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8fd4bbf071211036e23251ef9b1eb48c
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Title
A name given to the resource
Ouvrages remarquables des écoles normales
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Title
A name given to the resource
La pédagogie expérimentale au jardin d'enfants
Subject
The topic of the resource
Enseignement
Jardins d'enfants
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jonckheere, Tobie
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Maurice Lamertin
Félix Alcan
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1921
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2013-03-11
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
http://www.sudoc.fr/027652408
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
1 vol. au format PDF (147 p.)
Language
A language of the resource
Français
Type
The nature or genre of the resource
Text
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
MAG D 37 216
Provenance
A statement of any changes in ownership and custody of the resource since its creation that are significant for its authenticity, integrity, and interpretation. The statement may include a description of any changes successive custodians made to the resource.
Ecole normale de Douai
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Université d'Artois
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���TOBIE JONCKHEERE
Directeur de l'Ecole Normale Professeur à l'Université de Bruxelles
LA PEDAGOGIE
AU JARDIN D'ENfA
2 FIGURES DANS LE TEXTE
BIBLIOTHEQUE Section .
ET
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.'S.
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Série.. A
vit.
Inscrit à l'inventaire sous le ïf*
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BRUXELLES MAURICE LAMERTIN 58-62, Rue Coudenberg 1921
^ <?-pxk's; ':
<9 "a PÉ^JX^ALCA^J 108, B^S' Germain
��A mes anciennes Elèves de l'Ecole normale Froebel de la Ville de Bruxelles, établissement où j'ai enseigné la pédagogie depuis 1913 (fondation de l'Ecole) jusqu'en 1919. T. J.
��LES TITRES ©ES REVUES OU PÉRIODIQUES CITÉS DANS CET OUVRAGE ONT ÉTÉ ABRÉGÉS COMME SUIT:
Act. Soc. linn.
Actes de la Société linnéenne de Bordeaux. Les Annales pédologiques Ann. pédl. (Bruxelles). L'Année psychologique (Paris). An. ps. Archives de Psychologie (GeAr. de Ps. nève). Bulletin de la Société libre Bul. Soc. ps. E. pour l'Etude psychologique de l'Enfant (Paris) (i). The Child (Londres). Ch. Child-Study (Londres). Ch. St. C. r. Soc. de Biol. Comptes rendus de la Société de Biologie (Paris). L'Educateur moderne (Paris). Ed. mod. L'Education enfantine (Paris). Edn. enf. L'Education joyeuse (Paris). Edn. joy. L'Enfant (Paris). E. L'Intermédiaire des EducaIm. des Ed. teurs (Genève). The Journal of educational J. of edn. Ps. Psychology (Baltimore). The Journal of expérimental J. of exp. Pedg. Pedagogy (Londres). Kinderstudie (Zeist, Pays-Bas). Kst.
(i) Depuis 1917 : Société Alfred Binet (Psychologie de l'enfant et Pédagogie expérimentale).
�Pedg. Sem. R. Hyg. Pol. san. R. phil. Zd. Nd.
The Pedagogical Seminary (Worcester, Etats-Unis). Revue d'Hygiène et de Police sanitaire (Paris). Revue philosophique (Paris). Zuid en Noord (Gand).
�CHAPITRE I
INTRODUCTION
« Que la pédagogie doive reposer sur la connaissance de l'enfant comme l'horticulture repose sur la connaissance des plantes, c'est là une vérité qui semble élémentaire (i). » Cette vérité n'est plus guère contestée aujourd'hui. Un vaste mouvement de recherches s'est organisé et développé dans la plupart des pays, et a donné lieu à de nombreux travaux, de valeur assurément inégale, mais qui témoignent tous du désir et de la volonté d'étudier scientifiquement l'enfant, afin d'établir l'enseignement sur sa véritable base, la connaissance exacte de l'enfant. La plupart de ces recherches se rapportent aux élèves d'école primaire ; quelques-unes sont relatives aux jeunes gens et aux jeunes filles de l'enseignement moyen ; d'autres encore ont trait à l'évolution de l'enfant de o à 3 ans. Il est étrange de constater que l'enfant de 3 à 6 ans ait échappé presque complètement aux investigations des psychologues et des pédagogues de l'école expérimentale. Il y a là une lacune regrettable. Certes, il existe quelques ouvrages consacrés à cette période si intéressante de l'enfance, mais ils s'appuient souvent sur des hypothèses et des constatations fragmentaires
(1) DR ED. CLAPARÈDE. Psychologie de l'enfant et pédagogie expérimentale. Genève et Paris, 1916, 7e éd., p. 1.
�io
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
ou hâtives, au lieu d'être le résultat de l'observation méthodique ou de l'expérience raisonnée. Signalons quelques exemples : Dans son livre : « L'enfant de trois à sept ans >>, qui date de 1886, Pérez écrit : « Mis en présence d'un objet nouveau, un garçon de 4 ou 5 ans dira volontiers : « Qu'est-ce que c'est { Qui a mis ça là Pourquoi est-ce faire i » Une petite fille dira plutôt : « C est bien joli ou vilain. J'aime cela. Cela me fait horreur. » Et Pérès ajoute : « Ce sont là des nuances bien tranchées du même sentiment primordial de curiosité qui les pousse à demander l'objet, à vouloir le saisir, le considérer et le manipuler. Des deux éléments de la perception, celui qui se rapporte à la connaissance et celui qui se rapporte à la sensibilité, c'est le second qui, la plupart du temps, s'accuse le plus vite ou le plus fortement chez les petites filles (1). » Belot a raison, quand il fait observer à ce sujet : « Rien d'inadmissible à première vue dans ces assertions du psychologue ; mais, d'où les a-t-il tirées, et quelle vérification en a-t-il faite'' C'est ce que nous voudrions savoir et ce qui en augmenterait singulièrement le crédit (2). » Voici d'autres opinions non moins hasardeuses de Pérez : « A l'âge de 3 ans, les souvenirs des deux premières années sont tous, ou peu s'en faut, rentrés dans la
(1)
BERNARD PÉREZ.
L'enfant de trois à sept ans. Paris, 1907,
4e éd., p. 46. (2) A. BELOT. Les études relatives à la psychologie de l'enfant, Bul, Soc. ps. E., 7e an., no 39, mai 1907, p. 128,
�INTRODUCTION
II
nuit de l'inconscient. » (P. 2). — « Un défaut ordinaire chez l'enfant et tout à fait conforme à la loi du moindre effort, c'est de fixer son attention plutôt sur les ressemblances que sur les différences. » (P. 24). — « Certains (enfants) sont naturellement portés à dissimuler le bien comme le mal : ce sont des caractères secrets. Cette qualité, d'essence féminine, est plus commune chez les petites filles que chez les garçons. » (P. 87). — « Les pairs de l'enfant, ce sont d'abord les animaux ; ensuite les autres enfants; puis les adultes qui les amusent. Voilà, par conséquent, où leurs affections vont de préférence. » (P. 151). . Il est inutile de reproduire d'autres exemples. Arrivons immédiatement à une conclusion nette : Il est nécessaire que la pédagogie expérimentale pénètre au jardin d'enfants, et que l'enfant de 3 à 6 ans soit soumis à l'observation attentive, qui seule peut déceler les aspects de son individualité et faire découvrir les règles à suivre pour assurer logiquement son développement physique, intellectuel et moral. Les institutrices attachées aux petites écoles sont mieux placées que personne pour étudier la mentalité du jeune enfant.Les recherches à faire sont d'ailleurs multiples et variées, et elles apporteront une contribution précieuse à la pédologie. Ces observations, ces expériences et ces enquêtes, qui peuvent généralement se faire à l'occasion des exercices habituels du jardin d'enfants, auront le grand avantage d'attirer l'attention des éducatrices sur des problèmes curieux et de donner à leur activité un intérêt renouvelé.
�12
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Dans les pages qui suivent, j'ai tâché de donner la synthèse d'un certain nombre de travaux expérimentaux qui ont paru sur l'évolution physique, intellectuelle et morale de l'enfant de 3 à 6 ans. C'est un aperçu qui vise moins à être le relevé complet de ce qui a été publié sur la matière, qu'à montrer combien est vaste et attachant le domaine à explorer encore (1). J'espère que cet essai contribuera à faire naître de l'intérêt pour les questions de pédagogie expérimentale au jardin d'enfants ; qu'il incitera à traduire dans la réalité le conseil de Rousseau, s'adressant à tous les éducateurs : « Commencez donc par mieux étudier vos élèves, car très assurément vous ne les connaissez point (2) » ; et qu'il aidera à faire découvrir des faits nouveaux, dont l'accumulation permettra de mieux comprendre comment il importe de travailler à l'épanouissement des jeunes intelligences.
(1) Il me serait d'ailleurs très agréable d'être renseigné sur des travaux qui auraient pu échapper à mon attention, et de recevoir ceux qui seront publiés dans la suite. (2)
JEAN-JACQUES ROUSSEAU.
Emile (Préface).
�CHAPITRE II
LA TAILLE, LE POIDS ET LE PÉRIMÈTRE THORACIQUE
Il est essentiel, avant de se préoccuper du développement intellectuel des enfants, de s'intéresser à leur état de santé. Il est, en effet, bien démontré aujourd'hui que l'évolution physique exerce une influence sérieuse sur l'évolution intellectuelle. D'une manière générale, on peut affirmer qu'un corps débile ou malade est incapable de donner au cerveau les éléments nécessaires à son fonctionnement normal. « Ce qui fait l'intérêt, pour l'instituteur, des phénomènes de croissance physique, c'est qu'ils ont une répercussion sur les fonctions psychiques et sur l'énergie du travail mental (i). » Voilà pourquoi il est nécessaire de surveiller attentivement le développement des enfants. Le problème a peut-être une signification plus considérable encore, esquissée par Binet dans ces lignes: « L'examen et la mesure du développement physique des enfants n'ont pas seulement un intérêt de pédagogie ; toutes ces questions, quand on les comprend bien, débordent les intérêts propres de l'école, et prennent une véritable importance sociale, car elles mettent en jeu l'avenir de notre race et l'organisation de notre société (2). »
(1)
Dr
ED. CLAPARÈDE.
(2) ALFRED BINET. 1909, p. 60.
Op. cit., p. 423. Les idées modernes siir les enfants. Paris,
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Certes, la physionomie, le jeu sont des indices qui permettent de voir globalement si un enfant se porte bien ou non. Mais il y a d'autres caractéristiques du jeune être, et que nous ne pouvons pas ignorer. La taille, le poids et le périmètre thoracique notamment fournissent des indications d'autant plus précieuses qu'elles sont l'expression non pas d'une appréciation subjective, mais d'une mesure vraie et exacte. Pour que les constatations aient de la valeur, il est naturellement nécessaire de les faire d'une manière minutieuse et précise. Il ne s'agit donc pas de mesurer l'enfant lorsqu'il a ses chaussures, ni de le peser lorsqu'il est habillé, ni de prendre son périmètre thoracique par-dessus ses vêtements! Comment faut-il prendre la taille d'un enfant i Le sujet, étant pieds nus, se tient debout, le corps d'aplomb, dans une position franchement verticale, les talons rapprochés, les pointes des pieds écartées, la tête en équilibre, le regard bien dirigé en avant. On place alors la tige du curseur de la toise sur la tête dont les cheveux ont été écartés (i). Pour prendre le poids d'un enfant, il suffit d'effectuer convenablement la pesée sur une bascule, le
(i) A défaut de toise, on choisit un plan vertical (sans cimaise ni plinthe) sur lequel, à 0,70 m. ou 0,75 m. du sol, on trace, tous les demi-centimètres, des lignes horizontales coupées par une ligne verticale sur laquelle sont indiquées les hauteurs calculées depuis le sol. Il suffit d]avoir à sa disposition un instrument formé de deux lattes bien d'équerre (de 3 ou 4 cm. de largeur et d'une vingtaine de cm. de longueur), retenues par une pièce de bois fixée obliquement et servant de poignée : tandis que le bras vertical de l'instrument se place le long de la ligne des hauteurs, le bras horizontal se pose sur la tête de l'enfant.
�LA TAILLE ET LE POIDS
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sujet étant dépouillé de tout vêtement, ou muni tout au plus de sa chemise. Il est utile, pour éviter les causes d'erreurs, d'inviter l'enfant à satisfaire au préalable ses besoins. Le tableau ci-après indique la moyenne de la taille et du poids des enfants âgés de 3 à 6 ans (1) : Garçons Filles Age Taille Poids Taille Poids en kg. en m. (2) en kg. en m. (2) 3 ans 0,864 0,854 12,5 12,4 14,0 0,927 0,915 4 » 0,987 5 '» I5>9 Q/974 15,3 6 » 1,046 17,8 1,031 16,7 Il y a lieu cependant de ne pas accorder une importance exagérée à ces moyennes. En somme, il n'est pas précisément indispensable que l'enfant accuse à chaque âge la taille et le poids renseignés par les moyennes ci-dessus. Mais ce qui est capital, c'est qu'il ne reste pas stationnaire pour ces deux mensurations pendant un an, ni même pendant un semestre. Car il est démontré que l'arrêt du développement en hauteur ou en poids indique fré(1) PAD. QUETELET.
Anthropométrie. Bruxelles, 1871, p. 177 et
34°-
Il serait très utile de refaire ce travail, car, en supposant même que les moyennes de Quetelet reposent sur un nombre suffisant de mensurations, la taille, d'après Vervaeck, tend à se relever depuis une trentaine d'années. Il en est probablement de même du poids, étant donnée la corrélation étroite qui existe entre la taille et le poids. (2) Si la taille se mesure au centimètre et non au millimètre, il convient de se demander ce qu'il faut faire du chiffre des millimètres. On peut décider que lorsque celui-ci est égal ou supérieur à 5, on force le chiffre des centimètres, tandis que s'il est inférieur à 5, on le néglige simplement.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
quemment un état morbide qu'il est nécessaire de faire examiner par le médecin. Prenons donc régulièrement la taille et le poids des enfants. Sauf chez les bébés, qu'il est intéressant de suivre de plus près, le semestre est la période la plus conforme aux exigences physiologiques des mensurations (i). Il importe d'autre part de prendre cellesci toujours au même moment de la journée. Il est utile de compléter, pour chaque enfant, le tableau des valeurs numériques semestrielles par un graphique permettant de voir, d'un seul coup d'oeil, la marche de la croissance en taille et en poids. Voici par ex. les tailles que j'ai prises, une fois par an, chez un garçon de 3 à 6 ans : 3 ans : 0,89 m. 4 ans : 0,97 m. 5 ans : 1,04 m. 6 ans : 1,10 m. Ces données peuvent être représentées par un diagramme qui s'obtient comme suit, par rapport à deux axes rectangulaires : on porte sur l'axe horizontal l'âge de l'enfant de six en six mois, et sur l'axe vertical la valeur des tailles (fig. 1). Ces observations, faites deux fois par an, constituent le meilleur moyen pratique de surveiller le développement physique des enfants et de s'assurer du degré de régularité des conditions qui président à la croissance de l'organisme. Mais là n'est pas le seul intérêt que présente la
(1) D PAUL GODIN.
R
La croissance pendant l'âge scolaire. Neu-
châtel,
1913,
p. 259.
�2
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
mesure de la taille et du poids. Il est possible d'utiliser ces documents — à condition qu'ils soient suffisamment nombreux — pour fixer la taille moyenne et le poids moyen de chaque âge, et pour tracer la courbe des tailles et celle des poids de tous les enfants d'un âge déterminé. Soit à connaître la taille moyenne des enfants de 5 ans. On additionne toutes les tailles et on divise cette somme par le nombre d'enfants. Le même procédé s'applique au calcul du poids moyen d'un groupe d'enfants de même âge. Cette méthode fait disparaître les différences individuelles pour faire ressortir uniquement le type moyen. Or, il est très intéressant de connaître la courbe que suivent toutes les tailles ou tous les poids d'un groupe d'enfants ayant le même âge. Pour les sujets de 3 à 6 ans, il y a|lieu de former des catégories groupant les âges de six en six mois : Enfants de 3 ans à 3 ans et 6 mois ; » 3 ans et 6 mois à 4 ans ; » 4 ans à 4 ans et 6 mois ; » 4 ans et 6 mois à 5 ans ; » 5 ans à 5 ans et 6 mois ; » 5 ans et 6 mois à 6 ans. Ainsi, soit à établir le diagramme des tailles d'un groupe d'enfants de 5 ans à 5 ans et 6 mois. Sur l'axe horizontal on porte les valeurs des tailles relevées, et sur l'axe vertical le nombre d'enfants présentant ces tailles. On procède d'une manière semblable pour dresser le diagramme des poids d'un groupe d'enfants de même âge.
�LA TAILLE ET LE POIDS Voici, à titre d'exemple, le graphique des tailles que j'ai relevées chez tous les garçons de 5 ans à 5 ans et 6 mois appartenant à treize jardins d'enfants de la ville de Bruxelles (fig. 2). Le total des tailles de tous ces garçons, au nombre de 100, est de 100,29 m'> leur taille moyenne est donc de 1,00 m.
Fia. 2. — Courbe de la taille de 100 garçons de 5 ani à 5 ans et 6 mois.
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE Tandis que les nombres d'enfants mesurant 0.88 m., 0,89 et 0,90 m., 0,91 et 0,92 m., 0,93 et 0,94 m., 1,07 et 1,08 m., 1,09 et 1,10 m., 1,11 et 1,12 m. sont respectivement de 1, 2, 4, 5, 6, 4 et 2, les tailles 0,95 et 0,96 m., 0,97 et 0,98 m., 0,99 et 1,00 m., 1,01 et 1,02 m., 1,03 et 1,04 m., 1,05 et 1,06 m. groupent respectivement 12, 13, 14, 17, 12 et 8 enfants. Une courbe de ce genre est intéressante, non seulement parce qu'elle donne des renseignements plus nombreux qu'une simple moyenne, mais encore parce qu'elle permet de se rendre compte des oscillations des tailles dans un groupe d'enfants de même âge. Il reste à donner quelques indications sur la manière de prendre le périmètre thoracique, mesure dont la détermination appartient au médecin scolaire plutôt qu'à l'institutrice. L'enfant se tenant debout, le tronc nu, on place le ruban métrique sous la pointe de l'omoplate ou au niveau du xiphoïde, appendice cartilagineux qui termine inférieurement le sternum : dans le premier cas, on mesure le périmètre sous-pectoral ; dans le second cas, le périmètre xiphoïdien. Mais, quel que soit le point de repère choisi — et l'expérience seule permettra de dire quel est le meilleur —, il est de toute nécessité de prendre le périmètre suivant un plan bien horizontal. Le périmètre thoracique doit être pris au repos, c'est-à-dire entre deux respirations. Le ruban métrique étant placé, on invite l'enfant à laisser pendre les bras ; puis on cause avec lui pour
�LA TAILLE ET LE POIDS l'empêcher de fixer son attention sur ce qu'on fait et éviter qu'il ne gonfle sa poitrine : on obtient ainsi aisément, à la fin d'une expiration, le périmètre habituel ou normal. On voit que les questions relatives à l'anthropométrie pédagogique ne sont point résolues ; elles ne pourront l'être que grâce à de nombreuses observations que seules des personnes entraînées à cette technique pourront faire avec le soin et la prudence qu'exige l'étude de ces problèmes.
�CHAPITRE III
LA VISION
§ 1. La mesure de Vacuité visuelle. Les avantages de l'examen de la vision chez les enfants ne doivent plus être mis en évidence. Il est nécessaire de rechercher avec soin et de corriger dès le début les anomalies de la vue chez les petits. Quelle est la méthode la plus pratique pour déterminer l'acuité visuelle des jeunes enfants i Binet (i) recommande de diviser l'opération en deux parties distinctes : l'institutrice définira la valeur de la vision distincte de l'enfant, en déterminant à quelle distance il voit facilement et nettement; cette constatation servira à mieux placer l'enfant dans la classe et, notamment, à le rapprocher du tableau noir, quand les nécessités de la vision l'exigent ; le médecin-inspecteur de l'école définira le défaut visuel des enfants que l'institutrice lui signale, et indiquera le remède qu'il convient d'appliquer à chaque cas. Binet et Simon ont élaboré pour le jardin d'enfants un tableau optométrique où les lettres sont remplacées par trois figures : un carré, une circonférence et une croix verticale. Ces figures sont dessinées, en noir sur fond blanc, par un trait ayant partout la
(l) A. BiNET. Réflexions sur quelques problèmes qui oui été étudiés a la Société, Bul. Soc. ps. E., 8e an., no 43, janv. 1908, p. 46.
�LA VISION
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même épaisseur : 4 millimètres ; de plus, la totalité de chaque figure peut être inscrite dans un carré de 21 millimètres de côté. Voici comment il faut procéder à la mesure scolaire de la vision au moyen de ce tableau : i°) Opérer dans un lieu découvert (cour, jardin, etc.) entre 11 heures du matin et 2 heures de l'aprèsmidi. 2°) Séparer les trois figures et les fixer sur un mur, à hauteur des yeux des enfants, en laissant entre elles une distance d'un mètre environ. 30) Prendre chaque enfant isolément, le placer à 7 mètres de distance des figures, et lui demander de les nommer. S'il en nomme correctement deux sur trois, on doit le considérer comme ayant une vision normale. Si, malgré des sollicitations pressantes, l'enfant ne nomme pas les figures, il faut le rapprocher à 1 mètre des cartons. Deux cas peuvent alors se présenter : a) L'enfant nomme bien les figures à la distance de 1 mètre ; on a ainsi la preuve que son insuccès à la distance de 7 mètres tient à un défaut de la vision. b) L'enfant commet des erreurs à 1 mètre de distance ; on peut alors supposer que ses erreurs tiennent à un défaut de vocabulaire : il faut lui apprendre les noms des figures, changer l'ordre de celles-ci, puis recommencer l'examen à 7 mètres. 40) Sont considérés comme insuffisants de la vision les enfants qui, à 7 mètres de distance, ne peuvent pas nommer deux figures sur trois, bien qu'ils en connaissent les noms. En appliquant cette méthode, on trouve une vi-
�24
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
sion défectueuse chez 15 °/° d'enfants de 4 à 6 ans (1). Sur ces 15 enfants, 11 sont de vrais troublés de la vision : quand on les rapproche des figures, ils les reconnaissent bien ; les 4 autres sont douteux : on peut incriminer soit une insuffisance de langage, soit un manque d'intelligence ; mais il n'y a aucun inconvénient à les ranger provisoirement parmi les troublés de la vision. L'institutrice doit placer sur les bancs les plus rapprochés du tableau noir les insuffisants visuels. Elle doit signaler les enfants irréguliers aux parents et à l'oculiste, pour que ce dernier détermine la nature du trouble (myopie, hypermétropie, astigmatisme, lésion de l'œil) et prescrive, dans les cas susceptibles de traitement, l'emploi de verres correcteurs. Elle veillera à ne présenter aux enfants que des tableaux intuitifs et des croquis pouvant être vus et observés aisément par toute la classe. Les tableaux noirs et les tableaux d'intuition doivent être mats.
§ 2. La perception visuelle des différences de forme.
L'enfant perçoit-il facilement de petites différences de forme < Les expériences de van Wayenburg permettent de répondre à cette question (2). Le matériel expérimental employé consiste en une série dé formes découpées dans du bois mince (carré, carré ayant un
(1).
A.
r
BINET. LOC. G. VAN
cit., p.
49.
(2) D
WAYENBURG.
Ontwikkeliug van het kindtrlijk
denken opjongeu lecjtijd,inetproevcn tocgelicht.Eerste Nederlandsch Congres voor Kinderstudie (Paedologie), Amsterdam, 1913, p. 41.
�LA VISION
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angle coupé, rectangle dont la hauteur dépasse à peine la base, triangle équilatéral, triangle isocèle, pentagone, hexagone, etc.). Parmi les figures, il en est qui sont absolument identiques les unes aux autres ; d'autres ont la même forme, mais possèdent des dimensions différentes ; d'autres se ressemblent, mais présentent cependant de sensibles différences de forme ; d'autres enfin se ressemblent, mais ne présentent que de petites différences de forme. L'enfant, ayant reçu une figure, doit chercher dans l'ensemble des formes déposées devant lui, celles qui ressemblent à la première. Tandis que la perception visuelle de petites différences de forme est assez défectueuse chez les enfants âgés de 3 à 4 ans, elle est bonne et exacte à partir de l'âge de 5 1/2 ans. Il serait utile de soumettre cette question à de nouvelles recherches, dans lesquelles le matériel expérimental consisterait en des figures plus concrètes que des formes géométriques, par ex. des fruits, des maisonnettes, etc. qui ont l'avantage de provoquer l'attention spontanée de l'enfant (1). § 3. La perception des différences et des ressemblances. J'ai déjà rapporté l'affirmation de Pérez disant que l'enfant fixe son attention plutôt sur les ressemblances que sur les différences (voir p. 11). Cramaussel a fait l'expérience suivante (2) : On
U) Voir note au bas de la p. 35. (2) EDMOND CRAMAUSSEL. Le premier éveil intellectuel de l'enfant, Paris, 1911, 2e éd., p. 35.
�2
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
dispose devant un enfant de 2 ans et 11 mois quatre grandes feuilles de papier bleu, rouge, jaune, violet, et après avoir choisi quatre fleurs de couleur aussi semblable que possible à celle des feuilles, on lui demande de placer chaque fleur sur la feuille qui lui ressemble. Après de nombreux essais, on doit reconnaître que l'enfant procède tout à fait au hasard.1 Une seconde tentative faite à l'aide de bouts de papier qui paraissent être de même nuance que les feuilles, ne réussit pas davantage.j Enfin on découpe des morceaux de papier au dos des feuilles : les feuilles étant doubles, les découpures ne sont pas visibles. Cette fois l'enfant répartit ses morceaux de papier sans aucune hésitation ni erreur. Si l'enfant percevait plutôt les ressemblances que les différences, ne devrait-il pas réussir dans les deux premières parties de l'expériencei Le fait que le résultat est négatif démontre que l'enfant n'est pas frappé par les ressemblances. Voici deux expériences que j'ai proposées dans un jardin d'enfants de Bruxelles. Elles ont été réalisées par la directrice et les institutrices (1), car les petits se tiennent généralement sur la défensive à l'égard d'un étranger et gardent la plupart du temps un silence complet, se contentant de l'observer curieusement à la dérobée. Deux jouets, une charrette et une voiturette, présentant un certain nombre d'attributs communs et de caractères différentiels, sont placés devant le sujet.
(1) Je remercie M«"e l'Inspectrice Duterme et ses institutrices de l'empressement avec lequel elles ont bien voulu se mettre à ma disposition pour procédera ces expériences.
�27 Chaque enfant est examiné seul et ne rejoint pas le groupe de ses petits camarades, afin que ses réponses ne soient pas la répétition de paroles entendues. L'enfant est invité à dire ce qu'il voit ; l'unique rôle de l'institutrice consiste à inscrire exactement ce que dit le sujet, dans l'ordre où il le dit, et à l'encourager éventuellement, en ayant soin d'éviter toute parole ou question capable d'orienter l'observation spontanée de l'enfant. Ont été soumis à cette première expérience : 33 enfants de la division moyenne, âgés de 4 à 5 ans, et 35 enfants de la division supérieure, âgés de 5 à 6 ans. Les observations faites par les petits de la division moyenne s'expriment dans des réponses par énumération : les enfants énumèrent isolément les parties de chaque jouet. Ex. : « Une voiture ; un cheval ; un homme ; deux roues. — Encore un cheval ; une charrette avec un homme ; deux roues ; une corde. » Parmi les enfants de la division supérieure, il en est qui procèdent de la même manière , tandis que d'autres donnent déjà des réponses par description, et se servent donc de phrases, d'ailleurs incorrectes et souvent incomplètes. Mais ils ne font pas de travail de comparaison, si ce n'est exceptionnellement. Ex. : « Une charrette avec un petit homme et un cheval ; une corde est attachée au cheval, et l'homme tient l'autre bout. — Un homme assis à l'arrière de la charrette ; il tient une corde qui conduit le cheval qui court, et la charrette roule ; il y a deux fenêtres et deux roues ; deux petites portes. >> En somme, les enfants de moins de 6 ans, obser-
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vant librement deux objets présentés pourtant simultanément, ne les comparent pas. La seconde expérience a été faite dans les mêmes conditions que la première, sur des enfants d'une division supérieure, âgés de 5 à 6 ans, mais avec cette différence fondamentale que les deux jouets (deux petites tables) étant placés devant l'enfant, on lui dit: « Tu vois ces deux tables. Dis ce qui est de même et ce qui n'est pas de même. » Toutes les observations dans lesquelles interviennent des comparaisons portent sur des différences. Voici, à titre d'exemple, les remarques faites par un petit garçon de 6 ans : « Ce sont deux tables : l'une a une toile cirée ; l'autre, pas. Une toile cirée est fixée avec des punaises ; l'autre, sur la planche de dessous, pas. Ces deux tables n'ont pas de tiroir. Les pieds de l'une sont unis ; les pieds de l'autre sont travaillés.Sur une table se trouvent des fleurs; sur l'autre, il y a une toile cirée. » Ces expériences, organisées au mois de décembre 1917, sont confirmées par des observations qu'a faites Claparède (1), et consistant en un certain nombre de questions de ressemblance posées à des enfants d'âges divers. L'auteur leur a demandé la ressemblance qu'il y a entre une abeille et une guêpe, entre une abeille et une mouche, entre une abeille et un oiseau, entre une abeille et un lapin, etc. Toutes les observations ont conduit au même résultat : « La conscience de la différence surgit plus aisément, plus tôt que celle de la ressemblance. »
(1) ED. CLAPARÈDE. La conscience de la ressemblance et de la différence chez l'enfant, Ar. de Ps., t. XVII, n0 65, mai 1918, p. 67.
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Que l'institutrice se souvienne de ce fait pendant ses causeries au jardin d'enfants, et qu'elle ne commette pas l'erreur de vouloir obtenir, malgré tout, des indications de ressemblance quand elle fait comparer deux objets : jouets, tableaux, etc. § 4. La perception syncrétique. Quand on présente une image à l'enfant, « est-il d'abord frappé par l'ensemble i est-il au contraire arrêté sur un détail infimes' est-ce de détail infime en détail infime qu'il arrive à constituer le tout s" (i) » En réalité, l'enfant comme l'adulte, mais plus que l'adulte, voit le tout avant la partie, l'ensemble avant le détail, le type avant l'individu (2). Il voit la poupée avant de définir les vêtements qu'elle porte. Il distingue l'arbre : tronc, branches et feuilles, avant de connaître le chêne, le hêtre, etc. Il connaît « les blés », sans différencier visuellement le froment, le seigle, etc. En somme, la vision de la silhouette globale précède celle du dessin du détail. En d'autres termes, les premières acquisitions correspondent à des perceptions d'ensemble. C'est à ce fait de la vision de l'ensemble, de la perception de la physionomie générale des choses, que Claparède a proposé d'appliquer le nom de syn[I
(1) Mme PAULINE KERGOMARD.L'éducation maternelle dans l'école série). Paris, 1908, 4e éd., p. 145. (2) DR JEAN DEMOOK et TOBIE JONCKHEERE. La science de l'éducation. Bruxelles et Paris, 1920, p. 93.
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crétisme(i). Cette perception syncrétique et confuse du tout n'a rien de commun avec la perception du complexe. L'esprit procède du simple au complexe ; le fait que l'enfant perçoit le tout avant les parties ne détruit pas cette affirmation. Pour lui, en effet, le tout n'étant pas un assemblage de parties, mais au contraire un bloc, une unité, aller du simple au complexe c'est remonter du tout à la partie. Cette remarque est importante au point de vue éducatif : ce qui est simple pour nous n'est pas, par le fait même, simple pour T enfant. Ne le faisons pas aller du complexe au simple en traitant les matières dans un ordre qui pour nous (qui avons effectué le travail d'analyse) procède du simple au complexe. Il existe des exemples typiques de perception globale (2). En étudiant les réponses fournies par 87 enfants d'école maternelle à qui l'on avait demandé de dire tout ce qu'ils voyaient sur un timbre-poste de cinq centimes représentant la Semeuse, et collé dans l'angle d'une enveloppe, Simon (3) a remarqué que les réponses des enfants de 3 à 4 ans présentent une même caractéristique ; ce ne sont pas des descriptions, mais des perceptions globales. Ce n'est pas qu'on ne puisse trouver des réponses du même type
(1) ED. CL'APARÈDE. Exemple de perception syncrétique chez un enjant, Ar. de Ps., t. VII, n° 26, oct. 1907, p. 195. (2) Outre l'exemple signalé par Claparède, voir les observations que j'ai publiées, Ar. de Ps., t. II, n° 7, juin 1903, p. 266, et t. VII, n° 25, juill. 1907, p. 84. (3) TH. SIMON. Observation d'un timbre-poste à l'école maternelle et conclusions générales sur l'observation des enfants, Bul. Soc. ps. E., 13e an., n° 88, mai 1913, p. 208, et n° 89, juin 1913, p. 231.
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à des âges plus avancés, mais elles sont plus rares à 5 1/2 ans, à 6 ans, à 6 1/2 ans. A ces âges, en effet, les réponses des enfants deviennent plus explicatives et renferment déjà de nombreux détails. En somme, à mesure qu'il avance en âge, l'enfant se dégage de sa vision confuse et globale du début, et son esprit devient davantage apte à isoler chaque détail. Il serait intéressant de vérifier ces données en faisant des recherches, non plus sur un timbre-poste, mais sur un tableau dont les dimensions sont plus grandes et où les détails apparaissent avec plus de netteté. En tout cas, n'exigeons pas, au cours des exercices qui font appel à l'observation, une richesse de détails que le jeune enfant est incapable de fournir, parce qu'il ne peut voir les choses qu'à travers sa petite expérience.
§ 5. La notion chromatique.
Le développement des notions relatives à la couleur a déjà fait l'objet d'un grand nombre de recherches. Miss Shinn, qui les a synthétisées, signale notamment qu'à l'âge de 3 ans, parfois dans la dernière partie de la deuxième année, l'enfant a toutes les perceptions de couleurs de l'adulte, et on peut lui apprendre à les distinguer et à les dénommer parfaite-
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE ment, et à remarquer la couleur dans le monde qui l'entoure (i). Decroly et M"e Degand (2) ne sont pas arrivés aux mêmes conclusions. En observant attentivement une petite fille de o à 4 1 /2 ans, ils ont constaté que l'enfant reconnaît les couleurs, les compare, les classe, bien longtemps avant d'en pouvoir dire les noms (3). A 3 ans, le rouge, le bleu, le noir le blanc sont désignés exactement par l'enfant. A 3 ans aussi, la question « quelle couleurs1 » est comprise. A3 1/2 ans, c'est l'enfant même qui pose la question << quelle couleurs1 » ; l'attribut couleur devient, à partir de ce moment, une qualité importante des objets. En somme, Decroly et M1!t' Degand n'ont point constaté à 3 ans la connaissance de la terminologie complète des couleurs. D'ailleurs, Binet et Simon (4) en faisant de nom(1) MILICENT WASHBURN SHINN. Notes onthe development of a child (Vol. II : The development of the sensés in the first three years of childhood). Berkeley, 1907, p. 171. (2) DR DECROLY et Melle JULIA DEGAND. Observations relatives au développement de la notion, chromatique, faites sur une petite fille de 0 à 4 7/2 ans. 1er Congrès int. de Pédologie, Bruxelles, 1911, vol. II, p. 320. (3) Le fait que le développement de l'expression verbale des couleurs est plus lent que celui de leur perception, est connu depuis longtemps. (Voir par ex. le résumé de l'étude de A. GARBINI : Evolution du sens chromatique chez les enfants, An. ps., t. p. 467).
I,
1894,
(4) ALFRED BINET et TH. SIMON. La mesure du développement de l'intelligence chez les jeunes enfants, Bul. Soc. ps. E., nean., n° 70-71! avril 1911, p. 213.
�33 breuses expériences pour savoir à quel âge l'enfant parvient normalement à nommer le rouge, le bleu, le vert et le jaune, ne placent cette épreuve qu'à 7 ans. Voici comment ils procèdent : Après avoir préparé sur un carton quatre papiers aux couleurs indiquées et ayant chacun 6 centimètres sur 2 centimètres, on montre du doigt chaque papier à l'enfant, en lui demandant : « Quelle est cette couleur i » La dénomination des couleurs apparaît donc beaucoup plus tard chez l'enfant que leur perception et leur distinction. Monroe a fait des recherches sur le développement du sens des couleurs chez 400 enfants âgés de 3 à 6 ans (1). Il emploie un cadre dans lequel se trouvent placées, sur de petits cartons disposés en trois rangées, les couleurs spectrales ; entre celles-ci sont intercalées deux rangées de couleurs mixtes. On présente le cadre aux enfants ; puis on leur montre une couleur quelconque, et on leur fait chercher la même couleur dans une autre rangée. Après avoir répété cette expérience avec les autres couleurs, on enseigne aux enfants le nom des couleurs. Ensuite, on prie chaque sujet de choisir la couleur qui lui plaît le plus, et on lui demande d'y joindre une seconde d'après son goût. L'auteur a trouvé que les fillettes distinguent en général plus facilement les couleurs et retiennent mieux les noms que les garçons. Le rouge est la couleur que les enfants préfèrent et qu'ils retiennent le
(1) WILL S. MONROE. Le développement du sens dis couleurs chez les enfants. (Voir le résumé de cette étude, E., vol. XVIII, no 6, juin 1908, p. 262).
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mieux ; c'est elle aussi qui intervient le plus souvent dans les combinaisons; puis vient le bleu.Les couleurs que les enfants aiment le moins et distinguent le plus difficilement sont l'orangé et le violet. Il y a là des observations qu'il serait important de contrôler, afin de pouvoir en tirer des conclusions directement applicables au jardin d'enfants. Ainsi, des institutrices de jardins d'enfants de Bruxelles ont remarqué que c'est le jaune, et non le bleu, que les enfants préfèrent après le rouge. Les observations qu'elles ont faites dans leur classe n'ont pas été publiées. Il y a lieu de rapprocher de cette constatation le fait observé par Cramaussel : « Les premières couleurs distinguées sont le rouge et le jaune (i). » M11" Descœudres a eu la curiosité d'étudier comment évoluent les notions de couleur, de forme et de nombre chez l'enfant, et à quel moment l'une l'emporte sur l'autre (2)- Ses recherches faites sous la forme de jeux ont porté notamment sur 30 garçons de 3 à 6 ans et sur un nombre égal de filles du même âge. Décrivons brièvement le premier jeu pour faire comprendre le dispositif des expériences. On place devant l'enfant un carton divisé en huit rectangles égaux sur lesquels sont collées huit formes géométriques : sur la première rangée, un carré rouge, un triangle équilatéral bleu, un cercle vert, un losange
(1)
EDMOND CRAMAUSSEL.
Op. cit., p. 146.
elle A. DKSCŒUDRES. Couleur, forme on nombre f Ar. de Ps., t. XIV, n° 56, déc. 1914, p. 305.
(2) M
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jaune ; sur la seconde rangée, un losange bleu, un cercle jaune, un triangle équilatéral rouge, un carré vert. On prépare, collées sur des cartons séparés, des figures analogues, mais en différant ou par la forme ou par la couleur : un carré bleu, un cercle rouge, un triangle vert, un carré jaune, un losange vert, un cercle bleu, un triangle jaune, un losange rouge. L'expérience consiste à placer successivement ces cartons séparés sur les figures du grand carton. Le placement peut donc se faire d'après la couleur ou la forme. Dans un autre jeu, les formes géométriques sont remplacées par des formes d'objets usuels : pot, panier, bouteille, lampe. Un troisième jeu se compose de cercles, différant par la couleur ou par le nombre. Les deux derniers jeux représentent des formes géométriques ou des formes d'objets usuels faisant intervenir les notions de forme et de nombre. Ces expériences démontrent que, abstraction faite des différences individuelles, l'enfant sollicité simultanément par la couleur et la forme choisit aussi souvent celle-ci que celle-là ; sollicité à la fois par la couleur et le nombre, ses préférences vont presque toujours vers la couleur ; sollicité en même temps par la forme et le nombre, son choix se fixe presque toujours sur la forme. Ajoutons que les formes d'objets usuels ont la priorité sur les formes géométriques (i).
(i) C'est une des raisons pour lesquelles, dans les exercices et jeux destinés à développer les aptitudes sensorielles chez l'enfant, il y a lieu d'éviter les formes géométriques abstraites et de les remplacer par des formes vivantes qui excitent davantage son intérêt
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Dans ces conditions, faisons porter les exercices au jardin d'enfants plutôt sur les notions de couleur et de forme que sur les notions de nombre (i). Notons enfin ce fait signalé par Cramaussel que les enfants, dans la série des gravures en noir qu'on leur montre, préfèrent les images en couleurs et les accueillent avec une joie visible. La remarque qu'ajoute l'auteur est-elle exacte i « Mais, si elles leur plaisent ou les excitent davantage, les images en couleurs les retiennent moins. Ce sont en général celles dont l'interprétation est la plus pauvre (2). »
et son attention. (Pour la réalisation de ce principe, voir Dr DECROLY et M<="e MONCHAMPS : L'initiation à l'activité intellectuelle et motrice far les jeux éducatifs. Neuchâtel, 1914).
(1) Voir aussi plus loin la conclusion du chap. Les idées de nombre (P- 95)(2) EDMOND CRAMAUSSEL. Op. cit., p. 39.
�CHAPITRE IV
L'AUDITION
La mesure de Vacuité auditive.
Il est aussi important pour l'institutrice de connaître l'état de l'audition chez ses élèves que l'état de leur vision. Malheureusement, on ne mesure pas l'acuité auditive d'une manière aussi satisfaisante que l'acuité visuelle. Il est pourtant certain qu'une mesure, même approximative, reste supérieure à l'absence de toute mesure. Mac Millan, en effet, a relevé, chez les élèves de 6 à 7 ans, 15, 2 °/° de sujets présentant des troubles unilatéraux de l'audition ; des troubles bilatéraux ont été constatés dans une proportion de 6,45 °/° à cet âge (1). De sorte qu'à l'âge de 6 ans, beaucoup d'oreilles sont déjà entamées. Le procédé de la montre pour la détermination du degré d'audition n'est pas applicable au jardin d'enfants. Simon (2) propose une nouvelle méthode consistant en l'emploi d'une sorte d'échelle acoumétrique, laquelle comprend trois séries d'objets à reconnaître
(1) Voir D' ENSCH. Les aspects de la médecine préventive, R. Hyg. Pol. san., t. XXVIII, nc 4, avril 1906, p. 8 du tiré à part. (2) TH. SIMON. La détermination du degré d'audition des enfants, Bul. Soc. ps. 1913, P- 99E.,
13e an., no 84, janv. 1913, p. 71, et n0 85, févr,
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
par les sons que provoque leur chute d'une hauteur de 6 centimètres : E I série : une règle, une clef, une pièce de 5 francs, un verre de montre ; E 2 série : un bouchon, un clou, un sou, un crayon ; 3e série : une épingle, une allumette, une pièce de 50 centimes, une gomme. Les sons ainsi produits sont forts, moyens ou faibles. On fait tomber les objets dans un ordre établi d'avance et tel qu'ils se représentent trois fois dans chaque série. Pour que l'enfant ne voie pas l'objet qu'on laisse tomber, on opère derrière un simple carton. Il n'a donc pas besoin de se retourner et peut prêter l'oreille de face, comme il a l'habitude de le faire. L'auteur propose de considérer comme suspects, au point de vue de l'audition, les enfants qui, à une distance de 5 mètres environ, commettent au moins 4 erreurs dans la dernière série d'objets, avec cette convention de ne pas compter comme fautes les confusions entre une allumette et une épingle (1). D'après des expériences de contrôle (2). le procédé semble être réellement pratique pour l'examen de l'audition des élèves d'école primaire. Convientil au jardin d'enfants i II n'est pas possible de le
(1) Cette conclusion a été modifiée ultérieurement par Simon, qui propose de considérer comme suspects les sujets commettant un nombre d'erreurs supérieur à la moyenne des erreurs commises par tous les enfants. (Examens -sensoriels, Bul. Soc. ps. E., 14e an., n° 96, avril-mai 1914, p. 134). (2) Dr GIRARD. Un contrôle des examens d'audition, Bul. Soc. ps. E., 13e an., n° 86, mars 1913, p. 149.
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dire, les recherches n'ayant pas été faites sur de jeunes enfants. En attendant, M,,,e Rouquié (i) a essayé d'appliquer au jardin d'enfants la méthode de la voix chuchotée, sous forme de jeux. Par petits groupes, les enfants, fermant les yeux, sont placés à 5 mètres de l'institutrice, tandis que leurs camarades, témoins de l'expérience, forment la haie. Des marques à la craie sont faites par terre, de mètre en mètre. Puis, dans le silence, la maîtresse chuchote les noms des enfants qui avancent en s'entendant appeler, S'ils restent sourds à l'appel, l'institutrice se met à 4 m., 3 mètres, etc., en notant la distance à laquelle elle est obligée d'aller pour chacun. Elle obtient ainsi une mesure de l'acuité auditive des élèves. Sur 48 enfants ayant été examinés au^moinsMeux fois : 21 ont entendu leur nom à 5 mètres, 15 à 5 ou 4 mètres, 4 à 4 mètres, 4 à 4 et 3 mètres, les 4 autres à 3 mètres ou moins. Il sera utile de soumettre la question à de nouvelles expériences, de manière à définir le meilleur procédé scolaire d'exploration auditive. La connaissance des troublés de l'oreille est importante, car il faut placer ces enfants, en classe, le plus près possible de l'institutrice et les signaler à l'attention des parents et à celle d'un auriste.
(i) Mme ROUQUIÉ. Examens d'audition à la maternelle, Bul. Soc. ps. E., 130:111., n°8o, juin 1913, p. 234.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Rappelons ici à l'institutrice que sa voix doit avoir une intensité suffisante, que sa parole ne peut pas être trop rapide, et que l'articulation doit être nette, puisque c'est surtout par la netteté de l'articulation qu'on se fait comprendre.
�CHAPITRE V
L'ODORAT
La mesure de l'acuité olfactive.
Bien que les sensations olfactives n'aient pas grande importance au point de vue pédagogique, il n'est pourtant pas sans intérêt de dire un mot des expériences faites par Garbini sur 416 enfants âgés de 3 à 6 ans (1). Pour mesurer l'acuité olfactive, Garbini a utilisé deux méthodes : 1) celle des solutions liquides titrées ; 2) celle des solutions aériformes titrées. Dans le premier cas, il faisait reconnaître l'odeur de solutions aqueuses de menthe, contenues dans dix flacons, aux concentrations suivantes : 1/400, 1/200, 3/400, 1/100, 2/100, 3/100, 4/100, 5/100, 6/100, 7/100. La seconde méthode est plus délicate et n'a d'ailleurs été employée que comme méthode de contrôle. Elle consiste à laisser tomber dans une série de flacons à large goulot des quantités connues et progressivement plus grandes d'une solution odorante ; on chauffe les flacons pour que l'odeur se dégage, et on présente le goulot à l'enfant. Le principe des deux procédés est le même : plus la solution perçue est faible, plus la sensibilité olfactive est fine.
(1) A. GARBINI. Evoluzioncdcl senso olfattivo nella infanzia. (Voir le résumé de cette étude, An. ps., t. IV, 1897, p. 532).
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE Garbini a trouvé que la sensibilité olfactive, pour des enfants de 3 à 6 ans, est plus fine chez les filles que chez les garçons. Toulouse et Vaschide ont étudié l'odorat d'enfants de 3 à 5 et 6 ans, en faisant reconnaître l'odeur de l'eau camphrée ; ils ont trouvé aussi que les fillettes ont une olfaction meilleure que les garçons (1).
(1) TOULOUSE et VASCHIDE. Mesure de l'odorat chez les enfants, C. ri Soc. de Biol., 189g, séance du 10 juin, p. 487.
�CHAPITRE VI
LE SENS MUSCULAIRE
Le sens musculaire nous renseigne sur la position de notre corps et de nos membres, sur les mouvements actifs ou passifs qui leur sont imprimés, sur nos attitudes et le rythme de nos mouvements ; il nous renseigne aussi sur le volume, la forme, le poids, la résistance, le déplacement, la direction, l'éloignement des objets; il nous fournit en outre les notions de vitesse et de temps. Il joue, dans l'ensemble de nos sensations, un rôle prépondérant. Pourtant, il a été peu étudié chez le jeune enfant, et il serait intéressant d'imaginer des recherches sur les différentes qualités de la sensation musculaire chez l'enfant de 3 à 6 ans. De même, il y aurait lieu d'entreprendre des expériences sur les sensations cutanées : sensations de contact, de chaud, de froid, de douleur.
§ 1. La notion de poids.
La notion de poids est-elle développée chez les jeunes enfants;' Les expériences de van Wayenburg, faites sur 27 enfants âgés de 3 à 6 ans, fournissent desindications curieuses à ce propos(i).Il se sert de petits blocs de bois, de trois à cinq centimètres, et présentant entre eux une différence de poids de 5 en
(1)
Dr
G. VAN WAYENBURG.
LOC.
cit.,
p.
39,
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE 5 grammes. Les enfants sont invités à comparer les blocs, soit en les soulevant successivement de la même main, soit en en soupesant deux à la fois, un dans chaque main. Il s'agit de savoir quelle différence de poids doit exister entre deux petits blocs pour qu'elle corresponde chez les enfants à la notion: plus lourd ou plus léger. Vers 31/2 ans déjà, l'enfant distingue une différence de poids de 10 grammes. A partir de l'âge de 4 ans, il distingue une différence de poids de 5 grammes. Il semble donc qu'il soit possible, au cours des exercices relatifs aux notions de poids, de faire apprécier par les enfants des différences minimes, en y rattachant les mots lourd, plus lourd, léger, plus léger.
§ 2. La perception stéréognostique.
La perception stéréognostique est celle qui permet de reconnaître la forme des objets en les palpant, mais sans l'intervention de la vue. van Wayenburg l'a étudiée chez 27 enfants âgés de 3 à 6 ans (1). Il se sert de billes d'acier ayant un diamètre de 15, 15,5, 16, 16,5, 17, 17,5, 18, 18,2 et 18,5 millimètres, que les enfants doivent tâcher de différencier en les palpant. Vers 4 ans, les enfants perçoivent une différence de 1 millimètre au diamètre ; vers 5 ans, ils arrivent à percevoir une différence de 1 /z millimètre au diamètre.
(1)
Dr G.
VAN WAYENBURG. LOC.
cit.. p, 39.
�LE SENS MUSCULA En somme, il paraît bien qu'ici e enfants peuvent être entraînés à fair vention de la vue, des exercices de com tant sur de petites différences. En faisant l'éducation de la perception stéréognostique chez de jeunes enfants se servant de leurs deux mains simultanément, Mlle Montessori a eu l'occasion d'observer une fillette de 3 ans qui répétait à la perfection un exercice imposé. L'auteur a constaté que l'enfant avait de l'ambidextrie fonctionnelle : ce serait là une « qualité fort commune parmi les enfants de 3 à 4 ans et qu'il faudrait étudier plus longuement pour juger plus sainement de l'éducation simultanée des deux mains (1). » Est-il exact que les enfants de cet âge soient souvent ambidextres i Le fait mériterait d'être soigneusement vérifié. Les enfants de 3 à 6 ans ne se divisent-ils pas, comme les adultes, en droitiers et gauchers i Dans l'affirmative, quelle est l'importance relative de chacun des deux groupes^ Il serait curieux de poursuivre des recherches dans ce domaine et d'établir une statistique en tablant sur l'observation attentive d'un grand nombre d'enfants. § 3. L'aptitude manuelle. L'aptitude manuelle est une manifestation de l'activité enfantine qui a été peu étudiée jusqu'à pré(1) Dr MARIA MONTESSORI. Les Case dei bambini. Neuchâte!, 1912, p. 166. Voir la même conclusion dans Pédagogie scientifique (La Maison des Enfants) de cet auteur. Paris, p. 86 : " On devrait utiliser cette faculté pour arriver à une éducation simultanée des deux mains. "
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
sent. Hormis le dessin, les productions enfantines n'ont guère fait l'objet d'observations suivies et comparées. Il serait pourtant intéressant de savoir comment s'accomplit le développement de la productivité chez l'enfant et quand apparaissent ses différentes phases. La question d'ailleurs ne se rattache pas simplement au sens musculaire ; elle est en réalité intimement liée à toute l'évolution intellectuelle. Est-il exact, comme le dit Schreuder, que cette forme de l'activité chez l'enfant ne s'accuse guère avant la troisième année (i)^ Il semble que, pendant une première période, les occupations manuelles de l'enfant soient déterminées exclusivement par le besoin d'activité, sans égard pour les résultats. L'enfant construit et démolit ; il fait des pâtés de sable, réalise toutes sortes de choses en argile, etc., et anéantit d'un coup de main le fruit d'une demi-heure de travail. Tandis qu'au cours de cette phase l'action est en soi-même le but de l'activité, on constate qu'à un degré plus élevé la productivité enfantine vise au résultat : l'enfant commence à construire des jouets, ultérieurement des objets utiles. Il paraît bien que ce travail manuel spontané présente de grandes différences chez le petit garçon et la petite fille. Dans l'éducation de l'aptitude manuelle, le programme est surtout établi d'après les difficultés techniques qu'offrent les matériaux. On peut se deman(i) A. J. SCHREUDER. DU développement de la productivité chez er l'enfant. 1 Congrès int. de Pédologie, Bruxelles, 1911, vol. II, P- 507.
�LE SENS MUSCULAIRE der si cette tradition est conforme aux besoins de l'enfant ; ces besoins ont une évolution qu'il importerait de connaître. Et puis, est-il bien nécessaire de sérier rigoureusement les matériaux à l'aide desquels l'enfant va s'exercer et se développer^ « Une petite fille de 3 ans jouait des heures entières auprès d'une caisse contenant une quantité de morceaux de toutes matières : pierre, brique, bois, terre, fer, craie, ardoise, sable, vieux récipients, membres de poupées, etc. (i). » Sous prétexte d'enseignement gradué, ne bridons pas la spontanéité et la liberté des enfants. D'autre part, ne leur demandons pas un travail spécialisé trop précoce, et n'exigeons pas dans leurs productions une correction, un fini, qui, au lieu de stimuler leur besoin de créer, le comprime et risque de l'annihiler.
(i) Meiie
E.
MONCHAMPS.
L'aptitude manuelle, Zd. Nd., 3e an.
n° 6,30 juin 1912, p. 297.
�CHAPITRE VII
LE RAISONNEMENT
Boutan (i) est parvenu à mettre en lumière le rôle du raisonnement, dans des expériences auxquelles ont été soumis des enfants d'âges divers : trois enfants dont l'âge approchait de 2 ans, et cinq dont l'âge oscillait autour de 4 ans. Il a utilisé cinq boîtes fermées que les enfants devaient ouvrir : quatre à mécanisme visible, une à mécanisme caché. Les appareils de la première catégorie consistent en une série de quatre boîtes exactement de même forme et dont le mode de fermeture varie seul. La première boîte est constituée par un parallélipipède rectangle en bois de 35 cm. de longueur, 25 cm. de largeur et 20 cm. de hauteur. Sur deux faces latérales parallèles est tendu un treillis assez serré pour empêcher l'introduction du doigt à travers les mailles, assez lâche pour permettre de voir librement dans l'intérieur de la boîte ; un jouet placé dans celle-ci se trouve ainsi bien en vue. La face supérieure de la boîte est formée de planches pleines et présente une petite porte à charnière, munie d'un bouton qu'il suffit de tirer pour ouvrir la petite porte. Les trois autres boîtes à mécanisme visible diffèrent seulement de la première en ce que la petite
(1) Louis
BOUTAN.
Les deux méthodes de l'enfant, Act. Soc. linn.,
t. LXVIII, 3e fasc, isoct. 1914, p. 217.
�LE RAISONNEMENT porte est maintenue par un, deux ou trois loquets horizontaux tournant autour d'un pivot et s'engageant sous un crochet. La petite porte de ces boîtes ne peut s'ouvrir qu'après avoir déplacé latéralement les loquets de manière à les dégager de leurs crochets respectifs. L'appareil à mécanisme caché est une boîte pareille aux précédentes, mais dépourvue de tout loquet. La petite porte à charnière est maintenue par un loquet intérieur, invisible par conséquent extérieurement. Sur le côté de la boîte se trouve un tube rigide, en forme de potence, terminé par une poire en bois qu'il suffit, grâce à un dispositif spécial, d'actionner légèrement pour que la porte s'ouvre automatiquement. La personne qui amenait l'enfant auprès de l'appareil avait ordre de lui montrer le jouet au travers du treillis et de se borner à dire : « Tu peux prendre ». Les enfants de la première série, c'est-à-dire ceux de 2 ans environ, avaient atteint ce stade de l'évolution où l'enfant, sans être déjà en état de parler, comprend en gros les indications de ses parents et peut même commencer à émettre quelques mots appris. Les enfants de la deuxième série, âgés de 3 ans à 4 1/2 ans, étaient en possession d'un vocabulaire restreint, assez étendu cependant pour leur permettre de dire des phrases simples et de manifester leurs impressions par des mots. Voici à quelles constatations est arrivé Boutan : En présence des boîtes à mécanisme visible, l'enfant qui parle n'a plus la même attitude que l'enfant
4
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE plus jeune ne parlant pas encore. Il travaille avec une intelligence évidente, et ses mouvements sont nettement dirigés par l'idée de s'emparer du jouet enfermé dans l'appareil. Ce parallélisme entre l'âge de l'enfant et ses aptitudes à découvrir un mécanisme simple ou complexe, semble naturel. Et pourtant l'auteur a observé que, dans le cas de la boîte à mécanisme caché, l'enfant, avant qu'il sache parler, est supérieur dans son rendement à l'enfant plus âgé ayant déjà le langage à sa disposition. Le premier déclanche la poire et ouvre la boîte, presque à coup sûr, après quelques tâtonnements et dans une seule séance ; le second ne trouve d'ordinaire qu'après plusieurs séances le mécanisme en question. Comment expliquer ce résultat surprenant i II faut, si étrange que cela paraisse, attribuer le fait à la réflexion, au raisonnement. Tandis que les enfants ne parlant pas encore se mettent immédiatement à tâtonner, à faire des essais au hasard, ceux qui parlent, au contraire, réfléchissent et s'efforcent d'établir une relation de cause à effet. Nulle part on ne voit les premiers former un jugement précis, se guider à l'aide d'un raisonnement, même élémentaire. Les seconds font des essais, mais des essais dirigés étroitement par une idée. « L'enfant, qui n'a pas encore à sa disposition l'outil perfectionné représenté par le langage, ne doit pas pouvoir penser, au sens où nous entendons ce mot. » (P. 341). Il en est tout autrement pour l'enfant qui a acquis le langage : « Grâce à ce nouvel outil, il n'a pas seulement en puissance la possibilité
�LE RAISONNEMENT
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de raisonner ; il peut diriger et raisonner ses mouvements. » (P. 341). Le premier mode de travail est la recherche par tâtonnement ; le second est la recherche par raisonnement. Le premier est caractéristique de l'enfant qui ne parle pas encore; le second est caractéristique de l'enfant qui parle déjà. « Les enfants qui ne parlent pas sont aussi incapables de raisonner qu'un homme de tuer à distance quand il ne connaît pas le fusil ou une arme de jet quelconque. Sans la parole, l'homme ne peut penser que d'une façon rudimentaire, comme l'animal. La parole ne crée pas l'intelligence, pas plus que le fusil ne crée le tireur, mais elle représente la possibilité de raisonner, comme le fusil représente la possibilité de frapper à distance. » (P. 350). Les expériences de Boutan font ressortir l'importance énorme du langage dans l'évolution de l'enfant. Elles montrent aussi la possibilité d'étudier des processus supérieurs, tels que le raisonnement, sans qu'il soit nécessaire d'interroger les enfants et de faire intervenir donc la parole.
�CHAPITRE VIII
LE LANGAGE
Les premières étapes de l'acquisition du langage par l'enfant sont franchies vers l'âge de 3 ans. A ce moment, l'enfant est habitué à l'emploi de l'article, des pronoms personnels les plus usités, comme «je» et « tu » ; il commence à utiliser l'adjectif possessif, le passé indéfini, le futur simple, etc. Il parvient à constituer des phrases, dans lesquelles, il est vrai, beaucoup d'éléments lexicologiques et syntaxiques restent encore longtemps instables. Car bien des difficultés doivent encore être surmontées, comme par ex. l'emploi de la voix réfléchie et de certains pronoms relatifs, les irrégularités de conjugaison de quelques verbes pourtant très usités, etc. Au cours de ce dernier stade, l'enfant n'acquiert plus guère de mots isolés. Il retient surtout des expressions, des phrases entières : il les répète mot à mot quand renaît la circonstance qui a provoqué leur énonciation ; ou bien il les transforme par analogie, lorsque ultérieurement se présente une circonstance semblable — mais non identique — à celle où il les a entendu émettre. Aussitôt que l'enfant est arrivé à la période de la phrase, ses progrès dans la langue maternelle sont très rapides. Chaque jour, chaque heure même, marque un nouveau pas vers la compréhension et l'usage du langage correct. Heureux de comprendre
�53 et d'être compris, avide de savoir, l'enfant questionne sans relâche; il répète ce qu'il a appris à tout venant, à lui-même, à ses jouets ; grâce à cet exercice continu, à cet emploi incessant de toutes les locutions qu'il a entendues, l'enfant de 6 ans est souvent capable d'exprimer sinon correctement, du moins clairement ses pensées et de saisir ce qu'on lui dit dans une forme simple, sur des sujets à sa portée (i). La parole étant en grande partie le résultat d'un travail d'imitation, puisque l'enfant reproduit ce qu'il entend exprimer, il est de la plus haute importance que le langage des parents et de l'institutrice soit irréprochable. Il faut aussi que la parole enfantine soit surveillée et corrigée, afin de lui donner progressivement plus de correction et de précision. Il résulte d'une enquête de Rouma (2), dont un certain nombre de documents se rapportent à des jardins d'enfants, que sur 967 enfants âgés de 3 à 6 ans, il y a 241 troublés de la parole (24, 9°/°)> parmi lesquels 228 cas de blésités (23, 6 °/0) et 13 cas de bégaiement (1, 3 °/°). Les blésités ou défauts d'articulation se manifestent par l'omission d'une lettre (le plus souvent une consonne), son altération ou son remplacement par une autre lettre. On peut se demander s'il n'est pas excessif de considérer comme troubles de la parole au jardin d'enfants des défauts d'articulation que l'enfant, dans bien des cas, présente fatalement
(1) A. HERLIN. Acquisition du langage par l'en/ant. Bruxelles, 1909, 3e éd., p. 15. (2) GEORGES ROUMA. Enquête scolaire sur les troubles de la parole chez les écoliers belges. Bruxelles, 1906, p. 12.
LE LANGAGE
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
au cours de l'acquisition du langage, mais qui disparaissent souvent à mesure que se poursuit l'évolution de la parole. Dans ces conditions, l'établissement d'une statistique exacte des véritables troubles de la parole au jardin d'enfants se heurte à de grandes difficultés. Malgré les nombreuses indications que l'on possède déjà au sujet du développement du langage chez l'enfant, beaucoup de points sont encore obscurs. Vaillant (i) en se basant sur des documents recueillis au cours d'une enquête, a tâché d'explorer l'étendue et la précision du vocabulaire chez l'enfant, aux différents âges. Il fait choix de quinze gravures représentant chacune un objet ou un animal pouvant être connu de la plupart des enfants. Chaque enfant interrogé est pris à part par l'instituteur ou l'institutrice, qui enregistre avec exactitude la réponse aux deux questions suivantes, pour chaque gravure: i) Avez-vous déjà vu cet objets1 2) Comment s'appelle-t-il i Les réponses de 206 enfants, âgés de 5 à 8 ans, ont été analysées. En ne tenant compte ici que de celles fournies par les 78 enfants (58 filles et 20 garçons) de 5 et 6 ans, on constate que les jeunes enfants se rappellent mieux les objets que les mots. Il est certain que bien des objets qui sont familiers à l'enfant ne peuvent être désignés exactement par lui. (Ex. : Le wagon devient « un tramway », « un chemin de
(1)
G. VAILLANT.
Contribution a l'étude du développement du
4E
langage chez les enfants, Bul. Soc. ps. E., P- 398-
an., n° 15, mars 1904,
�55 fer », « une locomotive »; la pendule se transforme en « horloge », en « montre », en « garniture de cheminée »; le cadenas est dénommé « une serrure », « une clef »). Chez les jeunes enfants, cette imprécision se manifeste volontiers par l'emploi d'un terme général ou d'une sorte de définition. (Ex.: Des enfants déclarent que le hérisson est « une bête » ; ils disent en voyant la charrue : « c'est pour labourer »). Voici une conclusion curieuse : Il semble que les fillettes, quoique paraissant mieux douées que les garçons sous le rapport de l'élocution, aient un langage moins précis et moins exact. Une étude de ce genre mérite certainement d'être continuée. En attendant, ne perdons pas de vue que pour les exercices d'acquisition de mots, il importe de bien associer ceux-ci aux choses qu'ils expriment : « Les mots avec les choses, les choses avec les mots », écrivait déjà au XVIIe siècle Comenius. Et n'oublions pas qu'il ne suffit pas d'expliquer les seuls mots qui nous paraissent difficiles, car bien souvent un mot d'usage courant n'éveille pas une idée nette dans l'esprit de l'enfant. Le travail qui vient d'être résumé ne résout pas le problème du vocabulaire connu des jeunes enfants. Une vaste enquête (i) faite sur des élèves d'école primaire de Paris et de la banlieue parisienne montre que les enfants âgés de 7 ans connaissent 4.900 mots.
