La culture professionnelle|11
2|CHAPITRE II. - La conscience professionnelle|24
2|CHAPITRE III. - La neutralité scolaire|37
2|CHAPITRE IV. - Autre devoir de l'État éducateur : ne rien enseigner de contraire à ses propres principes|54
2|CHAPITRE V. - Les livres de classe|66
2|CHAPITRE VI. - Devoirs envers les élèves|80
2|CHAPITRE VII. - Obligations envers les autres maîtres|105
2|CHAPITRE VIII. - Rapports avec les autorités préposées à la surveillance et à la direction des écoles publiques|124
2|CHAPITRE IX. - Rapports avec les familles|146
2|CHAPITRE X. - Rôle de l'instituteur dans les oeuvres complémentaires de l'école|170
2|CHAPITRE XI. - La vie privée de l'instituteur|199
2|CHAPITRE XII. - L'instituteur et la vie publique|221
2|CHAPITRE XIII. - L'instituteur secrétaire de mairie|244
2|CHAPITRE XIV. - Les droits des instituteurs. Leur statut|257
2|APPENDICE|281