(1) LUCIEN et ERNEST ANFROY. Enquête relative au vocabulaire connu des enfants, Bul. Soc. ps. E., 7e an., n° 35, janv. 1907, p. 25.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Il s'agit en l'occurrence des mots compris. Il conviendrait de chercher aussi le nombre des mots employés. En effet, pour chacun de nous, les mots compris et les mots employés forment deux groupes d'importance tout à fait inégale. Comprendre un mot et employer un mot sont deux étapes de la connaissance, fort distantes l'une de l'autre. Il importerait surtout de faire ce double travail pour chaque âge au-dessous de 7 ans. Or, la difficulté d'établir l'étendue du vocabulaire chez les jeunes enfants est assez grande, en ce sens qu'il n'est pas possible de faire intervenir l'écriture. Il existe pourtant déjà quelques contributions à cette étude, mais leurs résultats sont extrêmement divergents : Dearborn, qui a suivi l'évolution d'une petite fille pendant les trois premières années de sa vie, a compté que cette enfant employait 512 mots à 3 ans. Pelsma, qui a étudié le langage d'une petite fille jusqu'à sa quatrième année, a établi que le nombre de mots dont disposait l'enfant, s'élevait à 681 à 3 ans, à 1.278 à 4 ans (sans compter les noms propres) (1). E. et H. Rowe, qui ont consigné tous les mots employés par un enfant à l'âge de 4 et de 6 ans, ont calculé que, tandis que l'enfant connaissait 2.346 mots à 4 ans, son vocabulaire en comprenait 3.950 à 6 ans (2).
(1) Voir le résumé du livre de GEORGES DEARBORN (Baltimore, 1910) et de l'étude de JOHN PELSMA (Pedg. Sem., sept. 1910), Ed. mod., 6e an., déc. 1911, p. 433 : Nouvelles études sur l'acquisition du langage. (2) EUGÈNE ROWE et HELEN ROWE. Vocabulaire d'un enfant à quatre et a six ans, Pedg. Sem., juin 1913. (Voir le résumé de cette étude, Ann. pédl., vol. V, fasc. 3, avril 1914, p. 208).
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Boyd (i) a trouvé chez une fillette 656 mots à 2 ans, 960 mots à 3 ans, 1.031 mots à 4 ans. Bush (2) en a recueilli 1.944 criez une petite fille âgée de 3 ans. Bateman (3) en a noté 405 chez une fillette à l'âge de 2 ans et 4 mois. La non-concordance de ces résultats s'explique, d'une part, par la diversité des méthodes employées pour déterminer l'étendue du vocabulaire des enfants (4), d'autre part, par l'influence qu'exercent la famille et le milieu social sur le vocabulaire. Un enfant de bonne famille a un vocabulaire plus riche que l'enfant du peuple. Decroly et M"e Degand, Binet ont signalé que dans les épreuves à l'aide desquelles on s'efforce de mesurer l'intelligence, et qui font intervenir le langage, on constate une supériorité marquée des enfants de la classe aisée sur ceux de la classe indigente. On s'aperçoit aussi de cette inégalité lorsqu'on soumet aux mêmes épreuves des enfants appartenant les uns à des contrées où l'on parle une seule
(1) WILLIAM BOYD. The development of a child's vocabulary Pedg. Sem., vol. XXI, n0 i, mars 1914, p. 95. (2) ARTHUR DEKMONT BUSH. The vocabulary of a Ihree-year-old girl, Pedg. Sem., vol. XXI, no r, mars 1914, p. 125. (3) W. G. BATEMAN. A child's progress in speech, with detailed vocabularies,]. of edn. Ps., vol. V, n° 6, juin 1914, p. 307. (4) PIERRE BOVET. A propos de vocabulaire, Im. des Ed., 4 an., e n° 34-35. janv.-mars 1916, p. 35.
A. DESCŒUDRES a imaginé un moyen rapide de mesurer le langage des enfants de 2 à 7 ans ; ce sont neuf tests permettant de déterminer en quelque sorte l'âge linguistique des enfants. (Tests de langage, Im. des Ed., 8« an., n 77-80, avril-juill. 1920, p. 41). M
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langue, les autres à des régions où l'on parle à la fois une langue et un patois : la supériorité des premiers est manifeste. En étudiant les définitions données par des enfants, Mlle Szyc (i) aussi a montré que les enfants des familles aisées ont plus de facilité à exprimer exactement leur pensée que ceux des familles pauvres.
|i) M'Ue ANIELA SZYC. Les définitions des enfants, i"' Congrès int. de Pédologie, Bruxelles, 1911, vol. II, p. 355.
�CHAPITRE IX
.LES NOTIONS DE CHOSES
L'étude des définitions données par les enfants est intéressante non seulement au point de vue linguistique, mais encore au point de vue psychologique. Il résulte des observations faites par Mlle Szyc que l'enfant, jusqu'à 6 ans, passe par deux phases essentielles : Au cours d'une première phase, il comprend le mot. mais est incapable de l'expliquer ou de le définir. Ex. : « Qu'est-ce que le plafond^ » Le sujet répond : « Le plafond est là », et le montre du doigt. Pendant la seconde phase, l'enfant essaie de décrire l'objet. Ex. ; « La clef, c'est pour fermer la chambre.» — « Le poisson, ça nage, » Le nombre des détails donnés est tantôt restreint, tantôt grand. Le stade de la description est caractéristique des enfants de 5 et 6 ans (i). La comparaison et la classification sont deux phases qui généralement n'apparaissent que plus tard. Il y a certes de sérieuses réserves à faire sur la valeur didactique des questions qui sollicitent des définitions de la part de l'enfant. Dans l'enseignement, de telles questions sont généralement à rejeter. Il est vrai qu'il s'agit ici non pas d'un procédé didactique, mais d'un procédé psychologique.
Voir à ce sujet le § La perception des différences et des ressemblances (p. 25) et, dans le chap. La mesure de Vintelligence, les tests de six ans (p. 109).
(i)
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
En cherchant à savoir comment les enfants perçoivent et se représentent les objets qui leur sont familiers, Binet (i) s'est efforcé de déterminer quelles notions précises les enfants mettent sous les mots usuels qu'ils emploient. Son étude a été faite sur deux petites filles de 3 et 5 ans environ. Il les a prises à part, chacune à son tour, et leur a demandé de dire exactement ce qu'est tel objet bien connu, par ex. : une table, un couteau, une poupée. Il est inutile d'insister sur les précautions à prendre, comme d'empêcher l'enfant de raconter des choses drôles, pour faire rire ; on s'aperçoit asses facilement si la réponse est sérieusement faite ou non. L'expérimentateur a d'ailleurs eu recours à un moyen de contrôle, en reprenant les interrogations après avoir laissé écouler un temps suffisant pour que l'enfant eût tout oublié : demande et réponse. Il a interrogé chacune des petites filles une quinzaine de fois sur chaque objet dans le cours d'une année, et il a même laissé un intervalle de cinq mois entre deux de ces interrogatoires. La réponse de l'enfant a été recueillie dans son intégralité, avec ses hésitations et ses erreurs. Quant à la demande, elle était toujours faite dans les mêmes termes : « Qu'est-ce que c'est qu'un couteau i », et ainsi de suite. Il est utile de signaler ici qu'en faisant des observations analogues sur sa petite fille âgée de 4 ans et 9 mois, Boyd (2) a constaté que les réponses de
(1) ALFRED BINET. Perceptions d'enfants : § Notions de choses, R. phil., t. XXX, déc. 1890, p. 600. (2) WILLIAM BOYD. Définitions in early childhood. Ch. St., vol. VII, n0 4, mai 1914, p. 66.
�LES NOTIONS DE CHOSES
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l'enfant ont une allure très différente selon que les mots à définir sont présentés dans une série de questions posées les unes à la suite des autres et sans rapport entre elles, ou que les réponses sont sollicitées au cours de conversations, dans lesquelles les mots à définir se rattachent à l'objet de ces entretiens familiers. Dans le premier cas, la question, parce qu'elle est imprévue, provoque souvent de l'étonnement, embarrasse et déroute parfois l'enfant ; dans le second cas, au contraire, elle fait partie d'un groupe d'idées et a donc une raison d'être, et la réponse surgit d'une manière naturelle et normale. Cette remarque a de l'importance au point de vue de la façon dont il conviendra ultérieurement d'organiser de nouvelles recherches. Les résultats de l'étude de Binet sont néanmoins intéressants. Invariablement, les deux enfants ont répondu aux questions par une indication ou d'usage ou de mouvement ; jamais ils ne font allusion à la forme ou à la couleur. Voici quelques exemples des réponses obtenues à des intervalles variant de un à cinq mois : Qu'est-ce que c'est qu'un couteau i i. « Un couteau, c'est pour couper la viande »; 2. «Un couteau, ça coupe de la viande »; 3. « Un couteau, ça veut dire quelque chose qui coupe »; 4. « Un couteau, c'est pour couper la viande ». Qu'est-ce que c'est qu'un oiseau^ 1. « Ça vole dans l'air, ça chante »j 2. « Ça vole dans le ciel »; 3. « Un oiseau, c'est pour voler »; 4. « Un oiseau, c'est pour voler ». Les conclusions auxquelles Binet est arrivé, ont
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une importance pédagogique très grande dont il est utile de tirer parti dans l'éducation : 1) L'idée que l'enfant se fait des objets dont on lui parle n'est pas de nature générale et abstraite; c'est un souvenir particulier et concret ; 2) En se rappelant les objets, l'enfant est surtout attentif à leur utilité. La question fut reprise plus tard par Mme Fuster (1) ; une enquête fut organisée dans des classes d'école maternelle et de cours élémentaire (enfants de 3 à 8 ans), et 3.065 réponses furent ainsi recueillies, dont 84 °/° d'enfants de 3 à 6 ans. Au lieu de se borner à dépouiller les documents en les rangeant sous des rubriques exprimant le genre de réponses obtenues (usage, mouvement, matière dont l'objet est fait, définition par synonyme, couleur, forme, provenance, etc.), Mme Fuster les a aussi analysés en dehors de toutes ces classifications, et elle s'est aperçue d'un fait curieux et intéressant : c'est que, de quelque façon que soient libellées les réponses, ce qui fait le fond de presque toutes, c'est l'expression d'une « action >>. Le mot action est pris ici dans le sens qu'on lui donne au théâtre : un événement ou une suite d'événements qui se déroulent sous nos yeux. Voici quelques exemples, choisis parmi les réponses des petits : Une orange, « c'est pour manger », « c'est une
(1) MARIE FUSTER. Perceptions des eujants : notions de choses, Bul. Soc. ps. E., 7= an., n° 29, févr. 1906, p. 79, et n° 30, mars 1906, p. 91.
�LES NOTIONS DE CHOSES
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boule qu'on mange », « ça s'épluche », « on fait de la salade avec », « c'est pour porter aux malades », — Un serin, << c'est une petite bête qui vole », « c'est un oiseau, alors il fait couic », » c'est pour chanter », « c'est un oiseau, il boit, il mange ». — Un livre, n c'est pour des images », « c'est des prix », — Un caillou, « c'est pour en jeter », « c'est pour qu'on marche dessus », « j'en mets pas dans mes poches », « faut pas casser des carreaux », Toutes ces réponses, choisies à dessein parmi celles des petits, parce qu'elles sont plus caractéristiques, évoquent une action et donnent l'impression que l'enfant ne voit presque jamais l'objet isolément, « au repos », mais au contraire engagé dans une « scène ». La conclusion à laquelle aboutit Mme Fuster est extrêmement importante et mérite d'être reproduite intégralement : « Il faudrait donc reconnaître que le mode spécial de la vie enfantine — vie psychique comme vie physique — serait l'activité, et qu'au point de vue spécial qui nous occupe ici, il n'aurait guère que des représentations « actives », c'est-àdire qu'il ne pourrait arriver à saisir une notion qu'au sein de l'action et par l'action, qui est pour lui la seule forme de la vie ; en d'autres termes encore, qu'une notion ne deviendrait vivante, partant réelle, assimilable pour lui, que si elle se présente à lui dans une « scène », réelle ou évoquée par un récit, mais récit dramatique (la description ne dit jamais rien à un enfant) ; et plus l'enfant est petit, plus le récit doit être dramatisé et même mimé. Il en résulterait que nos méthodes pédagogiques
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
seraient à reprendre. Nous avons bien conçu que l'observation devait être à la base de l'enseignement des petits, mais nous leur avons fait faire de l'observation comme à des adultes, observation passive et abstraite. Nous plaçons devant eux un objet isolé, inerte, considéré en soi-même, et par là sans vie, sans intérêt; cet objet nous le décomposons en forme, couleur, matière, etc., autant d'abstractions en face desquelles l'enfant à son tour devient inerte. » Soyons bien pénétrés de la grande signification de ces données qui doivent dominer toute l'éducation au jardin d'enfants. Disons, pour terminer ces remarques au sujet des notions de choses, que l'observation des êtres et des objets doit être réelle. Nous nous imaginons volontiers que l'enfant a vu les choses dont nous lui parlons, et nous négligeons d'en faire l'intuition. Comme nous nous trompons souvent ! Mnie Destrée rapporte les indications suivantes, fort suggestives, fournies par une institutrice d'un jardin d'enfants de grande ville : Des 50 enfants de sa classe, tous âgés de 4 à 5 ans, 30 n'ont jamais vu un bœuf vivant, 40 n'ont jamais vu un champ de blé, 25 n'ont jamais vu un cerisier portant des cerises, 45 n'ont jamais vu un moulin à vent (1). Craignons l'emploi des mots qui n'évoquent rien dans l'esprit des enfants. Etablissons l'association intime des choses et des mots, en ayant soin de montrer les choses de manière qu'elles fassent naître
(i) E. DESTRÉE-VANDER MOLEN. Méthode Frcebel (Notcsd'inspection). Bruxelles, 1911, p. 11.
�LES NOTIONS DE CHOSES l'attention spontanée de l'enfant, de manié' que le mode de présentation soit vérita intéressant pour les petits et tienne compte lure caractéristique de leur mentalité.
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�CHAPITRE X
LA CURIOSITE ET L'INTÉRÊT
Les objets ou les actes qui suscitent l'intérêt de l'enfant varient à mesure du développement de celui-ci. Claparède a bien étudié dans sa « Psychologie de l'enfant » cette variation progressive de l'intérêt, et, quoique dans l'état actuel de nos connaissances il ne soit pas encore possible de fixer d'une manière définitive les étapes de cette évolution, on constate cependant que c'est vers 3 ou 4 ans que l'enfant commence à questionner. Il est préoccupé de la relation des choses, de leur origine, de leur constitution, C'est « l'âge questionneur » de Sully (1). Chacun sait combien sont innombrables et parfois baroques les « pourquoi » des enfants : « Pourquoi la lune est-elle ronde i Pourquoi le chat a-t-il des poils sur le nez i (2) » — « Qu'est-ce qui fait briller le soleil i Qui a mis les étoiles dans le ciel i Qu'est-ce qui fait parler la montre i (3) » — « Pourquoi les coqs chantent i Pourquoi les coqs n'ont pas d'oeufs ^Pourquoi les coqs sont plus beaux que les poules i (4) » — « Qui est-ce qui a fait la pluie i D'où viennent les
(1) JAMES SULLY. (2) D
R
ED. CLAPARÈDE.
Etudes sur l'enfance. Paris, Op. cit., p. 526.
1898,
p.
107.
(3) THEODATE SMITH et STANLEY HALL. Cnriosity and interest, Pedg. Sem., t. X, sept. 1913. (Voir le résumé de cette étude, Bul. Soc. ps. E., 4E an., n° 16, mai 1904, p. 456). (4) 3E
Mme DESTRÉE-VANDF.R MOLEU.Les jardins d'en/ants,Zd. Nd., an., n°3-4, mars-avril 1912, p. 212.
�LA CURIOSITÉ ET L'INTÉRÊT
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nuages i Et la merî1 Et la montagne i Et les fourmis i (1) » Une des manifestations les plus communes de la curiosité enfantine, c'est donc la « question ». « Les «pourquoi» du jeune âge sont souvent des énigmes pour les parents, pour ceux surtout qui attribuent à la vie psychique des petits une allure semblable à la nôtre, et n'accordent de valeur à l'explication que lorsqu'elle évoque le rapport de causalité correspondant au phénomène. En réalité pourtant, il n'en est pas ainsi chez l'enfant. L'explication demandée sera satisfaisante dès que le cas individuel sera ramené à un cas général, que la partie sera rattachée au tout, etc. Il est des explications qui satisfont l'esprit de l'enfant et qui nous paraissent grotesques : c'est ainsi que nous trouvons souvent agaçante la manie de l'enfant de solliciter des explications, et que nous la ridiculisons par ignorance de la psychologie. L'éducateur, au lieu de réprimer cette curiosité, doit l'encourager en y donnant satisfaction. L'enfant ne peut admettre que l'on ignore la cause, le comment et le pourquoi. Pour lui, l'explication doit exister, quoique sa nature lui soit souvent indifférente (2). » Voici, à titre d'exemple, un bout de conversation d'une institutrice avec son petit cousin, âgé de 3 1/2 ans, Albert est au jardin, le visage appliqué contre le treillis du poulailler. Il regarde les poules occupées
(1) L'intérêt des enfants pour les questions -philosophiques, Ira. des Ed., 3e an., n° 21-23, oct.-déc. 1914, p. 26. (2) Dr JEAN DEMOOR
et
TOBIE JONCKHEERE.
Op. cit., p. 145.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
à becqueter du grain dans une soucoupe. L'une d'elles y met les pattes. L'enfant demande aussitôt : — Pourquoi la poule met les pattes dans l'assiette, dis s1 — Pour pouvoir manger plus facilement. — Elle ne peut pas mettre les pattes dans l'assiette, n'est-ce pasî1 — Mais si. — Mais non, elle ne peut pas faire ça, puisque moi je ne peux pas mettre les mains dans mon assiette quand je mange. Après un instant de réflexion : — Pourquoi les poules peuvent mettre les pattes dans l'assiette S" La curiosité de l'enfant eût sans doute été satisfaite, s'il avait reçu comme réponse à sa dernière question • — Parce que les poules font ça, et les pigeons aussi, et les chats et les chiens ; les animaux font ça. Le cas isolé de la poule entrait ainsi dans le cas général des animaux. Les conclusions ci-dessus diffèrent en partie des idées émises par Prévost (i). Il est vrai que celles-ci s'appliquent probablement à un âge plus avancé ; l'auteur ne le dit pas, en ce sens qu'il parle de l'éducation des enfants jusqu'à 7 ans : « Ne refrénons pas systématiquement les « pourquoi » des enfants ; évitons seulement que les « pourquoi » ne deviennent, dans leur bouche, un vain
(1) MARCEL PRÉVOST.
Lettres à Françoise maman. Paris,
1912,
P-
113-
�LA CURIOSITÉ ET L'INTÉRÊT
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amusement ou un procédé de taquinerie. « Pourquoi S1», « Comment i », « Qu'est-ce que veut dire i... », toutes les formules par lesquelles la curiosité naissante cherche à se satisfaire, sont éminemment utilisables comme moyens d'éducation : chacune d'elles ouvre au maître un crédit d'attention volontaire. Donc, ne jamais rebuter, ne jamais bousculer un «pourquoi». Ne jamais, non plus,.bâcler une réponse, ni surtout répondre une chose inexacte parce qu'on ne sait pas. Il m'arrive de répondre à Pierre ou à Simone : « Je ne sais pas... », et j'en profite pour leur faire observer qu'il faut toujours oser répondre ainsi, quand, réellement, on ne sait pas. Car le premier degré de l'intelligence et du savoir, c'est de s'apercevoir qu'on ne comprend pas, ou d'être renseigné sur les limites de ce qu'on sait. Enfin, une réponse archiprécieuse à faire à certains « pourquoi » des enfants, c'est : — Je répondrai à ton « pourquoi » quand tu seras plus grand. Ce qui provoque infailliblement un nouveau : — Pourquoi i Auquel on répond : — Parce que tu n'as pas encore assez travaillé pour comprendre. » La question des « pourquoi » des enfants mérite d'être étudiée attentivement, à cause de son intérêt psychologique et de son importance au point de vue des réponses à donner par l'adulte. Il y aurait lieu de commencer par recueillir un grand nombre de « pourquoi », avec la réponse qui y a été faite chaque fois. Il faudrait en même temps indiquer l'âge et le
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE sexe de l'enfant, et noter si celui-ci a été ou non satisfait de la réponse fournie. L'analyse de ces documents contribuerait sans doute à éclairer le problème et à montrer quelle doit être l'attitude des éducatrices dans ce domaine.
�CHAPITRE XI
LE JEU
Le problème de la cause et de la signification du jeu ne se pose pas ici (i). Qu'il suffise de donner un certain nombre d'exemples montrant quelques états psychiques accompagnant l'activité que représente le jeu chez l'enfant de 3 à 6 ans. Le rôle important que joue l'imagination dans la vie de l'enfant est bien connu aujourd'hui et apparaît nettement dans le jeu. Les enfants qui mettent en action une idée séduisante ont primitivement bien conscience de la subjectivité de cette idée. Ils parlent de « faire semblant », de « faire comme si ». Mais quand l'action est engagée, chacun des acteurs, possédé par l'idée, oublie qu'il joue un rôle ; il s'incarne dans le personnage qu'il représente, et un moment arrive où il croit à l'illusion, où il métamorphose si bien les choses qui l'entourent et sa propre personnalité, que la réalité disparaît pour lui devant la fiction. Compayré reproduit un exemple signalé par Egger : « Vers 4 ans, dit celui-ci en parlant de son fils, Félix joue au cocher ; pendant ce temps, Emile rentre à la maison. Pour m'annoncer son frère, Félix ne dit pas : « Emile
(1) Relativement aux diverses théories émises à ce sujet, lire le résumé qu'en ont donné Queyrat et surtout Claparède : FRÉDÉRIC QUEYRAT. Les jeux des enfants. Paris, ign, 3e éd.,
P. 23 à 43. Dr ED. CLAPARÈDE. Op. cit., p. 430 à 474.
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE est rentré », il m'annonce « le frère du cocher » (i). Voici un exemple emprunté à Queyrat : « Une petite fille de 5 ans, très intelligente, s'amusait des journées entières, dans l'embrasure d'une fenêtre qu'entourait un demi-cercle de chaises ; elle était dans un château, dont ses poupées étaient les habitants. » (P. 113). Telle est même quelquefois la force de l'illusion chez l'enfant qui, jouant, s'est figuré être un soldat, un matelot, un marchand, un cocher, un brigand ou un guide, que la métamorphose imaginaire persiste alors que le jeu a cessé. Sully rapporte qu'un petit garçon de 3 1/2 ans aimait beaucoup jouer au charbonnier et continuait son rêve pendant toute la journée ; ce jour-là, il refusait d'être appelé de tout autre nom (2). Il arrive même que l'enfant s'attriste ou se fâche de ce qui peut ébranler sa foi dans le monde imaginaire où il vit : « Un enfant de 2 1/2 ans, de ma connaissance, s'occupe assez régulièrement à nourrir, avec des graines imaginaires, des oiseaux de bassecour, imaginaires aussi. Il demande qu'on laisse ouverte la porte de la chambre où il les tient ; et si par hasard on la ferme, il se prend aussitôt à pleurer : On empêche de sortir ses pauvres canards et ses pauvres poules (3). » Queyrat rapporte l'exemple suivant * « Ma petite
(1) GABRIEL COMPAYRÉ. L'évolution intellectuelle et morale de l'enfant. Paris, 1913, 6e éd., p. 150. (2)
JAMES SULLY.
Op. cit., p. 53.
DU SAUSSURE.
(3) Mme NECKER 8<= éd., p. 189.
Education f> régressive. Paris, t. I
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fille de 4 ans, écrit une mère, jouait un jour « à la boutique » avec sa plus jeune sœur, au moment où j'entrais dans la chambre. L'aînée était le marchand, je m'approche d'elle et l'embrasse. Elle éclate en sanglots : « Maman, tu n'embrasses jamais l'homme dans la boutique.» Mon baiser avait gâté son illusion. » (P.67). Le jeu de la poupée, qui occupe une place tout exceptionnelle dans la vie enfantine, montre d'une manière éloquente la tendance de l'enfant à animer les choses : « Un garçonnet de 2 1/2 ans demanda un jour à sa mère : « Veux-tu me donner tous mes lives d'images pour les montrer à ma poupée i Je ne sais pas lequel elle préférera. » Il indiqua du doigt chacun l'un après l'autre et regarda la figure de la poupée pour avoir une réponse. Il fit comme si elle en avait choisi un et lui montra gravement les images en disant : « Regarde, petite ! », et en les lui expliquant avec soin. » (Sully, p. 61). Le jeu de la poupée montre aussi la vivacité des sentiments que les petites filles éprouvent à l'égard de leur jouet de prédilection : << L'ardente imagination du petit enfant attribue à l'objet de bois mort quelque chose de sa vie et de sa chaleur de cœur; il semble que sa foi dans la réalité de l'existence de sa poupée et son dévouement pour elle augmentent à mesure que ses premiers charmes factices, les roses de son teint et de ses lèvres, son nez bien formé, ses vêtements élégants, se fanent ou se déforment prématurément et que le charmant joujou qui, peu de temps auparavant, attirait les regards envieux des petits enfants à la devanture du magasin, est réduit
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE à sa plus simple expression. La fidélité de nos petits à leurs poupées lorsqu'elles ont perdu tous leurs charmes extérieurs et sont descendues au rang le plus bas du royaume des poupées, est un des traits les plus exquis et les plus amusants du caractère de l'enfance. >N ( Sully, p. 63). On a observé d'ailleurs depuis longtemps que les jouets qui amusent le plus l'enfant sont ceux où il a le plus à inventer. C'est dans ce qui se prête à sa fantaisie du moment qu'est la source de son vrai plaisir : « Une vieille charrette est tour à tour locomotive, automobile et chariot. La poupée change de sexe, d'âge, de caractère et de costume, au gré de la petite maman. Du sable, des cailloux, des débris de bois, sont de précieux trésors. L'univers tient dans un carré de jardin, l'océan dans une rigole, la forêt dans un rameau. Le jouet toujours nouveau, toujours divers, que l'enfant peut manier, transformer, perfectionner à sa guise, le jouet le moins coûteux, le plus simple, est presque toujours le plus aimé (1). » Il faut donc fournir à l'enfant moins des jouets que l'occasion de jouer. Dans ces conditions, ne lui en donnons pas de trop finis, trop précis, qui ne lui laissent pas suffisamment à faire, qui l'empêchent d'inventer ou le gênent pour imiter, qui le réduisent à la passivité ou, en tout cas, restreignent la possibilité de ses jeux. Plus le jouet est simple, mieux il vaut, par la raison qu'il se prête davantage aux fantaisies de l'enfant tout en les suggérant, puisque celui-ci peut y puiser des idées pour ses jeux. (1) MARCELLE TINAYRE. (Cité par QUEYRAT, p. 143).
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Quand l'enfant joue, laissons-le à lui-même, permettons-lui d'agir en toute liberté et toute indépendance, évitons le plus possible d'intervenir. Sachons aussi que << les jouets sont des moyens intermédiaires d'expérience entre la grande réalité de la vie et la faiblesse de l'enfant (i) ». Apprenons à observer le jeu avec attention ; apprenons à comprendre sa véritable signification qui nous éclaire sur la psychologie des enfants et sur l'allure du système éducatif qu'il faut leur appliquer. Pour cela, étudions non seulement le jeu individuel, mais aussi le jeu en groupe : celui-ci présente, en effet, un aspect particulier et des caractéristiques curieuses qu'il est possible de définir par des observations attentives poursuivies d'une manière systématique. Miss Ravenhill s'est efforcée d'étudier, par la méthode des enquêtes, quelques questions intéressantes au sujet des jeux d'enfants, aux différents âges (2) : i°) Les jeux favoris des enfants ; 20 ) les raisons que donnent les enfants pour se livrer à leurs jeux favoris ; 30) les jouets préférés des enfants; 40) les raisons que donnent les enfants pour jouer avec ces jouets. Les documents recueillis relativement aux deux premières questions méritent d'être résumés ici. L'auteur a groupé les jeux en cinq catégories :
(1) E. SÉGUIN. Rapport et mémoires, sur l'éducation des enfants normaux et anormaux. Paris, 1S95, p. 63. (2) ALICE RAVENHILL. The play interests of English elcmenlary school children, Ch., vol. I, n" 3, déc. 1910, p. 217.
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6
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
i°) Jeux qui entraînent l'activité physique en commun (jeux actifs sociaux), tels que : cache-cache, colin-maillard, etc. ; 2°) jeux dans lesquels se déploie uniquement l'adresse individuelle, tels que: danser à la corde, volant, etc. ; 30) jeux de balle ; 40) jeux d'intérieur; 50) jeux dramatiques. La diversité des goûts en ce qui concerne les jeux favoris des petits garçons et ceux des fillettes jusqu'à l'âge de 6 ans ressort du tableau suivant :
CLASSIFICATION DES JEUX FAVORIS (Les pourcentages se rapportent au nombre total de jeux mentionnés)
FILLES GARÇONS
Ages Groupes de jeux Jeux actifs sociaux Adresse individuelle Jeux dramatiques et danses Jeux de balle Jeux d'intérieur 3 "S 65,75 °/ 0 12,25 °/ 0 17,25 °/
0
6 65,0 "/„ <i,o "/„ 14,0 °/
n
Ages 3-5 6 67,0 °/ 61,0 "/„ 0 10,5 °j„ 11,25 °/ u 13,25 °/ 7,75 °/
0 0
2.75 % 1,25 %
10,25 °/o 2,75 °/ô
8,25 % 1,0 °/
0
16,25»/., 3-5 7o
Ces résultats montrent aussi que l'intérêt pour un même groupe de jeux varie avec l'âge des enfants. D'autre part, Miss Ravenhill, en faisant une analyse générale des raisons que donnent les enfants pour se livrer à leurs jeux favoris, constate que primitivement l'enfant est entièrement dominé par la joie que lui procure l'activité déployée dans le jeu. Plus tard, ces motifs purement subjectifs font graduellement place à des motifs d'un caractère plus objectif : à l'époque de l'adolescence par ex., on remarque souvent que l'enfant fait abstraction de ses préférences personnelles pour assurer le succès d'une collectivité à laquelle il appartient. En groupant ainsi les raisons en deux catégories,
�LE JEU
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celles d'ordre subjectif et celles d'ordre objectif, l'auteur a obtenu les résultats que voici :
RÉSUMÉ DES RAISONS que donnent les enfants pour se livrer à leurs jeux favoris. (Les pourcentages se rapportent au nombre total de raisons mentionnées).
FILLES GARÇONS
Ages Raisons Subjectives Objectives 3-5 9^,5 7o 3.S 7o 6 99>° °/o
h6%
Ages 3-5 6 9^,5 7o 97,5 °/o x >5 7o 2,5 °/0
Les questions auxquelles Miss Ravenhill s'est attachée présentent un intérêt incontestable L'étude de la variation des intérêts ludiques (du latin « ludus», jeu) chez l'enfant aux différents âges a une importance à la fois psychologique et pédagogique que des recherches ultérieures permettront de mieux définir. Dans un autre ordre d'idées, il serait utile de rechercher si la forme et l'évolution de l'activité ludique ne peuvent pas contribuer à mesurer le niveau du développement mental chez l'enfant. Enfin, il serait intéressant d'entreprendre des recherches pour savoir si les jeux auxquels les enfants se livrent spontanément à certaines époques de l'année apparaissent tous les ans aux mêmes époques et se succèdent dans un ordre fixe. Ce problème de la périodicité des jeux ne manquera pas de donner lieu à des observations curieuses.
�CHAPITRE XII
LE DESSIN SPONTANÉ
Le dessin spontané de l'enfant a fait l'objet d'un nombre considérable de travaux. Les uns sont élaborés d'après des collections de dessins provenant de différentes sources, les auteurs étudiant et interprétant les productions des enfants sans avoir assisté au tracé des dessins. D'autres sont le résultat de la méthode des enquêtes : l'expérimentateur rédige un questionnaire et détermine avec soin la procédure générale à suivre ; les copies obtenues sont réunies et examinées par le chercheur qui tâche de faire porter ce procédé d'investigation sur un grand nombre d'enfants. Enfin, quelques observateurs se sont attachés à suivre l'évolution du dessin libre de certains enfants pendant une période de temps plus ou moins longue; dans l'emploi de cette méthode biographique ou d'observation directe, l'auteur recueille tous les dessins au fur et à mesure de leur exécution, note les explications qu'en donne l'enfant, ainsi que les circonstances dans lesquelles chaque dessin a été fait, puis il essaie de dégager de l'ensemble de ces matériaux les lois du dessin chez l'enfant (i). Résumons d'après un ouvrage récent quelques
(i) Pour se rendre compte de tout l'intérêt qui s'attache à des monographies de ce genre, lire par ex. l'ouvrage de G.-H. LUQUET : Les dessins d'un enfant. Paris, 1913.
�LE DESSIN SPONTANÉ faits caractéristiques de l'évolution du dessin libre (i). Les tout premiers tracés de l'enfant sont généralement des gribouillages timides et peu étendus, de petites lignes sans direction bien déterminée, semées de-ci de-là sur la feuille de papier ou l'ardoise. Les traits sont faits pour jouer; le maniement de l'instrument (crayon, craie, etc.) répond à un besoin de mouvement, et correspond aux balbutiements qui précèdent le langage parlé. Puis, à l'exemple de ses aînés, l'enfant donne une appellation aux traits incohérents qu'il vient de faire. Il annonce aussi ce qu'il se propose de représenter, et pourtant il n'y a aucune ressemblance entre l'objet désigné et le dessin produit. Pendant cette période, le dessin n'a d'ailleurs aucune signification de représentation visuelle, car l'enfant change ses appellations pour un même dessin suivant les suggestions du moment. Ex. : Une petite fille de 3 1 \z ans montre un de ses dessins en disant : « C'est une balançoire » ; peu après, ce même dessin représente « un lit ». Il arrive un moment où l'enfant saisit un rapport visuel de forme entre des ensembles de traits obtenus par hasard et certains objets. Souvent la ressemblance trouvée n'est qu'une révélation momentanée et fugitive. Ex. : Une fillette de 3 ans venant de dessiner une série de ronds, les identifie spontanément à de « petits ballons » qui ont été lâchés par un marchand, et qui s'envolent ; une heure plus tard, elle déclare que ce sont des poissons dans l'eau du canal.
(1) GEORGES ROUMA. Le langage graphique de l'enfant. Bruxelles, 1913, 2e éd., chap. II, IV, VII.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
L'enfant comprend maintenant la relation visuelle existant entre un objet et le dessin de cet objet, et il va tâcher de se servir du dessin pour représenter effectivement sa pensée. Parmi les premiers dessins que les enfants essaient de produire volontairement, la représentation de l'être humain attire le plus grand nombre d'entre eux. Primitivement, la représentation du bonhomme ne donne que la forme générale, à laquelle viennent s'adapter quelques détails. Au début, ce n'est qu'un simple rond auquel s'attachent des jambes ; puis l'enfant ajoute d'autres parties : les yeux, le nez, la bouche, etc., mais il ne sait trop où placer ces détails. Il connaît leur existence, mais ne se rend pas bien compte de leur disposition réciproque : aussi les note-t-il n'importe où et souvent à côté du croquis principal. Puis apparaît la représentation du bonhomme de face, ayant une tête, un corps, des membres bien délimités et parfaitement situés. D'après les statistiques de Lena Partridge, cette représentation complète de l'être humain vu de face semble être atteinte avant l'âge de 5 ans. La représentation de la figure humaine de profil est un grand progrès dans l'évolution du dessin enfantin. Cette évolution ne se fait que par conquêtes successives de détails ; il en résulte des dessins de transition qui sont en partie de face et en partie de profil. La représentation des animaux passe par une série de stades très semblables à ceux qui caractérisent la représentation des bonshommes.
�LE DESSIN SPONTANÉ
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Lors des premières tentatives pour représenter un bonhomme, on constate dans les dessins de l'enfant une absence complète de proportions entre les différentes parties du corps : les bras, les jambes sont démesurément allongés ; les mains et les pieds ont au début des proportions gigantesques, relativement aux autres parties du corps; d'une manière générale, les proportions de tout détail nouveau sont fortement exagérées. Le même phénomène s'observe dans les scènes que l'enfant dessine : il n'y a aucun rapport, au point de vue des dimensions, entre les diverses parties de la « composition >>♦ Ex. : Une fillette de 5 1/2 ans a dessiné un voiturier qui donne à manger à son cheval, à la porte d'une auberge. Elle a représenté l'homme d'abord,puis elle a fait à côté un cheval qui a la taille d'un chien de charrette. Elle a utilisé la partie restée blanche du papier pour faire une auberge dont les cheminées n'arrivent pas à la hauteur du chapeau du voiturier. Quelle est l'attitude de l'enfant vis-à-vis de la déformation perspective des corps i Au début, il dessine ce qu'il sait d'un objet et ne se soucie pas de ce qui, par l'effet de la perspective, ne peut être vu qu'en partie ou pas du tout. Ex. : Un enfant de 51/2 ans dessine les quatre roues d'une voiture les unes derrière les autres ou aux quatre coins du rectangle représentant la caisse. La représentation de la perspective n'apparaît que tard dans les dessins d'enfants ; elle ne s'observe pas au jardin d'enfants.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Le dessin spontané et libre est une véritable forme de langage : le langage graphique, qui se présente d'ailleurs rarement seul pour l'expression des idées de l'enfant : tout en dessinant, l'enfant commente l'attitude des personnages et narre les événements ; il parle à haute voix, complète l'imperfection de son dessin par la parole, le geste, les jeux de physionomie. Voici une expérience de H. Lukens montrant d'une manière intéressante la valeur de ce langage graphique : L'auteur se fait raconter par 250 enfants de 5 à 6 ans l'incendie d'une maison, et fait dessiner la scène par 250 autres enfants du même âge. Il constate que les dessins sont beaucoup mieux ordonnés que les récits. Ils contiennent également beaucoup de données et de détails que les enfants n'ont pas songé à donner oralement. Le dessin spontané étant un moyen d'expression, il peut servir à mieux comprendre l'état psychologique de l'enfant. Mais Rouma fait remarquer (1) qu'un jugement ne peut être porté que sur une collection comportant au moins une bonne vingtaine de dessins. De plus, « il faut que l'observateur soit présent lorsque l'enfant dessine et qu'il annote soigneusement toutes les autres manifestations de langage qui accompagnent le tracé. Il faut aussi envisager deux éventualités : l'enfant se sert-il fréquemment du dessin pour extérioriser ses idées, ou bien l'enfant n'a-t-il jamais ou presque jamais dessiné^ Il est, en outre, utile de considérer la manière dont l'enfant travaille, le temps employé, et il est tout à fait nécessaire, pour établir un jugement, de com(1) P-157-
�83 parer les diverses productions d'un enfant, classées chronologiquement. » Enfin, les données positives qui résultent de l'étude du dessin spontané fournissent des indications extrêmement utiles en vue d'une culture rationnelle des aptitudes au dessin des enfants. Il importe au jardin d'enfants de laisser les enfants dessiner librement ce qu'ils veulent. L'institutrice se bornera à stimuler leur activité et à exciter au dessin en suggérant des sujets. Ultérieurement, elle cherchera, par des appels à l'observation, à amener l'enfant à compléter, corriger, améliorer ses représentations. Elle veillera surtout à ne pas détruire la tendance naturelle au dessin par un enseignement prétendument simple et gradué : lignes verticales, horizontales ou obliques, grecques, carrés, rectangles, etc., maisons, bateaux, arbres, animaux, bonshommes, etc., dessinés sur du papier quadrillé! Ballard a tâché de se rendre compte de ce que les enfants aiment à dessiner (1). A cet effet, il a réuni environ 20.000 dessins, dont 4.500 provenant d'enfants âgés de 3 à 6 ans. Afin d'éviter que les enfants ne subissent, dans le choix du dessin à faire de mémoire, l'influence des dernières leçons de dessin données en classe, on leur signalait une liste de sujets variés, en ajoutant qu'ils pouvaient dessiner ce qu'ils aimaient, peu importe que le sujet figurât ou non dans la liste indiquée.
(1) P. B. BALLARD. What London children Uke to draiv,]. of exp. Pedg., vol. I, n° 3, mars 1912, p. 185.
LE DESSIN SPONTANÉ
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Les résultats de la classification établie par l'auteur figurent en o/o dans le tableau suivant :
GARÇONS FILLES
Ages Etres humains Animaux Oiseaux et insectes Poissons Plantes Véhicules Bateaux 9,9 Maisons ii,4 Armes et instruments 8,8 Objets divers 18,5 Paysages 0 3-4 23,6 6,6 3.3 o.5 6,6 10,6 5' 14,0 4.3 3,7 1,1 12,7 16,2 18,6 15,2 3,7 10,3 o,3 6 13,3 3,6 -3.7 1,2 12,2 21,7 20,0 12,1 3,4 8,5 o,3 3-4 26,3 9.6 1,9 1,0 13.5 1,6 5,1 12,8 4,5 23.7 0
Ages 5 22,2 3,8 3,6 o,9 22,5 4,4 9,9 15.6 2,6 14.3 0,2 6 20,0 3.7 3,7 o,9 26,7 5,2 10,2 18.3 i,4 10,6 0,1
Chaque dessin n'est entré en ligne de compte qu'une seule fois : ainsi, quand le sujet représenté appartenait à la fois à deux ou plusieurs groupes, le dessin a été classé d'après l'élément qui semblait avoir l'intérêt capital. D'autre part, d'après Ballard, les nombres renseignés dans le tableau ci-dessus, n'indiquent pas nécessairement les sujets auxquels les enfants s'intéressent le plus, mais plutôt les sujets qu'ils aiment à dessiner. L'examen comparatif des résultats obtenus chez les garçons et les filles montre avec quelle fréquence les genres de sujets provoquent le choix des enfants, à chaque âge et chez les deux sexes. En voici quelques exemples : A l'âge de 3 et 4 ans, les deux sexes sont fortement attirés par la représentation de l'être humain, La représentation des véhicules groupant
�85 tous les moyens de locomotion, à l'exception des bateaux, attire beaucoup plus les garçons que les filles, et atteint chez eux son point culminant à l'âge de 6 ans. Les bateaux sont dessinés d'ailleurs beaucoup plus souvent par les garçons aussi. La représentation des plantes est plus fréquente chez les filles. Evidemment, il serait prématuré de vouloir tirer des conclusions définitives de la recherche londonienne. Il y aura lieu d'entreprendre de nouvelles recherches pour essayer de déterminer l'évolution des choses que l'enfant, aux différents âges, aime à dessiner spontanément.
LE DESSIN SPONTANÉ
�CHAPITRE XIII
LA MÉMOIRE
La mémoire n'est pas une aptitude unique ; il n'existe pas une mémoire, mais toute une série de mémoires spéciales. Parmi les enfants, comme d'ailleurs parmi les adultes, les uns retiennent mieux les choses vues, d'autres les choses entendues ; il en est qui se souviennent mieux de la couleur, d'autres de la forme ; les uns retiennent facilement les faits, d'autres les lieux ; il y en a qui se rappellent surtout les mots, d'autres les chiffres ou les nombres; etc. Les travaux expérimentaux relatifs à la mémoire des enfants de 3 à 6 ans sont fort peu nombreux J'en signale ici deux.
§ 1. La mémoire des images.
Voici trois séries d'épreuves comparatives, faites par Decroly et Mlle Degand, sur des enfants de 4, 6, 6 1/2 et 7 ans (1). La première expérience a consisté à examiner sur un carton blanc un nombre de 9 lettres de dimensions données (les petites lettres ont 3 centimètres de hauteur, les autres leur sont proportionnées), et à les faire reconnaître parmi 26 autres étalées sur une
R (1) D O. DECROLY et J. DEGAND. Expériences de mémoire visuelle verbale et de mémoire des images, chez des enfants normaux
et anormaux, An. ps., t. XIII,
1907,
p.
122.
�8? table, dans un ordre déterminé. La seconde, à montrer, puis à faire reconnaître 9 formes géométriques parmi 26 autres formes. La troisième, à faire rechercher, parmi 26 autres, 9 images montrées d'abord et représentant des scènes diverses découpées dans des images d'Epinal inconnues des enfants. Chaque carton était montré pendant vingt secondes. Le temps de recherche employé, le nombre exact d'images trouvées et le nombre d'erreurs commises par l'enfant ont été notés. Il résulte de ces expériences que les images ont été reconnues beaucoup plus de fois et avec moins d'erreurs que les formes géométriques et les lettres. D'après la logique de l'adulte, il semble cependant qu'une lettre bien simple (t, q) et une figure régulière (cercle, trapèze, rectangle) doivent être plus facilement reconnaissables qu'une scène où plusieurs personnages d'aspect différent agissent de diverses façons. L'expérience démontre qu'il n'en est rien. D'autre part, lorsqu'on présentait aux enfants la série de 9 images, on remarquait instantanément, chez les plus jeunes surtout, que leurs petits yeux brillaient davantage, qu'ils paraissaient plus intéressés et que leur attention semblait mieux fixée. Il n'est donc pas étonnant que les scènes aient eu plus de succès. Le fait n'est pas nouveau, et l'expérimentation se borne ici à démontrer ce que l'observation empirique avait déjà constaté. La signification du phénomène est d'autant plus grande.
LA MÉMOIRE
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
§ 2. La mémoire des couleurs.
On montre aux enfants 3 petits carrés de papier, à peu près de 8 millimètres de côté, et colorés l'un en bleu, l'autre en jaune, le troisième en rose, et collés sur une fiche. Puis, l'enfant les ayant regardés pendant quelques secondes, fixe les yeux sur une fiche plus grande, portant non plus 3, mais 23 carrés de même dimension et de nuances beaucoup plus variées ; on demande alors à l'enfant d'indiquer sur cette nouvelle carte les carrés qu'on lui a montrés précédemment. Les 23 carrés sont disposés comme suit • sur une première rangée, 4 carrés bleus, de tons variés, depuis le bleu tout à fait foncé jusqu'au bleu céleste assez pâle ; sur la ligne suivante, 3 carrés mauves, de clarté également variable, et un carré orangé; sur une troisième ligne, un gris et 3 verts ; sur la quatrième ligne, un vert particulièrement pâle et 3 jaunes ; sur la cinquième ligne, un jaune très effacé et 3 roses ; sur une sixième ligne, encore un orangé, un rouge mat et un rose. Les couleurs montrées aux enfants sont le 3 e bleu de la première rangée, le 2e jaune de la quatrième, enfin le dernier rose. Mlles Taylor, Giroud et Brynk (1), qui ont fait cette expérience, ont constaté que les 20 enfants les plus jeunes (4 de 6 ans, 16 de 7 ans) reconnaissent généralement les couleurs, mais se trompent sur la
(1) B. G. T. Une expérience sur la mémoire des couleurs chez de jeunes enfants, Bul. Soc. ps. E., 13e an., no 85, févr. 1913, p. 106.
�89 teinte. Au lieu de désigner les trois couleurs présentées la première fois, et qui étaient un peu atténuées, les enfants indiquent les couleurs franches : le bleu foncé, le jaune mat, le rouge ardent. Il serait utile de faire des épreuves de ce genre sur des enfants de moins de 6 ans. Les jeunes enfants sont-ils incapables de discerner les teintes i Ou bien expriment-ils une préférence en choisissant les couleurs vives i Questions intéressantes, dont il serait possible de tirer parti dans les exercices des sens à l'école des petits.
LA MÉMOIRE
�CHAPITRE XIV
LE TEMOIGNAGE
L'étude du témoignage chez les jeunes enfants peut se faire à l'aide d'images coloriées représentant des scènes peu compliquées. On met l'image pendant une ou deux minutes sous les yeux du sujet, puis on l'enlève, et on dit à l'enfant de raconter ce qu'il a vu. Ensuite, on le prie de répondre à une série de questions dont le plan est établi d'avance. Ces deux méthodes de recueillir un témoignage s'appellent la première le récit, la seconde l'interrogatoire. Au point de vue éducatif, il est utile, après l'interrogatoire, de montrer de nouveau l'image à l'enfant, afin de lui permettre d'exercer un contrôle sur ce qu'il a dit et de découvrir par lui-même les fautes qu'il a commises. Au lieu de se borner à recueillir le témoignage immédiatement après la présentation de l'image, il est intéressant aussi de soumettre l'enfant à l'épreuve du récit et de l'interrogatoire après un certain intervalle de temps : au bout de trois, quatre ou huit jours, sans que l'image ait été montrée une nouvelle fois. Enfin, l'étendue et la fidélité des souvenirs peuvent être étudiées soit en se servant d'images que l'enfant a constamment sous les yeux, par ex. en recueillant le témoignage à propos d'une gravure qui orne le mur de la classe, soit en employant une
�LE TÉMOIGNAGE image que l'enfant a eu l'occasion d'examiner un grand nombre de fois, par ex. trois ou six mois auparavant. Winch (i) a fait des expériences sur un groupe d'enfants âgés de 3 à 4 ans. Les sujets étant pris isolément, il leur annonçait qu'il allait leur montrer une image coloriée, et qu'après l'avoir regardée, ils seraient invités à raconter tout ce qu'ils avaient vu. Le temps d'exposition de l'image sous les yeux de chaque enfant était d'une minute. Le témoignage a été recueilli immédiatement et après un intervalle d'une semaine. De cette manière, chaque enfant a fourni un premier récit, subi un premier interrogatoire, puis, huit jours plus tard, un second récit et un second interrogatoire. La cinquième épreuve consistait à remontrer l'image et à noter les corrections que l'enfant faisait spontanément. Tandis que lors du premier témoignage, le récit donnait en moyenne 8,3 indications exactes, et l'interrogatoire 13,2, lors du second témoignage, ces nombres étaient respectivement de 10,9 et 15,8. L'interrogatoire fournit donc un plus grand nombre de souvenirs que le récit spontané chez l'enfant de 3 à 4 ans. Pourtant, montrons-nous circonspects en posant des questions, car leur forme peut influencer la réponse et provoquer des erreurs de fait. Voici
(r) W. H. WINCH. Gèrman " Aussage " experiments with English school children. Congrès int. de Pédologie, Bruxelles, 1911.vol.lI, P. 344Signalons ici que l'étude expérimentale du témoignage a été inaugurée en France, par BINET, dans son livre: La suggestibilité, Paris, 1900.
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE par ex. une image représentant une scène d'intérieur où le père, assis à table, a une cuiller en main, On peut demander : i°) Qu'est-ce qu'il a en main, papa i 2°) A-t-il en main une fourchette ou un couteau i 30) N'a-t-il pas en main une fourchette ou un couteau î1 Les deux dernières questions, la troisième surtout, impliquent de véritables suggestions. N'oublions pas ce fait important quand nous interrogeons des enfants. Les recherches de Winch montrent aussi qu'un intervalle de quelques jours entre la première et la seconde déposition n'entraîne pas une diminution, mais plutôt une augmentation de la quantité de souvenirs. Mais il s'agirait de savoir si le pourcentage des réponses erronées fournies lors du second témoignage n'est pas plus élevé. En d'autres termes, le temps écoulé n'a-t-il pas une influence sur la fidélité du témoignage i. Enfin, les expériences prouvent que les enfants de 3 à 4 ans ne découvrent pas par eux-mêmes les erreurs qu'ils ont commises ; le pouvoir de se corriger spontanément semble donc ne pas exister avant l'âge de 5 ans. Le fait est intéressant au point de vue pédagogique ; il montre l'utilité de guider les enfants pour leur faire trouver ce qu'il y a d'inexact dans ce qu'ils ont regardé et observé.
�CHAPITRE XV
LES IDÉES DE NOMBRE
Il est intéressant d'étudier comment naissent les idées de nombre chez l'enfant. Résumons d'après deux travaux récents (i) quelques conclusions se rapportant aux enfants de 3 à 6 ans. Signalons tout d'abord que la possession de la notion de nombre précède souvent de beaucoup l'apparition du terme qui l'exprime. Ainsi, bien longtemps avant de savoir répondre « trois » à la question « combien », l'enfant en possède la notiom L'enfant se sert relativement tôt (vers l'âge de 2 ans) du nom des nombres un, deux, trois; mais c'est une dénomination purement machinale de répétition, sans aucune idée de dénombrement. Il semble qu'il possède parfaitement le nombre deux entre 21/2 ans et 3 ans. Il sait imiter des formes comportant l'intervention de deux bâtonnets ou jetons, montrer deux doigts pour deux objets, finalement exprimer ce nombre, Il ne commence à attacher au déterminatif « un >> une notion de nombre qu'après avoir la notion de
(i) Dr DECROI.Y et Me»« JULIA DEGAND. Observations relatives à l'évolution des notions de quantités continues et discontinues chez ER l'enfant. I Congrès int. de Pédologie. Bruxelles, 1911, vol. II, P- +n. Me'ie EUGÉNIE MqacnkUPS.CotHmentnaissent les idées dénombre ER chez les enfants. I Congrès int. de Pédologie, Bruxelles, 1911, vol. I, p. 260.
�PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE deux. La notion de « deux ■> précède donc la notion numérique de « un ». Du groupe deux, l'enfant passe au groupe trois ; il le reconnaît d'abord, l'emploie exactement (par ex. imite des dessins formés de trois bâtonnets ou trois jetons, enfile des perles en formant des combinaisons où le groupe trois intervient), et finit par exprimer le nombre. Il semble que. pour la majorité des enfants, la notion du demi ne soit acquise qu'entre 4 ans et 41/2 ans, donc longtemps après avoir pris connaissance du nombre deux. L'enfant reste longtemps au stade trois. L'étape de trois à quatre paraît en effet assez longue à franchir. La notion de quatre est acquise, semble-t-il, vers 41/2 ans. L'enfant commence à avoir la notion du quart vers l'âge de 5 ans. Le tiers, présentant des difficultés d'ordre pratique, est acquis plus lentement. Vers 5 ans aussi, l'enfant reconnaît le groupe cinq et commence même à exprimer le nombre. Sans doute, il reste encore de multiples observations à faire pour connaître d'une manière exacte l'évolution des notions de quantité chez l'enfant. On peut d'ailleurs admettre, comme le fait remarquer Bouwer (1), qu'il n'y a pas deux enfants chez qui le développement des idées de nombre et l'acquisition des toutes premières opérations sur les nombres
(1) TH. BOUWER. Voorlgczettc wàarnemivgen omtreui de ontwikkeling der gctalvoorsiellingcn bij ecn kiud, Kst., t. II, fasc. 3, avril 1918, p. 153.
�LES IDÉES DE NOMBRE
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suit une marche identique, si les éducateurs s'abstiennent d'exercer volontairement une influence dans ce domaine. Mais les documents déjà recueillis montrent notamment que la notion et l'emploi des premiers nombres est assez précoce, et qu'il est important de savoir, au point de vue de l'exploration et de l'éducation des enfants, que l'expression verbale des notions de nombre n'a lieu que longtemps après leur acquisition. Le jardin d'enfants tient-il suffisamment compte de ces données i N'a-t-il pas une tendance à faire prématurément des exercices de dénombrement trop difficiles {
�CHAPITRE XVI
LES NOTIONS DE TEMPS
La notion de temps est une notion complexe. Ainsi,se représenter le temps qu'il faut pour exécuter un acte, se rendre compte du temps pendant lequel s'accomplit un phénomène, indiquer le moment où cet acte ou ce phénomène ont eu lieu, tout cela est différent .Autre chose est encore d'évaluer l'intervalle qui sépare deux impressions rapprochées, et le laps de temps écoulé entre deux événements éloignés et vécus tous deux. Autre chose est aussi de se figurer l'éloignement et la durée des époques historiques. Il est enfin à noter que des facteurs affectifs peuvent modifier notablement les documents fournis par les sensations. D'ailleurs, la notion de durée comme celle d'intervalle sont intimement liées à des perceptions associées dont le nombre et la variété servent de points de repère non seulement pour apprécier leur étendue ou durée, mais aussi pour juger de l'intervalle qui les sépare. Les matériaux recueillis au sujet de l'évolution des notions de temps chez; l'enfant sont encore peu nombreux. J'en emprunte quelques-uns à un travail récent (i), et qui sont capables de fournir des sug(i| Dr O. DECROi.Yet Mellc J. DHGASD. Observations relatives an développement de la notion du temps chez une petite fille, de la naissance à 5 i\i ans, Ar. de Ps.. t. XIII, no 50, juin 1913, p. 113.
�LES NOTIONS DE TEMPS gestions aux institutrices des jardins d'enfants, Entre 21/2 ans et 3 ans, l'enfant emploie l'adverbe « maintenant » avec sa signification de : en ce moment. Il emploie le mot « tantôt », d'abord pour rappeler un fait passé, ensuite pour exprimer une action à venir. Il emploie la locution « tout de suite », et prouve qu'il saisit la différence entre cette expression (correspondant au présent) et le mot « tantôt » (signifiant le futur). Il emploie l'expression « tout à l'heure» pour des faits à venir. Vers l'âge de 3 ans, l'enfant se rend compte des choses qui se font à des heures déterminées; il le montre en manifestant de l'étonnement quand on apporte certaines modifications à la succession habituelle des actions qui s'accomplissent en une journée. Vers 4 ans, l'enfant emploie exactement le mot « aujourd'hui ». Vers 5 ans, l'enfant connaît la valeur du terme « hier » (1). Les faits qui ont eu lieu avant la veille sont localisés dans le temps par « avant-hier ». Il se sert du mot « demain » pour désigner un avenir assez rapproché (comme le lendemain ou le surlendemain), et de l'expression « la semaine prochaine » pour désigner un avenir plus éloigné. Il emploie exactement les termes « dimanche passé » et « dimanche prochain », « ce matin » et « ce soir » (2). Sauf le mot « dimanche », les noms des jours n'apparaissent que plus tard, et très lentement. H en est de même des noms des saisons ; les ter(1) Voir note 2 au bas de la page 111. (2) Voir note au bas de la page 109.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
mes « hiver » et « été » s'emploient vers 5 ans, en association avec le temps qu'il fait. En somme, les notions de temps sont lentes à acquérir, et il importe de tenir compte de cette donnée. La terminologie relative à ces notions est souvent le résultat d'un enseignement direct ou indirect donné à l'occasion des activités du jardin d'enfants. Mais il faut naturellement que la mentalité des petits soit préparée à comprendre les termes et à les appliquer d'une manière exacte. Ne nous hâtons donc pas.
�CHAPITRE XVII
L'AGE DE LA LECTURE
A quel âge doit-on commencer à apprendre la lecture aux enfants i Est-ce à 5 ans i Ou à 6 ans i En d'autres termes, l'apprentissage de la lecture doit-il se faire au jardin d'enfants ou à l'école primaire (1) i La question est délicate et ne peut naturellement pas être résolue par de simples affirmations. Vaney (2) a voulu savoir si les enfants ayant appris à lire à 5 ans, retirent un bénéfice de cette avance en lecture. L'avantage qu'ils ont sur les autres par le fait de cette initiation du début,se retrouve-t-il en fin de scolarités' Dans l'affirmative, il faut, en prenant comme mesure l'âge où ils obtiennent le certificat d'études primaires, qu'ils arrivent plus jeunes à ce certificat que ceux à qui l'on enseigne la lecture à 6 ans. En vérifiant les étapes de 115 élèves, parmi lesquels les uns avaient appris à lire à partir de 5 ans, tandis que d'autres n'avaient commencé cet enseignement qu'à 6 ans, et d'autres encore à 7 ans seule(1)
On sait que les premiers éléments delà lecture et de l'écriture
figurent encore au programme d'un grand nombre de jardins d'enfants : "Ainsi le veulent les familles, pour qui toute l'instruction de l'enfant consiste en la lecture et en l'écriture ; ainsi le veut la routine, toujours difficile
à
vaincre.
" (FÉLIX
KLEIN.
Mon filleul au jardin
e
d'enfants: Comment il s'instruit. Paris, 1913, 3 (2) V. VANEY. L'âge de la lecture, Bul. Soc. oct.-nov.-déc. 1908, p. 11.
éd.,
p.
40).
e
ps. E., 9 an., n° 50,
�ioo
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
ment, on constate que pour le premier groupe l'âge moyen d'acquisition du certificat d'études est 11 ans et 9 mois, pour le second groupe un peu plus de 12 ans, pour le troisième groupe 12 ans et 10 mois. Il semble donc qu'il n'y ait pas grand profit à enseigner la lecture à 5 ans au lieu de 6 ans. En revanche, i'enfant qui attend jusqu'à 7 ans pour commencer l'apprentissage de la lecture subit un retard marqué dans ses études, tout au moins dans l'organisation actuelle. De nouvelles recherches ont été faites sur 518 écoliers, dont 400 citadins et 118 ruraux (1). En divisant ces enfants en trois groupes, suivant qu'ils avaient commencé l'enseignement de la lecture à 5, 6 ou 7 ans, et en se servant de l'âge d'arrivée au certificat d'études de commune mesure pour les trois groupes d'élèves, il a été établi que les enfants du premier groupe obtiennent leur certificat à 12 ans, ceux du second groupe à 12 ans et 3 mois, ceux du troisième à 12 ans et 9 mois. Ainsi, l'avance d'un an s'est perdue en route ; c'est tout juste s'il en reste un quart. Si les enfants ne gagnent pas grand'chose à se mettre à la lecture avant 6 ans, c'est sans doute parce qu'avant cet âge leur développement intellectuel n'est pas suffisant pour bien profiter des leçons de lecture; ils manquent de maturité. Tout enseignement doit être donné quand l'écolier est mûr pour se l'assimiler; on oublie souvent cette grande vérité. De nombreuses causes d'erreurs rendent difficile
(1)
V. VANEY. E.,
Nouvelles recherches sur l'âge de la lecture, Bul.
Soc. ps.
9e an., n° 53, mars 1909, p. 86.
�L'AGE DE LA LECTURE l'interprétation des résultats de telles recherches. Mais Vaney ne voit aucune bonne raison d'imposer au jeune enfant une tâche qui lui donne si peu de profit, et il conclut que « l'âge de 6 ans est celui qui convient le mieux pour apprendre à lire ». Dans ces conditions, le jardin d'enfants doit bannir l'enseignement de la lecture de son programme. Le problème est-il définitivement résolu i C'est qu'à côté des méthodes dont on se sert habituellement pour apprendre à lire, il en existe une autre, absolument nouvelle, dont il est utile de signaler le principe.Par cette méthode, l'enseignement de la lecture, au lieu d'être un simple mécanisme de décomposition et de recomposition de mots, est un exercice d'idées. Par le fait même, les enquêtes faites jusqu'à présent ne permettent pas de formuler un jugement définitif en ce qui concerne l'âge auquel il est utile de commencer l'apprentissage de la lecture. L'enseignement de la lecture se fait généralement par la méthode des mots types,combinée avec le procédé dit par émission des sons. Les mots types sont des mots choisis pour faire connaître graduellement les sons (voyelles) et les articulations (consonnes) de la langue et leur représentation par des lettres. Ils doivent préalablement être associés dans l'esprit de l'enfant à des idées. La méthode par émission des sons, appelée aussi méthode de la nouvelle épellation ou méthode par épellation phonétique, se fait par la simple émission des articulations (sans adjonction d'aucune lettre) et des sons, les éléments
�i02
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
phonétiques figurés par plusieurs lettres (ex.: ou, ai, ch, ph, etc.) n'étant pas décomposés. La nouvelle méthode, que l'on pourrait appeler l'enseignement de la lecture par la méthode visuelle des phrases, part des faits suivants, expérimentalement établis : i°) L'exercice de lecture est essentiellement un exercice visuel, et c'est l'image visuelle qui y joue le rôle prépondérant; 2°) La lecture ne se fait pas par lettres ; 30) Un mot connu se reconnaît plus vite qu'un nombre égal de lettres ne formant pas mot ; 40) Un ensemble de mots connus, formant phrase, se reconnaît plus facilement qu'un nombre de mots identiques, mais non associés ; 50) L'idée complète et concrète, représentée par la phrase, est plus facile à fixer et à retenir par l'enfant que le mot, et à plus forte raison que la syllabe et que la lettre. La nouvelle méthode de lecture, imaginée par Decroly et M"e Degand, part donc de la phrase simple mais complète. L'enfant apprend à reconnaître visuellement des phrases écrites, avant de les décomposer en mots. Ensuite, il reconnaît les éléments de ces phrases, c'est-à-dire les mots ; ultérieurement, il sépare les éléments de ces mots, c'est-à-dire les lettres. — La représentation par écrit de ce langage visuel n'apparaît que plus tard. Est-ce à dire qu'il faille introduire au jardin d'enfants l'enseignement de la lecture, en substituant la méthode visuelle à la méthode courante i Est-il désirable par ex. de placer sur les objets à l'usage des enfants une étiquette qui en indique le nom ; de faire figurer sous les gravures que l'on présente aux petits,
�L'AGE DE LA LECTURE une phrase claire et simple qui les commente, — afin d'associer dans l'esprit de l'enfant l'image visuelle du mot ou de la phrase à l'image visuelle de l'objet ou de la scène i Bien entendu, il ne s'agirait pas de faire des exercices systématiques de lecture; il ne s'agirait donc point d'apprendre à lire, et encore moins à écrire. La question ne peut évidemment pas être tranchée à la légère; elle est très importante et ne pourra être résolue, dans un sens affirmatif ou négatif, que grâce à des observations précises et à des expériences bien conduites.
�CHAPITRE XVIII
LA MESURE DE L'INTELLIGENCE
Parmi les méthodes d'exploration de l'intelligence, celle des tests a été fortement étudiée pendant ces dernières années et a donné des résultats qui non seulement sont extrêmement intéressants, mais permettent d'entrevoir des améliorations du plus haut intérêt au point de vue de la psychologie infantile et de la pédagogie expérimentale. On cherche à connaître la loi du développement intellectuel des enfants, et à élaborer une méthode capable de doser leur intelligence. En d'autres termes, on tâche de fixer l'état des aptitudes de l'enfant normal aux différents stades de son évolution psychique. Plusieurs auteurs ont imaginé des séries de tests pour établir ce qu'on pourrait appeler le profil psychologique de l'enfant. Incontestablement, la méthode la plus pratique, celle qui peut être considérée actuellement comme donnant les indications les plus précises, est due à Binet et Simon. Cette méthode, publiée en 1905(1), a été remaniée à deux reprises,
(1) A. BINET et TH. SIMON. Méthodes nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux, An.ps., t. XI, 1905, p. 191.
Application des méthodes nouvelles au diagnostic du niveau intellectuel ches des enfants normaux et anormaux d'hospice et d'école primaire, An. ps., t. XI, 1905, p. 245.
�LA MESURE DE L'INTELLIGENCE 105 en 1908 (1) et 1911 (2). Les mêmes auteurs en ont ' fait ensuite un exposé succinct,débarrassé de tout ce qui est théorie et discussion, de manière à ne donner que les détails nécessaires à connaître pour l'application de la méthode (3). C'est en soumettant plusieurs centaines d'enfants de divers âges à de nombreuses épreuves qu'ils sont arrivés à apercevoir une relation plus ou moins constante entre certaines réponses et le moment où ces réponses sont données par les enfants. Cette méthode est-elle définitives1 Loin de là. Le problème est d'ailleurs d'une grande complexité : il s'agit d'arriver à posséder une série d'épreuves portant sur les aptitudes considérées comme fondamentales et pouvant être graduées au point de vue de la difficulté et du rendement d'après les âges. La méthode consiste à poser à l'enfant des questions précises, ou à lui faire faire de petites expériences ; ces questions et ces expériences portent le nom de tests. Comme de nombreuses recherches ont montré quels sont les tests que peut résoudre un enfant normal d'un âge donné, il est facile de se rendre compte si l'enfant qu'on examine donne des résultats égaux à la normale de son âge, ou s'il est en avance, ou bien en retard relativement à cette normale.
(1) ALFRED BINET et TH. SIMON. Le développement de l'intelligence chez les enfants, An. ps., t. XIV, 1908, p. 1. (2) ALFKED BINET. Nouvelles recherches sur la mesure du niveau intellectuel chez les enfants d'école, An.ps., t. XVII, 1911, p. 145.
(3) ALFRED BINET et TH. SIMON. La mesure du développement de l'intelligence chez les jeunes enfants, Bul. Soc, ps. E., ne an., n° 70-71, avril 1911, p. 187. — Nouvelle édition, Paris, 1917.
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Décrivons sommairement les tests pour les âges de 3 à 6 ans. Enfants de trois ans.
1. Donner son nom de famille. — On demande à l'enfant : « Comment t'appelles-tu i » S'il ne répond que par son prénom, on insiste pour avoir le nom de famille : « Roger i Et puis?1 Et puis quoi S1 » 2. Montrer son nez, ses yeux, sa bouche. — On dit à l'enfant : « Montre ton nez » ou « mets ton doigt sur ton nez ». On répète ensuite le même ordre pour les yeux et )a bouche. 3. Répéter deux chiffres. — On commence par prononcer un seul chiffre. L'enfant le répète. On prononce ensuite deux chiffres qui ne se suivent pas, par ex. 3-7, ou 6-4, etc., en les coupant d'un intervalle d'une demi-seconde. Il suffit que la répétition exacte ait lieu une fois sur trois essais. 4. Enumérer les objets d'une gravure. — On se sert pour ce test de trois gravures reproduites dans la méthode de Binet et Simon. On présente chacune d'elles à l'enfant, en lui demandant : « Qu'est-ce que c'est que celas" » ou « dis-moi ce que tu vois là ». L'enfant de 3 ans énumère isolément les personnages et les objets qu'il reconnaît sur la gravure, sans établir entre eux aucun lien. 5. Répéter une phrase de six syllabes. — On emploie la phrase : « Il fait froid. J'ai bien faim ». On la dit avec expression. On ne tolère dans la répétition aucune espèce d'erreur. Si l'enfant reste muet, on l'amorce en lui faisant répéter d'abord : « Papa »
�LA MESURE DE L'INTELLIGENCE
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(deux syllabes), puis « Chapeau, soulier » (quatre syllabes). Enfants de quatre ans. 1. Donner son sexe. — « Es-tu un petit garçon ou une petite fille i » Telle est la question très simple dont on se sert. 2. Nommer une clef, un couteau, un sou. — On montre successivement à l'enfant trois objets familiers : une clef, un canif fermé et un sou, en lui demandant : « Qu'est-ce que c'est que çaî" Comment ça s'appelle-t-il i » Il faut que les noms des trois objets soient connus, mais le canif peut être appelé un couteau. 3. Répéter trois chiffres. — L'expérience se fait comme celle de deux chiffres. Exemples de chiffres à faire répéter : 3-0-8 ; 7-1-5 ; 9-2-6. 4. Comparer deux lignes. — On a tracé, à l'encre, sur une feuille de papier, deux lignes obliques, l'une de 5 centimètres, l'autre de 6 centimètres; elles sont parallèles, et séparées par une distance de 3 centimètres. On montre les lignes à l'enfant : « Tu vois ces lignes. Dis-moi quelle est la plus grande. » Enfants de cinq ans. 1. Comparer deux poids. — On se sert de deux petites boîtes de même aspect et même volume, pesant respectivement 3 et 15 grammes. On les pose sur la table devant l'enfant, en laissant entre elles une distance de 5 à 6 centimètres, et l'on demande : « Tu vois ces boîtes. Dis-moi quelle est
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PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
la plus lourde. » La réponse correcte consiste à prendre les boîtes, à les soupeser et à indiquer la boîte de 15 gr. Pour s'assurer que cette désignation n'est pas l'effet du hasard, on recommence. 2. Copier un carré. — On dessine à l'encre un carré de 3 centimètres de côté. On prie l'enfant de dessiner à son tour '< un machin comme ça ». La reproduction est bonne si elle est seulement reconnaissable, et quelle qu'en soit la dimension. 3. Répéter une phrase de dix syllabes. — L'expérience se fait comme celle de six syllabes. Voici la phrase : « Je m'appelle Gaston. Oh! le méchant chien! » Elle peut être précédée de celle-ci : « J'ai un mouchoir. J'ai les mains propres » (huit syllabes). 4. Compter quatre sous. — On place quatre sous simples sur la table ; les pièces sont juxtaposées; elles ne se recouvrent pas. On dit à l'enfant : « Tu vois ces sous. Compte-les. Dis combien il y en a. » Il faut insister pour que l'enfant compte effectivement, avec ses doigts, et tout haut. 5. Jeu de patience. — On coupe diagonalement en deux moitiés une carte qui a la forme d'un rectangle allongé ; on obtient ainsi deux triangles On place sur la table une carte intacte et, à côté, plus près de l'enfant, on met les deux fragments triangulaires, disposés de manière que les deux hypoténuses forment un angle droit l'une avec l'autre. On dit à l'enfant : « Mets ensemble, réunis ces deux morceaux pour faire quelque chose de pareil à cela. » (Cela, c'est la carte intacte qu'on lui laisse sous les yeux).
�LA MESURE DE L'INTELLIGENCE Enfants de six ans.
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1. Distinguer matin et soir (1). — On pose la question suivante : « Sommes-nous à présent le matin ou le soir S1 » 2. Définir par l'usage. — On demande successivement à l'enfant : « Qu'est-ce que c'est qu'une fourchette i une table i une chaises' un cheval i une maman i » La simple répétition du mot doit être considérée comme réponse défectueuse. Voici des exemples de bonnes réponses : Fourchette : « C'est pour manger. » — « On mange avec. » Table : « C'est pour manger. » — « C'est la table où qu'on met les assiettes. » Chaise : « C'est pour s'assir. » Cheval : « C'est pour courir. » — « C'est pour traîner les voitures. » Maman : « C'est pour soigner les petits enfants. » — « Elle fait le manger. » 3. Copier un losange. — L'expérience se fait comme celle du carré. Le losange a 3 centimètres de côté, et est dessiné de manière que la grande diagonale mesurant 5 cm. soit horizontale ; la petite diagonale mesure 3 centimètres. 4. Compter treize sous. — L'expérience se fait comme celle des quatre sous. 5. Comparer des figures au point de vue esthétique.
(1) On remarquera qu'ici cette notion appartient à l'âge de 6 ans, alors qu'elle est renseignée précédemment comme apparaissant à 5 ans (Voir plus haut p. 97). Pour l'explication de cette nonconcordance, voir note 2 au bas de la p. III.
�no
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
— On emploie six dessins représentant des têtes de femmes ; les unes sont jolies, les autres sont laides et même difformes. On a eu soin de mettre la jolie figure tantôt à droite, tantôt à gauche. On fait faire les comparaisons des figures deux à deux, et on demande chaque fois : « De ces deux figures, laquelle est la plus jolie i » Il est nécessaire que l'enfant réponde trois fois exactement. Il n'est pas possible de faire ici la description des conditions nécessaires à une bonne expérience à l'aide des tests, ni de signaler les critiques émises par ceux qui ont appliqué et vérifié ces épreuves. Bornons-nous à indiquer les deux règles qui permettent d'interpréter les résultats que l'on obtient en essayant de définir par cette méthode le développement mental d'un enfant : i°) Un enfant a l'intelligence de l'âge dont il accomplit tous les tests. — Ex. : Voici un enfant de 5 ans, qui exécute tous les tests de l'âge de 4 ans. Il a donc, tout au moins, l'intelligence de 4 ans. 2°) Après avoir déterminé l'âge pour lequel un enfant a exécuté tous les tests, on lui ajoute un an d'intelligence s'il a exécuté cinq tests supérieurs à cet âge; on lui ajoute deux ans d'intelligence s'il a exécuté dix tests supérieurs à cet âge ; etc. — Ex. : Un enfant a exécuté tous les tests de 5 ans ; de plus, il a fait trois tests de 6 ans et deux tests de 7 ans. Puisqu'on lui ajoute un an par cinq tests supplémentaires, il a donc l'intelligence de 6 ans. Assurément, bien des objections peuvent être faites à la méthode de Binet et Simon. Il n'en reste
�LA MESURE DE L'INTELLIGENCE
111
pas moins vrai que leur œuvre est déjà féconde en résultats pratiques et en suggestions utiles. Ainsi, il est certain que de nombreuses erreurs se commettent dans l'éducation des enfants, uniquement parce qu'on table sur des notions, ën apparence élémentaires, mais qui n'apparaissent pourtant qu'à un moment donné de l'évolution mentale des jeunes individualités. Précisons cette affirmation. D'après les tests de Binet et Simon, l'épreuve consistant à faire montrer la main droite, ensuite l'oreille gauche, appartient à l'âge de 7 ans. Ne suppose-t-on pas souvent cette notion acquise longtemps avant cet âgeî1 Depuis la mort de Binet (1911), Simon (1) a étudié un certain nombre de nouveaux tests qui montrent aussi que des choses prétendument simples ne sont pas si précoces qu'on le pense en général. Emploi correct des mots hier et demain. — D'après Simon, les enfants n'ont l'idée nette des notions hier et demain qu'à 7 ans (2). Il s'agit bien entendu de l'idée, et non de l'emploi des mots. On pose à cet effet les deux questions suivantes : « Quand as-tu mangé, hier ou demain s1 » — « Quand viendras-tu à l'école, demain ou hier S1 »
(1) TH. S. Nouvelles épreuves de niveau intellectuel, Bul. Soc. ps. E., 14e an., n° 96, avril-mai 1914, p. 140.
(2) On remarquera que l'époque d'apparition de cette notion n'est pas la même que celle indiquée précédemment (voir p. 97). Mais n'oublions pas que le renseignement fourni par Decroly et M^lle
Degand provient de l'observation d'un seul enfant et est donc peut-être un peu exceptionnel, tandis que la conclusion de Simon correspond à un niveau moyen.
�ii2
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
Utilisation du nom des saisons. — A quel âge les noms des saisons sont-ils employés correctement par les enfants { Voici la question que l'on pose : « En quelle saison sommes-nous i » Ce n'est guère qu'à 8 ans, et même peut-être à 9, que l'enfant semble posséder exactement la connaissance du nom des saisons. Avant 8 ans, ces termes paraissent à peu près vides de sens. Nomination d'ensembles. — Rassemblez sur un même carton des images d'animaux, sur un autre des images de jouets, sur un troisième des images de meubles, sur un quatrième et un cinquième des images de bijoux et d'outils, tous objets familiers aux enfants. A quel âge l'enfant applique-t-il couramment à ces groupes d'images le nom collectif qui convient à chacun î1 La question à poser est celle-ci: «Qu'est-ce que c'est que tout cela;1... Ce sont des... S1 » Si l'enfant énumère les objets du tableau, il faut insister : « Non, ce n'est pas cela que je te demande. Donne-moi un seul mot pour désigner le tout. Ce sont des... i » Cette capacité de dégager d'un groupe d'objets un caractère commun ne s'observe que vers 8 ans environ. Epreuve de jugement. — Il s'agit : i°) de faire reconnaître sur une image « d'où vient le vent, dans quel sens il souffle >>, par le gonflement des voiles d'un bateau ou par la direction que suit la fumée d'une cheminée ou par le flottement d'un vêtement ; 2°) d'indiquer « de quel côté se trouve le soleil », grâce à l'ombre d'un personnage. Ce jugement, ainsi guidé par une question et appuyé sur une base concrète, paraît de l'âge de 7 ans.
�LA MESURE DE L'INTELLIGENCE
113
Tout cela est bien intéressant, car l'éducation doit suivre la marche du développement naturel de l'enfant, en le hâtant un peu; mais c'est une faute grave et d'ailleurs un vain effort que d'essayer d'inculquer aux bambins du jardin d'enfants des notions en rapport avec une mentalité enfantine plus avancée.
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�CHAPITRE XIX
LE MENSONGE
Il est malaisé de dire si le mensonge existe réellement chez les jeunes enfants. Voici quelques exemples qui montrent combien grand est le désaccord entre ceux qui se sont occupés de la question : « Vous voyez des bébés de deux ans — j'en connais — qui mentent avec un magnifique aplomb. Pourquoi mentent-ils S* Pour s'excuser, pour éviter une punition (i). » Le mensonge ne serait pas l'expression d'une perversité précoce, mais, dans beaucoup de cas, le résultat de la crainte. Sully, autant qu'il peut en juger par ses propres recherches, ne trouve pas que les enfants élevés à la maison et préservés de la contagion du mauvais exemple, développent uniformément un penchant au mensonge .« Plusieurs mères m'assurent que leurs enfants n'ont jamais sérieusement dit un mensonge. Nous pouvons affirmer la même chose à propos de deux enfants que nous avons pu spécialement observer (2). » Duprat. qui a examiné les réponses faites à un questionnaire dressé par la « Société libre pour l'Etude psychologique de l'enfant », à Paris, rapporte les
(1) M«"e YVONNE LOISEL. Le mensonge chez l'enfant, n° 137, 15 juin 1906, p. 400. (2) JAMES SULLY. Op. cit., p.364.
E.,
15e an.,
�LE MENSONGE cas suivants où l'altération de la vérité ne lui apparaît pas comme un mensonge (i) : Un ma'tre présente un jeune élève de 5 ans, et le déclare capable de s'exalter, pendant un récit véridique, au point de faire bientôt un récit purement imaginatif. Cet enfant a un « vif amour de l'élocution», et quand on lui reproche ses mensonges, il fait cette réponse qui pourrait être celle de tous les impulsifs et de la plupart des imaginatifs : « Ce n'est pas ma faute, c'est plus fort que moi. » Une fillette de 2 1/2 ans, de Paris, raconte avec force détails une promenade aux Buttes-Chaumont qu'elle n'a point faite. Voici une enfant de 4 ans qui, assistant avec son grand-père au départ du bateau qui fait le service de Royan à Bordeaux, se met à conter avec détail, avec une précision aussi amusante que surprenante, un voyage qu'elle prétend avoir fait en bateau jusque dans le centre de la France. Duprat ajoute : « Un grand nombre de tout jeunes enfants sont ainsi doués d'une imagination vive, qu'ils laissent se jouer dans des mensonges inoffensifs (2). » M1 et M"" Braunschvig partagent cette manière de voir et affirment que « le véritable mensonge n'apparaît qu'assez tard dans la vie enfantine » : « René (âgé alors de 3 1/2 ans) nous raconte fréquemment des histoires inventées par lui, qu'il nous présente comme réellement arrivées. Il nous dira, par exemple, qu'il a vu tomber un petit garçon dans le
(1) G.-L. (2) P. 61.
DUPRAT.
Le mensonge. Paris, 1903, p. 60.
�n6
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
canal; et, si nous le pressons de questions, il forgera toutes sortes de détails précis. Faut-il croire qu'il manque alors de sincérité i Evidemment non... Nous sommes un peu trop prompts à appeler mensonges toutes les affirmations de l'enfant, qui ne nous paraissent pas être l'expression de la réalité. Nous oublions que le mensonge suppose toujours la volonté expresse de tromper, ou tout au moins la conscience vague qu'on ne dit pas la vérité (i). » Il est certain que chez l'enfant la puissance imaginative est telle qu'il en vient à ne plus distinguer nettement le monde de la réalité et celui de la fiction. C'est à cette notion qu'est arrivée aussi M11* Dobre, en dépouillant les documents d'une enquête (2) : « Les réponses des petits, avant 7 et même 8 ans, nous ont montré, par exemple, qu'il n'y avait pas à cet âge-là une conception claire du mensonge ; celui-ci est encore mal distingué de l'erreur et de la fiction. » La constatation n'est pas sans intérêt pédagogique. N'exagérons cependant pas, et n'encourageons pas par nos rires le penchant à l'invention fallacieuse que nous observons chez un certain nombre d'enfants. Il paraît bien, d'après l'enquête parisienne, que beaucoup d'enfants ont recours au mensonge par crainte, par peur du châtiment : l'abus des punitions, la sévérité excessive font qu'ils cherchent dans le mensonge le moyen d'éviter la souffrance ou la
(1) M. et G. BRAUNSCHVIG. Notre enfant. Paris, 1913, p. 208. (2) MARIE DOBRE. La conception du mensonge chez les écoliers, Im.des Ed., 2e an., n° 17, avril 1914, p. loi.
�117 peine. Le point de départ de leur attitude est une sorte de mouvement défensif s'exprimant presque toujours sous la forme : « Ce n'est pas moi! » « Si l'on pouvait persuader aux maîtres et aux parents que c'est à ce moment qu'il faut intervenir et avoir la plus grande indulgence; que c'est à ce moment qu'il faut dire à l'enfant qu'on ne le punira pas, qu'on ne lui en veut pas, qu'on ne veut que connaître le fait ; alors l'enfant serait sauvé à tout jamais. Inversement, si on se laisse aller à punir, à avoir un règlement trop sévère, l'enfant se défendra; le mouvement instinctif se renforce, se complique et s'organise en mensonge proprement dit (1). » Quoi qu'il en soit, le problème du mensonge chez l'enfant de moins de 6 ans n'est pas définitivement résolu; il doit être étudié de près dans sa psychologie et sa physiologie, afin d'en tirer avec certitude les conclusions dont il est nécessaire de tenir compte dans l'éducation des enfants (2).
LE MENSONGE
(1) F. BUISSON. Rapport sur les mensonges d'enfants, Bul. Soc. ps. E., 2e an., n° 6, 15 janv. 1902, p. 133. (2) Meiic MARIE COPPIUS, dans son livre : Pour servir à Véducation de nos enfants (Paris, 1913, p. 90), consacre un chapitre intéressant au mensonge. Elle rapporte une série d'observations qu'elle a eu l'occasion de faire à cet égard, puis dégage de ces faits quelques conclusions sur l'interprétation de ces " mensonges " et le tôle de l'éducation dans ce domaine.
�CHAPITRE XX
LES HABITUDES VICIEUSES
Existe-t-il des désordres sexuels chez un certain nombre d'enfants de 3 à 6 ans i Y a-t-il vraiment des habitudes vicieuses dont il faut préserver la petite enfance i On conçoit qu'il soit impossible de fournir des statistiques sur cette question, car il s'agit d'un mal essentiellement variable selon les milieux, et, dans le même milieu, variable d'une année à l'autre parce que contagieux. « Toutefois on peut compter que dans certaines populations scolaires, les cas d'enfants qui manifestent ces tendances peut s'élever à 5, 6, et même 8 °/0 de l'effectif scolaire, d'après notre expérience personnelle, de l'avis de docteurs et de collègues de l'enseignement que nous avons consultés sur ce point (1). » D'après Mlle Dupont, ces cas seraient plus fréquents en ville qu'à la campagne; mais ils se rencontreraient partout où il y a des enfants, c'est-àdire des êtres faibles, livrés aux influences les plus diverses de tempéraments, de milieux, de circonstances. Où et comment l'enfant acquiert-il ces habitudes malsaines i Sont-elles le fait d'une disposition organique congénitale accidentelle ou héréditaire, ou
(1) Mené
MARIA DUPONT.
Les habitudes vicieuses chez les petits
enfants. Paris, 1913, p. 4.
�LES HABITUDES VICIEUSES
119
bien les a-t-il acquises au cours de son existence, si courte soit-elle encore i II semble que les causes pathologiques soient les plus rares, et que le mal ait surtout des causes morales et sociales. Ce qui est certain, c'est que le mal existe; il ne suffit pas de vouloir l'ignorer, et de fermer les yeux pour ne pas le voir. Le sujet est délicat et émouvant. Ainsi que le fait remarquer le Dr H. Surmont dans la préface du petit livre de M"e Dupont, « la connaissance de l'existence d'habitudes vicieuses chez les petits enfants est d'une bien grosse importance pratique pour les parents et les maîtresses. C'est quand l'enfant est tout jeune qu'il importe le plus peut-être de surprendre, dès leurs premiers symptômes, l'éclosion des penchants, des habitudes, des passions qui, si on n'y prend garde, se transformeront en tares indélébiles et seront la cause d'une déchéance psychique et physique irrémédiable (1), »
(i) P. IX.
�CHAPITRE XXI
LA PEUR
Avant de faire des observations sur la peur chez les enfants, il faut définir ce sentiment, car il présente plusieurs variétés bien différentes. Il existe une crainte légitime, qui se manifeste en présence ou à l'idée d'un danger réel ou probable, et qui nous permet d'agir avec prudence. C'est un sentiment naturel, à la fois raisonnable et utile. Il ne s'agit pas de cela. La peur qu'il est intéressant d'étudier est un sentiment déraisonnable, en ce sens qu'elle s'applique soit à un danger tout à fait imaginaire, par ex. l'obscurité, les fantômes, soit à un danger possible, mais absolument improbable. Binet a été l'un des premiers à consacrer à cette question une étude faite essentiellement par la méthode des questionnaires (i). Mais le travail est à reprendre, étant donné qu'un petit nombre de questionnaires seulement ont été envoyés à des directrices d'écoles maternelles. Néanmoins, quelques faits méritent d'être rapportés ici. La peur de l'obscurité est la peur-type chez l'enfant, non seulement parce qu'elle semble être presque générale, mais aussi parce qu'elle présente ce caractère de mystère, d'inconnu qui donne au sentiment de la peur son cachet propre.
(i) A.
BINET,
La peur chez les enfants, An. ps., t. II,
1895,
p.
223.
�121 Plusieurs directrices d'écoles maternelles pensent que les enfants de 2 ans ne sont pas peureux; ce sentiment ne se développerait que vers 3 ans. Il y aurait lieu naturellement de contrôler cette affirmation (1). De même, est-il exact que tous les enfants connaissent la peur, à quelque degré i Dans la négative, quelle est la proportion des enfants peureux i II serait intéressant aussi de déterminer les groupes de peurs qui sont caractéristiques des enfants de 3 à 6 ans, et de noter en même temps les signes de la peur, c'est-à-dire les phénomènes qui l'accompagnent c Quelles sont les causes de la peur S1 Signalons-en deux à propos desquelles des observations ont été faites sur de jeunes enfants : la contagion et l'imagination surexcitée, i°) La contagion. — De toutes les observations ressort ce fait important que la peur est extrêmement contagieuse. Dans une école maternelle, des ouvriers étaient occupés à rechercher une fuite de gaz; une cinquantaine d'enfants suivaient des yeux ce travail avec
(1) Elle ne s'accorde pas, en effet, avec les observations que Preyer a pu faire sur son fils : " Au 9e mois, je vis, pour la première fois, l'enfant crier, se détourner et se rejeter en arrière de peur, en entendant un petit chien qui jappait après la servante dans les bras de laquelle il se trouvait. " (W. Paris, 1887, p. 138).
PREYER.
LA PEUR
L'âme de l'enfant
Cruchef a aussi constaté le sentiment de la peur et de la crainte à 9 mois. (Dr RENÉ CRLXHET. Evolution psycho-physiologique de l'enfant, du jour de sa naissanceà l'âge de deux aus,An. ps.,.t.XVII, 1911, P- 48).
�122
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
tranquillité, Une petite explosion se produit; les enfants regardent la maîtresse qui, très calme, ordonne à une femme de service de fermer le compteur. Celle-ci pousse un cri d'effroi, donne tous les signes d'une peur réelle, que tous les enfants partagent aussitôt, Deux espèces de contagion s'exercent sur les enfants : Il y a la contagion en présence du danger ; elle est soudaine et se communique par imitation directe, par les gestes, par les expressions de physionomie. Il y a aussi la contagion lente, par les conversations de tous les jours et les exemples. Voici une observation curieuse relative au dernier genre : Une enfant de 4 ans n'avait jamais pensé à faire attention au « noir », et restait seule aussitôt couchée (sans lumière). Ayant passé un mois de vacances à la campagne, elle vit des fillettes de 12 et 14 ans refuser d'aller se coucher seules ou d'aller au jardin le soir. Rentrée à Paris, elle demandait qu'on laissât la porte ouverte sur une chambre éclairée, ne voulant plus faire de petites commissions dans la pièce voisine, sous prétexte qu'elle ne pouvait trouver sans lumière, etc. Sans jamais dire qu'elle eût peur, elle le montrait. Elle n'avait pas entendu parler de la peur, mais elle l'avait vue. 2°) L'imagination surexcitée. — Les récits d'histoires effrayantes ou simplement dramatiques entretiennent la peur et y prédisposent. Une petite fille de 5 ans, que rien n'effrayait jusque-là, devint peureuse à la suite d'un récit fait à l'école maternelle, récit dans lequel il était question de monstres et notamment d'hommes à tête de che-
�123 val ; il a fallu quelques années pour la débarrasser de l'idée de ces monstres qui l'obsédait, même dans le jour, et lui donnait des cauchemars toutes les nuits. La connaissance des causes est importante àu point de vue du traitement de la peur. Ainsi, les deux causes rapportées plus haut mettent en évidence deux règles très nettes : D'une part, il faut supprimer les circonstances qui produisent chez l'enfant le sentiment de la peur ; à cet égard, c'est à la contagion de l'exemple qu'il faut d'abord penser, puisqu'elle est une des causes les plus répandues et les plus fortes. D'autre part, il faut ne pas surexciter l'imagination, mais au contraire la régler en plaçant l'enfant dans une atmosphère tranquille, et en évitant l'excitation des récits effrayants et des contes fantastiques.
LA PEUR
�CHAPITRE XXII
LA COLERE
L'étude de la vie émotionnelle chez l'enfant est encore peu avancée. Les sentiments sont des manifestations essentiellement spontanées, qu'on ne peut pas soumettre à des expériences méthodiques de laboratoire; c'est donc par des observations prises sur le vif, et réunies au moyen d'enquêtes, qu'on pourra arriver à connaître le mécanisme des sentiments, leurs variétés, leur évolution, leurs causes, leurs effets. C'est précisément par la méthode des questionnaires que la « Société libre pour l'Etude psychologique de l'Enfant » a entrepris une étude sur la colère, dont le dépouillement a été fait par Malapert (i). L'auteur reproduit dans son travail le questionnaire qui a servi à l'enquête; il montre par des exemples combien il est nécessaire de poser les questions sous une forme claire, et d'éviter toute incertitude possible sur le sens même des mots, Ses observations sont utiles pour l'avenir, car l'étude de la colère chez l'enfant de 3 à 6 ans est à faire. En effet, parmi les documents recueillis au cours de l'enquête de Paris, un très petit nombre seulement concernent des sujets jeunes. L'auteur n'a donc pas étudié la colère chez l'enfant de moins de 6 ans; il a pourtant reproduit, en faisant l'analyse des di(1) P. MALAPERT. Enquête sur le sentiment de la colère chez les enfants, An. ps., t. IX, 1902, p. r.
�125 verses formes de la colère, un cas se rapportant à une petite fille de 3 ans : « L'enfant était rouge pendant toute la durée de l'accès ; cette coloration persistait au moins pendant une heure après. Pas de frissons ; l'expression des yeux ne changeait pas beaucoup; les gestes étaient rapides, l'enfant tordait ses bras et frottait rapidement ses mains ouvertes l'une contre l'autre; le corps se raidissait; le langage était d'abord précipité, ensuite l'enfant, suffoquée par la colère, ne pouvait plus articuler aucune parole. Les paroles étaient toujours les mêmes : « Maman plus jamais, maman je serai sage, maman embrasse-moi. » Pas d'acte de violence ni de cruauté. Les accès étaient suivis d'une phase de prostration de la durée d'une heure environ. L'enfant avait des regrets manifestés par un déluge de caresses eav'za sa mère. » Voici un exemple de colère accompagnée d:actes de violence contre des objets inertes : « Un enfant de 4 ans qu'on avait contrarié frappait sa chaise, ou donnait libre cours à son mécontentement en jetant par terre son innocent lion en bois, ou bien il le piétinait avec fureur et le menaçait de ne pas lui donner à manger (1). » Il y a une étude psychologiquejet pédagogique bien intéressante à faire sur la colère chez les jeunes enfants, et qui permettra de connaître, d'une part, toutes les caractéristiques de cette émotion, d'autre part, les moyens à mettre en œuvre pour guérir l'enfant de la colère.
(1)
JAMES SULLY.
LA COLÈRE
Op. cit., p. 319.
�CHAPITRE XXIII
LE SENTIMENT DE LA CRUAUTE
L'enfant nous apparaît comme très cruel à certains égards. Cette cruauté n'indique-t-elle pas en réalité l'absence de compréhension nette et précise de la douleur à laquelle il ne songe pas S* Voici un mot cruel d'un enfant de 4 à 5 ans : « Il avait un petit cousin ; les deux enfants étaient constamment ensemble. Le petit cousin vient à mourir; on conduit l'enfant chez le père, il pleure, se jette dans les bras de son oncle avec beaucoup de sincérité, puis tout d'un coup s'écrie : « Maintenant que Fernand est mort, tu vas me donner son cheval mécanique (1). » Cruauté i Non. Cet enfant a fait ce que lui dictait son bon coeur au premier moment; mais il n'a pas pu persister dans cette disposition, en raison de la variabilité et de la mobilité de la nature enfantine. « Un petit garçon de 4 ans, après avoir passé une demi-heure dans la chambre de sa mère alitée, dit froidement à sa bonne : « Je me suis beaucoup amusé, maman est malade ! (2) » Cet enfant para't d'une profonde insensibilité. Mais n'oublions pas que nos anxiétés et nos douleurs laissent l'enfant insensible justement parce qu'elles dépassent ses capacités de compréhension.
(1) P. MALAPERT. Les sentiments chez l'enfant, E., i6c an., n° 152, 15 sept. 1907, p. 649. (2) JAMES SULLY. Op. cit., p. 324.
�LE SENTIMENT DE LA CRUAUTÉ
127
Tâchons donc d'interpréter comme il convient les manifestations émotives de l'enfant; sachons qu'il ne participe à l'émotion que dans la mesure où il est capable de se 1a représenter. Ainsi, quand il arrive à l'enfant d'être impitoyable avec les animaux et de faire preuve d'une sorte d'insensibilité paraissant toucher à la cruauté, est-il cruel au sens propre du mot, c'est-à-dire trouve-t-il du plaisir à faire souffrir^ N'est-il pas plus juste de penser qu'il joue avec un animal, comme il joue avec une balle, un fouet, un polichinelle, une poupée i C'est l'opinion de Compayré : « La conduite de l'enfant, quand il brutalise les animaux, procède donc des mêmes besoins qui lui font éventrer ses chevaux en carton, défoncer ses tambours : d'une avidité de tout connaître, et aussi d'une impérieuse tendance à agir, qui s'exerce étourdiment (1) » Dans l'éducation des enfants, efforçons-nous de comprendre exactement la signification de leurs ac tes; ne les apprécions pas avec notre mentalité, afin d'agir sur le développement des petits d'une manière opportune et adéquate.
(1)
GABRIEL COMPAYRÉ.
Op. cit., p. 309.
�CHAPITRE XXIV
LE SENTIMENT DE LA JUSTICE
L'étude des sentiments moraux est difficile et complexe . Parmi les diverses manifestations de ce qu'on appelle le sens moral, il en est une qui est caractéristique et dont l'importance est grande au point de vue de l'éducation: c'est celle du sentiment de la justice chez les enfants La méthode des questionnaires n'est peut-être pas la meilleure pour étudier ce problème, à cause des nuances délicates qu'il comporte. Les procédés de laboratoire semblent ne pas être applicables en l'occurrence. Dans une courte note (i) où il indique dans quel sens une pareille étude paraît devoir être poursuivie, Malapert pense qu'il convient de recueillir le plus grand nombre possible d'observations individuelles, précises et détaillées, relatant avec soin des faits, et toutes les circonstances qui sont capables de les éclairer. Il ajoute que cette étude pourrait porter notamment sur les quatre points suivants : i°s la date d'apparition du sentiment de la justice; 2°) ses formes et son évolution; 3°1 ses caractères et ses objets; 4°) ses conditions. Le sentiment du juste et de l'injuste est-il pré coceî' L'auteur l'a observé, d'une façon qui ne
(i) P. MALAPERT. Le sentiment de Injustice chez les enfants, Bul. Soc. ps. E., 8e an., n° 46, avril 1908, p. 100.
�LE SENTIMENT DE LA JUSTICE
129
semble pas douteuse, chez des enfants très jeunes, avant la troisième année : « Voici, par exemple, une petite fille qui a été grondée, menacée d'une punition pour une faute qu'elle a vraiment commise et dont elle se rend compte ; elle pleure, crie : « Je ne le ferai plus, pardon. » La même, si on lui inflige une punition non méritée (c'est-à-dire qu'elle croit telle), se révolte, trépigne, et crie : « C'est pas vrai, c'est pas moi. » Cette différence dans la réaction n'est-elle pas le signe d'un discernement déjà net entre le juste et l'injuste i » Voici un exemple qui m'a été cité au sujet d'un petit garçon âgé de 4 1/2 ans: Albert allait au jardin d'enfants et aimait beaucoup son institutrice, à qui il était heureux d'offrir souvent des fleurs cueillies chez ses parents. Un jour, il revint de l'école, mécontent et attristé ; à peine rentré, il dit à sa maman : < Je n'aime plus Mademoiselle; j'en voudrais une autre. » A la question : « Pourquoi i », il répondit: « Nous sommes tous punis, et moi, je n'ai rien fait ! » La mère ayant dit : « Est-ce bien vrai i Je le demanderai à Mademoiselle », le petit déclara avec une tranquille assurance : « Tu peux le demander, je n'ai rien fait. » — L'institutrice avait dû quitter sa classe pendant quelques instants et avait trouvé son petit monde en plein bavardage : elle avait déclaré que tous les enfants resteraient à l'école après 4 heures. La maîtresse, mise au courant de la plainte d'Albert, le fit venir auprès d'elle et lui demanda si réellement il n'avait pas bavardé. Le petit répondit non, sincèrement, mais d'un air encore un peu irrité. « Dans ce cas, ajouta l'institutrice, tu es 9
�i3o
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
encore mon ami et tu ne devras pas rester après 4 heures. » La physionomie de l'enfant se rasséréna insensiblement, mais dans ses grands yeux bleus il y avait comme un reste de doute et de défiance, à l'idée de l'injustice qui l'avait menacé. Quelles sont les différentes formes que présente le sentiment de la justice et quel est leur ordre d'apparition i L'injustice peut être commise au détriment de l'enfant même ou bien d'autrui. Est-il vrai que ce soit seulement plus tard que l'enfant sent l'injustice quand elle s'exerce au détriment des autres (ses frères, ses camarades, par ex.)î" A quel âge commence-t-il à sentir la nécessité de la justice quand celle-ci lui est désavantageuse i L'exemple suivant, emprunté à Pérez, se rapporte à cette dernière question, mais on peut se demander s'il est authentique : Un enfant d'environ 3 ans — l'âge n'est pas indiqué d'une manière précise — qui se croyait grandement coupable, dit à sa mère: «Mais, maman, je ne suis peut-être pas assez puni pour une si grande faute (1). » Le fait que voici, observé par Compayré, correspond assurément davantage à la réalité : « J'ai toujours été frappé de l'énergie qu'un de mes fils mettait à solliciter pour lui-même le traitement qui était fait à son frère, le traitement du frère le plus favorisé, s'il s'agissait d'une chose agréable, d'une distribution de friandises, par exemple, et par contre à réclamer pour son frère une part
(1) BERNARD PÉREZ. Les trois premières années de l'enfant. Paris, 1902, 6e éd., p. 334.
�LE SENTIMENT DE LA JUSTICE
131
égale dans les obligations pénibles qui lui étaient imposées à lui-même (1). » Quand l enfant se rend-il compte de la nécessité d'être juste dans sa conduite à l'égard de ceux qui l'entourent 5" D'autre part, quels sont les caractères que revêt le sentiment de la justice chez; l'enfant i Enfin, quelles dispositions émotionnelles ou intellectuelles sont liées à l'apparition plus ou moins précoce de ce sentiment et semblent favorables à son développement et à son évolution;" Ces points d'interrogation montrent le vif intérêt des recherches à entreprendre.
(i)
GABRIF.L COMPAYRÉ.
Op. cit., p. 324.
�CHAPITRE XXV
LE SENTIMENT DE LA GÉNÉROSITÉ
Voici une contribution à l'étude des sentiments moraux chez les jeunes enfants : c'est un essai de M1Ie Descœudres portant sur leur générosité ou leur égoïsme (i). Elle donne à un enfant un certain nombre de pastilles à partager avec i, 2 ou 3 de ses camarades ; elle s'arrange de manière que le nombre de pastilles ne soit jamais exactement divisible entre les participants au partage ; toujours il en manque ou il en reste. Le plus fréquemment elle donne à un enfant 5 pastilles à partager avec un camarade ; si les enfants veulent couper une pastille en deux, elle s'y oppose : « C'est trop petit, ce n'est pas la peine. » Si les enfants sont trois, elle donne à l'un d'eux 5 ou 7 pastilles dont il faut faire 3 parts. D'autres fois elle varie l'expérience, parfois pour chercher la confirmation d'une première épreuve, en offrant à un enfant deux ou plusieurs morceaux de grandeurs différentes à partager avec un ou plusieurs camarades. Les essais ont porté sur 44 enfants de 2 1/2 ans à 8 ans. Au point de vue de l'âge, si l'on divise les sujets en deux groupes, les 22 plus âgés de 5 1/2 ans à 8 ans et les 22 plus jeunes de 2 1/2 ans à 5 ans, on voit les partages altruistes l'emporter de beaucoup sur les
(1) A.
DESCŒUDRES.
Le fartage, Im. des Ed., 7<= an.. n° 68-70
mai-juill. 1919, p. 53.
�LE SENTIMENT DE LA GÉNÉROSITÉ 133 partages égoïstes chez les plus grands (16 contre 6), tandis que chez les plus jeunes les deux sortes de partages se balancent à peu près (12 contre 10). On pourrait donc conclure qu'avec l'âge les enfants apprennent à partager de façon altruiste. Au point de vue du sexe, la répartition s'établit de la manière suivante : Partages altruistes Partages égoïstes Garçons 18 12 Fillettes 10 4 En d'autres termes, le 1/3 à peine des fillettes, les 2/5 des garçons se montrent égoïstes. Au total, les enfants généreux sont donc plus nombreux que les égoïstes, dans la proportion de 7 contre 4. Au point de vue des catégories sociales, il semble que les enfants des milieux populaires se comportent mieux que ceux appartenant à des milieux aisés : Partages altruistes Milieux aisés 3 Milieux populaires 26 Partages égoïstes 9 6
Il est certain que ces résultats n'ont rien de définitif. Il sera intéressant de poursuivre ces expériences et de contrôler la valeur de ce test de « vie morale », par ex. en y soumettant un certain nombre de jeunes enfants remarqués les uns par leur générosité, les autres par leur égoïsme.
�CHAPITRE XXVI
CONCLUSION
L'étude expérimentale de l'enfant de 3 à 6 ans est loin d'être achevée ; elle n'est encore que fragmentaire. Mais les recherches, les enquêtes, les expériences faites jusqu'à présent montrent que le domaine à explorer est d'une grande richesse. Dans les pages qui précèdent, j'ai tâché de résumer une série de faits déjà mis en évidence, en ayant «ïoin d'en indiquer brièvement l'intérêt et l'importance. Ces faits ne sont cependant pas définitifs, car il en est beaucoup qui sont le résultat, soit de renseignements empruntés à des monographies d'enfants, soit d'observations faites sur un nombre restreint d'individualités. La plupart des travaux ont donc besoin d'être contrôlés et complétés. Il y a là une œuvre à réaliser, à laquelle peuvent utilement collaborer les éducatrices, car elles sont bien placées pour faire, dans de bonnes conditions, des observations d'autant plus délicates qu'il s'agit d'enfants jeunes (1), Leur activité peut d'ailleurs être dirigée aussi vers des recherches tout à fait nouvelles : c'est la raison d'être des suggestions données dans plusieurs chapitres, où sont signalés des problèmes à explorer et à résoudre.
([) M>lle A. FANTA, se posant la question : " Comment lire dans l'âme des enfants ? ", a raison de dire : " Il faut pour cela les observer, les comprendre, les aimer. " (Les jardins d'enfants, Edn. joy.' l« an., n° r, janv. 1913, p. 10).
�135 Pour permettre aux lectrices et lecteurs, désireux d'étudier l'une ou l'autre question relative à l'évolution intellectuelle ou morale de l'enfant de 3 à 6 ans, des renseignements bibliographiques précis ont été indiqués pour chaque travail résumé dans ce petit ouvrage. Cela présente l'avantage non seulement d'éviter une perte de temps à ceux qui veulent connaître les détails d'une question qui les intéresse, mais aussi de pouvoir les documenter facilement sur un problème à la solution duquel ils veulent apporter une contribution. Connaissant ainsi ce qui a déjà été fait, il est possible de supprimer les causes éventuelles d'erreurs, d'essayer de perfectionner la méthode appliquée antérieurement, d'imaginer des essais nouveaux, et d'arriver de la sorte à des résultats dont l'interprétation prudente peut jeter une lumière nouvelle sur un coin du développement mental de l'enfant. Au surplus, l'étude expérimentale des jeunes enfants n'a pas exclusivement une portée scientifique ; elle a aussi une importance pratique qu'il est peutêtre utile d'esquisser en quelques mots, ne fût-ce que pour aller au-devant de l'objection : « A quoi cela sert-il i >> répétée par ceux qui, ne se préoccupant point des vérités scientifiques, n'accordent de valeur qu'aux faits d'application immédiate. Or, la plupart des recherches relatives à la mentalité enfantine entraînent l'évolution des méthodes qui dominent l'éducation de l'enfant. Les procédés d'enseignement en usage dans les jardins d'enfants sont encore trop souvent le résultat de la tradition ou la mise en pratique d'ordres formulés par l'auto-
CONCLUSION
�136
PÉDAGOGIE EXPÉRIMENTALE
rité (1). Mais cette tradition et ces ordres ne peuvent se justifier qu'à la condition d'être fondés sur des vérités démontrées. La pédagogie expérimentale s'efforce de rechercher ces vérités en recueillant et accumulant des faits, qu'elle interprète sans idées préconçues, hors de toute construction a priori, afin d'en dégager des procédés conformes aux lois qui régissent l'évolution de l'enfant. D'autre part, il est certain que la connaissance des travaux se rapportant à l'étude scientifique des jeunes enfants éclaire d'un jour nouveau la tâche de l'institutrice des petits. Celle-ci n'est plus une simple « gardienne » d'enfants, appliquant machinalement des procédés routiniers transmis par l'usage (2) ; elle est au contraire l'éducatrice qui connaît la complexité de la nature mentale des enfants, et qui, soucieuse d'accomplir sa mission à la fois avec dévouement et intelligence, trouve un enthousiasme sans cesse renouvelé dans l'observation attentive et curieuse des enfants dont elle guide et dirige le développement.
(1) " Les procédés empiriques qui ont contenté le personnel des écoles maternelles pendant les deux derniers tiers du XIXe siècle, ne peuvent plus convenir au personnel duiXX^.et il est nécessairesous peine de crime contre l'enfance—d'adapter l'éducation de celleci à ses besoins, à ses tendances, à ses possibilités. " (M>«e PAULINE KERGOMARD. Discours d'ouverture In à la séance d'inauguration du Cours normal d'éducation maternelle, Edn. c-nf., oe an. no 7, ierfévr. 1912, p. 121). M (2) Comme ils sont justes, ces mots de M « JEANNE GIRARD, dans L'éducation de lapeiite enfance (Paris, 1908) : " Prenez garde, ne vous trompez pas, ne prenez pas la routine pour l'expérience. " (P. 253). ''Qui n'avance pas, recule; qui ne se perfectionne pas, s'amoindrit chaque jour; qui se fige dans son savoir ancien devient peu à peu ignorant." (P. 254).
�NOTE COMPLÉTIVE
Ce petit volume a été écrit pendant la guerre, en 1917 et 1918. Il reflète cependant l'état actuel de nos connaissances, car le manuscrit n'a été remis aux éditeurs qu'après avoir été complété d'après les travaux publiés à l'étranger depuis le mois d'août 1914. L'ouvrage représente ainsi la synthèse des études faites sur l'enfant de 3 à 6 ans, jusqu'en 1920.
Bruxelles, 15 novembre 1920.
T. J.
��TABLE DES MATIÈRES
Pagci
Abréviations : revues citées Chap. I. Introduction ........ Chap. II. La taille, le poids et le périmètre thoracique Chap. III. La vision ......... § 1. La mesure de l'acuité visuelle . . § 2, La perception visuelle des différences de forme ........... § 3. La perception des différences et des ressemblances ....... § 4. La perception syncrétique ... § 5, La notion chromatique .... Chap. IV. L'audition......... La mesure de l'acuité auditive .... Chap. V. L'odorat. La mesure de l'acuité olfactive ... Chap. VI. Le sens musculaire ..... § 1. La notion de poids ..... § 2. La perception stéréognostique . . § 3. L'aptitude manuelle Chap. VII. Le raisonnement Chap. VIII. Le langage Chap. IX. Les notions de choses .... Chap. X. La curiosité et l'intérêt .... Chap. XI. Le jeu ......... Chap. XII. Le dessin spontané
"7 9 13 22 22 24 25 29 31 37 37 41 41 43 43 44 45 48 52 59 66 71 78
�140
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Chap. XIII. La mémoire § i. La mémoire des images .... § 2. La mémoire des couleurs ... Chap. XIV. Le témoignage Chap. XV. Les idées de nombre Chap. XVI. Les notions de temps .... Chap. XVII. L'âge de la lecture Chap. XVIII. La mesure de l'intelligence . . Chap. XIX. Le mensonge Chap. XX. Les habitudes vicieuses . . . . Chap. XXI. La peur Chap. XXII. La colère ....... Chap. XXIII. Le sentiment de la cruauté . . Chap. XXIV. Le sentiment de la justice . . Chap. XXV. Le sentiment de la générosité . Chap. XXVI. Conclusion . Note complétive ..........
86 86 88 90 93 96 99 104 114 118 120 124 126 128 132 134 137
��ACHEVE
D'IMPRIMER
LE
DIX
JANVIER MIL NEUF CENT VINGT ET UN PAR L'IMPRIMERIE SAINTE CATHERINE
QUAI ST. PIERRE, iz, BRUGES, BELGIQUE
���MAURICE LAMERTIN, ÉDITEUR
Sous presse :
Manuel d'histoire Générale
par M. le Professeur H. VANDERLINDEN
Professeur à l'Université de Liège ÉDITION FRANÇAISE
1. 2. 3. 4. 5.
Antiquité. Moyen-âge. — I. Jusqu'aux croisades. Moyen-âge. — II. Les quatre derniers siècles. Temps modernes. Epoque contemporaine.
ÉDITION FLAMANDE
1. Oudheid. 2. Middeleeuwen. — I. Tôt aan de Kruistochten. 3. Middeleeuwen. — II. De latere Middeleeuwen. 4. Nieuwe Tijden. 5. Nieuwste Tijden. Du même auteur :
Manuel d'Histoire de Belgique
Édition en deux Volumes. I. MOYEN AGE. — 2. TEMPS MODERNES. 5 fr. 2 vol. in-16 carré. Chaque volume
Manuel d'Histoire de Belgique
Édition abrégée. Un vol. in-16 5 fr.
�MAURICE LAMERTIN, ÉDITEUR
Histoire de
Belgique Indépendante jusqu en 1914
la
SOUS PRESSE
Handboekder Belgische Geschiedenis
Uitgave in twee deelen.
I. Middeleeuwen. — II. Nieuwe Tijden.
Twee boekdeelen in-16. — 5 frank het deel.
Handboekder Belgische Geschiedenis
Verkorte uitgave, een boekdeel in-16. —■ 5 frank.
Geschiedenis van onafhankelijk Belgie tôt 1914.
TER PERSE
Algemeen overzicht van de Geschiedenis van Belgie
TER PERSE
G. ROUMA
Docteur en sciences sociales. Directeur général de l'Enseignement public de la République de Bolivie
Le Langage graphique de l'Enfant
Deuxième édition, revue, corrigée et augmentée. Ouvrage illustré de nombreux clichés et de 70 planches de gravures dont deux en couleurs. ln-4o (1913) 281 pages. Prix : 12.50
�
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1|Abréviations : revues citées|8
1|chap. I. Introduction|10
1|chap. II. La taille, le poids et le périmètre thoracique|14
1|chap. III. La vision|23
1|chap. IV. L'audition|38
1|chap. V. L'odorat|42
1|chap. VI. Le sens musculaire|44
1|chap. VII. Le raisonnement|49
1|chap. VIII. Le langage|53
1|chap. IX. Les notions de choses|60
1|chap. X. La curiosité et l'intérêt|67
1|chap. XI. Le jeu|72
1|chap. XII. Le dessin spontané|79
1|chap. XIII. La mémoire|87
1|chap. XIV. Le témoignage|91
1|chap. XV. Les idées de nombre|94
1|chap. XVI. Les notions de temps|97
1|chap. XVII. L'âge de la lecture|100
1|chap. XVIII. La mesure de l'intelligence|105
1|chap. XIX. Le mensonge|115
1|chap. XX. Les habitudes vicieuses|119
1|chap. XXI. La peur|121
1|chap. XXII. La colère|125
1|chap. XXIII. Le sentiment de la cruauté|127
1|chap. XXIV. Le sentiment de la justice|129
1|chap. XXV. Le sentiment de la générosité|133
1|chap. XXVI. Conclusion|135
1|note complétive|138
1|table des matières|140
-
http://bibnum-bu.univ-artois.fr/files/original/1615aa3218e9b2f0e89cee711d57323d.pdf
b21cf06eece30c15d7ba18f56e057479
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Bibliothèque virtuelle des instituteurs
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A partir du Catalogue des bibliothèques des écoles normales datant de 1887 souhaité par Jules Ferry et essayant de proposer les ouvrages de référence que chaque école normale d'instituteurs devait avoir, nous avons reconstitué une partie de cette bibliothèque idéale pour la formation des instituteurs
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Title
A name given to the resource
Manuel pratique des jardins d'enfants à l'usage des institutrices et des mères de famille
Subject
The topic of the resource
Education
Jardins d'enfants
Description
An account of the resource
1 vol. en format PDF (310 p.), 22 cm. Ouvrage composé sur les documents allemands par J.-F. Jacobs, ancien élève de l'école normale de l'état à Lierre, directeur des écoles communales de Saint-Josse-Ten-Noode avec une introduction de Madame la Baronne de Marenholtz. 4ème édition, revue et augmentée
Creator
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Fröbel, Friedrich (1782-1852)
Publisher
An entity responsible for making the resource available
F. Claasen
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1880
Date Available
Date (often a range) that the resource became or will become available.
2013-01-17
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Ecole normale d'Arras
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Université d'Artois
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�MANUEL PRATIQUE
DES
JARDINS D'ENFANTS.
�DÉPOSÉ CONFORMÉMENT AU VŒU DE LA LOI.
Méwcduêtion et tra&uMion interdites.
Bruxelles. — Irapr. H. Thiry, rue d'Isabelle, 42.
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fS 1 NOUVELLE.
EDUCATION
MANUEL PRATIQUE
JARDINS D'ENFANTS
DE FRÉDÉRIC FROEBEL A L'USAGE DES INSTITUTRICES ET DES MÈRES DE FAMILLE
composé sur les documents allemands
PAR J.-F. JACOBS,
ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE DE L'ÉTAT A LIERRE, DIRECTEUR DES ÉCOLES COMMUNALES DE SAINT-JOSSE-TEN-NOODE.
AVEC UNE INTRODUCTION
JVSADAJ/IE
LA
j^ARONNE
DE
jVLAR.ENHOl.TZ.
Quatrième- edition} revue et augmentée.
BRUXELLES
F. CLAASSEN, 9,
RUE
LIBRAIRE-ÉDITEUR
CANTERSTEEN, g
Mime maison à LEIPZIG, QUERSTRASSE. | OSTENDE, RUE DE FLAMiKK
1880.
i.U.F.M. Uoré-PaB d© Calais
Médiathèque
Centre. d'Arras 37 rue du Temple ' 62022 ARRAS Téi : 03 21 21 8fi 00
��PRÉFACE.
Depuis longtemps nous voyions avec peine que la direction des sept premières années de la vie des enfants était généralement abandonnée au hasard, soumises à des règles arbitraires trop souvent contraires au développement normal de la nature enfantine. Néanmoins, les premières notions, les premières habitudes physiques, intellectuelles et morales, reçues dans celte période de la vie, laissent des traces profondes en bien ou en mal. Quand on songe que les premiers faux plis qu'on fait prendre au naturel de l'homme-enfant peuvent être ineffaçables, et que l'incurie ou l'ignorance des personnes chargées des soins à donner à la plante humaine naissante, risquent de déterminer tout son avenir d'une manière funeste, on ne peut se dissimuler que l'éducation des premières années de l'homme offre un grave problème qui mérite d'appeler la plus sérieuse attention des mères de famille, des instituteurs et des institutrices. A mesure que notre expérience devenait plus longue dans la carrière de
�l'enseignement, nous sentions plus vivement le besoin d'une réforme dans l'éducation de la première enfance, lorsque, grâce aux lumières apportées de l'Allemagne en Belgique par madame la baronne de Marenhollz, de Hanovre, nous parvînmes à la connaissance du système pédagogique de Frédéric Frœbel. Celui-ci nous a fourni tous les éléments d'une méthode complète, destinée à développer d'une manière harmonique les facultés de l'être humain dès le commencement de son existence. Nous avons considéré de prime abord les procédés éducateurs répandus par le zèle pieux et infatigable de la respectable amie et disciple de Frœbel, comme des moyens de perfectionnement et haute moralisation pour la jeune génération actuelle, comme une voie de salut pour l'avenir. Sollicité par un grand nombre d'institutrices et de mères de famille, qui désiraient appliquer le système Frœbel, nous entreprîmes de faire le Manuel pratique des jardins d'enfants. Malgré notre vif désir de contribuer, dans la mesure de nos forces, à la vulgarisation d'une méthode qui doit exercer une influence sur les généralions futures, nous aurions reculé devant l'entreprise d'une œuvre de celle importance, si nous n'avions été assuré d'avance du concours officieux de personnes dont les conseils et l'expérience devaient nous apporter une coopération aussi précieuse qu'indispensable. Nous devons payer ici un tribut tout spécial de remercîments à madame labaronne de Marenholtz, à mademoiselle HenrietteBreymann deWalzum, ancienne élève de Frœbel, à mademoiselle Chevalier, directrice d'un Jardin d'enfants à Orléans, ainsi qu'à M. et madame Ruelens, qui ont bien voulu mettre leur talent à la disposition de notre œuvre par l'arrangement et la composition des chants. Nous voudrions que notre Manuel pratique des jardins d'enfants ne fût
�pas trop indigne de la bienveillance qu'un si grand nombre de personnes, distinguées à divers titres, ont témoignée à notre entreprise. Le Manuel pratique des jardins d'enfants est appelé à devenir le livre de poche de toutes les personnnes qui s'occupent d'enseignement, de tous ceux qui doivent élever des enfants. C'est pourquoi nous avons tenu à ce que notre livre fût clair et compréhensible à tout le monde. Nous avons pensé qu'il s'agissait de faire ici moins une œuvre littéraire qu'un Guide pratique de l'éducation. Tel est l'esprit qui nous a constamment guidé dans ce modeste et utile travail. L'écoulement'rapide des deux premières éditions nous semble prouver que nos efforts n'ont pas été infructueux. Si nous sommes parvenu à faciliter et à éclairer la lâche éducatrice des mères de famille ou des institutrices qui en tiennent la place, nons estimerons avoir reçu la plus douce comme la plus belle récompense que nous puissions espérer de notre labeur. Bruxelles, mars 1874.
��NOTICE
SUR
LA VIE DE FRŒBEL'1'.
Frédéric Frœbel naquit en 1782, à Oberweissbach, dans la principauté deSchwarzburg-Rudolstadt. Son père, pasteurde campagne, l'éleva dans les principes du christianisme. Encore bien jeune, Frédéric perdit sa mère et fut ainsi privé des soins, de l'affection tendre, intelligente et dévouée dont l'enfance a si grand besoin. Peut-être est-ce là qu'il faut chercher la source du dévouement avec lequel il défendit plus tard la cause de l'éducation maternelle. Les visites qu'il fit avec son père dans les chaumières de la paroisse, les souffrances qu'il y trouva, les scènes de famille auxquelles il assista, achevèrent de développer dans l'âme du jeune homme l'amour de l'humanité et le désir de remédier aux maux qu'il lui avait été donné d'observer. 11 étudia spécialement les sciences naturelles, les mathématiques et l'éco(1) Extrait de la brochure de madame la baronne de M.
�— iO —
nomie rurale. Après avoir passé quelques années en Suisse, chez Pestalozzi, il prit part à la guerre de l'indépendance allemande, dans le régiment de Lulzow. Nommé plus tard inspecteur du musée minéralogique de Berlin, il abandonna bientôt celte place lucrative, préférant, même au prix de dures privations, consacrer tout son temps à la réalisation de l'idée qu'il avait toujours eue en vue: le perfectionnement de l'éducation de l'enfance, point de départ de la régénération de l'homme. Il fonda son premier établissementàKeilhau, petit village de laThuringe, où son école, soutenue aujourd'hui. La maison qu'il avait acquise était trop petite pour y placer ses élèves ; en attendant que les nouvelles constructions fussent achevées, Frœbel se logea dans le poulailler; il s'accordait à peine le nécessaire, réduisant à deux pains sa provision de la semaine, et marquant avec de la craie la portion de chaque jour. Dans les voyages qu'il fit pour propager sou système, il passait souvent les nuits eu plein air, économisant ainsi la dépense de l'auberge pour l'employer à l'éducation de quelque pauvre enfant. Après bien des années d'expérience, il reconnut la nécessité d'appliquer son système à des enfants plus jeunes que ceux qu'il recevait à Keilhau ; il laissa la direction de cette école à des parents, et chercha à réaliser son idée des Jardins d'enfants. Il ouvrit des cours pour la développer, puis fonda des Jardins dans plusieures villes d'Allemagne, et même en Suisse. La mort vint arrêter dans son œuvre de philanthropie et de dévouement cet homme qui, malgré qu'il n'eût pas d'enfants à lui, se voua entièrement au bonheur de ceux des autres. C'est le 21 juin 1852 qu'elle le surprit, à Marienthal, où il avait fondé un établissement pour former de jeunes institutrices. par les populations voisines, subsiste encore
�— 11 —
Frœbel avait eu à vaincre de grandes difficultés ; son idée n'a été comprise que dans les dernières années de sa vie; aujourd'hui les Jardins d'enfants sont répandus en Allemagne et fondés en Angleterre, en Suisse et en Belgique; chaque jour voit s'affaiblir l'opposition que, comme tout système nouveau, ils avaient rencontré d'abord. Lorsque, plus tard, on écrira la vie de Froebel et que l'on jugera son œuvre, il sera certainement salué commeun des plus grands bienfaiteurs de l'humanité, comme un de ces rares instruments de la Providence, qui re consacrent entièrement à la propagation d'une idée, comme un de ces fidèles disciples du Christ, qui, marchant sur ses traces et renonçant à eux-mêmes, se livrent volontairement et avec joie en sacrifice pour leurs semblables. Simple de cœur, de mœurs, de caractère; humble comme un enfant, dont il avait conservé l'expression pure et naïve, sous les cheveux blancs du vieillard ; en même temps intrépide et ferme comme un héros ou un martyr devant les obstacles et les souffrances ; toujours méconnu, ainsi qu'il arrive au génie, mais toujours triomphant par son inébranlable confiance en Dieu ; dévoué à sa mission jusqu'à oublier pour elle, non pas la gloire seulement, mais la science, qui lui était plus chère, surtout celle de la nature dont plus que personne peut-être il avai t sondé les mystères et les secrets, mais qu'il ne voulait appliquer qu'au perfectionnement et à la sanctification de l'âme immortelle; en un mol, homme primitif et d'une originalité véritable, constamment capable d'écouter et de comprendre le langage que le Créateur parle à la créature par ses œuvres et par la conscience, et s'efforçant toujours de rendre ce langage intelligible aux autres : voilà Froebel. Il ne recherchait pas leshonneurs et la célébritésur la terre ; uniquement occupé de son œuvre, il se contentait de l'approbation d'un petit nombre d'amis et de disciples qui vénèrent et bénissent sa mémoire; mais cette
�— 12 — œuvre, un jour, et bientôt, parlera pour lui. On reconnaîtra qu'il a constitué sur sa vraie base l'éducation de l'être humain, si imparfaite encore à l'heure qu'il est; et, par son secours, les femmes deviendront, comme il les appelait : les Jardinières de Venfance, soignant la plante humaine au soleil de leur amour, et la faisant s'épanouir comme la fleur, sans la comprimer, sans la fausser, d'après les lois de la nature et selon la volonté de Dieu.
�INTRODUCTION.
Une des premières et des plus importantes questions de notre époque est celle de l'éducation et de l'instruction dt;s jeunes générations. A mesure que la civilisation accomplit son œuvre, elle multiplie les rapports des hommes entre eux, elle leur crée de nouveaux droits, de nouveaux devoirs ; et c'est à l'éducation et à l'instruction qu'il appartient d'enseigner à l'homme d'accomplir ces devoirs et à exercer ses droits. Tout le monde est d'accord sur ce point, les ministres de la religion dans la chaire, les publicistes dans la presse, les législateurs à la tribune. Mais en général, on ne se préoccupe de l'éducabilité de l'homme-enfant qu'à partir de l'époque où celui-ci est reçu à l'école, et là encore c'est l'instruction qui lui est spécialement donnée plutôt que l'éducation proprement dite. Les six premières années qui précèdent l'entrée de l'enfant à l'école, ne devraient cependant pas être livrées au hasard, et on commence à comprendre aujourd'hui que, dès celte première période de la vie, l'être humain reçoit une empreinte qui 2
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est le point initial de son développement tout entier. Il serait donc à désirer que les mères, les bonnes, et loules les personnes qui ont à soigner la jeune plante naissante, lussent capables de bien remplir une lâche si délicate et si importante. La moitié du genre humain meurt avant d'avoir atteint l'âge de six ou sept ans: c'est un fait acquis à la statistique. L'ignorance de ceux qui ont à s'occuper de la première enfance n'est-elle pas responsable, pour une large part, de celte effrayante mortalité ? Mais quelque grand que soit le mal physique dû à l'ignorance, celle-ci ne produit pas un mal moral moindre. En effet, l'empreinte reçue dès les premiers jours ne s'efface jamais complètement, et c'est de la mère souvent que l'enfant prend, sans qu'on puisse s'en douter d'abord, le stigmate qui causera peut-êlre plus lard sa déchéance. Combien est donc nécessaire, indispensable aux mères la connaissance des premiers éléments destinés à guider leur mission éducatrice! Et, vérité triste à dire, un système rationnel établissant l'éducation de l'homme sur une base naturelle, véritable et légitime, nous manquait encore, lorsque Froebel, puisant ses connaissances dans une profonde étude de la nature humaine et surtout de la nature enfantine, créa la science depuis si longtemps désirée, celte science qu'on peut appeler la science des mères. Celte science, Froebel l'a mise en pratique dans ses « jardins d'enfants ». Le nom de ces instilulions indique l'idée qui a présidé à leur fondation. C'est en effet dans le jardin, c'est-à-dire à l'air libre, sous l'influence des phénomènes de la nature, qu'il faut élever l'enfant et procurer à la plante humaine les bienfaits d'un milieu bien approprié, ainsi que le ferait un bon jardinier pour les plantes de son jardin. Mais ayons toujours présenta l'esprit que la plante négligée dans ses premiers jours se ressentira dans l'avenir de ce vice d'origine et qu'elle ne sera jamais complètement développée. C'est pourquoi nous devons apporter toute notre attention à Froebel, lorsqu'il pose le principe qui doit régir l'éducation, qu'il nous montre son véritable but et nous offre les moyens de l'atteindre. Le but général de toute éducation est sans contredit le développement harmonique, dans les limites du possible, de toutes les facultés que Dieu a
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données à l'homme pour accomplir sa volonté sur terre. Dans cette voie, l'être humain se perfectionne lui-même en perfectionnant les autres, et il se prépare ainsi à la vie supérieure qui est notre future destinée. Quel doit être, à notre époque, le but spécial de l'éducation? Ce but est de rendre l'homme capable de remplir d'une manière plus large ses devoirs sociaux; d'embrasser un horizon intellectuel plus vaste; d'agir dans un milieu que les associations, qui se manifestent sous les formes les plus diverses et les plus étendues, rendent de plus en plus complexe; d'élever enfin son âme à un amour universel, réalisant ainsi la fraternité commandée par la religion. Pour atteindre ce double but, Froebel pose, suivant les indications de la nature même, le principe de l'activité libre et spontanée de l'enfant; non pas le jeu libre ou plutôt arbitraire de ses instincts, mais la discipline de ces instincts par ses propres efforts, dirigés vers un but utile, c'est-à-dire par le travail de toutes ses forces, de toutes ses facultés pour aboutir au développement intégral de l'être. Agir, c'est exister; avant que l'homme ait agi, ni lui ni les autres ne savent ce qu'il est, ni ce qu'il peut. Le travail libre et agréable en même temps pour l'enfance, c'est le jeu. L'enfant, dès les premiers moments de sa vie, reçoit des impressions du monde extérieur; ses impressions éveillent ses forces, ses aptitudes tant physiques et morales qu'intellectuelles, et il est stimulé de cette manière à les manisfester par ses actions. Ses impressions ne peuveut être que favorables ou défavorables au développement de l'être. Il importe donc qu'on ne les laisse pas entièrement dépendre du hasard; il faut, au contraire, qu'on les fasse servir, avec préméditation, à favoriser le développement naturel. Jusqu'à présent, ce commencement de la vie humaine est complètement abandonné à l'imprévu; les soins qu'on prodigue au nouveau-né, ne concernent que le côté matériel de son être. Cependant, l'esprit humain demande aussi, dès le commencement, les aliments qui lui conviennent. Tout ce qui environne l'enfant dans ses premiers jours n'est pour lui que confusion ; car la variété des choses est trop grande pour que ses faibles
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sens puissent les discerner. Lui servir de guide, diriger les premiers procédés instinctifs qui lui font distinguer les propriétés des choses, c'est ce qui fait précisément le commencement de son éducation. C'est vers ce but que tend la méthode Froebel en fournissant à la première enfance une suite progressive d'impressions au moyen d'objets simples", de mouvements accompagnés de chants, et plus tard, au moyen de jeux et d'occupations qui exercent autant l'âme que le corps. Les jeux déjà en usage parmi les enfants servent certainement jusqu'à un certain degré à son développement; mais, comme toute coopération laissée au hasard, ils n'y servent que d'une manière très-incomplète. La nature elle-même suggère à l'enfant mille manisfestalions qui exercent ses forces et ses facultés. C'est sur ces indications naturelles que Froebel a basé sa méthode. Et quelles sont ces manisfestations naturelles ? Qu'on observe lesjeunes enfants laissés à eux-mêmes ; on les voit presque toujours en mouvement, courant, sautant, dansant, grimpant. Le mouvement, c'est la première manifestation de la vie. 11 ne faut donc emmailloter ni le corps, ai l'esprit, comme cela se fait tous les jours ! L'exercice physique est le premier besoin de l'enfant. Froebel profite de celte manifestation naturelle pour exercer méthodiquement ses membres,— but que la nature elle-même se propose — par une série de petits jeux gymnastiques, arrangés de manière à metlre en action tous les muscles et surtout à exercer les mains, organe par excellence de l'homme. Les chansons qui accompagnent ces jeux ainsi que l'indiquent « Les causeries de la mère », servent à donner à l'enfant les premières notions des choses et de la parole, et à exercer l'oreille. Le besoin si manifeste du jeune enfant de se servir de - ses mains, de palper tout ce qui est à sa portée, est un des moyens les plus efficaces dont use la nature pour donner les premiers éléments de la compréhension, et pour développer les sens. L'exercice des sens trouve assurément une grande place dans la première éducation; chaque jeu, chaque occupation de Froebel sert à ce but. Développer les sens, ce n'est pas les flatter, c'estles discipliner, et les habituer à obéir à l'impulsion de l'esprit. C'est le point
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de départ du développement intellectuel, et l'éducation morale est impossible sans cette discipline. Le toucher, le sens pour ainsi dire le plus matériel, est un des premiers qui s'éveille. L'enseignement intuitif ne doit pas se contenter de faire seulement voir les objets, mais il faut les faire palper, les faire manier et remanier. C'est le besoin de connaître qui pousse l'enfant à tout examiner et à tout palper. En bas âge, il ne se rend pas compte de ce qu'il voit, mais bien de ce qu'il fait. Voilà le motif pour lequel Froebel donne dès le commencement à l'enfant, des corps solides, des formes normales à manier; il commence par la balle, la forme sphérique, point de départ de toutes les autres. L'instinct pousse l'enfant à s'occuper toujours d'une manière plastique. Il détermine des formes, soit en moulant du sable humide, en dessinant des figures avec les doigts ou avec une baguette, en faisant des constructions de toute espèce avec les matériaux qui lui tombent sous la main, ou en pliant et repliant du papier et des chiffons. — C'est toujours une occupation manuelle, la réalisation d'un produit quelconque qu'il lui faut pour le satisfaire. L'homme en effet est né artiste, producteur et inventeur, créateur enfin dans les limites de ses forces, lui qui est créé à l'image de Dieu. Mais l'enfant, laissé à lui-même, ne sait que tâter au hasard pour satisfaire ce besoin inné; il n'atteintpas le but, ilne réalise pas ce qu'il pourrait réaliser. Froebel lui offre avec les matériaux convenables un moyeu facile de s'en servir pour réaliser ses idées d'une manière satisfaisante par une œuvre quelconque. Cette espèce de travail amusant, en exerçant l'adresse manuelle de toutes les manières, excite à regarder, à examiner et à comparer avec plus de netteté et surtout avec plus de facilité : or, la facilité et la netteté de comparaison sont les conditions premières pour comprendre. Ce que l'enfant produit d'après une règle, une loi arrêtée qui lui fait chercher l'opposé d'une forme donnée et unir ces deux contrastes par l'intermédiaire — (l'intermédiaire est une forme dont la ressemblance participe
�— 18 des deux formes contrastées) — lui donne la première idée de l'organisme. Car il organise en faisant un tout de différentes parties, et en réunissant plusieurs entiers comme de nouvelles parties dans un ensemble plus grand. Il fait de cette manière ce que chaque artiste, chaque organisateur est obligé de faire : il applique une règle, une loi, pour faire des combinaisons dans un sens donné. En continuant d'observer l'instinct enfantin, on s'aperçoit encore de la tendance de l'enfant à soigner, à cultiver. Quand on s'occupe d'un objet, la sympathie est éveillée; on aime ce qu'on soigne. Il est très-importantau point de vue du développement moral, de rendre l'enfant d'aussi bonne heure que possible apte à avoir soin de quelque chose, à remplir de petits devoirs. La culture des plantes, le jardinage dans ses premiers rudiments, les soins donnés aux animaux du jardin d'enfants, lessoins donnés pour les jouets et les matériaux d'occupations qui lui sont donnés, en offrent l'occasion de mille manières. Les petites œuvres qu'il produit lui servent à manifester par des dons son amour envers sa famille, envers ses camarades, aussi bien qu'à faire la charité. Si l'enfant ne fait pas d'efforts pour ceux qu'il aime, son amour ne se développe et ne se fortifie pas assez pour combattre l'égoïsme. Le sacrifice fait aimer ceux qui en sont l'objet. L'enfant apprendra facilement de cette manière que ce n'est que par l'accomplissement du devoir qu'on acquiert un droit; il apprendra que les services rendus assignent à chacun sa place dans la société. Cette activité variée de l'enfant lui fournit encore l'occasion de satisfaire sa curiosité naturelle, point de dépari de son désir de savoir, et elle provoque la réponse à ses éternels pourquoi.On lui donne celle réponse par la démonstration et non par l'abstraction, par la parole seule. Il est ainsi naturellement conduit à chercher la dernière raison des choses, à trouver le Créateur, soit en examinant les phénomènes de la nature universelle, soit en écoutant raconter les faits de la vie humaine. Le cantique, la prière simple à la portée de l'esprit enfantin, éveillant les sentiments de piété, forment la base qui sert de préparation à l'enseignement religieux.
�— 19 Mais qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas par la parole seule, ce n'est qu'en y ajoutant des faits, qu'on parvient à ouvrir l'âme enfantine aux premières lueurs de la piété. Comment peut-on s'imaginer de lui faire aimer Dieu, en associant la pensée de Dieu à l'ennui que lui causent ces longues prières et les leçons de catéchisme machinalement récitées et non comprises? N'est-il pas plus naturel d'associer l'idée divine à l'idée de ce qu'il aime, âl'idée de ce qui lui procure le bonheur et le bien-être? Voyons, par exemple, dans les Causeries de la mère de Froebel, le nid d'oiseaux. Faisons contempler par l'enfant cette petite famille allée, on lui signale d'abord le soin des oiseaux pour leurs petits ; soins qui rappellent à l'enfant ceux qu'il reçoit de la tendresse de sa mère. On lui parle du père céleste qui fait trouver à ces petits animaux leur nourriture, les matériaux nécessaires à leur nid ; c'est Dieu qui les a doués d'instinct pour pourvoir à tous leurs besoins; c'est lui qui leur enseigne à choisir le lieu et le temps convenables à la construction de leur demeure, et qui veille sur eux comme sur les enfants, On ne saurait entrer dans trop de détails, parce que ce sonlles détails qui éveillent l'intelligence des enfants. Ils aimeront Dieu dans toutes les merveilles de la création et seront ainsi préparés à le mieux comprendre plus tard par l'enseignement religieux. Ce n'est que par le visible que l'enfant peut arriver à l'invisible. La connaissance de Dieu-créateur prépare à la connaissance de Dieu-homme. 11 n'est question ici que de préparation religieuse, nous le répétons, puisqu'il n'est question que de la première enfance. Le chant est encore un des premiers besoins de l'âme enfantine ; il est sa première manifestation. L'enfant chante dès qu'il sait parler; il le fait même auparavant par les sons cadencés qui sortent de sa bouche enfantine. Il en accompagne au jardin d'enfanis presque tous ses jeux. Mais ce qui distingue surtout l'être humain du reste de la création, c'est son besoin intense de vivre en société, d'être réuni à ses "semblables ; ce
�— 20 — besoin, le plus élevé de l'homme, n'est pas suffisamment pris en considération quanta la première enfance. Ce n'est pas dans la famille que l'enfant trouve vraimentses semblables, c'est-à-dire ceux qui lui ressemblent sous les rapports de l'âge , du goût, des aspirations, des habitudes, etc. Les adultes nesont guère ses semblables sous ce point de vue ; ses frères et sœurs, plus âgés seulement de quelques années, ne le sont pas non plus, et le jeune enfant ne peut pas encore marquer sa place dans la famille. La vie en compagnie d'égaux lui est pourtant nécessaire afin qu'il acquiert peu à peu conscience de sa position comme membre d'une société représentée, pour lui, d'abord par la famille. Dans le jardin d'enfants, chaque enfant trouve des compagnons de son âge; il occupe une place marquée dans cette petite communauté, dans celle société en miniature. C'est dans ce monde d'enfants qu'il peut véritablement vivre, manifester, exercer ses forces et ses aptitudes. Le contact des individualités diverses développpe le caractère; la morale est. mise en action: s'aimer et s'enlr'aider est le sentiment, la loi générale. Chacun d'eux est appelé à mettre au service des autres des aptitudes et des talents différents, car chaque don spécial et chaque caractère individuel trouve le moyen de se manifester. Chacun trouve son maître en quoi que ce soit, ce qui empêche le développement de l'orgueil et de la vanité. L'échange des services et les œuvres communes opposent une barrière à l'égoïsme ; ils enseignent facilement l'abnégation cl l'exemple stimule les paresseux etcontient les violents. Enfin, c'est la vie réelle, l'expérience et l'action qui font éclore chaque individualité par les efforts que chacune de celle-ci est excitée à faire. Certes ce n'est pas par l'égoïsme précoce de nos jours, qu'on obtient ce résultat ! C'est encore le jardin d'enfants qui offre le meilleur moyen de discipline ; non pas de celle discipline contrainte, si opposée à la nature enfantine, comme nous la trouvons encore dans les salles d'asile, à l'école et partout où il est question de discipline; mais la discipline par l'activité. La discipline sans activité n'est qu'apparente. Elle peut empêcher de faire le mal,
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maïs elle ne fera pas faire le bien. La vraie discipline doit exercer toutes les forces pour réaliser le bien. On ne peut donner un contre-poids au mal qu'en faisant prendre de bonnes habitudes. Il est donc évident que l'enfant a besoin d'un milieu approprié pour agir librement. Ce n'est que la possibilité du choix qui donne à son action toute la portée morale. Ce n'est pas dans la famille et moins encore à l'école gardienne, où l'enfant est comme cloué sur le gradin pendant des heures entières, qu'il trouve les occasions de mettre sa volonté en pratique ni de la diriger dans la voie du bien. S'il est nécessaire de demander quelquefois à l'enfant des choses contraires à ses penchants, on n'est pas par cela même obligé d'appliquer une discipline contraire à la nature enfantine. La passivité à laquelle l'enfant est condamné dans la plupart des établissements, est une discipline contre nature qu'il importerait de proscrire au plus tôt. Ce ne sont pas les règles prescrites, les défenses générales, les menaces, les exhortations qui produisent une véritable discipline. Au jardin d'enfants , l'élève est averti par ses propres actions, que le mal qu'il fait lui produit de la peine et que le bien lui procure du bien-être. Nous avons vu que la méthode du jardin d'enfants satisfait aux exigences naturelles de la première enfance. Elle satisfait : lo Au besoin de mouvement physique par desjeux .gymnasliques qui produisent le développement des membres ; 2° Au besoin de s'occuper d'une manière plastique, par des exercices qui produisent la dextérité de la main et le développement des sens ; 3° Au besoin de créer, par les petites œuvres qu'il produit et qui développent ses facultés artistiques; Au besoin de connaître ou à la curiosité naturelle, en l'engageant à observer, à examiner, à comparer (c'est ainsi que se produit le développement intellectuel) ; 5° Aux tendances de l'enfance à cultiver et à soigner, par le jardinage et par l'accomplissement de ses petits devoirs, qui forment son cœur et éveillent sa conscience;
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6° Au besoin du chant, par les jeux et les chansons, qui favorisent le développement des sentiments et du goût esthétique ; 7° Au besoin de vivre en société, par la vie commune au jardin d'enfants; ce mode d'existence produit les vertus sociales. — Il est à remarquer cependant que le jardin d'enfants ne doit pas remplacer, il doit seconder famille, qui reste toujours le centre et le point de départ ; 8° Au besoin le plus profond de son àme : à trouver la cause des choses, à trouver
DIEU.
Il est évident que, ni la seule éducation de sa famille, ni celle qui est donnée actuellement par les établissements consacrés à la première enfance ne peuvent répondre à ses exigences. Dans la famille, l'enfant es.t trop souvent abandonné à lui-même ou confié à la surveillance de personnes qui ne savent nullement le diriger, qui exercent même sur lui une influence nuisible. En outre ses jouets ordinaires ne servent guère à son développement ni à son instruction. Le jardin d'enfants, en réunissant les enfants de 2 à 8 ans, pendant quelques heures de la journée (ordinairement S heures) offre aux mères un auxiliaire important pour remplir, d'une manière plus complète, leur mission éducatrice à laquelle, au milieu des exigences de notre époque, il leur est impossible de suffire, même en se sacrifiant toutes entières à leurs enfants. Non-seulement de nombreuses occupations auxquelles elles ne peuvent se soustraire y feraient obstacle, mais encore leur incapacité s'y oppose. Pour le grand nombre de petits enfants, nous le savons, la vie de famille n'existe pas ; ils passent leurs journées dans les salles d'asile, les écoles gardiennes, etc. C'est pour celle classe que les avantages delà méthode des jardins d'enfants présentent le plus d'importance. Si l'éducation de la première enfance doil procurer aux enfants de toutes les classes le libre usage de leurs facultés physiques; morales et intellectuelles, il est évident qu'il est plus important encore pour la classe ouvrière d'être préparée de bonne heure à la vie de travail. Un problème est posé ; il a rapport à l'éducation populaire; c'est la méthode Froebel qui l'a résolu. Ce problème, le voici : Comment parvien-
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dra-l-on à unir à une préparation au travail plus efficace, une instruction plus large et la culture du sentiment moral et esthétique? Les enfants de la classe ouvrière doivent quitter l'école pour aller en apprentissage ou se charger des soins de la vie domestique, à peu près à l'âge de 14 ans (1). L'espace de temps consacré ainsi à leur instruction est trop court pour que celle-ci réponde aux exigences indiquées plus haut, si l'on suit les systèmes d'éducation actuels, qui, dans les sept premières années, ne préparent pas suffisamment à l'école et point du tout au travail. Par les occupations du jardin d'enfants, la méthode de Froebel fait passer le travail avant ["instruction proprement dite. Ces occupations remplissent toutes les conditions pour préparer au travail professionnel et artistique, sans Jamais être machinal; c'est-à-dire qu'elles exercent la force et l'adresse, donnent l'habitude et le goût du travail, tandis qu'elles pré-' parent l'instruction scientifique et artistique. La véritable base de l'instruction étant ainsi posée, l'école peut procéder d'une autre manière, et sans épuiser les forces, donner une instruction plus solide et plus étendue. Ainsi, l'enfant, dès l'âge de 10 à 12 ans, serait capable de s'assurer un gain par un travail de quelques heures de lajournée et il pourrait continuer son instruction au delà du. terme habituel, parce que son apprentissage aurait commencé dès l'âge de 2 ans. Quel moyen meilleur pourrait-on trouver pour prévenir, autant que possible, la misère de l'homme adulte? La réalisation plus complète de l'idée de Froebel, fera continuer cet apprentissage au jardin d'enfants dans des ateliers artistiques et professionnels annexés à l'école. Pour eu rendre l'extension facile, on n'aura qu'à réunir les écoles d'apprentissage aux écoles proprement dites, et à y recevoir les enfants à un âge moins avancé. C'est certainement une idée des plus fécondes que celle de transformer le jeu de l'enfant en travail amusant et non fatigant, de l'instruire par ce travail même, qui non seulement lui sert à inventer, à produire, mais
(1) En Belgique généralement beaucoup plus tôt.
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aussi à éclairer son esprit, à former son cœur, son caractère et à faire de lui un travailleur intelligent. Les rares occupations qui sont données aujourd'hui aux enfants sont machinales ; or, le travail machinal est abrutissant pour l'être non développé. L'expérience réalisée par les jardins d'enfants existant ne permet plus de douter de la possibilité d'atteindre le but proposé. Les productions des petits travailleurs de ces établissements prouvent* qu'à l'âge de S à 7 ans, l'enfant peut, non seulement se rendre utile, mais même qu'il est en état de s'approcher du travail en quelque sorte artistique sans abuser de ses forces. Si les chefs-d'œuvre d'art doivent civiliser et moraliser le peuple, il ne suffit pas de les lui rendre accessibles extérieurement en lui ouvrant les musées et les galeries, il faut encore qu'il soit capable d'en profiter, en recevant une impression qui agisse sur son esprit. Or, on ne reçoit une impression véritable par la contemplation d'uneœuvre d'art, que lorsqu'on en saisit les beautés — au moins par le sentiment — et l'idée qui l'a inspirée. Mais il faut avoir produit soi-même, jusqu'à un certain degré, quelque chose approchant du beau et manifestant l'harmonie, de quelque manière que ce soit, pour être capable d'éprouver la jouissance artistique. Celte préparation du travail artistique du jardin d'enfants contribuera en même temps à procurer à l'artisan le loisir nécessaire; car l'ouvrier étant plus habile, saura travailler et gagner plus vite et par conséquent ménager le temps. Le goût, le sentiment moral, développé ainsi d:ins la classe ouvrière, amènera l'homme du peuple à rebuter les plaisirs purement matériels et grossiers, et lui permettra de profiter véritablement des occasions qui lui sont offertes par les expositions artistiques. La littérature populaire de nos jours tend à mettre les sciences naturelles à la portée de toutes les classes. Aucune science n'exige l'observation autant que celle-ci. 11 est donc très-important de faire observer par l'enfant, d'aussi bonne heure que possible, les phénomènes de la nature. Le jardinage au jardin d'enfants, joint à l'enseignement des éléments de la botanique, offre tous les moyens de préparer l'étude des sciences naturelles et donne même le goût de l'agriculture.
�- 25 Voilà les grands avantages de la méthode Froebel pour les classes populaires. Son introduction dans les écoles gardiennes est non-seulement possible, mais relativement peu difficile: son application pratique démontrée par le Manuel, le prouvera. On ne saurait se le dissimuler : nos enfants vivent dans une atmosphère viciée qui leur enlève la simplicité et la naïveté de leur âge; ils vivent trop dans la société des adultes et imitent leur manière de vivre. Les portes du temple de la science leur sont ouvertes de trop bonne heure; il en résulte que leur savoir faire est plus apparent que réel. Avant la science, il faut la vie: créons leur un monde à eux, où l'œil des parents ou des instituteurs les surveille, mais où ils soient acteurs à leur manière. Que leur naturel se manifeste librement et franchement, sans contrainte, sans la prétention de jouer le rôle des adultes, sans le fard conventionnel, sans l'hypocrisie du monde réel. Dans cette atmosphère, vraie etnaturelle, l'enfant ne sera pas tenté de feindre une perfection qu'il n'a pas; il ne cachera pas ses imperfections et son ignorance, mais il apprendra à connaître ses défauts et à faire des efforts pour les vaincre. Le jardin d'enfants lui offre le monde avec les scènes de !tla vie humaine, moins les vices de celle-ci. Dès le commencement de la vie, Froebel lui présente en images l'histoire de la vie enfantine dans le livre : Les causeries de la mère. D'abord, ce sont les premières relations de l'enfant avec sa mère, le premiers soins qu'elle lui prodigue, les premiers jeux qu'elle lui enseigne; puis les relations avec les autres membres de la famille, avec d'autres enfants et d'autres familles; l'enfant y voit également la représentation des phénomènes de la nature universelle, la lune, les étoiles, etc. ; les scènes de la vie des animaux, le jardinage et l'agriculture; la vie domestique sous différents points de vue; puis les professions, le commerce, les arts, etc. Les scènes de la vie morale de l'enfant: l'église, le culte, etc.; — enfin, les manifestations delà vie humaine en général mises à la portée de la première enfance. La parole de la mère interprète po ir l'enfant ces scènes générales comme celle de sa vie individuelle; elle lui fait voir ainsi, comme dans un
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miroir, sa propre histoire, qui est l'histoire de chacun et qui représente la vie réelle. Elle lui raconte sa propre histoire dans le passé, dans le présent et dans l'avenir. L'enfance aura ainsi un point de départ pour comprendre l'histoire de l'humanité, l'histoire universelle; il verra par des emblèmes, il comprendra par intuition l'analogie du développement de l'individu avec celui de l'espèce. Les commentaires des images, données dans les causeries delà mère pendant la première enfance, se trouvent pour ainsi dire réalisés plus tard dans le jardin d'enfants. L'enfant passe lui-même par toutes ces scènes de la vie humaine. Ses jeux et ses occupations lui représentent les premiers rudiments du développement intégral dont l'humanité a dû parcourir les phases. Le but fondamental des exercices du jardin d'enfants est de représenter, d'imiter la vie de Vhomme d'une manière enfantine, c'est-à-dire, en jouant. C'est la mise en pratique d'une tendance divine que le Créateur a donnéé à l'enfance, pour se préparer à jouer son rôle, à prendre à son tour sa place dans le monde de la réalité. L'homme-enfant, en suivant ainsi méthodiquement la série des développements de son espèce dans le passé, se trouvera naturellement tout prêt plus tard à réaliser pour sou propre compte les nouveaux progrès assignés par la Providence à l'activité humaine. Mais comment Froebel continuera-t-il le système de développement éducateur commencé dès la première enfance ? Nous avons déjà répondu à celte question. L'union des ateliers d'enfants ou des écoles d'apprentissage aux écoles proprement dites, offrira un moyen de continuer méthodiquement le développement, physique, intellectuel et moral de l'élève de Froebel. Le chapitre du manuel: « L'école préparatoire » fera voir de quelle manière la méthode des jardins d'enfants donne le point de départ pour chaque science comme pour chaque art et chaque profession. Pour tirer toutes les conséquences du système d'éducation du jardin d'enfants, il faut non seulement des ateliers artistiques et industriels, ainsi que des écoles pratiques d'agriculture à l'usage des élèves de chaque école, il faul encore faire des excursions pour observer les phénomènes et les
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produits de la nature universelle; il faut des visites aux manufactures, aux usines, aux musées, etc. C'est ainsi que se trouveront réalisés les préceptes donnés par Froebel dans son Éducation de V homme. La jeunesse prendra connaissance de la vie réelle, tout en appliquant de plus en plus le principe de l'activité libre et spontanée, et on arrivera à faire marcher de front la démonstration et l'abstraction dans toutes les branches de l'enseignement. Les méthodes d'enseignement supérieur des arts et des sciences existent. Il n'appartient donc pas à Froebel de les inventer de nouveau, mais les habitudes d'esprit prises par les élèves de Froebel réagiront nécessairement sur le développement des méthodes existantes. Le génie inné sera appelé à prendre un plus libre essor, tandis que trop souvent l'école actuelle déprime les idées prime-sautières. La continuation du jardin d'enfants sera donc le jardin de la jeunesse, local où se passeront les heures de récréation, pendant lesquelles chaque jeune élève est appelé à donner un libre essor aux manifestations les plus diverses de son individualité. Ce n'est pas durant les heures d'un travail exigé, mais c'est pendant les moments de repos et de plaisir, que certains dangers approchent des jeunes âmes. Le jardin de la jeunesse doit servir d'auxilaireau maintien de la pureté des coeurs; il doit élever les esprits par des plaisirs moraux ; il doit procurer des jouissances esthétiques par la musique et les arts plastiques. La gymnastique et le plaisir innocent de la danse sont aussi de salutaires exercices. Les jeux dramatiques et autres doivent fournir une honnête récréation en même temps qu'une occasion de dévoiler les talents spéciaux d'une manière agréable. Ajoutons que la surveillance des directeurs et des parents aura à maintenir l'ordre et les convenances, sans entraver la liberté des mouvements. Nous venons d'exposer succinctement la continua lion de l'idée éducalrice de Froebel. Avant d'arriver à sa pratique, il importe d'en réaliser le commencement, c'est-à-dire la direction de la première éducation par les mères et les jardins d'enfants. Disons-le, en terminant, le salut des générations à venir dépend, en grande partie, de l'influence des mères sur l'enfance. Froebel offre les
�— 28 — moyens pratiques à mettre en usage par les véritables éducalrices de l'humanité : que la génération actuelle en profite! Espérons que le Manuel pratique qui réunit les procédés usuels de la méthode de Froebel servira à introduire celle-ci et à la propager dans les familles. Espérons que les familles deviendront les auxiliaires du jardin d'enfants, comme celui-ci est l'auxiliaire des familles.
BERTHA DE MARENHOLTZ.
�LES
CAUSERIES DE LA MÈRE.
« Ce que la mère éveille et cultive par ses jeux <• amusants et ses chants joyeux, sous les ailes pro« tectrices île son amour, vit dans ses enfants jusqu'à « la millième génération. »
FROEBEL.
« « « « « «
« Suivant la progression normale du développcmentdela nature enfantine,d'abord les forces s'accroissent, puis se développent par l'exercice ; ensuite elles s'exercent et deviennent productrices ; enfin, l'enfant acquiert la conscience de ses forces par les effets produits, par l'usage de ses forces mêmes. »
FROEBEL.
La mission de la femme est sainte, car c'est à sa tendresse qu'est confié le soin de favoriser le premier développement des facultés de l'être qui prendra un jour sa place dans le monde pour accomplir les desseins du Créateur. La mère nevit pas seulement pour les siens ; la tâche éducatrice qui lui est imposée est une tâche sociale dont le point de départ et le foyer principal sont la famille. L'influence delà mère sur l'éducation et le bien-être de sa jeune famille est profonde et durable. Rien ne se communique avec plus de rapidité, rien
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�— 30 — n'a plus de force sur le cœur de l'enfant que les sentiments et l'action de la mère. Les instructions etl'exemple maternels impriment à l'homme sa première direction, et ses premières impressions sont ineffaçables. C'està elles que viennent pour ainsi dire se rallier toutes les autres, qu'apportera successivement le cours des années. Comment méconnaître la haute importance, la grandeur même de la mission delà mère? Mais, pour que celte mission réalise tout ce qu'on doit en attendre, le seul amour maternel ne suffit pas. 11 faut que le sentiment soit réglé par la raison, par une juste appréciation ou connaissance des choses. L'éducation est une science et un art; lorsqu'elle s'applique à la plus tendre enfance, elle ne perd pas ce caractère. Il ne suffit donc pas que la mère prodigue à ses enfants les trésors de sa pieuse et douce affection ; i! faut qu'elle comprenne l'art d'éveiller les facultés, de répondre aux besoins de leurs petites âmes encore endormies; il faut qu'elle sache ce que c'est quel'enfance et comment on aide à son heureux développement. Celtescience a fait l'objet des méditations d'un homme qui a voué sa vie à l'éducation. Froebel, dont toutes les mères apprendront à ne prononcer le nom qu'avec respect et reconnaissance, a démontré que l'éducation de l'âme doit commencer avec celle du corps, c'est-à dire dès les premiers instants de l'existence, et il a trouvé les moyens pratiques pour faire : il a découvert l'art de favoriser l'éclosion parfaite de l'âme humaine et de cultiver ses facultés naissantes tout en exerçant le corps ; en un mot, l'art de développer d'une manière harmonique les forces physiques, morales et intellectuelles. C'est à la mère, avant tout, que cet art s'adresse, parce qu'elle est le plus à même de comprendre le langage instinctif de l'âme enfantine et de satisfaire à ses besoins. Aussi le livre de Froebel, « Les causeries de la mère, » est il spécialement écrit pour les mères. Il contient une série de jeux gymnasliques, accompagnés de causeries et propres à satisfaire toutes les exigences de la nature de l'enfant. Froebel y embrasse l'enfant entier :
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1" En favorisant le développement physique par l'exercice mesuré de toutes les parties du corps et surtout par l'exercice de la main, ce membre indispensable au travail ; 2° En éveillant l'âme, en faisant épanouir les sentiments sous l'influence de la tendresse de la mère, sous l'influence de son doux chant et de ses inspirations religieuses ; 5° En aidant au développement intellectuel, par l'exercice de toutes les facultés de l'âme, dans la mesure de leurs forces et suivant les impulsions de la nature. En outre, les causeries introduisent l'enfant dans la vie réelle en le faisant passer par les différentes scènes de la nature et de l'activité humaine; le mettant ainsi insensiblement en relation avec les végétaux, les animaux, l'homme, la famille, la société, pour aboutir à Dieu ! Froebel a compris que l'enfant ne peut guère trouver la cause sans connaître, jusqu'à un certain degré, le monde, la création ! Dans ce sens, on peut dire que les Causeries forment un manuel religieux de la première enfance; pas une scène qui n'aboutisse, mais nécessairement d'une manière toute enfantine, à l'Être suprême. On se tromperait si l'on prétendait arriver au même but parles procédés de l'enseignement religieux ordinaire. » » » » » Gomme le dit Froebel : « L'enseignement religieux suppose toujours un certain fond de religion. Il ne pourrait porter ses fruits ni exercer son action bienfaisante sur la vie, qu'autant que le sentiment religieux lui servit de base. Qu'ils y réfléchissent bien, ces parents légers, qui laissent grandir leurs enfants, jusqu'à l'âge d'aller à l'école, sans nourrir dans leur cœur le sentiment religieux. »
L'enseignement religieux exige donc une préparation ; cette préparation n'était pas donnée jusqu'à présent : Froebel vient combler cette lacune. Certes, ce n'est pas par des entretiens abstraits que l'on peut éveiller le sentiment religieux dès la première enfance. Le jeune enfant doit s'élever à Dieu invisible par le inonde visible, car il lui faut des impressions pour que le germe qui repose dans notre âme puisse s'éveiller et se développer.
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�— 32 — Fournir ces impressions et éveiller ainsi les sentiments de l'âme, c'est le but principal des Causeries. Jeune mère, vous qui épiez avec bonheur tous les mouvements de votre nourrisson, et qui, dans votre tendresse maternelle, cherchez tous les moyens pour le satisfaire, ouvrez les Causeries de Froebel, vous y trouverez un trésor de conseils salutaires et de procédés efficaces pour la tâche éducatricequi vous incombe! Et vous qui, entouré de votre petite famille déjà échappée du berceau, de ces petits êtres qui sont tout yeux et tout oreilles pour apprendre, cherchez à les divertir par de petites historiettes, montrez-leur les images des Causeries; vous y rencontrerez mille sujets pour les entretenir d'une manière à la fois amusante et éminemment instructive ! Ce n'est pas ici la place de donner la traduction de toutes les causeries de Froebel. Elles font l'objet d'un ouvrage spécial (1). Nous nous contentons d'en donner quelques-unes comme indication seulement.
CROMBRUGGHE.
(i) Les causeries de la Mère, traduites de l'allemand par la baronne J. DE Bruxelles, F. Claassen, libraire-éditeur. — 1 vol. in-4°, avec
gravures.
�LES PILONS
DU MOULIN.
�I.
(4).
LES PILONS DU MOULIN
(GYMNASTIQUE DES JAMBES.)
" Quand le petit enfant, pouf son plaisir, se débat « des mains et des pieds, l'envie de jouer avec lui se u manifeste dans la mère. « Par cet instinct, le Créateur lui enseigne qu'en « cultivant le corps, elle développe l'âme aussi.
FROEBEL.
L'image qui représente ce jeu nous montre une mère tenant les pieds de son petit enfant et imitant le mouvement des pilons du moulin, pendant qu'elle chante (2) : « Tes petits pieds battent sans fin, Mon doux enfant, le blanc coussin, Comme les pilons du moulin, Qui battent la graine de lin.Nous donnant l'huile qui pétille Au fond de la lampe qui brille, Quand la mère, pendant la nuit, Près de l'enfant veille sans bruit! » Ce jeu fortifie les muscles des jambes du petit enfant, en même temps qu'il entrelient en lui la gaîté, ce don précieux de l'enfance. (4) Les images que nous donnons sont empruntées à l'ouvrage de Froebel : Les Causeries delamère, publiées par F. Claassen. (2) La musique des Causeries se trouve à la fin du manuel.
�- 34 — Pour les enfants plus âgés, ce jeu prend une autre forme. L'importance en augmente alors; car, outre que les mouvementsgymnasliques soient plus accentués, les paroles que les enfants chantent en même temps que la mère, activent leur intelligence et leur font penser aux sacrifices de la mère qui veille sur eux pendant la nuit. C'est aussi pour les enfants plus avancés en âge que les images mêmes des Causeries de la mère offrent une source féconde d'agréables et d'utiles entretiens. Par les différentes scènes qu'elles représentent, elles servent à introduire l'enfant dans l'histoire des choses, dans le sein de l'activité humaine. On en jugera par l'exemple suivant : Avant le souper, par une longue soirée d'hiver, une mère était assise près de la table, et ses enfants, qui l'entouraient, la prièrent de leur montrer les images du nouveau livre de Froebel. La mère satisfit à leur demande; elle ouvrit le livre, et les yeux avides des enfants tombèrent sur le premier tableau, représentant une mère qui lient sur ses genoux son petit enfant. Ils le contemplaient avec bonheur, et demandaient à la mère comment cet enfant pouvait s'appeler. Il fui convenu qu'on le nommerait la petite Marie. Dans la série des tableaux suivants, ils se reconnaissaient eux-mêmes dans les enfants qui entouraient la petite Marie, ils reconnaissaient leur mère et bon nombre de leurs petits amis. Le plus souvent le père n'y était pas, parce qu'il travaillait pour les enfants et que ses occupations l'appelaient ailleurs. Enfin ils aperçoiventle tableau que nous donnons ici ; ils voient la petite Marie étendue sur un coussin: « Elle est joyeuse et contente. La mère joue avec elle et lui chante une chanson! » La mère commence la conversation suivante: Les frères et soeurs de la petite Marie sont à l'école; ils reviennent à midi, racontent à la maman qu'ils ont congé l'après-dînée et la prient de faire avec eux une promenade dans le bois. — Cela ne se voit pas sur le tableau, parce que les enfants sont maintenant dans une auire place et qu'on ne peut pas y dessiner toutes les chambres. — Cependant, les enfants vont paraître avec leur mère : les voyez-vous dans le bois (elle les montre au lableau, sur le bord d'un ruisseau? Mais que fonl-ils donc, enfant? — Ils construisent un moulin dans le ruisseau, maman.
�— 35 La mère. — Oui, ils font un moulin à eau ; c'est sans doute la volage Sophie qui a ôté ses souliers et ses bas et qui lève sa petite robe pour marcher dans l'eau. E. Mais, maman, où est donc la petite Marie? M. Tu ne la vois pas maintenant, mon enfant; sa bonne la promène avec une petite voiture dans le bois. Cependant, ne voyez-vous pas là sur le chemin une pauvre femme? Elle a apporté de la ville les effets de la mère et les enfants; la mère est riche, elle a payé la pauvre femme,et qui s'en va maintenant pour acheter du pain pour ses chers enfants ! E. Maman,est-ce un moulin à eaw,dans lequel demeure le riche meunier? M. Oui,mon enfant. E. Je connais aussi des moulins àvent, mais j'aime mieux les moulins à eau. M. Et moi je connais encore d'autres moulins. N'en connais-tu pas? E. Non, maman. M. (Ne penses tu pas au moulin à café? C'est un moulin à main, parce que c'est la main qui le fait tourner. On distingue les moulins par la force qui les met en mouvement ; c'est ainsi que l'on a des moulins à chevaux, desmoulins à vapeur, elc. E. Maman, que firent les enfants dans le bois? M. Ils s'y sont bien amusés. Quant leur petit moulin a été achevé, ils se sont assis sur le gazon pour manger un morceau; ensuite ils ont fait une promenade; ils ont cueilli des fleurs, dont ils ont fait de jolis bouquets pour les apporter à papa, quelques-uns mêmes se sont mis à déterrer des plantes et des fleurs pour en garnir leur petit jardin, et avant de retourner à la maison, ils ont joué un beau jeu. E. Quel jeu, maman ? M. Oh ! je ne crois pas que vous le connaissiez ; il y a quelques jours, je l'ai vu pour la première fois au jardin d'enfants. E. Ne pouvons-nous pas l'apprendre, chère mère ? pelle-t-il ? Comment s'ap-
M. Les pilons du moulin. Voyons, nous allons essayer. Placez-vous en cercle , lesdeux plus grands prennent les plus petits entre eux deux. Tenez-
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vous bien droits, la poitrine en avant; laissez pendre vos bras, placez bien les pieds, donnez-vous la main et récitez avec moi les vers suivants : (La mère fait apprendre par cœur les paroles avant de les chanter.) « A présent, attention! Vos jambes sontles pilons du moulin. Il faut les lever alternativement pour marquer la mesure; arrivés aux mois « clip, clap, » il faut joindre le battement des mains. Maintenant faisons aller le moulin ; tournons, battons et chantons : « Les pilons en mesure Tombent dans le moulin ; L'eau s'agite et murmure Son incessant refrain : Clip, clap, clip, clap, etc. » E. Oh! maman, que c'est amusant. Recommençons s'il vous plaît. M. Au printemps, quand la neige fond, les ruisseaux grossissent, et l'eau, qui a plus de force alors, fait tourner le moulin plus rapidement. Imitons ce mouvement. Tous. Oui, oui, bonne mère! E. Mais, maman, l'autre jour vous nous avez parlé de grosses meules qui moulent le grain ; y a-t-il des pilons aussi dans le moulin ? M . Dans les moulins à l'huile il y a des pilotis pour presser la graine et en faire sortir l'huile. Regarde, au premier plan du tableau, tu remarques un moulin avec des pilons. A droite lu vois la lampe; la mère y a mis de l'huile pour qu'elle puisse l'allumer la nuit lorsqu'elle doit donner à boire à l'enfant malade qui ne peut pas dormir. Un jour, la petite Marie était malade; sa bonne maman veillait auprès d'elle pendant toute la nuit; elle ne pouvait dormir avant que son enfant ne fut guérie. La maman el la petite Marie s'aiment beaucoup. Quand elic sera grande, Marie travaillera aussi pour sa mère. E. Maman, moi aussi, j'ai été malade un jour; dites, avez-vous veillé auprès de moi? M. Oui, mon enfant. E. Bonne maman!... Que ferai-je pour vous?...
�LA GIROUETTE.
�— 37 La mère dont il s'agit n'a pas ordonné le jeu, mais elle a fait en sorte que les enfants le demandassent eux-mêmes. C'est ainsi que l'on doit procéder toujours : quand on a amené l'enfant à désirer l'occupation à laquelle on veut qu'il se livre, on peut être certain que celle-ci leur sera agréable et qu'elle portera ses fruits.
II.
LA GIROUETTE.
(GYMNASTIQUE DE LA MAIN.)
/
« Veux-tu que ton enfant saisisse l'action de quelque chose, fais-lui produire un effet semblable. « Ce n'est pas sans but que l'enfant veut tout imiter ; « cet instinct a une signification profonde. »
le
FROEBEL.
Le tableau donné dans les Causeries est rempli d'effets produits par le vent ; une tour surmontée d'un coq, un enfant portant un drapeau flottant au gré du vent, desarbres dont le feuillage obéit, à la force de l'air, un moulin à vent dans le fond, le linge de la lavandière qui se balance sur la corde, un petit garçon qui court avec son cerf-volant, une petite fille qui fait flotter son mouchoir, un autre enfant qui court avec un moulinet, leurs cheveux et leur vêtements agités par le vent, la queue du coq servant de girouette et obéissant à la force invisible du souffle qui la pousse. C'est le mouvement de la girouette, du coq sur la tour, que Froebel fait imiter par la main de l'enfant : l'avant-bras repose verticalement, le
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�— 38 — coude dans la main du bras opposé; les doigts et le pouce étendus de l'autre main figurent un coq que l'enfant fait tourner à volonté pendant qu'il chante : « Comme le coq sur le clocher Se tourne et semble se pencher Au vent qui vient battre son aile ; Comme le coq en sentinelle, L'enfant tourne et tourne sans fin, Sa gentille petite main ! » C'est un exercice gymnastique par lequel l'enfant se fortifie les muscles de la main et de l'avant-bras, les plus nécessaires au travail. Il donne lieu pour des enfants plus âgés, à d'utiles causeries sur les causes et les effets. L'enfant, dont l'attention a été éveillée par ce jeu, voit le mouvement de la girouette ; il voit les arbres se balancer, le drapeau agité. Rien de plus naturel que la demande : Qu'est-ce qui met ainsi ces objets en mouvement? — C'est le vent. — Où est le vent? Nous ne pouvons pas le voir : Dieu, qui fait croître les plantes et qui dirige tout, est invisible aussi! — Mais, qu'est-ce que le vent? Cette question peut être résolue, pour des enfants assez avancés en âge, de la manière suivante: —Placez l'enfant dans une chambre où il fait bien chaud, entr'ouvrez dans celle-ci la porte d'une pièce où il fait froid, placez-le un moment dans le courant : il sentira le vent, et la chambre chaude avec la chambre froide serviront de comparaison entre les pays chauds et les pays froids, dont la communication produit le courant d'air qu'on appelle le vent. Le tableau indiquant ce jeu donne lieu encore à des causeries sur les moulins, sur l'église, sur les poules, sur les travaux domestiques,etc., etc.
�LE FAUCHEUR.
�III.
LE
FAUCHEUR.
DES BEAS.)
(GYMNASTIQUE
« Mettez en rapport avec un acte quelconque de la « vie réelle, tout ce que vous faites faire par votre « enfant. « Ce qui n'a pas de sens pour lui, manque son but « éducatif. »
FROEBEL.
L'image des Causeries représente un homme qui coupe, au moy.en de la faux, l'herbe dans la prairie; un petit garçon imite avec un bâton le mouvement du faucheur. Les chevaux et le chariot sont là tout prêts pour conduire l'herbe à la ferme. La ferme se trouve sur l'arrière-plan. A droite on voit la servante qui trait la vache. La même servante travaille le beurre un peu plus loin. Plus haut on voit dans un plat le lait préparé pour l'enfant. Celui-ci occupe avec sa mère.la gauche du tableau. Le tout est relié par une chaîne qui entoure les différents tableaux et que deux enfants, assis sur le gazon et appuyés contre un arbre, achèvent avec les liges du pissenlit, comme pour indiquer que la nature entière et la vie générale forment un ensemble, un tout, une chaîne dont chaque individu, chaque occupation forme un anneau essentiel et nécessaire.
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La mère tient dans ses mains les mains de l'enfant et, imitant le mouvement des faucheurs, elle chante : « Pierre va dans la prairie Pour faucher l'herbe fleurie ; Il conduit par ses chevaux L'herbe douce aux bestiaux. Rose trait la bonne vache. Qui nous donne sans relâche Le bon beurre et le doux lait, Dont la tendre mère fait La bouillie et puis la crème Pour le sage enfant qu'elle aime ! Pierre qui, dans la prairie, Va faucher l'herbe fleurie, Merci bien pour les travaux ! Grand merci pour les chevaux ! Merci Rose pour sa tâche, Pour son lait la bonne vache, Pour les soins, maman, merci ! Et pour tout, Dieu, sois béni ! » Celte chanson appelle l'attention de l'enfant sur les différents objets et les différents travaux qui sont nécessaires pour lui procurer la nourriture. Il apprend à apprécier les plantes, les animaux et surtout les services des domestiques. Il peut user d'eux, les employer à son service, mais il ne peut jamais se montrer leur despote ni leur tyran. L'enfant riche doit apprendre à considérer les domestiques comme des semblables placés par la main du Créateur dans une autre sphère, qui n'est pas moins cligne que la sienne, pour celui qui en remplit les devoirs avec fidélité et abnégation. Car, le mérite de l'homme est jugé pari'accomplissement de ses devoirs.
�IV.
LE NID D'OISEAU.
(GYMNASTIQUE DES POUCES).
« « « «
« L'enfant voit avec joie l'amour filial représenté par des images ; on lui cause du plaisir chaque fois qu'on lui en remet le tableau sous les yeux. — Il acquiert ainsi la conscience de ce qui existe pour lui dans la famille. »
FROEBEL.
Le tableau représente dans la verdure un nid renfermant de jeunes oiseaux. Les enfants viennent de le découvrir et y conlemplent les petits avec admiration et avec bonheur. La mère des pelits oiseaux est perchée sur l'arbre voisin. D'autres nids se montrent sur les arbres et sous les toits des maisons. Exercice : La mère etTenfant tiennent les deux mains ensemble pour figurer un nid. Les deux pouces reposent dans l'intérieur et figurent deux œufs. La mère entonne le chant suivant, et aux mots : D'où sortirent deux oiseaux » les pouces se relèvent et imitent le mouvement du petit oiseau qui voit arriver sa mère.
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« Un linot au doux ramage Tressa son nid sous le feuillage, Puis y mit deux œufs bien beaux, D'où sortirent deux oiseaux, Deux gentils petits oiseaux, Dont la voix douce et jolie Disait pi, pi, pi, pi, pi, Mère chérie ! Pi, pi, pi, pi, pi, pi, Nous voici Viens ici, Pi, pi, pi, pi, pi! » Les causeries relatives à ce sujet sont toujours goûtées des enfants. Excités par la curiosité et avides d'apprendre, ils aiment la nature dont les phénomènes leur suggèrent mille questions diverses. Les sujets pris dans la nature plaisent aux enfanls surtout quand ils peuvent les rapporter directement à leur propre vie. Tel est \e nid d'oiseaux,dans lequel la tendre mère couvre de ses aîles les petits encore nus, pour les réchauffer pendant que le père cherche la nourriture nécessaire ! Quels sentiments tendres une mère n'éveillera-t-elle pas en son enfant? quand elle lui montrera la mère des petits oiseaux qui regarde avec anxiété autour d'elle dans la crainte qu'on ne lui ravisse ses petits; quand elle lui dira que l'oiseau, dont on ravit les petits, est comme la mère dont on emporte les enfants et que les petits oiseaux qu'on soustrait à leur mère sont comme les enfants qu'on arrache du sein de la mère !,.. Certes, alors les jeunes garçons ne seront plus assez barbares pour enlever sans pitié les nids deces innocentes créatures 1 On peut faire chercher aux enfauts la manière de construire propre à chaque espèce d'oiseau et le choix du lieu et le temps convenables. Par exemple : Pourquoi l'oiseau bâtit-il son nid au printemps? — Pour donner à ses petits le temps de grandir et de devenir forts, contre les froids de l'hiver.
�— 43 — — Pourquoi tel oiseau place-t-ii son nid au bord de l'eau, tandis que tel autre choisit sa demeure au milieu des campagnes? — Parce qu'ils trouvent dans ces lieux préférés la nourriture qui leur convient. — Qui leur a dit de choisir le printemps et de préférer tel lieu à tout autre?... Les mœurs des oiseaux offrent à la mère mille occasions de faire admirer par ses enfants les mystères de la nature et la sagesse de la Providence!
V. LE GOUGHEI*.
(GYMNASTIQUE DES DOIGTS.)
« Mère, ne sens-tu pas que quelqu'un veille quand « tout dort? « Que ton esprit attentif veille sur ton enfant et le « guide dans le bien. « Le plus grand bien pour lui, e'est d'avoir la « conscience de vivre dans celui qui est la vie unio versellej »
FROEBEL.
L'image représente cinq enfants, les bras entrelacés, qui s'endorment sur un sopha. La mère se tient devant eux, assise sur une chaise et les mains jointes. Voici l'exercice que l'on fait faire à ce sujet; figurant avec ses doigts les enfants qui reposent entre les bras l'un de l'autre, la mère joint les mains. Les enfants imitent ce mouvement et pendant que la mère récite les vers suivants on répète continuellement le même exercice.
�- Ai —
A la fin les enfants font semblant de s'endormir, comme ceux qui figurent au tableau. « Libres de tout souci, roses et souriants, Les bras entrelacés, se couchent les enfants ; Leur journée est si bien remplie Par des jeux bienfaisants, par l'étude bénie, Qu'ils sont tout fatigués — et doivent doucement Prendre des forces en dormant. Mais à l'auteur de toute vie, Avant de s'endormir ils ont offert leur cœur. A mains jointes, enfant, et la voix recueillie, Ils ont prié qu'il fut leur père et protecteur. Puis se sont endormis ensemble avec candeur De Dieu sur eux le regard se repose, Lui, qui des cieux voit chaque chose, Leur ferme tendrement les yeux. Maintenant fais aussi comme eux, Dieu veille sur toi comme un père, Dors, dors d'un repos salutaire ! » La mère ne fait pas dire à ses enfants de longues prières, mais, par les paroles qu'elle dit et parle ton de sa voix, elle tâche de toucher le cœur et d'inspirer à ces âmes si pures une action de grâce. A ces jeux et causeries se joignent les six dons de Froebel et d'abord le jeu de balle.
�PREMIÈRE SÉRIE. — JEUX.
SOLIDES.
LE
PREMIER
DON.
(BOÎTE RENFERMANT SIX BALLES.)
LA
BALLE.
« On oublie souvent que le fondement de toute « éducation, de toute instruction, c'est de former et « d'élever les sens. » B. DE M.
Pourquoi Froebel donne-l-il à l'enfant la balle comme premier joujou? Tout autre objet ne répondrait-il pas au même but? — Évidemment non; la balle représente la forme pr imitive, le point de départ de loutes les autres formes. De plus, la balle est ronde et peut être facilement enfermée dans la peiite main de l'enfant ; elle est élastique et ne blesse pas ; elle est mobile et peut donner par là plus de mouvement au jeu; elle est l'objet le plus simple et par conséquent le premier que 1 ame enfantine peut percevoir dans le chaos deschosesqui l'environnent ! Le mouvement de la balle peut être : ou déterminé, quand on l'attache à un cordon, ou entièrement libre quand on la jette ou qu'on la laisse tomber.
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i
�— -46 — On suspend d'abord la balle au-dessus du berceau, ayant soin que l'enfant soit couché dans une position qui lui permette d'en suivre de l'œil tous les mouvements. Quand la mère fait jouer son enfant avec la balle, elle accompagne ce jeu de son chant ; les sons mélodieux de sa voix, joints aux mouvements du joujou, produisent dans l'enfant une douce sensation, qui éveille ses sentiments et vivifie son âme. Le mouvement le plus simple est celui d'une pendule, le mouvement horizontal; (planche I,fig. 1 et 2), pendant qu'elle l'exécute, la mère chante : « Bim, boum, bim, boum! — Tic, tac; tic, tac! — Ci, là; ci, là! » Pour donnera l'enfant une nouvelle impression, on met ce mouvement en rapport avec un autre objet, au-dessus duquel on fait passer et repasser ja balle: En deçà, au delà; en deçà, au delà! » (Fig. 5 et i.) Et en rapport avec l'enfant lui-même : « Près, loin; près, loin! Ou : « La balle vient ; la balle s'en va! » En général : « Cela vient, cela part ! » — Mettre le joujou en rapport avec l'enfant est une opération d'une grande importance pour lui ; c'est seulement quand l'enfant sent qu'une chose se rapporte à lui, qu'il y prend un véritable intérêt. Froebel agit de la même manière avec tout ce qu'il veut apprendre aux enfants. — On peut aussi indiquer le mouvement lent ; « Len... tement; len... tentent! »
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La balle est en repos : « Arrête jolie balle! » On la fait aller lentement de haut en bas : c'est le mouvement vertical (fig. 5 et 6) : « En haut, en bas; en haut, en bas! » Les figures 7 à 12 indiquent des jeux avec la balle sur un plan horizontal, sur la table. — La balle donne sur la table trois coups à la même place : « Tap, tap, tap! » Puis sur trois points différents : « Tip,tap,tap! » (fig. 7.) — On peut aussi laisser tomber la balle d'une plus grande hauteur : « Saute, jolie balle, saute! — Tiens, la balle qui saute! — Saute, saute, saute! » etc. (fig. 9.) « La balle ne peut plus sauter, elle est fatiguée, elle doit se reposer. » — La balle est rapidement enlevée de la table et placée sur un autre objet, soit sur la boite aux balles. « Hop, au-dessus! » (Fig. 8.) — On la fait passer de l'autre côté : « Hop, au delà! » (Fig. 10,) L'enfant ne reçoit pas seulement ainsi les impressions des différents
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mouvements de la balle, il apprend aussi à la considérer dans ses rapports avec d'autres objets, — La balle peut aussi rouler sur la table (fig. 11) : « Voilà la balle qui court ! » — Elle roule contre la boîte et rebondit vers l'enfant (fig. 12) : « Viens, petite balte, reviens vers l'enfant! —Elle vient. — Prends la balle! — La balle est tombée! — Cherche la balle! » — La mère penche l'enfant vers l'endroit où la balle se trouve, pour qu'il la ramasse lui-même. En général, cela doit se faire chaque fois que l'enfant fait tomber ses joujoux. Il faut l'habituer de bonne heure à subir les conséquences de ses actions. « Où est la balle? — La voilà! —Reste maintenant auprès de l'enfant, jolie balle. » — La balle fait aussi des mouvements circulaires. « Encercle, en cercle ! (Fig. 13.) Tourne, tourne! A droite, à droite ! (Fig. 14.) A gauche, à gauche! (Fig. 15.) En spirale, en spirale! En diminuant ! (Fig. 16.) En s'élargissant. » (Fig. 17.) — Le mouvement circulaire se met aussi en rapport avec d'autres objets; la balle tourne autour d'une baguette. Plus haut, plus haut! (Fig. 18.) Plus bas, plus bas! » (Fig. 19.) — Sur la surface de la table la balle montre à l'enfant deux [mouvements à la fois (fig. 20); elle tourne sur elle-même et autour d'un centre.
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« rrr! » Ou : « Tourne, tourne, tourne! » — Dans ce mouvement, enlevez la balle en l'air, elle tournera sur ellemême : « / » « Tourne-toi, tourne-toi; bien vite, bien vite! » (Fig. 21.) Ces mouvements se font à droite et à gauche. — Dans la figure 22, la balle est traînée sur uue surface pour l'en faire tomber : « Tirons, tirons, tirons! » On fait en même temps saisir le cordon par l'enfant, pour tirer ensemble avec lui : « Pouf .'voilà quelle tombe ! » (Fig. 23.) Cette action l'amusera beaucoup, parce qu'elle en aura produit l'effet par sa propre action. — La figure 24 présente la balle suspendue dans une boîte où elle imite la cloche : « Bim, boum; bim, boum! » Lorsque la balle était tombée, elle avait disparu pour l'enfant; on renouvelle ses impressions en enfermant la balle dans la main : « Où est la balle? » (Fig. 25.) « La voilà ! » (Fig. 26.) — L'enfant veut bientôt imiter ce jeu ; le but est atteint, car l'activité de l'enfant est l'effet principal que la mère doit obtenir par ses jeux. Il étend ses deux petites mains pour saisir la balle : « Prends la balle! » (Fig. 27.) « Tiens la balle ! » (Fig. 28.)
�— 50 — L'enfant apprend ici par ses propres expériences que la balle occupe un espace ; car, pour pouvoir la tenir, il doit lui donner une place entre ses deux mains. Tous ces exercices peuvent se répéter aussi longtemps qu'ils font plaisir à l'enfant. Car les répétitions rendent les impressions plus durables, et élargissent le cercle des expériences ; elles rendent les perceptions plus claires et plus précises et ne doivent jamais être négligées dans l'éducation. Enfin on descend la balle dans la boite (fig. 29.) Descends jusqu'au fond! Elle est dans la boite (fig. 30.) « Cherche la balle! » La boite est fermée: « La balle est partie! — Elle veut dormir! — L'enfant est fatigué; il veut dormir aussi !» Les exercices précédents, et bien d'autres qu'une mère intelligente y joindra, offrent à l'enfant un trésor d'occupations qui réveillent et nourrissent son esprit, en même temps qu'ils excitent l'activité de son corps. Des effets salutaires en sont sentis, surtout quand l'enfant a acquis assez de force pour prendre une part active au jeu et que son langage commence à se développer. Mais nous remarquons que l'enfant est tenté de représenter par ses joujoux des hommes, des animaux, des objets qu'il a vus et qu'il se représente dans son esprit.Certes, le petit domaine de son imagination ne sera pas riche à l'âge où nous nous occupons de lui ; mais l'enfant a déjà vu le petit chien et le chat, qui viennent si souvent dans sa chambre; il peut avoir remarqué l'oiseau dans la cage, le moineau à la fenêtre, le pigeon, le coq et la poule, la poule et le poulet, le cheval et la voiture, etc. La balle peut donc représenter pour l'enfant : L'oiseau qui vole : « Vois, comme il vole, l'oiseau... ici... là! »
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Le pelit chat qui saute : « Voilà le chat qui saute sur le banc ! Le petit poulet : « Tip, tap, tap ! le petit poulet arrive! » Le coq ; Top, top, top! te coq mangela graine! » (Voir les chansons du jeu de balle, n°" 27, 28, 29, 30 et 31.) (1) Ces exercices sont très-propres à développer l'intelligence de l'enfant, parce qu'ils sont pour lui le langage de son âme, l'expression de ses pensées; il les emploi d'autant plus volontiers, qu'il ne possède jusqu'ici aucun autre moyen pour produire à l'extérieur ce qu'il a recueilli dans son esprit. Mais l'enfant ne sera pas toujours guidé par sa mère : bientôt il saura courir ; ses propres forces devront alors le soutenir. Grand, il sera dans le monde, où il devra subsister etagir parlui même s'il ne veut pas être le jouet des caprices et des folies d'autrui. « Cet état d'indépendance est figuré par la balle en liberté. » La balle à l'état libre fournit les exercices les plus salutaires pour le développement des membres et des sens. L'enfant, qui jette, ramasse, saisit la balle, s'exerce l'œil, les bras et les mains et met tout son corps en activité. Il reçoit en outre une quantité de nouvelles impressions plus vives, qui animent l'esprit et donnent à tout son être une vivacité qui se peint sur sa figure joyeuse et se manifeste dans tous ses mouvements. Froebel indique les jeux avec la balle dans une série de chants que la mère et les enfants exécutent en jouant. (Voyez à la fin du Manuel.) Les nos 1 et 2 se rapportent à l'apparition de la balle. — L'enfant y est excité à l'observation de son joujou ; il apprend à le connaître et à l'aimer. N° 3 : la balle occupe de l'espace. Nos 4, 5 et 6 : la balle est en repos. Le n° 4 donne à l'enfant l'impression d'un repos complet ; les nos 5 et 6 celle d'un repos dans un objet mobile. Jusqu'ici nous n'avons vu la balle qu'en rapport avec l'enfant qui s'en occupe ; elle doit maintenant ouvrir à celui-ci les relations avec la petite société de ses semblables. C'est le but des nos 7, 8 et 9, où la balle voyage d'un enfant à l'autre. (1) Ces chants se trouvent à la fin du Manuel.
�- 52 Au n° 10, la balle est remplacée par l'enfant lui-même. Dansles jeux précédents la balle fut remise, posée d'une main dans l'autre; c'est une introduction pour la série suivante où elle est lancée dans l'espace.. Ces espèces de jeux demandent surtout une grande attention et beaucoup d'habileté. Us donnent au coup-d'œil cette justesse el à la main celte adresse qui manquent si souvent à la jeunesse et « qui sont si nécessaires à la jeune fille, lorsqu'elle se livre aux petites occupations du ménage. » Combien de fois, en effet, celle-ci ne doit-elle pas aller, les larmes aux yeux, dire à sa mère qu'elle a laissé tomber, qu'elle a cassé quelque chose !... Et d'où lui vient cette maladresse ? Uniquement de ce qu'elle ne s'est pas accoutumée au coup d'œil rapide et que sa main n'est pas exercée à suivre du regard les mouvements prompts. Le jeu de balle dans le jardin d'enfants contribuera à y remédier. Le mouvement le plus facile est celui où la balle est lancée en direction horizontale. Deux à deux les enfants jettent la balle. (N° 11.) Les nos 12 et 13 accompagnent le mouvement vertical. La balle est lancée dans l'air et saisie par l'enfant. Dans le n° 14, les deux mouvements précédents sont réunis. Dans le n° 15, la balle décrit un arc. L'enfant est donc entré dans la société de ses semblables ; il travaille avec eux, il a appris à les distinguer individuellement. De la distinction des personnes il arrive à celle des choses. La balle lui est présentée dans sa pluralité, au nombre de six, portant des couleurs différentes ; les trois couleurs primitives : le rouge, le jaune, le bleu, et les trois couleurs secondaires : le vert, le violet et l'orange, toujours deux couleurs opposées avec leur intermédiaire. — La couleur est ici la marque distinclive, caractéristique de chaque balle eu particulier ; elle donne l'idée AzY individualité dans la classe des formes sphériques. Les ncs 16 el 17 se rapportent à la distinction de la balle par sa couleur. De même qu'attachée au cordon, la balle à l'état libre peut se mettre en rapport avec d'autres objels. Elle peut opérer ses mouvements sur des surfaces, et d'abord sur un plan horizontal. — Pour l'exécution de ces exercices, les enfants se placent autour d'une table ou, ce qui vaut mieux, à terre.
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Les nos 18, 19, 20 et 21 indiquent ces derniers jeux. Dans le premier des jeux, les enfants peuvent être assis, dans les trois derniers ils sont debout; la balle est jetée à terre pour la faire rebondir. Vient ensuite la balle et le plan vertical ; soit sur le mur : La balle, lancée contre le mur, rebondit vers l'enfant, de l'enfant vers le mur et ainsi de suite ; voir les chansons nos 22 et 23. Les nos 22 et 23 concernent les mouvements de la balle sur un plan incliné : par exemple, sur la main. Dans les numéros suivants les enfants imitent avec la balle les mouvements de certains animaux. C'est dans les mêmes données que les jeux de balle continuent et fournissent des jeux gymnastiques pour tous les âges. Si nous arrêtons là nos exercices, cela ne veut pas dire que l'institutrice doit borner là ses jeux de balle. Le champ de l'éducation maternelle est trop vaste pour que nous essayions de l'explorer entièrement. Ce que nousdonnons ici n'est qu'une simple indication. Du reste, Froebel lui-même n'eut jamais l'idée de vouloir prescrire à la mère comment elle jouerait avec ses enfants; une telle prétention est bien loin de sa pensée. Il a voulu seulement attirer sérieusement l'attention de la femme sur l'importance de l'éducation de l'enfance, lui indiquer des matériaux et des procédés pour la mettre sur les traces qu'elle doit suivre afin d'élever les enfants avec sagesse et intelligence.
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��LE
DEUXIÈME
DON.
BOULE, CUBE ET CYLINDRE.
« On doit connaître la naturedel'objelqu'on soigne « et qu'on élève. Pour faire l'éducation de l'Etre « humain, il faut posséder les lois d'après lesquelles <• il se développe. Froebel a découvert ses lois et « trouvé le moyen de seconder le développement de « l'àme suivant ses lois. Voilà pourquoi il est le "premierqui pose un principe d'éducation. » B. DE M.
La boule est dure; dans ses mouvements, elle produit des sons ; sa surface est plus lisse que celle de la balle, ce qui la rend plus mobile; elle estplus lourde et a par conséquent des mouvements plus déterminés, et un repos plus ferme. La boule est le semblable opposé de la balle: semblable par sa forme, opposé par sa substance. En la plaçant après la balle, Froebel n'a pas agi arbitrairement; son choix est dicté parla nature du développement universel : la balle a préparé la connaissance de la boule sous le rapport de la forme ; tandis que celle-ci renferme de nouvelles propriétés qui se trouveront etse développeront dans l'objet suivant. Presque tous les jeux indiqués pour la balle se pratiquent avec la boule; pour certains exercices celte dernière convient même mieux que la balle, à cause de son poids et de sa dureté.
I
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JEUX PARTICULIERS POUR LA BOULE.
Planche
II.
Fig. 1. — La mère fait mouvoir la boule dans une soucoupe ou dans ses mains et elle accompagne ce jeu de quelque chant, tel que : « Roulez, tournez, Boule jolie, Roulez, tournez, (Test notre vie, Boule jolie! » Cependant, ne nous trompons pas : si nous conseillons le chant de ces premiers exercices, n'en induisons pas que le jeu doive toujours en être accompagné. Léchant, il est vrai, est l'expression, le langage le plus parfait de l'âme humaine, il éveille et ennoblit les sentiments ; il exerce les organes vocaux, développe et fortifie la poitrine. Mais tout excès nuit. Les mêmes impressions reprocluiles toujours ennuient, fatiguent l'enfant et le rendent insensible ; l'emploi démesuré des organes les force et les détruit, autant que l'exercice sage et modéré les développe et les fortifie. Fig. 2. — La boule est attachée au cordon. Ce qui a de plus important ici, c'est de faire voir que la boule ne peut jamais représenter d'autres formes; qu'elle reste toujours la même, A cet effet, on la fait tourner pendant que l'on chante ou que l'on dit des paroles qui indiquent ce que nous voulons faire remarquer. Par exemple : « Que je me retourne ou que je roule, Tu vois en moi toujours la boule! Quand on s'aperçoit que le langage de l'enfant commence à se développer on peut, pendant que l'on joue, lui adresser quelques questions relatives à son joujou et aux mouvements de celui-ci. Par exemple : « Que fait la boule? Elle danse. Que fait la boule maintenant ? Elle se berce. — Qu est-ce qui danse? » Qu est-ce qui se berce? »
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Dans ce genre d'exercices, on fait voir aussi la même action par d'autres objets. 11 est évident que le tout jeune enfant ne répondra que par des gestes, des mouvements, par l'expression de sa figure; par des cris inintelligibles mais en même temps très-expressifs et qui contribuent beaucoup au développement de la parole. Tous ces jeux n'agissent sur l'esprit que pour lui donner des impressions. De la fusion des impressions naissent les idées. Mais, pour qu'une idée soit claire, il faut pouvoir la comparer à une autre, la mettre en contraste avec une autre. C'est ainsi qu'il est impossible de définir la chaleur quand on ne connaît pas le froid de même que nous ne pourrions pas dire qu'une chose est grande, si nous ne savions ce que l'on appelle petitesse. La boule a produit sur l'enfant les impressions de la forme, du mouvement, de Yunité, de ['invariabilité, etc. Ces impressions ont gagné une certaine consistance dans l'esprit de l'enfant. Elles deviendront des idées claires par le contrasle. Ce contraste nous le trouvons dans le cube. La boule est ronde, elle se meut facilement; elle figure le mouvement ; le cube présente à sa surface de grandes aspérités qui mettent obstacle à ses mouvements : il représente le repos. La boule n'a qu'une surface, elle est l'expression de Yunité ; le cube a des faces, des bords et des angles, il est la figure de la diversité. Cependant on retrouve dans le cube les trois axes principaux de la boule. Considérés sous le rapport de la matière dont ils sont composés,ces deux objets se ressemblent. La boule et le cube sont donc deux semblables opposés. Et le cube prend sa place naturelle après la boule. Fig. 5. — Il est d'abord placé sur la table devant l'enfant, qui en prend connaissance. La mère dit quelques paroles pour attirer l'attention du jeune observateur: par exemple : « Là! liens-loi ferme, bien ferme! La mère prend le doigt ou la petite main de son nourrisson ; elle les
�- 58 pousse légèrement contre le cube, comme si elle voulait essayer de le faire reculer, et elle chante : « Quoi qu'on veuille, quoi qu'on fasse, Le cube tient sa même place ! »
Enfin, par un plus grand effort, la mère fait mouvoir le cube : « Marche, cube, cela nous lasse ; Quitte, quitte, quitte ta place ! »
Un grand principe se fait jour ici : utiliser dans l'enfant les forces les plus faibles, l'activité la plus minime, afin que rien ne se perde pour lui, mais que tout concoure à lui apprendre à faire usage de ses membres et à en augmenter la force et l'adresse, à lui faire éprouver par lui-même tout ce qu'on veut qu'il sache, tout ce dontnous voulons qu'il se rende eompte. Cependant tous ces jeux seront fades et sans attrait, si on ne sait leur donner delà vie. Froebel indique les matériaux et la manièrede s'en servir ; le tact et le caractère de la mère doivent faire le reste. L'animation de l'enfant est produite surtout par son contact immédiat avec les choses qui l'occupent. On mettra donc le cube dans sa main; on le lui fera ramasser, quand il le laisse tomber : « Le cube pèse sur la main, Pour qu'il ne tombe, tiens-le bien! » L'enfant saisit la boule ou le cube et la mère soulève son petit bras. « Tiens le cube, tiens et, serre, Qu'il ne tombe pas à terre ! »
Mais l'enfant ouvre la main et laisse tomber le cube :
�— 39 — « Pouf! il tombe de haut en bas; Enfant, ta main ne. le tient pas! » Ces espèces de jeux, que nous ne donnons ici que comme indication, peuvent se multiplier à l'infini. Cependant, comme règle générale, nous pouvons admettre quel'eufant doit rester libre dans lechoix deses exercices. L'activité des membres et le besoin de connaître se montrent par des gestes et des mouvements ; une mère intelligente saura comprendre ce langage et lui procurer les jeux qu'il désire. Jamais elle ne doit contrarier les impulsions de la nature, mais elle doit les guider et les entretenir. Elle doit plutôt surveiller et diriger qu'instruire, plutôt laisser faire que faire elle-même. On remarquera souvent que l'enfant veut saisir avec sa petite main plusieurs objets à la fois, quoiqu'il lui soit impossible de les tenir. C'est l'occasion de lui faire voir que l'espace occupé par un objet ne peut pas être occupé, en même temps, par un autre. « Lorsque la boule est dans la main, Le cube y cherche place en vain ! » Mais retournons au cube qui est devant nous sur la table, il y est en repos. On produira sur l'enfant un nouveau genre d'impressions, si l'on essaie de poser le cube sur l'un de ses bords et que, n'ayant pas d'équilibre, il retombe sur l'une de ses faces. (Fig.4.) « i7 va par ci, il va par là, Rester ainsi ne se peut pas ! » Fig. S. — Cependant il se maintiendra s'il reçoit quelque soutien ; si ou l'appuie contre la boite ;
« Mets le cube contre le mur Et son repos sera plus sûr! »
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Si, pendant celte opération, on retire au cube son soutien, pour le faire tomber sur l'une de ses faces, l'enfant en éprouve une vive joie et montre l'envie de recommencer. Bien souvent il est avantageux de combiner plusieurcs opérations; par exemple, celle des figures 4 et 5. La mère essaye de poser le cube sur un de ses angles ; il tombe et cause du bruit; l'enfant le saisit et le frappe sur la table. La mère profite de cette occasion pour lui faire entendre ce son en même temps que celui de sa voix, afin d'exercer l'ouïe. Elle chante quelques mots en frappant avec le cube sur la table :
« Tap, tap, tap, Te dit le cube, enfant ; Tap, tap, tap. Répète la maman ! »
Fig. 6. — La mère pose le cube sur un de ses angles et met le doigt sûr l'angle opposé :
« Sous le bout du doigt Le cube se tient tout droit ! »
Dans cette position elle fait tournerlecube :
« Vois-tu, comme je tourne enfin Sur un seul pied et sous ta main ! »
Les impressions que l'enfant reçoit tant par les différentes positions et les mouvements du cube, que par les paroles de la mère, malgré qu'il ne les comprenne pas toutes, laissent des traces dans son esprit. On s'en aperçoit après quelques répétitions, quand l'enfant essaie de reproduire par lui-même ce qui l'a le plus frappé. Dans les exercices précédents le cube était présent devant l'enfant; il
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peut disparaître. Le jeu de balle a déjà fourni des impressions de l'apparition et de la disparition des objets ; on poursuit avec le cube. Le cube est enfermé dans la main :
« Du cube nous ne voyons rien, Où donc, où serait-il bien? »
L'attention de l'enfant est excitée ; il fixe les yeux sur la main de la mère et y porte la sienne pour chercher le cube. La mère laisse voir une face du cube :
« Ah! ah! Le cube enfermé. Tu Vas bien cherché ; Le voilà ! le voilà! >>
Ce jeu ne donne pas seulement une idée de l'apparition et de la disparition des objets, il sert encore à fixer l'atiention de l'enfant sur la forme du cube. En effet, celle-ci est trop variée, trop compliquée pour que l'enfant en conserve une impression distincte en l'observant dans son entier. La perception des parties qui le constituent en rendra l'idée claire et nette. La mère attire à ce effet l'attention de l'enfant sur la face visible.
« Tune vois qu'un demes côtés, Les autres où sont-ils passés?
Ou, en mettant le cube en rapport avec l'enfant :
« Le cube (ouvre un œil, voici, Il te dit : Bonjour, ami! »
L'enfant semble supplier la mère pour qu'elle montre le cube entier ; elle ouvre sa main et chante : 8
�— 62 — « Tu ne vis qu'un de mes côtés, Les autres cinq étaient cachés ! » Fig. 8. — La mère enferme de nouveau le cube dans la main et montre deux faces : « Tu vois deux côtés, Quatre sont cachés ! » Elle peut prendre aussi le doigt de l'enfant et lui faire caresser les deux faces : «Viens ! pendant quemamain lepresse, Fais sur ses joues une caresse! » Puis, en ouvrant la main et montrant successivement les deux faces extérieures et les quatre faces intérieures : « Deux faces sont pour toi, Quatre dans la main pour moi! » Fig. 9. — La mère enferme de nouveau le cube dans sa main et montre trois faces : « Que je me tourne et me penche à la fois, De mes faces jamais luri envois plus de trois! » L'enfant a vu le cube en repos, il l'a considéré sous le rapport de la forme et de l'espace qu'il occupe ; il se réjouira davantage en le voyant dans ses mouvements. Fig. 10. — Le plus simple des mouvements imite la balançoire. On attache le cube au cordon, d'abord au milieu d'une de ses faces ; la face opposée forme alors un plan horizontal, parallèle à la surface de la table. La mère balance le cube lentement, et, pour que l'enfant se livre au jeu avec toute sa vivacité, elle chante quelques paroles qui se rapportent à l'opération :
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« Balance, balance, Cube, balance; Recule, avance; Balance balance ! ». Fig. H. — Elle attache le cube au cordon par le milieu d'un de ses bords. Le bord opposé est parallèle à la surface de la table. Fig. 12. — Le cube ést attaché au cordon par un de ses angles : « Jeni allonge et je m étends, Quand par un angle on me suspend!» Un des plus beaux principes que Froebel ait mis en pratique, est celui de la transformation des choses. Il fait voir à l'enfant comment d'un objet on en fait plusieurs autres, et prépare ainsi l'homme à l'industrie, qui produit au moyen de la matière celte variété infinie d'objets qui sont le trésor du commerce. Nous avons vu le cube en repos sous trois différents aspects : reposant sur une face, sur un bord, ou sur un angle. Nous l'avons vu attaché au cordon par une surface, par un bord ou par un angle. On peut également faire tourner le cube autour d'un axe, un petit bâton, suivant que cet axe passe par les faces, ou par les bords, ou par les angles; il subit, aux yeux de l'enfant, une triple transformation : Fig. 13. — Le bâton qui forme l'axe par le milieu de deux faces opposées. En faisant tourner le cube on voit le cylindre : « Vois : le cube tournant Est cylindre maintenant ! » Fig. 14. — Le bâton passe par le milieu de deux bords opposés ; en tournant ainsi, lecube montre la roue : « Si ce jeu peut (amuser, Je veux toujours, toujours tourner! »
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Fig. 15. — Le bâton passe par les angles du cube. Quand celui-ci tourne dans cette position, il fait voir le double cône :
« Si tu me vois un peu de loin, Quand je me tourne sur un coin, Tu verras bien de belles choses, Dessus, un cône, un cône dessous ; Tournons bien vite, amusons-nous, A ton plaisir je me dispose ! »
Fig. 16. — Le cube est attaché au cordon dans une de ses faces. Si on le fait tourner par la main et qu'on le lâche ensuite, il nous fait.voir encore le cylindre. On peut aussi le faire tourner comme la boule dans la fig. 2, et l'attacher de trois manières différentes. Après avoir joué avec la boule et le cube séparément, on les réunit, afin de donner par la présence de deux contrastes plus de vie à l'activité de l'enfant. On aura remarqué que nous présentons souvent à l'enfant ses joujoux personnifiés. Ce n'est pas sans raison : une foule de connaissances ont leur source immédiate dans la nature ; mais pour les y puiser, il faut la comprendre, et on ne peut la comprendre sans interroger avec une attention scrutatrice les organismes mueis qu'elle nourrit dans son sein. Les êtres vivants sont les premiers que l'enfant reconnaît, parce que ce sont eux qui ont le plus de rapport avec lui. Donner la vie aux choses inanimées, donner un langage aux joujoux de l'enfant, c'est attirer son attention sur les organismes inanimés, sur les objets qui l'entourent : c'est l'exciter à l'observation de la nature. On pourrait nous demander pourquoi on occupe l'enfant aussi longtemps avec ces deux objets si simples, Ydboule et le cube? — Le grand défaut de l'éducation, c'est d'enseigner trop et de ne rien apprendre. On oublie que la connaissance d'un principe, d'une chose, d'une science ouvre le chemin
�— 65 — aux autres ; que la base fondamentale doit être solide, si on veut lui faire porter un édifice important ! La connaissance de la boule et du cube amène immédiatement celle d'une foule d'objets, avec lesquels on peut faire des exercices analogues à ceux que nous avons donnés pour ces deux corps. Il y a, par exemple, un livre sur la table; on peut le coucher, le poser sur tranche de deux manières, etc. On peut prendre la boîle du deuxième don et la faire tourner sur un de ses angles :
« Assez longtemps que tu reposes, Tourne sur un seul pied et produis autre chose !
Ces exercices sont très-importants pour l'enfant. Il découvre dans les différents objets les propriétés qu'il a rencontrées dans lu boule et dans le cube ; il trouve ces objets liés entre eux par des propriétés communes. Celte observation conduit à la connaissance de notions générales et fait saisir les rapports qui existent entre les choses. La boule et le cube sont deux contrastes; suivant les règles que Froebel nous donne, il faut les réunir dans un intermédiaire. C'est la progression naturelle, car la réunion des contrastes établit, l'harmonie de la nature. Le jour et la nuit sont liés par le crépuscule ; l'été et l'hiver sont unis par les saisons intermédiaires. L'intermédiaire cntrela boule et le cube, c'est le cy'indre; il lient de la boule sa face arrondie, et du cube ses faces planes et ses bords. L'enfanta déjà aperçu la forme du cylindre, quand la mère a fait tourner le cube. On répèle avec le cylindre les exercices que nous avons donnés pour la boule et pour le cube. Cependant la plusgrande importance de ces trois objets réside dans leur observation simultanée. Froebel réunit la boule, le cube, et le cylindre, comme formant un tout complet, expliquant à l'enfant la loi de la création, la loi de l'harmonie, qui doit le guider dans toutes ses occupations.
�- 66 — Les exercices qui peuvent se faire avec les trois objets réunis de ce don ne doivent pas être négligés : Sur le cube, placez le cylindre et puis la boule, vous figurez une colonne. Prenez la boule et dites : une; Ajoutez-y lecylindre etcomptez: deux; Puis le cube en disant : trois. Montrez trois, deux, une, deux, trois, Une, trois, une, deux, etc.
Ces exercices initient l'enfant aux inventions du calcul, et le préparent au troisième don.
�LE
TROISIÈME
DON.
(BOÎTE RENFERMANT LE CUBE DIVISÉ EN
HUIT CUBES ÉGAUX.)
« Mon enfant aime à diviser pour voir l'intérieur des choses, il aime à rajuster les parties pour en « former le tout. »
«i
FROEBEL.
Donnez à l'enfant n'importe quel joujou, confectionné, si vous voulez, avec art, cet objet ne l'amusera véritablement que lorsqu'il sera parvenu à le mettre en pièces. On dit que c'est par esprit de destruction. Eh bien, ce signe destructeur n'est autre chose que la tendance vers l'analyse, lebesoiu de connaître qui se manifeste chez l'enfant. Pour y satisfaire Froebel donne à son élève le cube divisé. C'est un corps que l'enfant peut analyser et décomposer pour le transformer ensuite d'après ses propres idées, un joujou qui satisfait entièrement à son activité investigatrice et inventive. Le cube est divisé par le milieu une fois en longueur, une fois en largeur et une fois en hauteur.
LEÇON PRATIQUE, destinée à faire connaître à Venfant ses nouveaux matériaux : (chaque enfant reçoit une boîte) (1).
(l) Afin d'établir de l'ordre et de l'unité dans les jeux de construction de toute une classe au jardin d'enfants, il serait bon que l'institutrice eût une table élevée, plus ou moins inclinée vers les enfants, sur laquelle, tout en causant avec eux, elle exécuterait, en même temps que les élèves, les formes qu'il serait convenu de faire.
�— 68 — Pour que l'élève ne reçoive que des impressions d'ordre et de régularité, la mère aura soin de retourner la boite sur le couvercle qu'elle retirera ensuite. Puis elle enlèvera la boîte avec soin, pour que le cube se trouve en entier sur la table. — Voici, mes enfants, un objet que vous connaissez déjà. Comment l'appelez-vous? Regardez bien, nous allons couper le cube en deux, comme si nous coupions une pomme. Combien de morceaux avons-nous? Nous allons encore couper en deux chacune de ces deux parties. Combien y en a-t-il maintenant? Pouvez-vous encore diviser les nouvelles parties? Comptez maintenant vos pièces. Combien en avez-vous? Vous en avez huit, oui, et remarquez-le bien, chacune de ces huit parties forme encore un cube, un petit cube. — L'enfantconçoitainsi l'idée de la divisibilité des corps par le fait même et son attention est attirée sur la forme et sur la grandeur, deux propriétés que les impressions d'objets différents lui apprendront à distinguer.— Mes enfants, prenez un cube en main. Comptons-en les faces; nous les montrerons avec le doigt (la mère et les enfants montrent en comptant ensemble line, deux, trots,, quatre, cinq, six). Essayons de compter aussi les bords du cube... Maintenant les angles... Plaçons le cube devant nous et indiquons avec le doigt ce que nous disons ; le dessus du cube, le dessous, (pour montrer le dessous on soulève le cube de la main gauche), la face de devant, la face dederrière, le côté droit, le côté gauche. Prenez un second cube et placez-le sur le premier, sous le premier, derrière, devant le premier ; mettez-les à côté l'un de l'autre, comme deux frères qui vont ensemble au jardin d'enfants. — Tout le monde comprend l'importance de ces notions. L'enfant, sans doute, ne les retiendra pas à la suite d'une première impression, mais les fréquentes répétitions faites même avec des objets différents, les graveront dans sa mémoire.
�Quand l'enfant a pris connaissance de son nouveau joujou, on le laisse agir sous l'impulsion de sa propre activité ; la mère n'interviendra que lorsque son concours sera réclamé (d). Seulement elle donnera pour règle à l'enfant de ne jamais détruire, mais de transformer ; de passer par de légères modifications d'une figure à l'autre. Par la ressemblance que l'enfant rencontrera parfois entre les formes trouvées et les objets qui existent autour de lui, l'enfant sera poussé à vouloir imiter une chose qu'il a devant les yeux ou qui existe dans son imagination. Il fera par exemple, une chaise. Cependant cela ne suffit bientôt plus : l'enfant attache volontiers, quoique bien vaguemeutdansle principe, l'idée de la destination d'un objet à celle de l'objet lui-même ; c'est ainsi qu'il se plaira à faire une chaise, un banc, pour s'asseoir. Mais cela aussi ne peut le satisfaire longtemps, il veut encore mettre les choses en rapport avec lui-même, avec sa vie ou du moins avec quelqu'un ou quelque chose dans le cercle de ses relations. Par exemple : 11 fera une chaise pour grandmaman ; elle viendra s'y asseoir pour prendre le petit Henri sur ses genoux et lui raconter une histoire. Ces sortes de figures s'appellent :
FORMES D'OBJETS USUELS.
L'enfant les nommera] de préférence formes d'objets; de manière qu'on peut lui dire : formons tel ou tel objet, formons un banc, etc. Les planches IV et V donnent la série d'objets suivante, où chaque forme engendre celle de l'objet qui suit : 1. 2. 3. 4. Le cube ou le poêle de cuisine (la cuisinière) ; Le trône ; La grande chaise ; Deux chaises ;
(1) L'institutrice du jardin d'enfants qui se trouve devant toute une classe d'élèves, encouragera les enfants dans leurs inventions, guidera leurs intelligences et tâchera de pousser leur initiative dans la même voie. 9
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5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 57. 38.
Le Château surmonté de tours ; Le fort ; Le mur ; Un mur plus élevé ; Deux colonnes; Une grande colonne ; Le poteau itinéraire ; La simple croix ; Deux croix; Une croîac avec piédestal; Une colonne monumentale; Une guérite ; La porte cie ia ville ; Unjtntîïs; L'arc de triomphe; La porie surmontée d'une tour L'église; L'hôtel-de-ville; Le château; La locomotive; Une ruine; Un po?2ï avec cabane pour le garde d//ée d'arbres; Deux poutres; Un plancher ; Deux trottoirs; Quatre trottoirs; Un escalier ; Une double échelle ; Deux colonnes sur piédestaux; Un bassin ; Un réservoir de fontaine; Une mc/ie; Un fauteuil;
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39. Un banc; 40. Le cube. La formation de ces figures doit toujours être accompagnée d'explications. Il est évident que l'enfant ne saura pas les donner lui-même. La mère doit le seconder et l'exciter en accompagnant chaque nouvelle forme de quelques questions et de quelques petites causeries. — Nous en donnerons quelques exemples : Fig. 16. La guérite. — Avez-vous déjà vu un soldat? Un beau soldat avec un sabre et un fusil? Et la petite maisonnette qu'il occupe quand il monte la garde? la voilà, c'est une guérite. Voudriez-vous être soldat aussi? Que font les soldats? Fig. 17. Le puits.— Formons un puits. C'est le puits d'où la paysanne va tirer l'eau pour donner à boire à la vache. Le peiit Émile boit-il de l'eau aussi? Il aime mieux le lait de la vache, n'est-ce pas? Fig. 18. La porte de la ville. — Que pouvons-nous faire encore ?—Cherchons... Une grande porte. Y a-t il des portes à notre chambre? Y a-t-il aussi des portes pour entrer dans la maison et pour en sortir? Y a-t-il des portes pour sortir de la ville? La porte de la ville n'est-elle pas plus grande que la porte de la maison ? C'est par cette porte que le paysan entre en ville quand il apporte le lait que vous aimez tant. Fig. 20. L'église. — Vous pouvez aussi construire une église... Voici la tour ; c'est le clocher. Écoulez la grande cloche qui sonne ( la mère imite le son de la cloche). Elle appelle maman ; maman doit aller à l'église. Quand le petit Henri sera grand, il pourra aussi aller à l'église. Que va-t-on faire à l'église? Pourquoi devons-nous prier Dieu? Fig. 21. L'hôtel-de-ville.— Vis-à-vis de l'église il y a l'hôtel-de-ville.— Faisons l'hôtel-de-ville... C'est dans cette grande maison que Papa a fait inscrire sur un grand livre le nom de Henri, quand Henri est venu au monde. La mère fera bien, pour indiquer la marche, de faire quelques-unes des constructions indiquées dans la série et d'abandonner l'enfaut à lui-même pourle reste; au jardin d'enfants, l'institutrice devra, dans l'intérêt de l'ordre,
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suivre, à peu près toujours, le procédé <[uc nous venons d'exposer. Mais dans toutes les figures il faut que les huit cubes soient employés et que chaque cube forme une partie essentielle du tout; car l'enfant doit sentir qu'il n'y a rien d'inutile, rien d'isolé, rien qui n'ait son but et sa raison d'être! lies jeux de Froebel habituent l'œil de l'enfant à voir, à trouver et à exiger partout l'harmonie des choses ; il font de l'enfant un observateur précis etattenlif, un constructeur habije. Après que la mèrelui aura ouvert la marche des inventions, l'enfant trouvera bien des compositions auxquelles nous n'aurions pas songé ; alors aussi il lui arrivera d'avoir fait une figure qui ne représente aucun objet, mais qui lui paraît être quelque chose. Les huit cubes y sont employés et chacun d'eux forme une partie essentielle de l'ensemble harmonique. Il y voit quelque chose, mais il ne saurait dire ce que c'est ; il ne peut le nommer, qu'en disant : « C'est beau ! » L'enfant appellera cetie espèce de figures, des formes de beauté, quelquefois, des rosaces, des étoiles. Nous les appelons : FORMES ARTISTIQUES. Ces formes révèlent à l'enfant la beauté de l'unité de l'harmonie; elles parlent à son âme, l'amusent, la réjouissent et éveillent en lui le bon goût, le senlimentdu beau. Nous en donnons une série, planche VI, VII, VIII, IX. Fig. 1. Quatre cubes réunis en carré forment le centre; les quatre autres cubes sont justaposés aux quatre côtés de ce carré. Fig. 2 à 7. Les quatre cubes extérieurs se meuvent autour du centre en s'avançantsuccessivement d'un demi-cube. Fig. 8à 14. Les quatre cubes mobiles présentent successivement aux côtés et aux angles de la forme centrale des éléments opposés, c'est-à-dire que l'on place angles contre faces et faces contre angles. Fig. 15. Les quatre cubes sont retirés du centre. Fig. 15 à 26. Ces derniers cubes font les mômes évolutions que nous avons vu faire par les premiers.
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On voit qu'à chaque nouvelle série nous partons d'une figure simple, de l'unité pour retourner vers le même point. C'est la loi générale de la vie dans la nature. Fig. 27 à 32. Les quatre cubes mobiles se placent en sens oblique et tournent ainsi, laces contre faces et angles contre angles, autour des cubes immobiles. Fig. 33. Les cubes mobiles sont réunis au centre. Fig. 34 à 40. Les autres cubes, placés en sens vertical, décrivent un mouvement autour de ce centre, Fig. 41. Les cubes du centre sont reculés d'un demi-cube. Fig. 42. Les cubes qui se sont promenés dans les dernières figures sont réunis au centre. Fig. 42 à 50. Les quatre autres cubes font autour de ce centre le mouvement de demi-corps à demi-corps. Fig. 51 à 55. Les cubes mobiles décrivent le même chemin, mais cette fois en s'avançant successivement d'un corps entier et en tournant leurs faces vers les faces et leurs angles vers les angles des cubes du centre. Fig. 56 à 60. Même mouvement, des cubes qui sont restés au centre. Fig. 61 à 66. Les cubes mobiles ont pris une position oblique et opposent des angles aux faces et des faces aux angles. Fig. 67 à 73. Les derniers éléments mobiles prennent place au centre ; les autres décrivent les mouvements précités. — Jusqu'ici nous avons fait tourner nos cubes à droite. Nous montrons par ces figures, ainsi que par les suivantes, qu'on peut aussi les faire tourner à gauche. Fig. 74 à 80. Même évolution avec opposition d'éléments semblables, faces contre faces et angles contre angles. On peut aussi former des séries par contrastes et intermédiaires : Après la fig. 1, où les faces sont placées contre faces, vient alors son contraste fig. 4, angles contre angles, et ensuite les intermédiaires, fig. 8 et 11. Ce procédé se répète avec les différentes formes fondamentales qui figurent sur nos planches, et notamment avec les fig. 15, 21, 26, 30, 32, 33,34,37, 41, 42, 46, 51, 53, 56, 58, 67, 73. Mais dans le cours de ces exercices, l'activité inventive de l'enfant trou-
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verra des formes que nousue pourrons ranger ni dans la première, ni dans la deuxième catégorie de nos figures. Par exemple, d'un seul coup il partage Yentier en deux; à'un il fait deux, deux demies, deux moitiés ; ces parties sont égales, elles ont la même forme, mais cette forme diffère de celle du cube; elles peuvent être placées de différentes manières et n'en former pas moins deux parties égales. Ces espèces de formes instruisent l'enfant ; ce qu'elles apprennent sont des vérités, des vérités de calcul, des vérités mathématiques. 11 pourra les nommer formes instructives, formes de vérités, nous disons : FORMES MATHÉMATIQUES. Nous nous sommes déjà occupé de ces formes quand nous avons fait observer le cube divisé. L'enfant étant maintenant plus familiarisé avec ce joujou, la mère pourra y ajouter plusde détails. Les exercices suivants pourront servir d'indication : L'entier (fig. 1, pl. III), divisé en deux demies. La mère montre le cube aux enfants et dit : Un entier, — elle le partage en deux : — deux demies. Cette opération est répétée plusieurs fois : Un entier, deux demies; un entier, deux demies. Ou remplace le mot demies par moitiés. Un entier, deuxmoitiés. On applique la même division sur toutes les dimensions. Un entier (fig. 1), deux demies (fig. 2) ; Un entier (fig. 1), deux demies (fig. 3) ; Un entier (fig. 1), deux demies (fig. 4). Dans une répétition on peut remplacer le mol demies par moitiés. Ensuite : Un entier (fig. 1), deux demies (fig. 2) ; Une demie, deux quarts (fig. 5) ; Unentier (fig. 1), quatre quarts (fig. S); Quatre quarts (fig. S), huit huitièmes (fig. 8); Huit huitièmes (fig. 8), un entier (fig. I).
�— 75 Observation des positions relatives que prennent les parties : Moitié ici, moitié là (fig. 2) ; Moitié avant, moitié derrière (fig. 3) ; Moitié dessous, moitié dessus (fig. 4). On peut aussi commencer par la dernière pose et remonter vers la première. Pour faire observer l'intérieur : La mère place les faces intérieures à l'extérieur et réciproquement, en disant : « Ce qui est dedans, se montre au dehors ; Ce qui est dehors, se place en dedans! » Le même exercice peut se faire avec d'autres objets. L'enfant s'amuse surtout quand il peut le faire avec ses deux mains. « En dehors, en dedans, Ainsi s'amuse l'enfant! » On peut aussi faire un exercice avec les doigts ; ceux-ci sont les parties, la main représente l'entier. Tantôt c'est peit(les doigts resserrés) tantôt beaucoup (les doigts ouverts), Vois les parties, et vois le tout ! »
Et en faisant promener les doigts d'une main sur ceux de l'autre : « Tantôt beaucoup et tantôt peu, N'est-ce pas là un joli jeu? » Les exercices avec les formes mathématiques, peut-être un peu arides pour quelques enfants, acquièrent de cette manière tout l'attrait d'un jeu.
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Remarquons, une fois pour toutes, que ces explications ne sont pas données pour que l'enfant sache les répéter le lendemain, le but principal est de lui donner des impressions. L'observation des objets matériels et de leurs mouvements est accompagnée de paroles, pourque deux sens principaux, la vue et l'owi'e, agissent deconcert sur le développement de l'âme ; que rien ne passe inaperçu devant les yeux et qu'aucun son n'arrivé à l'oreille sans que l'esprit ne cherche à lui trouver une cause et une signification.
�LE
QUATRIÈME
DON.
(BOÎTE RENFERMANT LE CUBE DIVISÉ EN
HUIT BRIQUES.)
« Faites vivre l'enfant, vivre de la vie active, avant « que vous l'initiez aux sciences, qui ne sont que le « résultat de la vie et de l'expérience. » B.
DE
M. (1)
Dans les cubes, les trois dimensions : longueur, largeur et hauteur sont égales. L'enfant n'a pu voir ces propriétés à différentes grandeurs, que par la réunion de plusieurs cubes. Dans le quatrième don, chaque pièce a trois dimensions différentes : Chacune des huit briques qui composërit le cube a une longueur qui est le double de sa largeur, et une largeur qui égale deux fois son épaisseur. Ces nouveaux matériaux se prêtent mieux que les cubes aux constructions; ils servent mieux encore au développement de l'intelligence, parce que la différence des faces de la brique oblige l'enfant de comparer et de calculer d'avantage pour produire l'harmonie, établir la symétrie et conserver l'équilibre. Leçon pratique. Mes enfants, voici une nouvelleboîle ; vous avez si bien travaillé avec la précédente, que maman vous fait cadeau de celle-ci. Nous allons en faire sortir le cube (en entier comme au troisième don). (1) Les notes signées « B. de M. » sont extraites des manuscrits de madame la baronne de Marenholtz.
10
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Combien de fois ce tube est-il divisé dans sa longueur? Est-il aussi divisé en largeur? Comment est-il divisé dans sa hauteur? Divisez lecube en deux. Vous avez déjà quatre parties; divisez-les encore une fois. Combien de pièces avez vous? Ces huit pièces ont la forme de brique ; connaissez-vous encore des objets qui ont cette forme ? Le livre, une boîte aux plumes, etc, Les faces d'une brique sont-elles égales ?— Non, la face supérieure et la face inférieure sont deux fois plus grandes que les faces latérales et cellesci sont le double des faces que vous voyez aux deux extrémités. Toutes vos briques sont posées à plat; posez-les de champ.— C'est ainsi que le briquetier place les briques quand il les fait sécher avant de cuire. Pouvez-vous les poser d'une autre manière encore? C'est un peloton de soldats qui font l'exercice. Vous avez donné à vos briques trois poses différentes. Voici un cube pour chacun de vous, essayez d'en faire autant. — Vous ne pouvez pas? — Non ; parce que les faces du cube sont égales. Réunissez vos briquettes deux à deux. — Quatre à quatre. — Formez le cube entier. Connaissez-vous une chose qui a la forme du cube ? La boite. Regardez l'intérieur de la boite ; que pouvez-vous mettre dedans? Le cube. C'est la place du cube, l'espace que le cube doit remplir ; c'est un espace cubique. Connaissez-vous d'autres espaces qui ont la même forme ? — Regardez la chambre. Il est très important de faire faire par l'enfant la comparaison entre les objets qui l'entourent et les ligures qu'il réprésente par ses joujoux ; celà pour deux raisons principales : d'abord pour donner plus de variétés, plus de vie au jeu lui-même et puis pour conduire de cette manière le
�jeune observateur dans le monde extérieur qu'il doit apprendre à connaître par l'analyse et la comparaison. Quand l'enfant connaît ses matériaux, on le laisse inventer des figures. Il commencera par
LES FORMES D'OBJETS USUELS. Nous croyons pouvoir nous dispenser de décrire encore une fois la manière de diriger ces occupations. Ce que nous avons dit pour le troisième don, sert aussi pour tous les autres. Nous donnons, pl. X, XI et XII, une série de 50 formes d'objets usuels trouvées par des enfants. 1. Le cube ; 2. 3. 4. o. 6. 7. 8. Un plancher, une table; Deux grandes planches ; Quatre planches plus petites ; Huit briques à bâtir: Un long mur pour le jardin ; Une nouvelle porte pour la ville ; Une autre porte de ville ;
9. Un rucher pour le voisin qui élève les abeilles ; 10. Une arcade; 11. Un passage; 12. Un clocher pour l'église; 13. 14. 15. 16. 17. 18. •19. 20. 21. Un pavillon ouvert pour le jardin ; Un pavillon à deux portes ; Une fosse pour les mineurs ; Une autre fosse; Un puits pour la petite ferme; Une fontaine que nous entourerons de bancs; Un jardin clos dans lequel vous piaulerez des fleurs ; Un jardin ouvert, où l'enfant peut conduire ses petits amis ; Un mane'sre,dans le quel l'enfant montera à cheval sur la canne de papa;
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22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 54. 55. 56. 57. 58. 39. 40. 41. 42. 45. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50.
Un bassin où il fera boire le cheval; Un tir; Un petit village; Un arc de triomphe ; Un carroussel; Un bureau pour papa ; Un double banc pour le jardin ; Un canapé pour la chambre des enfants ; Un grand banc pour la cour; Deux chaises; Tables et chaises de jardins ; Autre table pour les jeux de l'enfant; Une pierre commémorative pour placer sur un tombeau ; Une autre pierre monumentale ; Une idem ; Une croix tumulaire: Une idem; Un escalier tournant, pour une maison; Un double escalier; Une écurie pour les chevaux ; Un carrefour; Un tunnel pour faire passer le chemin de fer dessous ; Une pyramide; Une cible sur laquelle les hommes apprennent à tirer ; Une façade de maison; Un fauteuil avec un banc pour les pieds ; Un trône pour le roi ; Une rangée de briques ; Une série de rangées de briques.
Ainsi que nous l'avons dit au troisième don, la mère causera familièrement avec ses enfants au sujet de chaque figure, et mêlera à ses entretiens quelques anecdoctes utiles et amusantes. Exemples : Fig. 9. Le rucher. Vous connaissez bien l'abeille, n'est-ce pas, mes
�— 84 — enfants ; elle va de fleur en fleur pour chercher le miel que vous aimez tant. Elle demeure dans une espèce de panier, appelé ruche, que les hommes font à cet effet. En hiver les abeilles ne sortent pas, il n'y a pas de fleurs dans cette saison. Elles vivent alors du miel qu'elles ont recueilli en été... Or je vais vous raconter quelque chose de bien intéressant à propos de l'abeille : il y a quelques semaines le petit Henri, fils du voisin, était avec son père au jardin. Le père examinait ses abeilles; soulevant une ruche, il donna au petit Henri un rayon de miel ! Henri remerciait son père, sautait de joie et, sans autre examen, porta le rayon à la bouche ; il allait se régaler une bonne fois ! Mais tout a coup Henri laisse tomber son miel, jette de grands cris et travaille de ses deux mains à faire sortir de la bouche tout ce qu'il avait pris. — Henri avait été imprudent ; une abeille, que sa gourmandise avait empêché de voir, était entrée dans sa bouche et luiavait fortement piqué la langue. Les figures que nous avons données ne suffiront pas à l'enfant; c'est un jeu qui l'amuse beaucoup. L'arrêter ce serait paralyser son activité et contrarier le développement de son intelligence. FORMES ARTISTIQUES. Pl. XIII, fig. 1. Les briques forment quatre groupes contenant chacun deux pièces placées côte à côte. Ces groupes sont en rapport avec un centre commun. Fig. 2 à S. Une brique de chaque groupe se meut autour de l'autre en s'avançant successivement d'une demi-longueur. Fig. 6 à 10. oblique. L'élément mobile fait la même évolution en position
Fig. II. Les quatre briques qui ont formé le centre sont retirées vers l'extérieur. Fig. 12. Les quatre briques sont réunies au centre pour y rester en repos. Fig. 13 à 16. Les quatre autres éléments décrivent autour du nouveau centre le même mouvement qu'ont décrit les quatre premières briques dans les fig. 2 à 5.
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Fig. 17 à 23. Ces mêmes briques exécutent leur mouvement en gardant une position oblique. Fig. 24. Les éléments mobiles prennent des positions verticales ei horizontales. Fig. 25. Les briques du centre font le mouvement d'un demi-corps en arrière et se placent ainsi en cercle avec les éléments mobiles. Fig. 26. Ces derniers sont réunis au centre. Fig. 27 à 30. Les quatre autres briques, conservant leur position oblique, font autour du centre un nouveau mouvement de demi-corps à demi-corps. Fig. 31. Les éléments mobiles se placent côte à côte avec leurs éléments correspondants du centre. La série ne s'arrête pas ici ; l'enfant, dont le goût artistique commence à se développer, trouvera bien d'autres figures. Toujours aura-t-il soin de mettre tous les éléments en rapport avec le centre, afin de ne pas perdre de vue la loi de l'harmonie. On fera bien aussi de varier les séries en procédant quelquefois d'après la loi des conslrastes et des intermédiaires. FORMES MATHÉMATIQUES.
Les formes mathématiques produites au moyen des cubes étaient relatives à la division des corps, des solides ; celles que produisent les briques se rapportent à la division des surfaces. Mes enfants, vous avez devant vous le cube ; pouvez-vous en former un grand carré, une table? (Fig. a, pl. XIV.) Partagez ce carré par une coupe verticale en deux parties égales ? (Fig. b.) Peut-on le diviser en deux d'une autre manière? — Par une horizontale (fig. c). En combien de parties l'avez-vous divisé? Quelle partie du carré forme chacun de ces morceaux ? Combien de moitiés font un entier? Ces demis ont ils la même longueur que le carré?
�- 83 Et aussi la même largeur? Combien de fois la longueur est-elle plus grande que la largeur? Des quadrilatères comme ceux que vous avez formés, s'appellent des rectangles. Combien de rectangles avez-vous? Pouvez-vous donner des poses différentes à vos rectangles? Pouvez-vous retrouver le carré au moyen de vos rectangles?... Bien! séparez'les de nouveau. — L'institutrice ne doit pas oublier ici les comparaisons. L'enfant trouvera autour de lui bien des choses qui ont une forme carrée. Elles donneront lieu à des causeries amusantes et instructives et à la répétition des procédés que l'enfant a exécutés sur les objets de son jeu. — Mes enfants, divisez encore en deux parties égales chacun de vos deux rectangles (fig. d).— Combien départies avez-vous? Ce sont de petits carrés, ce sont des quarts du grand carré. Combien de quarts dans le carré entier? Combien de quarts dans un rectangle, un demi-carré? Combien de quarts font un demi ? Combien de quart font deux demis ? Je vais faire la même opération avec cette pomme, regardez : Je coupe la pomme en deux parties égales; qu'est-ce que j'ai? — Deux demi-pommes. Je partage chaque moitié encore en deux-, qu'ai-je maintenant? — Quatre quarts de pomme. Combien de quarts dans l'entier? etc. — L'institutrice peut faire la même opération sur d'autres objets encore. Ordinairement cette occupation amuse beaucoup l'enfant, et sans s'en douter, il acquiert facilement une connaissance parfaite de la division de l'unité. — Le grand carré peut aussi se transformer en rectangle (fig. e), et subir les mêmes divisions (fig. f, g, h, i), Après celle-ci vient la division en huit (fig. k). Au moyen des huit briques ont peut commencer à apprendre le calcul aux enfants.
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Le tableau qui figure sur la planche suivants : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. H. 12. 13. 14. 13. 16. 1 1 2 3 4 5 6 7 8 7 6 5 4 3 2 1
XIV, indique les exercices
+ + + + + + + — — — — — — —
2 1 1 = 3 1 4 \ S = 6 \ \ = 7 \ 8 \ = 7 1 6 = 5 1 1 = 4 1 = 3 i = 2 1 = 1
La mère, l'institutrice pourront faire pour les exercices de calcul un usage bien plus étendu du quatrième don; elles doivent se laisser guider par les aptitudes spéciales de leurs enfants et par le degré de développement de leur intelligence.
�LE
CINQUIÈME
DON.
(LE CUBE DIVISÉ
EN
VINGT-SEPT
CUBES.)
« « « « «
« Construire esll'activiléparexcellence,ce doilêtre le premier travail de l'enfant. Construire empêche de détruire, enseigne l'ensemble, l'équilibre, la symétrie, exerce le coup-d'œil, rend la main ferme et sûre. Construire, c'est la mission de l'homme sur la terre, où il doil ériger le temple de l'humanité. » B.
DE
M.
Chaque jeu procède d'un autre et engendre un troisième. Le dernier degré de développement donné au cube, c'est sa division en huit cubes égaux (troisième don). Ce développement a été obtenu en divisant le cube une fois en longeur, une fois en largeur et une fois en hauteur. La progression naturelle est celle où chacune de ces trois dimensions est divisée deux fois, c'est-à-dire en trois parties égales ce qui donne 3X3 X 3 ou 27 parties. Le cinquième don offre le cube divisé de cette manière en 27 cubes égaux. Cependant celte multiplication des parties ne constitue pas ici le seul progrès. Il y a un nouvel élément, qui ressort des combinaisons précédentes et qui doil entrer en jeu : c'est la ligne oblique. En effet, la ligne oblique est demandée par la ligne verticale et la ligne horizontale, deux opposées qui exigent une intermédiaire. Elle s'esi montrée déjà dans les formes artistiques où la réunion des angles et
H
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des bords fait apparaître la ligne oblique à côté de la ligne verticale et de l'horizontale. On obiient la ligne oblique parla division du cube, au moyen d'une diagonale, en deux parties égales. Mais l'oblique admet plusieurs positions, et d'abord elle peut être oblique à droite ou oblique à gauche. Nous les trouvons toutes les deux réunies dans le cube divisé eu quatre sur les deux diagonales d'une de ses faces. Les 27 cubes du cinquième don se divisent comme suit : 21 cubes entiers; ô cubes divisés en demis, et 3 cubes divisés en quarts. Pour faciliter les constructions il est bon que les cubes divisés se trouvent dans la coucbe supérieure du don, quand il est sorti de sa boîte. Leçon pratique ayant pour but de faire connaître le nouveau joujou. Mes enfants, voici encore le cube (le cube divisé se trouve en entier devant l'enfant); n'est-il pas plus grand que le cube que je vous ai'donné précédemment ? A-t-il la même forme que les autres cubes? Combien y a-t-il de faces? — Comptons-les. Combien une face a-t-elle d'angles? Comptons-les en les montrant du doigt. Combien a-t-elle de bords? — L'observation exacte de l'entier est toujours nécessaire ; elle donne à l'enfant l'idée de l'unité, l'idée d'un tout, elle lui fait connaître la matière qu'il travaille et qu'il transforme d'après sa volonté et les lois du développement. Ce cube n'est-il pas divisé? Regardez bien ses divisions; longueur : une, deux; — largeur : une, deux ; — hauteur : une, deux. Combien de fois est-il divisé en longueur? Combien de fois en largeur? Combien de fois en hauteur? Je divise la longueur ; combien cela donne-t-il de parties? La largeur, combien de parties ?
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Et la hauteur, combien? (On place les trois couches les unes à côté des autres.) Vous voyez que la hauteur divisée donne trois tables carrées ; nous les divisons encore en trois, en trois rangées (trois bancs). Combien de rangées dans ce carré-ci? Combien dans celui du milieu? Et combien dans celui-là ? Combien en tout? Comptons-les. Divisons encore chaque rangée en trois cubes (trois chaises). Combien de cubes fournit une rangée? — Trois. Combien de fois avons-nous trois cubes? Il y a neuf fois trois cubes ; combien de cubes cela fait-il eu tout? — Comptons-les. — Celte analyse régulière du cube est pour l'enfant d'une grande importance; elle lui donne l'idée de la division de la matière, la clef delà connaissance exacte des cboses. On peut déjà faire suivre ici quelques inventions ; pousser les explications mathématiques jusqu'au bout, ce serait fatiguer l'enfant et épuiser son intelligence. Dans une autre leçon l'institutrice peut y ajouter ce qui suit : Votre joujou est donc divisé en vingt-sept cubes. Prenez-en un dans la main et examinez-le. Combien a-t-il de faces? Comptez-les en les montrant du doigt. Ces faces sont-elles égales? Elles ont Combien Combien Combien Combien la forme d'un carré ; combien y a-t-il d'angles dans chaque face? de bords? le cube a-t-il de coins ? d'angles réunis dans chaque coin ? de bords?
Posez-le sur la table. — N'y a-t-il pas des cubes divisés? Placez à part un cube divisé en deux ; — l'une de ses faces tournée vers vous. — Par quelle espèce de ligne ce cube est-il divisé? — Par une oblique.
�— 88 Quelle est la direction des bords? Deux bords sont verticaux et deux sont horizontaux. Voyez-vous autour de vous d'autres lignes verticales? — Montrez-en. Et des lignes horizontales? Séparez les deux moitiés de votre cube. Quelle est la forme que représentent les faces supérieures de ces parties? — Ce sont des triangles. Ces triangles sont-ils de même grandeur? — Ces notions pourraient paraître, à quelques personnes, trop compliquées et trop abstraites. Cependant, comme l'enfant a les objets matériels pour résoudre, d'une manière intuitive, les questions que nous lui posons, il en trouvera les réponses plus aisément que nous ne le croyons. S'il y a des réponses trop difficiles au premier abord, une mère intelligente finira par les faire trouver à l'enfant. — Prenez en main l'un des demi-cubes. Combien a-t-il de faces? Montrez-les du doigt et comptez. Ces faces ne sont pas toutes de même grandeur. N'y a-t-il pas deux faces égales ? Montrez les faces qui sont égales deux à deux? L'autre face forme un carré plus long que large ; c'est un rectangle. Posez le demi-cube sur la table; sur quelle face repose-t-il? — Sur une de ses faces triangulaires. Pouvez-vous le poser autrement? — Sur une de ses faces carrées. Comment encore? — Sur sa face rectangulaire. Combien cela fait-il de poses différentes? —• Ce genre d'exercice amuse l'enfant ; il y voit le même objet sous différents aspects. — Combien y a-t-il de cubes divisés en deux? Combien cela fait-il de demi-cubes? N'y a-t-il pas des cubes divisés autrement? — On abandonnera ces sortes d'exercices aussitôt que l'on sentira que l'attention de l'enfant va faillir, pour ramener celle-ci par un jeu plus divertissant. — x Placez devant vous un cube divisé en quatre.
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Par quelle espèce de ligne est-il divisé? Ces deux obliques ont-elles la même direction? Non, l'une va à droite, l'autre à gauche ; ce sont deux obliques opposées. Comment nommez-vous chaque partie du cube divisé en quatre? — Ce sont des quarts. Prenez un quart du cube et comparez-le au demi-cube. Combien de quarts faut-il réunir pour avoir un demi? Combien de quarts dans le cube entier ? Combien y a-t-il de cubes divisés en quatre? Comptez les quarts. Ainsi la boite contient : 21 cubes non divisés; 6 demi-cubes et 12 quarts de cube. En tout? — 39 pièces. — Outre que cet exercice offre un excellent moyen de calcul, il fournit à l'enfant, comme nous le disions tantôt, une connaissance exacte de ses matériaux; connaissance nécessaire pour la conception et l'exécution de ses inventions. Réunissez vos quarts de cubes, quatre par quatre. Vous avez trois cubes. Formez en trois de vos six demis. Rangez vos cubes en lignes de trois; combien de rangées avez-vous? Placez ces rangées les unes à côté des autres, trois par trois ; vous avez ? — Trois carrés. — Superposez-les et mettez en dernier lieu le carré renfermant les cubes divisés. Vous avez? — Le cube. Quand l'enfant s'est familiarisé avec ses matériaux, on le laisse construire librement. Cependant, rappelons encore ici que l'enfant ne doit jamais détruire; le sentiment destructeur ne peut trouver aucun éveil en lui. Il doit transformer une figure pour en produire une autre. Le point de départ peut être choisi, il est libre, mais une fois entré dans l'une ou l'autre voie de développement, l'enfant doit continuer progressivement, et former de petites séries, telle que la suivante :
SÉRIE D'OBJETS USUELS (PL. XV
KT
XVI).
Il est entendu que la mère entretient son enfant à propos de chaque nou-
�velle figure. Les détails que nous avons donnés à ce sujet dans le troisième et dans le quatrième don nous permettent de nous abstenir ici de plus longs commentaires. 1. 2. 3. k. o. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. Le cube. Uu gradin pour y placer des fleurs. Une grande chaise, Un fauteuil. Un lit pour l'enfant. Un sofa pour la maman. Un puits où l'on prendra l'eau pour laver l'enfant. Une maison ouvrière. Une maison pour le cultivateur. La maison communale. L'église, ' La chapelle avec ermitage. Maisonnettes et jardin. Une porte ayant trois passages. Une porte avec deux fenêtres. Un château. Une porte de la ville. Une grande croix.
Il faut voir l'enfant à l'oeuvre pour comprendre le développement immense que ces occupations donnent à son intelligence et à ses sentiments. Il commence par faire des maisons, des chambres, des tables, des chaises, des bancs et d'autres objets qui l'entourent. Ce cercle s'élargit peu à peu, il passe par le jardin pour arriver dans la rue; là il observe et construit l'église, la maison communale, le marché, le pont, etc. Les idées qu'il avait de ces choses se fortifient et s'éclaircissent par l'observation des détails ; ses connaissances s'étendent et s'approfondissent ; son cœur et son jugement se forment sous l'influence des entretiens que la mère a soin d'attacher aux figures qu'il a produites. Parmi les formes que l'enfant aura trouvées dans la série précédente il en
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rencontrera qui, par leur construction symétrique, se rapprochent des figures artistiques ; on peut prendre l'une de ces formes ou toute autre figure, comme point de départ pour : LA SÉRIE DES FORMES ARTISTIQUES (PL. XVII, XVIII, XIX, XX ET XXI). Nous parlons ici d'un carré formé par neuf cubes, entouré de quatre triangles rectangles égaux (fig. 1). Le développement de cette figure peut être commencé de différentes manières : ou on peut l'opérer d'abord par le carré central et suivre des variations semblables à celles que nous avons données, pl. VI, VII, VIII et IX ; ou on peut commencer par le développement des quatre triangles, soit vers le centre, soit vers le contour. Pour que l'enfant ne s'embrouille pas, il est bon qu'il fasse une petite série de chaque genre de développement. Comme modèle nous donnons une série dans laquelle nous commençons par les quatre triangles, el où nous passons successivement par tous les genres de développement (pl. XVII à XXI). Comme les figures indiquent clairement les modifications successives que subissent ces formes, nous nous abstenons ici d'une explication qui serait par trop aride. 11 est évident que l'enfant ne se retrouverait pas dans des séries aussi longues ; il en fait de petites. Le forcer à marcher dans une série aussi compliquée, ce serait le conduire dans un dédale d'où il ne sortirait que par la destruction de sa forme. Cela doit être évité : l'enfant doit voir clair dans toutes les positions où il se trouve; il doit savoir comment il y est arrivé et il doit connaître le moyen d'en sortir par une opération régulière. Sans cette condition, le jeu deviendrait sec et fatigant et perdrait de son utilité. FORMES MATHÉMATIQUES (PL. XXII XXIII).
ET
Les formes mathématiques ne sont pas les moins importantes du cinquième don. Peut-être voudra-l-on reprocher à Froebel de s'occuper trop de mathématiques. Cependant il ne faut pas perdre de vue, d'abord que ce
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n'est jamais comme science, mais bien comme moyen de développement intellectuel, comme base de jugement, d'un raisonnement juste que Froebel les présente à l'enfant; puis, qu'il ne les enseigne jamais seules, qu'il les accompagne toujours de formes artistiques, afin d'unir le plus étroitement possible le principe des arts et des métiers, chose qui est devenu un besoin de notre époque. La première série de formes mathématiques donne toutes les divisions régulières du cube : 1° en trois; 2° en neuf et 3° en vingt-sept (fig. 1 à 7, planche XXII). Dans chacune de ces divisions, les parties sont de même forme et de même grandeur. Les corps peuvent avoir aussi même forme et grandeur différente (comparez les fig. 1 et 7). Et réciproquement, le même volume peut se présenter sous plusieurs formes : — Mes enfants, prenez un cube entier et placez-le devant vous. Prenez un cube divisé en deux. Placez les deux moitiés sur le premier cube, angles sur angles : le cube divisé est-il aussi grand que le cube entier? Les deux cubes sont de même grandeur. Séparez les deux demi-cubes; on peut les unir encore de deux autres manières; cherchez? — On peut faire cette opération avec trois différents cubes divisés, et mettre ainsi en présence trois formes différentes, présentant le même volume. La variation de la forme est plus diverse dans les cubes divisés en quarts. On fait ensuite le même exercice sur le don entier : Faire chercher toutes les divisions possibles en deux, en trois, en quatre, en six, en neuf, en douze; de manière que l'enfant voie sous différents aspects des demis, des tiers, des quarts, etc. (fig. 8 à 18), Si, après chacune des divisions précédentes, l'enfant superpose ses parties, il obtiendra chaque fois une transformation du grand cube : autre forme et même volume. On peut aussi mettre en présence des tiers de formes différentes, des neuvièmes de formes différentes, etc. Il importe que l'explication verbale accompagne toujours la démonslra-
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tion intuitive et que la première ne se donne jamais sans la deuxième. La parole doit exciter l'attention et rendre l'impression plus vive; l'intuition, l'analyse, et la synthèse des objets matériels, le travail instructif doivent fournir les démonstrations et laisser leurs traces dans l'esprit de l'enfant. Après avoir considéré le cinquième don sous le rapport du volume, on peut l'envisager sous le rapport des surfaces qu'il figure. Les fig. 19, 20, 21 et 22 donnent les différentes surfaces régulières que le cube développé peut représenter. L'une de ces figures a donné naissanceà l'autre : on a coupé un demi carré au côté droit du rectangle (fig. 19), pour l'ajouter au côté gauche et obtenir ainsi le parallélogramme (fig. 20). Le demi-carré, restant au côlédroit, tourné avec l'angle droit vers la base, fuit trouver le trapèze (fig. 21). En plaçant les deux demi-carrés au dessus, on figure un pentagone irrégulier, (fig. 22). Ces figures peuvent donner lieu à une foule de questions sur les notions géométriques; ont peutles poser à l'enfant qui est déjà assez âgé pour pouvoir s'y intéresser. Il est un exercice qui amuse beaucoup l'enfant; c'est de faire avec les cubes du cinquième don autant de figures semblables que possible. Elles peuvent être de trois espèces : la première n'admettant que des figures de grandeur égale, la deuxième se composant de figures semblables de grandeur différente et la troisième réunissant des figures semblables de grandeurs facultatives. Nous en donnons un exemple. Le CUBE fournit : A. Carrés égaux : Trois carrés de 9 cubes chacun (fig. 3, pl.
XXÏI).
B. Carrés inégaux : Deux carrés : un de 25 et un de 2 cubes ; un de 18 et un de 9 (fig. 23 et 24, pl. XXIII). Trois carrés : un de 16, un de 9 et un de 2 cubes, (fig. 25). Quatre carrés : un de 16, un de 8, un de 2 et un de 1 cube. Cinq carrés : un de 16, un de 4 1/2, un de 4, un de 2 et un de 1/2. Nous avons cru pouvoir nous abstenir de donner toutes les figures, parce
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que, les mêmes formes se répétant à tout moment, nous avons pensé que nos indications suffiront pour mettre l'institutrice sur la voie. C. Réunion de carrés égaux el de carrés inégaux : Trois carrés : un de 25 et deux de 1 cube.
Quatre carrés : deux de 9 et deux de 4 1/2. deux de 9, un de 8 et un de 1 ; un de 16, deux de 4 1/2 et un de 2 cubes, un de 16, deux de 4 1/2 et deux de 1 ; Cinq carrés : un de 16, un de 8, un de 2 et deux de 1 ; deux de 9, un de 41/2, un de 4 et un de 1/2 cube, deux de 9, un de 4 1/2, deux de 2 et un de 1/2 cube, Six carrés : un de 9, un de 8, un de 4, deux de 2 et deux de 1 ; Sept carrés deux de 4 1/2, quatre de 4 el un de 2 cubes, un de 9, un de 8, un de 4, un de 2 et quatre de 1 ; Huit carrés un de 4 1/2, cinq de 4, un de 2 et un de 1/2 cube ; Neuf carrés : Dix carrés : Onze carrés : Douze carrés six de 4, un de 2 et un de 1 cube, un carré de 9, un de 8, un de 4, un de2, trois de 1 et deux de 1/2 cube, cinq de 4, trois de 2 et deux de 1/2 cube, quatre de 4, quatre de 2 et trois de 1 cube, cinq de 4 et sept de 1 cube, etc., etc., elc.
Le même exercice peut se faire pour toutes les formes qui entrent dans les combinaisons des cubes du cinquième don; triangles, parallélogrammes, elc. Cela donne une petite idée des ressources immenses qu'offrent aux occupations de l'enfant les boites à jeux de Frédéric Froebel ! Ce n'est pas seulement au jardin d'enfants que le cinquième don rendra des services ; c'est à l'école, cnlre les mains d'enfants plus âgés, qu'il sera d'un usage très-avantageux dans les démonstrations géométriques. Nous avons déjà vu comment la superposition de deux formes donne la démonstration intuitive de leur parfaite égalité. Dans les fig. 26" et 264, Froebel donne la solution visible du théorème qui demande en géométrie de grands raisonnements abstraits. Ce théorème
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est celui où il est démontré que le carré de Cypothènuse du triangle rectangle est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Le triangle rectangle a (fig. 26*26') a sur son hypolhénuse le double carré d et sur ses deux côtés les carrés b et c. En les superposant on voit que d = 6 + c. Le triangle e est plus grand que a ; la même démonstration néanmoins s'applique à celui-ci. Dans les fig. 27 et 274 le même théorème reçoit plus d'étendue. Les cubes du cinquième don offrent une grande ressource à l'enseignement des éléments géométriques. Vouloir tout indiquer ici serait tenter l'impossible. Nous remettons la matière au professeur et à l'enfant : il vaut mieux que ce dernier y trouve lui-même les éléments dont il a besoin pour aider son intelligence, et rendre sensible tout ce qui est quelque peu abstrait.
Nous avons donné des formes d'objets usuels, des formes artistiques et des formes mathématiques. Cependant l'enfant trouvera des figures qui les réunissent tous ; car le système Froebel unit par des intermédiaires tous les contrastes et produit un ensemble harmonique.
LES CUBES DANS L'ENSEIGNEMENT DU CALCUL.
Les cubes fournissent un exellent moyen d'intuition pour l'enseignement du calcul, surtout pour la multiplication et la division, pour la formation des carrés el des cubes, et pour l'extraction des racines. ■■ Deux fois 2 font 4. Deux fois 3 font fi.
■ ■■I
',eilx f°'s & f°nl 8, etc.
On peut faire voir sur la même figure que 2X3=3X2; 2X4=4X2; etc,
�- 96 De même que l'on fait la multiplication avec 2, on peut la faire avec tous les autres nombres. ■ La division présente la même facilité :
am
dans
mn
n H, 2 fois ;■ ■ dans ■ ■, 3 fois ; m m dans a M, 4 fois, etc.
L'élévation au carré et l'extraction de sa racine se présente à la compréhension de l'élève d'une manière palpable. Le carré de
■ ■' ■ ■■
Le carré de
■ ■■■
Le carré de ■
■ ■ ■ = ï Ï Ï ï> etc.
La racine carrée de ■■ = 2 ;
■ ■■
La racine carrée de = 3, etc. En manipulant les cubes, l'enfant fixe mieux son attention, et puisque rien n'est abstrait, le calcul devient un jeu pour lui.
�LE SIXIÈME DON.
(LE CUBE DIVISÉ EN
VINGT-SEPT BRIQUES.)
« Sans se connaître lui-même, sans connaître les « lois d'après lesquelles il se développe, l'homme ne « pourra atteindre la perfection à laquelle il esl desti" né par le Créateur. Il ne sait ce qu'il est. que par ce « qu'il produit. Faites donc produire par l'enfant dès « le commencement de sa vie, pour que son activité « lui révèle ce qu'il est el ce qu'il peut. » B. DE M.
Le sixième don est pour le quatrième, ce que le cinquième est pour le troisième. Le premier est la progression du second. Les 27 briques du sixième don se divisent comme suit : 18 briques entières, semblables à celles du quatrième don ; 6 briques divisées, chacune en deux carreaux ; 3 briques divisées, chacune en deux colonnes. . De manière que cette boîte contient 56 pièces de trois formes différentes. Ce don se prèle à tous les exercices que nous avons indiqués au quatrième don; cependant il permet de donner à ceux-ci un plus grand développement. Les enfants se familiarisent d'abord avec leurs matériaux : Le cube sorti de sa boîte présente six couches de briques superposées. Faites-les enlever successivement par les enfants, qui sont obligés de les placer dans un certain ordre sur la table. Faites réunir ensuite les pièces semblables. L'enfant aura une collection de briques, une collection de carreaux et une collection de petites colonnes.
�— 98 — Faites compter chaque collection. Demandez la description de chaque forme. Celle des briques, comme nous lavons donnée au quatrième don. Et celle des carreaux et des petites colonnes d'une manière analogue. Faites ensuite des questions sur les différents rapports qui existent entre ces trois pièces : Mes enfants, prenez une brique entière ; combien faut-il de carreaux pour la couvrir? — Deux. Combien faudrait-il de petites colonnes? — Deux. Posez la brique de champ ; combien faut-il superposer de carreaux pour arriver à la même hauteur? Placez votre brique sur la plus petite de ses faces ; avec combien de carreaux pouvez-vous atteindre sa hauteur ? Cl combien faudrait-il à cet effet de petites colonnes? Faites un mur avec une brique et placez à chaque extrémité une colonne deux fois aussi élevée que le mur, etc., elc. Ce genre d'exercices peut servir d'introduction aux constructions avec le don entier : ils initient l'enfant à l'emploi de ses matériaux.
FORMES D'OBJETS USUELS. C'est pour les constructions que le sixième don offre le plus de richesse. Parlant des exercices préparatoires que nous avons donnés, l'institutrice peut continuer : 1. Avec 1 carreau et 1 pelile colonne, élevez unecolonne sur un piédestal. 2. Avec 4 briques el 4 petites colonnes, formez un puit de trois carreaux de longueur, deux de largeur et un demi de profondeur. 3. Avec 5 briques, 2 carreaux el 2 petites colonnes, construisez une façade avec porle et deux fenêtres, ayant six carreaux de longueur el trois de hauteur, etc., etc. Il suffit de jeter un coup-dœil sur la série suivante, pour être convaincu du remarquable développement que doit acquérir l'intelligence de l'enfant sous l'influence des occupations du sixième don, dans lesquelles le jeune
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inventeur unit constamment le travail artistique au calcul mathématique, la beauté à la précision, à la justesse. Nous donnons pl. XXIV, XXV el XXVI ; 1. Une maison découverte. (Chaque construction, sur nos planches, est accompagnée de son plan.) 2. Une colonnade. 3. Un portail. 4. Une autre colonnade. 5. Un autel. 6. Une colonne élevée à l'honneur de Frédéric Froebel qui a donné aux enfanls tous ces jolis joujoux. Il les aimait tant, les enfants! 7. Un monument funéraire. 8. Trois colonnes. 9. Une façade de maison. 10. Une maison non couverte. M. Une façade avec balcon. 12. Une aulre façade. 13. La maison du jardinier. 14. Une maison sans toit. 15. Une jolie colonnade. 16. Une galerie formée par des colonnes. 17. Un beau monument. 18. Un aulre monument. L'institutrice n'oubliera pas d'accompagner les travaux de ses élèves de quelque causerie. C'est le moyen de donner au jeu plus d'animation, plus d'attrait et de lui donner une plus grande valeur au point de vue du développement moral et intellectuel de l'enfant. FORMES ARTISTIQUES. Quoique ces figures ne soient pas aussi intéressantes que les formes d'objets usuels, nous ne pouvons pas les négliger, car ce serait priver le système Froebel d'une de ses parties importantes, essentielles. Comme la marche de la méthode a déjà été longuement traitée dans les
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jeux précédents, nous pourrons passer ici plus rapidement- Nous nous bornerons à donner, comme indication et exemple, la série suivante : (Pl. XXVHet XXVIH.) Dans la fig.l, deux petites colonnes, placées verticalement Tune sur l'autre, occupent le centre. Quatre briques se rangent en carré autour de ce centre. Quatre autres briques forment sur ce centre une croix droite, entre les bras de laquelle se placentqualre carrés de 9 carreaux, 4 l/2briques, chacun. Cette figure est transformée dans les onze figures suivantes. — A mesure qu'une nouvelle pièce doit être déplacée, on l'indique par une lettre dans la forme précédente. Dans la série que nous donnons, le centre ne change pas ; on peut continuer celle-ci ou bien en faire une nouvelle par le développement de la partie centrale. Ceci, du reste, doit être abandonné à l'activité libre de l'élève. FORMES MATHÉMATIQUES. Avec ce don les enfants ne pourront figurer d'autres formes régulières que le carré et le rectangle. La planche XXIX donne tous les carrés que l'on peut faire avec les matériaux du sixième don. On peut de la même manière faire un certain nombre de rectangles. Le carré de 6 ne se produit pas exactement par le contenu de la boîte : après avoir formé ce carré, il reste quelques pièces qui, étant jointes symétriquement au carré, en forment un intermédiaire entre les formes mathématiques et les formes artistiques (fig. 6, pl. XXIX). Le carré de 7 peut également être trouvé par les matériaux du sixième don, mais alors il reste S carreaux non employés (fig. 7a 7b). L'institutrice peut appliquer ce don pour l'enseignement d'un grand nombre de notions mathématiques. Elle peut, comme ci devant, faire voir le même volume sous diverses formes, comme elle peut produire les mêmes formes avec des volumes différents. Les indications que nous avons déjà données à cet égard, doivent suffire pour guider la mère dans ce genre d'exercices. L'étude des surfaces atteindra un plus ample développement dans les chapitres suivants.
�DES SURFACES.
LE CARRÉ.
« « « « «
o II ne faut pas à l'enfant les choses toutes faites : il lui faut des matériaux pour les produire luimême. — L'imagination ne se développe pas autant par ce qui est fait, que par ce qu'elle crée. El le caractère demande, pour se fortifier, l'activité plutôt que la contemplation ! »
B.
DE
M.
Froebel veut que l'enfantarrive à l'abstraction par l'observation de l'objet même, quant cet objet peut être placé sous les yeux de l'enfant. C'est pourquoi il a fait conslruire d'abord avec des cubes. L'enfant a vu parmi les figures qu'il a produites une chaise, une table, une maison, etc. Dans la série suivante, il se rapprochera de l'image abstraite, il ne verra plus que les dessins de ces objets. Ces dessins seront donnés d'abord par des surfaces, des planchettes, puis par des lignes mobiles, des petits bâtons et finalement par la ligne dessinée. L'enfant a vu des surfaces, des lignes et des poinls dans le cube. Pour montrer clairement que la surface provient de l'analyse du cube, on applique un carré sur chacune des faces de ce dernier. — Le cube présenté de celle manière à l'enfant, lui donne, comme aux jeux précédents, l'impression d'un tout régulier. — On fait prendre par l'enfant le carré supérieur ; on fait tomber les quatre carrés latéraux, et l'on retire le cube. L'élève a ainsi un carré en
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mains et cinq carrés devant lui sur la table. L'institutrice peut alors l'entretenir de la manière suivante : Qu'avez-vous en main, mes enfants? — C'est une plaque carrée, c'est un carré. Connaissez-vous encore quelque chose qui est carrée? Combien votre carré a-l-il de bords? Regardez bien si ces bords sont égaux. Ces bords ont-ils tous la même direction ? IN'y en a-l il pas qui ont la même direction? Montrez deux côtés qui ont la même direction? Vous savez déjà que deux lignes qui ont la même direction sont deux lignes parallèles. Montrez encore deux lignes parallèles. Ne voyez-vous pas dans votre chambre deux autres lignes parallèles? — L'institutrice doit toujours faire chercher dans d'autres objets les propriétés que l'enfant rencontre dans ses joujoux. Elle fera bien aussi d'y rattacher quelques entreliens amusants, afin de prévenir l'aridité de ces exercices qui sont cependant nécessaires. — Combien votre carré a-t-il d'angles? Montrez-les. — Ce sont quatre angles droits. Ajoutez votre carré à ceux qui sont sur la table; vous pouvez figurer une croix; ce sont les faces du cube développées en une seule surface plane (fig. i, pl. XXX). Combien de carrés avez-vous? Ces carrés sont-ils égaux ? — Quand l'enfant connaît assez bien ces éléments on peut lui faire composer quelques autres formes, par exemple : Placez le carré supérieur et le carré inférieur sous les deux bras de la croix ; quelle figure avez-vous? — C'est un rectangle (fig. 2). — L'inslilulrice peut faire ici différentes questions sur la grandeur et sur les éléments de la nouvelle figure. Placez le carré supérieur de la droite, au-dessus de celui de la gauche, YOUS figurez un escalier en forme de triangle rectangle (fig. 5).
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Le triangle acutangle est figuré par la double échelle (fig. 4). Enfin le triangle obtusangle se trouve dans le gradin représenté par la o. Ces trois dernières figures sont les éléments fondamentaux de la théorie des surfaces. L'enfant a déjà pu les apercevoir ici ; nous allons les soumettre méthodiquement à son examen. Mais avant de passera ces exercices, on peut laisser l'enfant chercher d'autres figures composées des six carrés, s'il y est disposé,
LE TRIANGLE RECTANGLE ISOCÈLE.
De même que nous avons passé du cube entier au cube divisé, nous passons du carré au carré divisé. Le carré divisé par une diagonale fournit deux surfaces, deux triangles rectangles isocèles, c'est-à-dire des triangles qui ont un angle droit et deux côtés égaux. Ces deux triangles sont égaux. Leçon pratique. — (On remet aux enfants un carré divisé en deux) :" Mes enfants, je vous ai donné un carré, un carré divisé-en deux) : Placez le carré devant vous sur la table en joignant bien les deux morceaux. Par quelle espèce de ligne votre carré est-il divisé? Où est le point de départ de cette oblique, et où aboutit-elle? — Elle part d'un angle du carré et aboutit à l'angle opposé. Ces deux angles ne sont-ils pas divisés également par la ligne oblique? En combien de parties? Posez les deux moitiés du carré l'une sur l'autre et dites-moi si elles sont égales? Prenez en main un de ces triangles; combien a-t-il de côtés? Montrez-les. Montrez le plus grand de ces côtés (l'hypolhénuse). Les deux autres côtés sont-ils égaux? Oui, ils sont égaux. — Combien y a-t-il d'angles à votre triangle? Montrez-les. Tous ces angles sont-ils égaux? Montrez-moi deux angles égaux. Le troisième angle est-il plus grand ou plus petit que les deux autres?
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Il est plus grand, c'est un angle droit. Attention maintenant : l'angle droit est opposé au plus grand côté. Les deux autres angles, étant plus petits, plus pointus que l'angle droit, sont appelés angles aigus, — Si, malgré les causeries que l'institutrice y ajoute, ce jeu devait cesser d'amuser l'enfant, on passerait immédiatement à un autre exercice en réservant le reste pour une prochaine leçon. Réunissez vos deux triangles pour former le carré. — Combien d'angles avez-vous dans ce carré? Ces angles sont-ils égaux? Oui, ce sont quatre angles droits. Le carré a donc quatre angles droits ; combien de ces angles sont divisés? — Deux de ces angles sont divisés en deux demi-angles droits. Combien de demi-angles droits y a-t-il en tout? Séparez vos deux angles. Combien de demi-angles droits avez-vous dans un triangle? — Deux demi-angles droits. Et combien de demies faut-il pour avoir un entier? Les deux demi-angles droits dans votre triangle valent donc un angle droit. Ajoutez à cela l'angle droit opposé au grand côté, cela fait en tout?... Un angle droit et deux demi-angles droit ou deux angles droits. Les trois angles du triangle rectangle isocèle valent donc ensemble deux angles droits. — Nous ferons remarquer en passant que ces notions sont destinées à être données à l'école plutôt qu'au jardin d'enfants. — Quand l'enfanta bien considéré les triangles individuellement, on lui fait chercher d'abord toutes les poses d'un seul et puis les différentes poses que peuvent prendre les deux triangles. Dans B (fig. 1 à 7, pl. XXX) le triangle du côté gauche reste immobile, tandis que l'autre fait autour de celui-ci un mouvement dans lequel il conserve toujours la même position (l'angle droit vers la droite supérieure). Dans C (fig. 1 à 7) le triangle mobile se promène autour de l'autre en présentant son plus grand côté successivement à chacun des côtés de celui-ci.
�- 105 — Dans D (fig. 1 à 7) le premier triangle tourne autour du second de telle manière qu'à chaque figure deux côtés ou bien deux angles égaux se touchent. Dans la progression des solides, Froebel s'est basé sur la division des corps; ici la matière du jeu se multiplie : après les deux triangles il en donne quatre. — Mes enfants, vous avez quatre triangles. Placez-les tous les uns sur les autres et regardez s'ils sont parfaitement égaux. Tous ces triangles ont-ils un angle droit? Prenez en main un triangle et montrez son angle droit. Posez ce triangle sur la table, bien verticalement, l'angle droit à la droite inférieure (fig. a, pl. XXX, lilt. E). Prenez un second triangle; montrez son angle droit. Pouvez-vous lui donner une position opposée à celle du triangle précédent? Comment l'avez-vous placé? — L'angle droit était à droite, je l'ai placé à gauche; il occupait le bas de la figure, je l'ai tourné vers le haut (fig. b). Le second triangle a donc son angle droit à la gauche supérieure. Celte figure forme le contraste de la première. Ne pourriez-vous pas trouver un intermédiaire? — Oui, en plaçant l'angle droit sur la base, comme dans a et au côté gauche comme dans b (fig. c). — N'y a-t-il pas un second intermédiaire. — On peut placer l'angle droit à droite comme dans a et lui donner la position supérieure comme dans b (fig. d). — Vous avez quatre triangles posés de manières différentes ; ce sont quatre éléments pour la composition des figures nouvelles. Réunissez-les tous les quatre, en ayant soin de placer au centre tous les angles droits (fig. 1,E, pl. XXX). Faites l'opposé. Expliquez comment celle figure est l'opposée de la première? — Les angles droits qui se trouvaient à l'intérieur sont tournés vers l'ex-
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(érieur (fig. 2). Le centre de la première figure était plein, celui de la seconde est vide. — Ce vide a la même grandeur et la même forme que la première figure, ce qui conduit l'enfant à l'abstraction, car il voit, pour ainsi dire, dans ce vide, l'absence des planchettes carrées; il perçoit la notion de carré vide et même de cube vide comme il avait perçu la notion de carré pleinetde cube plein : la notion d'une forme matérielle l'a conduit méthodiquement à la perception d'une idée abstraite. — Pouvez-vous trouver une forme intermédiaire? — Oui, en plaçant tous les angles droits moitié à l'intérieur et moitié à l'extérieur (fig. 3). Vous pouvez encore poser cette dernière figure en sens opposé (fig. 4). Ne connaissez-vous pas d'autre intermédiaire? — On peut placer deux angles droits au centre et deux moitié, à l'intérieur et moitié à l'extérieur (fig. 5). — Faites la même forme et posez-la en sens opposé (fig. 6). On en fait de même pour les figures 7 et 8. On fera voir aisément à l'enfant, que ces figures intermédiaires ne forment pas à elles seules un tout harmonique. Cependant leur réunion produit les plus belles formes artistiques. Quand l'institutrice en sera arrivée là, elle fera bien de répéter la leçon que nous venons de donner pour arriver à ces quatre dernières figures. — Mes enfants, vous avez placé au centre tous les angles droits de vos quatre triangles; ne pouvez-vous pas en faire autant avec les angles aigus? (fig. 9). Vous remarquez que dans celle forme l'angle droit est tout isolé; il n'est pas soutenu et semble tendre vers le mouvement. On appelle ces figures des /ormes tournantes. L'angle droit, plus grand que l'autre angle extérieur, entraîne celui-ci, et imprime le mouvement à droite. — Faites le contraste (fig. 10). Cette figure indique le mouvement à gauche. Les formes dl et 12 sont intermédiaires entre 1 et 2, ainsi que entre 9 et 10. La série des figures que nous venons de décrire est la même que celle de
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l'école du dessin linéaire à laquelle les opérations précédentes servent d'exercice préparatoire. Nous faisons suivre ici quelques indications pour les trois différentes séries de formes que les enfants trouveront avec les triangles rectangles isocèles. Cependant, l'institutrice ne doit pas agir systématiquement : elle ne doit pas vouloir passer par toute une catégorie de formes avant d'en commencer une autre. Elle doit suivre l'impulsion naturelle qu'imprimera à son travail l'activité inventive de ses élèves et avoir soin surtout de ne pas séparer le calcul mathématique et la beauté artistique. FORMES ARTISTIQUES. La série des figures artistiques composées de triangles rectangles, est très-riche. La réunion des contrastes et des formes intermédiaires produit une infinité de jolis dessins, qui satisfont l'œil et le goût. Nous n'en donnerons qu'un exemple : Formes artistiques avec 4 triangles. Faiies développer le carré (fig. 1, litt. E, pl. XXX) jusqu'aux figures 5, 6, 7 et 8, ainsi que 11 et 12 de la même série. Avec 8 triangles. Faites réunir ces éléments deux à deux (fig. 1 à 6, litt. F). Avec 16 triangles. Réunissez les éléments E, quatre par quatre (fig. a, b, c, d, litt. G). Il est à remarquer que dans ces compositions on fait opérer toujours par contrastes et intermédiaires. La fig. b est le contraste de a; car dans a tous les angles droits sont au centre, tandis que dans b ils sont à l'extérieur ; dans a le centre est rempli, dans b il est vide. Les fig. c et d sont deux intermédiaires entre a et b : deux angles droits sont à l'intérieur et deux à l'extérieur. C'est la loi des contrastes et des intermédiaires qui donne à l'enfant la clef de l'invention des formes de beauté.
�- 108 — Avec 32 triangles. Réunissez quatre par quatre les formes 5 et 6, litt. F, vous obtenez deux contrastes avec deux intermédiaires (fig. a, b, c, d, litt. H, pl. XXXI). Avec 64 triangles. Réunissez quatre par quatre les fig. a et b, litt. G ; vous aurez les dessins a, b, c, litt. I, deux contrastes avec un intermédiaire. Enfin on peut réunir plusieurs enfants pour faire ensemble des figures qui demandent plus de 64 triangles. Nous donnons pour exemples deux fragments de dessins de parquets, litt. J, pl. XXXI : le premier, produit par la réunion des formes a et b et le second par celles des figuresc et d, litt.G. Ces réunions s'étendent à l'infini. Elles s'appliquent également à tous les éléments donnés sous les lettres B, C, D, pl. XXX, et sur toute autre forme. FORMES D'OBJETS USUELS. Les enfants produiront avec leurs triangles de jolis dessins d'objets. Comme dans la série des formes artistiques, ils commencent par le plus petit nombre de triangles possible. L'enfant fera : (voir pl. XXXII). A. Avec 4 triangles. 1. Un parquet pour sa chambre. 2. Un pot à fleur pour placer devant sa fenêtre. 3. Une petite maisonnette pour le jardin. 4. Un pigeonnier. — Où placerons-nous ce pigeonnier, mes enfants? Nous y mettrons de jolis pigeons, des blancs et des bleus. Les pigeons y feront leur nid ; dans ce nid, ils pondront des œufs, de petits œufs blancs, gros comme une noix. Puis ils réchaufferont ces œufs sous leurs ailes, jusqu'à ce qu'il en sorte de jolis petits pigeons. Nous jetterons aux grands pigeons beaucoup de graine. Ils iront la porter à leurs petits, tranquillement couchés dans leur nid, comme le petit enfant dans son berceau. —
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L'institutrice doit multiplier ces sortes de causeries autant que possible. Elle peut, au sujet des nids d'oiseaux, faire la comparaison entre la demeure des hommes et celles que se construisent les animaux; parler aux enfants des instruments qu'emploient les oiseaux et de ceux dont se servent les hommes; de l'instinct des animaux et de l'intelligence de la race humaine. B. Avec 8 triangles. 1. 2. 3. 4. Une petite maison pour le pauvre voisin. Un lit pour la poupée de sa petite sœur. Un beau vase. Une grande tour.
5. Une pendule où l'enfant verra l'heure. C. Avec 16 triangles. 1. Un pont à deux arcades, 2. Une grande porte. 3. Une église. 4. Une porte avec clocher. 5. Un vase. D. Avec 32 triangles. 1. 2. 3. 4. Une maison pour le paysan. Un atelier avec une grande cheminée. La porte de la ville. Deux arches de pont.
E. Avec 64 triangles. \. Une maison à deux étages. 2. Une grande porte. 5. Une église. F. A vec un plus grand nombre de triangles. Comme chaque enfant n'a dans sa boite que 64 triangles, on réunit les jeunes élèves par groupes pour l'exécution des grandes figures. Le travail en commun a son bon côté : il forme l'enfant pour la vie pratique et sociale, il lui fait apprécier les services de ses semblables et l'initie au principe d'association qui est l'un des principaux leviers de la puissance humaine.
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I
�— HO —
FORMES MATHÉMATIQUES. Avec les triangles rectangles isocèles on fait régulièrement le carré, le triangle, le rectangle, le parallélogramme, le trapèze (fig. I, 2, 3, 4 et 3, pl. XXXI, litt. K). Nous avons déjà donné des explications relativement au carré et au triangle; cependant nous ferons encore remarquer que dans le carré formé par les quatre triangles, on peut voir que quatre angles droits couvrent tout l'espace autour du centre. — L'institutrice peut faire répéter ici les notions déjà données et y ajouter ses observations sur les autres figures. Les triangles fournissent un excellent moyen pour faire voir par l'enfant la même forme dans des grandeurs différentes et réciproquement la même grandeur sous des formes diverses. Les figures a, b, c, pl. XXXI, litt. K, offrent trois carrés dont le premier est la moitié du second et celui-ci la moitié du troisième. Dans la fig. c on voit que b est le carré intérieur opposé de c ; c'est-à-dire qu'il a ses angles dans les côtés et ses côtés tournés vers les angles de c : Un carré intérieur opposé est toujours la moitié du carré circonscrit. Les figures d, e, /"donnent pour les triangles, ce que a, b, c fournissent pour les carrés, avec cette modification, que le triangle intérieur opposé n'est que le quart du triangle circonscrit. Les figures g, h, i font voir avec deux triangles la même grandeur sous trois formes différentes. Dans les fig. 1,2,3, 4, b, on voit sous d'autres formes cinq fois la même grandeur. En comparant les fig. 2 et 3, on voit qu'un triangle rectangle est égal au rectangle qui a la même base et la moitié de la hauteur. On comprendra par ce qui précède que les triangles de Froebel peuvent faciliter considérablement l'enseignement de la géométrie dans les écoles. LE TRIANGLE ÉQUILATÉRAL. — TRIANGLE ACUTANGLE. On remet àchaque enfant, pour qu'il les compare, un triangle équilatéral, c'est-à-dire un triangle qui a ses trois côtés égaux, ainsi que ses trois angles, et un triangle rectangle isocèle.
�Les enfants trouveront que ces deux triangles ont chacun trois côtés et trois angles; ils se ressemblent par là. Mais ils remarqueront aussi des dissemblances : le nouveau triangle n'a pas d'angle droit, tous ses angles sont aigus; on l'appelle pour cette raison triangle acutangle. Ces angles sont égaux aussi bien que les côtés; on le nomme pour cette raison : triangle éqnilatéral. Tant par le nombre de ses angles que par le nombre de ses côtés égaux, le triangle équilatéral représente le nombre fondamental, trois. — Aussi, Froebel les donne à l'enfant et les augmente par collections de trois, c'est ce qu'il appelle la série des trois. Nous donnons : 1° Avec trois triangles équilatéraux (pl. XXXIII, litt. A) les différentes positions, dans lesquelles ces trois triangles peuvent se trouver. 2° Avec six triangles : (pl. XXXIII, litt. B). Les fig. 1 et 2 sont deux contrastes qui donnent quatre intermédiaires, fig. 3, 4, 5, et 6. Les fig. 7 et 9, ainsi que 8 et 10 sont des contrastes; le contraste existe également dans les trois éléments qui composent Ies-fig. 7 et 8, de même que dans ceux qui forment 9 et 10. • On peut aussi suivre une autre voie; par exemple, on peut lever un, deux, trois... triangles, d'autant de manières que possible.Nous en donnons l'exemple sous la lettre B2 où d'abord un, puis deux triangles sont levés de différentes manières. Cette série peut être continuée avec trois, quatre, cinq et six triangles levés. 3° Avec neuf triangles. Pour faciliter les opérations, l'enfant divise sa collection en groupes de trois, et en forme des éléments tels que a et 6, litt. C. — Avec ces éléments l'enfant parvient à faire les figures indiquées sur cette planche; il les augmentera de ses propres inventions. 4° Avec douze triangles. La pl. XXXIV donne successivement deux contrastes a et b, dont la réunion produit chaque fois l'étoile c. — Les triangles sont de couleurs différentes dans les deux contrastes, en sorte qu'on voit encore les formes primitives dans leur composé.
�Toutes ces figures appartiennent à la série des formes artistiques ; elles doivent être augmentées du produit des inventions libres des enfants. Des formes d'objets usuels, l'enfant n'en trouvera guère. Les nouvelles figures mathématiques, outre le triangle équilatéral, seront le losange, l'hexagone et le dodécagone (1). — Mes enfants, placez un triangle équilatéral devant vous sur la table. Prenez un second triangle et joignez-le au premier, côte à côte : vous avez une nouvelle figure. Combien a-t-elle de côtés? Ces côtés sont-ils égaux? Y a-t-il des côtés qui ont la même direction, des côtés parallèles? Ainsi les côtés de cette figure sont tous égaux et parallèles deux à deux ; on donne à cette forme le nom de losange. Combien d'angles a le losange? Ces angles sont-ils égaux? N'y a-l-il pas des angles égaux? Quelles espèces d'angles voyez-vous dans le losange? — Deux angles aigus et deux angles obtus. . — Prenez six triangles et réunissez-les autour d'un point. Vous avez une nouvelle figure (fig. a, pl. XXXIV). — Combien a-t-elle de côtés? — Elle a six côtés. — Les côtés de cette figure sont-ils égaux? — Oui. — Combien a-t-elle d'angles? Sont-ils égaux? — Oui. — Comment appelez-vous des angles grands comme ceux de cette figure à six côtés? — Ce sont des angles obtus. — Ces angles ne sont-ils pas divisés? En combien d'angles aigus chaque angle est-il divisé? Montrez le centre de votre figure. Pouvez-vous me dire combien il y a d'angles qui se réunissent au centre? — Six; ce sont six angles aigus, égaux à ceux que vous avez vus dans les angles obtus. (1) Quand l'institutrice parle à des petits enfants, elle peut se contenter des expressions : « figure à six côtés » — « figure à douze côtés, etc. »
�— H3 — Regardez-moi ; je vais vous montrer le carré que vous avez formé avec quatre triangles isocèles. (L'instituteur montre le carré pl. XXXI, litt- K, fig. b). Combien y a-t-il d angles droits au centre? Ces quatre angles droits couvrent tout l'espace autour d'un point, aussi bien que les six angles aigus dans le centre de votre figure. Ces six angles aigus valent donc ensemble quatre angles droits. Dans le contour de votre hexagone, c'est-à-dire de votre figure à six côtés, il y a six angles obtus, composés chacun de deux angles aigus pareils à ceux du centre; cela fait douze angles aigus. Ces douze angles aigus valent par conséquent huit angles droits, ou les angles obtus de l'hexagone valent ensemble huit angles droits. Et un angle obtus de l'hexagone régulier vaut 11/3 angle droit. Il est évident que ce ne sont pas là des notions pour le petit enfant. Nous les destinons à l'école, Une institutrice sage comprendra aisément ce qu'elle peut raisonnablement donner au jardin d'enfants; nous l'engageons beaucoup à ne pas vouloir s'aventurer trop loin. Cependant, puisqu'elle reviendra souvent sur le même objet, et qu'à chaque retour elle ajoutera quelque chose à son enseignement, elle finira peut-être par atteindre ou dépasser les observations que nous donnons ici. — Le dodécagone, figure à douze côtés, se fait avec 24 triangles, il donne également lieu à une série d'observations.
LE TRIANGLE OBTUSANGLE.
Remettez aux enfants, d'abord un triangle obtusangle et un triangle rectangle isocèle. Faites-leur comparer ces deux sortes de triangles. Puis donnez-leur un triangle obtusangle et un triangle équilatéral ; faites établir la même comparaison. Donnez à chaque enfant une boîte renfermant 64 triangles. Faites unir ces triangles deux à deux, de toutes les manières possibles (pl. XXXV, litt. A, 1, 2, 5, 4, S, 6, 7). Laissez réunir ces éléments quatre à quatre et vous obtiendrez de très-
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beaux dessins de parqueteries (pl. XXXV et XXXVI, litt. B, 1,2, 3, 4, 5, 6, 7). Ce sont des figures artistiques, réunissant chaque fois deux contrastes, a et 6, quelquefois aussi des intermédiaires c et d. Ces triangles ne se prêtent pas bien au dessin d'objets usuels, cependant nous en donnons quelques échantillons (pl. XXXVI). Ils donnent lieu aussi à la répétition de quelques observations mathématiques.
LF TRIANGLE RECTANGLE SCALÈNE. Donnez à l'enfant un triangle rectangle dont les trois côtés soient de différentes grandeurs (un triangle rectangle scalène) et un triangle rectangle isocèle, et faites-en la comparaison. Remettez-lui la boîte renfermant les triangles rectangles scalènes. Agissez pour les inventions avec ces triangles de la même manière que vous avez agi avec les triangles rectangles isocèles. Sur la planche XXXVII, nous donnons comme exemple la réunion de deux triangles rectangles scalènes par leurs côtés semblables. Celte réunion nous fournit des éléments pour la formation des figures artistiques. Nous en donnons quelques modèles dans les figures a, b, c, d, e. L'enfant peut, avec ces triangles, représenter de très-jolies formes d'objets usuels, comme l'indique la planche XXXVIII (1). Presque tous les exercices mathématiques que nous avons faits au moyen des autres triangles se répètent avec ceux-ci. Nous y voyons, de plus, qu'en unissant deux de ces triangles par leur hypothénuse (fig. 1, pl. XXXVII), on obtient le rectangle; ce rectangle est divisé par une diagonale en deux parties égales. La même observation est valable pour les quadrilatères des fig. 2 et 3. En examinant les fig. S et 6, nous trouvons que la perpendiculaire abaissée du sommet d'un triangle isocèle sur sa base, divise ce triangle en deux parties égales, deux triangles rectangles égaux.
(1) L'invention des figures contenues dans cette planche ainsi que dans les planches XXXV, XXXVI, XXXIX et XL est due à moidemoiselle Chevallier.
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Mais c'est surtout l'élément artistique qui domine dans la série des triangles. Un pareil système qui unit constamment l'élément artistique au principe mathématique, devra porter infailliblement de meilleurs résultats que ceux que nous obtenons par nos anciennes méthodes d'éducation où le côté esthétique est généralement négligé. LES BOITES MATHÉMATIQUES. Outre les triangles, Froebel donne trois boites avec des surfaces ; il les appelle boites mathématiques, parce qu'elles sont destinées à l'enseignement des éléments du calcul et de la géométrie. Elles trouvent leur place plutôt à l'école qu'au jardin d'enfants.
1. LA. PREMIÈRE BOÎTE renferme huit petits carrés, provenant de deux grands carrés divisés en quarts.
(Froebel a donné aux deux faces de ces planchettes, des couleurs différentes, afin de pouvoir mieux montrer les divisions.) On réunit les carrés de la première boîte par quatre pour en former les deux grands carrés; puis on fait des exercices analogues aux suivants : — Divisez chaque grand carré en deux. Combien de parties vous fournit ainsi chaque carré? Comment s'appellent ces parties? Combien de demis avez-vous dans vos deux grands carrés? Combien de demis dans un entier? Combien de demis dans deux entiers? Divisez vos deux grands carrés encore une fois, mais dans un autre sens. Combien de parties avez-vous maintenant dans chaque grand carré, dans chaque entier? — Quatre parties; quatre carrés. Comment appelez-vous ces parties? Combien de quarts dans un entier? Combien de quarts dans deux entiers? Combien de quarts fait un demi? Combien de quarts dans deux demis? Combien dans trois, dans quatre demis? Combien de quarts font un entier et un demi? etc., etc.
�— 116 — 2. LA DEUXIÈME BOÎTE contient le carré entier, puis le carré divisé en deux, en trois, en quatre, en cinq, en six, en sept et en huit parties, qui ont toutes la longueur du grand carré. — Mes enfants, prenez le grand carré, il est le premier de la boîte; placez-le devant vous. Regardez dans la boîte quel est le carré suivant ? — C'est le carré divisé en deux. — Prenez les deux parties et placez-les ensemble à côté du carré entier. Comment appelez-vous les parties de ce carré? Combien de demis dans l'entier? Comment le carré suivant est-il divisé? — En trois. — Ces sortes de parties sont appelées des tiers. Prenez dans la boîte un tiers. Prenez encore un tiers. Combien de tiers avez-vous pris? Combien en reste-t-il dans la boîte? Prenez ce dernier tiers et formez le troisième entier. Combien cet entier a-t-il de tiers? Quelle est la division du carré suivant? — Il est divisé en quatre. — Comment appelez-vous ces parties? — Ce sont des quarts. — Prenez dans la boîte un quart, deux quarts, trois quarts, quatre quarts. Réunissez-les et placez-les devant vous sur la table. Combien de quarts dans un entier? Combien de quarts dans un demi? Combien de quarts dans deux demis? Y a-t-il une différence entre 1 entier, 2/2, 3/5, 4/4? (En nommant ces quantités l'instituteur les montre.) Si je réunis 1, 2/2, 3/3 et 4/4 combien aurai-je d'entiers? Combien de quarts valent 1/2 et 1/4? Que faut-il ajouter à ces 3/4 pour faire l'entier? Y a-t-il une différence de valeur entre 1/2 et 2/4? Combien font 1 + 1/2 + 1/4? 1+2/2 +'1/4? 1 -f 2/2 + 3/4? etc.
�— 117 — — Le carré suivant, comment est-il divisé? — En cinq. (On peut répéter ici les exercices que nous avons donnés pour les tiers.) — Quel est le carré qui suit? Comment appelez-vous ces six parties? — Ce sont des sixièmes. — Prenez un, deux, trois, quatre, cinq, six sixièmes: Formez-en l'entier. Combien de sixièmes avez-vous dans l'entier? Divisez votre entier en deux parties égales. Combien de sixièmes dans un demi? Divisez-le en trois parties égales. Combien de sixièmes dans un tiers? Combien de sixièmes clans deux tiers? Combien de tiers font 6/6? Y a-t-il une différence entre 1, 2/2, 5/5, 4/4, S/o,6/6?(Toutesles parties semblables étant réunies entre elles,forment respectivement un carré. L'enfant s'assure par l'œil ou par la superposition de la parfaite égalité de ces carrés.) Combien de sixièmes font ensemble 1/2 et 1/3? — 1/2 et 2/5? — 1/2 + 1/5+1/6?— ) i/^+ 2/5+2/6, etc.? De 6/6 ôtez 1/6, combien en reste-t-il? Otez-en 2/6, puis 5/6, 4/6, 5/6. De 6/6 ôtez un demi? Soustrayez-en 1/5, puis 2/5? Prenez 2 fois 1/6; 3 fois 1/6; 4 fois 1/6; S fois 1/6; 6 fois 1/6. 2 fois 2/6; 3 fois 2/6. Combien de fois 1/6 est-il compris dans 6/6? dans S/6? dans 4/6? dans 3/6? dans 2/6? Combien de fois pouvez-vous ôter 2/6 de 4/6, de 6/6? Combien de fois 3/6 en 6/6? Combien de fois 1/2 dans 6/6? • » 1/3 dans 6/6? » 1/3 dans 4/6, etc.? — On voit qu'à l'aide des carrés divisés, l'enfant apprend d'une manière intuitive toutes les opérations arithmétiques avec les fractions. 11 n'y a lb
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pas ici de grands raisonnements abstraits servant à démontrer entre autre que
1/3
vaut
2/6 ; l'enfant voit tout lui-même, son œil s'assure
de
l'évidence de la chose sans beaucoup de peine, laissant là les calculs abstraits qui rendent l'enseignement aride et fatigant pour l'élève et pour l'instituteur. La boîte contient encore des septièmes et des huitièmes. Mais, comme ce sont toujours à peu près les mêmes exercices, nous croyons pouvoir terminer ici nos indications. 3.
LA TROISIÈME BOÎTE
réunit les éléments géométriques aux éléments
arithmétiques. Elle contient : L'entier Des demis . . . Des tiers Le grand carré. Le carré divisé en deux rectangles. — en deux triangles.
.... Le carré divisé en trois rectangles. Le carré divisé en quatre carrés plus petits. — en quatre triangles rectangles isocèles. en quatre rectangles. en quatre triangles rectangles scalènes.
Des quarts.
— —
Des cinquièmes
. Le carré divisé en cinq rectangles. [ Le carré divisé en six rectangles (moitié longueur -du carré). en six triangles rectangles scalènes. en six rectangles (longueur du carré).
Des septièmes . . Le carré divisé en sept rectangles. Le carré divisé en huit rectangles (demi-longueur). — Des huitièmes . — — Des dixièmes. . en huit triangles rectangles isocèles. en huit rectangles (longueur entière). en huit triangles rectangles scalènes.
Le carré divisé en dix rectangles (demi-longueur). — en dix triangles rectangles scalènes.
Le carré divisé en douze rectangles (demi-longueur). Des douzièmes. — en douze triangles rectangles scalènes.
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— Mes enfants, prenez le carré entier; mettez-le devant vous. Comment le premier carré suivant est-il divisé? — En deux parties: ce sont deux rectangles égaux. Placez-les devant vous sur la table. Quelle est la division du carré suivant? — Il est divisé en deux triangles rectangles égaux. — Mettez-les devant vous. Prenez en main un rectangle. Quelle partie du carré fait-il? Prenez aussi un triangle. Quelle partie du carré représente-t-il? Ce sont donc deux moitiés d'une égale surface, et comme les deux moitiés d'objets égaux sont égales, il en résulte que le rectangle que nous tenons en main est égal à ce triangle. Placez ces deux surfaces sur la table, le rectangle sur le triangle. Ont-elles la même hauteur? Et aussi la même base ?— Non, la base du rectangle n'est que la moitié de celle du triangle; vous pouvez vous en assurer en couvrant le reste de celle base par le petit côté de l'autre rectangle. . Un rectangle vaut donc autant que le triangle qui a la même hauteur et une base double. Réunissez vos deux rectangles et aussi vos deux triangles en carrés. Ne pouvez-vous pas joindre vos rectangles d'une autre manière? — On peut les unir par les petits côtés ; on a alors un long rectangle. — Ce rectangle est-il égal au carré? — Oui. — La longueur de ce rectangle est le double de celle du carré, mais la largeur n'en est que la moitié. — Vous pouvez unir d'une autre façon aussi vos deux triangles: Par un des côtés de l'angle droit, en ayant soin que les deux angles droits se touchent. Vous avez alors un grand triangle; il est égal au carré. Retournant un des deux triangles laissez-les unis par le même côté, mais de telle manière qu'un angle droit se trouve au-dessus et l'autre en dessous: vous avez un parallélogramme encore de même grandeur que le carré. De nombreuses observations peuvent accompagner ces opérations; l'instituteur les trouvera aisément dans le fonds de ses connaissances mathémati-
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ques, et il saura mieux que nous, quelles sont les notions qu'il pourra communiquer ici à ses élèves. — Remettez bien en ordre vos trois carrés. Nous allons prendre le carré suivant: comment est-il divisé? Otez-le delà boîte.— Il n'y a qu'un seul carré divisé en trois; cette division ne peut se faire que d'une seule manière. — — Prenez le carré suivant, il est divisé en quatre carrés. Chaque petit carré fait?... le quart du grand carré. — Comment le carré suivant est-il divisé? — En quatre triangles rectangles isocèles. — Quelle partie de l'entier formechaque triangle? Ces triangles sont donc des quarts du carré aussi bien que les petits carrés. Ces deux différentes figures ont par conséquent la même grandeur. — Quelle est la division du carré suivant? — Il est divisé en quatre rectangles: Un de ces rectangles est encore le quart de l'entier. — Prenez encore le carré qui suit ; comment est-il divisé? — En quatre triangles rectangles scalènes. Chaque triangle est le quart del'entier. — Mettez, l'un à côté de l'autre, un petit carré, un triangle isocèle, un rectangle et un triangle scalène. Chacune de ces parties forme le quart de l'entier. Des quarts d'un même entier sont égaux, donc ces quatres surfaces de formes différentes sont de même grandeur. Tous ensemble ils valent autant que le carré. Il nous serait impossible de donner ici toutes les explications géométriques qui peuvent se rattacher à celte division du carré; nous nous bornerons à donner la continuation de la théorie des triangles. — Prenez deux triangles rectangles scalènes : unissez-les par le grand côlé de l'angle droit, de manière que les deux angles droits se touchent, vous figurez le triangle acutangle. De combien de quarts est-il composé? — De deux quarts. — Il est donc la moitié du grand carré ,■ nous le placerons sur celui-ci. Vous verrez clairement que ce triangle a la même base et la même hauteur du carré.
�Un triangle acutangle est la moitié du carré ou du rectangle de même base et de même hauteur. Unissez vos deux quarts par le plus petit côté et laissez les deux angles droits se toucher; vous obtenez le triangle obtusangle. Il est également la moitié du grand carré et par conséquent aussi la moitié du rectangle allongé que l'on obtient en plaçant l'une après l'autre deux moitiés du carré. Posez le triangle obtusangle sur ce dernier rectangle. A-t-il la même base et la même hauteur ? > Le triangle obtusangle est donc aussi la moitié du rectangle de même base et de même hauteur. Et en général on peut dire: tout triangle vaut la moitié du rectangle de même base et de même hauteur. Nous devons laisser les nombreuses applications mathématiques de la division des surfaces aux soins de l'instituteur intelligent; le cadre de cet ouvrage ne nous permet pas de nous étendre davantage. Cependant tout cela peut paraître aride et difficile pour des enfants. — Aride, oui, si l'instituteur ne sait pas causer avec les enfants. Difficile, si l'intelligence de l'enfant n'y était déjà préparée au jardin d'enfants et si l'élève devait faire tous ces calculs d'une manière abstraite.
�L'ENTRELACEMENT DES LATTES.
« Le jeu développe toutes les forces de l'enfant ; car a le jeu, c'est l'activité en pleine liberté. » B.
DE
M.
Les lattes tiennent en quelque sorte le milieu entre les surfaces et les lignes, quoique comme objet d'occupation au jardin d'enfants elles se placent après celles-ci. Elles décrivent des contours, en même temps qu'elles représentent des surfaces. Dans la fig. 1, litt. E, de la planche XL, elles limitent l'octogone et figurent en outre deux cadres entrelacés. L'entrelacement des lattes doit exercer la main et développer l'intelligence: car il faut beaucoup d'adresse et de calcul pour placer des lattes de telle manière qu'elles se soutiennent mutuellement. Leçon pratique. — Mes enfants, voici pour chacun de vous une latte. De quoi est-elle faite? Connaissez-vous encore des choses qui sont en bois? Dis, Paul, où va-l-on chercher le bois, d'où provient-il? Que fait-on des lattes? — On en fait des clôtures pour le jardin, pour les garennes de nos lapins ; on en fait des cages pour les pigeons, etc. — Combien votre latte a-t-elle de faces ? Ces faces sont-elles égales ? Connaissez-vous une chose plus large et une chose plus étroite que votre latte?
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Combien la latte a-t-elle de bouts, d'extrémités? Levez-la, un bout en l'air. Dirigez ce même bout vers la table. — Vers moi. — Vers vous. — Voici pour chacun de vous une deuxième latte. Mesurez si elle est aussi longue que la première. Est-elle aussi large? Posez une latte devant vous sur la table. Prenez l'autre par le milieu avec la main droite. — Levez-la. Posez l'extrémité inférieure sur l'une des extrémités de la latte qui repose sur la table. Posez la première sous la seconde. Placez voire latte sur celle qui repose, de manière qu'elle couvre les deux extrémités de celle-ci. Figurez avec vos deux lattes les rails du chemin de fer. — Comme partout, dans ce genre d'exercice, l'institutrice doit tâcher de rompre la monotonie par quelque conte amusant et instructif; le chemin de fer lui en donne ici l'occasion. - Je vous donne une troisième latte. Est-elle pareille aux deux autres? Tenez vos trois lattes dans la main gauche; levez la main. De la main droite, prenez une latte et posez-la horizontalement sur la table. Prenez les deux autres par le milieu, une dans chaque main. Posez celle de la main droite avec une de ses extrémités sur l'extrémité droite de la latte horizontale en l'inclinant vers la sauche. Placez celle de la main gauche avec un bout sous la latte horizontale, et avec l'autre bout sur la latte oblique. Quelle espèce de figure avez-vous devant vous? — Un triangle. Combien a-t-il de côtés? Combien d'angles? Toutes les extrémités des lattes sont-elles visibles? Combien en voyez-vous à la latte horizontale? Combien à chacune des deux autres? On ne voit qu'une extrémité de chaque latte; parce que chaque latte a une extrémité placée dessus et l'autre placée dessous. Si vous levez le triangle par un bout, les lattes tiendront-elles ensemble?
�— m —
— Non, pour qu'une latte tienne, elle doit être soutenue en trois points, dont deux points opposés. Voici la quatrième latte : (C'est avec quatre lattes que les enfants commencent l'entrelacement.) Voir pl. XXXIX et XL. A. Quatre lattes entrelacées. — Les enfants doivent compter les surfaces limitées par chaque figure qu'ils produisent, ou les leur fera montrer et décrire. . B. Cinq lattes. C. Six lattes. D. Sept lattes. Ë. Huit lattes. F. Neuf lattes. G. Dix lattes. On peut réunir plusieurs enfants pour la formation de figures avec un plus grand nombre de lattes. Ce jeu, quelque insignifiant qu'il puisse paraître, peut cependant, outre les instructions que nous venons d'indiquer, donner lieu à des observations intéressantes. « Voilà une latte qui vient de manquer, elle n'a pas fait son devoir, tout l'ensemble est détruit! Si l'enfant ne fait pas son devoir, l'harmonie de sa petite société est brisée ! »
�LES LIGNES,
LES
PETITS BATONS.
« Si l'enfani doit comprendre ce qui l'entoure, il « faut avant tout qu'il ait le coup d'œil exercé à saisir ■< la forme et la grandeur, puisque rien dans la nature « n'exisle sans forme ni grandeur. » B. DE M.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, Froebel procède par les notions de moins en moins concrètes des corps pour arriver aux notions de plus en plus abstraites. Etant parti des solides, nous avons parcouru les surfaces et nous sommes arrivés aux lignes, aux lignes mobiles représentées par des petits bâtons. Pour mieux faire voir que la ligne dérive du solide, on donne ordinairement aux petits bâtons la longueur de la dimension ducubedudeuxièmedon. On fait d'abord des exercices préliminaires avec un, deux bâtons, comme nous en avons fait avec les lattes. Comme la pose des petits bâtons doit préparer l'enfant au dessin linéaire, l'institutrice lâchera, dans le courant de ces exercices, de faire connaître à son élève et de lui faire dessiner les différentes sortes de lignes (pl. XLI, 1,2 et 3 a). Elle peut faire placer les bâtons sur l'ardoise et les faire remplacer ensuite par des lignes. Nous donnons sous la lettre a, pl. XLI, comme exercices préparatoires,
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�— m tous les rapports que peuvent avoir entre elles deux lignes, l'une verticale et l'autre horizontale. Dans celte petite série, la verticale n'a pas changé de place; c'est l'horizontale qui marche autour de la première en s'avançant successivement d'une demi-longueur. On peut aussi laisser reposer la ligne horizontale et faire l'évolution avec la verticale. Sous la lelire b, la même série se présente avec des obliques. Mais l'enfant qui est toujours tenté de donner un nom, un rôle à ses joujoux, formera volontiers avec ses bâtons des figures représentant des objets usuels. C'est ainsi qu'il se plaira à figurer : A. Avec deux petits bâtons (pl. XLI). 1. Une table à jeu. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Une girouette, que vous placerez sur le pavillon du jardin. Une pioche pour les terrassiers. Une équerre. Un chandelier. Deux bougies pour éclairer ses jeux, le soir. Un chemin de fer.
8. Un compas, un clocher, un toit de maison. B. Avec trois petits bâtons. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Une table pour la cuisine. Un lâteau pour racler son petit jardin. Un fléau pour battre le blé. Un parapluie pour la bonne. Une fourche pour retourner le foin. Un petit drapeau. Une marche d'escalier. Une étoile. C. Avec quatre petits bâtons. Un cadre pour y placer le portrait de maman.
2. Une chaise pour papa.
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3, 4. î$. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12.
Une étoile. Une table. Une table avec une bougie. Un petit lit pour la poupée de la sœur. Une niche pour le chien. Un pain de sucre. Un chapeau pour grand-papa. Un verre à vin. Un crucifix. Une table ronde pour le jardin. D. Avec cinq petit» bâtons.
Un drapeau pour le garde du chemin de fer. Une petite commode pour la poupée. Une maison pour le pauvre Jacques. Une tour. 0. Un pain de sucre, une tente. 6. Un verre à bière. 7. Une corbeille pour maman. 8. Un petit bateau. 9. 10. 11. 12. 13. 14. Un pot à Heur pour la fête de maman. Un grand chapeau pour papa. Une chaise. Un verre à vin. Un autre verre à vin. Une grande table ronde pour le salon. E. Avec six petits bâtons (Voir pl. XLII). 1. Une étoile. 2. Un dévidoir pour maman. 3. Un grand verre à vin. 4. Un petit arbre pour être planté dans le jardin de l'enfant. 5. Un verre à Champagne.
1. 2. 3. 4.
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6. Une petite table à ouvrage pour inaman. 7. 8. 9. 10. 11. 12. Une chaise bourrée. Une grande glace. Un drapeau. Une petite maison. Un toit de maison. Un bateau avec voile. F. Avec sept petits bâtons. 1. 2. 3. 4. Une fenêtre. Une échelle. Une maisonnette. Une tour surmontée d'un paratonnerre
5. Une balance. 6. Un verre à vin. 7. Une croix avec deux cierges. 8. Une croix. 9. Deux rayons pour la bibliothèque de papa. 10. Une table pour la cuisine. 11. Une bêche pour le jardinier. 12. Une jolie fleur. G. A vec huit petits bâtons. 1. Un monument pour être placé, sur une tombe. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Une église. Une bibliothèque pour les enfants. Une lanterne à placer dans notre rue. Un nouveau pigeonnier. Une table avec tiroir. Une bottine pour maman. Un joli papillon. Une table ronde. Une bêche.
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H. Avec neuf petits bâtons (pl. XLIII). 1. 2. 3. 4. 5. 6. Une tour. Une maison avec une tour. Une maison. Un monument. Une cocarde. Un bateau à voile. I. Avec dix petits bâtons. 1. 2. 3. k. 5. 6. Une tour. Une chaise. Un autel. Une carotte pour les petits lapins. Un grand pot à fleurs. Un réverbère.
Ces indications suffiront pour mettre l'institutrice à même d'occuper ses élèves d'une manière agréable et utile. Elle saura trouver elle-même bien d'autres exercices, qui apporteront la variété et la vie dans les jeux. C'est ainsi qu'elle peut faire exécuter toutes les tables que l'on peut figurer avec un à dix bâtons, faire construire toutes les maisons que l'on peut former avec dix bâtons, etc. (litt. J, pl. XLIII). Elle peut aussi réunir plusieurs enfants pour former ensemble les figures qui demandent un grand nombre de bâtons, telles que celles que nous donnons sur la planche XLIV. Dans la famille, on peut, à cet effet, augmenter le nombre des petits bâtons. De même qu'avec les solides et les surfaces, les enfants mêleront à leurs formes d'objets usuels, des figures artistiques, et l'institutrice intelligente saura y ajouter quelques observations sur les figures mathématiques. Les cubes et surtout les petits bâtons se prêtent très-bien aux exercices de calcul. Nous voulons en donner un exemple :
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EXERCICES DE CALCUL.
LES
UNITÉS.
Les enfants, ayant chacun dans la main gauche un paquet de dix petits bâtons, sont rangés par dizaines autour des tables. Ils prennent de la main droite un petit bâton, se disposent à marcher autour de la table, déposent chacun un petit bâton sur la table eu disant : Un; puis, marchant et ajoutant un petit bâton à chaque collection qu'ils rencontrent, ils comptent tous ensemble : deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix. Au nombre de dix, tous les enfauts se retrouvent à leur place ; chacun d'eux a devant lui dix petits bâtons. Ils les comptent ensemble. Puis les rangent en groupes de, deux [ 4, 6, etc. En groupes de trois : | | | » » » » » » » » » » » de quatre : | | | | de cinq : | [ de deux et de trois : de quatre et de un : de quatre et de deux de trois et de quatre de deux et de six : | de un et de huit : de sept et de trois : de deux, de trois et de cinq :
|
| | | | j
] et comptent 2,
3, 6, 9 et 1 = 10. — 4, 8 et 2 = 10. 5, 10. — 2,8,7,10. — 4,5, 9, 10.
I
— 4, 6, 10.
Ml —
5, 7, 10.
— 2, 8, 10. — 1, 9, 10. — 6, 10. — 7, 10, etc.
j
de six et de quatre :
| M
| | —2,5,10,etc.
On peut faire tourner les enfants autour de la table en sens inverse, et faire enlever successivement un petit bâton de chaque collection pendant qu'ils disent les nombres dont ils font la soustraction : 10, 9, 8, etc. Ce procédé, de tourner et retourner autour de la table, peut se répéter
�— 131 souvent; c'est un moyen de donner du mouvement à l'enfant qui a gardé assez longtemps la même position. Dans l'analyse que nous avons donnée du nombre 10, on peut voir que nous nous efforçons de venir en aide à l'esprit de l'enfant, pour qu'il puisse se figurer exactement ce nombre avec toutes les décompositions dont il est susceptible. Là est, selon nous, le secret de tout le calcul : l'addition et la soustraction, même la multiplication et la division ne sont plus, après cela, qu'un jeu. Quand l'esprit de l'élève possède bien le nombre dix, on fait compter par dizaines.
LES DIZAINES.
Chaque élève reçoit dix paquets contenant chacun dix petits bâtons. Tous ensemble marchent et déposent successivement leurs paquets, comme ils l'ont fait avec de simples unités, en comptant : une dizaine, deux dizaines, trois dizaines, etc. De retour à leurs places, les enfants se trouvent chacun devant dix dizaines de petits bâtons. L'institutrice enseigne alors les noms; dix,vingt, trente, etc., jusqu'à cent. Les enfants renouvellent l'exercice et comptent : dix, vingt, trente, etc. Les exercices que nous avons donné pour les unités, peuvent se répéter avec les dizaines.
DIZAINES ET UNITÉS.
1. Chaque enfant délie un paquet de dix petits bâtons. Ils prennent un bâton et le posent sur la table en disant : un. Ils remettent les neuf bâtons restants et reprennent les neuf autres dizaines. Ils se mettent en marche autour de la table, déposent une dizaine à chaque place et comptent : dix et un, vingt et un, trente et un, etc. Revenus à leurs places, ils auront nonante et un(quatre-vingt-onze) bâtons. L'institutrice remplace les mots : dix et un par onze. Les élèves renouvellent l'exercice avec celte modification.
�— 132
La même chose pour 12, 22, 32, 42, etc. — 15, 23, 33, 43, etc.... 19, 29, 59, 49, etc., 99. Les enfants tournant en sens opposé, font l'opération contraire, la soustraction : 91, 81, 71, 61, etc. — 92, 82,72,62, etc. — 99,89,79,69... 9. Ensuite l'institutrice peut dicter des nombre que les enfants doivent reproduire au moyen de leurs bâtons. Par exemple : Vingt-cinq (les élèves tiennent en l'air, de la main gauche deux dizaines et de la main droite cinq unités, cinq bâtons) quarante-cinq, soixante-cinq, vingt-trois, seplante-trois (soixante et treize), trente-trois, quarante-huit, soixante-quatre, etc. 2. Les enfants rangent par groupes de deux, les dix petits bâtons delà botte qu'ils ont déliée et tiennent en main les neuf autres dizaines. Ils se disposent à marcher, et montrant du doigt les bâtons qu'ils ont placés, ils comptent : ! ] || || || | | — 2, 4, 6, 8, 10.
Pendant qu'ils marchent, ils ajoutent une dizaine à chaque place, s'arrêtent et comptent successivement : 12, 14, 16, 18, 20, — 22, 24, 26, 28, 30, — 32, 54, 56, 38, 40, — 42, 44, 46, 48, 50, etc., etc. On fait le même exercice avec tous les groupes dans lesquels nous avons décomposé le nombre dix à la page 130. 5. Les élèves délient une seconde botte de petits bâtons. Ils en posent neuf sur la table, en y ajoutant doux. |, ils comptent : 9, 10, 11. Les bâtons dont l'enfant n'a pas besoin dans un exercice sont mis dans une boîte ou placés au milieu de la table.) Marchant ensuite, ils ajoutent une dizaine à chaque place où ils s'arrêtent pour compter successivement. 19, 20, 21 (à la lre place). 29, 30, 31 (à la 2e place). 39, 40, 41, etc., etc.
�— m —
On reprend les dizaines, on laisse le nombre neuf et Ton y ajoule 3
| | | | | j | | |
|
|| —
Les élèves comptent : 9, 10, 12.
Et pendant qu'ils font le tour de la table :
19, 20, 22 ; — 29, 30, 32 ; etc.
Le même exercice avec addition de 4, 3, 6, 7, 8 et 9.
I I I I ! I I I I I III
|
— 9, 10, 13.
19, 20, 23, etc. | | | | — 9, 10, 14. 19, 20, 24, etc., etc., jusqu'à ! — 9, io, 18. 19, 20, 28, elc.
! ! 111111
On réunit ensuite toutes les unités qui doivent être additionnées :
II -
9,
II;
19, 21, etc., jusqu'à
IIIIIIIII des bâtons.
9, 18. 19, 28, etc., etc.
Les mêmes exercices se pratiquent en sens inverse, par la soustraction On prend après cela pour nombre fondamental de l'opération 8, puis 7, 6, S, 4, 5 et 2. Ces genres d'exercices peuvent s'étendre également à l'addition et à la soustraction des nombres qui renferment des dizaines et des unités.
MULTIPLICATION ET DIVISION.
Les enfants déposent sur la table un petit bâton et en tiennent neuf en main. Ils marchent autour de la table, ajoutent un bâton à chaque collection et disent : une fois 1 ; deux fois 1 fonl 2 ; trois fois 1 font 3, etc.
�— 134 —
Puis, tournant en sens opposé et enlevant successivement neuf bâtons : 10 = 10 fois 1. 9=9 fois 1, etc. L'institutrice peut faire différentes questions à la suite de cet exercice. On passe ensuite à la multiplication et à la division par 2. Chaque enfant reçoit 20 bâtons. Il les dépose par collections de deux et dit : Une fois 2. Deux fois 2 font 4. Trois fois 2 font 6, etc. Et en faisant l'opération contraire : 20 = 10 fois 2. 18 = 9 fois 2, etc. L'institutrice peut à l'infini multipler ces exercices, soit en tenant les enfants à leurs places, soit en les faisant marcher autour de la table. Elle peut dicter des multiplications et des divisions, comme elle a dicté des nombres; les élèves exécuteront sur la table et avec leurs bâtons les opérations qu'elle demandera. De la même manière qu'elle fait multiplier par 2, elle le fait faire par 3, 4, S, 6, 7, 8, 9 et 10.
LES FRACTIONS.
Les petits bâtons cassés en morceaux peuvent très-bien servir à renseignement des fractions. Pour les exercices, nous renvoyons à ceux que nous avons donnés pour l'emploi des boîtes mathématiques, page 115 et suivantes. Nous ferons remarquer que nous ne donnons pas ici ce cours de calcul pour qu'il soit suivi par de jeunes enfants. L'institutrice doit se laisser guider par les aptitudes de ses élèves et éviter surtout d'occuper ceux-ci trop tôt d'une manière abstraite. Certainement, tous les exercices précédents ne sont pas destinés au jardin d'enfants.
�LES
COURBES.
L'honorable dame, veuve de Fr. Froebel, a publié, à Hambourg, un nouveau jeu qui est venu enrichir et compléter la collection du célèbre pédagogue feu son mari. C'est un boîte renfermant 24 cercles et 48 demi-cercles en fil de fer. Les cercles et leurs fractions sont de deux dimensions différentes. Ils servent au même usage que les petits bâtons et donnent une préparation au dessin de figures curvilignes. La boîte de madame Froebel est accompagnée de 12 planches indiquant la marche à suivre et donnant une idée de la variété de figures que les enfants peuvent composer au moyen de ce matériel. Mais le guide n'est plus indispensable aux personnes qui se sont pénétrées de la marche suivie dans les occupations précédentes. La loi principale que Froebel suit dans la transformation des figures, c'est la formation des contrastes et leur réunion par des intermédiaires. Ce mode, nous Pavons indiqué à la planche XLIV2, lilt. A. Les intermédiaires 3 et 4 peuvent servir d'éléments à la création d'autres formes. Bien souvent on peut aussi, en donnant aux enfants un matériel double,
�— 136 —
réunir les deux contrastes dans une même figure et alors on obtient le plus souvent des dessins plus beaux et plus riches. (Voir pl. XLIVa, litt. B.) Ou bien encore, on peut faire procéder l'élève par déplacements successifs, tel que nous l'avons indiqué pl. VI pour les cubes, pl. XXX pour les triangles et ailleurs. C'est ce mode que madame Froebel a mis en pratique dans la composition de ses planches. Cependant il importe de ne pas surcharger l'enfant de ses matériaux : On lui donne d'abord deux demi-cercles que l'on augmente successivement d'un cercle ou de deux demis dans le commencement et plus lard de deux, quatre, six cercles. L'emploi des cercles et fractions de cercles permet à l'enfant de composer la plus belle série de dessins artistiques (pl. XLIV2, litt. C), et contribuera beaucoup à développer le goût de l'art, le sentiment du beau.
�LE MODELAGE.
« « « « "
« C'est par la prescription du beau que l'on doit conduire l'enfant à la connaissance de la vérité. Rendez-le artiste avant qu'il ne soit savant. — La beauté pour les sens nouveau-nés, consiste dans la simplicité des éléments primitifs, des formes, des couleurs, des sons, etc. B. DE M.
L'une des occupations favorites des enfants, c'est le modelage. Entièrement abandonnés à eux-mêmes, on les voit parfois, pendant des heures entières, avec de la terre glaise, avec de la cire ou avec toute autre substance molle, s'amuser à figurer des objets, des hommes, des animaux, des cavernes, etc. Froebel n'a pas perdu de vue ce travail enfantin, quand il a formé la série des occupations de son jardin d'enfants ; il l'a organisé d'une manière régulière et méthodique, pour qu'il servit mieux au développement intellectuel et qu'il devînt un exercice préparatoire au travail artistique. On donne à l'enfant qui fait le modelage au jardin d'enfants, une quantité de terre glaise huilée, de la cire, ou une autre substance molle, un petit, couteau de bois bien tranchant et du papier huilé pour couvrir la table. Les formes régulières, les formes mathématiques ont donné naissance aux formes artistiques. 11 est donc tout naturel que la même marche soit suivie dans le cours de modelage. L'enfant ne trouvera rien de plus simple que de commencer parla boule. 11 en formera le cube, et arrivera du cube au cylindre.
�— 138 —
Du cube ou hexaèdre (forme à six faces) (1) on retourne vers la boule en passant par les différentes formes de cristallisation, dont le cube présente le premier type. Froebel donne dans une boîte des solides réguliers en bois au nombre de 14. Ils dérivent tous du cube. Déjà, dans le deuxième don, l'enfant a vu qu'en réunissant dans un intermédiaire les deux contrastes, boule et cube, la face de la première se transforme en bords, tandis que les angles et les bords du second tendent à se changer en faces et produisent l'un et l'autre le cylindre. Le même principe donne naissance à toutes les autres formes. 1° Les angles du cube se transforment en faces : Coupez tous les angles du cube jusqu'au milieu des côtés, vous obtenez un octa-hexaèdre, c'est-à-dire un commencement de l'octaèdre dans les huit faces, qui ont remplacé les huit angles, et un reste de l'hexaèdre dans les parties restantes des six faces du cube. Les premières sont triangulaires et les deuxièmes sont carrées. — Celte forme est l'intermédiaire entre Yhexaèdre et Voctaèdre, solides à six et à huit faces. Pour arriver à ce dernier, on coupe par tranches minces toutes les faces formées sur les huit angles du cube, jusqu'à ce que les six faces premières aient entièrement disparu. 2° Les bords du cube se transforment en faces : Le cube a 12 bords; coupez-les d'abord légèrement, vous aurez le dodéca-hexaèdre, c'est-à-dire un intermédiaire entre l'hexaèdre et le dodécaèdre. Les faces qui doivent produire le dodécaèdre sont des hexagones ; celles du cube sont restées carrées. En coupant par tranches minces les faces formées sur les bords du cube, jusqu'à ce que les faces premières de celui-ci aient entièrement disparu, on obtient le dodécaèdre, solide à douze faces. 5° Quatre angles seulemenls ont changés en faces:
(1) Pour les enfants on peut désigner les solides par le nombre de leurs faces, plutôt que par leurs noms techniques, attendu que ceux-ci n'appartiennent pas au langage familier du petit enfant.
�— 139 —
Placez le cube avec l'un de ses angles sur la table et posez le doigt sur l'angle opposé : l'angle qui repose sur la table, ainsi que les trois angles qui sont les plus rapprochés du sommet, sont ceux que vous devez couper. Vous obtenez alors : 1° le télra-hexaèdre et 2° le tétraèdre, solide à quatre faces. 4° Quatre autres angles sont changés en faces : Tenez en main le cube avec deux de sesarêtes verticalesopposées ; coupez jusqu'aux 3/4 des côtés les quatre angles des deux autres arêtes verticales, vous obtenez une forme ayant deux fois 4 et une fois 2 faces égales. Les deux faces égales sont des restes de deux faces du cube; elles figurent un hexagone allongé. Les quatres autres faces du cube forment maintenant des pentagones irréguliers. Les faces nouvelles, figurant le trapèze, sont formées par la coupe des angles. Coupez dans la nouvelle forme les deux arêtes horizontales opposées, formées par les coupes précédentes, la forme s'aplatit davantage et elle offre deux fois 4 et deux fois 2 faces égales. Les deux faces égales du corps précédent sont demeurées intactes. Les deux nouvelles, qui se sont formées sur les arêtes, figurent des rectangles. Le pentagone s'est changé en hexagone, et le trapèze est diminué de hauteur. 5° Six angles sont remplacés par des faces. Tenez le cube en main en appuyant les doigts sur deux angles opposés. Ces deux angles vont former les deux sommets d'un dodécaèdre (figure à 12 faces). A cet effet coupez sur la moitié des côtés et jusqu'à leur sommet le plus proche, les six angles restants du cube. Ces six angles sont remplacés par six faces, auxquelles se joignent six autres faces de la même grandeur, restes des six faces du cube. Coupez les six arêtes opposées aux sommets, vous avez une colonne hexagone à deux sommets. Voilà les solides réunis par Froebel dans ladite boite, dans laquelle il a conservé aussi les morceaux coupés, de manière qu'on peut les adapter aux formes et retrouver le cube. L'institutrice peut laisser inventer d'autres formes régulières encore. Elle en fait faire l'esquisse avec des petits bâtons et des pois.
�- 140 — Mais ce qui amusera surtout l'enfant, ce sont ses inventions libres, c'est l'imitation des objets qui l'environnent. 11 fera un pot, une bouteille, un verre, une tasse, un chandelier, un nid d'oiseau, une statuette, un cheval, etc. Nous donnons quelques modèles sur la pl. XLV: Il est vrai que dans le modelage, on s'expose à ce que les enfants se salissent; cependant, en prenant quelques précautions, nous croyons que l'on peut, sans inconvénient, leur procurer cette occupation si amusante pour eux et si capable de donner à leur main une grande adresse, au sens artistique un heureux développement.
�OUVRAGES
EN
POIS.
« Pour penser il faut avoir observé. — L'enfant ■• observe surtout ce qu'il produit lui-mime.
■ B.DEM.
1 L'artiste imile les objels de la nature; mais, avant d'y mettre le coloris, avant de leur donner leur expression vitale, il doit les esquisser, il doit en figurer les contours. L'enfant fait l'esquisse des objets réguliers qu'il a modelés. Mais il ne le fait pas encore sur papier ni sur toile ; il ne saurait pas encore tracer ni réunir les différentes lignes qui doivent figurer un objet ; on lui donne des lignes toutes faites, des petits bâtons. La réunion de ces lignes ne peut se faire sans l'intermédiaire d'une autre substance ou d'un autre objet. Et, comme cette réunion se fait toujours en points, on a choisi à cet effet le pois ramolli dans l'eau. Les enfants font d'abord des triangles, des carrés, des reciangles, des losanges, des parallélogrammes, des irapèzes, etc. Une quantité de ces figures réunies leur permet de composer différentes formes artistiques. Ils esquissent les figures du modelage. Ils inventent et imitent la forme des objets usuels : des chaises, des tables, des canapés, des fauteuils, etc. Ils forment les lettres de l'alphabet, avec lesquelles les plus âgés composent des mots et de petites phrases. (Voir la planche XLVI).
• . ' 18 .
�— 142 — Les ouvrages en pois développent chez l'enfant, le génie constructeur. Dans les constructions avec des cubes, chaque pièce trouvait facilement son point d'appui ; dans celles qui se font avec des petits bâtons et des pois il faut que l'enfant donne à ses formes une base proportionnée. La mère doit bien veiller ici, comme partout ailleurs, à ce que la table de travail soit toujours bien propre et que l'enfant entretienne Tordre dans le placement de ses bâtons et de ses pois. Jamais un désordre ne doit être toléré, car l'ordre et la propreté doivent régner partout autour de l'enfant, si l'on veut qu'il acquière lui-même des idées d'ordre et l'habitude de la propreté. En général, les encouragements ne doivent pas non plus être oubliés dans l'éducation. Quand un enfant a produit une forme assez régulièrement construite, on peut la conserver, non pas comme un modèle de perfection, mais comme un objet bien fait pour un enfant de son âge. Cette appréciation de son travail animera le courage de l'enfant sans lui inspirer de l'orgueil.
�DEUXIÈME SÉRIE.
OCCUPATIONS MANUELLES.
LE TISSAGE.
" Travailler, c'est le devoir de chacun ; il faut donc que chacun s'habitue au travail. Chez l'enfant, le travail manuel et le travail intellectuel ne doivent former qu'zm. Il faut donner à toutes ses facultés innées un libre essor, stimulé par l'attrait de ses inventions successives. » 8.
DE
« « « « «
M.
A l'exemple de la mère nature, qui produit et décompose éternellement pour produire du nouveau, l'enfant a toujours démoli les compositions qu'il était parvenu à créer, pour en employer les matériaux à la construction de formes nouvelles. C'est l'économie de la vie. Cependant, l'enfant doit apprendre aussi qu'il y a des éléments qui ne se détruisent pas. Il doit apprendre à conserver les choses, à les conserver pures et intactes, comme il importe qu'il tâche de conserver son âme dans toute sa pureté, dans toute son innocence ! Dans sa deuxième série d'occupations, Froebel laisse faire aux enfants des ouvrages en papier, en cuir, en étoffe, en paille, etc., qu'ils doivent conserver.
�— Ui — La première de ces occupations est le tissage, ouvrage facile et attrayant, qui répond aux besoins d'activité de l'enfant, et qui représente en même temps le commencement de cette importante branche de l'industrie. Cette occupation répond entièrement à la nature enfantine : Froebel a remarqué d'un côté que l'enfant aime à s'occuper manuellement, que la jeune fille surtout veut manier l'aiguille avant même d'être capable de produire quelque chose ; d'un autre côté, il a observé que les enfants aiment à faire plaisir à leurs parents, à leurs amis en leur donnant quelquesuns de leurs petits ouvrages. Le tissage satisfait à celte double exigence : la jeune fille reçoit une aiguille de bois et du fil en papier, en cuir, en paille, en étoffe, etc.; elle les emploie el s'exerce ainsi la main, qui a besoin de tant de dextérité pour l'usage de la vie usuelle; en même temps, cette agréable occupation lui donne l'occasion de fabriquer de petits cadeaux, bien gentils, qu'elle peut offrir à ceux qu'elle aime! Mais ce n'est pas tout : Froebel ne se contente pas de l'exercice de la main et de la formation du cœur ; chez lui le développement de Y intelligence doit marcher de front avec le développement physique et moral. Le lissage satisfait encore à celte troisième exigence. L'enfant qui s'en occupe doit compter et grouper, il doit trouver les contrastes des dessins fondamentaux, il doit réunir ces contrastes et créer de celte manière, d'après une loi fixe, celle immense variété de tissus, parlant du plus simple, et arrivant au plus compliqué.
Le tissage avec de petites bandes de papier peut être commencé par des enfants de trois ans. Dans le commencement, le nécessaire leur est préparé ; il consiste : 1° en une espèce de canevas, c'est-à-dire un morceau de papier de couleur unie — soit le bleu — d'une longueur de 20 centimètres environ sur 12 de largeur, découpé intérieurement eu petites lanières de 5 à 6 millimètres de largeur (u'g. a, pl. XLVII); 2° en petites bandes de la même largeur que les lanières du carré de papier, dans lesquelles elles doivent être entrelacées, au moyen de l'aiguille en bois, qui n'est autre chose qu'un petit bâton aplati, de la longueur d'un crayon ordinaire, ayant au bout une incision pour tenir le papier. La couleur des bandelettes doit plus ou
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moins contraster avec celle de la feuille découpée qui forme le fond. Notre fond étant bleu, nous prendrons le blanc pour les bandelettes entrelacées. Le premier dessin (1) du lissage sera le plus simple : celui où les fils passent alternativement dessus et dessous les bandelettes du fond; de manière que Ton ait, tant en longueur qu'en largeur, f allernation continue de deux couleurs blanc, bleu ; blanc, bleu (fig. 1). Dans le deuxième modèle, les petites bandes entrelacées couvrent et souèvent alternativement deux lanières du fond (fig. 2). Dans le troisième, la même opération se fait sur trois lanières (fig. 3). Ici commencent les variations. Les blancs simples sont séparés dans la largeur du dessin par des doubles bleus, le blanc se déplaçant d'un carré dans chaque nouvelle ligne (fig. 4a). L'opposé par la couleur est représenté par la fig. 5. En réunissant ces deux contrastes, l'enfant obtient l'intermédiaire (fig.6). Mais le dessin, u° 4 , a encore un contraste par dessin, celui où les
a
lignes obliques vont de droite à gauche (fig. 4"). Au moyen de ces deux derniers contrastes, on compose une grande variété de jolis dessins. Nous n'en donnerons qu'un échantillon : eu alternant les figures 4 et 4 toutes les huit lignes, on obtient le dessin 7 (pl. XLVIII). — Il est évident que la variation pourrait se faire aussi avec 2, 3, 4, S... lignes. Dans le premier modèle nous avons dislancé les blancs simples par un et dans le n° 4a par deux bleus; en réunissant dans une même ligne ces deux éléments, on obtient un composé (fig. 8), dont le contraste est produit au n° 9 ; la réunion des deux au n° 10. Nous pourrions faire suivre ici un grand nombre de dessins eu suivant la marche indiquée au n° 4b et en alternant de différentes manières la séparalion des blancs par des bleus simples et doubles comme l'indiquent les ligures H", 11" et 12. Si l'on croil avoir suffisamment épuisé, chez l'enfant, les inventions avec les éléments précédents, on prend la distance du triple bleu (fig. 13 et 14).
a b
(ï) 11 est entendu que l'élève ne voit d'autres modèles que ceux qu'il a déjà trouvés lui-même.
�— 146 — Les contrastes et les différentes nuances des intermédiaires de ce dessin fondamental étant trouvés par l'élève, on le fait retourner au simple et au double bleu pour que, dans ses compositions, il les réunisse au triple bleu (fig. 15, 16 et 17, pl. XLIX). Jusqu'ici nous n'avons eu dans les figures fondamentales que de simples blancs; nous allons nous occuper des blancs composés. Dans l'ordre naturel c'est le double blanc qui apparaît le premier, séparé par le double bleu, se déplaçant d'un seul carré dans chaque ligne suivante (fig- -18). Ce modèle n'a qu'un contraste par dessin; celui où la ligne oblique se dirige de droite à gauche. Nous voyons la réunion des deux opposés au n° 19. Cette réunion permet plusieurs nuances que l'enfant saura bien trouver. Cependant nous nous rappelons avoir eu, au commencement du cours, des blancs simples séparés par des bleus simples. En réunissant ce dessin à celui que nous avons trouvé au n° 18, on obtient la belle alternation du blanc simple et du blanc composé, séparés par le bleu simple et le double bleu (fig. 20), avec ses contrastes et composés. Suit le double blanc distancé par trois bleus (fig. 21a et 21b). (Les contrastes et les composés comme ci-devant). Eu alternant avec celle nouvelle espace le simple et le double blanc ou obtient le dessin n° 22 (pl. L). Dans la fig. 23, le double blanc est allemativement suivi du simple et du triple bleu. Le dessin n° 24, contient les trois éléments de la dislance ; simple, double et triple bleu. Les contrastes et les composés qui s'en déduisent sont très-variés. Vient ensuite l'exercice sur le triple blanc avec lequel on suit la marche que nous avons donnée pour le double blanc. 11 donnera lieu à une plus grande variation encore ; nous donnons deux dessins, celui où le blanc se déplace chaque fois d'un et celui où il se déplace de deux carrés (fig. 25" et 25b). En reproduisant toute la leçon sur les blancs, ou réunit dans un même
�dessin le simple, le double et le triple blanc (fig. 26). Cette figure fondamentale, permettant aussi la variété des distances marquées par les bleus, donne une infinité de modifications et une suite de contrastes, d'intermédiaires, de composés sans fin. Jusqu'à présent nous n'avons observé aucun centre dans nos dessins. Nous fournissons deux modèles dans lesquels toutes les parties sont en rapport avec le centre; ce n'est que la marche simultanée de la figure 18 et de son contraste (fig. 27 et 28). INVENTIONS.
i
Quand l'enfant a passé par les exercices qui précèdent, on le laisse librement inventer ses dessins. Nous reproduisons quelques dessins trouvés par des enfants; ils montrent jusqu'à quel point le sentiment du beau et du goût artistique sont parvenus à se développer (pl. LI). Dans tous les jeux nous avons recommandé les causeries; nous réitérons nos conseils pour les occupations manuelles. Quand l'institutrice sera entourée de ses jeunes élèves travaillant avec recueillement à l'entrelacement de leurs petites bandelettes, au découpage, au piquage, elle peut profiter de ce moment de silence pour s'entretenir familièrement avec les petits travailleurs de quelque sujet qui se rapporte à leur ouvrage ou à leurs matériaux ; par exemple : LE TISSAGE ET L'ARAIGNÉE. Mes petits enfants, pouvez-vous me dire quel est l'animal qui sait tisser comme vous? — C'est l'araignée. Si vous voulez bien m'écouter, je vais vous raconter un trait assez intéressant de la vie d'une araignée. « Il y a quelques jours, je me promenais au jardin ; il faisait très-beau. Je m'arrêtai devant un grand abricotier pour admirer son fruit vermeil, lorsque tout à coup j'aperçus une énorme araignée. J'avais brisé une toile qui cachait à moitié un superbe abricot, et sans aucun doute c'était l'ouvrage de l'araignée sortie si brusquement de son refuge, car, après avoir examiné les débris du tissu, elle se mit en devoir de raccommoder celui-ci. Quantité
�— d48 —
de fils ténus et presque imperceptibles sortent de son corps; elle les attache à une branche de l'arbre, les tourne pour en former un fil plus solide, l'allonge et l'abandonne enfin à la merci du vent. Le vent avait jeté l'extrémité du fil sur une feuille de l'arbre, et voilà pour l'araignée le premier pont jeté. Elle passe et repasse sur cette nouvelle voie en filant et tissant toujours, en jetant ses fils dans toutes les directions, et, en peu de temps, voilà son ouvrage fini. C'était admirable à voir, mes enfants; tous les fils étaient régulièrement placés et leur distance était admirablement mesurée; pourtant l'araignée ne s'était pas servie du mètre ! Alors l'animal ingénieux se jette sur son ouvrage, court à droite et à gauche, comme pour en essayer la solidité. Puis, satisfait de son travail, il se retire dans les feuilles voisines. Je crus d'abord que l'araignée allai l regagner le réduit que je l'avais forcée de quitter en détruisant sa première toile; mais quel ne fut pas mon étonnement, lorsque je la vis courir tantôt à droite tantôt à gauche, d'un bout à l'autre d'une feuille, en saisir les bords, les rapprocher l'un de l'autre et les attacher avec des fils, pour en former un toit; elle s'était construit une nouvelle retraite, où elle pouvait, à l'abri de la pluie et du soleil, reposer et guetter sa proie ! A peine avait-elle pris place dans sa nouvelle embuscade, qu'une petite mouche, attirée par la douce odeur du fruit mûr, vint se jeter dans le filet. Malheur à elle! elle fut prise; l'araignée s'élança aussitôt sur la mouche, et les cris plaintifs de l'innocent animal m'annonçaient assez qu'il s'agissait pour elle de la perte de la vie. J'étais sur le point de détruire et l'araignée et sa toile, lorsque je songeai que ce n'était que la nécessité de vivre qui faisait commettre à l'araignée cet acte barbare. Cependant une guêpe bourdonnait autour de mes oreilles; je l'aperçois, je m'éloigne, et tout d'un coup l'insecte plus fort fond sur l'araignée et l'emporte avec sa proie du milieu de son filet ! »
�LE PLIAGE.
« Il y a un lien naturel entre l'activité du corps el « le développement de l'intelligence ; —l'action con« duil a l'observation, celle-ci suscite la pensée. »
FROEBEI.
Le pliage de papier qui, au premier abord, paraît un jeu insipide, une occupation insignifiante, étonne quand on en connaît le but et qu'on en voit l'application au jardin d'enfants. Le carré de papier que Froebei donne à l'enfant renferme pour celui-ci toute une géométrie, tout un livre d'art! En le pliant le jeune élève s'exerce la main, tandis que les explications géométriques développent son intelligence et que la création des formes de beauté éveille ses sentiments artistiques. Cependant ne nous arrêtons pas ici ; c'est la vue du travail seul, qui peut en faire apprécier toute l'utilité: Le carré est le point de départ du pliage. On en coupe quatre dans une feuille de papier blanc. (Dans les écoles populaires on peut utiliser à cet effet les papiers écrits et les cahiers d'écriture.) Pour obtenir régulièrement les quatre carrés on suit l'opération suivante: (Voir pl. LU.) 1. Placez la feuille de papier ouverte devant vous sur la table ; elle forme un carré long (rectangle) ayant l'un de ses grands côtés tourné vers la personne qui plie (fig. a). Pliez-la dans sa longueur en deux parties égales; vous avez un rectangle doublé, fermé de votre côté (fig. 6.)
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�- 150 — Prenez à droite le coin ouvert du rectangle supérieur et pliez-le sur le grand côté du rectangle ; vous divisez ainsi en deux l'angle droit sur le côté fermé (fig. c). Faites la même opération à l'angle gauche (fig. d). Après avoir retourné la forme, répétez ce procédé pour le rectangle inférieur: vous vous trouvez devant un trapèze (fig. e). Déployez votre forme sur sa base, vous avez un hexagone (fig. f), dans lequel le papier est simple aux deux petits côtés et double aux quatre autres. Dans celte figure oh aperçoit quatre triangles, placés deux à deux des deux côlés de la forme. Ils réunissent respectivement leurs sommets dans les lignes AB et CD. Ces deux lignes sont en même temps les bases de deux triangles plus grands ABE et CDF, formés chacun de deux plis. Pliez la forme deux fois: une fois sur chacune des bases AB, CD, et découpez-la dans ces plis. Découpez également les deux petits triangles, dont se composent vos deux pièces détachées ; vous avez obtenu quatre triangles doublés (fig. g) qui, étant déployés, donnent quatre carrés (fig. h). Il reste de la feuille de papier une petite bande que les enfants utiliseront plus tard, car Froebei ne veut pas que les principes de l'économie soient oubliés dans l'éducation de la première enfance. La manière de couper et de tenir le couteau ne doit pas échapper à la surveillance de l'institutrice; les ouvrages manuels sont la gymnastique de la main; si les jeunes personnes se montrent gauches dans leurs occupations, c'est presque toujours à cause de la négligence qui accompagne la direction des premiers exercices ou de l'abandon complet dans lequel on laisse l'enfant pendant ses petites occupations. D'après le mode donné, découpez différentes feuilles de papier et vous aurez une provision de carrés avec lesquels vous ferez les formes fondamentales du pliage. Pour arriver à ces dernières on passe par une série de formes mathématiques. Celte série est naturellement aride pour l'enfant et exige de lui une attention soutenue. L'institutrice ne pourra jamais donner les explications qu'aux enfants les plus âgés et encore devra-t-elle se borner à un ou deux plis par
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leçon; elle aura soin alors d'animer son petit auditoire par quelque conte intéressant relatif à la matière qui l'occupe. Elle peut par exemple parler de la fabrication du papier, de Ynsage du papier, etc. On part donc du carré pour arriver à la forme fondamentale. Après avoir parlé du carré et de ses divers éléments, pliez le carré en deux, et dites: A. Je partage mon carré par une ligne oblique en deux parties égales, en deux triangles rectangles égaux (fig. 1, pl. LUI). Après avoir ouvert le carré, faites la même opération par une oblique opposée (on voit de cette manière si la surface est bien carrée). B. Ouvrez le carré dejiouveau et pliez-le en sens horizontal : Je partage par une ligne horizontale mon carré en deux moitiés, en deux rectangles égaux (fig. 2). Déployez le papier et observez successivement les moitiés formées par la ligne oblique et celles qui sont formées par la ligne horizontale: Deux moitiés d'une même chose sont égales; donc le triangle formé par l'oblique est égal au rectangle formé par la ligne horizontale (fig. 3). — Les observations et les démonstrations géométriques auxquelles ces figures donnent lieu sont trop nombreuses et, nous le répétons, quelquefois trop compliquées pour être comprises par les jeunes enfants. L'institutrice doit savoir mettre son enseignement à la portée de ses élèves ; elle choisira ce qui convient à l'âge et au degré de développement particulier de l'enfant. La série des notions géométriques que nous donnons n'est qu'une simple indication; l'institutrice s'en servira au fur et à mesure qu'elle les trouvera utiles. Cependant, on ne doit pas mesurer trop légèrement la capacité de l'intelligence de l'enfant : à force de pratiquer le même procédé sur différents carrés de papier, de voir et d'entendre expliquer la même chose à différentes reprises, il finit souvent par comprendre ce qui nous paraît fort difficile. D'ailleurs les enfants à cet âge sont sans distraction et peuven mieux concentrer leur attention que les grandes personnes: Or, si l'on considère la fig. 3, on trouve que: a. L'oblique qui unit deux angles opposés d'un carré, divise ce carré en deux rectangles égaux.
i
�— m —
b. Un triangle est la moitié d'un carré de même base et de même hauteur. c. La ligue qui traverse le carré au milieu parallèlement à deux de ses côtés, le divise en deux rectangles égaux. cl. Cette ligne divise également en deux parties égales, chacun des deux côtés qu'elle réunit. e. Si la ligue oblique divise tout le carré en deux parties égales, elle doit aussi partager en deux angles égaux les angles droits situés à ses extrémités; ces nouveaux angles sont des angles aigus; chacun d'eux est la moitié d'un angle droit. D'où l'on conclut : La somme des angles d'un triangle rectangle est égale à celle de deux angles droits, et les deux angles situés sur le plus grand côté, sur l'hypothénuse, valent autant que l'angle droit qui leur est opposé. f. Dans un triangle, le côté opposé à l'angle droit est toujours le plus grand. g. Le triangle rectangle est égal au rectangle de même base, qui a la moitié de sa hauteur (cela résulte de la double division du carré en deux triangles et en deux rectangles. h. Le rectangle vaut autant que le triangle de même base et d'une hauteur double. Considérant les deux plis qui divisent le carré, nous trouvons: i. L'oblique et l'horizontale forment, à leur point d'intersection, deux fois deux angles opposés égaux. Et si l'on envisage les deux côtés parallèles du carré dans leurs rapports avec les lignes de partage: /. Deux angles alternes intérieurs, ou deux angles correspondants sur deux parallèles sont égaux. On peut considérer la situation des angles sous bien d'autres rapports; l'enfant dont l'intelligence et l'œil sont assez développés trouvera son plaisir à les rechercher. Retournons au pliage: La dernière forme que nous avons faite est un rectangle double, ayant l'un de ses côtés fermé. Parlant de là, pliez cette forme dans le milieu pour en faire un carré. L'un des côtés de ce carré est entièrement fermé, un deuxième est moitié fermé et moitié ouvert, les
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ileux autres sont ouverts. Dépliez le carré, vous trouvez dans le rectangle (fig. 4): k. La courte ligne transversale, qui passe par le milieu d'un rectangle, divise celui-ci en deux rectangles égaux, — ici en deux carrés égaux. I. Des angles intérieurs de même côté, formés sur deux parallèles, peuvent avoir chacun la forme de l'angle droit. — Deux de ces angles ont toujours la valeur de deux angles droits. La transversale forme sur chacun des côtés longs du rectangle une fois deux angles. On les appelle deux angles adjacents, ce sont ici deux angles droits. Déployez entièrement le carré vous trouvez (fig. 5): m. Deux transversales, dont l'une divise la longueur et l'autre la largeur du carré en deux parties égales, se coupent au centre de la figure et partagent celle-ci en quatre carrés égaux. n. Chaque nouveau carré est le quart du carré primitif; tous les quatre sont de même forme et de même grandeur. Sous le rapport de la forme ils sont semblables au carré primitif; ils en diffèrent par la grandeur. Ceci nous amène à la conclusion suivante : o. Même forme n'implique pas même grandeur. — On remarquera que dans ses différentes occupations, Froebei répète à chaque instant des règles et des observations qu'il a déjà produites. Cela est propre à la nature de son système. Il ne l'ait pas un traité de géométrie, et par conséquent il ne donne pas des notions mathématiques à apprendre par cœur. L'enfant n'apprend que par des impressions, par des expériences ; pour que celles-ci lui restent, il faut qu'elles soient reproduites souvent, et pour que cette reproduction n'ennuie pas l'élève, Froebei a soin de la lui présenter souvent sous une autre forme. Nous savons du reste que ce n'est pas comme science, mais comme base d'un raisonnement sain qu'il parle mathématiques à l'enfant. Revenons à notre figure: Si l'on observe avec attention les angles formés au centre du carré par les deux transversales (quatre angles droits); ceux qui sont formés au même point par les deux lignes précédentes et la ligue oblique (deux angles droits et quatre angles aigus) ; enfin, ceux que forment
�— 154 — à la même place l'oblique et l'une des transversales (deux obtus et deux aigus), il devient évident que : /). Tous les angles formés autour d'un même point valent ensemble quatre angles droits. q. Deux angles adjacents d'une ligne valent ensemble deux angles droits; — car ils couvrent la moitié de la surface qui s'étend autour d'un point. r. Si les deux angles adjacents ne sont pas droits, l'angle obtus surpasse l'angle droit autant que l'angle aigu est inférieur à celui-ci. s. Les deux angles obtus au centre valent plus que deux angles droits, et celle différence est précisément ce qui manque aux deux angles aigus pour que, ensemble, ils vaillent deux angles droits. Mais revenons un moment au pliage: Le carré plié en quatre carrés est notre point de départ. A l'angle où tous les coins sont séparés, pliez le carré supérieur en deux triangles rectangles égaux (fig. 6), et dites: Je partage par une oblique le carré supérieur en deux triangles rectangles égaux. Retournez le papier et faites la même opération sur le révers. Déployez le rectangle : vous y voyez un triangle posé sur un rectangle qui a la même base et la même hauteur (fig. 7). Le triangle fait évidemment la moitié du rectangle ; d'où la conclusion : t. Un triangle rectangle est la moitié du rectangle de même base et de même hauteur. Et l'inverse: u. Un rectangle est le double du triangle rectangle de même base et de même hauteur. Avec moins d'évidence la figure précédente nous montre : v. Que la ligne pendante (perpendiculaire), qui descend du sommet de l'angle droit d'un triangle rectangle, surle côté opposé, divise ce côté, ainsi que tout le triangle en deux parties égales ; ce dernier en deux triangles rectangles égaux. Plions notre forme dans la perpendiculaire du triangle et plions également en deux les deux carrés restants: nous obtenons ainsi un triangle rectangle huit fois superposé; défaites le premier pli, vous avez un triangle deux fois
�aussi grand et si vous dépliez encore celui-ci, un carré doublé, contenant deux fois le dernier triangle. L'une des faces de ce carré est partagée en quatre triangles rectangles égaux (fig. 8a); l'autre en quatre carrés égaux (fig. 8b). Donc : iv. Les deux obliques, unissant les angles opposés d'un carré, divisent celui-ci en quatre triangles rectangles égaux; et x. Les deux lignes transversales, qui divisent chacune le carré en deux parties égales et qui se coupent au centre du carré, le divisent en quatre carrés égaux. D'où l'on conclut : y. Un quart d'une chose étant égal à un autre quart de la même chose, chaque carré de la fig. 8" vaut autant qu'un triangle de la fig. 8n. Déployez entièrement la forme; vous avez le carré primitif dans lequel on voit dessiné par des plis, comme carré intérieur opposé, le carré que nous venons d'abandonner (Fig. 9). La comparaison de ces deux carrés fournit les vérités suivantes : 1° Le carré intérieur opposé est la moitié du carré circonscrit et réciproquement celui-ci est le double de celui-là. — Même forme et grandeur différente. Les quatre triangles situés hors du carré intérieur valentensembleautant que ce dernier. Chacun de ces triangles fait donc le quart du carré intérieur. 2° Les petits carrés formés par les deux transversales du carré primitif renferment chacun deux triangles ; chaque triangle situé hors du carré intérieur forme la moitié d'un petit carré, le quart du carré inscrit et le huitième du carré primitif. Considérant ensuite que le carré intérieur a pour côté la base, l'bypothénuse du triangle rectangle x, qui lui est extérieur: que ce carré vaut quatre fois ce triangle ; qu'en outre le petit carré a pour côtés les autres bords du triangle x et que ce petit carré vaut deux fois le triangle, il en résulte: z. Le carré formé sur l'hypothénuse d'un triangle rectangle est égal aux deux carrés que l'on ferait sur les autres côtés.
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Selon que l'intelligence des élèves est plus ou moins développée, plusieurs autres observations peuvent leur être présentées. Mais les notions qui précèdent seront plutôt du domaine de l'école primaire que de celui du jardin d'enfants. Revenons au carré doublé: plions-le en quatre carrés sur sa surface supérieure, c'est-à-dire sur la face recouverte par les quatre triangles et répétons sur ce petit carré l'opération qui nous a fait obtenir la forme 8a 8b. Cette opération fournit encore une fois les mêmes figures sur des formes doublées. Elles donnent lieu à répéter les explications qui précèdent. Mais ici on fera remarquer que les deux lignes obliques et les deux transversales se coupent au milieu et forment dans le carré un centre qui réunit toutes les parties de la figure pour en former un tout harmonique. Car l'enfant doit voir l'harmonie partout dans son travail, comme dans son développement ; dans la progression de ses créations, comme dans l'ensemble de chacune d'elles; afin qu'il en apprenne par lui-même la nécessité et la beauté, qu'il s'habitue à la remarquer et la chercher en tout. L'enfant doit sentir aussi comment une forme procède d'une autre et comment on retrouve dans une figure transformée toutes les modifications qu'elle a subies. Le dernier carré obtenu nous présente la réunion de toutes les formes mathématiques qui l'ont précédé; il forme un tout par rapport à ces dernières ; mais à son tour ce tout va nous servir comme forme individuelle; c'est la forme fondamentale, le point de départ des formes artistiques et des formes d'objets usuels. Les figures artistiques se dessinent sur les faces de la. forme parle pliage des coins au centre du carré (fig. 10, 11, 12 ut 13, pl. LUI). Pour les figures d'objets usuels on fait subir au papier diverses transformations : Placez les doigts dans les quatre angles du carré supérieur et pressez-les les uns contre les autres, de manière que le centre ressorte et que les quatre coins de la forme servent de pieds à la nouvelle figure, puis soulevez les quatre petits carrés intérieurs: vous avez une forme représentant une salière à quatre godets. Pliez intérieurement les quatre moitiés supérieures des petits carrés, vous obtenez la poivrière.
�Décrire comment se développe toute ta série des formes que l'on peut imiter avec ce morceau de papier, serait chose impossible. Quelques leçons pratiques peuvent seules diriger l'esprit inventif qui doit présider à leur formation. Cependant, nous aimons à donner une suite d'objets que nous avons vu imiter avec un carré de papier: 1. 2. 3. 4. S. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. La salière. La poivrière. Le sac de voyage. La fleur. La fleur avec étoile. La chemisette. Le cerf-volant. La sèche. Le moulin à vent. La table. Le porte-cigares. Le vaisseau à voiles. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. Le pot à fleurs. L'oiseau. Le double bateau. La barque du pécheur. Le double réservoir pour les poissons. La grande boîte. Le cadre. La boîte solide. Le miroir. La gondole. La gondole avec des bancs.
En pliant une troisième fois la forme fondamentale dans le sens de la a fig. 8 , 8", on obtient un quatrième carré intérieur opposé et une nouvelle forme fondamentale, beaucoup plus solide que la précédente, et qui donne lieu à un nouveau développement de formes artistiques et déformes d'objets. Les formes artistiques représentent surtout des rosaces. Dans les formes d'objets usuels on trouve entre autres la série suivante: 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. Le ridicule ou sac à ouvrage. Le manchon. La paire de bottes. La veste du mineur. Le pantalon. Le chapeau. La croix. La croix d'honneur. Le porte-cigares. id. Le double bateau. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. La garde-robe. La boîte fermée. Le compteur. La lettre à deux cachets. Le cadre. Le miroir. La boîte. La gondole simple. La gondole avec roues. La gondole à voiles. La gondole fermée.
�— 158 — L'esprit inventif des enfants trouvera bien d'autres formes, soit en changeant les plis, soit en réunissant plusieurs formes fondamentales. Nous devons surtout insister sur les inventions, sur Yactivité libre des élèves. L'enfant est naturellement imitateur et inventeur; il s'amuse aussi longtemps qu'il trouve du nouveau ; cet amusement captive son attention, active son intelligence, ses sens et ses membres. L'activité est la vie de son esprit; l'inaction est son sommeil, sa mort! C'est pourquoi l'enfant n'apprend rien aux leçons qui le laissent dans une passivité complète. Mais cette activité ne peut pas être forcée, si nous voulons que l'esprit y prenne part; c'est pourquoi nous devons nous garder de le pousser aveuglément dans la voie que nous voulons qu'il prennes nous devons lui ouvrir les yeux, lui indiquer le chemin, le suivre pas à pas, lui fournir la matière nécessaire. Son activité innée fera le reste.
�L'ENTRELACEMENT.
« L'homme vit du travail de ses mains. » X.
L'entrelacement enseigne l'économie. Les rognures, restes des ouvrages précédents, y sont employées à la création d'un nouveau genre de figures. Quand nous avons découpé une feuille de papier pour le pliage, il nous est resté une petite bande que, suivant l'avis de Froebei, nous avons conservée. Nous allons l'employer de la manière suivante: La bande de papier a la largeur d'une main; ou la divise eu trois bandes plus petites; chacune de ces bandes est encore réduite à un tiers de largeur par deux plis, et forme ainsi de petites bandelettes longues et étroites, de trois plis superposés. On remet alors aux enfants les triangles rectangles, acutangles et obtusangles en bois, avec lesquels ils se sont déjà occupés. La petite bande de papier est placée autour de ces figures de manière à les enfermer entièrement; mais celte limitation exige que l'on fasse un pli chaque fois que l'on double un angle; on aura soin de faire ce pli en sorte que les deux extrémités de chaque côté se trouvent l'un au-dessus, l'autre en-dessous (voir les figures, pl. LIV). Les triangles étant ainsi entourés, on coupe le restant du papier et ou joint les deux bouts, de telle sorte que la jointure frappe la vue le moins possible. L'entrelacement des lattes est l'occupation correspondante à celle-ci, dans a première série des ouvrages. L'entrelacement de papiers donne les lignes,
�— 160 — les limites des figures fournies par le pliage, comme les lattes représentent les limites des surfaces. L'entrelacement de papier offre trois séries de productions. La première série est celle dont nous avons décrit l'opération; elle donne quatres espèces de formes (pl. LIV) : A. Un triangle rectangle suivi d'un triangle acutangle et d'un triangle obtusangle. B. Des triangles rectangles, acutangles et obtusangles entrelacés, produisant des figures qui font voir des carrés et des quadrilatères. C. Les carrés et les quadrilatères en une seule forme. D. Le carré doublé pour la configuration des rectangles ; les carrés entrelacés pour la production d'autres figures. Pour la deuxième série, les petites bandes sont pliées encore une fois et leur largeur est réduite de moitié; les coins formés par un simple pli dans la série précédente, offrent ici la forme d'une petite rosette. Les figures de la première série se reproduisent (voir pl. LV). Dans ces deux séries, nous avons souvent des formes qui, à cause des lignes qui se coupent, sont composées de plusieurs pièces. La troisième série a pour but de figurer ces formes au moyen d'une seule bande; cette opération exige souvent l'allongement de celte dernière. La planche LVT en fournit des échantillons. Celte occupation a pour but principal d'exercer la main de l'enfant. Elle exige trop d'adresse pour qu'on puisse en occuper les plus petits. Pour les grands, elle sera surtout agréable et utile, quand on leur permet de coller sur carton les jolis dessins qu'ils auront inventés.
�LE
DÉCOUPAGE.
« Les contrastes sa touchent par leurs intermédiaires, anneaux dé la chaîne éternelle qui unit tout. » G.
ni;
SI.
L'enfant ne doit pas seulement savoir faire usage de ses membres, instruments naturels que Dieu lui donna pour le travail, il doit apprendre aussi à manier les instruments que l'industrie humaine lui a légués. Dans le tissage, nous lui avons remis une aiguille en bois. Ici nous lui donnons les ciseaux. Cependant nous réclamons de la part de l'institutrice une grande surveillance, car cet instrument si utile deviendrait dangereux entre des mains inhabiles et imprudentes. La feuille de papier étant découpée, comme dans le pliage, en quatre carrés, on arrive à la forme fondamentale de la manière suivante : Pliez votre carré en forme de triangle rectangle (fig. 1. pl. LU!). Pliez-le encore une fois (sur la ligne indiquée par des points) ; vous avez un triangle deux fois double. Pliez encore une fois les deux triangles supérieurs. Retournez la forme et pliez de même, mais en sens opposé des deux autres triangles. Vous avez une forme réunissant huit triangles rectangles superposés, unis quatre à quatre dans l'un des côtés et deux à deux dans la base, le grand côté. C'est la forme fondamentale pour les deux premières séries du découpage.
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Avant que l'enfant ne coupe dans le papier, il y faits différents plis qui lui servent de guide ; ces plis sont indiqués dans les figures que nous donnons. De même que la ligne verticale est la première ligue du dessin, parce qu'elle est la plus facile à tracer, de même la coupe verticale est la première du découpage, parce que, le bras conservant sa position naturelle, elle est la plus facile à tailler. Les enfants emploient les découpures à la création de formes artistiques. Les élèves les plus grands les collent sur du carton. On leur fournit le moyen d'introduire la plus grande variété dans leurs inventions, quand on leur distribue du papier colorié et qu'on leur permet d'en échanger entre eux quelques morceaux, afin d'avoir diverses nuances de couleurs. Dans le commencement, on fait en général plus usage des découpures que des fonds; souvent on réunit les uns et les autres. Plus tard les premières ne sont qu'accessoires, tandis que la forme découpée contient à elle seule tout le dessin qu'il faut produire. La loi que nous allons suivre pour le découpage est celle qui a régi toutes les autres occupations: faire l'opposée d'une chose donnée et réunir les deux
contrastes.
Cependant, n'allons pas croire que l'inventeur de ces occupations veuille que les enfants découpent uniquement d'après le mode qu'il prescrit: celuici doit guider et former l'esprit inventif de l'enfant, non pas le remplacer. Explication des planches (voir pl. LVII et LVIII).
A.
COUPE EN ANGLE DROIT.
Les nos 1 et 2 sont deux coupes opposées, réunies dans le n° 3. Au n° 4 apparaît la ligne horizontale. Viennent ensuite les lignes verticales et horizontales réunies d'abord en un, puis en deux points. La marche est toujours la même: contrastes et réunion des contrastes. Le n° 12 donne la ligne oblique. Celte ligne est successivement réunie à la ligne verticale et à la ligue horizontale, flg. 14 à 27. Les coupes se font dans les côtés de la forme et dans la base. Dans les nui 28 et 29 les obliques se réunissent entre elles.
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De 30 à 57, les lignes se réunissent en trois points et forment des triangles découpés dans l'intérieur de la figure. Là se termine la série de l'école du découpage pour les triangles rectangles. Cependant les figures suivantes démontrent quelle variété de formes artistiques on peut créer en réunissant de différentes manières les diverses coupes. La voie est ouverte à l'enfant; son activité inventive le conduira plus loin. La forme 59, découpée, donne le dessin a, pl. LXII. B.
COUPE EN ANGLE OBTUS.
Les coupes en angle obtus donnent une nouvelle série de figures. Nous en donnons des exemples, pl. LIX, 1 à 12. Le pliage de la forme est absolument le même que celui de la première série, sauf que les lignes de guide sont la perpendiculaire ab du sommet sur la base, et deux obliques, ac et ad, parlant du sommet et divisant les deux moitiés de la base chacune en deux parties égales, puis quatre obli ques, be, bf, bg, bh, partant du milieu de la base et divisant chacun des deux côtés de la forme en trois parties égales, et enfin deux obliques jk, ik, parlant des deux extrémités de la base et se rencontrant au milieu de la perpendiculaire. On procède comme dans la coupe des triangles rectangles. La forme 9 produit la figure b, pl. LXII. C.
COUPE EN ANCLE AIGU.
Pour cette coupe on plie autrement la forme fondamentale. Elle forme, 1 2 étant dépliée, un hexagone régulier fig. C elC , pl, LXII. Pliée, elle représente un triangle équilatéral. Pour l'obtenir, pliez le carré de papier sur une de ses diagonales; vous avez un triangle rectangle. Indiquez le milieu de la base (de l'hypothénuse) et faites partir de ce point deux obliques qui divisent l'espace autour de ce point en trois angles égaux. Indiquez ces obliques, en pliant un côté au-dessus et l'autre en-dessous. Coupez ensuite les coins superflus au triangle équilatéral et vous avez la forme demandée. Vous prendrez pour base le côté entièrement ouvert.
�— 164 On suit pour le découpage de celte forme les mêmes procédés que nous avons suivis dans les coupes en angle droit (Voir pl. LIX et LX, litl. C, fig. 1 à 20). Les formes S et 20 produisent les fig. C1 et C, pl. LXII; dans la première les découpures font partie du dessin, dans la seconde elles sont supprimées. D.
COUPE DES COURBES.
La forme fondamentale pour les courbes est la même que celle de l'angle aigu. La série que nous donnons pl. LX etLXI, fig. 1 à 12, indique la marche. Nous la devons aux bons soins de Mademoiselle Chevallier.
INVENTIONS LIBRES.
C'est par les productions des inventions libres que l'on voit à quel point le sentiment artistique se développe chez les enfants élevés d'après la méthode de Froebel. En fait de découpage il vous produiront les plus jolis dessus de lampes, les plus beaux abat-jour, etc. Nous donnons deux échantillons d'inventions faites par des enfants, pl. LXIII. On doit considérer l'importance du découpage, non pas seulement au point de vue de l'adresse qu'il donne à la main, mais comme moyen efficace dans la culture du sentiment du beau !
�LE PIQUAGE.
« La méthode Froebel développe l'enfant dès le « commencement de si vie, non-seulement de manière « à lui faire comprendre ce qui est beau, mais encore « à le lui faire produire. » B.
DE
M.
Dans l'entrelacement de papier, les contours ont été donnés par des lignes; dans le piquage ils sont dessinés par des points. C'est un exercice qui prépare à la coulure et à la gravure. — Le coup d'oeil et la main y sont également exercés. Il se pratique de la manière suivante: L'enfant a devant lui un carton mince sur lequel figurent les dessins qu'il veut piquer (voir pl. LX1V et LXV); il place sous ce canon un morceau île papier plié sur lequel il veut reproduire le dessin, puis chaque ligne de la ligure est piquée avec l'aiguille de piquage au moins trois lois: uue fois à chaque extrémité et une fois au milieu. Les piqûres doivent traverser verticalement le carton. La justesse exige que, lorsqu'une ligne doit être percée trois fois, on perce d'abord les deux extrémités et puis le milieu; si elle doit être piquée par cinq points, on fait d'abord les trois points précédents et l'on divise ensuite en deux chacune des deux dislances. Les premiers exercices se font par trois piqûres (1). (1) Il arrive parfois que le dessin piqué ne reproduit le dessin modèle que d'une manière très-confuse; l'enfant doit alors figurer les lignes du modèle par un fil passé par les trous piqués.
21
I
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La fig. 1, pl. LX1V, donne le piquage des lignes horizontales et des lignes verticales. La fig. 2 ne donne que des obliques; ces obliques sont réunies en un point. La fig. 5 donne des verticales et des horizontales réunies en points. Dans la fig. 4, la réunion des lignes verticales, horizontales et obliques; ces dernières se coupent. Dans les deux dessins suivants, ce sont les lignes verticales et les horizontales qui se coupent. La planche LXV donne des figures composées de lignes plus longues; ces lignes sont piquées cinq fois. Le piquage des dessins variés, des dessins avec des courbes, des dessins inventés peuvent suivre ici. On donne à reproduire des formes d'animaux, de plantes, de fleurs, etc. (pl. LXVI et LXVII). Quelques-uns des sujets que nous donnons sont empruntés au docteur allemand, M. Georgens. Un autre exercice très-important aussi suit le percement des trous : L'aiguille à piquer est remplacée par l'aiguille à coudre, pour passer un fil dans les trous faits par la première. C'est là non-seulement le commencement de la couture, mais encore un exercice efficace pour apprendre aux enfants à distinguer et à nuancer les couleurs : L'enfant reçoit du fil de différentes couleurs; il doit former les contours des feuilles, des fleurs, des animaux, des hommes, etc., il doit donc examiner la couleur que ces objets portent dans la nature, afin de pouvoir les imiter! L'enfant devient peintre et observateur minitieux de la nature. Peintre, on peut le dire; car, au moyen des trois couleurs primitives (le ronge, le jaune et le bleu), que Froebel ajoute à l'école de piquage, l'enfant assez âgé doit pouvoir colorier sès dessins piqués; le mélange des couleurs se fait par lui-même. Le piquage est donc un excellent exercice pour la main et pour l'œil; il développe le sentiment du beau et il forme le goût artistique.
�LE DESSIN LINÉAIRE.
« L'enfant, à l'état normal et valide, veut toujours « être occupé. Ce phénomène d'activité incessante « montre que l'enfant est travaillé du besoin de mettre « au jour et en action toutes ses virtualités. » FBOEBEL.
La vie de l'enfant consiste dans son activité. Celte activité procède de l'esprit qui, s'appropriant les idées qui lui sont suggérées par le monde extérieur, reproduit, au moyen des organes, le monde intellectuel qu'il s'est formé. — C'est ce qui nous fait dire, à juste titre, que l'enfant est créateur par sa nature ! — Ce principe établi, les premières conditions du développement intellectuel sont nettement dessinées : Présentez à l'observation de l'enfant les objets et les faits extérieurs; donnez-lui les matériaux nécessaires pour reproduire et inventer, et vous aurez rempli la tâche qui vous incombe pendant la première période du développement intellectuel ! Ainsi fait Froebel : Nous avons vu qu'il introduit dans le jeu de l'enfant les objets mêmes qui l'entourent ainsi que les actions principales de la vie pratique, afin que son œil les observe et que son esprit s'en approprie l'idée; il conduit l'enfant dans la nature; il lui donne à cultiver les plantes, à soigner les animaux; il le fait causer avec la mère sur des objets utiles et lui fait imiter, dans ses exercices gymnasiiques, les mouvements des ccupalions domestiques.
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D'un autre côté, nous connaissons tous les matériaux qu'il met entre les mains de son élève pour que celui-ci reproduise ce que son esprit s'est approprié. Les premiers de ces matériaux sont des solides, et cela non sans raison, car, quiconque a observé les jeux de l'enfant abandonné à lui-même, aura remarqué que ce sont les objets solides qui servent les premiers à l'expression de ses idées: La petite fille prend un morceau de bois pour sa poupée et le traite comme un enfant! Le petit garçon fait des chevaux avec des bâtons et des voilures avec des chaises. Il imite la marche du convoi sur le chemin de fer au moyen de morceaux de bois, etc. Mais, l'auteur de notre méthode conduit graduellement du concret à l'abstrait. Dans la suite des compositions qu'il fait faire par l'enfant, les solides sont remplacés par des planchettes représentant les surfaces; celles-ci font place aux petits hâtons qui figurent les lignes: et c'est ainsi qu'il arrive à la ligne dessinée pour parvenir enfin à la notion de la ligne mathématique. Nous sommes arrivés à l'étude de la ligne dessinée. Le dessin est le moyen par lequel l'enfant produit avec le moins de matériaux et avec le moins de force physique les formes qu'il veut créer; c'est pourquoi le dessin forme une partie essentielle des moyens éducateurs de l'homme; cette branche de l'enseignement négligée jusqu'aujourd'hui, rend à la jeunesse un puissant moyen de développement. Cependant, si nous plaçons le dessin sur ce terrain, ce n'est pas le dessin enseigné d'après les anciennes méthodes, où loul n'est que routine et imitation machinale ' Là, l'esprit de l'enfant ne travaille pas, ne crée pas : la main qui copie et l'œil qui examine, s'exercent seuls. — Nous parlons du dessiu linéaire de Froebel, où l'enfant s'occupe toujours d'une manière intellectuelle. Cette nouvelle méthode exerce la main et l'œil par le tracé des lignes; elle donne à l'intelligence, par le mode inventif qui en forme la base, l'aliment nécessaire à son développement, tandis qu'elle fournit au sentiment du beau et au bon goût, des figures régulières et harmoniques qui ont d'autant plus de valeur et d'attrait pour l'enfant, qu'il les a créées lui-même. A l'âge de 6 à 7 ans, un enfant qui suit la méthode Froebel, produit des inventions qui étonnent! On comprend quels avantages doivent résulter de
�t«9 cette méthode pour tes enfants de laclasse industrielle et professionnelle, où le dessin linéaire est si nécessaire de nos jours. Pour que l'enfant fût capable de dessiner seul, sans modèle, à un âge si peu avancé, il fallait deux choses : guider la main et diriger l'intelligence. Froebel donne pour guide de la main des carreaux gravés dans l'ardoise et tracés sur le papier. L'intelligence est dirigée par su loi des contrastes et des intermédiaires, la loi de l'harmonie qui existe partout dans la nature, formant la règle des arts et produisant l'ensemble merveilleux de l'univers. L'enfant dessine d'abord sur l'ardoise rayée, puis sur le papier. L'institutrice fait faire d'abord sur l'ardoise tracée des verticales de la longueur d'un carreau. (Fig. 1 pl LXVII.) Aussitôt que 'l'enfant montre assez d'aptitude à ce premier exercice, elle passe à celle de deux, puis à celle de trois, de quatre, jusqu'à cinq longueurs de carré. (Fig. 1 à S.) I. On fait réunir ces cinq lignes différentes : L'enfant obtient alors une figure qui a la forme d'un triangle (fig. a); c'est un triangle rectangle formé par cinq ligues posées sur un même tracé, et dont l'angle droit se trouve à la droite de la base. On invite l'enfant à faire l'opposé de la figure trouvée: Au lieu de poser les lignes sur un tracé, il les suspendra: au lieu de commencer par la ligne la plus petite, il commencera par la plus grande. Il aura produit ainsi la figure 6, où l'angle droit se trouve à gauche de la partie supérieure. Ces deux contrastes, a et b, ont deux intermédiaires, c et d: Dans c les lignes sont posées sur le tracé, comme dans a; l'on y a commencé par la ligne la plus grande, comme dans b; l'angle droit se trouve à la base, comme dans a et du coté gauche, comme dans b. — Dans d les lignes sont pendantes, comme dans b; l'on y a commencé par la ligne la plus petite, comme dans a; l'angle droit occupe la droite de la figure, comme dans a, et la partie supérieure, comme dans 6. Voilà la même forme présentée sous quatre aspects différents : a,, b, c, d. Chacune de ces figures forme un. tout par rapport aux lignes qui les composent. Mais, de même que dans la nature chaque chose, chaque groupe fait
�— 470 — partie d'un ensemble plus grand, les figures a, b, c, d vont servir à la créalion de nouvelles formes. On les réunit avec leur angle droit au centre (fig. A, pl. LXVIII). Dans le contraste (fig. B) tous les angles droits sont extérieurs. A a un centre plein, B un centre vide. C et D sont deux intermédiaires entre A et B, car les angles droits sont moitié intérieurs et moitié extérieurs. Les fig. E, F, G, H (pl. LXIX) sont quatre autres intermédiaires entre A et B; mais ils se rapprochent de A plus que de B : Deux angles droits sont entièrement intérieurs et deux, moitié intérieurs et moitié extérieurs. Ces quatre nouveaux éléments réunis en I, donnent une jolie forme artistique. Le contraste J est donné par la planche LXX. Les intermédiaires étant faciles à trouver, nous avons négligé de les donner (voir les triangles, page 103, etc.). Les figures N, 0, P, Q, R, S, pl. LXXI, fontvoir les formes tournantes dont nous avons parlé à l'occasion des triangles, page 106. R et S, intermédiaires entre N et 0, le sont en même temps entre A et B, et se prêtent à la création de belles figures. (Voir pl. XXX et XXXI.) La marche suivie pour celte série peut l'être également pour toutes les autres; à savoir : 2. Pour le triangle obtusangle, dont on voit, sur la pl. LXXII, les quatre éléments a, b, c, d réunis dans A et dans B. 3. Les triangles acutangles, qui ne fournissent que deux éléments a et b (même planche). 4. La ligne horizontale. Les éléments a, b, c, d réunis dans A sont des triangles rectangles; ou doit également exécuter le dessin avec les triangles oblusangles et avec les triangles acutangles. 5. Les lignes verticales et horizontales réunies eu un point, (réunion de deux membres en forme de triangle rectangle) dont on trouve les éléments a, b, c, d dans les deux contrastes A et B. 6. La réunion des mêmes lignes d'après la forme des triangles obtusangles.
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7 et 8. (Pl. LXX1II.) La réunion des lignes de longueurs différentes. 9. La réunion de cinq carrés de différentes grandeurs. Il est à remarquer que pour chaque nouvel élément, on suit la marche que nous avons indiquée pour la ligne verticale. Ici on fera donc faire des carrés de la grandeur d'un carreau, puis de quatre, de neuf, etc., pour en composer ensuite les membres a, b, c, d. 10. L'angle droit formé pardes carrés et figurant par ses quatre positions les éléments a, b, c, d. . — Nous offrons, pl. LXX1V, une figure composée des quatre membres précédents, d'après les formes tournantes. 1 !. 12. 13. 14. 15. Les rectangles verticaux réunis en ligne horizontale. (1) Les mêmes réunis en ligne verticale. La combinaison des deux dernières. (Pl. LXXV.) La réunion des rectangles horizontaux, en ligne verticale. En ligne horizontale.
16. Réunion des rectangles en forme de triangle acutangle (toutes les positions possibles). 17. Réunion des rectangles verticaux et horizontaux. 18. La ligne oblique figurant les trois espèces de triangles. (Pl. LXXVI). 19. La ligne moitié oblique, se rapprochant de la verticale. 20. La ligne au tiers oblique. 21. La ligne au quart oblique. 22. La ligne au cinquième oblique. On peut faire les mêmes exercices avec les obliques qui se rapprochent de l'horizontale. 23. La réunion de cinq obliques. 24. La réunion de cinq obliques en un point, produisant toujours les .quatre membres, a, b, c, d. 25. Ces quatre membres unis deux à deux par le point de rencontre de toutes les lignes. 26. La réunion des mêmes éléments par le côté opposé.
(1) Certains numéros n'ont pas été portés sur les planches, dans le cas où nous avons jugé la parole suffisante pour nous faire comprendre.
i
�—m27. Deux obliques semblables, partant de deux points opposés et dont Tune se rapproche de la verticale et l'autre de l'horizontale, se coupent dans le contour du cercle passant par les deux points opposés. C'est ainsi qu'en traçant les différentes obliques partant de A et B ainsi que de C et D du carré ABCD (pl. LXXVII), on détermine les points delà circonférence. Un ou deux de ces points, marqués de chaque côté du carré, suffisent à l'enfant pour lui faciliter le tracé du cercle. Les enfants font des figures avec les cercles circonscrits aa d'abord, et puis avec les cercles inscrits bb, comme ils en ont fait avec les carrés. On peut suivre avec les cercles les procédés que nous avons donnés pour la simple ligne et pour le carré. 28. Les quarts de cercle, dont on voit deux figures composées A et B, deux contrastes. Les éléments formés par des quarts de cercle sont réunis d'une autre manière et donnent de nouveaux membres dans 28* et 28e. 29. Les quarts de cercle en position oblique (a, 6, c, d). 30. Les demi-cercles. 51. Les Irois-quarts de cercle. Les courbes entrent dans la création d'un nouveau genre de figures, comme on le voit au n° 30, ainsi qu'aux figures conlraatéees que nous fournissent les trois-quaits de cercle. Nous ne finirions pas si nous devions donner toutes les combinaisons possibles avec les différentes lignes. D'adleurs, nous croyons l'institutrice assez éclairée par les notions précédentes, pour diriger ses élèves dans la recherche d'autres éléments et dans la création de formes nouvelles. Le dessin linéaire de Froebel offre des séries de combinaisons inépuisables. Lu effet, quelle infinité d'exereb es ne trouve-l on pas quand on exécute avec chaque élément, les figures de la première série? De plus ce dessin occupe l'enfant d une manière plastique, tandis que dans nos anciennes méthodes l'élève n'est, la plupart du temps, qu'une machine à copier. Joignez à cela le dessin qui accompagne le travail avec les petits bâtons et vous trouvez dans Froebel tout ce qu'il faut pour donner une base solide au dessin industriel et artistique-
�LES JEUX GYMNASTIQUES.
« « « «
« Là gymnastique du corps ne donne pas seulement aux membres la liberté du mouvement, l'esprit aussi en profite. L'équilibre physique réagit sur l'équilibre moral. L'harmonie et la grâce du corps inriiieiil sur l'harmonie des facultés de l'àme. B.
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M.
Les causeries de la mère donnent In première gymnastique. Nous avons vu commentquelques-uns de ces jeux, par exemple : « les Pilons du moulin, » se transforment en jeux gymnastiques pour des enfants qui savent marcher. Froebel donne une série de jeux du môme genre appropriés à l'âge des enfants de nos écoles gardiennes. Ces exercices diffèrent de la gymnastique ordinaire en ceci : 1° Qu'ils sont toujours accompagnés de chaut, 2° Que le chant indique les mouvements que l'on doit exécuter. 3° Que ces mouvements sont empruntés à un acte quelconque de la vie réelle. De sorte que ces jeux éveillent les sentiments et font agir les facultés intellectuelles, en même temps qu'ils développent les membres et les sens. Il nous a été impossible de donner tous les sujets des Causeries de la mère; il nous est également impossible de reproduire tous les jeux gymnastiques de Froebel. 11 en faut un répertoire très-varié pour les jardins d'enfants et les salles d'asile. — Nous nous plaisons à constater que notre publication a déjà été devancée par la publication de quelques jeux d'après
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la méthode de Froebel, par madame Pape-Carpentier, de Paris, et que M. et madame Ruelens s'occupent de la composition d'une série de jeux gymnastiques dans le genre du « Paysan, » imitation libre de Froebel, que nous leur empruntons. Nous nous bornerons donc à donner quelques exemples.
I. — LE PAYSAN.
(Pour la musique, voyez à la fin du Manuel.) « « « « « « « Comment fait le paysan, En travaillant dans la plaine Et se donnant de la peine, Quand il sème le froment? Comment fait le paysan? Voilà, comme il fait vraimenl, Quand il sème le froment!
« La, la, la, etc. » « « « « « « « Comment fait le paysan, En travaillant dans la plaine, Souvent sans reprendre haleine, Quand il fauche le froment? Comment fait le paysan? Voilà comme il fait vraiment, Quand il fauche le froment!
« La, la, la, etc. » « « « « « « « Comment fait le paysan, Quand les épis par centaines Sous la faux jonchent les plaines, Pour rentrer le beau froment? Comment fait le paysan? Voilà, ce qu'il fait vraiment, Pour rentrer le beau froment!
« La, la, la, etc. »
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« « « « « « « « « » « « « « « « « « « « «
Comment fait le paysan, Quand il a quitté la plaine, Et que la grange est bien pleine Pour battre le bon froment ? Comment fait le paysan ? Voilà, comme il fait vraiment, Pour battre le bon froment? La, la, la, etc. » Comment dort le paysan, Rentré dans sa maisonnette, Au fond d'une humble couchette, Sans redouter l'ouragan ? Comment dort le paysan ? Il s'endort ainsi, vraiment, Le cœur paisible et content ! La, la, la, etc. » Puis le joyeux paysan, Après de longs jours d'ouvrage, Pour prendre force et courage, Se promène et va chantant : Tra, la, la, etc. »
Explication du jeu. — En chantant les quatre premiers vers, les enfants se donnent la main et marchent en cercle. Au cinquième ils s'arrêtent, font un demi-tour et s'apprêtent à marcher en cercle à la suite les uns des autres; ils prennent de la main gauche leur tablier ou leur blouse et, en commençant le sixième vers, ils marchent au pas et imitent de la main droite le mouvement d'un homme qui sème du blé. A la fin du septième vers, les enfants s'arrêtent, se prennent la main, puis dansent en cercle en chantant : La, la, la, la, etc. A la deuxième strophe, le mouvement du faucheur remplace l'action de semer. A la troisième les enfants, deux à deux, font la charrette; le premier représente le cheval et, tenant derrière lui les mains de son camarade, il le traîne, comme le cheval traîne la voiture.
I
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A la quatrième strophe, pendant ie chant des deux derniers vers, on reste en place pour imiter le batteur. A la cinquième on s'accroupit dans l'altitude d'un homme qui se repose, le coude sur le genou et la tête appuyée sur la main ; le chaut rallentil son mouvement. La sixième se chante pendant que les enfants se tiennent en place; au refrain on forme une marche et on donne la mesure par un battement des mains.
II. — EES COURONNES.
(Pour la musique, voyez à la fin du Manuel). « Restons unis « Jeunes amis, « Car l'harmonie « Embellit toujours la vie? « La, la, la, etc. » « « « « De « Comme en nos jeux, Pour êlre heureux, Il faut sans cesse l'union, de la tendresse ! La, la, la, etc. »
COURONNE DE ROSES.
« « « « «
Ressemblons à la rose, Symbole de candeur, Et que sa fleur repose, Sur notre jeune cœur! La, la, la, etc. »
COURONNE DE VIOLETTES.
« « « « «
Aimable violette, Toi, qui fuis tout éclat, Prête-nous, ô fleurette, Ton parfum délicat ! La, la, la, etc.
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COURONNE DE LIS.
« « « « «
Symbole d'innocence, Aimable lis des champs, Viens orner notre danse, Viens t'unir à nos chants ! La, la, la, etc. »
COURONNE DE CHÊNE.
« « « « «
Nous aimons la verdure Par qui nous espérons ; Du chêne la parure Ici ceindra nos fronts ! La, la, la, etc. »
TOUS.
« « « « «
A la verte couronne Nous nous unissons tous ; Que l'espoir n'abandonne Jamais aucun de nous ! La, la, la, etc. »
Explication du jeu. — Pendant la première strophe les enfants marchent en rang, deux à deux. Pendant la deuxième, ils forment quatre cercles qui présentent les couronnes. Trois de ces cercles peuvent être composés d'un nojnbre illimité d'enfants ; mais le quatrième, qui représente la couronne de chêne, doit en comprendre six, neuf, douze ou tout autre nombre divisible par trois. Les quatres cercles doivent être placés les uns près des autres et de manière que la couronne de chêne soit à' peu près au milieu des trois autres. Cela fait, la couronne de roses tourne seule en chantant : « Ressemblons à la rose, etc. » Au refrain : « La, la, la » les aulres couronnes tournent et chantent aussi. Puis vient le tour de la couronne de violettes, ensuite celui de la couronne de lis.et enfin celui de la couronne de chêne.
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A la dernière slrophe, la couronne de chêne se divise en trois : deux enfants de chacune des autres couronnes prennent chacun la main de deux enfants de la couronne de chêne. Ceux-ci s'écarlent pour faire place aux autres et toutes les couronnes se fondent en une seule.
III. — LE COLOMBIER.
(La musique à la fin du manuel). « « « « « « « « « « Quand j'ouvre mon beau colombier ; Envolez-vous tous dans la plaine ; Colombe blanche et beau ramier, Que rien ici ne vous enchaîne, Volez, volez à perdre haleine ; Mais, lorsque le soir reviendra Songez à la nuit incertaine Revenez vite de la plaine, Car, lorsque l'heure sonnera Le colombier se fermera ! »
Explication du jeu. — Les enfants se tiennent par la main et forment un cercle. Deux ou plusieurs autres, qui représentent les pigeons, sont au centre. Le cercle se resserre sur les pigeons de manière à les enfermer. Lorsqu'on commence à chauler, les enfants s'éloignent du centre en élevant les bras de manière à figurer les portes du colombier. Aux paroles : « Envolez-vous... » les pigeons sortent et courent ça et là en imitant avec les bras le mouvement des ailes des pigeons qui volent. Aux paroles : « Car lorsque l'heure sonnera. » Ils rentrent et le cercle se resserre. Alors, on interroge les pigeons ; ou leur demande où ils ont été, ce qu'ils ont vu, ce qui leur est arrivé, etc.
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IV. — MARCHE GYMNASTIQUE.
« Au pas marchons en avant, « Maintenons bien notre rang; « Que les genoux s'assouplissent, « Que les jambes s'affermissent ; « Plaçons les pieds en dehors, « Et tenons droit tout le corps ; « Que les deux bras se détendent, « Que librement ils descendent; « Du voisin il faut s'écarter, « Mais sans trop s'en éloigner. « L'un à l'autre ce jeu nous lie; « Qu'il en soit ainsi dans la vie ! » Explication. — Les enfants marchent en rang deux à deux, en observant bien la position indiquée parles paroles du chant. Les jeux gymnastiques doivent conduire aux exercices gymnastiques usuels, qu'on pourra même déjà appliquer dans l'école préparatoire. Nous donnons, à la suite de la musique des jeux gymnastiques, un chant d'entrée et un chant de sortie que les enfants peuvent exécuter ensemble pour commencer et pour finir la journée.
�APPLICATION DE LA MÉTHODE DE FRŒBEL.
M. le professeur Raoux a fait, dans son jardin d'enfants des Charmettes, à Lausanne, quelques heureuses additions à la méthode de Froebel, dont il a bien voulu nous permettre de faire usage ici. Nous lui empruntons les deux chapitres suivants : Application de la méthode de Frœbel à l'enseignement de la géographie, 1° Sur un tableau noir, quadrillé et numéroté comme le dessin ci-joint, l'institutrice fait le modèle d'une carte. Chaque élève inscrit sur son cahier, également quadrillé, les numéros du modèle; il trace ensuite les points principaux de la carte (villes, rivières, etc.), en remarquant les numéros des carrés dans le sens vertical et dans le sens horizontal (pl. LXXVIP) (1), Ainsi, il marquera, par exemple, la place de Gand à peu près au milieu du carré de jonction du n° 9 et du n° 8; celle de la ville d'Anvers sur l'intersection des lignes 15-16 et 5-6. Lorsque les points principaux sont tracés, l'élève les réunit par des lignes, en observant les formes et les contours du modèle dans chaque carré. 2° On peut ensuite achever le dessin avec des crayons de diverses couleurs, et même indiquer quelques ombres. (1) M. Raoux donne pour exemple le cours du Rhône; nous avons appliqué son idée à notre pays.
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3° En plaçant sous ce premier dessin plusieurs doubles de papier de couleur, et en appliquant le procédé du piquage, on obtiendra plusieurs caries nouvelles. •4° L'une de ces caries piquées pourra être découpée avec des ciseaux, en laissant une épaisseur suffisante aux contours des rivières, pour que le colInge puisse avoir lieu. 5° Ce collage se fait sur un sur les autres. Les élèves reproduisent ainsi cinq fois la mèmecaite en variant toujours le travail, et conservent des résultais visibles et tangibles de leur activité et de leurs progrès. On comprend sans peine que ces divers procédés peuvent aussi s'appliquer à la botanique, à la zoologie descriptive, elc. papier de couleur différente, et l'on ajoute pour indiquer les villes, de pelits ronds de papier d'une couleur qui tranche
Introduction des mesures métriques dans les matériaux de la méthode de Froebel (1).
La méthode de Froebel étant basée sur les sciences positives, et faisant incessamment appel à leurs données, c'est agir évidemment dans l'esprit qui l'a inspirée que de substituer le mètre, mesure scientifique, aux mesures plus ou moins arbitraires dont on s'est contenté jusqu'aujourd'hui. A ces deux avantages d'une langue scientifique et universelle, permettant aux instituteurs de tous les pays de s'entendre, et de discuter ensemble certaines questions d'organisation matérielle, il faut ajouter cet avantage non moins grand, d'initier pronplement et sans peine les jeunes élèves à la connaissance du système métrique, qui devient chaque jour plus indispensable et plus utile. En se servant de matériaux construits d'après ces mesures, les enfants apprennent aisément à déterminer en mètres, centimètres et millimètres, les différentes dimensions des formes et des figures qu'ils créent (1) Fragment tiré du cours normal donné par M. Raoux, en 1861, à l'établissement des Charmettes, à Lausanne. 23
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ou qu'ils imitent avec les cubes, les briques, les triangles, les petits bâtons, etc. ; puis, de proche en proche, à appliquer les mêmes mesures aux tables, aux bancs, aux meubles, aux parois de l'école, à leurs pelits jardins, au jardin commun, aux ligures qu'ils tracent sur le sol pour leurs divers jeux, etc. Outre les connaissances positives qu'on leur fournit par ce moyen, on leur inspire le goût et le besoin de la précision, l'habitude des comparaisons exactes, et on les met sur la roule qui conduit naturellement à Yarpentage et à la géométrie. Tels sont les motifs qui nous ont déterminé à introduire les mesures métriques dans les matériaux de la méthode de Froebel, et dans les jeux où l'on a besoin de mesurer des objets ou des distances. Les chiffres 3 et 5 ayant, aux yeux de Froebel, une très grande importance, nous les avons adoptés pour les points de dépari de toutes les dimensions des solides, des surfaces et des longueurs, et nous avons cherché, non sans peine, vu la complexité des données du problème, à y introduire la loi sériaire génétique, en nous écartant le moins possible des modèles allemands. C'est ainsi que nous avons fait dériver tous les triangles d'un carré de cinq centimètres de côté, diamètre de la balle et de la boule, en divisant le carré en quatre triangles rectangles isocèles par deux diagonales (fig. 1),
1
2
3
i
en un triangle équilatéral sur la base du carré (fig. 2), en quatre rectangles; scalèues égaux (fig. 3), et en quatre obtusangles isocèles égaux (fig. 4). Les longueurs dérivent à leur tour des deux types primitifs (5 et 3), ou de leurs multiples, eu sorte que tous les matériaux de la méthode se trouvent ainsi réunis en une espèce de famille où les membres sont reliés par
�- tts les deux mesures génératrices, et où l'on passe, suivant l'esprit de la méthode, du semblable au semblable différent, par une série de transformations . Voici le tableau synoptique de ces dimensions, en suivant la série générale de matière décroissante (solides, surfaces, longueurs et points) -.
SOLIDES.
La balle du l*rdou La boule, le cube et le cylindre du 2me don. Le cube du 3m° don
!
SURFACES. Le carré de la 1" boite des surfaces Le triangle rectangle isocèle Le triangle équilatéral . . [ ( 1 ( [ \
I
diamètre diamètre côté . largeur longueur épaisseur
5 5 3 3 6 1
centimètres. cent. cent. cent. cent. t/2 cent.
Le triangle obtusangle isocèle
Le triangle rectangle scalène
] (
côté . . hypolhénuse épaisseur . côtés . . épaisseur. grand côté épaisseur. petit côté. côté moyen épaisseur.
. . . . . .
S cent. 5 cent. 3 millimètres S cent. 3 mill. S cent. 3 mill. 2 1/2 cent. S cent. 3 mill.
Les trois boîtes mathématiques, ouïes fractions d'un carré de o centimètres de côté et de 2 millimètres d'épaisseur (carton). Ardoise et papier quadrillés .... côté du carré 5 et 10 mill.
�— m —
LONGUEURS. ( .) ( longueur . largeur . épaisseur. . 25 cent. . { cent. . 1
1/2
Les lattes pour l'entrelacement.
.
.
mill.
L'aiguille du tissage, longueur, moyennne 20 cent. Le poinçon pour le piquage, longueur 10 cent. Le mètre tournant, branches de 10 ou de 20 cent. . ( longueur. . 1, Set 5 cent. Les petits bâtons . ... v ( épaisseur. . a mul. 2 Les cercles en fil de fer et leurs fractions, diamètres . . 5 cent. Les cercles concentriques, diamètres variant avec les modèles.
POINTS.
Pois trempés ou boules de terre glaise, de cire, etc., diamètre o à 10 mill. Nombre des points du piquage proportionné à la grandeur des carrés. Liaison des longueurs et des points par de petits bâtons de 5 centimètres.
�LE JARDIN D'ENFANTS
GOMME ÉCOLE PRÉPARATOIRE.
« « « « «
« L'enfant doit connaître le sol qui l'a vu naître, sa végétation, ses animaux et toutes ses productions, avant d'être inilié à la science. Il doit observer avant d'être enseigné; faire des expériences avant de s'occuper de celles des autres. — C'est le jardin d'enfants qui offre cette préparation. » B. DE M.
Le jardin d'enfants doit préparer l'enfant pour l'école. Celle-ci doit cire le complément de celui-là. II faut donc nécessairement que l'on trouve au jardin d'enfants la base, le point de départ de toutes les branches enseignées à l'école primaire. Examinons comment l'instruction se lie aux occupations que nous avons décrites.
L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX. « Tout homme, étant sorti de la main de Dieu, existant par Dieu et vivant en lui, doit s'élever à la religion de Jésus, à la religion chrétienne. C'est pourquoi on mettra à la tète du programme des écoles, l'enseignement de la doctrine chrétienne. Partout l'école enseignera pour elle et en elle. » Ainsi parle Froebel, et il ajoute : « Le véritable esprit de l'école comme
« « « «
�— 186 — « l'esprit de Jésus, comme l'esprit de Dieu ne consiste pas en gestes, en « manifestations machinales. » Il veut donc que les enfants soient religieux par conviction, qu'ils aient le sentiment de leur religion, et c'est pour obtenir cette conviction, pour leur donner la conscience de leur religion, qu'il écarte pour les petits enfants l'enseignement abstrait et qu'il les prépare d'une manière intuitive. Il prétend qu'avant de pouvoir donner à l'enfant la moindre idée de l'Être suprême, Créateur de toutes choses, protégeant et aimant ses créatures, il faut que ses facultés de concevoir, de connaître et d'aimer aient acquis un certain degré de développement. Il veut qu'on lui fasse observer et comprendre les effets, les œuvres, avant de lui parler de l'auteur. Celle préparation doit commencer dès la première enfance. Ce sont surtout les impressions d'harmonie qui agissent sur l'âme enfantine. La musique est un puissant moyen pour produire ces impressions. Elle s'adresse directement au sentiment. Aussi, de tout temps, l'instinct maternel prend-il un ton chantant pour parler à l'enfant dans les premiers jours de sa vie. La musique agit suivant son caractère : Ses impressions excitent ou la joie ou la mélancolie, ou l'expansion de la gaîté, ou le recueillement. Il n'y a pas de culte sans musique sacrée. Celle-ci a la puissance de plonger dans le recueillement et d'élever les esprits vers Dieu. Par elle on éveille la vie religieuse. Froebel conseille d'endormir les petits enfants en chantant une hymne dont les paroles et la musique soient bien simples. L'usage est répandu de chanter auprès de l'enfant quand on veut l'endormir; pourquoi ne pourraiton pas remplacer par une hymne ces chants, qui n'ont ordinairement aucun sens ? En second lieu, nous avons la nature. Froebel dit : « De même que l'esprit invisible de l'homme apparaît visi« blement dans le monde artistique, de même l'esprit de Dieu se manifeste « dans la nature; la nature est l'indice visible du Dieu invisible. Quand l'enfant aura compris, au moins intuitivement, les relations et la sympathie qui existent à différents degrés dans la nature et dans la vie
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humaine, quand il sera capable de sentir la protection, les soins, les bienfaits qui lui sont prodigués, il aura un point de départ et de comparaison pour comprendre Dieu. Par les relations de la famille : la protection, l'amour des parents, la dépendance, la soumission de l'enfant, il comprendra les relations entre l'homme et l'Être divin, la Providence qui veille sur lui. Dans les causeris de la mère, Froebel montre de la manière la plus naïve, comment il est possible de faire voir Dieu, comme dernière cause, dans chaque objet et dans chaque fait; comment oii peut, à ces occasions, élever l'àme enfantine vers son Créateur et son divin Protecteur, le lui faire aimer et adorer, et mettre en lui toute sa confiance. Chaque sujet des causeries tend à cet effet; car, d'après Froebel, l'éducation ne peut avoir d'autre but que: « l'union de l'être humain avec Dieu, avec ses sembables tt avec la nature universelle. ■> Mais aucune puissance n'égale celle de l'exemple. Tout ce que la mère fait, ce qu'elle pense, ce qu'elle sent, agit sur les jeunes enfants d'une manière immédiate. C'est donc elle surtout qui doit inspirer à son enfant la piété, en le faisant assister dès la première enfance à son propre recueillement, à ses prières. L'action qu'elle exerce sur lui, lui inspirera le recueillement avant d'être en état de prier verbalement. Des historiettes pieuses, choisies avec discernement, et mises à la portée des jeunes intelligences, achèveront la préparation à l'enseignement religieux qui se donnera soit à l'école, soit à l'église. Quand la semence de la parole sera reçue par un sol ainsi préparé, certes, elle portera des fruits!
LA LECTURE ET L'ÉCRITURE.
Après le développement du langage, de la prononciation, il ne faut plus pour la lecture qu'une chose : c'est de savoir rattacher les sons et leur signification aux signes, aux lettres qui les représentent. La forme des lettres n'est déjà plus étrangère à l'élève au jardin d'en-
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fanls : il les a figurées avec des petits bâtons et des pois, il les a piquées
dans le papier, il les a dessinées sur son ardoise; et sans prétendre les lui enseigner, la mère a eu soin de les appeler de leur nom chaque fois qu'elle les lui montrait du doigt. M. Dierckx, inventeur de l'écriture belge, a décomposé les lettres de l'alphabet en six éléments qu'il a fait couper en carton. L'enfant joue avec ces pièces, les ajuste, forme des lettres et des mots. Ce procédé, conforme à l'idée de Froebel, peut être employé avec fruit au jardin d'enfants. Cependant, on ne doit pas commencer l'enseignement proprement dit de la lecture avant que l'enfant, en quelque sorte, ne le demande; avant qu'il ne sente la nécessité de savoir lire. C'est le sentiment de la nécessité de la lecture et de l'écriture, c'est le désir de la lecture et de l'écriture que Froebel tâche d'inculquer à ses élèves. Pour atteindre ce but, il écrit le nom des enfants sur la bande de terre qui leur appartient au jardin; il attache aux plantes des plaques qui portent leurs noms, il fait piquer des mots et des lettres, etc. A l'âge de 6ans, quand l'enfant sera désireux de savoir lire et écrire, on pourra lui faire suivre la méthode de lecture que nous annexons aux occupations de Fr. Froebel (voir plus loin). LA CALLIGRAPHIE. Les occupations manuelles du jardin d'enfants préparent les enfants à tous les travaux qui demandent beaucoup d'adresse et de souplesse dans les doigts. Il en est ainsi pour la calligraphie. La calligraphie est le dessin exact et élégant des caractères d'écriture. Le dessin sur carreaux de Froebel est un exercice préparatoire pour la calligraphie. Celle-ci se greffe naturellement sur l'un des exercices de la ligne oblique, suivant le type que l'on adopte. L'HISTOIRE NATURELLE. Dans le jardin, au milieu de la nature vivante, les enfants recueillent les notions des sciences naturelles que leur âge peut comprendre. Ils apprennent la botanique et les principes de la culture, en cultivant eux-mêmes
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Ils apprennent à connaître la vie des animaux en y apportant eux-mêmes les soins nécessaires. Froebel a recommandé aussi des promenades champêtres ayant pour premier but celui d'initier l'enfant dans la connaissance de la nature. Dans les salles d'un jardin d'enfants bien organisé, on trouve une espèce de petit musée d'histoire naturelle, renfermant des collections de produits que l'enfant ne pourrait pas avoir dans le jardin de l'établissement et qui font l'objet des causeries, surtout en hiver. GÉOGRAPHIE. Les promenades champêtres, recommandées pour l'histoire naturelle, servent aussi à faire connaître aux enfants les différentes espèces de terrains, ainsi que leurs productions diverses. Cependant, le point de départ pour la géographie est dans le jardin. Les élèves en font la description topographique, ils en connaissent naturellement la population et la productivité du sol. Du jardin, leur cercle s'étend aux environs, et de cette manière on arrive à faire connaître une province, à faire comprendre que plusieurs provinces forment un pays, plusieurs pays, une partie du monde, etc. Toutes les notions générales, chaînes de montagnes, rivières, lacs, etc., leur sont montrées en miniature au jardin d'enfants. Ils peuvent, en outre, mettre en pratique les applications introduites par M. Raoux (voir p. 180), qui offrent un moyen puissant pour graver dans la mémoire tous les détails de la géographie physique. L'HISTOIRE. Dans l'enseignement, on tâche de faire comprendre ce qui est inconnu par les choses que l'élève connaît déjà. Le petit enfant se connaît lui-même ainsi que ses relations avec les personnes qui l'entourent. C'est ce que Froebel lui a appris, car il donne dans ses causeries de la mère, les différentes phases de la vie enfantine, afin que l'enfant apprenne son histoire. De la connaissance de lui-même et de ses diverses dépendances et relations, il est conduit à ia connaissance de la société. On le fait ensuite jeter ses regards dans le passé, afin que le jeune homme voie les développements qui
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�— 190 se sont opérés dans le genre humain et qu'il puisse se préparer pour l'avenir. EN GÉNÉRAL : Comme le jardin d'enfants développe l'homme d'après ses facultés physiques, inlcllecluelk's et morales, il le prédispose à toute étude, à toute instruction. La jeunesse qui sort des établissements tenus d'après la méthode de Froebel, est apte à tout apprendre. Habituée à l'activité, le travail lui est de\enu une nécessité; et, avec le corps robuste et sain dressée! fortifié par les exercices gymnastiques sous l'influence du grand air, avec des membres habiles, exercés par les occupations manuelles, avec une intelligence développée et toujours avide d'apprendre, avec des sentiments bien cultivés, rien ne l'arrête : ni la fatigue des grands travaux, ni l'exécution délicate des arts cl métiers, ni les réflexions profondes des études sérieuses, ni les exigences sévères des œuvres esthétiques! C'est la terre préparée avec soin pour rece\oir la semence que le professeur doit y jeter, ce sont des bases solides-sur lesquelles on peut construire en pleine sécurité!
ÉTABLISSEMENT DES JARDINS D'ENFANTS.
Plus d'une personne, dont l'intérêt est vivement excité par l'invention bienfaisante de Fr. Froebel, se laisse effrayer par la dépense qu'occasionnerait rétablissement d'un jardin d'enfants. Pour rassurer nos lecteurs sur ce point, nous mettons sous leurs yeux un plan et un de\is que l'on pourra modifier d'après les localités et d'après la condition sociale des enfants qu'on veut élever. Les aménagements du plan ei-annexé ont été calculés pour recevoir 121) élèves ; au besoin ils pourraient servir à uu nombre d'élèves plus grand.
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Le terrain a une longueur de 40 mètres sur 50 de largeur; soit 1,200 mètres carrés de superficie; évaluons-le, en moyenne, à 12 francs le mètre carré, nous aurons pour prix d'achat du terrain une dépense de fr. Constructions Aclial de plantations, d'animaux, d'ustensiles de jardinage Achat de meubles et de matériaux pour les jeux (I). Soit en tout : . . . . . . . 14,400 12,000 200 1,400 28,000
. fr.
Le capital de cette première mise de fonds aux intérêts de î$ p. c , demande le payement annuel d'une somme de On devra payer en outre : Le traitement de la directrice de 2 aides à 800 francs » d'une bonne . : . . . . fr. Pour contribution, entretien, etc. Pour le chauffage ........ 1,800 1,600 400 500 100 5,800 . . fr. 1,400
Dépense annuelle (2)
120 élèves, à raison de 5 francs par mois, donnent une recette annuelle de 7,400 francs. A raison de 6 fr. par mois, ce qui n'est pas trop dans les grands centres de population, 8,040 francs. Il y aurait un boni de 1,400 fr. dans le premier cas, et de 2,640 fr. dans le deuxième. Ces mêmes locaux peuvent servir le soir pour y donner des cours éducatifs aux femmes adultes; car, pour que l'idée de Froebel soit entièrement réalisée, il faut que tout le sexe féminin s'initie à l'art d'élever les enfants. C'est dans ce but que le pédagogue allemand veut que sa méthode soit enseignée dans chaque école de filles, dans chaque établissement où l'on forme les futures mères et les futures bonnes d'enfants.
(1) On peut se procurer la collection des boîtes de Froebel, chez M. F. CLAASEN, éditeur, 9, rue Cantersteen, à Bruxelles. (2) 11 est k remarquer qu'en i'an 1.874 où nous vivons, ces dépenses ont besoin d'être majorées.
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DESCRIPTION DES DÉTAILS.
LES SALLES.
Les constructions doivent répondre aux exigences et aux prescriptions de l'hygiène. On a : a. Les salles à ouvrage. ' 6. La salle pour les jeux gymnastiques en cas de mauvais temps. c. Les vestiaires. d. Cabinet. e. Logement de la concierge. f. Lieux d'aisance. g. Serre pour les ustensiles de jardinage. h. Cabanes pour les animaux. Les salles à ouvrage sont garnies de bancs et de tables. Les tables, de la largeur de 60 centimètres, doivent être assez longues pour que cinq enfants puissent se placer de chaque côté. Elles portent des carreaux peints de la grandeur des cubes. Cependant, pour toutes les occupations qui demandent la coopération et les explications de l'institutrice, il sera avantageux, si l'espace le permet, de ne placer les enfants que d'un côté de la table, pour que tous ils aient les yeux sur l'institutrice. Entre les tables il y a un espace de 90 centimètres, dont 50 sont occupés par la largeur de deux bancs. Quand les deux bancs voisins sont placés l'un à côté de l'autre, ils laissent autour de chaque table un espace de 50 centimètres pour la circulation. Lorsqu'il fuit beau, les tables sont transportées à l'ombre dans la cour. Dans les salles a et' b on peut placer contre les murs des armoires vitrées : 1° pour y enfermer les matériaux des jeux et des occupations, 2° pour y conserver les ouvrages des enfants, 5° pour y réunir une espèce de petit musée d'histoire naturelle. La direction et la surveillance des occupations se fait, d'après notre plan, par une institutrice pour 40 élèves; elle peut, au besoin, se faire assister par une monitrice pour chaque table.
�— 193 — Une légère augmentation d'élèves n'exigerait pas une augmentation de personnel. Les salles doivent être bien aérées ; il doit y régner un ordre et une propreté irréprochables. Les enfants se chargent eux-mêmes de l'entretien de l'ordre et de la propreté dans les petites choses: les uns nettoient les tables, les autres ont soin des boîtes, d'autres encore s'occupent des ardoises, etc., car il ne suffît pas que tout ce que l'enfant voit autour de lui ait un cachet d'ordre et de propreté, il doit s'habituer à pratiquer ces vertus lui-même.
LA COUR.
La cour sert aux exercices gymnastiques. C'est autour de la pelousetque les enfants peuvent former les grands cercles. Les plantations qui entourent la cour y projettent l'ombre nécessaire pour les jeux pendant les jours brûlants de l'été. On peut établir de chaque côté un préau couvert qui, longeant le bâtiment, donne une communication couverte pour les lieux d'aisance.
LE JARDIN.
Mais pourquoi Froebel veut-il que le jardin fasse partie de son institution? Les cours ne remplissent elles pas le même but? 11 est vrai que l'enfant exécute ses jeux gymnastiques dans la cour ; qu'il respire dans la cour l'air pur nécessaire à sa santé; mais le jardin doit combler une autre lacune. Froebel a admis en principe que Von doit autant que possible mettre en rapnort direct avec l'enfant tout ce quon vent lui enseigner. Voyez ses occupations plastiques, voyez ses jeux, par lesquels il introduit si habilement dans la vie de l'enfant, les éléments de toutes les connaissances qu'il désire que celui-ci acquière : c'est l'application du même principe. Or, Froebel veut un jardin, pour l'enseignement de l'histoire naturelle, parce qu'il peut mettre là sous les yeux de l'enfant, le tableau vivant de la nature elle-même; il veut un jardin pour initier ses élèves à la culture et à la botanique, parce que la pratique de ces sciences ne saurait s'enseigner que par la pratique ; il veut un jardin pour donner aux enfants les éléments de la géographie et de la géologie, parce que là il peut leur montrer en petit
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ce qui doit se comprendre en grand, ce qui doit s'étendre au monde entier; enfin, Froebel veut un jardin pour le développement du sentiment religieux, parce que c'est dans la nature qu'il peut le mieux s'approcher de l'Etre suprême. La nature est la révélation éternelle du Créateur! C'est là que l'enfant apprend à admirer la grandeur de Dieu! C'est là qu'il rencontre surtout les marques de l'éternelle bonté, de la sagesse infinie du ToutPuissant! Indépendamment de ces raisons,il en est une autre non moins importante pour justifier le travail au jardin dans l'éducation de l'enfance : « L'homme, l'enfant, membre de la société humaine ne doit pas seulement être traité comme tel; il faut encore qu'il aprenne à se connaître luimême comme partie d'un ensemble plus grand et qu'il s'habitue à agir en conséquence!» — En vain,chercherions-nous un endroit où les vertus sociales s'enseignent mieux, où elles s'unissent plus intimement à la vie de l'enfant que dans les jardins de Froebel. L'enfant y vit de la vie réelle. Il y trouve ses petits concitoyens, ses autorités, ses lois! L'amour fraternel, le secours mutuel, les sentiments de l'humanité, le respect des autorités et des lois sont autant de préceptes que la pratique y grave dans sa vie. L'enfant trop faible est assisté par les plus forts; si l'un deux tombe malade, son petit jardin est soigné par ses camarades. L'enfant qui fait une récolte dans son jardin l'ait des cadeaux à ses parents, à ses amis, ou bien il dispose de son produit pour une œuvre de bienfaisance ! Les conséquences de l'ordre troublé n'atteignent que celui qui est cause du désordre: il est exclu des occupations de la commune et il apprend ainsi que, pour jouir des avantages de la société, il faut avant tout remplir ses devoirs à son égard. Quoique le jardin ne soit pas tout à fait indispensable, on peut donc dire qu'il forme l'une des dépendances les plus importantes de l'institution de Froebel. Une partie du jardin est partagée entre les enfants et forme les jardins particuliers (j). L'autre partie est cultivée par la communauté, c'est le jardin commun(k). Les jardins particuliers sont entourés du jardin commun, comme pour indiquer aux enfants que la propriété individuelle est sous la protection, sous la garde de la commune !
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Les jardins particuliers sont des carrés longs de la contenance d'un mètre carré. Au besoin deux enfants peuvent se contenter d'un même parterre. Les plates bandes des plus petits élèves se trouvent entre celles des grands, pour faciliter l'assistance mutuelle. Les parcelles des premiers peuvent être diminuées au bénéfice des seconds. Le jardin commun occupe, dans notre plan, environ 100 mètres carrés. A l'exception du grand chemin, qui a deux mètres de largeur, les voies de communication se divisent en principales et secondaires. Les premières ont un mètre de largeur, les autres 50 à 40 centimètres. Les enfants sèment et plantent dans leurs parcelles ce qu'ils veulent; ils agissent avec leurs plantations et avec leur terrain, comme bon leur semble; ils éprouvent ainsi eux-mêmes les suites de ce qu'ils font et de ce qu'ils négligent de faire. La manière de soigner et de cultiver les plantes leur est enseignée au jardin commun. Ce jardin est affecté en partie au jardinage et en partie à l'agriculture. Le jardinage comprend la culture des légumes et des fleurs. L'agriculture, celle des grains, des tubercules, des fourrages, des plantes oléagineuses, etc.— Une partie est réservée à l'horticulture. En même temps que les enfants apprennent à connaître les plantes, on leur fait distinguer la semence. La graine est recueillie en été et en automne, et enfermée dans de petites boîtes en carton, faites par les élèves. Chaque enfant est responsable de l'ordre et de la propreté de son parterre. L'ordre et la propreté du jardin commun sont entretenus par tous les enfants ou bien par un certain nombre d'entre eux, qui ont, à cet effet, des jours fixes, par exemple, le mercredi et le samedi après-midi. Chaque plante porte son nom sur une petite planchette. C'est un moyen de faire sentir à l'enfant la nécessité de savoir lire et d'exciter en lui le désir de s'occuper de la lecture. Chaque jardin particulier porte le nom de son petit propriétaire, qui assume aiusi toute la responsabilité des travaux qui y sont exécutés.
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PROGRAMME DES OCCUPATIONS SU JARDIN D'ENFANTS.
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PREMIÈRE CLASSE (Enfants de 6 à 8 ans).
DEUXIÈME CLASSE (Enfants de 4 à 6 ans).
TROISIÈME CLASSE (Enfants de
2
à 4 ans).
Enseignement religieux, — causeries et récits. Jeux et exercices gymnastiques (1). Jardinage. Jeu de balle. Les Imites d'architecture (5e et 6e).
Causeries religieuses, chants Causeries religieuses, chants] sacrés. saciés. Jeux gxmnastiques. Jeux gjmnasliques. Jardinage (2) Jeu de balle. tSoule, cube, cylindre, cube divisé (les quatre premiers dons). Les planchettes (carrés et| triangles).
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Jardinage. Jeu de balle. Les boîtes (suite du 3° et du 4e, et commencement du 5° et du 6«doi). Les planchettes (suite des Les planchettes (suite de* triangles). Iriangles). Les lattes (inventions libres). L'entrelacement des lattes. Les petits bâtons (inventions Les petits bâtons (suite). et calcul). Le modelage en terre glaise Commencement (lu modelage Commencement des ouvrages. Les ouvrages en pois. en pois. Le tissage (dessins inventés). Le tissage (suite). Le pliage (inveniions el expli- Le pliage (suite). cations géométriques). L'entrelacement de papier. Le découpage (école). Le découpage (inventions). Le piquage. Le piquage (inventions). Le dessin linéaire (suite). Le dessin linéaire (suite). La botanique (causeries). L'histoire naturelle (causeras). L'histoire universelle (causeries sur la vie et les re ations de i'et,fant à cet âge.
Les petits bâtons.
Le tissage. Le pliage (commencement).
La botanique (causeries). L'histoire naturelle (cause ries). L'histoire universelle (causeries sur la vie et les relations de l'entant à cet âge — première idée de la société. 20 Géographie (promenadesdans les champs, description du jardin, etc.) La lecture.
Le dessin linéaire (simples] I giïes). La botanique (causeries). L'histoire naturelle (causeries). L'histoire universelle (causeries sur la vie et les relations de l'enfant à ce( âge.
Piquer, dessiner, poser des lettres.
Le calcul (boîtes mathématiques, uuUlsLâluus, cubes Calcul (petits bâtons, cubes). eic.
(1) Nous indiquons ici, une fois pour toutes celles où il est parlé de causeries et de jeux, dans ce tableau, que ces Jeux et causeries douent êlre en rapport avec Tûge et l'aptitude des élèves. (3) Les élèves les plus âgés assistent ceux-ci dans ce travail.
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�INTRODUCTION DE LA: MÉTHODE FROEBEL
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LES
SALLES D'ASILE ET LES ECOLES GARDIENNES;.
Si nous préconisons l'établissement des jardins d'enfants, nous ne demandons pas la suppression ni le bouleversement de nos institutions pédagogiques actuelles. Cependant, on pourrait y introduire la nouvelle méthode allemande. Personne n'en contestera l'utilité. Les directrices de nos salles d'aile cl des écoles gardiennes s'empareront volontiers des moyens efficaces que Froebel leur offre pour occuper les petits enfants d'une manière utile: et agréable, tout en maintenant parmi eux le bon ordre, sans celte discipline sé\ère et forcée si opposée à leur naturel ! Que les imperfections du matériel de leurs établissements ne les arrêtent pas : l.ejiirdin, d'abord, n'est pas indispensable; quelques plantes cultivées dans des bacs peinent le leinplaerr. Les animaux peuvent ère représentés par des fi.ures. I! n'y aura qu'a remplacer par des iab'es et des bancs, le gradin, ce banc d'ennui ei de supplice pour le jeune élie à qui le Créateur a donné le besoin de l'occupation et de la \ie 1
�CONSEILS A LA DlÈCTRICE
JARDIN D'ENFANTS.
Le jardin d'enfants est le complément de l'éducaiibn de famille. Vous, femme qui vous êtes chargée de la direction de celte institution si utile à la jeunesse, pensez que vous remplacez la mère ! et qu'en prenant ce rôle, vous en avez assumé toute la responsabilité. Pénétrée de l'importance dé celte hante mission, vous vous inspirerez de cet amour, de celle abnégation qui sont dans la nature de la mère, et qui seuls peuvent vous soutenir dans voire pénible mais noble lâche. Vous continuez, vous complétez l'œuvre commencée par la mère, en développant d'une manière harmonique les facultés physiques, morales èt intellectuelles de l'enfant. Froebel vous en donne les moyens; suivez ses conseils, et au besoin suppléez-y par votre tact et voire bonne volonté. Parmi les nombreux préceptes du pédagogue allemand, nous appelons surtout votre attention sur ce qu'il dit de la discipline et de 1 hygiène.
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1.
LA DISCIPLINE.
La discipline peut-elle cxisler dans celle contrainte militaire qu'on renconlrc dans bien des écoles et dans la plupart de nos salles d'asile? Evidemment non. Les mouvements, chez l'enfant, sont commandés par la nature. Ses jeux sont des effets de l'activité simultanée du corps et de l'âme. Celle activité est un besoin inné, et la première condition du développement. Vouloir arrêter celte action salutaire, tenir l'enfant dans une passivité complète, ce serait lutter à tort contre la nature, ce serait retrancher et fermer à l'enfant la source la plus précieuse de son bien-être. Lui donner une activité forcée, le faire marcher et sauter comme un polichinelle qui obéit à son cordon, ce serait rebuter l'activité de l'âme, et donner à l'enfant celle habitude funeste d'obéir machinalement à la volonté des autres, au mépris même des propres sentiments. Outre que ce seraient là des procédés contraires à la nature enfantine et préjudiciables à son développement, ce seraient encore des mesures disciplinaires bien insuffisantes, parce que tous les caractères ne les souffriraient pas. La discipline ne doit pas contraindre, elle doit guider l'activité de l'enfant dans les voies du bien. L'enfant doit agir librement sous l'impulsion de sa propre volonté. Cependant, bien des personnes se figurent difficilement, dans une réunion d'enfants, l'alliance du bon ordre et de l'activité libre et spontanée. Et pourtant, au jardin d'enfants celte union doit cxisler. Il est vrai que, entièrement abandonnés à eux-mêmes les enfants ne s'entendent pas toujours dans le choix de leurs jeux; mais ici, la véritable jardinière d'enfants apparaît : elle dirige les enfants, les domine par son amour, par son entrait) ; sa gaité,son activité, donnent l'impulsion à leur volonté et leur fait désirer ce qu'e//e veut qu'ils fassent. C'est l'art de gouverner les enfants. La volonté de l'institutrice doit passer dans chaque enfant et donner à la communauté le même élan, un élan unique qui garantit l'ordre. Pour ce faire, il ne faut pas une capacité extraordinaire : un peu de lact pour suivre et pratiquer les conseils et les procédés de Froebel suffit à l'institutrice.
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S'il arrive que l'on rencontre dans le nombre un enfant obstiné, il faut le punir; le punir de telle sorte qu'il souffre lui-même toutes les suites de son obstination : on l'exclut du jeu ou de l'occupation qu'il a troublés, et si on voit en lui un danger pour la petite société, on le renvoie du jardin. L'exclusion temporaire est d'un effet très-efficace. Les enfants aiment trop le jardin d'enfants pour y rester indifférents. Nous avons ici des exemples où les enfants prient leurs parents de les conduire dans ces établissements aussi le dimanche et les jours de congé. Riais si vous voulez être obéi promptement lorsque vous devez l'être, ne menacez jamais, punissez; ne retirez jamais une punition justement donnée, sinon après satisfaction donnée par le repentir; ne faites aucune défense car la défense est une tentation à la désobéissance : faites comprendre que pour leur bien, pour le bien de la commune, ils ne doivent plus recommencer telle ou telle mauvaise action qu'ils ont une fois commise. Quant aux récompenses, les enfants ne sauraienten trouverde plus grande que leur propre amusement, la satisfaction de leurs maîtresses et de leurs parents, le contentement de faire plaisir aux autres, de leur faire des cadeaux, de les assister, etc.
2.
L'HYGIÈNE.
Les salles doivent être bien aérées. Établissez des courants d'air aussitôt après la sortie des enfants. Entretenez une propreté irréprochable dans les salles et gardez y la température moyenne à 14 ou 15 degrés centigrades. Que la même propreté règne parmi les élèves Ne les fatiguez pas par les exercices gymnastiques; accordez du repos à ceux qui seraient trop faibles pour faire tous les travaux auxquels se livrent les enfants robustes. Ayez soin qu'ils ne soient pas exposés à se refroidir subitement après un exercice qui leur a fait avoir bien chaud ; tenez-les en mouvement et ne les laissez boire rien de froid. Ne les laissez pas s'asseoir sous un soleil trop ardent.
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Ne les tenez pas enfermés pendant l'hiver : prenez des précautions pour que leurs pieds ne soient pas mouillés, et laissez ensuite ceux qui sont bien portants jouer au préau couvert, courir au jardin, travailler dans la neige, etc. Ne les laissez pas trop longtemps dans la même position. Habituez les petits enfants à s'endormir pendantcerlaiues heures du jour; ne contraignez pas au sommeil celui qui n'est pas disposé à dormir, et n'empêchez pas celui qui s'endort pendant les occupations.
�MÉTHODE DE LECTURE
•(«NîPRX» i. LA M-ÉTHGDË FRQiïBÉL.)
M. de Coster, ancien directeur de l'école normale de Lierre, a publié, en langue flamande, une méthode de lecture basée sur les principes psychologiques du Dr Beneke. Celle méthode, qui consacre aussi le principe de fixer rallenlion par l'occupation manuelle, nous paraît assez conforme à l'idée de Froebel pour être recommandée dans son école préparatoire. C'est ce qui nous a engagé à donner ici un cours de lecture française d'après de Coster (1). 1.
I, u, o, e, a.
Ces cinq voyelles doivent être enseignées une à une dans l'ordre où nous les donnons, parce que dans cet ordre elles sont plus faciles à écrire. Voici comment on procède: L'instituteur est à la planche noire; les enfants ont devant eux une ardoise et une louche ; ils se tiennent les bras étendus sur la table et regardent l'instituteur, qui dit d'une manière bien distincte la lettre qu'il veut leur enseigner. Les élèves répètent simultanément et séparément le son qui leur est dicté. Le son connu, on passe à la forme. L'instituteur la dessine sur la planche noire, tandis qu'il invite les enfants à bien voir comment il fait. Il (1) L'auteur a publié des livrets de lecture dans lesquels cette méthode est appliquée.
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fait la même lettre plus grande et plus petite, afin de fixer l'attention sur la forme seule ; chaque fois qu'il a écrit la lettre, il la fait nommer pour unir de cette manière dans l'esprit de l'enfant la perception du soi et de la forme. Enfin, il permet aux enfants de prendre leurs louches et de reproduire la lettre sur l'ardoise ; la lettre écrile est prononcée. .
», t, f, p, r, in, I, n, v, d, 1», ch, j, h, e, g, z, x, qu, ph, gu, gn, 111. Ces lettres sont enseignées de la même manière que les précédentes, et avec elles commencent les lectures. Chaque fois que l'on a enseigné une nouvelle consonne, on la fait combiner avec les cinq voyelles déjà connues, dans le sens de : consonnevoyelle. On procède de la manière suivante : L'instituteur écrit à la planche noire, sur une ligne, et il fait prononcer par les élèves : a, e, i, o, u, Il place la consonne au commencement d'une deuxième ligne : s il fait d'abord la combinaison des sons (se tournant vers les élèves): Ecoutez, mes enfants, s et a font sa. Dites, que font ensemble s et a? — sa ; — s et e ? — se ; — sel/? — si; s et o ? — so ; s et n? — su. Je vais écrire cescombinaisons sur la planche; vous lirez: sa, se, si, so, su. L'instituteur fait lire en tous sens les syllabes écrites, puis il les dicte à ses élèves, qui les écrivent sur l'ardoise pendant qu'ils les épelfént. On suit la même marche pour toutes les consonnes. Pour éviter tou;e lecture machinale on intervertit l'ordre des voyelles. Les combinaisons déjà apprises doivent, autanlque possible, être répétées tous les jours.
�Pour encourager les élèves, on peut leur phrases qui ne contiennent que les syllabes Arrivé aux lettres v, d, b, j, z, on a soin celles qui ont avec elles quelque analogie de raison ; par exemple :
dicter et faire lire de petites qu'ils ont déjà apprises. de les placer souvent à côté de son, afin de faciliter la compa-
vi, de, ba, ju, zo. fi, te, pa, chu, so. 3 é, è, ê, î, ô, û, à, â. Pour l'enseignement de ces voyelles on ne doit pas attendre jusqu'à ce que toutes les consonnes précédentes soient connues. Les lettres î, ô, ù, à, â, n'exigent qu'une simple observation, qu'on peut même passer sous silence dans le commencement. Quant aux différentes sortes d'e, on les met en regard et on fait observer leur différence. 4 ou, en, oi, ui, au, ai, an, in, on, un. Ces sortes de voyelles sont enseignées comme les précédentes. On les prend une à une et on fait faire avec elles les combinaisons: consonnevoyelle. Beaucoup de lectures et de récapitulations. 5 y, — eeu, — ei, — eau, — a m, en, cm, — um, — om, — aln, eln, aini, cim, yn, ym. Les sons que représentent ces lettres sontcomparés avec ceux des§§ 1 et4. 11 y a deux i: i et y; deux eu: eu et œu ; deux au : au et eau; quatre an: an, am, en, em, etc. Il faut un grand nombre d'exercices pour habituer les enfants à la lecture de ces sortes de voyelles. 26
�— 206 —
6
lé, iè, ia, io, iu, ien, ion, iai, ian, ian, Ion, Sun, iet, iez, 1er, uin, net, nez, ncr, oui, oiu, ien.
On fait observer ici qu'il y a réunion de deux sons: z -f- e = ié; i -\-a =
ia; elc.
Pour le reste, les mêmes exercices qu'aux §§ précédents : à la planche et sur l'ardoise ainsi que dans le livre. 7
for, pr, vr, ffr, phr, dr, tr, tfor, gr, cr, clir, — fol, pl, vl, il, phi, si, gl, ci, chl, — mm, sfo, sp, sv, sf, st, se, scli, — spr, spl, str, scr, sel.
Le point capital ici, c'est de bien faire prononcer les doubles consonnes. Nous prenons d'abord, pour la facilité, celles qui ont des éléments communs. De fréquentes récapitulations doivent suivre ces exercices.
8
COMBINAISONS : VOYELLE-CONSONNE.
fo, p, d, t, f, r, 1, », g, c, x a a», ap, ad, af, ar, al, as, ag, ac, ai e efo, ep, etc. i o u on
etc. On fait faire toutes les combinaisons possibles ; celles qui n'existent pas dans la langue sont passées sous silence. Les procédés comme au § 2.
�— 207 — 9
CONSONNE-VOYELLE-CONSONNE.
Les mêmes consonnes finales sont ajoutées à d'autres combinaisons : foa — bac, vol, — voir, poi, — poil, cha — char, clai — clair gre — grec, zin, zinc, etc. 10 d, t, p, s, x, comme lettres finales d'un mot. Faire remarquer que ces lettres ne se prononcent pas à la fin des mots, à moins qu'elles ne se trouvent devant une voyelle : bond = bon; chat = cha; camp = cam ; pas = pa; creux = creu; etc. Les autres difficultés, ainsi que les exceptions, sont enseignées à mesure qu'elles se présentent dans les lectures. Cependant, pour terminer, nous le répétons, donnez vos exercices à la planche noire et faites toujours travailler les élèves sur l'ardoise; leur propre travail fixe l'attention et assure le succès.
I
��TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
PRÉFACE . . . . . _ . • , . * "'. . . > . . .
5 9 13 39 33 37
NOTICE SUR IA VIE DE FROEBEL INTRODUCTION LES CAUSERIES DE LA MÈRE
1. Les pilons du moulin 2. La girouette 3. Le faucheur 5. Le coucher
JEUX : SOLIDES.
.
,
.
.
59 41 43 4S 35 67 77 8b' 95 97
i. Le nid d'oiseau
Le premier don. — La balle Le deuxième don. — Boule, cube et cylindre Le troisième don. — Le cube divisé en huit cubes Le quatrième don. — Le cube divisé en huit briques Le cinquième don. — Le cube divisé en vingt-sept cubes » Les cubes dans l'enseignement du calcul Le sixième don. — Le cube divisé en vingt-sept briques
�— 210 —
Pages.
SURFACES.
Le carré.
.
.
.
.
,
.
.
.
...
.
,
,
101 103 HO
Le triangle rectangle isocèle Le triangle équilatéral Le triangle obtusangle . Le triangle rectangle scalène Les boites mathématiques
LIGNES. L'entrelacement
.
.
.
• , . .
H5 114 HS
des lattes
.
,
.
.
,
.
.
122 123
Les petits bâtons » Les courbes Le modelage Ouvrages en pois
OCCUPATIONS MANUELLES.
Exercices de calcul . . . .
. .
. .
. .
.
.
'
. . .
. .
. .
. .
150
....
135
137
141
Le tissage Le pliage L'entrelacement Le découpage Le piquage Le dessin linéaire
LES JEUX GTMNASTIQUES
145 149 189 161 165 167 173
1. Le paysan.
.
.
.
vigHp.'
.
.
...
.
.
.
.
, 174 176 178 179
II. Les couronnes III. Le colombier IV. Marche gymnastique
ArPLICiTION DE LA MÉTHODE DE FROEBEL.
Application de la méthode de Froebel à l'enseignement de la géographie.
.
.
. .
180 181 185
Introduction des mesures métriques dans les matériaux de la méthode de Froebel.
LE JARDIN D'ENFANTS COMME ÉCOLE PRÉPARATOIRE
. L'enseignement religieux La lecture et l'écriture La calligraphie . L'histoire naturelle. La géographie . L'histoire En général
ÉTABLISSEMENT DES JARDINS D'ENFANTS. . . .... . ... • . . .
•
» 187
, . . . .
1
.
.
.
.
188 » 189 » 190
. '
.
'
.
.
....
.
»
�— 211 —
Pages.
DESCRIPTION DES DÉTAILS.
Les salles La cour Le Jardin Programme des occupations du jardin d'enfants Distribution d'une journée au jardin d'enfants
INTRODUCTION DE LA MÉTHODE CONSEILS A FROEBEL
192 193 193 1C6
197
dans les salles d'asile et les écoles gardiennes .
...
.
198
199
LA DIRECTRICE DU JARDIN D'ENFANTS
1. La discipline 2..L'hygiène .
.
.
.
. ".
.. .
.
.
.
. .
. .
. .
.
. .
. •
. .
200 201' 203
...
Annexe: Méthode de lecture
.......
....
�LE JEU DE LA BALLE! (I)
f>-—E
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1 J • jiji JU-j^i
JtZ f VF f sfbieuar-ron di - e.
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propre-te (raîment elle va- cil-le, Et de
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?dud, hal le enfant,Connueel-le remonte et dese 1
X- -1 I -. _ _JT. bal-le va ve - ' nir
' • la main doit s'ou-vrir, T „ La
Quand 1A 5.
g" ? ' ?Txr g
tnatn se 1er-me, la
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balle gra^-ci -
Se
PP un moment; Ma repose
j* j1 i J"? '
6.
i
j J> J-J>—ri'
ber ce molle - - meut
in main Jxm -le jor - eu - se IÂ
ce, Ouaudmonm-asleber-ee bal-le je mex-er-ee, Ouand monte-as le ber-ee * berce
berce
La
bal-lé
se pro -niè-ne,
Quand ta maruia
mène,
tamaiala
mène,
Et près decba<pieenfentSai*-ré te 'en pas saut
8
La
balle aime à
TÔT-a
- ger Et
dendrortvi - te
changer
/'/y dfusique de Norbert KOÏÏL .adaptée aux paroles françaises par M.RJ.RUELEWS.
�V^oi -ci
£. g
quelle wy - a - ge
g g E
f-—g g—Tr. Jiu près
Se-Ion son u - sa-ge, Et
g ' r ^-g~^:t:r^f3=£j
m
JO
"U
de chaque eu - faut!
farrèté en pas-saut 2: > J*>
I ~I "ï 1 "
Vo - le bal.-le
rayon - liante
3: f=g=f Et re tomsue dans ma main
Fendant <nie niA voir te cliaiite Ma - ne est en voy - a
* ' g V, ? Mou vif el jo-y-eins re - fi'aûi
ïï"e, o
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son
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sa - «ié, Ili - sant
à chaque en-fantTTn bon-jour en pas sant.
Ru de - ça, au de-la,
an
de--là,"
nia bal- le
1. i
bon - dit le gai - ment, a'ai-ment mon enaut r<» balle Oi ai'-niaM - le, ten ~ht,
vole dans les
cieux;
l'endanl que je
chan - le
Mou re-fraiu joj - eux" foi
Pendant que re
cban - te
Moni«e-fraj.n roy - eux.
1,« baiîear - ri -ve,c'est a-mutant,Klle Lûurnee^tnoatanilesfeet
vi v
�En
haut, en
ha s ; p*ar - ei par çi,
par - la;
rj
i -
ci,
nrer-ei
n.
Dans lés-pa- ce
fU-le ira ce
~% f y ""T
son chemin;
f'
Ou la
Ira-que
^4
la rattra pe 18.. Soj les bieuve- nu - es; haï - les dontles cou-leurs, à la fhx; J?ui#la lau-ce A distance de la main.
P—P~
sil-lon-nant les sil-ion-nant
>i
nu - es, vont re-jouir
nos
coeurs.
0
Me
halles
é-cïa- tan - tes (Jue
vous e-tes char - man-les,
lez-vous a J7.
r
r
.s.
nos jeux, Me - lez-vous a nos
chant s joy -eux.
FÎT
Ahi robe est dunbeau bleu da-zur
Et la mienne estdunvert très
pur..
Je crois la ro-se-mou e - ga- le,
LA VI-O
- Jette e^t ma ri - va-te,
J'ai moi la cou-leur
du
so - leil
Oui
but
de
son
e
clat ver-xneil.
Ha
robe
est toute ar- den
te
(om
- me
U
~r 1 ef - - bu -Ice TT¥ g p - lan flamme
te.
�4—
4
La .bail? sen va.
vers 13:
loj
Puis ël-le vient à
moi; 2z
vers
toi, a mojyers toi
f
boulant se-Ion
noire loi,
a
TIK H
, vers toi.
La 20.
bal - le rebondit gai - ment, Quand on la jet - te
for - ïe-umÀ.
Ouand onlaneeà terre
nia bal" le si - che-re. illle (ait
un saut
ho, ho , boipubnJa relance, Elle se lance en - cor plus haut,
ho, ho, ho!
2/ff'*afif ïilc*. zaec, avance" et re - eu le; Jïc, ' tac, lie, tac, Ces! là le 1pendule. c \? o o K * .K
Coli tre le-murlan : cee en nn, la bal le rclourne Pou rqu elle bon - disse, pu'ou la jette au
en
ma main
mur, Puis «pion la saisis- se,
nuncouppramplcl
sur.
Hopprend £^rde, h op.'regarde;
Ne va pas îoinberlà
2à.
Comme une eau. qiiipure se-coule, ■ Mt .." . . ■ . 'I J^r-i^V* .
; 1
Ain - si
m a balle rou - le
25.
' . - J . T ' (oraine un ruis seau. lim-pi
1 J - de. la 1. 41 est très v« ni- Y balle t N ..h. -jj. -4
1 1 •
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JL
Au des-STis
du-ne
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saule bai - If sau le
le
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H»p ve nez voir,
San - ter"
mon clie -va
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noir
28.
flopîhop! au de-là du ra-vm, M OM cheval a s au té soudain,
Mais il 29.
Au
a
pleua
de prn-den - ce,
Bien cal - eu - le
sïanee, ladis
temps de La
belle saison, je mène m on gentil mouton, fl eu
reuxà faire en -vi - - e,
jou- er dans la
prai - ri-
Je conduis m on !b eau cluen monheaueiuen
en lais -
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- courentdausïa plai - ne pour-mangerîa b<onne £rai - - rie, -f?
Pi pi pi pjc.
pi pi pi pie. Et puis rempli di - vre s se Bien vi-tëchacun sem .presse De
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GYMNASTÏQUES. i
LE PAYS A \
Musique de M!" R..T. RDELETCS.
Paroles de M™ RUKI.KXS.
flouisa STA1?PAEBTS.)
Allegretto.
SE
Coin -ment fait le Com-ment fait le pa - y - sari) ■pa - y - san In tra-vafl-lant En tra-vail-lant Quand les é - pis Quand il a quit ren-trédans sa dans la plai - ne dans la plai - ne par cen - tai - nés - té la pliï - ne mai - son-net - te,
Com ment dort le
fa-y - san
TEî
se don - nant
de
la pci - ne,
Quand il
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mè 1 e fro le fro l>eau fro bon fro Tou-ra -
■nt 1 ? ? ? ?.
Sou-vent sans re - prendre ha-lei - ne, Sous la faux jon - client les plai - nés, Et que la àranp est bien plei - ne. An fond d'une lium - Me cou- chet - te
Chiand il fau- ciie Tour ren trer le Pour liât - tre le Sans re - dou • ter
Tient ment ment dan
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Com - ment fait Corn ment fait Corn-ment fait Com-meîit fait Com-ment dort le le le ie le san san san san san
comme il ? Voi a ? Voi là connue il ce qu'il ? Voi là là comme il ? Voi ? (-) U s'en - dort ain Légèrement.
l'ait fait fait fait si
vrai vrai vrai vrai vrai
ment ment ment ment ment
Ouand il Ouand il Pour ren Pour tat le coeur
sè-me fau-ehe trer le tre le pai sible
le le beau bon et
fro fro fro fro con
- ment. - ment. - ment. - ment, - tent.
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Paroles de M'!e
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CHEVALLIER.
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LES COURONNÉS;
Temps de Marche
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u - nis, jeu-nes nos jeux, Tour être
a - mis,Car heu - reux ii
èm - liel -lit de l'u-nion,
Toujours la De la ten
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l'iiar-mo-ni faut sans ces - se
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ModeraLo.
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Rose : Violette: Lis: Chêne• ,Res ,Res Ai Sym Nous A -
�LA GIROUETTE.
Paroles de Mme rUIELENS. Vivace ( -69 )
Musique de W. R.J.RllELENS.
Et
Corn-me, le Coq sur le rio cher se tourne et sein - nie.
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pen - cher
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vent qui
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£en-tfl-ie
pe^ - ti - te
mrtin.
N?3.
Allegret to ( J---80.)
RFAUCHEUR
Musique de
M.
Norbert KOHL.
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i'sep-r? va. «ai Pour
m
ne sans
fleu-rt - e ;
11
conduit par
ses
rhe-vaujt,"
1, lier ne
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iux bes-ti-aux.
llo - se trait la-
bon - ne
vâ-che ,
Qui nous don-ne
-*—^
re - la - eh© Le "bonbeurreet le doux lait, Dont la ten-dre
t me — re fait
La rxniil-lie
ei
nuis
la cre
me ■
Pour le
sa de
-ii
�fn ut qu'elle ai-me!
La bouillie
e*t
puis
la V
crè - nie
pour le
safie
en
: K V
é
l'anl qu'elle ni-nie!
. Pierre qui,dans
la
prairi -e
- lie Henri -
P
,
Her-ci bien pour
tes tra-vaux;
Grand
mer-ci
pour
Sa 0 F?
ins
CM
-vaux ;
.Mer-r
Ho - s se
"pour
sa
tà-che,
Pour
RÔTI
lait
la-
bon - ne
va che> Pour tes soihs,Ma-lnanmer-ci
y
3Bl. ■pouf^toiitBjeu,
sois
bc -.ni'!
N?4.
LE
NID
J)1 01 SE Al
Musique de
Paroles de M"!1, KUEIENS. Andantino (J=76) ' i-ouisa STAPPAERTS.)
in:
W R.JiRUELENS.
T
sous Vom.
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La li - riotte au doux ra ma - 5e, Tres-s! son nid - bra- Jîe Puis y
r ■ ÎA' (
. mit deux oi _ seaux
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ti - rent
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pi, pi
Deux ôcn-tils pe ôen-lils
- tits m - seau in seaux
])om la voix douce
Di - sait
pi, pi, pw; pïe,
pi,
pie!
Mè - re
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pie,
pi,
pi,
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Paroles de MeIle CHEVALIER. % > > ,
GYMNASTIQUE .
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Et te .nous droit tout le corps; ils des. cen. dent;
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One les ilenx liras Du vm.sin ïi faut fin. 3i
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J eu no us li - e
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Ounensoitaiii.siiïmisla vi.e
�'tf r sembloirs à la ro _ se ma. l>le vi - o . let . le 1)0 _ le din no . cen.ee, ai. mons la ver. du _ re la ver-te cou-ronné
f fff
sym..~bole de cai . 3eur, El. que sa fleuri*'- pe - se Sue iw.lre jeu . ne d.e ean Toi quifuis toute _ clat Pré . tenous:ô fleu - rel . te; Ton parfum de . li _ ai _• niable lis des champs,yiens orner noire 3uft. se Viens l'u.nir a. nos Par qui nous espé . rons Du ■cliène la pa . ru _ rc I - ci eem.dra nos Fous nousunissons tous, OueTespobiiatian.don.ne Ja.mais~au.cun de,
ffiff f
V
'ffT
5z cœur-, la la cat. chants. fronts, nous. la la la la la la la la
la la la la
rrr,
la
la la
Pi
la la. la' la la la., la la la la la la £t III. la
Paroles de MJMnUElMS.
Alleô? (J=8o.) (Louisa
JLE
COLOMBIER.
Musique de UT TU. ltl!ELE¥S.
STAfrAERTS.)
3E Quand jou.vre mon "beau Co.lora .lner,
^ JLetjerement.
ir. En _ vo.lez-vous J"
£^
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Iv soir re-vien_ flra
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�Chant d'entrée LA CLOCHE DU VILLAGE Paroles de MT.e RUELENS
(LouïsaSTAPPAERTS) Moderato
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Musique de M.P.J.RUELENS
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Au ma - tin quand tout s'é . _ veil JVous com.men _ ÇOJIS la jour - nè le tra-vail- é - _ Le - ve l'â Dieu donne k cha. cun sa ta le, /» lue, Dans son pe .4 ' - vec les '-H nous rend Dès le ma. _
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- Kt fleursj purs . _ Un
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Dans les Et dé Et de El l'horn près la -ja l'heure sa ai jne de
seau, nid* loi seaux, les oi et meil _ leurs, jusquJar soiry
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L'a-beil. le De nos pai . _ vient re - chauf . A res - pec _
sur .sz . fer ter
le cô . - teau. . Mes tra. -i vaux. tous les coeurs.
Eu Pap _ pe lant à l'on - vt-nàe pue le cré - - a _ £rar- st? - - prëme A . vec plai - &îv a l'é - tude Mais quel bruit dans l'air s'en vole
que met
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1* tra
ce
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tous nous
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le nos mes ce Sei «. oneur in . séants! a . - mis ; se - jourF
do La So . yonsj Un jour, C'est la.
che de bons pour de notre clo - che
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son qu'on ap de
nous ti
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la ai tu co
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la nos ra à)
_ Lou . peur. pa. - rente . le prix. son tour.
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CHANT DE DÉPART
Paroles de M"? RUELENS Musique de M.RJMELEM (Zouïsd STAPPAERTS) , \n<LtJfpoc»MoAt?
Voi- ci M jour, ne è, nM un de la jour ne _ e, Mon Bieuj Vous dont la. bien-fai.san, ce> Son tien puis, saut, vous qui .sans ce se,
La Clas. se amis,est Veil -le sur noire humblt Ve - nez ai - der no _
L • ' . ter.uii. né _ e, ex . is . ten _ tre fai . blés _ se,
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Ver« les toits de nos bons parents; Re . ce . vez nos chants et nos vœux j Ouvrant notre es .prit i no . tre coeur j
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Ren _ ionsnousPâ.me En
ré -Jou. i _ e, /ÎO/Mguidant sur cet _ A? A»r _ /Y, be' nissant vo . tre clé menée,
Et de leur ten _ (1res le t< ^WVT? . />•« //<w« 0 ifrVtf ftue de nos ramos tou
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Goû. tous en paix les Ce rnê nie cri mer
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La rou - te qui con . duil aux deux,
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G ou. tons en La rou - te Ce me _ me paix les qui con cri mer -
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ton - chants. aux jCieux. Sei . oneur.
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1|Préface |7
1|Notice sur le vie de Froebel |11
1|Introduction |15
1|Les causeries de la mère |31
2|1- Les Pilons du moulin |35
2|2- La girouette |40
2|3- Le faucheur |43
2|4- Le nid d'oiseau |46
2|5- Le coucher |48
1|Jeux: solides |50
2|Le premier don. La balle |50
2|Le deuxième don. Boule, cube et cylindre |60
2|Le troisième don. Le cube divisé en huit cubes |72
2|Le quatrième don. Le cube divisé en huit briques |82
2|Le cinquième don. Le cube divisé en vingt-sept cubes |90
2|Les cubes dans l'enseignement du calcul |100
2|Le sixième don. Le cube divisé en vingt-sept briques |102
1|Surfaces |106
2|Le carré |106
2|Le triangle rectange isocèle |108
2|Le triangle équilatéral |115
2|Le triangle obtusangle |118
2|Le triangle rectangle scalène |119
2|Les boîtes mathématiques |120
1|Lignes |127
2|L'entrelacement des lattes |127
2|Les petits bâtons |130
1|Exercices de calcul |135
1|Les courbes |140
1|Le modelage |142
1|Ouvrages en pois |146
1|Occupations manuelles |148
2|Le tissage |148
2|Le pliage |154
2|L'entrelacement |164
2|Le découpage |166
2|Le piquage |170
2|Le dessin linéaire |172
1|Les jeux gymnastiques |178
2|I: Le paysan |179
2|II: Les couronnes |181
2|III: Le colombier |183
2|IV: Marche gymnastique |184
1|Application de la méthode de Froebel |185
2|Application de la méthode de Froebelà l'enseignement de la géographie |185
2|Introduction des mesures métriques dans les matériaux de la méthode de Froebel |186
1|Le jardin d'enfants comme école préparatoire |190
2|La lecture et l'écriture |192
2|La calligraphie |193
2|L'histoire naturelle |193
2|La géographie |194
2|L'histoire |194
2|En général |195
1|Etablissement des jardins d'enfants |195
1|Description des détails |197
2|Les salles |197
2|La cours |198
2|Le jardin |198
2|Programme des occupations du jardin d'enfants |201
2|Distribution d'une journée au jardin d'enfants |202
1|Introduction de la méthode Froebel dans les salles d'asile et les écoles gardiennes |203
1|Conseil à la directrice du jardin d'enfants |204
2|La discipline |205
2|L'hygiène |206
1|Annexe: Méthode de lecture |208